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Reportage www.terra-economica.info n°39 - 2 décembre 2004 - 1,50 l’économie entre les lignes Le mythe de la voiture propre Page 5 La pollution automobile est une préoccupation sociétale. Pourtant, rouler propre n’est pas davantage un critère d’achat pour les consom- mateurs, qu’un argument de vente pour les constructeurs automobiles. Wikipédia, encyclo grand ouverte Page 12 A la fois nouvel outil de référence et fascinante initiative de partage des savoirs, Wikipédia est la première encyclopédie en ligne dont les lec- teurs sont aussi les auteurs. Les herbes folles de l’économie Page 11 Hors des cases bien tracées qui enserrent l’homo economicus, il existe une quatrième dimension économique fort méconnue, dite “informelle” . Informelle, mais tellement vivante. L’Insee marche dans la boue Page 2 Les sites régionaux de l’Insee n’ont rien d’une agence de tourisme, mais ils fournissent des données extrêmement précises. Et présentent un avantage : la gratuité. Les Brèves Page 3 La Thaïlande tente de contrefaire son image // Chez General Electric, l’abus d’anglais nuirait gravement à la santé // Google tique sur les auto-clics // Carrefour primé pour son traite- ment de substitution à la coca // Le burger poids lourd La Revue de Presse Page 4 Balade africaine pour la Chine // La baronne de Rothschild chez les sauvageons // Eau potable : la solution qui tombe du ciel // Une bulle spéculative coincée dans la radio Capitale de l’économie la plus puissante d’Europe, Berlin est aussi une ville pauvre. Elle ploie sous les dettes, vit essentiellement de ses administrations, attire peu les entreprises et abrite une population dépendant des transferts sociaux. Est-ce un problème ? Selon les canons de l’économie marchande, probablement. Mais à y regarder de près, Berlin affiche aussi un joli potentiel humain et ses citoyens semblent tout près de tutoyer, sinon le bonheur, du moins la sérénité. // Page 6 Berlin fauchée, Berlin heureuse

Berlin fauchée,€¦ · de BD, dûment passionné par les aventures du petit reporter. Je réaffirme que Tintin ne fut pas un héros humaniste,même si ses der-nières aventures

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Page 1: Berlin fauchée,€¦ · de BD, dûment passionné par les aventures du petit reporter. Je réaffirme que Tintin ne fut pas un héros humaniste,même si ses der-nières aventures

Reportage

w w w . te r ra - e co n o m i c a . i n fo

nn°°3399 -- 2 décembre 2004 - 1,50 €

l’économie entre les lignes

Le mythe de la voiture propre Page 5

La pollution automobile est une préoccupationsociétale. Pourtant, rouler propre n’est pasdavantage un critère d’achat pour les consom-mateurs, qu’un argument de vente pour lesconstructeurs automobiles.

Wikipédia, encyclo grand ouverte Page 12

A la fois nouvel outil de référence et fascinanteinitiative de partage des savoirs, Wikipédia estla première encyclopédie en ligne dont les lec-teurs sont aussi les auteurs.

Les herbes folles de l’économie Page 11

Hors des cases bien tracées qui enserrent l’homoeconomicus, il existe une quatrième dimensionéconomique fort méconnue, dite “informelle”.Informelle, mais tellement vivante.

L’Insee marche dans la boue Page 2

Les sites régionaux de l’Insee n’ont rien d’uneagence de tourisme, mais ils fournissent desdonnées extrêmement précises. Et présententun avantage : la gratuité.

Les Brèves Page 3

La Thaïlande tente de contrefaire son image //Chez General Electric, l’abus d’anglais nuiraitgravement à la santé // Google tique sur lesauto-clics // Carrefour primé pour son traite-ment de substitution à la coca // Le burgerpoids lourd

La Revue de Presse Page 4

Balade africaine pour la Chine // La baronne deRothschild chez les sauvageons // Eau potable :la solution qui tombe du ciel // Une bullespéculative coincée dans la radio

Capitale de l’économie la plus puissante d’Europe, Berlinest aussi une ville pauvre. Elle ploie sous les dettes, vitessentiellement de ses administrations, attire peu lesentreprises et abrite une population dépendant destransferts sociaux. Est-ce un problème ? Selon les canonsde l’économie marchande, probablement. Mais à yregarder de près, Berlin affiche aussi un joli potentielhumain et ses citoyens semblent tout près de tutoyer,sinon le bonheur, du moins la sérénité. // Page 6

Berlin fauchée,Berlin heureuse

Page 2: Berlin fauchée,€¦ · de BD, dûment passionné par les aventures du petit reporter. Je réaffirme que Tintin ne fut pas un héros humaniste,même si ses der-nières aventures

Forum des lecteurs // Sources

Forum des lecteurs

n°39 -- 2 décembre 2004 www.terra-economica.info2

Les ambiguïtés de Tintin...Réaction à l’article “Spirou aupays du développementdurable”, Terra economicanuméro 30, du 23 septembre2004. (Cet échange d’expertsest intégralement lisible surnotre site).

Je me permets de réagir àvotre article, non pas tant àpropos de Spirou, mais enraison de la brève - quoiquepernicieuse -, allusion quevous faites à propos deTintin. En gros, vous déniezaux aventures du jeunereporter du Petit Vingtièmele caractère "humaniste"que vous accolez à celles dugroom. Je ne suis pas unreprésentant de laFondation Moulinsart, maisj’avoue que ce genre d’allu-sion commence à me lasser.Car elle est trop fréquente.Tintin facho ? Réac ? Néo-conservateur ? Je crois plu-

tôt que Tintin, commeSpirou, est un humaniste.Quelques exemples : Tintinau pays des Soviets dénoncesans ambiguïté l’URSS stali-nienne ; [...] dans Le LotusBleu (dès 1934 !), il est farou-chement anticolonialiste ;dans L’Affaire Tournesol,Tintin s’oppose auxBordures, lesquels sont trèsclairement des Nazis ; Tintinet les Picaros où Tintin esttiers-mondiste (et oui, j’ose),car il renvoie les USA(Alcazar, sa femme Peggy etle caisson "US Army" dansleur tente) et l’URSS(Tapioca et les moustachesde Plekzy-Gladz) dos à dos.Julien, tintinophile & spirouphile

Réponse de l’auteur :Bonjour, cette "allusion"concernant Tintin n’est pasémise par un journaliste unpeu rapide de la plume,

mais par un collectionneurde BD, dûment passionnépar les aventures du petitreporter. Je réaffirme queTintin ne fut pas un héroshumaniste, même si ses der-nières aventures le voyaientlibérer les esclaves (Coke enStock) ou porter des jeans(Les Picaros)... Dans son Paysdes Soviets, Hergé dénonçanon pas le stalinisme, maisle communisme collectivis-te, idée qui, à cette époque,horrifiait l’extrême droitecléricale belge, dont il futl’un des partisans. Je ne rap-pelerai pas les affreux cli-chés coloniaux qui ontcours dans Tintin au Congo.Sans parler des cases antisé-mites qui parsemèrent lespremières versions deL’Etoile Noire, où le méchantBolkenstein au nez crochujurait la perte del’Occident... Pardonnez-moi,je reconnais un génie cer-

Comme Michel Delpech, votre "famillehabite dans le Loir-et-Cher". Puisque,"ces gens-là ne font pas de manières",mieux vaut les connaître avant de leurrendre visite. Les sites régionaux del’Insee n’ont rien d’une agence de tou-risme, mais fournissent des donnéesextrêmement précises. Un exemple ?Dans la région Centre, l’espérance devie des hommes est de 75,5 ans, cont-re 72,9 pour la moyenne nationalemasculine. En 2002, 11290 mariages yont été célébrés, sur un total de286320 pour l’Hexagone.On y compte8,87% de chômeurs, alors que laFrance flirte avec les 10% au troisième tri-mestre 2004. Sachez aussi que la régionCentre recense 13447 licenciés de pétanquesoit 3,3% des troupes tricolores. Que 8035entreprises y ont été créées en 2003, soit2,8% du total national. Que 6581 médecins yprodiguent leurs conseils avisés, soit 3,3%des effectifs français. Utiles ou futiles, qu’elles

vous donnent envie de vous installer dans leLoir-et-Cher ou pas, les milliers de statis-tiques régionales de l’Insee rappellent queParis et sa région ne sont pas la France. Etprésentent un avantage : la gratuité. // AB

Promenade statistique en France :www.insee.fr/fr/region/accueil_region.htm

Sources

Ont participé à ce numéro (ordre

alphabétique inversé) : Jalila Zaoug,

ZAG, Marie Wolin,Toad, ponofob,

Aurélie Piel, Hélène Kohl (à Berlin),

Pauline Hervé, Arnaud Gonzague, David

Garcia, Edouard Flam, Nicolas Filio, DjS,

Benoît Gautier, Alexandra Chaignon,

Baya Bellanger, Anne Bate, Sara Aden

Illustration de Une : Toad

Directeur artistique :

Sébastien de Poortere

Relations abonnés, communication :

Mathieu Ollivier

Systèmes d’information :

Gregory Fabre

Rédacteur en chef : David Solon

Responsable de la rédaction,

directeur de la publication :

Walter Bouvais

Terra economica est édité

par Terra economica, SARL de presse

au capital de 1500 euros - RCS B 451

683 718 (Paris)

Siège social :

24, rue Saint-Martin, 75004 Paris

Principaux associés :

Gregory Fabre (gérant), Mathieu

Ollivier, Walter Bouvais

Impression : Dupli Print, 2 rue

Descartes, ZI Sezac, 95330 Domont

Dépôt légal : à parution

Numéro ISSN : 1766-4667

Numéro de Commission paritaire :

1004 I 84334

Contact : Terra economica,

139, rue du Faubourg-Saint-Denis,

75010 Paris

Service abonnements :01 42 05 73 69

ou [email protected]

L’Insee marche dans la boue

tain à Hergé, comme àCéline, Bernanos ou LéonBloy, mais qualifier sonœuvre d’humaniste meparaît pour le moins exces-sif. Au contraire, celle deFranquin ne varia jamais etfut toujours poétique, écolo-giste et... profondémentdésespérée.Arnaud Gonzague

Réagissez à nos articles :[email protected] vos tribunes :[email protected]

URS

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Brèves

www.terra-economica.info n°39 -- 2 décembre 2004

Brèves

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Chez General Electric, l’abus d’anglais nuirait gravement à la santéDrôle de manif le 23 novembre dernier devant le tribunal de grandeinstance de Versailles (Yvelines). Les syndicats de General Electric MedicalSystems dénonçaient l’usage abusif de l’anglais dans la multinationaleétats-unienne. Au mépris de la loi Toubon de 1994, qui oblige lesemployeurs à utiliser le français comme langue de communication. "Lamoitié des entreprises continuent d’avoir des messageries en anglais et 7%ont basculé dans le tout anglais", déplore la CFTC. Shocking ? Pour le syndi-cat chrétien, les salariés doivent "refuser l’imposition abusive de l’emploi dela langue anglaise et reconquérir leur droit de travailler en français dans leurpays." Le jugement est attendu début janvier. (Lire également le dossier“My fracture linguistique is rich”, Terra economica n°13) // David Garcia

Google tique sur les auto-clicsGoogle s’attaque à la fraude sur ses liens publicitaires "Adsense".Ce système rusé, lancé en 2003, permet au responsable d’un siteInternet de publier des annonces publicitaires qui s’adaptentautomatiquement au thème abordé sur ses pages. Lorsque lesvisiteurs cliquent sur les pubs, les annonceurs doivent verser del’argent à Google, qui en redistribue une partie au responsable dusite. Ce dernier n’a évidemment pas le droit de cliquer lui-mêmesur les annonces. Croyant pouvoir s’enrichir sans peine, la sociététexane Auction Expert a pourtant tenté l’expérience. Pas de chan-ce, Google s’en est aperçu et vient de porter plainte. Rien n’est ditsur le montant de la somme indûment perçue. // Nicolas Filio

Carrefour primé pour son traitementde substitution à la cocaLe numéro 2 mondial de la grande distribution,Carrefour, vient de décrocher le prix de l’Officedes Nations unies pour le contrôle de la drogueet la prévention du crime (UNODC) grâce à sonaction en faveur de l’éradication des cultures defeuilles de coca en Colombie. Cette récompenseremise par le ministère autrichien des Affairesétrangères vient couronner le programme menépar Carrefour, les Nations unies et l’ambassade deFrance en Colombie. Le distributeur, en échangede l’arrêt de la production de coca, s’engage àcommercialiser les cultures de substitution (cœurde palmier, haricots rouges, canne à sucre, café,etc.) développées par les agriculteurs locaux.Pour la première fois depuis sa création en 1999,le prix UNODC récompense une entreprise etnon une ONG. // David Solon

Le burger poids lourd"Un hommage à la décadence", rien de moins. C’est ainsi que la chaîneaméricaine de fast food Hardee’s a nommé sa dernière trouvaille, leMonster Thickburger, un sandwich qui aligne 1420 calories et 107 gram-mes de gras à lui tout seul. En période de lutte anti-obésité aux Etats-Unis,il fallait oser. Pour 5,49 dollars, l’argument "toujours plus lourd" séduira-t-illes ados en mal de rébellion ? Si c’est le cas, McDonald’s peut remballerson BigMac. Un poids plume qui ne dépasse pas les 600 calories. // PH

La Thaïlande tente de contrefaire son imageBangkok, réservoir de copies bon marché demontres Cartier, de sacs Vuitton ou de chaus-sures Prada ? C’est une image d’un autretemps, assure la Thaïlande à ses partenairescommerciaux. Bangkok veut désormaiss’afficher comme la capitale asiatique de lamode et de la beauté. Le Premier ministre,Thaksin Shinawatra, a même recruté l’ItalienGiorgio Armani pour former des stylistes thaï-landais à son siège de Milan. Un revirementstratégique probablement pas sans lien avec lafin de la "période de grâce" dont ont bénéficiéles pays en voie de développement pour appli-quer les règles sur la protection de la propriétéintellectuelle. L’Union européenne, par la voixde son (ex-)commissaire au commerce, PascalLamy, a prévenu : elle va lâcher l’artillerie (juri-dique) lourde contre les pays en développe-ment qui ne mettraient pas fin à leurs activitésde contrefaçon. Pour donner plus d’efficacité àsa lutte, la Commission européenne va concen-trer son effort sur un petit nombre de pays.Une "liste noire" en tête de laquelle figure laChine, comprend également l’Ukraine, laRussie, le Brésil, la Turquie, la Corée du Sud,l’Indonésie. Et la Thaïlande. // Anne Bate

Jacques Chirac, le 22 novembre, lors d’une table ronde surl’exportation. Le président de la République faisait référence aux petiteset grandes entreprises françaises qui, selon lui, ne sont pas assez présen-tes dans les zones étrangères de croissance. Chiffres à l’appui : "Nousavons 100000 PME exportatrices, contre 170000 en Italie et 200000 enAllemagne.” Sortez les crocs !

La Petite phrase

« Nous n’avons pas assez de goûtpour le grand large, et pas assez le réflexe de chasser en meute

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« NEETNi étudiant, ni chômeur, ni stagiaire, voici le jeune qui ne ren-tre pas dans les cases. “Not in education, employment or trai-ning” : ce néologisme né dans la Grande-Bretagne de TonyBlair désigne une nouvelle génération de jeunes devenusSDF par dépit. Au Japon, les NEET, qui représentent 10% des16-18 ans, préoccupent sérieusement le gouvernement. A telpoint que Tokyo a inscrit au programme du budget 2005 un“plan pour redynamiser la jeunesse” de 170 millions d’euros.Dans une société fondée sur le respect du travail et la fidéli-té à l’entreprise, le cas de ces jeunes qui, déçus de ne pastrouver d’emploi correspondant à leurs attentes après leursétudes, ont choisi de tout laisser tomber, s’apparente à undéshonneur pour les familles. Selon l’article d’un quotidienjaponais repris par Courrier International, “le gouvernementdoit comprendre que les NEET ne sont ni des paresseux, ni desenfants gâtés, et que tous les jeunes peuvent le devenir”. // PH

Revue de Presse

n°39 -- 2 décembre 2004 www.terra-economica.info

Revue de Presse // Gros mot // Chiffre

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Une bulle spéculative coincéedans la radioAprès le succès de la télévision à péage(par câble ou satellite), quelques pion-niers envisagent la réussite commercia-le de la radio payante. Transmis parsatellite auprès des seuls abonnés, lesprogrammes de Sirius - qui a annoncél’arrivée du célèbre animateur HowardStern en 2006 - et de XM Satellite Radio,réunissent aux Etats-Unis près de 3,5millions d’abonnés, selon The Economist(25 novembre). Conséquence, ces deuxréseaux ont beau accumuler les pertes(900 millions de dollars à eux deux), le"marché" spécule sur leur devenir : cesdeux-là seraient déjà valorisés 15milliards de dollars, quand les cinq plusgros réseaux hertziens n’en valentensemble "que" 8 milliards. L’intérêt deleurs program-mes ? Pas de publicité.Mais ce confort se paie : 10 à 13 dollarspar mois, auxquels il faut ajouter l’inves-tissement de 100 dollars pour un posterécepteur approprié. // Edouard Flamwww.economist.com

La baronne de Rothschildchez les sauvageonsArriver à l’heure aux rendez-vous, parleravec courtoisie, dire bonjour-merci-aurevoir. L’entreprise de travail intérimaireAdia revient aux bases de la politesse etde la civilité pour aider les jeunes des

quartiers difficiles (abonnés, commechacun sait, à l’intérim) à pacifier leursrelations avec les employeurs. CourrierCadres (18 novembre) raconte ainsicomment sont organisés des stages decinq jours où sont simulées des situa-tion d’entreprise. "Ils ont parfois desrègles de vie différentes de celles de l’en-treprise. Cette formation confronte cesrègles et montrent qu’elles peuvent êtrecompatibles", explique une responsabled’Adia. En attendant d’apprendre auxemployeurs la politesse du CDI. // AG

Balade africaine pour la ChineSi le bouillonnement économique de laChine a généré une lame de fond enEurope et en Amérique, quelques gout-tes éclaboussent aussi l’Afrique. Car lanouvelle puissance asiatique a comprisque sans pétrole, ses machines ne tour-neraient pas longtemps, explique MFI, lachronique économique de RFI.C’est quela Chine est devenue en 2003 le deuxiè-me consommateur de produits pétro-liers dans le monde après les Etats-Unis,devançant pour la première fois leJapon. Sa soif de pétrole l’a poussée às’intéresser à l’Angola, au Nigeria, à laLibye, au Tchad et au Gabon. Mais c’estau Soudan qu’elle a réalisé son investis-sement étranger le plus important :3 milliards de dollars dans une raffinerietraitant 2,5 millions de tonnes par an et

un oléoduc de 1500 km pour exporterdu brut à partir de la Mer Rouge. En tantque membre permanent du Conseil desécurité de l’Onu, la Chine a de plusmenacé en septembre d’utiliser sondroit de veto contre l’adoption de sanc-tions pétrolières à l’encontre du Soudan,à propos du conflit dans le Darfour. EnChine, comme ailleurs, la diplomatie car-bure aussi à l’économie. // Anne Batewww.rfi.fr

Eau potable : la solution qui tombe du cielElle ne coûte rien, appartient à tous etrespecte parfaitement l’environnement.Pourtant, le potentiel de l’eau de pluieest négligé, s’offusque dans les colon-nes du Courrier de Genève MargaritaPacheco, qui dirige l’Alliance internatio-nale pour la gestion de l’eau de pluie(Irha). Ce réseau, né à Johannesburg lorsdu sommet de la Terre de 2002, se batpour “donner aux populations les pluspauvres les moyens de collecter et utiliserl’eau de pluie”. Malgré leurs promesses,Etats et Nations unies se sont pour lemoment bien peu démenés. On est loinde l’objectif fixé à Johannesburg, quiétait de "réduire de moitié le nombre depersonnes privées d’eau potable".Aujourd’hui, il demeure "supérieur à unmilliard.” // Pauline Hervéwww.lecourrier.ch

40 %des hausses de revenusdepuis 1979 sont alléesaux 10% des Britanniquesles plus riches.

Inequality and the State (Lesinégalités et l’Etat), livrepublié par deux chercheursde la prestigieuse LondonSchool of Economics, dresseun tableau aussi tranchéque scientifique du creuse-ment des inégalités auRoyaume-Uni. Depuis 1979en effet, 40% des augmen-

tations des "revenus person-nels disponibles" sont alléesaux 10% de Britanniques lesplus riches. Dans le mêmetemps, la part réservée aux10% les plus pauvres adiminué d’un tiers. En lignede mire, les politiques gou-vernementales libérales desannées Thatcher et Major. Etquelques contradictionsbien humaines : une majori-té de Britanniques souhai-tent le maintien de dépen-ses importantes pour lasanté, l’éducation et lesretraites. Mais refusent leshausses d’impôts pour lesfinancer. // Anne Bate

Le Gros motLe Chiffre

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Le Marketing expliqué à ma Mère

www.terra-economica.info n°39 -- 2 décembre 2004 5

D’ordinaire,puissance,confort et designsont mis en avant. Cette année, c’estparce qu’elle est moins polluante que laToyota Prius a été élue "voiture de l’an-née" par un jury de journalistes. Cettegrande première apparaît en completdécalage avec la tendance du marché.Les voitures à technologie alternativereprésentent une goutte d’eau dansl’immensité du parc automobile fran-çais (35 millions d’unités), ainsi quedans les chiffres annuels de ventes. En2003, une voiture neuve sur 10000 tour-nait à l’électricité ; 2 sur 10000 au GPL,malgré un crédit d’impôt et un carbu-rant peu coûteux. Toyota projette devendre 2500 Prius en 2005, contre 500en 2004. En 2003, 199000 RenaultMégane, 163000 Renault Clio et 160000Peugeot 206 "conventionnelles" ont étéimmatriculées en France.En cause au premier chef, nous autresconsommateurs, qui nous disons victi-mes de la pollution...mais pas responsa-bles : 70% des automobilistes estimentpolluer peu (1). "L’argument écologiquen’est pas un critère d’achat. On choisit savoiture sur la couleur de la carrosserie, ledesign, confirme Patrick Coroller, chefdu département technologie destransports de l’Ademe. On est dans l’af-fectif, c’est le critère plaisir qui prime."

Progrès indéniables,mais insuffisantsQuant aux constructeurs, ils estiment enavoir fait assez pour l’environnement."Toutes les voitures neuves vendues en

France sont propres, assène très sérieu-sement André Douaud du Comité desconstructeurs français d’automobiles(CCFA). Si par un coup de baguettemagique tous les véhicules devenaientneufs, on gagnerait 70 à 80% de qualitéde l’air." De fait, la Commission euro-péenne encadre l’émission de gaz pol-luants et de gaz à effet de serre. Côtépollution, les normes européennes ontconduit les constructeurs à mettre enplace filtre à particule,pot catalytique etmoteur à injection.Et la quantité de pol-

luants imputables au transport français(tous véhicules confondus) a été diviséepar deux ou trois entre 1990 et 2003.Mais pour le CO2 - impliqué dans lechangement climatique - la diminutiondes émissions par véhicule, a été plusque compensée par le doublement duparc ces vingt dernières années.Les constructeurs pensaient avoir trou-vé une martingale : le moteur diesel."C’est un bon choix pour réduire les émis-sions de CO2", assure André Douaud duCCFA. Mais, s’il émet 20% moins de CO2

que l’essence, il rejette des particulestrès nocives. "Ce sera une solution quandles filtres à particules seront généralisés et

qu’il émettra moins d’oxyde d’azote", esti-me Patrick Coroller de l’Ademe. Pluspréoccupant, pour des raisons de coûts,les constructeurs ont négligé la recher-che sur les technologies alternatives,tout occupés qu’ils étaient à couriraprès les normes européennes.Conséquence, le GPL, longtempsannoncé comme la solution, a perdu desa superbe.Quant aux autres technologies...Aucune n’est massivement disponible àce jour. Outre la question de la sourcede son énergie (centrales nucléaires ouau charbon), la voiture électrique estinadaptée. "Avec sa faible autonomie(200 km après 6 heures de recharge, ndlr),elle est une niche.Une voiture avec laquel-le on ne peut pas partir en vacances n’in-téresse pas les constructeurs", observeGeorges Taillandier chez SVE, la sociétéqui commercialise le modèle électrique

Cleanova. En 2003, il s’estvendu 113 voitures élec-triques particulières, toutesmarques confondues !

Changer la ville ?Nouvelle star des véhiculesalternatifs, la voiture à pile àcombustible ne rejette dansl’air que de la vapeur d’eau.Problème : sa fabricationnécessite l’emploi de maté-riaux coûteux comme le pla-tine. Le stockage de l’hydro-gène, son énergie, n’est pasau point. Des années derecherche sont nécessairesavant sa commercialisation."Parier sur l’hydrogène plutôt

que sur l’électrique, c’est une façon derepousser la commercialisation des voitu-res propres", analyse-t-on chez SVE. Aufinal, l’indifférence des consommateurset des constructeurs font de la voiturepropre un mythe. Reste à explorer d’au-tres pistes - en Belgique, les automobi-listes bénéficieront bientôt de réduc-tions d’impôts, pour l’achat d’une voitu-re émettant moins de 105 grammes deCO2 par kilomètre - ou à repenser desvilles et des vies,bâties autour de l’auto-mobile. // Baya Bellanger

(1) Sondage Ifop pour Direct Assurance, sep-tembre 2004.

Le Marketing expliqué à ma Mère

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Le mythe voiture propre

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LA POLLUTION AUTOMOBILE

EST UNE PRÉOCCUPATION

SOCIÉTALE. POURTANT, ROULER

PROPRE N’EST PAS DAVANTAGE

UN CRITÈRE D’ACHAT POUR

LES CONSOMMATEURS, QU’UN

ARGUMENT DE VENTE POUR

LES CONSTRUCTEURS.

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n°39 -- 2 décembre 2004 www.terra-economica.info

TITRE de rubrique, dossier ...Reportage

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Cet été, les guêpes ont envahi Berlin.Conséquence d’un hiver relativementdoux suivi d’une tardive saison chaude,ont diagnostiqué les experts.Conséquence surtout de la grande pau-vreté de la capitale allemande.Les pom-piers estiment qu’un toit sur trois abriteun nid, mais ils n’ont pas les moyens des’en occuper. Berlin est une ville sans lesou et criblée de dettes. Près de soixan-te milliards d’euros ! Si le touriste enbalade entre la porte de Brandebourget la Potsdamer Platz a peu de chancede s’en rendre compte - le centre-villehistorique reste soigné -, les Berlinois leconstatent tous les jours. Ici, c’est unepiscine qui ferme, là une ligne de bus.Lelong du Landwehr Kanal, c’est le royau-me des herbes folles. Dans l’eau, celuides rats et des papiers gras. La nuit, cer-tains feux tricolores sont éteints parmesure d’économie. L’automne, il fautvivre avec les feuilles mortes mouillées

qui tapissent les trottoirs.Qui sait quandpasseront les services de voirie !

La ville est à la remorque de son histoirePourtant, il y a six ans, lorsque le gou-vernement allemand a quitté Bonnpour Berlin, la nouvelle capitale rêvait àvoix haute. Métropole du XXIe siècle,cœur économique de la nouvelleEurope ! C’était sans compter sur lesfantômes du passé, analyse Klaus Brake,professeur de développement urbain,co-auteur d’un rapport sur l’avenir deBerlin : "La ville a trois types de dettes.D’abord celles liés à sa partition en deuxpendant quarante ans. Berlin ouest, cetîlot au milieu de la RDA, était une écono-mie sous perfusion qui vivait de subven-tions fédérales. Subventions qui ontdisparu après 1990. Ensuite, il y a toutesles dettes liées à la réunification, notam-ment les travaux d’aménagement et de

reconstruction. Enfin, il y a les dettes defonctionnement que la ville produit elle-même, comme d’autres en ont aussi, parexemple dans la Ruhr.”Mais à Berlin, sou-vent, ces dernières sont encore indirec-tement liées à l’histoire. Des deux Berlinde la Guerre froide, la ville réunifiée ahérité de trois universités, de quatreorchestres symphoniques et de troisopéras. Ces derniers lui ont coûté 113millions d’euros en 2003.La perspective de voir la dette se rédui-re dans les dix ans à venir est faible."Il nefaut pas s’attendre à des rentrées d’argentplus importantes. Reconnaissons-le :Berlin n’a pas une économie florissante."Le professeur Brake aime les euphémis-mes. A l’exception de l’an 2000 (+ 1%),l’économie de la capitale allemande esten récession depuis huit ans. En impor-tante récession même : -1,3% en 2003,après -1,1% en 2002 et -1,5% en 2001.Jusqu’à -2,5% en 1996. Optimiste, lesénat de l’Economie - Berlin a le statutde Land et dispose d’un gouvernementcomposé de ministères appelés"sénats" - a dernièrement annoncé son

Berlin

Berlinfauchée,

heureuseBERLIN EST LA CAPITALE DE L’ÉCONOMIE LA PLUS PUISSANTE

D’EUROPE. C’EST AUSSI UNE VILLE PAUVRE, HABITÉE PAR DES PAUVRES.EST-CE UN PROBLÈME ? SELON LES CANONS DE L’ÉCONOMIE

MARCHANDE, PROBABLEMENT. MAIS À Y REGARDER DE PRÈS, BERLIN

AFFICHE AUSSI UN JOLI POTENTIEL HUMAIN ET SES CITOYENS

SEMBLENT TOUT PRÈS DE TUTOYER LE BONHEUR. REPORTAGE.

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Reportage

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espoir de renouer avec la croissancecette année. Mais les experts en dou-tent. Le tissu économique de la ville esttrop lâche. Les firmes ont fui du tempsdu Mur. Pour compenser, Berlin a laisséson administration et les entreprisespubliques gonfler au fil des années. Il nefallait laisser personne sur le carreau etsoutenir par tous les moyens l’autono-mie de la ville. Berlin, vitrine du mondelibre... L’enjeu était plus qu’écono-mique. Avec la chute du Mur, rien n’achangé. Toujours aussi peu d’entrepri-ses - 151000 pour 883 km² contre295000 à Paris, 105 km² - et toujoursautant de fonctionnaires (49 pour 100habitants contre 25 à Munich). Unegrande partie des recettes fiscales parten frais de personnel. Avec, parfois, uneabsurdité à la Ionesco. Ainsi le cas dudépartement des réserves alimentaires,créé pour gérer l’approvisionnementde la ville en cas de blocus : les réservesalimentaires ont disparu, mais pas ledépartement ! Quant aux entreprisespubliques, elles sont malheureusementsouvent déficitaires - 220 millions d’eu-ros pour la régie des transports en 2003par exemple.

Sony prend la tangenteL’économie berlinoise manque de com-pétitivité pour attirer les investisseurs.Les entreprises ne sont pas revenues.Explication cynique de Klaus Brake : "Ilfaut bien voir que les entreprises choisis-sent de s’installer à un endroit unique-ment pour des raisons financières.Elles nevont pas là où il n’y a pas d’argent. Or,Berlin n’a pas les moyens de les appâter".Ces dix dernières années, Prague et

Vienne se sont ainsi révélées plus dyna-miques pour drainer les échanges est-ouest. La part de l’économie berlinoisedans les exportations allemandes versl’Europe centrale et orientale, multi-pliées par deux en dix ans,est passée de4,1% en 1992 à 1,8% en 1999. Pour leurssièges sociaux, les grands groupes pré-fèrent, en Allemagne, Munich etFrancfort, mieux desservies depuisl’Amérique et l’Asie ; en Europe, Paris ouLondres, aux adresses plus prestigieu-ses. Sony a bien son siège européen surla Potsdamer Platz. Mais la multinatio-nale a annoncé dernièrement sa volon-té de déménager, découragée par l’ab-sence de vols directs avec le Japon.Alors, de quoi vit Berlin ? "Cela, je me ledemande à chaque fois que je me promè-ne dans la rue... Ici, 60% de la populationvit de transfertssociaux et donc netravaille pas. Biensouvent, pour lesretraités par exem-ple, c’est une situa-tion justifiée, norma-le. Reste que le chiffreest frappant : moins de la moitié de lapopulation participe à la croissance. Ducoup, elle stagne et Berlin n’est pas assezattractive." Le cercle vicieux, diraient leséconomistes. Mais Klaus Brake préfèrepositiver : "Le potentiel ne manque pour-tant pas. L’université technique estrenommée. Il y a une vraie richesse enterme de savoir-faire. Si Berlin avait l’at-tractivité d’une grande ville normale, sansvouloir devenir Munich par exemple,alors les problèmes de pauvreté pour-raient être résolus les uns après les aut-

res".Problèmes,dit le professeur.Au plu-riel.Car Berlin n’est pas qu’une ville pau-vre. C’est aussi une ville de pauvres.

Deux Berlinois sur trois sont "relativement pauvres"Là encore, les chiffres sont clairs. Selonune étude réalisée par l’office des statis-tiques du Land en 2003, 15,6% desBerlinois (533000 personnes) vivent endessous du seuil de pauvreté tel qu’ilest défini par la Commission européen-ne. Il correspond à la moitié du revenunet moyen. A Berlin, celui-ci est de 1213euros pour un adulte. Officiellement, lapauvreté commence donc à 606 eurospour une personne seule, 1333 eurospour un couple avec un enfant. Il fautajouter un autre chiffre : celui des relati-vement pauvres, c’est-à-dire ceux qui

vivent entre lesdeux seuils, avecmoins de 1213euros et plus de 606euros. Des étu-diants, des retraités,des mères au foyer,des chômeurs, etc.

Au total, 62% de la population ! Et leschiffres sont en constante hausse."La pauvreté, ce n’est pas seulement unehistoire de revenu", souligne HelgaBurkert, en charge du dossier pauvretéet exclusion sociale au gouvernementdu Land. Mais les indicateurs dits"sociaux" ne sont guère meilleurs pourBerlin. Une personne décédée sur qua-tre n’a pas atteint l’âge de 65 ans, et lamoitié de ces morts précoces aurait puêtre évitée grâce à une interventionmédicale, à la prévention ou à un traite-

“Ils n’ont pasbeaucoup dans lapoche, mais beaucoupdans la tête.”

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TITRE de rubrique, dossier ...Reportage

ment. Le nombre de décès consécutifsà des cancers du poumon ou des bron-ches est supérieur à la moyenne natio-nale. L’alcoolisme également. 12% desenfants en classe de CP présentent desproblèmes de poids liés à une mauvai-se alimentation. Enfin, dans certainsquartiers, un habitant sur quatre n’aaucune formation professionnelle.

Bernd le désinvolteMais surtout, dans la rue, la modestiesaute aux yeux. Nombreux sont ceuxqui se serrent la ceinture sans pourautant vivre sous les ponts.Bernd Braunpar exemple. Il y a huit ans, ce trentenai-re a échappé de peu à la rue. Fichu à laporte pour loyer impayé alors qu’il étaitau chômage. Il s’est accroché en ven-dant un journal de SDF, le Motz. Entre-temps, le Motz a étendu ses activités deréinsertion pour SDF et a créé quinzeemplois. Bernd Braun, salarié à tempsplein, gagne 1000 euros par mois. Il viten colocation avec une autre personne,dans un appartement au loyer de 480euros. "Franchement, je n’ai pas à meplaindre", dit-il. Pourtant, il a le visage etles cheveux ternes, les vêtements râpés,et fume de mauvaises cigarettes.Bernd s’occupe de la gestion des équi-pes "vide-grenier" du Motz.Une tournéepar semaine pour récupérer ce dont lesBerlinois se débarrassent et un maga-sin flambant neuf sur la prestigieuseFriedrichstrasse, à deux pas du touris-tique Checkpoint Charlie. "Ce magasinest fait pour les pauvres que l’on ne voitpas : ceux qui travaillent, mais gagnentpeu, ceux qui ont un toit, mais mal chauf-fé, ceux qui mangent à leur faim, mais sesoignent mal", détaille Bernd. On penseforcément un peu à lui. Ou à Sabine, 27ans, diplômée de sciences politiques,qui rassemble 750 euros par mois avecun boulot à mi-temps en attendant detrouver mieux : "Je viens de changerd’appartement, ici je vais trouver à m’é-quiper pour pas grand-chose". Ou àWerner, 49 ans, à temps partiel égale-ment : "Je cherche des sacoches de vélo,mon seul moyen de transport. Le métro,c’est trop cher". Il sourit, découvrant unlarge trou dans sa mâchoire supérieure.Trop cher aussi, le dentiste."Voyons les choses en face : si Berlincompte autant de pauvres, c’est aussiparce que c’est une ville où les gens

La seconde main est un business floris-sant à Berlin.Tout se trouve en récupé-ration. "Et tout s’achète", expertiseMarkus Holl du journal spécialiséZweite Hand (seconde main). Chaquesemaine, il tire à 70000 exemplaires entrois éditions. A cela s’ajoutent neufautres magazines à publication men-suelle pour des produits plus ciblés(autos, immobilier, etc.). Dans les pagesdes éditions hebdomadaires, leBerlinois fait son marché : meubles,électroménager, instruments demusique, jeux de société, équipementde ski, etc. Avec des prix défiants par-fois toute concurrence. "Cause emmé-nagement en couple, vends machine àlaver encore sous garantie, 25 euros."Même diversité dans les nombreusesboutiques, du type de celle que vientd’ouvrir le Motz (voir ci-contre). Là, lathéière coûte un euro, le radio-réveilcinq, la paire de bottes huit. Un euroégalement le jeu des sept familles, un

vieux CD de Madonna, les six petitescuillers, etc. Le marché est si prospèrequ’on assiste depuis quelques annéesà l’ouverture de magasins spécialisés.Ainsi, Malika, 34 ans, a décidé de se lan-cer dans les articles pour bébés : avecses poussettes et ses tables à langer,elle a maintenant pignon sur rue dansun quartier familial de Kreuzberg."Celane dérange pas les mamans de se servirdes affaires des autres. L’important estque leur enfant ait bien chaud par exem-ple." En face, sa collègue Nina donnedans les vêtements en jean et leschaussures branchées. "Pour unesomme modique, les Berlinois peuventtout à fait être à la mode : c’est bien pourles jeunes qui pourraient avoir tendanceà se ruiner en fringues, quitte à vivre sim-plement." Le système atteint son apo-gée dans le secteur de l’électroména-ger où des chaînes se sont créées, quiproposent même des garanties et desservices après-vente. // HK

De l’or dansla (seconde) mainA BERLIN, LE MARCHÉ DE L’OCCASION SE PORTE À MERVEILLE.

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17% de chômeurs. 460000 allocataires de l’aide sociale. Unecroissance en berne. Des dettes exorbitantes. Et... un morald’acier ! Selon une étude de la société d’assurance R+V, quiévalue et analyse chaque année depuis 1991 les peurs desAllemands, les Berlinois sont, après les habitants de la Hesse,les moins angoissés du pays.Les appréhensions d’origine économiques et sociales sontparticulièrement à la baisse. Ainsi, jamais depuis 1993, lesBerlinois n’ont considéré la probabilité de perdre leuremploi avec autant de sérénité. Par rapport à l’année précé-dente, cette peur est passée de la deuxième à la huitièmeplace. Christian Lüdke, le psychologue de R+V qui a cha-peauté l’étude, y voit une forme de fatalisme : "Quand on n’aplus rien, on ne craint plus de perdre ! Il est assez fréquent que lesentiment de peur chute quand la situation ne s’améliore pas.Par ailleurs, quand on a appris à surmonter ces angoisses unefois, on sait le faire à d’autres reprises".

Berlin au XXe siècle a connu une histoire agitée : ses habi-tants ont traversé des moments difficiles. En somme, aujour-d’hui, la misère ne les impressionne plus.

Bonheur en trompe l’oeilAlors, heureux les Berlinois ? Incontestablement, il flottedans la ville comme un parfum de légèreté. Pas d’argentpour prendre les transports en commun ? Udo, 38 ans : "Vingtminutes de vélo le matin, vingt minutes le soir, cela n’a jamaisfait de mal à personne !". Même sur un engin tout rouillé :"Comme ça, on ne me le vole pas !". Pas de vacances d’été cetteannée ? Anja, mère de famille : "Avec les enfants, on a testétous les lacs de Berlin. Savez-vous que c’est la capitale euro-péenne avec le plus de kilomètres de plage ?" Même les SDFdans un centre d’hébergement : "Je ne me plains pas. Berlin abeaucoup de structures d’accueil".Berlin positive, Berlin ironise aussi. Un des bars les plus à lamode actuellement s’appelle "le club des losers polonais".Cette bonne humeur ne doit cependant pas être un leurre.Ici, on divorce plus que partout ailleurs. Le nombre d’enfantspar femme est légèrement inférieur à la moyenne nationale.Les statistiques des suicides, légèrement supérieures. // HK

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Reportage

modestes peuvent vivre. Car elle est trèsbon marché", souligne Helga Burkert,notamment au sujet des loyers. "43%des appartements berlinois datent d’a-vant 1948. Ils ne sont pas forcément bienéquipés. Du coup, les loyers restent bas.De plus, beaucoup de contrats ont étéconclus il y a longtemps, ce qui limite lahausse des prix."

Loyers défiant toute concurrenceAinsi, dans les arrondissements dunord, on peut payer 100 euros pour undeux pièces de 60 mètres carrés encorechauffé... au charbon. Dans le centre, lesprix décollent un peu, mais à peine. AKreuzberg, compter 550 euros pour80 m², 250 euros pour un studio. Enoutre, la colocation est très fréquente,et pas uniquement chez les étudiants.Elle permet, pour une bouchée de pain,de se loger dans des trésors immobi-liers. L’appartement de Bernd Braun, aucœur d’un quartier ouvrier actuelle-ment à la mode, atteint 120 m², balconet moulures au plafond inclus.D’ailleurs, avance-t-il, si la pauvreté sevoit plus qu’ailleurs, c’est peut-êtreparce qu’elle n’est pas rejetée à la péri-phérie, comme en France par exemple."Les arrondissements où il y a le plus de

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LES ÉTUDES SEMBLENT LE CONFIRMER :LES BERLINOIS ABORDENT L’AVENIR AVEC CONFIANCE.MALGRÉ OU GRÂCE À LEUR SITUATION

ÉCONOMIQUE MODESTE.

ET POURTANT, ILS RIENT...

pauvres sont ceux autour du quartiergouvernemental au centre", enchéritHelga Burkert. A l’opposé, les plusriches des Berlinois habitent les arron-dissements pavillonnaires du sud, par-fois à plus de dix kilomètres du centre-ville, sur les rives du lac de Wannsee.Berlin a des airs de ville américaine :centre décisionnel entouré de quartiersmodestes et banlieue dorée. Et si juste-ment c’était cela, sa chance ? A l’aunede son rapport sur l’avenir de la ville, leprofesseur Klaus Brake est enthousiaste

: "C’est une bénédiction que Berlin soit sibon marché. Comme ça elle conserve sespauvres étudiants, ses artistes à l’imagi-nation débordante qui vivotent ici ou là,ses originaux, ses marginaux, sesdébrouillards, etc. C’est une ville de gensqui n’ont pas beaucoup dans la poche,mais beaucoup dans la tête. Des gensqui, dans quelques années, auront debonnes idées, fonderont des entreprises.En terme de potentiel, Berlin est loin, trèsloin d’être pauvre !" // Hélène Kohl, notrecorrespondante à Berlin

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Ca chauffe - Du 6 au 17 décembre, à Buenos Aires(Argentine). Xe conférence des parties à la Convention-cadredes Nations unies sur le changement climatique.

Afrique - Le 9 décembre, à Paris. Séminaire Afrique del’Ouest. En ces heures de troubles en Côte d’Ivoire, témoi-gnages d’Hervé Le Roy, chef de la Mission économiqued’Abidjan et des chefs des services économiques en Afriquede l’Ouest.01 40 73 37 72 ou [email protected]

C’est déjà demain - Le 9 décembre, à Paris. Grand angle surl’avenir. Rencontre entre chercheurs, industriels, philosopheset responsables politiques sous le haut patronage du prési-dent de la République.Maison de Radio France. www.grandanglesurlavenir.com

Un autre environnement est possible - Le 9 décembre, àLille. Rencontre des acteurs de l’environnement, au GrandPalais, Cité de l’environnement. Il s’agit d’explorer les che-mins du possible, via une rencontre annuelle de ces acteursdont le but est triple : réfléchir aux enjeux environnemen-taux dans le champ du développement durable, valoriser les

initiatives, les bonnes pratiques et les savoir-faire, et créerdes échanges entre le public, le privé et le tiers-secteur (éco-nomie sociale et solidaire).

Europe - Les 9 et 10 décembre, à Lille. L’élargissement del’Union européenne : enjeux, effets et perspectives. Avec lacollaboration de l’Institut international Érasme, de la Maisondes sciences de l’homme Nord-Pas-de-Calais et du Kopint-Datorg (Budapest).

Journée mondiale des droits de l’Homme - Le 10 décem-bre, dans le monde entier.

Le plein de prospectus - Le 11 décembre. Journée nationa-le de déversement de prospectus publicitaires devant lesmairies de France. A l’appel du Cniid (Centre national d’in-formation indépendante sur les déchets), de Résistance à l’a-gression publicitaire (Rap), de la Brigade Antipub, etc.www.antipub.net/rap

Pauvreté - Du 12 au 14 décembre, à San Francisco (Etats-Unis). Conférence internationale pour l’éradication de lapauvreté par les profits.

DÉCEMBRE 2004L’Agenda

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Cultivons notre jardin // Guide

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Noël Barbe et Serge Latouche(dir.), Economies choisies ?,Editions de la Maison dessciences de l’homme, 210pages, 18 euros.

C’est un fait connu des bota-nistes : les "mauvaises her-bes" sont ainsi qualifiées parles hommes, uniquementparce qu’elles se dévelop-pent hors de leur contrôle. Ilen va de même pour l’éco-nomie informelle. Mal connuet mal-aimé des grossestêtes de la science écono-mique, cet ensemble hété-roclite d’activités et d’é-changes - travail au noirbien sûr, mais aussi travauxdomestiques, bénévolat,entraide, activités criminel-les, etc. - est pourtant plusvaste qu’un océan. Oui, maisvoilà : c’est un océan réservé

aux pays du Sud, si fouillis, sibaroques, si indociles qu’unéconomiste du FMI n’yretrouverait pas ses petits.Faux ! répondent en choeurNoël Barbe et SergeLatouche, respectivementethnologue et économiste,coordinateurs d’Economieschoisies ? Le "black" repré-senterait 7 à 16% du PIB del’Union européenne et selonles experts, l’informelconnaît une vraie expansiondans les pays industrialisés.

Des brocanteursde Marseilleaux bonnes philippinesEconomies choisies ? compileles recherches d’une quin-zaine d’anthropologues,ethnologues et sociologuesqui tentent de cerner lescontours de l’informel en

WEBRADIOReproduire, copier, reproduire... - C’est pour faciliter la librecirculation des idées, souvent entravée par une interprétationabusive du droit d’auteur, qu’est née la licence CreativeCommons. Son principe ? Certains auteurs, qui acceptent la librereproduction de leur œuvre, fixent à l’avance les règles d’utilisa-tion ou de réutilisation de leur production. Un cadre à l’intérieurduquel le public pourra s’approprier l’œuvre. A découvrir dansun montage sonore pédagogique et exemplaire, puisque diffusésous cette même licence. Creative commons. Le public a le droit de

reprendre l’œuvre, Arte Radio : www.arteradio.com/tuner.html

VIDEOTour de France du nucléaire - Pendant un mois, au printemps2004, une équipe de la télévision néerlandaise Trojan TV a réali-sé un Tour de France du nucléaire, parcourant plus de 4000 km ettraversant 23 départements. Ce reportage critique - réalisé pourle réseau Sortir du nucléaire - veut décortiquer la filière françaisedu nucléaire : mine d’uranium, centrales électro-nucléaires, usine

de retraitement (La Hague, en Manche), site d’enfouissement (Bure,en Moselle), transport, nucléaire militaire, santé. Tour de France pour

sortir du nucléaire, VHS ou DVD, 13 euros : www.antenna.nl/organic-

chaos/bienvenue_fr.html

REVUESLe travail du corps - La revue Travail, genre et société consacre plu-sieurs articles à la place du corps dans la société, entre autres dansle monde du travail. La souffrance de certains employés du secteurdes services, l’intégration des hommes dans la profession de sage-femme, la virilité et l’accès aux postes de pouvoir dans les organi-sations, la segmentation sexuée du marché du travail en Pologne.Travail, genre et sociétés, numéro 12, novembre 2004.

Z - Ce n’était pas de l’économie, mais c’était une belle initiative.Comme annoncé à son lancement, la revue R de réel, qui égrenaitl’alphabet, cesse sa parution avec la lettre Z. Pour un euro symbo-lique, la société est absorbée par la multinationale Bobby ZoomeCompany. Les archives de R de réel sur http://rdereel.free.fr

HORS DES CASES BIEN TRACÉES QUI ENSERRENT L’HOMO ECONOMICUS, IL EXISTE

UNE QUATRIÈME DIMENSION ÉCONOMIQUE FORT MÉCONNUE, DITE "INFORMELLE".INFORMELLE, MAIS TELLEMENT VIVANTE.

Cultivons notre jardin

DR

LES HERBES FOLLESDE L’ÉCONOMIE

France. Et l’on croit SergeLatouche, lorsqu’il cite lajolie phrase d’Eluard : "Il y aun autre monde et il est danscelui-ci". Des bonnes d’origi-ne philippine - très couruesparaît-il - aux brocanteursde Marseille, des petitsmaillons de l’économie sou-terraine - la fripe, fabriquéeau Maghreb et écoulée surles marchés français - auxmembres des systèmes d’é-

changes locaux (Sel), ondécouvre que "ces gens-là"traficotant aux confins denos sévères juridictions, cesimmigrés, ces petits noma-des, ces “démerdards” desbas quartiers, ont mille et unvisages et que ces visagessont foncièrement sympa-thiques.Oubliant le style universitai-re qui plombe un peu l’ou-vrage, on déguste avec pas-sion les histoires de Suzie,de Mohamed ou de Wafa,femme entrepreneur d’uncourage extraordinaire, quia gagné sa liberté grâce àson génie des affaires.Aucune fiction ne pourraitmieux rendre l’intelligence,l’inventivité, l’opiniâtreté etmême l’humour de ces indi-vidus, nés du mauvais côtéde l’économie et qui, contretoute attente, survivent,croissent et prospèrent.Dans le jardin taillé à l’é-querre, rêvé par la mondiali-sation libérale, ils sont lesherbes folles semées par levent, auxquelles aucunetondeuse, du moins onl’espère, ne pourra jamaisvenir à bout.// Arnaud Gonzague

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La BA de la semaine

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ll est temps de dépoussiérer la biblio-thèque et de remiser la bonne vieilleencyclopédie en 15 volumes. Voicivenue l’ère de Wikipédia, une encyclo-pédie électronique gratuitementaccessible sur la Toile, mais au fonc-tionnement un peu particulier. Ni blogni site Internet classique, c’est un wiki,terme hawaïen signifiant rapide.Définition livrée parWikipédia : "Site Webdynamique dont toutvisiteur peut modifier lespages à volonté. Un pre-mier auteur va rédiger unarticle, un second va lecompléter, puis un autreva corriger une erreurqu’il aura remarquée ennaviguant sur le site."C’est grâce à l’AméricainJames Wales quechaque internaute peutjouer les Diderot oud’Alembert et apportersa petite pierre à l’édifi-ce. Le concept, dévelop-pé en 2001 par cetancien trader deChicago, s’inspire large-ment de la méthodeopen source. Celle-là même qui estmise en œuvre pour créer des logicielslibres de droits, auxquels des program-mateurs du monde entier collaborentgratuitement, chacun améliorant tourà tour les innovations des autres. Leplus célèbre rejeton en est Linux, plussérieux concurrent de Windows sur lemarché des systèmes d’exploitation.

La corvée des livretsEn lançant le projet, James Wales avaiten tête des souvenirs d’enfance, quandil était "intrigué par les mises à jourannuelles de l’encyclopédie familiale

La BA de la semaine

A LA FOIS NOUVEL OUTIL DE RÉFÉRENCE ET FASCINANTE ENTREPRISE DE PARTAGE DES SAVOIRS, WIKIPÉDIA

EST LA PREMIÈRE ENCYCLOPÉDIE EN LIGNE DONT LES LECTEURS SONT AUSSI LES AUTEURS.

WIKIPÉDIA, L’ENCYCLOPÉDIEGRAND OUVERTE

envoyées par la Poste, des livrets qu’il fal-lait quasiment scotcher aux volumesdéjà existants" (1). A 38 ans, Wales afinalement trouvé le moyen de s’épar-gner cette corvée, et le succès. Sonencyclopédie multilingue totalise prèsde 300 millions de mots, plus d’unmillion de pages (dont un dixième enfrançais) et quelque 410000 articles à

proprement parler, rédigés en plus decent langues différentes. Du corse augaélique irlandais, en passant parl’espéranto et... le latin : "Ave !Vicipaedia (sive Wikipédia) cooperandiopus est ut creatur LiberaEncyclopaedia. Omnes ad participan-dum invitati sunt."Le fonctionnement de Wikipédia abeau être simple et collaboratif, il a étépensé pour ne pas verser dans l’anar-chie. Le fondateur a bien pris soin deposer les règles : interdiction d’utiliserdes textes sous copyright, neutralité deton maximum dans la rédaction.

Difficile, cependant, de contrôler lesarticles déposés chaque mois par 1900utilisateurs de cultures et d’opinionsdifférentes. Le site affiche d’ailleursnoir sur blanc "ne pas pouvoir garantirla validité de toutes les informations" yfigurant. Les puristes vont tiquer.

Projets pharaoniquesDu reste, des conflits surgissentparfois sur des sujets sensibles,comme ce fut récemment sur lesfaits d’armes de John Kerry lors duconflit au Vietnam. Dans ce cas,Wales met en place des commu-nautés de discussion et un systèmede médiation formelle pour adop-ter un consensus sur la terminolo-gie à utiliser. En quelque sorte, unsystème autorégulé : une forme decyber-communauté du savoir.En fait, Wikipédia ne constitue quele point de départ du big-bang dela galaxie Wiki. James Wales a crééen 2000 la fondation Wikimedia,une organisation à but non lucratif.Pas d’employé à temps plein, pasde gros capital de départ, pourtanten un an la fondation a collectéplus de 100000 dollars grâce à lagénérosité d’accros du site. Ce

butin permettra de rémunérer le ser-veur qui abrite le site, mais aussi definancer les projets de James Wales : leWiktionary, les Wikibooks - des ouvra-ges gratuits en ligne -, et le Wikiquote,un dictionnaire des citations. Le butétant toujours, selon Wales, "d’offrir àchacun le libre accès à l’ensemble desconnaissances humaines". Ambitieux.Mais à la vitesse à laquelle granditWikipédia, on a toutes les chances d’ê-tre étonnés. // Pauline Hervé

Wikipédia : http://fr.wikipedia.org(1) Newsweek, 1er novembre D

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édia