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Raconterlavie.fr ou les métamorphoses du récit réaliste à l’ère du numérique Myriam LOBRY, lycée Diderot CARVIN, académie de Lille Niveaux et entrées du programme 2de, le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme Numérique et projet d’enseignement Supports exploités Différents groupements de texte Objectifs littéraires et culturels Découvrir l’esthétique réaliste et les formes de fiction dans lesquelles elle s’incarne du XVIIIe siècle aux écrivains contemporains. Travailler l’écriture d’invention par strates, faire de l’élève un « écrivain » conscient des enjeux de ses choix et un meilleur lecteur. Ressources numériques et outils informatiques mobilisés Ressources numériques et outils informatiques mobilisés : - le site Raconterlavie.fr, dossiers pédagogiques de la BNF, dictionnaires en ligne, bibliothèque en ligne - vidéoprojecteur, téléphones portables, traitement de texte et logiciel de correction, ENT, salle pupitre Compétences exercées Evaluation des compétences du socle commun - savoir situer les œuvres dans une époque et leur contexte - rechercher, recueillir et traiter l’information grâce à une pratique réfléchie des outils numériques - adapter sa parole à une situation de communication - faire preuve d’initiative, s’engager dans un projet individuel, s’intégrer et coopérer dans un projet collectif - améliorer les compétences d’expression écrite Les étapes du projet Plan du déroulement de la séquence pédagogique : 1 – découverte et approche critique du projet Raconter la vie pour problématiser les rapports entre fiction et vérité. 2 – lecture de Manon Lescaut accompagnée de la lecture d’extraits de textes réalistes et contemporains dans le but d’étudier la construction du récit de vie 3 – écriture en parallèle d’un récit de vie, en feuilletons : chaque épisode permettant d’adopter progressivement une écriture plus littéraire Pourquoi recourir au numérique ? A l’ère du numérique, la prolifération multiforme « des miroirs qui se promènent sur les grandes routes » tend au kaléidoscope où l’image se brouille. D’où l’idée, pour en tenir compte et renouveler l’étude de l’esthétique réaliste en classe de seconde, de prendre comme point de départ le projet de P. Rosanvallon. Contexte de l’activité

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Raconterlavie.fr ou les métamorphoses du récit réaliste àl’ère du numérique

Myriam LOBRY, lycée Diderot CARVIN, académie de Lille

Niveaux et entrées duprogramme

2de, le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme

Numérique et projetd’enseignement

Supports exploités Différents groupements de texte

Objectifs littéraires etculturels

Découvrir l’esthétique réaliste et les formes de fiction dans lesquelles elle s’incarnedu XVIIIe siècle aux écrivains contemporains.

Travailler l’écriture d’invention par strates, faire de l’élève un « écrivain » conscientdes enjeux de ses choix et un meilleur lecteur.

Ressources numériques etoutils informatiques

mobilisés

Ressources numériques et outils informatiques mobilisés :

- le site Raconterlavie.fr, dossiers pédagogiques de la BNF, dictionnaires en ligne,bibliothèque en ligne

- vidéoprojecteur, téléphones portables, traitement de texte et logiciel decorrection, ENT, salle pupitre

Compétences exercées

Evaluation des compétences du socle commun

- savoir situer les œuvres dans une époque et leur contexte

- rechercher, recueillir et traiter l’information grâce à une pratique réfléchie desoutils numériques

- adapter sa parole à une situation de communication

- faire preuve d’initiative, s’engager dans un projet individuel, s’intégrer et coopérerdans un projet collectif

- améliorer les compétences d’expression écrite

Les étapes du projet

Plan du déroulement de la séquence pédagogique :

1 – découverte et approche critique du projet Raconter la vie pour problématiserles rapports entre fiction et vérité.

2 – lecture de Manon Lescaut accompagnée de la lecture d’extraits de textesréalistes et contemporains dans le but d’étudier la construction du récit de vie

3 – écriture en parallèle d’un récit de vie, en feuilletons : chaque épisodepermettant d’adopter progressivement une écriture plus littéraire

Pourquoi recourir au numérique ?

A l’ère du numérique, la prolifération multiforme « des miroirs qui se promènent sur les grandes routes » tend aukaléidoscope où l’image se brouille. D’où l’idée, pour en tenir compte et renouveler l’étude de l’esthétique réalisteen classe de seconde, de prendre comme point de départ le projet de P. Rosanvallon.

Contexte de l’activité

« Rejoignez raconterlavie.fr, le roman vrai de la société française » : tel est le slogan publicitaire de la collection delivres et du site internet participatif lancés par P.Rosanvallon avec les éditions du Seuil. Arguant de la naturedémocratique du site et valorisant le « témoignage » qui restituerait le langage immédiat du vécu, PierreRosanvallon attend du site une représentation fidèle et adéquate de la société, et voit dans les récits qui y sontpubliés autant de voies nouvelles et plurielles de la connaissance du monde.Cette prétention étant très problématique d’un point de vue scientifique (l’écriture d’anonymes équivaut-elle l’artdes écrivains ?) et idéologique (la position politique de Rosanvallon n’étant pas neutre), nous nous proposons de ladiscuter avec les élèves à partir d’activités qui associeront la lecture de textes réalistes et contemporains et untravail d’écriture qui avancera à la manière d’un feuilleton : chaque épisode constituera une strate de l’écriture etsera publié sur un forum où les élèves pourront commenter leur production et celles de leurs camarades ; laréflexion et le travail menés sur la fiction grâce au numérique permettront d’enrichir progressivement le premierépisode pour aller vers une écriture qui exploitera les potentialités d’un récit multimodal, qui sera plus réfléchie dansses intentions, plus littéraire dans sa production. Ce travail permettra enfin d’engager avec les élèves une réflexionsur les usages sociétaux du numérique.

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1« Rejoignez raconterlavie.fr, le roman vrai de lasociété française »

Pour lancer la séquence, on se sert du site comme déclencheur, mais auparavant, on fait émerger lesreprésentations des élèves sur le genre romanesque en leur posant les questions suivantes : de quelsromans vous souvenez-vous ? Les avez-vous aimés ? Pourquoi ? Les réponses des élèves révèlent que cequi leur plaît dans le roman, c’est l’imaginaire et le divertissement qu’il leur procure. Cette activité estcomplétée par une étude étymologique des mots « roman » et « fiction ».

Analyser le slogan publicitaire

Après ces préliminaires, les élèves discernent aisément le caractère paradoxal du slogan publicitaire qu’ontrouve sur les ouvrages de la collection du Seuil « rejoignez raconterlavie.fr, le roman vrai de la sociétéfrançaise » et qu’on leur projette. Les élèves repèrent l’oxymore « roman vrai », ce qui permet de formulerla problématique de la séquence. Ils remarquent que la collection « Raconter la vie » est constituée à lafois de publications traditionnelles sur papier et de publications numériques : c’est une nouveauté mise enexergue dans le slogan publicitaire qui donne l‘adresse du site. Le récit connaît à l’ère du numérique desmétamorphoses : est-ce la raison qui autorise à parler d’un « roman vrai » ? On analyse également le nomde la collection et l’impératif « rejoignez ».

Lire le texte de présentation du Parlement des invisibles

On fait percevoir aux élèves le positionnement politique et la dimension éthique du titre de l’œuvre et dutexte qui la présente en quatrième de couverture. On met en perspective le texte avec l’analyse d’AndyWarhol sur le droit au « quinze minutes de célébrité » qui est désormais offert à chacun par le numérique.

Le bilan de la séance élaboré avec les élèves retient le caractère ambitieux du projet du Parlement desinvisibles et de la collection « Raconter la vie », qui s’explique par deux raisons : la nouveauté liée à ladimension numérique et la prétention d’atteindre la vérité. La deuxième séance sera l’occasion de revenirsur ces deux points.

Episode 1

Les élèves écrivent sous forme de récit la vie d’un de leurs proches ou d’une de leurs connaissances, puisde publier ce récit sur les forums créés à cette intention sur l’ENT. Les réserves de certains élèves amènentla classe à discuter des responsabilités liées à la publication.

Cette première écriture est laissée libre afin que les élèves puissent écrire de façon spontanée. Leur récitsera repris et retravaillé dans les épisodes suivants.

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2 Raconterlavie.fr, un pari ambitieux ? Les limites

1ère limite : la « nouveauté » ?

Afin que les élèves relativisent la nouveauté du site « Raconter la vie », on s’appuie sur un corpus d’extraits du XVIIIesiècle et de manifestes du XIXe siècle à partir desquels on dégage les caractéristiques de l’esthétique réaliste.(annexe 1)

2ème limite : raconter la vie.fr, le « roman vrai de la société française » ?Les élèves vont découvrir le site pour juger s’il atteint ou non à la vérité à laquelle il prétend.

la page d’accueil du site Raconter la vie.fr http://raconterlavie.fr/

Les élèves observent et analysent la page d’accueil du site puis sont invités à lire les récits de leur choix, et à discuterde leurs lectures. Ils sont sensibles à l’intérêt sociologique du site et leur lecture est empathique. Néanmoins, on leurfait remarquer que beaucoup d’auteurs emploient des pseudonymes, ce qui laisse planer un doute sur le contrat delecture testimonial qu’ils ont adopté. On leur montre alors en exemple les commentaires qui suivent l’un de cesrécits, le Travail est mon seul lien social :

http://raconterlavie.fr/recits/le-travail-est-mon-seul-lien/

La mise en récit implique toujours une fictionnalisation, même si on ne peut parler de fictions pures. Un peu déçusdans leurs attentes, les élèves changent d’approche et se placent alors sur un plan esthétique pour juger des récitslus. On les amène à s’interroger sur les causes de leur pauvreté littéraire : est-elle fortuite ? Tout le monde peut-ilêtre écrivain ?Les élèves établissent finalement un bilan assez critique du site :

Revenir à la littératurePour conclure, les élèves lisent un corpus (annexe 2) composé d’extraits de textes de Maupassant (« les réalistes detalent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes »), J.Gracq (« je ne sais pas ce que c’est que la vérité romanesque)et P.Michon (« inventer de toutes pièces quelque chose (c’est ça le « romanesque »), ça me semble trèsoutrecuidant ») qui révèle toute la complexité des relations entre roman et vérité : les auteurs ont une conscienceplus aiguë et plus fine des problèmes que pose la fiction et des obstacles qui se dressent devant eux pour parvenir àla vérité dans un roman. On justifie ainsi le retour aux récits littéraires pour trouver une vérité, puisque les limites dusite Raconter la vie ont été constatées. L’objectif est de mesurer les écarts entre l’écriture des auteurs et les textesdes anonymes. Les séances suivantes prendront l’exemple de l’écriture de Manon Lescaut qui est aussi un récit devie où se met déjà en place une esthétique réaliste. Le professeur publiera en feuilleton sur l’ENT les passages duroman à lire au fil des séances. L’œuvre de Prévost sera comparée avec des textes d’auteurs réalistes etcontemporains.

Episode 2 : première lecture et réactionsDans l’immédiat la séance se termine par l’épisode 2 qui poursuit le feuilleton : les élèves lisent un récit écrit parleurs camarades dans la classe et rédigent un commentaire sur leur lecture. Leurs commentaires témoignent surtoutde réactions affectives marquées par la compassion.

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3Commencer un récit de façon à créer l’illusion duvrai

Quelle construction narrative adopter pour créer une fiction qui semble vraie ? Pour faire comprendre l’importancede l’incipit et du dispositif narratif, on mène l’étude comparée des incipit de Manon Lescaut, de Bel-Ami et deL’Adversaire. On analyse les options retenues par les auteurs (la présence affirmée ou non du narrateur,l’encadrement du récit, l’installation du cadre spatio-temporel…) et la manière dont la fiction s’articule à la réalité.Un extrait de En lisant en écrivant apporte un éclairage sur la nature déterminante des choix mis en place dansl’incipit qui engagent toute la suite du récit.

Episode 3 : réécriture de l’incipitLes élèves retravaillent l’incipit de leur récit. Ils peuvent imiter les dispositifs des textes étudiés dans la séance 3 outrouver leur propre voie, mais doivent réfléchir à leur posture narrative et la justifier dans un paragraphe. Lesnouveaux commentaires sur les changements apportés montrent une première métamorphose des lecteurs quiévoluent vers des jugements plus esthétiques.

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4Créer un effet de réel par l’emploi de « détailsvrais »

Pour prolonger la réflexion des élèves sur la vérité dans la fiction, on lit la postface des Deux Amis de Bourbonne quiexplique le rôle du « détail vrai [qui] permet d’accréditer tout le reste. » Dans un corpus sur le thème de lanourriture (le souper interrompu dans Manon Lescaut, les repas entre Charles et Emma Bovary, et un passage deRegarde les lumières mon amour où A.Ernaux décrit les rayons alimentaires de l’hypermarché, annexe 3), les élèvesrecherchent la manière dont l’effet de réel est produit et comparent la nature et le nombre des « détails ».

Episode 4 : la collecte de petits détails

Les élèves collectent par voie numérique des « détails vrais » (enregistrements de sons, photographie de surface,matière) et les insèrent dans leur récit sous forme d’hyperliens.Un camarade lit l’épisode 4 et évalue les modifications apportées. Il doit réfléchir à l’intérêt des hyperliens etproposer sa version du récit, en supprimant certains des détails ajoutés et en en proposant d’autres. L’auteur réagità cette intervention d’un autre dans son récit.

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5Donner corps à des êtres de papier, la question duportrait

S’imaginer le personnage de Manon LescautIl s’agit maintenant de voir comment les personnages qu’on découvre dans un incipit prennent de la consistance aucours du récit. Les élèves rédigent la description de Manon telle qu’ils l’imaginent. De la confrontation des résultatsressort en fait l’absence du corps de Manon, qui n’est pratiquement jamais décrite. A partir de l’exemple d’unescène de retrouvailles entre Des Grieux et Manon, on se demande comment Prévost parvient malgré tout à faire voirses personnages. C’est l’occasion d’étudier le rôle et la place des gravures à l’âge d’or du livre imprimé que fut leXVIIIe siècle.[Illustration : gravure de Gravelot]

Réfléchir sur la question du portrait dans le récitL’activité précédente permet de faire émerger la question de la description et de son utilité. Un portrait balzacienaccompagné de deux textes d’A.Ernaux extraits d’Une Femme et des Années (soit deux portraits d’elle-même avecvingt ans d’écart et écrits dans des genres différents (autobiographie et auto-sociobiographie) permettent dequestionner le rapport à l’image (celui de Balzac par la référence à la peinture et ceux d’A.Ernaux par l’utilisationd’une photographie qui n’est pas reproduite). On réfléchit au rapport entre les différents types de personnages (fictifou fictionnel) à la réalité. (corpus en annexe 4)

On s’interroge ensuite sur la place de la photographie et du portrait dans le récit numérique : les personnagesévoqués par les élèves dans leur récit ne sont pas à proprement parler des « êtres de papier » comme le sont les

personnages du corpus, qu’induit ce changement ? Quelles nouvelles possibilités offre le récit numérique pourdonner à voir un personnage ?

Episode 5 : le récit en mode 2.0Les élèves exploitent la multi-modalité du récit numérique en réalisant une captation visuelle et/ou sonore de lapersonne dont ils ont raconté la vie, puis à les incorporer dans le récit issu de l’épisode 4. Ils doivent expliquercomment ils ont réalisé cette intégration.

Episode 6 : « en lisant en écrivant »Les élèves lisent de nouveau le feuilleton de leur camarade et apprécient les changements introduits, notammentpar rapport à la question de la vérité. Puis les auteurs répondent aux questions suivantes : quelle est l’importance decette lecture des autres ? comment réagissent-ils aux avis de leurs lecteurs ? sont-ils eux-mêmes influencés par leslectures qu’ils effectuent des récits de leurs camarades ?

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6 Peindre la société

A travers la construction des personnages, les auteurs expriment une vision du monde et peignent les mœursde leur époque. Comment les auteurs inscrivent-ils leurs personnages dans un milieu, dans une époque ?

Mener l’enquête sur l’appartement de Des Grieux et Manon « rue V… (…) auprès dela maison de M. de B. »

La curiosité des élèves est piquée par ces mystérieuses initiales. Un dossier documentaire lance leur enquête :des cartes de Paris extraites de La Description historique de Paris par Piganiol de la Force ainsi que les pages de cetouvrage consacrées à la rue Vivienne dont la maison du fermier général Melchior de Blair est « une des plusremarquables ». Par leurs recherches sur internet, les élèves découvrent peu à peu le libertinage parisien. Prévostcrée ainsi l’illusion du vrai par une allusion. On compare ensuite la manière de Prévost avec la méthode réaliste.

Découvrir le travail documentaire de ZolaOn utilise les ressources en ligne de la BNF (http://expositions.bnf.fr/zola/bonheur/index.htm) pour que les

élèves découvrent les méthodes de travail de Zola pour écrire Au Bonheur des dames. A la suite de cet exemple, lesélèves réalisent une enquête dans la ville de Carvin à la manière de Zola, mais avec des moyens numériques : le butest de regarder d’un œil neuf des lieux habituels qu’ils ne voient plus vraiment, car « voir pour écrire, c’est voirautrement »1. Ce matériau sera utilisé dans l’épisode 7.

1 A.Ernaux, Regarde les lumières mon amour, p15

Visite de Carvin avec notre guide, Louis.

Réfléchir sur les frontières entre littérature et documentComment les écrivains utilisent-ils leur documentation ? On compare un extrait de Zola (la vente de blanc,

décrite comme une bataille épique), de Regarde les lumières mon amour et de Daewoo (corpus en annexe 5). Lesdeux auteurs citent des romans du XIXe siècle, soulignant leur actualité et leur utilité pour lire le monde, maisadoptent une forme différente : le journal pour A.Ernaux et une « littérature narrative » aux frontières dudocumentaire pour F.Bon. Les deux interrogent la manière de représenter la réalité, disloquée, en ne la disant quepar touches.

Pour prolonger la réflexion, on débat sur un extrait du Moindre mal de Bégaudeau, qui a été très diversementaccueilli par la critique (article élogieux http://blogs.mediapart.fr/blog/pauline-guedj/091014/le-moindre-mal-francois-begaudeau-raconte-le-parcours-dune-infirmiere-francaise vs article critiquehttp://www.marianne.net/Begaudeau-proche-du-zero_a241283.html ) : s’agit-il d’une chronique journaliste, d’undocument ou de littérature ?

Episode 7A partir du matériel constitué lors de la visite de la ville, les élèves réécrivent un passage de leur récit sous

forme de journal à la manière d’A. Ernaux en ajoutant la description du milieu dans lequel se déroule le récit de vie

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7Créer « l’esprit de complexité » (Kundera) par letravail de l’écriture

Afin que les élèves appréhendent concrètement le travail du style, qui est essentiel à la vérité d’une fiction, onprocède à la lecture analytique de l’épisode du prince italien ajouté par Prévost lors de la réédition du texte. Lalecture analytique s’intéresse aux raisons de l’ajout et aux moyens linguistiques qui rendent compte de la complexitépsychologique de son personnage.

Episode 8 : « lis tes ratures » (R.Barthes)Pour préparer cet épisode, les élèves observent d’abord des brouillons manuscrits de Flaubert

(http://expositions.bnf.fr/brouillons ) et trois versions de la description de Rouen par Flaubert pour Madame Bovary.Ils choisissent ensuite un passage de leur récit pour le retravailler à la manière de Flaubert

Episode 9 : la version finaleLes élèves relisent leur propre feuilleton et publient leur version définitive. Ils ajoutent une préface qui

explique leur projet, et retrace l’aventure de leur écriture. On parvient ainsi à une écriture plus réfléchie.

BILAN DES USAGES DU NUMERIQUE

Intérêt et enjeux de l’exploitation du numérique

Pour les élèves, grâce au numérique, le récit s’est métamorphosé, qu’il s’agisse de l’écrire ou de le publier.Nombreux sont désormais les internautes qui racontent leur vie sur internet. Le genre du récit de vie a connu

un double renouveau : dans la littérature depuis les années 1980 mais aussi dans la prolifération des récits de vie.Grâce à l’intégration du numérique dans cette séquence, les élèves ont pu engager une réflexion sur ce nouvel usagesociétal du récit et sur le rapport entre la fiction et la vérité. L’écriture sous la forme d’un feuilleton numérique leur apermis de développer une attitude réflexive sur leur production et de s’interroger sur ce qui fait la littérarité d’untexte, sa valeur. L’écriture multi-modale qu’ils ont pratiquée a été un moyen pour réfléchir à la manière dereprésenter le réel et à la possibilité de faire d’un roman un « miroir qui se promène le long du chemin ».

Enfin, la publication des récits via le forum de l’ENT a ouvert un questionnement sur les enjeux de la réception.Publier numériquement un récit n’a pas le même impact, le même public, le même projet qu’une publication sous leformat traditionnel d’une copie scolaire. La possibilité pour les lecteurs de commenter leur lecture, d’en discuterensemble contribue à recréer du lien social. A l’échelle de la classe et le temps d’une séquence, le forum de l’ENT estbien devenu ce « Parlement des invisibles » qu’appelait de ses vœux P.Rosanvallon, mais des invisibles avertis.

Effets sur la gestion de classe

Pour conclure, le numérique aura servi à motiver les élèves, qui se sont tous lancés dans la lecture, jugée plusattractive, et l’écriture. Leur motivation s’est vue lorsqu’ils écrivaient, mais aussi dans la participation à la réflexionen classe, ou dans les forums, ce qui a permis d’approfondir les questions des rapports entre vérité et fiction et decomprendre comment la fiction pouvait mentir vrai.

Ce projet aura aussi permis de revenir sur la « banalité » : dans la discussion sur le site, les élèves ont mis en avant lefait qu’il donnait à voir la banalité, dans laquelle ils se reconnaissaient. La publication, fût-elle sous formatnumérique, leur a donné une visibilité qui les a valorisés, et une visibilité plus grande leur sera donnée en avril quandla médiathèque de Carvin accueillera leurs travaux dans ses collections numériques. L’exposition organisée en cetteoccasion marquera la fin, provisoire, d’un parcours : il aura conduit des élèves qui se jugeaient, ainsi que leursproches, trop banals pour écrire leur histoire à s’inscrire dans l’identité collective à l’échelle de la cité.

Ecueils à éviterAjouter des questions liées à l’écriture de soi, l’autofiction etc.Ne pas être trop monotone dans le traitement des corpus.

Bibliographie / sitographie

- Le Parlement des invisibles, P. Rosanvallon- Raconterlavie.fr