Les nouvelles aventures de

TINTIN et MILOU.***

Monsieur BOULLOCK a disparu

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Pièce policière en 3 Actes et 6 tableaux de

Hergé et J.Van Melkebeke.

Crée par le THEATRE DE LA JEUNESSE,

Le 26 décembre 1941

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Personnages

TINTIN et son chien MILOU

POLICIER 1, premier détective

POLICIER 2, deuxième détective

PROSPER, premier bandit

JULES, deuxième bandit

Madame BOULLOCK

Monsieur BOULLOCK 1

Monsieur BOULLOCK 2

THOMAS, maître d’hôtel

L’INDIEN

MOHAMMED EL BAZOUF, tenancier de la buvette de l’aérodrome

CHOU-CHI-FOU, patron de l’hôtel à Shanghai

CHONG, domestique chinois

Premier bonze tibétain

Second bonze tibétain

L’OURS

Professeur DORYFORD

Mise en scène

Paul Riga.

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La scène représente un appartement simplement meublé, sobre mais très propre. Table de travail sur laquelle se trouve un téléphone, divan, secrétaire, livres, tableaux, trophées de chasse. Souvenirs récents d'un voyage dans l'Inde (éléphants de bronze, Bouddha, etc.).Au fond, à gauche et en pan coupé, la ported'entrée. À droite 2e plan, une fenêtre donnant sur la rue. À droite, 1er plan, porte de la chambre.

Au lever du rideau, sortant de la chambre, Tintin suivi de Milou entre dans la pièce. Il décroche le combiné et compose un numéro.

PREMIER TABLEAU

TINTIN (parlant au téléphone)

Allô?...L'Académie de sciences?...Monsieur le Secrétaire?...Ici Tintin. Voulez-vous avoir l'obligeance de me dire à quelle heure aura lieu la séance consacrée à la présentation de l'appareil du Professeur Doryford? Allô?...Comment?...Elle a eu lieuce matin?...Et le Professeur? Il est parti?... Pour où, dites-vous?...Pour Casablanca?...l'Académie des sciences de Casablanca va le recevoir avec son appareil? C'est bien, je vous remercie Monsieur le Secrétaire.

(Il raccroche)

TINTIN Eh bien, mon vieux Milou, voilà qui est fort étrange.

MILOU (aboyant 2 fois) Wouah! Wouah!

TINTIN Tu as raison, ce départ précipité ne me ditrien qui vaille et je crois même que...

(On frappe à la porte. Tintin, préoccupé, va ouvrir. Dans l'encadrement, deux silhouettes familières)

TINTIN Ah! Ce cher Dupont!

DUPOND Je vous demande bien pardon, Tintin, mais moi c'est Dupond!

TINTIN Ah?

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DUPONT Et moi Dupont!

TINTIN Oh!

LES DEUX POLICIERS (à l’unisson)

Nous sommes Dupond et Dupont!

MILOU (qui aboie en riant)

Wouah! Wouah! Wouah!

TINTIN Je vous en prie, mes amis, entrez donc!

DUPOND Non merci, Tintin, nous n'avons pas le temps.

DUPONT Je dirais même plus: Paletot!

(et tout en parlant, ils entrent)

TINTIN Euh...Mais asseyez-vous et contez-moi ce qui vous amène.

DUPOND Merci Tintin, mais l'heure est grave. Nous préférons rester debout.

(et tout en parlant, ils s'assoient)

TINTIN Messieurs, votre arrivée est providentielle. Je viens tout juste d'avoirle Secrétaire de l'Académie des sciences etil se passe...

DUPOND (l'interrompant)

Nous savons!

TINTIN Vraiment?

DUPONT Je dirais même plus: du savon!

TINTIN Ah?...Et puis-je vous demander...

DUPOND ET DUPONT Monsieur BOULLOCK a disparu!

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Acte premier

Tableau I

Le salon des BOULLOCK

(Au lever du rideau, le téléphone sonne. Entre THOMAS.)

Scène I. THOMAS, seul.

THOMAS Allô ? …Oui, vous êtes bien chez Mme BOULLOCK. C’est le maître d’hôtel, Monsieur…A qui ai-je l’honneur ?...La police judiciaire ?...Très bien…Vous permettez ?...

Scène II.

(Entre Madame BOULLOCK, en toiletted’intérieur.)

THOMAS Madame, c’est la police…

Mme BOULLOCK (impétueusement)

Ah ! Enfin la police !...Ce n’est pas trop tôt !... Allô ?…Allô ?...Allô ?...Je n’entends pas…Je n’entends pas…

THOMAS (lui montrant l’appareil)

Dois-je me permettre de faire remarquer à Madame que Madame tient le récepteur à l’envers ? …

Mme BOULLOCK C’est juste ! Où avais-je donc la tête ?...Allô ?...Allô ?...Vous avez des nouvelles de mon mari ?...Comment ?...Vous dites ?...Oh !...Mais c’est inouï !...Alorsvous trouvez tout naturel qu’un homme disparaisse comme ça tout simplement, sans laisser de traces ?...Un homme n’est tout de même pas une fumée, Monsieur !...Un souffle, Monsieur !...Un rien, Monsieur !... C’est honteux, Monsieur ! Honteux !... Honteux ! Mais ça ne se

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passera pas comme ça !... Non, ça ne se passera pas comme ça, je vous le garantis !

(Elle raccroche violemment et arpente furieusement le salon.)

THOMAS (la suivant)

Puis-je me permettre de rappeler à Madame…

Mme BOULLOCK C'est effrayant !…

THOMAS ...que si la police officielle devait échouer…

Mme BOULLOCK Stupéfiant !…

THOMAS ...il reste toujours la police privée…

Mme BOULLOCK Incroyable !…

THOMAS ...Les détectives Dupond et Dupont auxquelsvous avez fait appel…

Mme BOULLOCK Effroyable !…

THOMAS ...Et surtout, Madame, le célèbre Tintin !…

(Madame BOULLOCK s'arrête net, tandis que THOMAS vient buter contre elle)

Mme BOULLOCK C'est juste, mon bon Thomas, j'oubliais !...Ils retrouveront mon mari, Thomas, ils le retrouveront, j'en suis sûre !…

(On sonne)

Mme BOULLOCK Vite, Thomas, courez voir ce que c'est !

(THOMAS sort)

Scène III. Madame BOULLOCK seule

Mme BOULLOCK Aucune trace de votre mari, Madame...Nous cherchons, Madame...Nos meilleurs limiers sont en campagne, M dame...Les investigations sont ardues, Madame...Veuillez prendre patience, Madame...Et voilà ce qu'ils ont à me dire !

(Entre THOMAS.)

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Scène IV. Madame BOULLOCK-THOMAS

(Elle sort.)

Scène V

(Entrent THOMAS et les deux POLICIERS)

THOMAS Par ici, Messieurs. Madame BOULLOCK vous prie de patienter quelques instants.

(Il sort)

Scène VI. LES DEUX POLICIERS

(Les deux POLICIERS font lentement le tour du salon d'un air soupçonneux, et se retrouvent au centre. Ils s'arrêtent, désignent chacun leur œil droit d'un air entendu, puis ils reprennent leur marche)

POLICIER 1 A propos, mon cher, souviens-toi que nous sommes dans le grand monde, chez Madame BOULLOCK, l'épouse de feu Monsieur BOULLOCK, le célèbre milliardaire.

POLICIER 2 Ah ?...Il est mort, Monsieur BOULLOCK ?

POLICIER 1 Oui...c'est à dire...peut-être...enfin, c'est tout comme, il a disparu.

POLICIER 2 Ah ! Ah !

POLICIER 1 Tâche de faire montre de belles manières. Du tact, mon cher, du tact ! Je dirais mêmeplus...du tact !...

POLICIER 2 Sois tranquille...le tact, moi, ça me connaît…

(Entre Madame BOULLOCK en robe de ville.)

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Scène VII. LES MÊMES. MADAME BOULLOCK

Mme BOULLOCK Eh bien ou sont-ils ? (texte prévu initialement : Messieurs …)

POLICIER 1 et 2 (s’inclinent cérémonieusement)

POLICIER 1 Madame, je suis Dupont comme de juste

POLICIER 2 Madame, je suis Dupond comme de juste

POLICIER 2 (avec gravité)Bonjour Madame Veuve Boullock.

Mme BOULLOCK (lentement)

Madame Veuve Boullock ? … Ciel ! Mon mari est mort ! …

(Elle pousse un grand cri et s’évanouit. Les deux DUPONT se précipitent et l’éventent.)

POLICIER 1 Tu en as fait du joli !

POLICIER 2 Mais c’est toi-même qui me disais …

POLICIER 1 Je te disais que M. Boullock avait disparu,et non qu’il était mort ! Ou, du moins, on n’en sait rien …

POLICIER 2 Ah ! Bon, …Parfait …Très bien… Moi, j’ai dit cela … par tact ! tout simplement, par tact.

Mme BOULLOCK Où suis-je ?

POLICIER 1 Chez vous, Madame Boulagne …

POLICIER 2 Boullock .

POLICIER 1 Boullock, c’est juste.

Mme BOULLOCK Ah ! Oui …je me souviens …mon pauvre mari …il est mort !

POLICIER 1 Mais non, Madame, pas encore … Rassurez-vous. Dupont et Dupond vont vous retrouvez votre mari, soyez-en sûre.

POLICIER 2 Je dirais même plus … Votre mari madame Boullock...

Mme BOULLOCK (effrayée)

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POLICIER 1 Veuillez d’abord nous exposer clairement l’affaire.

POLICIER 2 N’omettez pas le moindre détail. Chaque détail à son importance.

Mme BOULLOCK Et bien, voici, Monsieur Durand. Avant- ….

POLICIER 1 Dupont.

Mme BOULLOCK Pardon ?

POLICIER 1 Dupont. Pas Durand.

Mme BOULLOCK Ah ! Oui …Dupond. Donc, avant-hier soir ….

POLICIER 1 Ah ! … Ah ! …

POLICIER 2 Je dirai même plus Ah ! Ah !

Mme BOULLOCK Vous dites ?

POLICIER 1 Rien … Parfait. C’est une réflexion originale … Continuez, je vous prie.

POLICIER 2 Exactement, continuez …

Mme BOULLOCK Avant-hier soir, donc, mon mari, qui venaitprécisément de mettre au point un magnifique projet de camps de vacances pourla jeunesse …Car vous n’ignorez pas que mon mari consacre la plus grande partie de sa fortune à la création de stades, de terrains de sports, de bassins de natation destinés à la jeunesse ….Mon mari, dis-je, se sentant un peu fatigué, décida d’aller acheter son journallui-même, au coin du boulevard, pour prendre l’air, me dit-il. Il sortit … et depuis, nul ne l’a plus revu …

POLICIER 1 Bizarre !

POLICIER 2 Je dirai même plus : bizarre !

POLICIER 1 Est-ce que ça lui arrive souvent ?

Mme BOULLOCK Comment ? …Jamais ! …Mon mari rentrait toujours très régulièrement.

POLICIER 2 (brusquement)Quelle heure est-il ?

Mme BOULLOCK Mais …Huit heures environ …

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POLICIER 1 (menaçant)Huit heures environ ! … Il nous faut des renseignements précis ! La police moderne, Madame Boulotte …

Mme BOULLOCK Boullock, Monsieur Depuis …

POLICIER 1 C’est cela : Boullock, Madame Dupont … C'est-à-dire …Madame Boullock …mais nous, c’est Dupont …Je disais donc, Madame Boullock, que la police moderne était une science. Une véritable science.

POLICIER 2 Je dirais même plus : une science, Madame, voilà la police moderne. Il nous faut donc des renseignements précis …

Mme BOULLOCK L'heure exacte ? … Attendez ... je me souviens. … oui, j'ai consulté ma montre aumoment où il venait de sortir... Il étaitexactement huit heures une minute.

POLICIER 1 Parfait ...

POLICIER 2 Parfait …

(Ils se regardent d'un air entendu)

POLICIER 1 Continuez, je vous prie.

POLICIER 2 C'est cela, continuez.

Mme BOULLOCK Le soir même, très inquiète, j'ai averti lapolice… Mais jusqu'à présent celle-ci n'est pas parvenue à relever le plus petit indice, à découvrir la moindre trace. Elle semble croire que mon mari s'est évaporé dans l'air comme ça …

(Geste de la main)

(Les deux DUPONT s'esclaffent mais devant l'air indigné de Mme BOULLOCK ils se ressaisissent)

POLICIER 1 (D'un air consterné)

C'est affreux !

POLICIER 2 Affreux ! … Continuez, Madame Boulette ...

Mme BOULLOCK Boullock, Monsieur, Boullock ...

POLICIER 2 Boullock, en effet. Continuez ...

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Mme BOULLOCK Voyant que de ce côté-là les recherches n'avançaient pas, j'ai décidé aussi de m'adresser à la police privée. C'est pourquoi, Messieurs je me suis adressé à vous.

POLICIER 1 En quoi, Madame, vous agîtes sagement.

POLICIER 2 Nous sommes des détectives diplômés, Madame, ne l'oubliez pas.

(Ils sortent chacun leur diplôme etle montre à Madame BOULLOCK)

Mme BOULLOCK Très bien, très bien … J'ai également fait appel à l'illustre TINTIN. Vous le connaissez, je crois …

POLICIER 1 Tintin ? … Ah ! Oui … Oui, il est très fort, mais ...

POLICIER 2 Oui, il est fort, mais … Dupont et Dupond c'est tout de même autre chose … Le diplôme, vous comprenez, Madame Bouilloire ...

Mme BOULLOCK Boullock ! ... Boullock ! Monsieur...

POLICIER 1 Dupont, Madame. Dupont, pour vous servir … Voyons un peu. Les indices d'abord …

(Il sort une grosse loupe et se metà inspecter tout le salon)

POLICIER 2 De la méthode ! De la méthode ! ... procédons par ordre.

(Il sort un appareil photographiqueet prend sans arrêt des clichés. Ils pourchassent Mme BOULLOCK autour du salon.)

POLICIER 1 Ah ! Ah !

POLICIER 2 Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

POLICIER 1 Des empreintes ? … Heu ! Heu !

Mme BOULLOCK Mon Dieu, Messieurs, comme vous m'impressionnez !

POLICIER 1 Une science, Madame Bouboule. La police moderne est une science.

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POLICIER 2 Je dirais même plus : La science, Madame Boutique, la science est une véritable police ...

Mme BOULLOCK Boullock, Messieurs, je vous en prie … Avez-vous découvert quelque chose ?

(POLICIER 1 et POLICIER 2 s'immobilisent brusquement)

POLICIER 1 Silence ! … On nous épie ...

POLICIER 2 Chut ! … On nous espionne ...

POLICIER 1 Là … derrière cette porte... Il y a quelqu'un …

(Ils s'approchent à pas de loups dela porte et l'ouvre brusquement. Monsieur BOULLOCK est debout dans l'embrasure, l'air égaré, les vêtements sales et en désordre.)

Scène VIII. Les mêmes. MONSIEUR BOULLOCK.

Mme BOULLOCK Ciel ! … mon Mari !

Mr BOULLOCK (psalmodiant)

Je ... Je ... Je réfléchissais ... Je me disais ... Je pensais …Je … euh … Ah ce coup. Ma pauvre tête …

(Il porte la main à son crâne.)

Comment allez-vous, chère amie ?

Mme BOULLOCK C'est extraordinaire ??? Fantastique … stupéfiant … D'où venez-vous Charles ? En cet état ?... Messieurs, je ... je suis confuse … Vous le voyez, mon mari est revenu ! …

(A son mari)

Mon cher Charles, je te présente Monsieur Duparc et Monsieur Duparc, détectives …

POLICIER 1 Dupont, Madame, Dupont et Dupond.

POLICIER 1 Détectives diplômés.

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(Ils sortent leurs diplômes et s'inclinent.)

Mr BOULLOCK Je … Je … Toutes mes félicitations …

(On sonne)

Mme BOULLOCK Eh bien, Messieurs, voilà qui termine, d'une façon inespérée, cette affreuse histoire ... Ah ! Mon cher Charles, que je suis heureuse de vous revoir… J'ai été horriblement inquiète si vous saviez ...

(Entre THOMAS)

Scène IX. Les mêmes. THOMAS.

THOMAS Madame … Mon Dieu ! ... Mais c'est Monsieur !

Mr BOULLOCK Je disais que … C'est que ... je … très bien ...

Mme BOULLOCK Qui a sonné ?

THOMAS C'est Monsieur Tintin, Madame, Milou est avec lui.

Mme BOULLOCK Qu'ils entrent bien vite !

(THOMAS sort. Entrent TINTIN et MILOU.)

Scène X. Les mêmes. TINTIN et MILOU.

TINTIN Madame, mes hommages … Monsieur … Mes chersconfrères !

Mme BOULLOCK (Impétueusement)

Ah ! Monsieur Tintin, je suis confuse ... désolée, navrée infiniment … Je suis si heureuse ! ... si contente … Je suis ravie … Figurez-vous que je vous ai dérangé pourrien, de même que ces Messieurs, ah ! Je suis si heureuse. Mon mari qui avait disparu depuis trois jours, comme je vous

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l'avais dit, vient de rentrer à l'instant. Et voyez en quel état !

(Elle désigne son mari TINTIN s'incline.)

Ce qui rend votre intervention inutile. Oh ! Je suis sûre que vous allez m'en vouloir !

TINTIN Point du tout, chère Madame, point du tout … Je me réjouis, au contraire, avec vous, du retour de Monsieur Boullock. De plus, j'aurais eu ainsi le plaisir de vous connaître. Allons, MILOU, salue bien gentiment tout le monde.

Mr BOULLOCK Je … je ... oui ... évidement.

(Entre THOMAS bouleversé)

Scène XI. Les mêmes. THOMAS.

THOMAS Madame ! … Madame ! …

Mme BOULLOCK Qu'y a-t-il, THOMAS ? … Vous avez l'air tout chose, mon ami.

THOMAS C'est …

(Il ouvre la bouche et la referme plusieurs fois comme s'il allait parler)

Mme BOULLOCK Eh bien ? ... Parlez !

THOMAS Madame … C'est Monsieur …

(Il désigne Monsieur BOULLOCK qui est là et il montre du doigt quelqu'un derrière lui et s’efface)

(Entre Mr BOULLOCK 2)

Mr BOULLOCK 2 Je ... Je ... Je réfléchissais ... Je me disais ... Je pensais …Ah ce coup. Ma pauvre tête …

(Il porte la main à son crâne)

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Je … Comment allez-vous, chère amie ?

Mme BOULLOCK Ciel ! … J'ai deux maris ! ...

(Elle pousse un grand cri et s'évanouit. Les deux BOULLOCK se précipitent pour la soutenir)

Mr BOULLOCK 1 Veuillez-vous retirer, Monsieur ... Je suisMonsieur BOULLOCK

Mr BOULLOCK 2 Retirez-vous, Monsieur, vous êtes un imposteur ! … C'est moi qui suis Monsieur BOULLOCK !

(Ils tirent Madame BOULLOCK chacunde son côté.)

Mr BOULLOCK 1 Simulateur!

Mr BOULLOCK 2 Menteur!

Mr BOULLOCK 1 Canaille!

Mr BOULLOCK 2 Escroc !

POLICIER 1 Voyons, Monsieur Bouilloire !

POLICIER 2 De grâce, Monsieur Boutique !

POLICIER 1 Au nom du ciel, Monsieur Bouteille !

POLICIER 2 Au nom de la loi, Monsieur Bouleau !

THOMAS Mon Dieu ! Quelle épouvantable histoire !

TINTIN Allons ! Allons ! Du calme s'il vous plaît !

(Aux BOULLOCK)

De grâce messieurs, calmez-vous !… Cette agitation est vaine, et ne peut mener à rien ! Voyons THOMAS. Approchez, mon ami… Depuis combien de temps êtes-vous au service de M.BOULLOCK ?

THOMAS Depuis plus de quinze ans, Monsieur.

TINTIN Vous connaissez donc bien votre maître ?

THOMAS Oui Monsieur. Je crois pouvoir affirmer queje connais très bien Monsieur.

TINTIN Parfait. Veuillez examiner attentivement ces deux personnes et nous dire laquelle est le véritable Monsieur BOULLOCK ?

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(THOMAS regarde attentivement le premier. Il en fait le tour.)

THOMAS Ma foi, Monsieur, je crois que c'est celui-ci…

(Il regarde l'autre)

A moins que ce ne soit celui-ci.

POLICIER 1 Quelle précision ! (Il ricane)

POLICIER 2 Je dirais même plus : quelle précision !

(TINTIN les foudroie du regard)

TINTIN Ainsi, vous ne pouvez pas trancher la question… Réfléchissez… Il y a bien un détail de la vie journalière que votre maître et vous êtes les seuls à connaître, n'est-ce pas ?… Voyons !… Euh… Ah ! J'ai une idée !… Monsieur, voulez-vous avoir la bonté de me dire combien vous possédez de paires de souliers jaunes !…

BOULLOCK 1 Ah !… Je me souviens… Des souliers jaunes ?… Je… Oui… Non… Exactement.

BOULLOCK 2 Ah !… Je me souviens… Des souliers jaunes ?… Je… Oui… Non… Exactement.

TINTIN (Découragé) Je vois, je vois, c'est limpide !…

(A MILOU)

Qu’en dis-tu, toi ? Quoi ?… (Il l'écoute) Excellente idée !

(A BOULLOCK 1) Monsieur, voulez-vous, je vous prie, me montrer vos bretelles ?

BOULLOCK 1 Je… Je… Comment ?… Ah ! Bretelles… Très bien…

(Des bretelles rouges apparaissent)

TINTIN Reconnaissez-vous ces bretelles, THOMAS, appartiennent-elles bien à votre maître ?

THOMAS Oui, oui, je les reconnais, M.TINTIN. Ce sont les bretelles préférées de Monsieur.

Mme BOULLOCK Moi aussi, je les reconnais… Mon cher mari !… (Elle l'embrasse)

TINTIN Un instant !…16

(A BOULLOCK)

A votre tour, Monsieur. Veuillez me montrervos bretelles.

BOULLOCK 1 Je… Je… Comment ?… Ah ! Bretelles… Très bien…

(Des bretelles rouges apparaissent)

THOMAS Lui aussi !… Ce sont également les bretelles préférées de Monsieur !

(Mme BOULLOCK pousse un cri et s'évanouit. Les deux Dupont s'empressent de la ranimer.)

Mme BOULLOCK Mon Dieu !… Quelle horrible aventure Monsieur TINTIN, j'en deviendrai folle !

(Elle repousse les deux POLICIERS)

Au nom du ciel, venez à mon aide !

TINTIN Un instant… Posons d'abord clairement le problème… Il est évident qu'un bandit quelconque ayant remarqué sa ressemblance extraordinaire avec votre mari, a conçu le projet de prendre sa place, sans doute pourmettre la main sur son immense fortune. Car, cette fortune, M. BOULLOCK doit l'employer bien mal, à son avis. Des stades, des camps de vacances, des bassins de natation pour la jeunesse. Peuh ! … Tandis que lui, il en fera un bien meilleurusage. Voilà donc un premier point : il a décidé de prendre la place de votre mari. Dans ce but, il se prépare longuement à jouer le rôle de Monsieur BOULLOCK. Il va même, vous le voyez, jusqu'à se faire confectionner des vêtements strictement semblables à ceux de sa future victime. Tout est donc prêt. Il n'y a plus qu'à attendre l'occasion favorable… La voici. M.BOULLOCK est sorti seul, à pied, pour prendre l'air. Et hop !… On enlève M.BOULLOCK. Bon… Maintenant, pourquoi attend-il trois jours avant de revenir ?… Pour avoir, sans doute, le prétexte d'une

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crise d'amnésie consécutive, soit à une agression, soit à une commotion quelconque.Pan.

(Il se frappe la tête)

Et voilà, je me présente comme étant M.BOULLOCK, mais… J'ai perdu la mémoire… Etje bredouille… Et je ne me souviens de rien, de rien… Ah ! Si !… Je me souviens d'une chose, mais d'une seule. Je suis M.BOULLOCK !… Et le tour est joué !… Seulement ce beau plan a subi une légère anicroche !… Le vrai M.BOULLOCK est parvenuà s'évader… Et nous voilà avec, sur les bras, deux candidats milliardaires et vous,Madame, deux maris impossibles à départager. Il est évident que l'un d'eux joue la comédie. Mais lequel ?… Tout le problème consiste donc en ceci : trouver unmoyen pour obliger cet homme à confesser savéritable identité.

POLICIER 1 C'est exactement ce que j'allais faire remarquer.

POLICIER 2 Je dirais même plus… Il m'a coupé la parole.

(TINTIN s'assied avec MILOU dans ses bras, près de la table chargée de journaux. MILOU lit quelque chose et attire son attention.)

TINTIN Qu'est-ce que c'est ?… Quelque chose d'intéressant ?

(Il lit à son tour)

Ça par exemple !… Mais le voilà tout trouvé, le moyen de le faire avouer. Écoutez donc.

(Il lit)

"Chronique scientifique. Nous apprenons quele célèbre inventeur Sam Doryford, de passage à Bruxelles, présentera aujourd'huià l'Académie des sciences, son extraordinaire machine à découvrir la

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vérité qui vient de faire l'admiration des sociétés scientifiques de toutes les grandes capitales." Hourra !… Qu'en pensez-vous ?… Voilà ce qu'il nous faut ! Voilà qui va faire jaillir la lumière ! Nous allons soumettre nos deux BOULLOCK à l'examen de l'appareil Doryford et il ne nous restera plus qu'à faire arrêter l'imposteur.

TOUS Bravo ! Parfait ! Excellente idée !

TINTIN Voyons l'annuaire… A… A… A… Abi… Académie des sciences.

(Il forme le numéro)

"… Allô… L'Académie des sciences ?… Monsieur le secrétaire ?… Ici TINTIN. Voulez-vous avoir l'obligeance de me dire àquelle heure aura lieu la séance consacrée à la présentation de l'appareil du professeur Doryford ?… Allô ?… Comment ?… Elle a eu lieu ce matin ?… Et le professeur?… Il est parti ?… Pour où, dites-vous ?… Pour Casablanca ?… L'Académie des sciences de Casablanca doit le recevoir, avec son appareil ?… C'est bien, je vous remercie, Monsieur le secrétaire."

(Il raccroche)

Voilà qui est enrageant !…

Mme BOULLOCK Mais c'est bien simple. Nous lui enverrons un télégramme et il reviendra.

TINTIN Hélas ! Chère Madame !… Je connais de réputation le professeur Doryford ! C'est le savant le plus entêté du monde. Il ne reviendra plus. Seule une démarche personnelle pressante pourrait peut-être ledécider à interrompre sa tournée scientifique.

Mme BOULLOCK Mais dans ce cas, n'hésitez pas. Partez, MrTINTIN. Partez et ramenez-le ici. Je vous en conjure ! Partez. Je vous donne carte blanche. L'argent ne compte pas, bien

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entendu. Amenez aussi ses messieurs Dupuis.Oh ! Ramenez-moi le professeur Doryford !

POLICIER 1 Nous le ramènerons, mort ou vif !

POLICIER 2 Je dirai même plus : vif ou mort !

TINTIN Très bien, Madame ! Comptez sur nous. Venez, Messieurs, nous prenons l'avion pourCasablanca.

POLICIER 1 et POLICIER 2 Casablanca ?… C'est au Maroc ?

(Il sort en chantant un air arabe.)

FIN DU PREMIER TABLEAU.

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Deuxième Tableau.

Casablanca. Maisons en bordure du champ d'aviation. A droite, buvette de l'aérodrome. Au fond, arcades.

A l'intérieur, la T.S.F. joue. Au lever de rideau, le patron de la buvette, MOHAMMED, essuie les tables en chantonnant.

(Entrent les deux bandits déguisés en gendarmes)

Scène I. PROSPER-JULES

MOHAMMED Salaam, sidi gendarmes.

PROSPER Salaam.

JULES S...sss...sssss..ss...alaam.

MOHAMMED Que peut-on servir aux sidis gendarmes ? Les boissons de MOHAMMED-el-Bazouf sont plus fraîches que les neiges de l'Atlas, etverseront de la joie dans vos gosiers altérés.

PROSPER Pour moi, ce sera un picon-citron. Et toi, JULES ?

JULES Pppp...ppour mmmoi, un ppp...pppp...ppppp…

MOHAMMED Un picon-citron également, sidi gendarme. Très bien.

(Il fait mine de s'en aller)

JULES Nnnn...nnon...un pppp….ppp...ppp…

MOHAMMED Un Pernod, sans doute, sidi gendarme. Bon.

JULES Mais nnon...un pppp...ppp...ppppppp...un...un vermouth-grenadine.

MOHAMMED Très bien, sidi gendarme, j'y cours. Euh...vous êtes...vous êtes nouveaux, ici ?Je ne vous ai jamais vus.

PROSPER C'est à dire que nous sommes détachés en service spécial…

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MOHAMMED A l'aérodrome ?

PROSPER Précisément. Nous attendons l'arrivée de l'avion d'Europe.

MOHAMMED Oui. Beaucoup de trafic, n'est-ce pas, ces jours-ci ?

PROSPER Beaucoup de trafic, oui. Et pas mal de contrebande aussi. Pas vrai, Jules ?

JULES Oui, mmmon vvvieux PPP...PPROSPER...bbeaucccoup de cccontrebbbandde et bbbeaucccoup de cccontrebbbandiers ausssi. Mais çççça, c'est l'afffffaire dddes dddou...des doudou...aniers. Pppppas... papas la nnnô...la nnôtre. Nous…

PROSPER Et alors, ces verres ?

MOHAMMED A l'instant, sidi gendarme. Les boissons que va vous servir MOHAMMED-el-BAZOUF sont plus fraîches que les neiges de l'Atlas et verseront de la joie dans vos gosiers altérés.

(Sort MOHAMMED)

Scène II. Les bandits, seuls.

PROSPER Donc, tu as bien compris ce que le chef attend de nous. D'ailleurs, relisons son télégramme chiffré. Attends...

(Prosper se lève et va jeter un coup d’œil à l'intérieur, tandis que JULES regarde autour de lui d’un air soupçonneux.)

PROSPER Personne ?

JULES Je...jjj...jjjjj…

PROSPER Eh bien quoi ?...Qu'y a-t-il ?

JULES Jjjjje nn'ai vvu ppperrpperrrsonne.

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(PROSPER lui jette un regard furieux, et sort un télégramme de sa poche.)

PROSPER Voilà :

« TINTIN et les Dupondt cherchent à joindreSam Doryford et son appareil à découvrir lavérité. Risque d'être démasqué. Le vrai BOULLOCK, évadé de notre repaire, étant rentré chez lui. Ai fait placer machine infernale dans avion TINTIN. Soyez à l'aérodrome, déguisés en gendarmes. Si le coup rate, arrêtez-les pour transport d'explosifs, et...liquidez . »

JULES (féroce) Li… llli...quidez !…

PROSPER Attention !

(Il remet le télégramme dans sa poche.)

(Entre MOHAMMED, avec un plateau etdes verres.)

Scène III. les mêmes, MOHAMMED.

MOHAMMED Voici, sidis gendarmes, des boissons plus fraîches que les neiges de l'Atlas, et qui verseront de la joie dans vos gosiers altérés.

(Les deux faux gendarmes trinquent, vident leur verre.)

PROSPER (regardant sa montre)

Dis-donc, JULES, il est l'heure. Allons à l'aérodrome, l'avion ne va pas tarder à arriver.

JULES (d'un air fin) Ssssssi...ssss'il arrrivve…

(PROSPER, furieux, lui donne un coup de coude.)

PROSPER Voilà, patron.

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(Il se lève, et jette une pièce surla table.)

MOHAMMED Merci... Salaam, sidis gendarmes. Qu'Allah vous garde et vous comble de ses innombrables bienfaits... Salaam...Salaam...

(Ils sortent)

Scène IV. MOHAMMED, seul.

(On entend un faible bourdonnement qui se rapproche. MOHAMMED lève le nez.)

MOHAMMED L'avion d'Europe. Les sidis gendarmes sont partis juste à temps.

(Il suit du regard l'avion, dont le ronflement s'est rapproché. Le bruit cesse : on a coupé les gaz.)

MOHAMMED Ils ont coupé les gaz...Le voilà qui plane...il atterrit.

(On entend une explosion)

Par la barbe du Prophète !...Il a sauté !...Par Allah !...Toubilmakasch el Marrakeschel oued ibn el d rachm !...Il allah il allah et Mahommed rosso rezzoul. Allah !…Les malheureux !...Tous les passagers doivent être tués !... Mais non,Allah est grand !...Voilà le pilote : il est indemne. Et voilà un jeune homme avec une drôle de houppe et son petit chien...Etencore deux hommes en noir qui sortent des débris de l'appareil. Les voilà tous sauvés, sans doute. Allah est grand. L'avion peut brûler, maintenant...Ah, les gendarmes les amènent par ici.

(Il sort et part à leur rencontre)

(Entrent MOHAMMED, précédant TINTIN, MILOU, les deux DUPONDT

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noirs de poudre, et les deux faux gendarmes)

Par ici, sidis, par ici ! Par Allah !...Parici !

Scène V. MOHAMMED, TINTIN, les deux DUPONDT, les deux gendarmes

MOHAMMED Prenez place, sidis. Prenez place. Par ici.Par Allah !...

(Aux mots « par ici », les deux Dupondt se dirigent dans la direction indiquée. « Par Allah », et ils s'arrêtent, visiblement embarrassés.)

TINTIN Eh bien ! Nous l'avons échappé belle ! Juste à atterrissage ! Et nous avons encoreeu de la chance. Imaginez que l'explosion se soit produite en plein vol ! Mais qu'est-ce qui a pu provoquer cette explosion ?

POLICIER 1 A mon avis, et pour ne rien vous cacher, j'ai l'impression très nette qu'il s'agit...d'un explosif.

POLICIER 2 Tu m'as coupé la parole. Un explosif ! Je vous assure que c'est un explosif, qui a...explosé, pour vous dire le fond de ma pensée. Et c'est ça, croyez-moi, qui a déterminé l'explosion. Bon sang ! Quelle explosion ! J'ai cru que ma tête s'envolait !

POLICIER 1 Je dirais même plus : J'ai cru qu'elle s'envolait, ma tête. Oui, plus j'y pense etplus je suis persuadé qu'il s'agit d'un explosif.

MOHAMMED Je cours chercher à boire. Les boissons quevous servira MOHAMMED-el-BAZOUF sont plus fraîches que les neiges de l'Atlas, et verseront de la joie dans vos gosiers altérés. Par Allah !

PROSPER Allons-y.

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JULES Cccc'est çççà...al...al...Allons...zzzzzi.

PROSPER Messieurs, j'ai le regret de devoir vous mettre en état d'arrestation !

TINTIN Vous dites ?

PROSPER Je dis que j'ai le regret de devoir vous mettre en état d'arrestation.

TINTIN Vous voulez rire, brigadier ?...Il y a certainement une erreur ! Comment ? Nous venons d'échapper par miracle, à une mort affreuse, et tout ce que vous trouvez à faire, c'est de nous arrêter. Que signifie ?

POLICIER 1 Oui, que signifie ?

POLICIER 2 Vous voulez arrêter des détectives ! Des détectives diplômés !

POLICIER 1 Arrêter des détectives diplômés ! Il n’y a qu’à Casablanca qu’on voit des choses pareilles !

JULES Ssssssss…ssssssss…Silence ! La vérrrrité est que vvvous tttransppportiez une mmma-ma-machine infffffernale dont vvvous expppliquerez l’origgginr au bububureau central.

TINTIN Mais enfin, c’est une stupidité hurlante. Pourquoi aurions-nous voulu faire sauter unavion dans lequel nous nous trouvions ?...Vous avouerez que ça n’a pas de sens commun !

PROSPER Très malin, mon petit ami. Nous n’avons jamais dit que vous vouliez faire sauter l’avion. Nous avons dit que vous transportiez une machine infernale. Et puis, nous avons des ordres. Vous nous êtessignalés comme étant de dangereux terroristes venus pour faire sauter le palais du Gouverneur.

TINTIN Des terroristes, nous ?...Tu entends, MILOU ?...

POLICIER 1 Vous aurez de nos nouvelles messieurs, Messieurs les gendarmes.

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POLICIER 2 De nos bonnes nouvelles, Messieurs

POLICIER 1 Vous ne savez pas à qui vous avez à faire

POLICIER 2 Dupont et Dupond, détectives diplômés.

(Ils sortent chacun leur diplôme.)

JULES Nous sssssavvvons…N’aggravvvvvez pppappas votre cas.

La T.S.F. « Allô, allô. Chers auditeurs, nous interrompons notre concert pour vous donnerlecture des dernières informations :

Casablanca : Le célèbre professeur Doryford, qui a présenté ce matin son extraordinaire appareil à découvrir la vérité devant l’Académie des Sciences, est reparti en avion pour l’Amérique du Sud. Ilest attendu à Natal où il sera reçu par l’Académie des Sciences.

Rabat : Résultat du marché aux bestiaux : Il été vendu ce matin au marché de Casablanca, 521 Bœufs, 327 veaux et 517 porcs sur pied. Chers auditeurs, nous reprenons notre concert par …

TINTIN Non ! C’est trop de malchance ! …C’est son avion qui vient de passer pendant que nous discutions ici. Tant pis !...Je regrette, Messieurs, je n’ai plus de temps à vous consacrer. Si vous le voulez, nous reparlerons de tout cela plus tard et, à moins que vous n’y voyez des inconvénients,par correspondance ! Venez, vous autres…

(Ils filent, laissant les deux fauxGendarmes médusés. Au bout d’un instant, ceux-ci se lancent à la poursuite des fugitifs.)

Scène VI. Les bandits seuls

PROSPER Halte !...Arrêtez !...Au nom de la loi !...

JULES Cococo…cococo…cocococoquins !

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(Pendant quelques instants, tous courent éperdument, traversant et retraversant la scène en tous sens . La T.S.F. joue un galop. Puis TINTIN et les deux Dupond disparaissent pendant que les Gendarmes courent encore en tous sens. (La T.S.F. joue l’ouverture de Guillaume Tell).

PROSPER Où sont-ils ?...Par où sont-ils partis ?...

MOHAMMED Par Allah !...Par Allah !...

PROSPER Par où ?

MOHAMMED Je ne sais pas, sidi gendarme !

JULES Les vvvvoilà qui disparaissent là-bas !

PROSPER Vite ! Il ne faut pas qu’ils nous échappent !

(Ils sortent)

Scène VII. TINTIN, les 2 POLICIERS

(TINTIN et les deux POLICIERS apparaissent dans le fond de la salle et se dirigent en courant vers la scène.)

TINTIN Vite !...Vite !... Nous avons juste le temps…

POLICIER 1 Vouloir arrêter des détectives !

POLICIER 2 Des détectives diplômés !

Ils remontent sur la scène, pendantque les deux faux gendarmes font à leur tour leur apparition dans la salle. TINTIN et les deux DUPONDT disparaissent par le fond. Les deuxgendarmes, remontés sur la scène, continuent leur course autour du décor, bousculant MOHAMMED, qui essaye de se garer. Ils finissent par s’affaler sur une chaise.

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Scène VIII. LES 2 BANDITS, puis MOHAMMED

PROSPER As-tu vu les trois personnages que nous poursuivions ?

MOHAMMED Le petit jeune avec la drôle de houppe ?

PROSPER Oui.

MOHAMMED Et les deux hommes en noir ?

PROSPER Oui. Les as-tu vu ?

MOHAMMED C’est bien le jeune homme avec le petit chien que vous voulez dire, sidi ?

PROSPER Oui !...Oui !...Oui !... Tu les as vus ?...

MOHAMMED Bien sûr. Les voilà là-bas, qui montent dans l’avion de Natal.

PROSPER Saperlipopette !…Pourquoi ne me l’as-tu pasdit tout de suite ?

(Bruit de l’avion qui s’enfle, passe au-dessus de la scène. Tous trois le suivent des yeux. Le bruits’atténue et disparaît.)

MOHAMMED Mais vous ne me l’avez pas demandé, sidi. Vous m’avez demandé si je les avais vu…

JULES Rrrrrrrrrr….rrrrrrrrrrr…….rrrrrrrrr…… roulés ! Nous sommes roulés !

RIDEAU

Fin du IIème tableau et du Ier Acte.

Musique : Danse 7 voiles (1ère face)

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ACTE DEUXIEME

3 ème TABLEAU

La forêt vierge. Arbre, lianes, broussailles, rochers,éclairage verdâtre.

SCENE I. (Entrent PROSPER et JULES)

PROSPER Pfffffh…Je commence à en avoir assez ! Des arbres, des arbres, encore des arbres, toujours des arbres, les lianes qui vous font trébucher, des épines qui vous lardentles mollets, et puis tous ces serpents, cescrocodiles, tous ces animaux qu’on sent grouiller atout de soi…et ce silence mystérieux… Cette impression que quelqu’un rôde constamment autour de vous, qu’on est sans cesse surveillé…Brrrrr !

JULES Mmmmmoi…cce ce qqqui m’énerve le ppplus…Ce sont lemmmou…(clac), les moumou…(clac)…les moustiques (clac)…je n’en ai jjjjammmais vvu d’aussssi gr…gr…gros…(clac)…On dirait qqqqu’ils ont un mo…momo…moteur ddddans le vvvv…le ventre (clac)

PROSPER Au fond, nous avons de la chance. Ce pauvreTintin (clac), arriver à Natal pour apprendre que le Professeur DORYFORD est déjà reparti pour Santiago du Chili !...Encore une Académie des Sciences (clac). Tout de même, sans cette inondationprovidentielle qui, en coupant la voie ferrée a immobilisé nos trois gaillards à Natal, il aurait sans doute réussi à rejoindre le Professeur et à le convaincre de regagner Bruxelles avec son appareil (clac)…Ah ! Ces moustiques ! Mais cette fois, il faut que nous le supprimions avantqu’il ait réussi à atteindre la gare de Chimborasa, là où la ligne reprend. (clac)

JULES Heu…heu…heu…heureusemmment que nnnous avv, av…avons pu les devancer…(clac)

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PROSPER Oui, cette fois il faut agir impitoyablement !

JULES Im…im…im…ppppitoitoitoiyyableyablement !

PROSPER Toi, JULES, tu vas te poster là, derrière ces arbres.

(Attention indien)

Moi j’irai me dissimuler un peu plus en avant. Dès qu’ils seront suffisamment proches j’imiterai le cri du perroquet sauvage, comme ça…

(Il pousse un cri : couroucouiiiiii)

Et alors, tu les abattras tous les trois. S’ils tentent de se défendre, je les abattrais par derrière. Tu as bien compris ?

JULES J’aimerrrrais mieux imi…imi…imittter le cccri du perper…perroquet sausausauvvage. Je pppeux très bbbien le ffffaire. Ecoute !

(Il crie : ccccccou…cccou…cou…; rrrrrrrouccccou…)

PROSPER Qu’est-ce que c’est que ça ?

JULES Et bien, ccccri…le cricri…le cricri…du per…du pepe…perroquet sssausauvvvvavage !

PROSPER Ah ?... Écoute mon vieux, ton perroquet estvraiment trop sauvage. Son cri pourrait effrayer Tintin et lui faire rebrousser chemin. Non, non, réflexion faite nous ferons comme il a été décidé. Et d’ailleurs, tu sais, moi les coups de revolver…ça m’énerve. (clac)

JULES Mais je t’as…sssure que…que… (clac)

PROSPER D’accord (clac)

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SCENE II. Les bandits. Un indien

(Un indien aux long cheveux huilés surgit soudain derrière eux et braque sur eux sa sarbacane.)

L’INDIEN Chiens ! Que faites-vous ici ?...Qui vous rend assez téméraires pour mettre les piedssur le territoire des nobles Indiens Bolibos ? Pas un geste !... Ma sarbacane contient des flèches empoisonnées au curare !...Que je souffle, et c’est la mortqui ira se planter dans votre peau !...

PROSPER Grâce, redoutable guerrier ! Grâce !...Écoute-moi…

JULES Oui…oui…oui écccoutttez-le (clac)

L’INDIEN Pas un geste !...

JULES Mais…mais…c’est un mmm…moumou…un moustique (clac)

L’INDIEN …ou je souffle !

JULES Ce…ce… ssssont les mmm… moumou… les moustiques (clac)

L’INDIEN Cette fois…

(JULES ne bouge plus mais pousse des petits cris.)

PROSPER Consens à m’écouter ! C’est très grave.

L’INDIEN Soit ! Parle…

PROSPER C’est un devoir sacré qui nous amène ici, ôfils de la forêt !

JULES Il a…il a… il a… rrrrraison…

PROSPER Toi, tais-toi !... Sache que nous avons surpris les projets criminels de trois blancs, résolus à s’introduire dans vos domaines pour en prospecter les richesses. « Quand nous aurons, disaient-ils, quand nous aurons relevé les gisements de cuivre,d’argent, d’or et de diamant, nous reviendrons avec une armée et nous massacrerons les Bolibos pour pouvoir nous

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emparer impunément de leur trésors ». (clac)

L’INDIEN Ils disaient cela, ces chiens ?

PROSPER Ils disaient cela, noble guerrier !...

JULES Oui, ce ssont des cri…des cricri…des criminels !

PROSPER En entendant cela, notre sang n’a fait qu’un tour. Indignés, nous nous sommes mis en route pour prévenir un tel crime.

(On entend dans le lointain des appels : Ouhou…Tintin !...ouhou…)

Écoute…les voici…

L’INDIEN Aussi vrai que je m’appelle Aztapopotitirolodacatapelt, ils ne reverront jamais leur patrie. Par Higagog, le Dieu du tonnerre, leur os blanchiront lesol de la forêt !

(Prosper et JULES se frottent les mains)

PROSPER Voilà qui est bien parlé, noble Bolibo. Mais, dis-moi, es-tu sûr de l’effet de ton poison ?

L’INDIEN Celui qu’une flèche au curare a seulement égratigné, meurt aussitôt dans d’épouvantables souffrances…

JULES Ah ah !... Tttttt très bbbien… ex… ex… ex… excellente aff … af … af …faire.

(Ils se cachent tous trois à l’avant plan)(Entrent TINTIN, MILOU et les DEUX DUPONT)

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SCENE III. LES MÊMES, TINTIN, MILOU et les DEUX DUPONT

POLICIER 1 Ffffffh…. J’ai rarement eu aussi chaud.

(Il s’éponge avec un énorme mouchoir à carreaux)

POLICIER 2 Je dirai même plus ! … Ffffffh…..

(Même jeu)

POLICIER 1 Et ces maudits moustiques (clac) ils semblent avoir pour moi une affection regrettable (clac)

POLICIER 2 Allez-vous me laisser tranquille ?... (clac) … Au nom de la loi, fichez-moi la paix. (clac, clac, clac)

POLICIER 1 Attends … ne bouge plus … j’en vois un grossur ta joue …

(Il lui donne une formidable claque. POLICIER 2 sursaute)

Ça y est !… Je l’ai tué !... Eh bien, qu’as-tu ?...

(POLICIER 2, titubant, finit par reprendre ses esprits. Il se prépare et assène sur la joue de POLICIER 1 une claque tout aussi sonore. POLICIER 1 chancelle.)

POLICIER 2 (Flegmatique et écrasant du pied quelque chose par terre)

Ça y est, je l’ai tué.

TINTIN Allons, il faut se remettre en route. Voyons (clac) consultons la carte.

(Les deux DUPONT s’approchent)

Diable, par où sommes-nous venus ?... Par-là, je pense.

POLICIER 1 Pas du tout, c’est par là.

POLICIER 2 Allons, allons, ne dis pas de bêtises, noussommes bel et bien arrivés par là.

POLICIER 1 Mais jamais de la vie, tu divagues (clac)

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TINTIN Non, non, non… vous faites erreur tous les deux … et je crois d’ailleurs que je me suis trompé, moi aussi (clac). Ce doit êtreplutôt par là. Ah ! Si vous n’aviez pas oublié la boussole !... Comment s’orienter maintenant ?

POLICIER 1 C’est ta faute aussi !... Je croyais que tut’étais chargé de la boussole !

POLICIER 2 C’est cela !... C’est encore moi qui l’ai fait. J’étais convaincu que tu l’aurais prise.

(TINTIN essaie, sans succès, d’orienter sa carte)

TINTIN Aucun point de repère !

POLICIER 1 Essayez avec le soleil !

TINTIN Avec le soleil !... Vous le voyez, vous, lesoleil ?

(Les deux Dupont regardent en l’air)

POLICIER 2 Ou avec l’étoile polaire. Quelqu’un m’a ditqu’elle indique le Nord toute la journée…

POLICIER 1 Attendez… je me souviens … les vieilles églises sont orientées d’Est à Ouest… ou c’est le contraire… peut-être.

(Tintin hausse les épaules)

Attention deux bandits, indiens.

PROSPER Allez-y, c’est le moment.

(L’INDIEN se dresse doucement)

JULES Ah… ah… aaaaaaaaaaaah.

(Il fait mine de vouloir éternuer. PROSPER lui met la main sur la bouche et le nez et l’en empêche.)

PROSPER C’est bien la peine de venir dans ce pays, où il fait quarante degrés à l’ombre, pour attraper un rhume de cerveau !...

(A L’INDIEN)

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Allez-y !

(L’INDIEN vise longuement, puis (clac) !

L’INDIEN Ces moustiques sont plus sanguinaires que les féroces Jivaros coupeurs de tête !

PROSPER Allez-y, voyons, ils sont réunis !

JULES Ah… ah… aaaaaaaaaaaah…

(PROSPER l’empêche d’éternuer. Pendant ce temps, L’INDIEN vise de nouveau, puis (clac)

PROSPER Allez-vous tirer ? Oui ou non ?

(L’INDIEN vise de nouveau ; aspire longuement et souffle… rien ne part)

PROSPER Eh bien ?

L’INDIEN Par Higagog, le Dieu du Tonnerre, j’ai oublié de mettre une flèche dans ma sarbacane…

PROSPER Vite, maintenant !

JULES Ah… ah… aaaaaaaaaaaah…

(PROSPER l’empêche d’éternuer. L’INDIEN vise longuement. Roulementde tonnerre dans le lointain. L’INDIEN inquiet rabaisse son arme.)

(TONNERRE LOINTAIN)

PROSPER Eh bien, qu’attendez-vous ?

L’INDIEN C’est la voix de Higagog, le Dieu du Tonnerre.

PROSPER Eh bien, laissez-le parler, ce monsieur Higagog et tirez, que diable, tirez !

L’INDIEN Higagog ne veut peut-être pas que je tue ces hommes ?

JULES Ah… ah… aaaaaaaaaaaah

(PROSPER l’empêche d’éternuer)

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PROSPER Oh ! Toi ! … Au diable Higagog !... Tuez-les !... Ou préférez-vous qu’ils vous prennent toutes vos richesses ?

L’INDIEN Tu as raison.

(Il vise, aspire longuement. Soudain, coup de tonnerre effroyable. L’INDIEN pousse un cri et se prosterne la face contre terre.)

(TONNERRE)

TINTIN Vous avez entendu ?

PROSPER Malédiction !

JULES Ah… tchoum !

TINTIN Cette fois, il n’y a pas d’erreur. On a éternué !

PROSPER Ah ! Toi !... Filons !... Encore raté !...

TINTIN Là, deux hommes qui s’enfuient !

(Sortent PROSPER et JULES)

POLICIER 1 Oh !

SCENE IV. Les mêmes, moins PROSPER et JULES

(POLICIER 1 montre tout tremblant, L’INDIEN prosterné et tout tremblant, lui aussi)

POLICIER 2 Un Indien !

L’INDIEN O blancs !... Pitié !... Pitié !... Tuez-moi si vous voulez, je suis votre esclave… Higagog, le Grand Dieu du Tonnerre a parlé !... Higagog ne veut pas votre mort !

TINTIN Tu voulais nous tuer ?

L’INDIEN Des hommes à la langue de vipère m’avaient demandé de vous tuer. Mais Higagog, le Grand Dieu du Tonnerre

(Il se prosterne)

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a parlé … Higagog vous a pris sous sa protection ! … Faites de moi tout ce que vous voudrez. Je suis votre esclave, visagepâle.

POLICIER 1 Ah ! Tu voulais nous tuer ! … Au nom de la loi, nous t’arrêtons !

POLICIER 2 Ahahahahahahah ! … Tu voulais nous tuer ! …Le châtiment sera terrible ! …

TINTIN Relève-toi, nous ne te voulons aucun mal. Je comprends. Les hommes qui t’ont parlé sont mes ennemis. Ils ne reculent devant rien pour arriver à se défaire de moi.

L’INDIEN Ils avaient dit que vous viendriez nous voler nos richesses et massacrer tous les Bolibos.

TINTIN Ne crains rien ! … Nous n’avons pas l’intention de voler ni de massacrer. Nous nous sommes égarés dans cette vaste forêt et nous désespérons de gagner jamais la gare de Chimborasa, où nous devons prendre le train pour Santiago de Chili. Peux-tu nous indiquer le chemin ?

L’INDIEN O visage pâle, L’INDIEN vous conduira. Les Bolibos sont les esclaves de ceux qui protègent Higagog. Suis-moi.

TINTIN Nous te suivons.

(Il ramasse sa carte et la replie)

POLICIER 1 A votre place, je me méfierais.

POLICIER 2 Quelque chose me dit que nous ferions bien de nous méfier. Il a une tête qui ne me revient pas cet indien … D’ailleurs, moi, les indiens…

TINTIN Soyez sans crainte, cet indien est loyal. Il nous conduira. En route, Messieurs, pourChimborasa (clac)

FRAPPER – RIDEAU – MUSIQUE : 7 VOILES

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Fin du 3ème tableau

Sur la sortie des POLICIERS devant … disque 7 voiles.

Lanterne japonaise.

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4 ème TABLEAU

Lumière

A Shanghai. Hôtel CHOU-CHI-FOU. Draperies, lampes, Bouddha. Au fond, comptoir. Lumière atténuée.

SCENE I. CHOU-CHI-FOU, puis CHONG.

(Au lever du rideau, CHOU-CHI-FOU, assis, médite. Après un instant, ilfrappe le gong. Entre CHONG, le domestique.)

CHONG Le Vénérable Chou-Chi-Fou a daigné appeler son indigne serviteur ?

CHOU-CHI-FOU Allume les lampes, Chong. Le temps de la méditation est passé. Comme l’a dit Confucius, la méditation du sage est comme le chant du rossignol, et le rêve du fou est semblable au croassement du corbeau perdu dans la rafale. (Chong allume les lampes. Effets bizarres.) Autant en emporte le vent…

CHOU-CHI-FOU Bien retire-toi, à présent. Seule la montagne au cœur de jade reste immobile. L’homme et le lotus vont et viennent au gréde la destinée, a dit Confucius.

CHONG Les dix-sept bénédictions sur votre tête, maître incomparable.

(Il sort)

FIN MUSIQUE. ATTENTION TINTIN arrive.

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SCENE II. CHOU-CHI-FOU (seul)

CHOU-CHI-FOU Le fils succède au père, le fils se continue dans ses enfants. Seule, la voie aux huit embranchements demeure. N’empêche que l’hôtel CHOU-CHI-FOU ne reçoit guère beaucoup de clients ces jours-ci. Qu’importe, car, comme l’a dit Confucius, l’or et la boue sont égaux aux yeux de qui comprend la doctrine. Le vent et l’os, voilà ce qui importe !

(Il se lève et disparaît brusquement derrière une draperie)

(Entrent TINTIN, MILOU et LES DEUX DUPONT)

SCENE III. TINTIN, MILOU et LES DEUX DUPONT.

TINTIN C’est trop fort !... Trop fort, vraiment ….

POLICIER 1 J’allais le dire ! … C’est trop fort !

POLICIER 2 J’allais le faire remarquer à l’instant même : c’est trop fort !

TINTIN Arriver à Santiago de Chili pour apprendre que le Professeur Doryford est déjà repartipour Shanghai ! S’embarquer sur le premier paquebot et arriver à Shanghai deux heuresaprès le départ du Professeur pour Lhassa, dont l’Académie des Sciences l’attend… Vraiment, c’est jouer de malheur !... Ma foi, tant pis, Messieurs. Il faudra nous résigner à passer la nuit ici puisque l’express du Tibet ne part que demain matin !

POLICIER 1 Pour moi, je me ferai facilement une raison : je suis rompu ! …

POLICIER 2 Rompu est le mot ! … Rompu est le terme ! …

TINTIN Alors ? Personne pour nous recevoir ? … Allô? …

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POLICIER 1 Allô ?

ATTENTION CHONG arrive

POLICIER 2 Allô ? Allô ? … J’écoute ….

TINTIN (De toutes ses forces) Allô ?

(Chong apparaît soudain)

(LES DEUX BRIGANDS sursautent et poussent un petit cri)

SCENE IV. Les mêmes, CHONG

CHONG Que vos glorieuses Seigneuries me permettent de m’incliner respectueusement devant leur noble grandeur.

TINTIN Notre grandeur désirerait trois chambres pour la nuit.

CHONG Le vénérable Chou-Chi-Fou, mon maître, vousen offrira qui seraient dignes d’un empereur de la dynastie des Soung.

TINTIN Nous n’en demandons pas tant, n’est-ce pas MILOU ?

CHONG Je conjure humblement vos Seigneuries de bien vouloir vous asseoir sur ces sièges grossiers, indignes de vos incomparables mérites. Je cours prévenir le vénérable Chou-Chi-Fou, mon maître.

(Il sort)

SCENE V. TINTIN, MILOU et LES DEUX DUPONT.

TINTIN Drôle de bonhomme !

POLICIER 1 Vous savez, les Chinois ont toujours l’air un peu…Chinois !

POLICIER 2 Très juste !

TINTIN Que voulez-vous dire ?

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POLICIER 1 Eh bien … vous saisissez, le petit côté … chinois, qui …

ATTENTION CHOU-CHI-FOU arrive

POLICIER 2 Oui… la Chine, n’est-ce pas…c’est toujours quelque chose d’assez … euh … d’assez… chinois, si j’ose m’exprimer ainsi …

TINTIN En effet ! …

(CHOU-CHI-FOU entre à petits pas rapides)

SCENE VI. Les mêmes et CHOU-CHI-FOU

CHOU-CHI-FOU Jour trois fois glorieux pour mon humble demeure que le jour d’une aussi honorable visite. Car comme l’a dit Confucius…

POLICIER 1 Qui ça ?

POLICIER 2 Je ne sais pas. Ce doit être le domestique.Ou un de ses amis…

CHOU-CHI-FOU … l’arrivée de l’hôte de qualité est comme la pluie pour le champ altéré…

TINTIN Vos aimables paroles nous comblent, Monsieur… ?

CHOU-CHI-FOU Chou-Chi-Fou, Seigneur. L’indigne et misérable Chou-Chi-Fou qui se prosterne à vos pieds, dans la poussière…

POLICIER 1 Où ça ?

POLICIER 2 Dans la poussière. La maison doit être mal tenue !

TINTIN Eh bien Monsieur Chou-Chi-Fou, nous désirerions passer la nuit dans votre hôtelen attendant de prendre l’express du Tibet demain matin.

CHOU-CHI-FOU Je supplie les trois honorables hôtes de bien vouloir accepter mes misérables chambres

ATTENTION CHONG arrive

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indignes de recevoir d’aussi importants personnages. Mais, comme l’a dit Confucius,c’est dans la gangue la plus grossière qu’étincelle le plus pur diamant !

(Il frappe sur le gong. Chong paraît)

SCENE VII. Les mêmes et CHONG

CHOU-CHI-FOU Conduis ces trois honorables hôtes aux chambres d’à côté : la Chambre du Pavot Écarlate, la Chambre de jade et la Chambre du Dragon d’Or.

(Sortent TINTIN, MILOU, les deux DUPONT et CHONG. CHOU-CHI-FOU resteseul)

(Entrent LES DEUX BANDITS, déguisés en Chinois)

SCENE VIII. CHOU-CHI-FOU, PROSPER ET JULES

JULES T…t…t…tttu…tu es esssûr de ce que tu dis ?

PROSPER Tout à fait sûr. Le patron est des nôtres. Tu vas voir…

(À Chou-Chi-Fou)

Choung ho hoa ping pong haf non pang pong fou tchéou hou kou ko poufou toug si non pei shen toung.

CHOU-CHI-FOU Ches chen chou choc poungpoung.

PROSPER Salut Chou-Chi-Fou…

(À JULES)

Tu vois, je te le disais bien, il est de labande.

(À Chou-Chi-Fou)

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Le chef t’ordonne de te mettre à notre disposition pour une affaire très grave.

CHOU-CHI-FOU Parle, honorable PROSPER.

(TINTIN et les DEUX POLICIERS arrivent)

JULES (se frotte les mains) Tou… tou… touti… toutu … touti …

PROSPER Inutile de parler Chinois, il comprend…

JULES Je ne parle pas chichi … Je ne ppapparle pas chichi…chinois, je dis touti… touti… tout ira bien !

PROSPER Voilà. Les trois voyageurs qui viennent d’entrer ici, TINTIN, le fameux reporter etles deux détectives Dupont et Dupond, ne doivent pas sortir vivants d’ici. Il y va des plans, de la liberté et de la vie même du chef. Je compte sur toi pour trouver unecombinaison.

CHOU-CHI-FOU La vie de l’homme est brève comme celle du papillon aux ailes de soie, dit le bourreaude Tsing-Tao chaque fois qu’il décapite quelqu’un. Une simple goutte d’essence de Haï tsoung dans un verre les plongera dans un profond sommeil. Il nous sera dès lors facile de les jeter au fleuve. On croira à un accident. Car, comme l’a dit Confucius :faible est la science de celui qui ignore les causes. Venez, il faut éviter de nous faire voir.

(Ils sortent. Entre TINTIN)

SCENE IX. TINTIN, seul.

TINTIN Très bien mes amis, très bien. Mais vous avez compté sans MILOU, qui vous a reconnustout à l’heure alors que vous nous suiviez vers cet hôtel. Pour lui, pas de déguisement qui tienne. Son flair…

(Il se montre le nez)

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(Entrent LES DEUX DUPONT)

SCENE X. TINTIN. LES DEUX DUPONT

TINTIN Mes amis, l’heure est grave !

POLICIER 1 Très juste. L’heure est grave !

ATTENTION CHOU-CHI-FOU ARRIVE

POLICIER 2 Je dirais même plus : l’heure est grave !

POLICIER 1 et 2 Qu’y a-t-il ? … Pourquoi est-elle grave l’heure ?

TINTIN Il va falloir déjouer un plan diabolique tramé contre nous.

POLICIER 1 Un plan diabolique ? … Où ça ?

POLICIER 2 Il a dit un plan diabolique… Que signifie ?

TINTIN En deux mots, voici … Le patron de l’hôtel fait partie de la bande…

(Entre CHOU-CHI-FOU)

SCENE XI. LES MEMES. CHOU-CHI-FOU.

TINTIN Chut !

POLICIER 1 Que dites-vous ? Le patron de l’hôtel ? …

TINTIN Le voici justement. Bonsoir ? Monsieur Chou-Chi-Fou.

CHOU-CHI-FOU Mes honorables hôtes me feront ils l’insigne honneur de bien vouloir accepter un verre de vin de riz du Dragon Bleu ? Car, comme l’a dit Confucius, le vin, pris modérément, est comme l’ami soucieux de votre confort. En trop grande abondance, c’est le serpent caché sous les fleurs…

TINTIN C’est avec un ineffable plaisir que nous boirons à votre très précieuse santé, Vénérable Chou-Chi-Fou. C’est un extraordinaire honneur pour nous.

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CHOU-CHI-FOU Vos flatteuses paroles réjouissent votre très humble et très indigne serviteur…

POLICIER 1 Pas du tout, cher Monsieur Fou-Chi-Ebou, tout le plaisir est pour nous.

POLICIER 2 Pour nous voyons.

POLICIER 1 Pour nous, c’est cela … Enfin pour nous tous, n’est-ce pas …

(CHOU-CHI-FOU se dirige vers le comptoir et y remplit trois verres)

TINTIN rapidement Surtout, ne buvez pas !

POLICIER 1 Qu’est-ce que vous dites ? … Pourquoi ne pourrions-nous pas …

TINTIN Chut !

POLICIER 2 Mais j’ai soif, moi !

CHOU-CHI-FOU J’arrive, Seigneurs. Veuillez pardonner ma maladroite lenteur. Mais, comme l’a dit Confucius, l’heure passée à attendre une joie vaut plus que cette joie elle-même.

TINTIN Ne buvez pas, c’est un narcotique ! …

POLICIER 1 Mais non, c’est un Chinois …

TINTIN Chut !

(CHOU-CHI-FOU revient avec le plateau et leur présente les verres)

POLICIER 1 Par Higagog, le Dieu du Tonnerre, voici desboissons plus fraîches que l’album de géographie et qui verseront la joie dans nos gosiers en pente.

POLICIER 2 Plus fraîches que les neiges de l’Atlas ! …Les montagnes de l’Atlas…

POLICIER 1 Je sais bien … Mais Monsieur CHI-FOU-FOU neconnaît peut-être pas ça.

CHOU-CHI-FOU Vos paroles d’exquise politesse me confondent, vénérable étranger.

POLICIER 1 Après vous, cher Monsieur.

POLICIER 2 Je n’en ferai rien.

TINTIN (se penchant vers le plateau)

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Mais… n’est-ce pas un plateau laqué de l’époque Tong…

(CHOU-CHI-FOU se penche également. TINTIN jette le contenu de son verre)

CHOU-CHI-FOU En effet, honorable étranger. Rien n’échappe à votre incomparable regard. C’est une précieuse pièce historique, bellecertes, mais indigne encore d’attirer votrebienveillante attention.

(TINTIN donne un coup de coude aux DEUX DUPONT qui s’apprêtent à boireet leur fait signe de jeter leur verre)

TINTIN Que signifient ces figures ? … On dirait unnénuphar, n’est-ce pas ?...Et ça c’est une espèce de boite ronde ? … Et ça, on dirait une sorte de sceptre ? …

CHOU-CHI-FOU C’est bien cela, Seigneur. C’est un nénuphar, une boite ronde et un sceptre. EnChinois, illustre étranger, nénuphar se dit : HO !…

(Les deux DUPONT sursautent)

Une boite ronde se dit également : HO !...

(Les deux DUPONT sursautent)

Et un sceptre se traduit par : JOU-IL …

(Les deux DUPONT sursautent)

Si on prononce ces trois mots, on obtient :ho-ho-jou-il…ce qui signifie également : Qu’il y ait une concorde conforme à vos désirs !… C’est une sorte de jeu de mots, vous comprenez ? …

(Pendant cette explication, TINTIN fait signe aux deux DUPONT de jeterleur verre et de faire semblant de dormir).

POLICIER 1 Ho ! Ho ! …

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POLICIER 2 Ho ! Ho ! … Jou-Il … Nous savons parler Chinois ! … Ho ! Ho ! … Hi ! Hi ! … Hu ! Hu ! …

TINTIN Quelle est cette curieuse fleur ?

CHOU-CHI-FOU C’est la fleur de thé, qui fleurit chaque année à l’époque des examens de Mandarins. Un tel plateau, offert au candidat signifiait : Je vous souhaite de réussir aux examens.

(Pendant cette explication, TINTIN fait signe aux deux DUPONT de jeterleur verre et de faire semblant de dormir)

TINTIN Très bien. Je comprends. Très intéressant.

(Les deux DUPONT, qui ont enfin compris, se jettent mutuellement leur verre à la figure. Ils s'essuient vivement)

CHOU-CHI-FOU Qu'y a-t-il, nobles étrangers ? Mon vin ne vous plaît pas ?

POLICIER 1 Non, mais c'est cet imbécile qui...

POLICIER 2 Pardon, c'est lui qui...

(TINTIN leur fait de grands gestes : dormir)

POLICIER 1 C'est à dire... je dois dormir... je ne sais pas, enfin... je crois que ça me monteun peu à la tête !

POLICIER 2 Tu trouves ? Moi, j'en boirais bien toute une bouteille... C'est à dire... je... moi aussi je me sens un peu étourdi...

TINTIN C'est vrai, il est fameux, votre vin, Seigneur Chou-Chou-Chou

CHOU-CHI-FOU Accordez-moi la faveur particulière d'en accepter un second verre.

TINTIN (feignant de s'endormir)

Je... volontiers... non... je... je... me sens tout drôle.

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POLICIER 1 Moi, j'en accepterais bien encore un verre.D'autant plus que...

(TINTIN lui fait des signes désespérés)

... moi... je... (Il ronfle)

POLICIER 2 (riant bêtement)

Ha... ma parole... il... il... il est saoul!

(Il ronfle)

(TINTIN fait semblant d'être vaincu par le sommeil)

CHOU-CHI-FOU (ricanant)

Ces misérables chiens sont en notre pouvoir.

(Il sort vivement)

SCENE XII. TINTIN. LES DEUX DUPONT.

TINTIN Attention ! Soyez prêts à tout.

POLICIER 1 Que faut-il faire maintenant ?

POLICIER 2 Oui, faut-il encore dormir ?

TINTIN Oui, continuons à feindre le sommeil, on nous épie peut-être...

(Ils se remettent à ronfler)

POLICIER 1 Est-ce que ça va durer longtemps, vous croyez ?... C'est fatigant de dormir comme ça !

POLICIER 2 C'est vrai. Et ce qui est drôle, c'est que quand on dort vraiment, on ne s'en rend pascompte, que c'est fatigant ! Moi, je trouveque...

(Il élève peu à peu la voix)

TINTIN Silence, malheureux ! Vous rendez-vous compte du danger mortel que nous courons ?

(Ils se remettent à ronfler de plusbelle)

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TINTIN Ils vont venir nous prendre pour nous jeterà l'eau. Mais c'est nous allons les surprendre, cette fois. Il faut que nous les capturions tous les trois. Je vous recommande le plus grand calme, le plus grand sang-froid. Attendez, pour agir, que je vous donne le signal.

POLICIER 1 Quel signal ?

TINTIN Chut !

SCENE XIII. LES MEMES. CHOU-CHI-FOU. PROSPER JULES.

(Ils ronflent de nouveau bruyamment. Une trappe s'ouvre doucement et les TROIS BANDITS passent la tête dans l'ouverture)

CHOU-CHI-FOU Écoutez-les ronfler ! L'essence de Haï tsoung a fait son œuvre. Le fleuve passe sous cette cave. Allons-y !

PROSPER Bien joué, Chou-Chi-Fou. Le chef sera content.

JULES Bbbbien jjjjjoué.

(A ce moment, les DEUX POLICIERS ouvrent les yeux et poussent un cri)

POLICIER 1 Là, Tintin, regardez !... une trappe !...

POLICIER 2 Attention !... une trappe !

(La trappe se referme bruyamment. POLICIER 1 et POLICIER 2 bondissent)

TINTIN (geste d'impuissance) Raté !... Ah ! vous méritez...

(Les DEUX DUPONT essaient d'ouvrir la trappe.)

TINTIN Inutile !... Vous voyez bien qu'elle ferme de l'intérieur. Je vous avais pourtant biendit d'attendre mon signal. Il fallait attendre qu'ils fussent entrés

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complètement. Maintenant il est trop tard. Filons plutôt avant qu'ils ne reviennent enforce !... Milou !... Milou !... Nous passerons le reste de la nuit en face de lagare !... En avant !... Ah ! je vous avais pourtant bien recommandé d'attendre mon signal !... Allons, en route. Demain, nous partons pour Lhassa !...

RIDEAU

4ème TABLEAU. FIN DU DEUXIEME ACTE

ACTE III

5ème TABLEAU

A Lhassa. Cour d'un temple tibétain. Cage à ours : il rugit. Des bonzes causent.

SCENE I. BONZES.

1er BONZE Moi, j'en suis encore tout éberlué.

2ème BONZE De ma vie entière, je n'ai rien vu de plus extraordinaire.

1er BONZE Le Professeur Doryford est un génie.

2ème BONZE Je dois avouer que mon exposé préliminaire m'avait laissé assez sceptique. Mais quand il est passé à la démonstration, j'ai dû convenir que j'avais devant moi le plus fantastique des merveilles scientifiques.

1er BONZE Avez-vous vu la tête du trésorier du templequand il a été forcé d'avouer ses malversations ?

2ème BONZE Mettez-vous à sa place !

1er BONZE Il a eu beau résister : rien n'y a fait.

(Ils rient.)

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(En coulisse, on entend un brouhaha.)

TINTIN Nous voici enfin arrivés, Messieurs.

POLICIER 1 Eh bien ! Ce n'est pas trop tôt ! Aïe ! mondos !

POLICIER 2 Je dirais même plus... je... Aïe ! mes reins !

SCENE II. Entrent TINTIN et MILOU et les DEUX DUPONTS.

POLICIER 1 C'est la première fois que je voyage à dos de chameau !

POLICIER 2 Moi aussi ! Mais (solennel) je jure que c'est la dernière fois ! Aïe !

POLICIER 1 Aïe ! mes cuisses !

POLICIER 2 Aïe ! mes pauvres genoux !

TINTIN Allons, allons, Messieurs ! Bientôt vous n'y penserez plus !... Ce n'est pas ma faute si les cent derniers kilomètres se font encore à dos de chameau.

POLICIER 1 Oh ! qu'est-ce que c'est que ça ?

POLICIER 2 Juste ciel !

TINTIN C'est un ours !...

(aux BONZES)

Pardon, Messieurs, suis-je bien à l'Académie des Sciences de Lhassa ?

(Geste d'assentiment des BONZES)

Très bien !... Pourriez-vous avoir l'obligeance de me dire où je pourrais rencontrer le Professeur Doryford ? Il doitêtre reçu par votre Académie, n'est-ce pas ?

1er BONZE La modeste Académie des Sciences de Lhassa se réjouit de la glorieuse visite du célèbre et prodigieux Professeur Doryford.

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TINTIN AH !... Enfin !... Cette fois, nous avons réussi à le rejoindre.

(Les DEUX DUPONT poussent un grand soupir de satisfaction)

TINTIN Nobles Savants de la fameuse Académie de Lhassa, pourriez-vous me dire où se trouve le Professeur ?

2Ème BONZE Vous désirez rencontrer le Professeur Doryford ?

TINTIN Je... Ces Messieurs et moi-même nous aurions, en effet, désiré lui parler.

1er BONZE Il faut savoir limiter ses désirs, jeune étranger, telle est la grande parole de Bouddha.

TINTIN Euh !... Naturellement... Mais, dites-moi, le Professeur Doryford ?

2ème BONZE Tout le malheur des hommes vient de ce qu'ils ne peuvent rester en repos, a dit undes plus célèbres penseurs de l'Occident.

TINTIN Assurément. C'est une fort belle parole. Cependant...

POLICIER 1 Une parole admirable !... Tout le malheur des hommes vient... euh...

POLICIER 2 Vient de ce qu'ils ne peuvent rester en repos !... Il a dû beaucoup voyager à dos de chameau, celui qui a dit ça !...

TINTIN De grâce, Messieurs, dites-moi où je puis rencontrer Monsieur Doryford. Nous sommes brisés de fatigue et...

1er BRONZE J'ose espérer que vos amis et vous-même, jeune étranger, vous n'êtes pas venus à Lhassa dans l'unique but de rencontrer le Professeur Doryford ! Nous serions extrêmement honorés si vous nous permettiezde vous montrer toutes les beautés et les curiosités de notre ville.

TINTIN Je vous suis très obligé. Lhassa est sans doute une fort belle ville très intéressante. Mais, en fait, nous sommes venus "spécialement" pour le Professeur

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Doryford. Et pour le rejoindre, nous avons déjà fait plusieurs milliers de kilomètres.

(Au 1er POLICIER)

N'est-ce pas ?

POLICIER 1 Plusieurs milliers de kilomètres... et les cent derniers à dos de chameau. Messieurs, songez-y !...

2ème BONZE La rivière va où la conduisent ses rives, adit encore Bouddha, et l'aigle vole où il le désire. Le Professeur Doryford...

TINTIN Ah !... Où est-il ?

1er BONZE Le Professeur Doryford est reparti, en avion, il y a deux heures, pour l'Europe !

TINTIN (s'asseyant, accablé) Pour l'Europe !...

POLICIER 1 (même jeu) Pour l'Europe !... Aïe !...

POLICIER 2 (même jeu) Pour l'Europe !... Aïe !...

TINTIN Le sort s'acharne contre nous !

1er BONZE Et vraiment, vous vous êtes dérangés spécialement pour le voir ?

POLICIER 1 (féroce) J'ai envie de tuer quelqu'un !

POLICIER 2 (féroce) Moi... ah !... Je dirais même plus !...

TINTIN Pour l'Europe !...

(Aux BONZES)

Et il ne vous a pas dit exactement où il allait ?

2ème BONZE Pour quelle ville ?... Attendez... si...

1er BONZE Oui... il a dit qu'il rentrait à Busselles... Lusselles...

TINTIN Bruxelles ?

1er BONZE C'est cela !... Bruxelles... Bruxelles !...

TINTIN Bruxelles !

POLICIER 1 Bruxelles !...

POLICIER 2 Bruxelles !...

1er BONZE Vous connaissez cette ville ?

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TINTIN Oui... un peu... C'est de là que nous sommes partis pour essayer de rejoindre le Professeur !...

1er BONZE Le sage accepte son sort avec sérénité, ditBouddha...

POLICIER 1 J'aurais bien voulu le voir à dos de chameau, celui-là !

POLICIER 2 Oui, j'aurais bien voulu le voir !

2ème BONZE En tout cas, nobles étrangers soyez les bienvenus à Lhassa. Faites-nous l'insigne honneur de demeurer parmi nous jusqu'à votre départ.

TINTIN Je vous remercie, savants Académiciens. Mais, dites-moi, quand part le prochain avion ?

1ER BONZE Dans trois jours.

TINTIN Dans trois jours !... Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur, et puisqu'il faut attendre, attendons. Messieurs, nous acceptions bien volontiers votre gracieuse hospitalité.

(Ils sortent tous. Les deux DUPONT,effrayés par L'OURS, font un bond en arrière.)

(Entrent LES DEUX BANDITS, déguisésen BONZES.)

SCENE III. PROSPER et JULES. L'OURS.

PROSPER Cette fois, c'est notre dernière chance. Ilnous faut réussir à tout prix ! Si nous leslaissons rejoindre Bruxelles, ils pourront parler à Doryford et tout sera perdu !... Tu connais le chef et tu sais quel châtiment nous attend, n'est-ce pas ?

JULES J... JJJJJJJJ... j'en tttremble d'avvvvance!

PROSPER Que pourrions-nous faire ?

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JULES Il faudrait quelque chose d'efff... d'efff... d'efff.

PROSPER Il s'agit bien de les effrayer !...

JULES Nnnnon... nnnon... pas d'effff... d'effff£;;; frayant !... Quelque chose d'effff... d'effff.... fficace !

(L'OURS rugit. Ils sursautent)

PROSPER Mille tonnerre !... J'ai une idée !...

JULES Ttttttt....... tttt... tu... tutu... tu...

PROSPER Une idée ! oui... viens, je t'expliquerai.

(Ils sortent)

SCENE IV. TINTIN et LES DEUX POLICIERS.

(Entre TINTIN, MILOU et les DEUX DUPONT. TINTIN tient en main un indicateur de chemins de fer.)

TINTIN Voyons un peu combien de temps nous prendrale trajet Lhassa-Bruxelles ? Il y a des correspondances d'avions à ne pas manquer.

POLICIER 1 Enfin, un peu de répit !... Ah ! ce que je peux en avoir assez, de cette galopade autour du monde !...

POLICIER 2 Et moi !... Et puis, tous ces attentats, ces pièges. Dieu ! que c'est désagréable !... Ah !... je t'assure que j'en ai plein le dos des voyages...

(Tous s'asseyent. TINTIN consulte l'indicateur. Les deux DUPONT sortent un journal de leur poche.

Entrent LES BANDITS, à pas de loup.Ils ouvrent la cage de l'ours et s'enfuient. L'OURS sort de sa cage.

L'OURS s'approche des DUPONT, POLICIER 1 sort sa pipe et frotte

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une allumette. L'OURS souffle. Elles'éteint. Il rallume. Même jeu.

POLICIER 1 regarde POLICIER 2 de travers. Il rallume encore. Même jeu. POLICIER 1 donne une bourrade à POLICIER 2.)

SCENE V. LES MEMES. L'OURS

POLICIER 1 Dis-donc !... As-tu fini ?

POLICIER 2 Qu'est-ce qui te prend ?

POLICIER 1 Ne fais pas l'innocent. La plaisanterie eststupide.

POLICIER 2 Quelle plaisanterie ?

POLICIER 1 (menaçant) Suffit !...

(Il rallume)

(L'OURS s'approche alors de POLICIER 2. Même jeu qu'avec POLICIER 1. POLICIER 2 finit par donner une bourrade à POLICIER 1)

POLICIER 2 Vas-tu cesser, oui ou non ?

POLICIER 1 Ah ! Mais, dis-donc... As-tu fini de me bousculer ainsi ?

POLICIER 2 Ça t'apprendra à faire le petit farceur !

POLICIER 1 Petit farceur ?

POLICIER 2 Oui !... Et ne fais pas semblant d'être plus bête que tu n'es !...

POLICIER 1 Mais...

POLICIER 2 Assez !...

(Ils se replongent dans la lecture de leur journal, très énervés.

L'OURS renifle... une fois... deux fois... trois fois...)

POLICIER 1 Mouche-toi une bonne fois et que ce soit fini !...

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POLICIER 2 Mouche-toi toi-même !... C'est agaçant à lafin, ce bruit-là...

(Ils se regardent d'un air terribleet se replongent dans leur journal.L'OURS rabat le chapeau de POLICIER1 sur le nez..).

POLICIER 1 Cette fois, mon vieux… je te… (bourrade)

POLICIER 2 Es-tu fou, oui ou non ?

POLICIER 1 Reste tranquille, à présent, ou je te…

(L’OURS rabat le chapeau de POLICIER 2 sur le nez…)

POLICIER 2 Vas-tu me laisser en paix ?

POLICIER 1 Comment ?... Mais je ne m'occupe pas de toi!...

POLICIER 2 Ça va... Ne fais pas le malin... ou je te ...

(L'OURS les prend tous deux par le cou)

POLICIER 1 C'est bon... je ne t'en veux plus...

POLICIER 2 Allons, n'en parlons plus, c'est oublié...

(Ils se regardent, tout émus et aperçoivent L'OURS. Ils s'enfuient éperdument. L'OURS rugit et se précipite sur TINTIN. Ils boxent, luttent et entrent dans la coulisse. On entend un vacarme épouvantable, fracas de choses brisées, craquements, cris, hurlements, aboiements de MILOU.

Les BONZES arrivent en courant)

SCENE VI. BONZES. LES DEUX DUPONT.

1ER BONZE Par Bouddha !

2ème BONZE C'est épouvantable !... On a ouvert la cagede l'ours sacré !...

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1ER BONZE (à POLICIER 1) L'ours brun de l'Himalaya est le plus féroce des animaux !

2ème BONZE Il n'en réchappera pas !... Faisons quelquechose !

1ER BONZE Oui, faisons quelque chose !

2ème BONZE Il faut absolument faire quelque chose !...

1ER BONZE Il est perdu si nous ne faisons pas quelquechose

2ème BONZE Si nous nous réunissions en conseil, nous pourrions décider en quoi pourrait consister ce quelque chose qu'il faut faire, qu'il faut absolument faire...

1er BONZE Oui... non... oui... du calme... du sang-froid ! Nous allons l'effrayer... Brrrrrr... brrrrrrr.

(Tous font de grands gestes et poussent des cris pour effrayer L'OURS. Soudain, ils s'arrêtent, pétrifiés (un temps)

Entrent TINTIN et MILOU, tenant L'OURS en laisse. L'OURS fait encore un brusque mouvement. Tous tremblent.)

TINTIN Si tu bouges...

(L'OURS suit docilement. Voyant lesBONZES, il veut se précipiter sur eux. Ils poussent des cris de frayeur.)

TINTIN Ici !... Ici !... Aux pieds.

(Entrent LES DEUX BANDITS)

SCENE VII. LES MEMES.PROSPER ET JULES.

PROSPER Tu as entend ces cris ?... Je crois bien que son affaire est faite !

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JULES (se frottant les mains) Tu...ttttu... ttttu... tu as eu une fffffa.... une fameussssse idée... Oooooooh !...

(Il montre TINTIN et L'OURS)

TINTIN (se retourne et les aperçoit)

Oh ! mais voilà, si je ne me trompe, deux vieilles connaissances !... C'est vous qui avez ouvert la cage, gredins !...

(à L'OURS)

Prends-les !... Ksss !... Ksss !...

(Les DEUX BANDITS s'enfuient à toute allure)

(L'ours suit les bandits)

SCENE VIII. LES MEMES, moins PROSPER ET JULES

TINTIN Ah ! les coquins !...

POLICIER 1 Regardez-les détaler !...

POLICIER 2 Des lapins !... De véritables lapins !... Et tout ça pour un ours. (Il hausse les épaules) un brave petit ours de rien du tout !

POLICIER 1 Oui, au fond, c'est exact. Je m'imaginais que c'était beaucoup plus grand que ça, un ours. Après tout ce n'est pas si terrible !

(L'OURS rentre. LES DEUX DUPONT opèrent une retraite stratégique.)

TINTIN Ils ont réussi à s'échapper. Bah !... Allons, ici, vite et maintenant, dans ta cage ! Dans ta cage !

(L'OURS rentre docilement dans sa cage)

TINTIN Voilà !... Et maintenant...

POLICIER 1 ... un peu de repos !...

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POLICIER 2 Trois jours de repos !... L'avion ne part que dans trois jours !...

TINTIN En route, mes amis !... Nous partons tout de suite !

POLICIER 1 Mais l'avion ne part que dans trois jours !...

POLICIER 2 Et d'ailleurs, nous ne sommes pas encore reposés. N'oubliez pas que nous venons de faire cent kilomètres à dos de chameau !...

TINTIN Je sais. Mais, j'ai consulté l'indicateur. Nous allons prendre un autre avion, à deux cents kilomètres d'ici. Cela nous fera gagner deux jours, à cause des correspondances. Vous comprenez...

POLICIER 1 Et moi qui croyais me reposer pendant ces trois jours ! Enfin, soit !... Comment y allons-nous, à cet aérodrome ?... Nous prenons le train ?

POLICIER 2 Ou l'autobus, sans doute ?

TINTIN En route, Messieurs !... Nous y allons... àdos de chameau !...

(Ils sortent)

RIDEAU

Fin du 5è Tableau

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6ème TABLEAU.

A Bruxelles. Le salon des BOULLOCK. Au fond, sur une table, l'appareil à découvrir la vérité

SCENE I. TINTIN, les DEUX POLICIERS, LE PROFESSEUR DORYFORD.

TINTIN Mon cher Professeur je ne saurais vous direà quel point je suis heureux de vous avoir enfin rejoint.

DORYFORD Croyez que je suis désolé !

TINTIN Ah ! Évidemment, si j'avais su, je serais resté tranquillement à Bruxelles à attendrevotre retour. Cela nous aurait épargné pas mal de désagréments. Sans compter que nous aurions évité d'être en butte aux attaques sournoises de ces deux bandits qui s'étaient attachés à nos pas et qui nous ont manqué de peu à diverses reprises...

POLICIER 1 Et tout cela n'est encore rien. Mais songez, Monsieur le Professeur, que nous avons été obligés de faire des centaines dekilomètres à dos de chameau...

POLICIER 2 Oui !... Et c'est bien la pire chose qui existe sur terre !... Un voyage à dos de chameau.

TINTIN Bah !... Tout cela est passé. Vous voici enfin, M. Le Professeur, voici votre appareil, dont nous avons entendu faire le plus vif éloge partout où nous sommes passés. Nous allons enfin savoir lequel desdeux BOULLOCK est le vrai, le bon, le seul,l'unique...

POLICIER 1 Quant à l'autre... (un temps) nous nous en chargeons !

POLICIER 2 Oui, celui-là, nous... (un temps)... je dirais même plus...

DORYFORD Mon appareil, Monsieur TINTIN, a été conçu en vue de seconder la justice, et je me réjouis du hasard qui va lui permettre

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d'être utile à un détective tel que vous...Vous avez parlé tout à l'heure des attaquesdont vous avez été l'objet. Le misérable que notre expérience va acculer aux aveux ne renoncera pas facilement à ses infâmes entreprises contre vous... et contre moi !

TINTIN Vous croyez que...

DORYFORD Oui, oui... Maintenant que j'y réfléchis, ce n'est pas un accident que j'ai évité tout à l'heure !

TINTIN Un accident ?

DORYFORD Évité par miracle !... Alors que j'arrivaisici, en auto, avec mon appareil, un gros camion a débouché brusquement d'une rue transversale, juste devant nous... Sans un providentiel coup de volant, qui a d'ailleurs manqué de me précipiter contre un réverbère, j'étais culbuté, broyé par cette masse lancée à toute allure. Alors, je me demande si...

TINTIN Cela ne fait aucun doute !... C'est un suprême attentat ! Mon Dieu, Monsieur le Professeur, je suis désolé de vous avoir mêlé à cette affaire...

DORYFORD Pas du tout ! Pas du tout !... Je suis, au contraire enchanté de la tournure que prennent les événements... Du reste, tout est prêt. Voici la machine mise au point. Encore quelques petites manipulations au tableau d'électricité et l'expérience pourra commencer. Je reviens tout de suite.

TINTIN (alarmé) Où allez-vous ?

DORYFORD Mais... je descends à la cave, où j'ai à travailler. Je vous le disais à l'instant...

TINTIN Je vous accompagne.

DORYFORD Mais c'est inutile ! J'en ai pour trois minutes...

TINTIN Je tiens à assurer votre protection. Nous avons de quoi sont capables ces gens-là. Allons... Ah ! J'oubliais...

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Messieurs, je vous confie cet appareil. Ne laissez personne, personne, vous entendez, y toucher ou même s'en approcher. Per-son-ne.

POLICIER 1 Personne ne s'en approchera, personne n'y touchera. Je comprends toute l'importance de notre mission.

(à POLICIER 2)

Personne, entends-tu ?

POLICIER 2 Comptez sur nous ! Celui-ci voudrait y toucher ou même seulement s'en approcher, celui-là devrait nous marcher sur le corps !

TINTIN Je compte sur vous. Venez-vous, Monsieur leProfesseur ? Allons, MILOU...

(Sortent TINTIN, MILOU et le PROFESSEUR.)

(Les deux DUPONT seuls)

SCENE II (Les deux DUPONT, seuls)

POLICIER 1 Il devrait être bien malin, celui qui voudrait toucher à cet appareil !

POLICIER 2 Oui ! Il devrait s'être levé très tôt...

POLICIER 1 Mission importante que la nôtre !... Importante ! mais simple...

POLICIER 2 Personne ne peut toucher à cet appareil, personne ne peut même s'en approcher. La consigne est, en effet, assez simple.

POLICIER 1 Simple, oui, mais importante.

(Ils s'approchent de l'appareil)

POLICIER 2 Curieux, hein, cette machine-là...

POLICIER 1 Très curieux. Toutes ces vis, toutes ces manettes, tous ces fils... c'est curieux...

POLICIER 2 Je dirais même plus... je... suis... c'est... c'est curieux.

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POLICIER 1 Oui, c'est réellement curieux...

(Ils touchent à une manette.)

(Les deux DUPONT se regardent... Untemps)

POLICIER 1 Halte-là, en arrière !

POLICIER 2 Halte-là , en arrière !

POLICIER 1 La consigne, c'est la consigne !... On a dit personne, et personne, ça veut dire, personne !...

POLICIER 2 Je dirais même plus, la mission est simple,mais importante ! en somme.

(On sonne)

Je dirais même plus... On a sonné.

POLICIER 1 Il me semble, en effet, qu'on a sonné.

POLICIER 2 Soyons sur nos gardes !... La consigne, n'oublions pas la consigne !

POLICIER 1 Attention, on vient...

(Entrent THOMAS et LES DEUX BANDITSen blouse blanche, lunettes noires)

SCENE III. Les MÊMES,. THOMAS,.PROSPER,.JULES

THOMAS Par ici, Messieurs, le Professeur Doryford est dans la cave, avec Monsieur TINTIN. Ilsne vont pas tarder à...

PROSPER Je vous remercie, nous en avons pour un instant. M. Doryford nous a d'ailleurs donné les instructions. Laissez-nous.

JULES Oui, Monsieur Do... dodo... do... do... do...

POLICIER 1 Ré, mi, fa, sol, la, si, do... Hé hé... C'est inouï comme il y a beaucoup de gens qui bégayent... Je...

(POLICIER 2 lui donne un coup de coude. POLICIER 1 reprend

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immédiatement un air grave et sévère.

(Sort THOMAS)

SCENE IV. LES DEUX DUPONT.PROSPER ET JULES

PROSPER (à JULES) Il faut faire vite. Nous avons déjà eu de la chance de pouvoir tromper la surveillance de la police qui surveille la maison...

(PROSPER ET JULES s'approchent)

POLICIER 1 Halte-là !... Qui vive ?

POLICIER 2 Halte-là ou je fais feu !...

(Il brandit sa canne)

PROSPER Pardon, Messieurs, je ne saisis pas...

POLICIER 1 Au large, Messieurs, passez au large !...

POLICIER 2 Très juste !... Au large, Messieurs, au large !

PROSPER Messieurs, je suis très étonné...

POLICIER 1 Je regrette. Les ordres sont les ordres...

POLICIER 2 La consigne est la consigne. Le devoir avant tout...

PROSPER Quelle consigne ?

POLICIER 1 (grave) Personne ne peut toucher à cet appareil sans l'ordre de TINTIN. La mission est simple, mais importante !...

POLICIER 2 Personne ne peut même s'approcher de cet appareil. C'est une mission importante quoique simple !

JULES JJJJJJ...jjj...jjj...

POLICIER 1 C'est cela...

PROSPER Ah !... J'ai compris !... On craint un sabotage, n'est-ce pas ?... Je comprends...Soyez sans crainte à ce sujet. Nous sommes les assistants du Professeur Doryford.

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C'est lui nous a envoyés ici pour procéder à l'ultime mise au point de son appareil...et...

POLICIER 1 Vous êtes les assistants du Professeur Doryford... Dans ce cas...

POLICIER 2 Un instant !... Qu'est-ce qui nous prouve que vous dites la vérité ?

PROSPER Mais enfin !... Allez le demander au Professeur !

POLICIER 2 C'est cela, bonne idée... J'y vais...

POLICIER 1 Où vas-tu ?

POLICIER 2 Demander au Professeur si...

POLICIER 1 Et tu me laisses seul ?... Et si ce sont des bandits ??... Seul contre deux !

POLICIER 2 C'est juste !... viens avec moi...

(POLICIER 1 fait mine de s'en aller)

POLICIER 1 Mais non, ce n'est pas possible. Nous laissons l'appareil seul, alors... Et la consigne ?

POLICIER 2 Saperlipopette ! Que c'est compliqué !...

PROSPER Allez-vous vous décider ? Nous n'avons pas de temps à perdre, nous...

POLICIER 1 Oui, mais... Euh... la consigne, vous comprenez...

PROSPER Bon ! Très bien, à votre aise. Lorsque le Professeur reviendra, je lui dirai que vousnous avez empêché de travailler !... Je suis certain qu'il vous félicitera de votreflair !... Prendre les assistants du Professeur Doryford pour des bandits !... Vous êtes très forts...

POLICIER 2 Oui... mais la consigne... la consigne, n'est-ce pas...

POLICIER 1 Oui !... excusez-nous... la consigne...

PROSPER Oh ! Très bien !... Attendons le Professeur.

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(POLICIER 1 et POLICIER 2 se regardent d'un air désespéré... Ilsse parlent à l'oreille...)

POLICIER 1 Écoutez !... Donnez-nous votre parole d'honneur que vous êtes bien les assistantsdu professeur...

POLICIER 2 C'est cela. Votre parole d'honnête homme que vous n'êtes pas des bandits !

PROSPER Parole d'honneur !...

JULES Pa... papa... papa... papapa...

PROSPER Êtes-vous convaincus, à présent ?

POLICIER 1 Messieurs, excusez-nous.

POLICIER 2 Je dirai même plus. Mais la consigne, voyez-vous...

PROPSER Allons, au travail !...

(bas, à JULES) :

Il faut faire vite !... Le professeur peut remonter d'un moment à l'autre...

POLICIER 1 Que dites-vous ?

PROSPER Je... rien... je pestais contre cette mécanique... tellement compliquée !...

(à JULES)

Il me faudrait une clé anglaise...

(JULES cherche dans la trousse qu'il a apportée.

(POLICIER 1 ramasse un clé anglaiseest la donne à PROSPER)

POLICIER 1 Attendez je vais en chercher.

PROSPER Merci... ou plutôt... un marteau...

POLICIER 2 Attendez je vous en cherche.

PROSPER (à JULES) Et maintenant, en vitesse !... C'est notre dernière chance !... Détruisons l'appareil à fond

(Il lève son marteau. TINTIN entre brusquement avec MILOU...)

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SCENE V. LES MEMES. TINTIN ET MILOU.

TINTIN Haut les mains !

TINTIN Eh bien, Messieurs, ça n'a pas marché commevous le désiriez, n'est-ce pas ? Que voulez-vous ?... MILOU vous a repérés du fond de la cave !... Il grondait et grognait sans arrêt. C'est lui qui m'a conduit ici, juste à temps je vois...

(à POLICIER 1 et POLICIER 2)

Et la consigne que je vous avais donnée ?

POLICIER 1 Ce sont des menteurs !... Ils nous ont donné leur parole d'honneur qu'ils étaient les assistants du Professeur Doryford !

POLICIER 2 Nous n'allions pas leur faire l'injure de mettre leur parole en doute !... Ah !... Nous faire ça, à nous !...

TINTIN Allons !... Emparez-vous de ces canailles. Et mettez-les en lieu sûr en attendant l'arrivée de la police. Et cette fois...

POLICIER 1 Comptez sur nous !... Par ici, assistants !...

POLICIER 2 C'est ça !... En avant, assistant !...

(Sortent LES DEUX DUPONT et LES DEUX BANDITS, menottes aux poings. Ils croisent DORYFORD)

SCENE VI. TINTIN. MILOU. DORYFORD.

DORYFORD Quels sont ces deux personnages ?

TINTIN Vos deux assistants parait-il ?... En réalité, les deux bandits qui m'ont poursuivi autour du monde. Une dernière tentative, une manœuvre désespérée qui a

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été bien près de réussir et qui n'a échoué que grâce à ce bon chien MILOU !

DORYFORD Quel chien extraordinaire vous avez là !...

(Entrent LES DEUX DUPONT)

SCENE VII. LES MEMES. LES DEUX DUPONT.

TINTIN Où les avez-vous mis ?

POLICIER 1 Où vous nous avez dit de les mettre : en lieu sûr.

TINTIN Oui, mais où ?

POLICIER 2 Dans le coffre-fort.

(Entre MADAME BOULLOCK)

SCENE VIII. LES MEMES. MADAME BOULLOCK

MME BOULLOCK Enfin, nous allons savoir. Bonjour, M. Le Professeur. Bonjour, M. TINTIN. Bonjour, MILOU !... Bonjour, MM. Durant et Durant.

POLICIER 1 Pont, Madame...

MME BOULLOCK Pardon ?

POLICIER 1 Dupont, pas Durand. C'est très facile à retenir pourtant, Madame Boulette ?...

MME BOULLOCK BOULLOCK, Monsieur, voyons...

POLICIER 1 C'est cela, Doullon, Madame Dulock...

MME BOULLOCK Ah ! Messieurs, que je suis impatiente !...Que je suis impatiente !... Je suis d'une nervosité !... d'une nervosité !... Je... oh... de ma vie, je n'ai été aussi impatiente !...

(Au PROFESSEUR)

Quelle étrange mécanique !... Et vous êtes sûr que cela va marcher ?

DORYFORD Tout à fait sûr, Madame.

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TINTIN Peut-être pourrait-on commencer ?

MME BOULLOCK Oh ! oui !... Commençons !!! Je suis si impatiente...

(Elle sonne. Entre THOMAS)

SCENE IX. LES MEMES. THOMAS

MME BOULLOCK Faites entrer mes deux maris...

THOMAS Bien, Madame...

(Il sort)

SCENE X. LES MEMES moins THOMAS.

TINTIN J'avoue que je me sens un peu ému. Pensez donc, une expérience pareille !...

DORYFORD Je dois dire que c'est la première fois quemon appareil va fonctionner dans des circonstances aussi graves et moi aussi, je...

MME BOULLOCK Mais vous m'avez dit que vous étiez sûr du résultat !...

DORYFORD Et je le répète, Madame. Je suis absolumentcertain de mon appareil.

MME BOULLOCK Ah !... Ah !... ah !... Je me meurs de curiosité... d'anxiété... d'espoir... d'inquiétude... d'angoisse... Je... je... je sens que je vais m'évanouir !

Scène XI Les mêmes, THOMAS, les 2 BOULLOCK.

THOMAS Monsieur BOULLOCK... et monsieur BOULLOCK...

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(Ils entrent, l'air toujours inspirés. THOMAS fait mine de se retirer)

TINTIN Asseyez-vous, messieurs... Restez, THOMAS !... J'aurai besoin de vous tout à l'heure !...

DORYFORD Puis-je commencer ?

TINTIN Encore un instant, je vous prie... A propos, il m'est venu une idée, tout à l'heure.

MME BOULLOCK Une idée ?...

TINTIN Oui... ou plus exactement, elle m'est venueil y a quelques jours, alors que nous approchions de Lhassa.

(à POLICIER 1)

Vous avez remarqué comme les idées vous viennent quand on voyage à dos de chameau ?...

POLICIER 1 Quand on voyage à dos de chameau ?... Des idées ?... Non, je n'ai pas remarqué !

(à POLICIER 2)

Et toi, tu as trouvé le temps d'avoir des idées ?

POLICIER 2 Des idées ?... A dos de chameau ?... Vous avez trouvé des idées en voyageant à dos dechameau ?... Et bien, franchement, mon cherTINTIN, vous êtes très fort... bien que vous n'ayez pas de diplôme.

TINTIN Je disais donc que pour être si bien renseigné sur les faits et gestion de votremari, Madame... pour être au courant des moindres détails de sa vie journalière, le faux BOULLOCK avait dû avoir un COMPLICE dans l'entourage immédiat du milliardaire.

Mme BOULLOCK Monsieur TINTIN, vous ne voulez pas insinuer...

TINTIN (sec) Je n'insinue rien, Madame. J'affirme !... Vous aurez remarqué comme moi que les deux bandits surpris tout à l'heure ici même,

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avaient sonné un instant à peine après que M.Doryford et moi fûmes descendus à la cave!... S'ils n'avaient pas été certains de l'absence momentanée du Professeur, il est clair qu'ils n'auraient pas tenté leur coup. Ils savaient donc que le Professeur et moi, nous étions à la cave !...

MME BOULLOCK Ils savaient !... Mais alors, c'est... c'est quelqu'un d'entre nous qui les auraitprévenus ?... C'est absurde !...

TINTIN Absurde ?... Pas tellement !... Il serait beaucoup plus absurde d'admettre qu'ils soient arrivés à tout hasard, avec toutes les chances de tomber sur le Professeur et d'être démasqués sur-le-champ !... Voilà qui serait absurde, Madame !

MME BOULLOCK Mais alors... mais alors... Ce complice estparmi nous !... Qui est-ce, Monsieur TINTIN?... Qui est-ce ?

TINTIN Vous n'avez pas encore deviné, Madame ?...

(à POLICIER 1 et POLICIER 2)

Vous avez des menottes ?...

(Les DEUX DUPONT sortent leurs menottes et les préparent d'un air terrible, en regardant MADAME BOULLOCK)

MME BOULLOCK Mon Dieu... ne me regardez pas ainsi !... Je vais m'évanouir !...

TINTIN Faites votre devoir, Messieurs...

(Les DEUX DUPONT se dirigent d'un air solennel vers MADAME BOULLOCK, qui recule d'un air effrayé)

TINTIN Que faites-vous, Messieurs ?... Ne me suis-je pas suffisamment fait comprendre ?... THOMAS m'a parfaitement compris, lui...

(Il se tourne vers lui)

N'est-ce pas, THOMAS ?... Allons, ne faitespas cette tête, mon ami !...

THOMAS74

(Il recule et bondit par la fenêtre. Tous se précipitent)

TINTIN Rassurez-vous !...

(On entend du bruit)

Il est déjà cueilli... J'avais fait placer un cordon de police autour de la maison.

MME BOULLOCK THOMAS !... Le fidèle THOMAS !... Lui qui était au service de mon mari depuis plus dequinze ans. C'est... c'est... c'est inouï !...

POLICIER 1 Nous vous avions à l’œil, mon ami !...

(Ils lui passent les menottes)

POLICIER 2 Toutes vos petites manigances ne nous avaient pas échappé, gredin !...

TINTIN Et maintenant, THOMAS, peut-être voudrez-vous épargner au Professeur Doryford la peine de se servir de ses appareils. Qui est le vrai Monsieur BOULLOCK ?

THOMAS (buté) Je ne parlerai pas !...

DORYFORD (vivement)

N'insistez pas Monsieur TINTIN, il pourrait finir par le dire !... Et je n’aurais pas le plaisir de réussir cette expérience devant vous...

TINTIN Comme vous voudrez. Je préfère d'ailleurs, moi aussi, être témoin de cette expérience.

(Aux DEUX DUPONT)

Ramenez-le et mettez-le auprès des autres en attendant... le dernier...

(Sortent LES DEUX DUPONT et TINTIN)

SCENE XII - TINTIN, MILOU, Mme BOULLOCK, LES DEUX BOULLOCK.

TINTIN Messieurs, une dernière fois, qui de vous est Monsieur BOULLOCK ?

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BOULLOCK 1 BOULLOCK... mais... c'est moi, naturellement !

BOULLOCK 2 BOULLOCK... mais... la chose est claire... C'est moi, évidemment !

TINTIN Très bien, Monsieur le Professeur, faites...

(Pendant que LE PROFESSEUR met les casques, entrent les DEUX DUPONT)

SCENE XIII. LES MEMES. LES DEUX DUPONT.

DORYFORD Voici, tout est prêt. Maintenant, je pose la question : Êtes-vous Monsieur BOULLOCK ?

MME BOULLOCK Je... je... nous allons sevoir...

BOULLOCK 1 Je... je... je... je... je suis...

BOULLOCK 2 Je... je... je... je suis... je ne suis pas... je... non... je ne veux pas... je neveux pas... je ne dirai pas...

BOULLOCK 1 Je suis Monsieur BOULLOCK, naturellement !

BOULLOCK 2 Je... non... je ne dirai rien... je... je suis Big Ben le Terrible... Je suis Big Benle Terrible... Je suis Big Ben le Terrible.J'ai fait enlever Monsieur BOULLOCK... je voulais m'emparer de sa fortune... je... ah!... j'ai menti !... j'ai menti !... j'ai menti !...

POLICIER 1 Et le mensonge est toujours puni !...

POLICIER 2 Toujours puni !...

(MADAME BOULLOCK s'évanouit en poussant un grand cri. LES DEUX DUPONT se précipitent pour la ranimer.)

TINTIN Nous voilà fixés. Je vous remercie, Monsieur le Professeur, et je vous félicitesincèrement. Votre appareil est une véritable merveille.

(LE PROFESSEUR arrête sa machine etenlève les casques)

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TINTIN (aux DUPONT) Messieurs, vos menottes...

POLICIER 1 Excusez-nous, Madame BOULLOCK...

POLICIER 2 Le devoir, vous comprenez, Madame Bouboule...

(Ils s'approchent du faux BOULLOCK,à qui le PROFESSEUR achève d'enlever son casque)

POLICIER 1 ET POLICIER 2

Au nom de la loi...

(Le faux BOULLOCK se dresse brusquement, et leur donne à chacunun coup de poing. Ils chancellent. Il sort son revolver.)

BOULLOCK 2 Haut les mains !...

TINTIN Haut les mains vous-même !... Inutile!... vous êtes pris !... regardez derrière vous !...

(Le faux BOULLOCK se retourne pour faire face aux ennemis éventuels. TINTIN bondit et saisit la main quiserre le revolver. Ils luttent.Jeu de scène. Le revolver braqué dans toutes les directions. Tous les assistants courent d'un côté à l'autre de la scène pour éviter le coup.A la fin, TINTIN, le dos tourné au public, dégage sa main droite et envoie un formidable coup de poing au bandit qui s'écroule, knock-out...TINTIN se frotte les mains.)

TINTIN Ouf !... Il faudra que je me remette sérieusement à m'entraîner, MILOU... Mon crochet n'est plus aussi bon que l'année dernière...

(LES DEUX DUPONT, qui s'étaient cachés comme les autres pendant la lutte, s'approchent du bandit

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étendu et, penchés au-dessus de soncorps, comptent les secondes.)

POLICIER 1 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10 ! out !...

POLICIER 1 ET POLICIER 2 (levant les bras de TINTIN) –

TINTIN, vainqueur par knock-out, au dernierround...

(Les assistants applaudissent)

RIDEAU

Fin de l'acte

FIN DE LA PIECE.

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