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CHIMIE PARIS – N O 338-339 – Décembre 2012 Dossier 8 L e développement de nouvelles prothèses est un enjeu de santé important pour améliorer la vie des handicapés et leur permettre la pratique d’un plus grand nombre d’activités. L'utilisation de nouveaux matériaux issus de la chimie a contribué à l'apparition de prothèses très performantes. On y trouve, soit des matériaux classiques comme le plâtre, les plastiques ou les métaux, soit des composites résines-fibres de carbone. Définition Prothèse vient du grec πρό (devant,...) et τίθηµι (je pose), désigne un appareil interne ou externe qui succède soit à un membre, soit à une partie d'un membre ou d'un organe du corps pour remplacer la ou les fonction(s) compromise(s). Celles-ci sont, dans la mesure du possible, rétablies, en totalité ou partiellement, ainsi que leurs formes qui seront adaptées pour s'allier parfaitement avec l’organisme. La prothèse a pour but de redonner une autonomie à la personne, soulager sa douleur, la réinsérer à son domicile et dans sa vie sociale. La mobilité est un besoin essentiel, que tout le monde éprouve. Les amputés de jambe veulent aussi participer activement à la vie. Ils le peuvent grâce à des pro- thèses appropriées. En équilibre : un soin prothétique de qualité assure une démarche équilibrée et fluide, en exerçant un effet amortissant pour une allure plus légère. La pratique de sports (course, tennis, bas- ket...) est un acquis récent qui a permis d’élargir la gamme des possibilités physiques mais aussi de redonner aux handicapés motivation, goût de l’effort, de la perform- ance et de la compétition. Des jambes biomécaniques encore perfectibles Dans une prothèse de jambe , le « squelette » des jambes reproduit les trois articulations des membres inférieurs – hanches, genoux et chevilles – et les muscles sont, quant à eux, simulés par des sangles qui montent et descendent. Mais tous les mouvements sont déterminés et coordonnés par une réplique électronique d'une partie du sys- tème nerveux humain, qui dicte le rythme des signaux musculaires après avoir collecté les informations fournies par différentes parties du corps sur son environnement. Raison pour laquelle nous parvenons à marcher sans y penser. « Lorsque nous avons combiné tous ces élé- ments, le mouvement qui en a résulté était très semblable à celui d'un être humain, particulièrement la hanche et le genou ». Histoire des prothèses Les premières prothèses remonteraient à la préhistoire, au temps où les hommes ont commencé à tenir sur leurs deux pieds ; une fois debout ils ne cherchaient qu'une chose, y rester. L'instinct de survie était primordial ; il leur a donc fallu trou- ver de quoi remplacer leurs membres amputés ou estropiés. D'après des chercheurs allemands, les Égyptiens étaient capables d'amputer et de concevoir des prothèses. Ils appuient leur théorie sur une momie d'une femme morte il y a environ 3 000 ans. Elle fut amputée de son orteil droit qui fut rem- placé par une prothèse en bois sculpté composée de trois parties. Elle est main- tenue par une gaine en cuir cousu et du textile. Les traces d'usure montrent qu'elle a servi et les chercheurs pensent qu'elle permettait un assez bon mouvement. Pendant l'Antiquité, les Grecs et les Romains fabriquaient aussi des prothèses. Les traces en sont plus nombreuses, grâce aux artistes qui écrivaient des poèmes, des récits... Tel Hérodote, grand historien grec, avec l'histoire d’Élée dans Calliope qui, pour échapper aux Spartes, s'am- puta la jambe et se fit une jambe de bois. Au Moyen-Âge, les prothèses n'ont qu'un but fonctionnel comme les pilons et les cro- chets. À la Renaissance, de nombreux chirurgiens ont recours aux prothèses pour assister leurs patients et élaborent de nouveaux disposi- tifs qui seront utilisés jusqu'au XX e siècle. Au XVI e siècle, le chirurgien français Ambroise Paré (1510-1590) invente de nombreuses techniques d'amputation et de cautérisation au fer chaud. C'est aussi le créateur des armatures métalliques, des pilons articulés et des cuissards à pilons. Les guerres, à cause du nombre impres- sionnant d'amputés et de démembrés mais aussi de brûlés et de mutilés, ont permis l'essor des technologies prothé- tiques et des entreprises qui les conçoivent. La Guerre de Sécession (1861-1865), qui compta environ 30 000 amputés, vit la naissance de centaines d'entreprises spé- cialisées soutenues par un gouvernement qui appareillait ses vétérans. Par la suite, les deux Grandes Guerres vont permettre un nouvel essor de l'in- dustrie prothétique, notamment grâce à la mobilisation de nombreux vétérans de guerre et à l'aide financière du gouverne- ment américain. Aujourd'hui, la science prothétique a con- sidérablement évolué. On assiste à une réelle révolution des prothèses et des méthodes d'appareillage. Les prothèses se modernisent, sont de plus en plus légères, de plus en plus résistantes, de plus en plus « humanisantes » c'est-à-dire Les nouvelles prothèses La chimie, les nouveaux matériaux, l’électronique, les biopuces ont permis la mise au point de nouvelles prothèses dont on a pu voir les performances étonnantes lors des derniers jeux paralympiques. Serge LÉCOLIER promo 58

Les nouvelles prothèses - Mediachimie · 2014-03-27 · CHIMIE PARIS – NO 338-339 – Décembre 2012 Dossier 8 L e développement de nouvelles prothèses est un enjeu de santé

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  • CHIMIE PARIS – NO 338-339 – Décembre 2012

    Dossier

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    Le développement denouvelles prothèses est un enjeu desanté important pour améliorer la vie deshandicapés et leur permettre la pratiqued’un plus grand nombre d’activités.L'utilisation de nouveaux matériaux issusde la chimie a contribué à l'apparition deprothèses très performantes. On y trouve,soit des matériaux classiques comme leplâtre, les plastiques ou les métaux, soitdes composites résines-fibres de carbone.

    DéfinitionProthèse vient du grec πρό (devant,...) etτίθηµι (je pose), désigne un appareilinterne ou externe qui succède soit à unmembre, soit à une partie d'un membre oud'un organe du corps pour remplacer la oules fonction(s) compromise(s). Celles-cisont, dans la mesure du possible, rétablies,en totalité ou partiellement, ainsi que leursformes qui seront adaptées pour s'allierparfaitement avec l’organisme. La prothèsea pour but de redonner une autonomie à lapersonne, soulager sa douleur, la réinsérerà son domicile et dans sa vie sociale.La mobilité est un besoin essentiel, quetout le monde éprouve. Les amputés dejambe veulent aussi participer activementà la vie. Ils le peuvent grâce à des pro-thèses appropriées. En équilibre : un soinprothétique de qualité assure une démarcheéquilibrée et fluide, en exerçant un effetamortissant pour une allure plus légère.La pratique de sports (course, tennis, bas-ket...) est un acquis récent qui a permisd’élargir la gamme des possibilités physiquesmais aussi de redonner aux handicapésmotivation, goût de l’effort, de la perform-ance et de la compétition.

    Des jambes biomécaniquesencore perfectibles Dans une prothèse de jambe , le « squelette »des jambes reproduit les trois articulations

    des membres inférieurs – hanches, genouxet chevilles – et les muscles sont, quant àeux, simulés par des sangles qui montentet descendent. Mais tous les mouvementssont déterminés et coordonnés par uneréplique électronique d'une partie du sys-tème nerveux humain, qui dicte le rythmedes signaux musculaires après avoir collectéles informations fournies par différentesparties du corps sur son environnement.Raison pour laquelle nous parvenons àmarcher sans y penser. « Lorsque nous avons combiné tous ces élé-ments, le mouvement qui en a résulté étaittrès semblable à celui d'un être humain,particulièrement la hanche et le genou ».

    Histoire des prothèsesLes premières prothèses remonteraient àla préhistoire, au temps où les hommesont commencé à tenir sur leurs deuxpieds ; une fois debout ils ne cherchaientqu'une chose, y rester. L'instinct de survieétait primordial ; il leur a donc fallu trou-ver de quoi remplacer leurs membresamputés ou estropiés.D'après des chercheurs allemands, lesÉgyptiens étaient capables d'amputer etde concevoir des prothèses. Ils appuientleur théorie sur une momie d'une femmemorte il y a environ 3 000 ans. Elle futamputée de son orteil droit qui fut rem-placé par une prothèse en bois sculptécomposée de trois parties. Elle est main-tenue par une gaine en cuir cousu et dutextile. Les traces d'usure montrent qu'ellea servi et les chercheurs pensent qu'ellepermettait un assez bon mouvement.Pendant l'Antiquité, les Grecs et lesRomains fabriquaient aussi des prothèses.Les traces en sont plus nombreuses, grâce

    aux artistes qui écrivaient des poèmes,des récits... Tel Hérodote, grand historiengrec, avec l'histoire d’Élée dans Calliopequi, pour échapper aux Spartes, s'am-puta la jambe et se fit une jambe de bois.Au Moyen-Âge, les prothèses n'ont qu'unbut fonctionnel comme les pilons et les cro-chets. À la Renaissance, de nombreux chirurgiensont recours aux prothèses pour assister leurspatients et élaborent de nouveaux disposi-tifs qui seront utilisés jusqu'au XXe siècle. Au XVIe siècle, le chirurgien françaisAmbroise Paré (1510-1590) invente denombreuses techniques d'amputation etde cautérisation au fer chaud. C'est aussile créateur des armatures métalliques, despilons articulés et des cuissards à pilons.Les guerres, à cause du nombre impres-sionnant d'amputés et de démembrésmais aussi de brûlés et de mutilés, ontpermis l'essor des technologies prothé-tiques et des entreprises qui les conçoivent.La Guerre de Sécession (1861-1865), quicompta environ 30 000 amputés, vit lanaissance de centaines d'entreprises spé-cialisées soutenues par un gouvernementqui appareillait ses vétérans.Par la suite, les deux Grandes Guerresvont permettre un nouvel essor de l'in-dustrie prothétique, notamment grâce àla mobilisation de nombreux vétérans deguerre et à l'aide financière du gouverne-ment américain.Aujourd'hui, la science prothétique a con-sidérablement évolué. On assiste à uneréelle révolution des prothèses et desméthodes d'appareillage. Les prothèsesse modernisent, sont de plus en pluslégères, de plus en plus résistantes, deplus en plus « humanisantes » c'est-à-dire

    Les nouvelles prothèses

    La chimie, les nouveaux matériaux, l’électronique, les biopuces ontpermis la mise au point de nouvelles prothèses dont on a pu voirles performances étonnantes lors des derniers jeux paralympiques.

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    Dossierqu'on ne distinguera plus à l'avenir unmembre organique d'une prothèse. Lascience prothétique prend de plus en plusplace dans l'esthétisme (chirurgie esthé-tique, instituts de beauté, etc.), dans lesport (handisports) et même dans levétérinaire (prothèse animalière). Lesentreprises prothétiques se comptent parmilliers dans le monde, même si les pro-thèses sont encore majoritairement faitesà la main.

    Prothèses sportivesLes athlètes appareillés peuvent participeraux Jeux Handisports Paralympiques crééset organisés par le Comité Olympique.Plus de vingt disciplines sont à leur dispo-sition comme l'athlétisme, l'haltérophilie,la natation mais aussi les arts martiaux, lecyclisme et le rugby. Leurs appareillages sont plus légers etplus résistants que des prothèses clas-siques en utilisant en particulier le titane(résistant et élastique) et le carbone (légeret résistant) ainsi que d’autres métauxpour l'assemblage.Certaines possèdent des composantsapportant propriétés et caractéristiquesmécaniques : ressorts, engrenages, alimen-tation électrique.Parmi les prothèses mécaniques ontrouve les « X fingers » dépourvus de toutsystème électrique ; ils permettent deretrouver une mobilité fonctionnelle etdes actions de saisie. Le système est à lafois ingénieux et simple, le mécanismeutilise les restes amputés des doigts ouun autre doigt dans le cas contraire et, àl'aide de combinaisons de ressorts et detenseurs, il reproduit les articulations d'undoigt organique. La reproduction est siparfaite qu'un patient portant ces doigtsartificiels peut saisir une pièce, porter unecharge ou même jouer du piano.

    L’intelligence intégrée dans la prothèse est conçue pour aider lesmouvements de son propriétaire.La prothèse baptisée « Power Knee », estcapable d’apprendre la façon de marcher deson utilisateur. Elle va ensuite bouger lorsqu’ilmarche, ou qu’il monte des escaliers, de lamême façon que la « vraie» jambe. La pro-thèse contient des capteurs, des moteurset un calculateur intégré qui, en fonctiondu sol sur lequel est posé le pied, vontcorriger la posture, et aider le mouvementen bougeant de façon active. En plus desmembres de remplacement pour les per-sonnes amputées, on vise aussi à créer desmembres « améliorés », qui augmentent la

    puissance des mouvements.Samedi 4 août 2012, lors des J.O. deLondres, le coureur jamaïcain Usain Boltdébute les séries du 100 m, mais la star dujour n'est pas le sprinteur jamaïcain. Lesregards sont tournés vers Oscar Pistorius.Le Sud-Africain, équipé de ses prothèsesde jambes en carbone, est devenu le pre-mier athlète handicapé à participer auxépreuves d'athlétisme aux Jeux olympiques.Mais pour atteindre ce sommet sportif, lecoureur de 400 m a surmonté des obstaclesdevant lesquels beaucoup auraient baissé

    les bras. Dernier en date : on voulait lecontraindre à partir en première positionlors du relais 4 x 400 m pour des raisonsde sécurité.

    Depuis quelques années déjà, les perfor -mances d'Oscar Pistorius défraient régulière-ment la chronique sportive, les responsablesde la fédération internationale d'athlétismeestimant que ses jambes artificielles lui pro-cureraient un avantage majeur sur ses con-currents ! Amputé des jambes au niveaudes tibias dès son plus jeune âge à caused'une malformation, le sportif utilise desprothèses en fibres de carbone. Pour autant,ces prothèses n'ont pas été développéesspécialement pour lui. Elles sont commer-cialisées par la société islandaise Ossur, spé-cialiste des membres artificiels.Cette prothèse est un ensemble d'élé-ments. Il y a d'abord le manchon, qui estroulé sur le moignon. Il est constitué desilicone, un matériau doux, étirable, quiagit comme une interface entre l'emboî-ture qui supporte le poids du corps et la peau.Le manchon assure la suspension de la pro-thèse. Il s'insère dans l'emboîture qui est réa -lisée sur mesure dans des matériaux variés.

    Dans les prothèses sous le genou (transti -biales), l'emboîture est fixée directement aupied en carbone, ou via un tube, suivant lataille et la longueur de la jambe de la per-sonne amputée. Le pied est disponible enneuf catégories, correspondant à la limite depoids qu'il peut supporter (jusqu'à 147 kg),pour des hauteurs entre 254 et 457 mm.

    Des prothèses guidées par lapensée Depuis des années, la recherche enbiotechnologie travaille ardemment pourmettre au point des prothèses légères etsurtout capables de répondre aux besoinsquotidiens des personnes amputées à lasuite d' accidents. Fini le temps des jambesde bois et des bras en cire inerte. Plusieursentreprises ont réussi à mettre au pointdes prothèses de dernière génération. Lesmatériaux utilisés sont extrêmement légers,résistants et très maniables grâce à la miseen place d'un système hydraulique auniveau des articulations. Mais la révolutionbionique est dans la réalisation de nom-breux mouvements commandés par… lecerveau.

    Un bras qui obéitLors d'une conférence de presse àWashington en 2006, Claudia Mitchell,totalement amputée du bras gauche à lasuite d'un accident de moto, a pu mon-trer qu'avec sa nouvelle prothèse, ellepouvait saisir une tasse et la porter à sabouche ou encore tourner les pages d'un

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  • Dossierlivre… Tous ses gestes familiers, elle peut lescommander comme son ancien membredisparu : par la pensée. Comment l'ensem-ble fonctionne-il ?Les moteurs électriques de la prothèse sontcommandés par des signaux myo-élec-triques envoyés par le cerveau aux musclesrestant au-dessus du membre amputé. Lesterminaisons nerveuses coupées qui inner-vaient le bras ont été dérivées vers le thoraxet rattachées aux muscles. À cet endroit, lesscientifiques apposent tout un méca -nisme de capteurs (électrodes) qui vontenregistrer les influx nerveux émis par lecortex moteur (centre de la motricité denotre cerveau) vers ces terminaisons desnerfs du bras disparu. Mais comment le membre artificiel fait-ilpour distinguer le type d'informationsouhaitée par le cerveau ? Comment va-t-il savoir qu'il faut tourner le poignet,contracter tel muscle... ? La réponse estdans la puce. Elle est capable d'analyserune centaine de signaux électriques et decommander vingt-deux mouvements pos-sibles de la prothèse.La prochaine avancée est de permettreaux personnes amputées de percevoir ànouveau des sensations : la température,la pression… Les scientifiques ont consti-tué un réseau de fibres nerveuses capa-bles, à la fois d'envoyer les informationsnerveuses du cerveau à la prothèse, etd'acheminer des signaux sensitifs de la pro-thèse au cerveau. La personne amputéeéprouvera de nouveau des sensations.

    « Lève-toi et marche »Le cerveau est l'organe de notre corps leplus complexe mais aussi le plus fascinantpar sa plasticité, son aptitude à tout commander dans notre organisme. Leschercheurs travaillent à sa compréhensionafin d'aider les personnes lourdementhandicapées et, qui sait, de leur permettreun jour de remarcher. Cette célèbrephrase tirée de la Bible est le nom donnéà un programme européen lancé en 2000et dirigé par le professeur PierreRabischong, chercheur à l'INSERM deMontpellier. L'objectif de ce projet est demettre au point un mécanisme tech-nologique pour aider les paralysés àretrouver une certaine motricité.Tout part d'un constat simple : lors d'unelésion de la moelle épinière, tous les nerfset les muscles situés en dessous de cettelésion sont totalement déconnectés ducerveau ; d'où une paralysie des membrescar les influx nerveux cérébraux ne leurparviennent plus. Un seul moyen pour y

    remédier : incorporer une sorte de « deuxièmecerveau » sous la lésion. Comment ? Enplaçant une biopuce qui va stimuler lesnerfs par des impulsions électriques : c'estl'électrostimulation.

    Une puce en guise de cerveauUn paraplégique s'est prêté à une expé -rience en mars 2000. Les chirurgiens luiont implanté dans l'abdomen une biopuceenfermée dans un cylindre en céramique(léger et résistant). Ce micro-circuit est reliéaux nerfs et aux muscles locomoteurs viades électrodes reliées à des câbles en acierrecouverts de Téflon (fonction isolante). Lapuce envoie des stimulations électriquesaux nerfs et aux muscles agonistes etantagonistes (ce sont les muscles complé-mentaires d'un membre : l'un se con-tracte pendant que l'autre se relâche. Unboîtier extérieur commande le stimula-teur par des ondes radio. Le 17 mars 2000, ce paraplégique a pu fairequelques pas, soutenu par des béquilles,pour la première fois depuis dix ans. Unvéritable message d'espoir pour tous leshandicapés.

    BiocompatibilitéPour améliorer l’acceptation par le corpsdes ligaments artificiels on les habille d’un« camouflage biologique ». On greffe surle ligament des polymères bioactifs, c’est-à-dire qui possèdent des motifs chimiquesque l’on retrouve dans l’environnementdes cellules. Décoré de ces motifs, le liga-ment artificiel ne suscite plus l’ire ducorps. Testé avec succès chez cinquantesix brebis, il est en cours de certificationchez l’homme.

    Des vaisseaux sanguins artificiels Si la biocompatibilité chimique est uncritère important d’acceptation de la pro-thèse par le corps, attention égalementau comportement mécanique du greffonartificiel qui peut mener à son rejet. Parexemple, la rigidité est un paramètre clépour les vaisseaux sanguins artificiels.Ceux-ci sont implantés chez des patients,diabétiques notamment, dont l’irrigationsanguine des membres est si gravementperturbée qu’elle peut mener à l’amputa-tion. Le problème est qu’après l’implan-tation l’organisme perçoit rapidement larigidité anormale de ces vaisseaux syn-thétiques et obstrue par coagulation lesimplants les plus étroits. Pour y remédier,des scientifiques ont eu recours aux pre-miers petits vaisseaux synthétiques qui

    passent le cap de l’implantation. On utilise des polymères naturels issus decultures de bactéries et de champignonsmis en forme par chimie de réticulation.Cette dernière consiste à souder lespolymères entre eux pour leur conférerles propriétés voulues. Le résultat al’aspect d’un banal tube, mais qui secomporte mécaniquement comme unvaisseau naturel, en particulier lors dessoubresauts dus aux contractions car-diaques. Autre avantage, les polymèressont naturellement dégradables : lorsd’expériences faites chez le rat, un nou-veau vaisseau a remplacé l’implant enquelques mois. Des expériences supplé-mentaires vont à présent devoir être con-duites chez l’homme pour s’assurer sur lelong terme du succès complet de laméthode.

    Fabrication des prothèses orthopédiques. Les prothèses sont fabriquées avec dif-férentes sortes de plastiques tel lepolypropylène, le Téflon et les polyesters,ainsi que des alliages à base de chrome etde cobalt. La résine assure les liaisons entreles fibres de renforcement . Une liaisonchimique unit la résine à une fibre poursupporter le stratifié, afin qu’il deviennerigide. Cela forme un plastique renforcé.Dans le cas d’une prothèse, la résine se lieavec le tissu et celui-ci devient plus dur.Une bonne résine doit empêcher les fibresde se déplacer pour ne pas déformer la pro-thèse. Si la résine n’est pas assez adhérente,les fibres du tissu vont se déplacer et unpetit nombre d’entre elles vont supporterla charge. La résine doit donc permettreaux charges d’être équilibrées tout en lesgardant en place pour ne pas briser laprothèse. La résine sert aussi à amortir leschocs pour qu’il y ait moins de vibrations,afin de protéger la pièce. En plus, à causede l’étanchéité causée par celle-ci, il y aune protection contre l’humidité. Celapeut permettre à une prothèse d’aller àl’eau. Un exemple de résine fréquem-ment utilisée pour fabriquer des pro-thèses est constitué par les polyesters.Pour unir les emboîtures, des alliages dechrome et de cobalt sont utilisés car ilssont résistants à la rupture, ils ne sedéforment presque pas et une fois queleurs surfaces sont polies, elles glissenttrès bien. En plus ces métaux sont inertesce qui évite le risque de rejet pour la pro-thèse, à moins qu’il y ait présence debactéries. On utilise davantage ces métauxcar on peut leur donner des formes plus

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    complexes qu’avec les céramiques, et leurcoût est beaucoup moins élevé. Lescéramiques ont les mêmes utilisations queces alliages sauf qu’elles sont beaucoupmoins malléables et plus couteuses. Letitane est apprécié surtout pour salégèreté mais comme il ne glisse pas aussibien que les alliages de chrome et decobalt, on ne s’en sert pas pour faire desarticulations de prothèses. On l’utiliseseulement pour les endroits fixes.

    Plastiques utilisés pour fabriquer desprothèses

    Ceux-ci doivent répondre à plusieurs obli-gations, selon leur utilisation. Si une pro-thèse doit aller à l’eau, on utilise unplastique imperméable comme le polyté-trafluoréthylène (plus communémentappelé Téflon). Sa formule chimique est :... CF2 — CF2 ... C'est un thermoplastique, qui peut doncêtre moulé (à une température de320°C). En plus, il ne se combine pas àl’oxygène, ce qui empêche les moisissuresde s’y installer. Ce plastique est aussi trèsintéressant pour fabriquer des prothèses,car il est imperméable à l’eau et aux graisseset résiste à la corrosion. Il est donc trèsrésistant. De plus, le Téflon ne réagit pasavec les autres molécules et n’adhère pasaux surfaces des autres corps. D’autresplastiques ont besoin de résister aux

    chocs. Par exemple, les plastiques utiliséspour fabriquer des jambes artificiellessubissent fréquemment de gros chocs.C’est pourquoi un plastique thermodur-cissable tel le polyester peut être intéres-sant. Un polyester se fabrique en condensantun mélange de diacides et de dialcools à200°C. Les acides sont alors remplacéspar leurs anhydrides, tandis que l’eauproduite dans la réaction s’évapore àcause de la température élevée. Pendantque le polyester est liquide, on lui ajouteun monomère et, quand la masse se solidifie, elle devient infusible. Le polypropylène est un polymère résis-tant aux chocs. Il a aussi d’autres pro-priétés qui le rendent intéressant pourfabriquer des prothèses. Il résiste aux tem-pératures élevées, pourvu qu’elles soientinférieures à 135°C. Il est rigide, de faibledensité et résiste aux rayons X. Par contre,il n’est pas résistant à l’eau. Le polypropy-lène est un thermoplastique tout commele téflon.

    ConclusionLes dix dernières années ont vu undéveloppement rapide d'innovations quiont conduit à la réalisation de prothèses,

    à la fois très diverses et très performantes,grâce à la combinaison et à la mise enœuvre de connaissances et de disciplinesvariées, telles que la chimie des polymères,des matériaux composites, la biochimie,couplées à l'informatique et plus récem-ment à la neurophysiologie qui permet lacommande de certaines prothèses par lecerveau, c'est-à-dire par la pensée. Onentre véritablement dans les débuts d'unerévolution qui préfigure un futur hommebionique, qui ne sera peut être pasdépourvu d'effets pervers que l'on n'a pasencore véritablement identifiés. Maisl'essentiel est de redonner aux handicapésqui sont malheureusement de plus en plusnombreux dans le monde la possibilité devaincre leurs handicaps, de leur redonnerune certaine « normalité » et de leur per-mettre une insertion dans la société, dans lemonde du travail, du sport et des loisirs. n

    Détail d’une prothèse de jambe

    Une prothèse de footballeur !

    Tout devient possible !

    Références:Cet article s’est inspiré largement du numéro du Journal du CNRS sur « La Chimie prend soin de nous »,janvier-février 2011, n° 252-253.

    Et sur le site internet :http://culturesciences.chimie.ens.fr/content/ces-materiaux-qui-reparent-le-corps-827

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