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1 Lycée Alphonse Daudet Nîmes 2012 / 2013 Stéphane BARTH Les options de 1872 en Alsace-Moselle : Français ou Allemand ? Le Souvenir, statue réalisée par Paul Dubois, place Maginot, Nancy CPES Classe Préparatoire aux Etudes Supérieures Mémoire sous la direction de M. Didier LAVRUT

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Lycée Alphonse Daudet Nîmes 2012 / 2013

Stéphane BARTH

Les options de 1872 en Alsace-Moselle :

Français ou Allemand ?

Le Souvenir, statue réalisée par Paul Dubois, place Maginot, Nancy

CPES

Classe Préparatoire aux Etudes Supérieures

Mémoire sous la direction de M. Didier LAVRUT

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Table des matières

Un exemple de l'option : la famille Barth ..................................................... 3

Introduction .................................................................................................. 5

L'Alsace-Moselle comme enjeu de la guerre franco-prussienne ................. 7

Le cadre juridique de l'option ....................................................................... 11

Pourquoi opter ? .......................................................................................... 14

Conséquences ............................................................................................. 18

Annexes ....................................................................................................... 24

Bibliographie ................................................................................................ 30

Filmographie, sitographie ............................................................................ 31

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Un exemple de l'option : la famille Barth

1872, mes quadrisaïeux paternels (arrières-grands parents de mon grand-

père), Jean-Michel Barth (1802-1879) et sa femme Madeleine Herbrecht (1802-

1880) ainsi que mon trisaïeul, leur fils Georges (1853-1908), ont quitté le village

d'Ottmarsheim dans le département de la Haute Alsace, aujourd'hui le Haut-Rhin

(68). Ils ont ainsi choisi de rester citoyens français plutôt que de devenir citoyens

allemands après l'annexion de l'Alsace-Moselle suite à la guerre-franco prussienne

terminée un an plus tôt et à laquelle Georges, trop jeune, et Jean-Michel, trop âgé

et de plus fonctionnaire, n'ont pas participé.

Jean-Michel étant fonctionnaire, il parlait et écrivait français. Il n'y avait donc pas de

problème de compréhension. Cela n'a pas été le cas des autres familles qui avaient

quitté leurs foyers à une époque où les seules langues parlées étaient surtout le

patois local, ici l'alsacien qui revêt lui-même plusieurs formes ou le dialecte lorrain.

Georges, ayant 19 ans en 1872, avait intérêt à opter pour la nationalité française

pour ne pas faire le service militaire allemand qui était réputé plus dur que le

service militaire français.

Contrairement au mythe du vieillard beaucoup trop attaché à sa terre et ne pouvant

que se résigner à adopter la nationalité allemande, Jean-Michel migra malgré son

âge. Son émigration fut probablement encouragée par le fait que son fils Georges

était alors mineur et que s’il l’autorisait à opter pour la nationalité française, des

représailles allemandes étaient à craindre.

Ils s'installèrent à Tîl-Châtel, au nord de Dijon. Jean-Michel était retraité et Georges

fut cheminot pour la « Compagnie des chemins de fer de l'Est ».

Georges se maria en 1880 avec Marie-Célestine Bonnefonds le 3 janvier 1880,

« française de souche ». Il eut pour fils en 1893 mon bisaïeul Raymond, lui aussi

cheminot et qui s'occupa de houblon, culture qui perdura jusqu'à la fin des années

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1960, 20 ans avant qu’elle ne disparût quasi-totalement de la Bourgogne. Avec

l'annexion de l'Alsace, la France perdit sa principale région de production de

houblon. Celui-ci se développa particulièrement en Bourgogne où les cultures de

chanvre et de vigne avaient été détruites par le phylloxéra. Les brasseries étaient

fréquemment installées par des optants venus d'Alsace-Moselle du fait de leur

savoir- faire brassicole.

Tout ceci pour que je naisse 121 ans après l'exode d'Alsace, suivi de mes frères à

1 et 3 ans près, à... Strasbourg et vivions mes 3 premières années à İllkirch, dans

le Bas-Rhin (67). La commune avait été fusionnée au village de Graffenstaden lors

de l'annexion de l'Alsace-Moselle par la Prusse pour s’appeler İllkirch-Grafenstaden.

Ce nom composé est toujours utilisé aujourd'hui en allemand et désigne le nom du

canton (avec un f en plus).

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Introduction

Le 28 janvier 1871, la France perdit une guerre qu'elle avait elle-même

déclarée. Après la capitulation de Napoléon III, la IIIe République s'installa à Paris.

Celle-ci se résigna à appliquer les conditions du traité de paix jusqu'en 1914.

Dans les territoires désormais sous domination allemande, l'une de ces conditions

est le choix que doivent faire les populations : garder la nationalité française ou

opter pour la nationalité allemande.

Les optants sont les individus originaires des territoires conquis par l'Allemagne,

pouvant vivre en France annexée ou non, dans les colonies ou encore dans un

pays étranger. Ils peuvent être aussi bagnards, prisonniers, militaires et marins.

Tous doivent choisir entre garder la nationalité française ou adopter la nationalité

allemande.

Le problème de l'option à la nationalité française ou allemande est d'ordre pratique

avec les conditions de l'option à l'une des deux nationalités.

Quelles sont ces conditions ?

On pourrait penser, en étudiant l'éducation patriotique de l'époque, que l'option à la

nationalité française fut massive, un plébiscite pour la nation avec un exode d'une

très grande majorité des Alsaciens et des Mosellans.

Tout n'est évidemment pas si simple. En reprenant les textes de lois encadrant

l'option, les témoignages et les écrits archivés de l'époque, tout en critiquant les

idées-reçues de l'option, nous verrons quels sont les moyens et les raisons de

l'option à la nationalité française ou à la nationalité allemande.

Les certificats d'options et les autorisations nécessaires sont aujourd'hui conservés

au Centre d'Accueil et de Recherche des Archives Nationales et sont classés dans

différentes sous-séries.

La liste nominative des Alsaciens-Lorrains ayant opté pour la nationalité française

correspond à la sous-série BB31-1 à la série BB31-507 et a été microfilmée sur 87

bobines (INV. BB31-1 à 87).

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Celle des Alsaciens-Lorrains ayant opté pour la nationalité allemande correspond

aux sous-séries de BB31-508 à BB31-510 et BB31.

Celle des Alsaciens-Lorrains ayant opté après le 1er octobre 1872 correspond à la

sous-série BB31-531 pour les optants allemands et BB31-532 pour les optants

français.

Les optants sont classés par département d'accueil de la sous-série BB31-511 à la

sous-série BB31-529.

Dans ces bobines, on trouve aussi les déclarations faites à l'étranger, comme Bâle

ou New-York par exemple.

Environ 84 % des déclarations faites ont été répertoriées, le reste a été perdu dans

les aléas du temps.

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L'Alsace-Lorraine comme enjeu de la guerre franco-prussienne

Otto von Bismarck, chancelier de la Confédération germanique, souhaitait

l'unification de la nation allemande, divisée entre ses Länder.

Il comprend un principe qu'Émile Durkheim, père de la sociologie française, précise

dans son livre Le Suicide (1897) :

« Il faut des circonstances exceptionnelles, comme une crise nationale ou politique

pour qu'elle [l'idée de patrie] passe au premier plan, envahisse les consciences et

devienne le mobile directeur de la conduite ».

Cette circonstance exceptionnelle, Bismarck la trouve : unifier les Länder contre un

ennemi commun, la France.

Après une crise qu'avait engendrée la convoitise du trône d'Espagne par la famille

du roi de Prusse, l'ordre de mobilisation est voté le 15 juillet en France.

Le lendemain, le roi de Prusse signe le même ordre et la France déclare

officiellement la guerre le 19 juillet 1870.

Les États du sud de l'Allemagne rejoignent la Confédération du Nord dès le mois

de novembre 1870, faisant alors de cette guerre un conflit franco-allemand.

Bismarck avait pour le moment réussi à faire naître l'idée d'une patrie allemande.

L'armée française est malmenée par les mauvaises stratégies militaires de

Napoléon III et de Mac-Mahon : après un mois et demi d'affrontements, les défaites

sont nombreuses et récurrentes.

Grâce à un plus grand nombre de soldats et à une meilleure utilisation de la

nouvelle logistique qu'est le chemin de fer, la Prusse gagne rapidement la guerre.

L'empereur capitule le 2 septembre 1870. Le surlendemain, la IIIe République est

proclamée.

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Le 18 janvier 1871, Guillaume Ier est proclamé Empereur de l'Empire allemand

dans la galerie des Glaces du Palais de Versailles : l'unité allemande entreprise par

Bismarck est concrétisée avec la conciliation du Württemberg qui associe la Prusse,

la Bavière et la Saxe.

Un traité de paix préliminaire est signé le 26 février 1871.

Le 10 mai 1871, à la signature du traité de Francfort, la France cède à la Prusse le

Bas-Rhin, le Haut-Rhin (excepté Belfort et son territoire), la Moselle, le tiers

de la Meuse (Château-Salins et Sarrebourg) et deux cantons des Vosges : Saales

et Schirmeck.

De fait, l'Alsace et la Lorraine avaient été annexées huit jours après la défaite de

Mac-Mahon à Frœschwiller (où se déroula la fameuse charge de la cavalerie

française à Reichshoffen), le 14 août 1870. En septembre de la même année,

l'état-major prussien avait déjà établi les frontières incluant les deux nouvelles

régions.

Le traité de Francfort impose plusieurs conditions à la France qui représentent ainsi

d'autres enjeux que l'unification de la nouvelle Allemagne.

Ces territoires en effet sont caractérisés par l’importance de la religion protestante,

identique à celle pratiquée en Prusse. Quant aux dialectes alsaciens-lorrains,

proches de l'allemand, leur usage dominant justifie l’annexion. En effet, le

pangermanisme de Bismarck est fondé sur l’identité entre langue et nation :

l’Allemagne est là où l’on parle allemand. L’enjeu enfin renvoie à des questions de

légitimité historique, puisqu’à l’exception de Metz, française depuis 1552,

l’Allemagne récupère les territoires annexés par Louis XIV en 1681.

Au total, le pays perd 12 villes chefs-lieux de départements ou d'arrondissements :

Strasbourg, Colmar, Metz, Saverne, Sélestat, Wissembourg, Haguenau, Mulhouse,

Sarreguemines, Thionville, Château-Salins, Sarrebourg avec leurs 94 chefs lieux

de cantons et leurs 1689 communes : 541 du Bas-Rhin, 384 du Haut-Rhin sur 490,

18 des Vosges sur 548, 242 de la Meurthe sur 714 et 504 de la Moselle sur 629.

L'actuel département de la Meurthe-et-Moselle fut formé avec les parties restées

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françaises de la Meurthe et de la Moselle. De même, les parties de la Meurthe et

de la Moselle annexées forment depuis 1919 l'actuel département de la Moselle. Le

territoire de Belfort est resté séparé du Haut-Rhin. Thiers avait obtenu de la

commission chargée de délimiter les nouvelles frontières de conserver la ville de

Belfort sous l'égide française. En échange, les Allemands prennent plusieurs

villages mosellans : Rédange, Villerupt, Aumetz, Sainte-Marie-aux-Chênes et

Vionville.

Il faut aussi noter que l'Alsace-Lorraine compte en 1871, 1.579.738 habitants

(132.239 en Alsace soit 12,5% de la population française), soit près du vingtième

de la population totale en France, laquelle s’élève après la perte de ces territoires à

36.100.000 habitants.

Les territoires annexés contiennent aussi 12 forteresses dont Strasbourg, Metz et

Thionville, les deux arsenaux de Strasbourg et celui de Metz avec sa poudrerie

ainsi que des centaines de poudrières.

Dans l'administration judiciaire, la France perd 2 cours d'appel, 11 tribunaux de

première instance, 94 justices de paix (qui avaient le pouvoir de rendre une justice

proche du citoyen) et 4 tribunaux de commerce.

Dans l'administration scolaire, elle perd l'Académie de Strasbourg qui était alors la

première de France après Paris de par son ancienneté et son importance. En effet,

elle comprenait 5 facultés et une école supérieure de pharmacie, 3 lycées, 15

collèges communaux, 4 écoles normales et environ 30 sociétés savantes. L'école

formant les médecins militaires de Strasbourg est alors transférée à Lyon ;

aujourd'hui, l'insigne de l'école porte les blasons des deux villes.

400.000 hectares de forêts, 370 kilomètres de rivières navigables, 300 de canaux

et 750 de chemins de fer deviennent allemands.

Dans la finance et le commerce, la France perd 88,5 millions de francs de revenu

territorial, 400.000 francs de contributions, 3 succursales de la Banque de France

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et l'hôtel des monnaies de Strasbourg.

Dans l'industrie, ce sont 2 manufactures de tabacs, 105 de porcelaines ou de

faïences, 7 magasins à tabacs, 4 salines, 80 usines ou hauts fourneaux, 160

filatures, 315 fabriques de draps, 20 verreries, 344 brasseries dont 50 à Strasbourg

ou encore des tanneries ou des papeteries qui deviennent la propriété de l'autorité

allemande. Bismarck permet, à la demande du ministre Pouyer-Quertier, membre

de la commission chargée de délimiter les nouvelles frontières, que le village de

Villerupt reste français. Pouyer-Quertier était l'un des actionnaires principaux du

village.

Enfin, l’État français doit à l'Empire allemand 5 milliards de francs-or et devra

dépenser au moins 500 millions de francs pour les frais des troupes d'occupation.

Pouyer-Quertier, ministre des Finances du gouvernement de Thiers, lance un

emprunt en juin 1871 afin de permettre la libération anticipée du territoire français.

Un second emprunt est émis en juillet 1872.

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Le cadre juridique de l'option

L'option est encadrée par l'article 2 du traité de Francfort :

« Les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur

ce territoire, qui entendront conserver la nationalité française, jouiront, jusqu'au 1er

octobre 1872, et moyennant une déclaration préalable faite à l'autorité compétente,

de la faculté de transporter leur domicile en France et de s'y fixer, sans que ce droit

puisse être altéré par les lois sur le service militaire, auquel cas la qualité du

citoyen français leur sera maintenue. Ils seront libres de conserver leurs immeubles

situés sur le territoire réuni à l'Allemagne. Aucun habitant des territoires cédés ne

pourra être poursuivi, inquiété ou recherché, dans sa personne ou dans ses biens,

à raison de ses actes politiques ou militaires pendant la guerre. »

Elle est aussi encadrée par une convention additionnelle du 11 décembre 1871 qui

précise dans son premier article :

« Pour les individus originaires des territoires cédés qui résident hors d'Europe, le

terme fixé par l'article 2 du traité de paix pour l'option entre la nationalité française

ou la nationalité allemande est étendu jusqu'au premier octobre 1873. L'option en

faveur de la nationalité française résultera, pour ceux des individus qui résident

hors d'Allemagne, d'une déclaration faite soit au maire de leur domicile en France,

soit dans leur chancellerie diplomatique ou consulaire française, ou de leur

immatriculation dans une de ces chancelleries. Le gouvernement français notifiera

au gouvernement allemand, et par périodes trimestrielles, les listes nominatives

qu'il aura fait dresser d'après ces mêmes déclarations ».

Lors de la signature de cette convention additionnelle : les plénipotentiaires ont

déclaré : « Tous les militaires et marins français originaires des territoires cédés,

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actuellement sous les drapeaux et à quelque titre qu'ils y servent, même celui

d'engagé volontaire ou de remplaçant, seront libérés en présentant à l'autorité

militaire compétente leur déclaration d'option pour la nationalité allemande. Cette

déclaration sera reçue, en France, devant le maire de la ville dans laquelle ils se

trouvent en garnison ou de passage, et des extraits en seront notifiés au

gouvernement allemand, dans la forme prévue par le dernier alinéa de l'article 1er

de la convention additionnelle de ce jour. » Sur le certificat d'option, le lieu de

détention des civils ou des militaires était précisé.

Pour les optants de 1872, il existait une façon particulière d'adopter la nationalité

française : s'engager dans l'armée d'Afrique et faire 5 ans de service. Si l'on

revenait vivant, un certificat d'option pour la nationalité française était attribué.

Lorsque ces délais étaient passés, ceux qui n'avaient pas choisi leur nationalité

étaient automatiquement déchus de la nationalité française et naturalisés

allemands. Les Allemands désirant leur réintégration pouvaient alors la demander,

à condition qu’il s’agisse des Alsaciens-Lorrains nés avant 1871, ou de leurs

épouses même si celles-ci sont nées après 1871, ou des enfants mineurs (moins

de 21 ans) ou encore des Françaises mariées à un étranger qui se fait naturaliser.

Ces demandes de réintégrations tardives demeurèrent la volonté du bureau du

sceau.

Au printemps 1872, le cas des mineurs fut évoqué. La question ne fut pas éclaircie

par la convention additionnelle du 11 décembre 1871. Du côté allemand, une

option commune à l'ensemble de la famille était exigée. Du côté français, on

considérait le mineur comme français, même si ses parents demeuraient en

territoires annexés.

Un autre paradoxe demeura entre l'obligation ou non de partir si l'on optait pour la

nationalité française : les autorités allemandes considéraient comme allemandes

toutes les personnes demeurant en territoire annexé jusqu'à ce qu'elles choisissent

ou non d'opter pour la nationalité française. De l'autre côté, les autorités françaises

considéraient que les habitants des territoires annexés demeuraient français

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jusqu'à la fin de la période légale du choix de la nationalité. Ces directives

changeaient couramment, débouchant sur un fouillis dans l'administration avec les

différentes positions à ce sujet qui variaient selon l'endroit et le moment. Sur un

certificat d'option, la mention « autorisé par son père (ou sa mère ou son tuteur) »

figurait pour les mineur. Ou à l'inverse : « mineur non autorisé », « mineur non

assisté ».

Les femmes ne pouvaient décider du choix de leur option puisqu'elles étaient sous

la tutelle de leur mari. Seules les veuves étaient évidemment « libres » de choisir

quelle nationalité adopter.

Toutes ces directives légales ne déterminent évidemment pas le choix de la

nationalité des optants. En effet, outre les contournements de la loi, un ensemble

de facteurs peuvent fortement influencer les optants dans leurs décisions.

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Pourquoi opter ?

Alors que l'on pourrait imaginer que l'option à la nationalité française fut

largement plébiscitée, il en fut tout autrement.

Les résidents des territoires annexés choisissant la nationalité française devaient

quitter le territoire. Ce choix révélait alors le fait de devoir quitter sa terre natale

sans pouvoir y revenir, ainsi que de devoir quitter son travail, sa famille, ses amis et

ses biens. A l'opposé, demeurer sur sa terre natale et être alors Allemand peut aller

jusqu'à devoir porter l'uniforme de l'ancien ennemi, le plus souvent en cas de

service militaire.

En juillet 1871, une rumeur se répandit : un domicile en France permettrait de

bénéficier de la nationalité française tout en restant en territoire annexé. Une autre

se répandit : il serait obligatoire de quitter son domicile sans possibilité de retour.

Certains optèrent la nationalité française mais demeurèrent sur les terres ou

revinrent, repoussés par la barrière de la langue et les difficultés d'installation.

Ceux-ci devinrent tous des citoyens allemands, les rebelles s'y opposant devant

certainement être arrêtés pour acte d'insoumission.

Le 8 octobre 1870, le gouverneur général en Alsace fit son entrée dans Strasbourg.

Des affiches prévenant de son arrivée avaient été placardées : « Strasbourg à

partir d'aujourd'hui sera et restera une ville allemande » qui furent annotées d'un

« Jamais ! ». La cérémonie prévue à la cathédrale fut boycottée par le clergé et se

déroula au final dans une chapelle latérale. L'arrivée de l'autorité allemande fut

accueillie glacialement.

Dès décembre 1870, plus de 300 personnes dont 100 femmes furent accusées

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d'insoumission et furent arrêtées. De plus, la justice et la censure étaient déjà

établies sous l'autorité allemande, avant même la fin de la guerre.

Avant la signature du traité de Francfort et de la convention additionnelle du 11

décembre 1871, aucune instruction précise n'étant donnée, les autorités

allemandes faisaient en sorte de bloquer ou du moins de ralentir les procédures

administratives afin de décourager les candidats à l'émigration.

Les bagnards et les prisonniers quant à eux, pouvaient espérer une remise de

peine, à condition d'opter pour la nationalité allemande. A cette condition, ils étaient

remis aux autorités et l'élargissement des bagnards, c'est-à-dire leur libération,

devinrent un fait.

Des militaires, les jeunes surtout, ont aussi opté pour la nationalité allemande afin

d'échapper au service militaire français. Mais devant servir sous les drapeaux

allemands, ils optèrent alors pour la nationalité française : le service militaire

allemand serait obligatoire de 18 à 20 ans et était effectué avec plus de rigueur et

de discipline que dans l'armée française.

Les autorités françaises obligèrent alors, pour mettre fin à ces pratiques, les jeunes

alsaciens et mosellans à choisir entre l'une des deux nationalités sans pouvoir

modifier leur choix et dans les délais imposés par le traité de Francfort.

Distinguant les prémices d'une ferveur patriotique française, les autorités

allemandes débutèrent une campagne de désinformation pour décourager celles et

ceux qui furent tentés d’opter pour la nationalité française. Elles racontaient par

exemple le sort des optants en Algérie et à Paris où, après avoir été acclamés

comme des héros de la patrie, ils furent livrés à eux-mêmes jusqu'à mourir de faim.

Le gouvernement berlinois favorisa alors l'installation et le fonctionnement des

compagnies américaines de recrutement. L’une d'elle, en janvier 1872, recruta 180

personnes uniquement dans les villages de Houssen et Eguisheim. Le but était de

faire en sorte qu'un minimum de personne émigre en France ou dans ses colonies.

Les calomnies furent démenties par la création de comités d'accueil en France et à

l'étranger qui aidèrent par des dons volontaires les immigrants venant des

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territoires annexés. Les comités de Belfort et de Nancy furent particulièrement

actifs.

De plus, à la fin de septembre 1871, les autorités allemandes interdirent aux maires

de délivrer des certificats d'identité et de moralité (des attestations de bonnes

mœurs) aux candidats à l'émigration.

De même, les fonctionnaires allemands auraient délivré des dispenses pour le

service militaire, à des fils dont les pères étaient encouragés à opter pour la

nationalité allemande.

A l'opposé, une campagne d'information permit aux nouvelles autorités de

présenter le service militaire allemand sous son meilleur jour ainsi que de faire en

sorte d'informer du fait qu'il était obligatoire de partir si on conservait la nationalité

française. En vain.

La situation instable sur le libre choix ou non des mineurs pour l'option convenait

aux autorités allemandes qui espéraient garder le plus grand nombre de personnes

en territoire annexé en les décourageant face aux tâches administratives.

Se posa également la question du paiement des pensions, des traitements et des

salaires des retraités et des fonctionnaires.

Pour ces derniers, s'ils devenaient Allemands et qu'ils gardaient leurs postes, ils

conservaient leur salaire. Les retraités devenus allemands ont quant à eux été

soumis à la réglementation des régimes de leur nouveau pays et celle-ci était plus

avantageuse que celle de la France, particulièrement dès 1878 après le vote par le

Reichstag des premières lois antisocialistes.

Comme la famille Joad et les autres « okies » des Raisins de la colère de John

Steinbeck, ceux qui étaient tentés de conserver la nationalité française et qui

devaient quitter leur foyer craignaient d'être vus comme des indésirables venant

prendre le travail du reste de la population française qui ne parlait pas la même

langue qu'eux.

Restait enfin le problème des « franc-tireur » ou des « corps-francs ». Leur

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spécificité était de combattre avec un équipement personnel et avec leurs propres

moyens. Ils pratiquaient une guerre d'embuscade contre les groupes de cavaliers

prussiens en quête de ravitaillement. A propos de ces militaires combattant sans

uniformes, le « Generalfeldmarschall » et comte Helmut Karl Bernhard déclara le

27 septembre 1870, à la veille de la capitulation de Strasbourg : « Tout franc-tireur

sera assimilé à un malfaiteur ; il sera passible du conseil de guerre immédiat qui

peut prononcer la peine de mort. S'il est établi que dans un village un tireur non-

identifié a attaqué des soldats, celui-ci sera déclaré responsable et subira des

représailles ».

Opter pour la nationalité française afin d’éviter des représailles semble alors

judicieux pour les « francs-tireurs » d'origine alsacienne ou lorraine.

Il ne faut pas oublier de considérer que certaines personnes concernées par

l'option pouvaient être pro-allemandes par intérêt. Ce fut le cas de patrons

d’industrie voulant profiter du marché allemand qui s'ouvraient ainsi. D’autres

pouvaient l’être par conviction. Enfin, comme lors d'autres conflits, certains

devaient opter avec une certaine neutralité : l'autorité allemande est désormais

présente, on fait avec.

Quelques optants célèbres : Alfred Dreyfus qui, à 12 ou 13 ans, a migré avec sa

famille de Mulhouse pour Paris. L'esprit revanchard anima son désir d'une carrière

militaire. Il y a eu aussi la famille Schneider, grande dynastie industrielle.

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Les conséquences

Combien et quand ?

Pour ce qui des options, 539.655 personnes au total ont fait une déclaration.

Parmi elles, 378.777 étaient domiciliées en France ou à l'étranger. Par conséquent,

les 160.878 personnes restantes ont fait une déclaration en territoires annexés. Le

département de l’optant n’est pas systématiquement connu. 31.719 personnes ont

fait une déclaration dans le Haut-Rhin (dont 30.000 dans la seule commune de

Colmar), 14.750 dans le Bas-Rhin et 11.750 en Lorraine. Mais ces déclarations

dont on connait l’origine, ne représente que 36 % soit un gros tiers, de l’ensemble

des déclarations faites en territoires alsacien-lorrain. On peut néanmoins souligner

la place exceptionnelle de Colmar.

Le tiers de ces 160.878 personnes ayant fait une déclaration en territoires annexés,

ont opté pour la nationalité française et sont parties. Au total, 49.926 personnes. Il

n’y a eu que 36.041 personnes pour opter pour la nationalité allemande. Il nous

reste 11.952 personnes qui ont fait une déclaration en faveur de la nationalité

française mais sont restées en Alsace-Lorraine en renonçant à leur choix initial.

Plusieurs types de professions ont été mentionnés dans les options. Quand le

métier n'est pas connu, la mention « inconnue » était ajoutée.

Chez les militaires en service, 2.515 optèrent. Dans les prisons et les pénitenciers,

116 militaires optèrent. De plus, 24 détenus civils ont opté comme 2 transportés

(condamnés aux travaux forcés ou politiques) et 1 aliéné. Les optants sans

profession domiciliés à Cayenne, en Guyane, sont sans doute des bagnards.

Nous ne connaissons qu'en partie la date des options mais nous savons qu'en

décembre 1871, 2 personnes optèrent. De janvier à mars 1872, 28 personnes ont

opté. En avril et mai, 1406. En juin et juillet, 981. En août et septembre, 380.

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D'octobre à décembre, 25. De janvier jusqu'à septembre 1873, 30 options.

De plus, nous savons que 1661 options ont été faites en Algérie, 112 dans la Seine,

99 dans la Seine-et-Oise, 84 en Guyane et 75 dans le Rhône.

Des agences spécialisées dans l'émigration se développaient pour inciter au départ.

Le recensement américain de 1880 dénombre 120.000 immigrants provenant des

territoires annexés.

Dès avril 1872, lorsque les déclarations d'option augmentèrent en flèche, les zones

à forte densité ouvrière virent leur démographie baisser. Certains industriels

envisagèrent alors d'émigrer avec leur outil de production pour suivre la main-

d’œuvre, comme l'industriel chimiste de Thann (68) Daniel Nicolas Auguste

Scheurer.

L’Algérie, terre promise des optants ?

L’Algérie, terre de colonisation des Alsaciens et des Mosellans depuis que les

troupes françaises y mirent le pied dans les années 1830, est une des destinations

des optants à la nationalité française. Le gouvernement français met en place dans

sa colonie des concessions gratuites et des indemnités de premier établissement

(moyens de campements, aide à la construction des habitations, achat de bétail, de

semences et de vivres). Monseigneur de Lavigerie, archevêque d'Alger et ancien

évêque de Nancy lance un appel aux familles alsaciennes et mosellanes pour les

inciter à immigrer en Algérie.

Les députés Belcastel, Buisson et Boucariste-Leroux émettent une proposition de

loi destinés à encourager les optants à la nationalité française en Algérie avec une

volonté d'accueillir 10.000 personnes.

La loi est votée le 21 juin 1871 après un débat avec les partisans de l'attentisme

désireux de voir les populations rester sur place. Le 15 décembre de la même

année, les conditions sont édictées par une loi limitant le droit aux avantages de

l'émigration aux possesseurs d'au moins 5.000 francs, condition respectée peu ou

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prou.

Un crédit de 400.000 francs est accordé au budget de l'Algérie pour aider à

l'installation des nouveaux colons avec la construction de baraques et des travaux

d'utilité publique (aménagement des eaux, plantation d'eucalyptus, construction de

centres de colonisation).

Le 25 octobre 1872, un nouveau crédit de 600.000 francs est de nouveau accordé

pour l'entretien des familles arrivant avec un capital financier trop faible pour

assurer leur survie ainsi que pour assurer la poursuite des constructions des

villages.

Au même instant, alors que la réussite de l'emprunt pour la libération du territoire

de 5 milliards se fait sentir, toutes les sommes non-réclamées par les souscripteurs

après un certain temps sont accordés aux colons alsaciens et mosellans.

Deux autres crédits sont accordés en 1874 et 1875, respectivement de 98.744 et

de 300.000 francs. A cela s'ajoute l'aide de plusieurs milliers de francs accordés

par les comités de patronages algériens et métropolitains.

Les députés ayant proposé la loi du 21 juin 1871 désiraient octroyer 100.000

hectares de terres aux colons. Ces terres furent prises aux différentes tribus

kabyles dont les rebellions avaient été réprimées. Elles furent alors dépossédées

de 446.000 hectares et obligées de verser une amende de 10.881.443 francs-or.

Malgré les fonds alloués, les lenteurs et les dérives bureaucratiques rendent la

tâche très laborieuse et tous les rêves de la terre promise ne sont pas satisfaits

avec par exemple une indemnité longtemps attendue, des terrains de plus ou

moins bonne qualité et un accès à l'eau potable qui laisse parfois à désirer.

En 1898, on dénombre 1183 familles alsaciennes et mosellanes désormais

installées, dont 352 dans les circonscriptions d'Alger et de Tizi-Ouzou.

Des noms de villes comme Strasbourg sont repris pour nommer des centres de

colonisation.

Et les conscrits ?

Dans la nouvelle Alsace-Lorraine allemande, la conscription s'effectuait par tirage

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au sort. Le jeune était alors exempté de son service militaire ou non. Ceux ayant

des moyens financiers conséquents pouvaient payer un exempté pour les

remplacer. La conscription se passait ainsi : l'année précédant le service militaire,

les jeunes se regroupaient par localités, c'étaient les conscrits. Ceux de Didenheim,

pour protester, sont alors partis en France pour symboliquement effectuer leur

tirage au sort. Les autorités prussiennes ayant pris, certainement avec justesse,

cette manifestation comme un acte de provocation, réprimèrent les conscrits à leur

retour.

De même, une manifestation antiprussienne se déroula place Kléber à Strasbourg.

Alsace-Lorraine / Elsaß-Lothringen : le processus de germanisation

Dans le processus de la création du Reichsland Elsaß-Lothringen, les communes

ont subi une germanisation systématique de leurs noms selon les règles

linguistiques de la langue allemande. Des noms sont traduits, des localités

regroupées, des communes retrouvent leur nom d'antan ou encore subissent une

simple germanisation. Pour ce dernier cas, par exemple, le « U » se prononce

« OU » ou « U » s'il est marqué « Ü ». De même, les terminaisons en « HOUSE »

et « ANGE » deviennent respectivement en allemand « HAUSEN » et « INGEN ».

La nostalgie de l’Alsace perdue

Du point de vue vestimentaire, la perte de l'Alsace-Moselle causa aussi une petite

modification dans l'habit traditionnel. La coiffe alsacienne, d'une différente couleur

selon l'appartenance religieuse, l'occasion de la porter et la localisation

géographique, eut un petit rajout. En effet, comme sur la coiffe « à grand nœud »

noire, la plus répandue dans la région et symbolisant de même les disparus pour la

patrie, une cocarde tricolore fut fixée lorsqu'une occasion se présentait, pas lorsque

les autorités prussiennes étaient présentes évidemment, sous peine d'être

certainement arrêtée pour acte d'insoumission. Cette coiffe prit une nouvelle

symbolique : le désaccord alsacien. Une pointe de rouge rappelle de même le sang

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versé pour la patrie.

L'option inspira différents graveurs qui représentèrent différents événements. C'est

le cas de Daudenarde, de Gustave Doré ou encore du sculpteur Paul Dubois.

Face à la perte d'une partie du territoire français, à l'obligation d'opter pour la

nationalité allemande si l'on voulait conserver sa terre ou et face aux différentes

répressions, un esprit revanchard, une nostalgie de l'Alsace-Lorraine française,

naquit. Elle fut entretenue entre autre dans l'enseignement de l'histoire dans les

écoles publiques. En littérature, cela s'exprima par la création du « roman français

d'Alsace », notamment par les écrivains nationalistes comme Maurice Barrès ou

Alphonse Daudet. Ce mouvement produit des œuvres glorifiant le courage des

optants à la nationalité française et mystifiant l'Alsace-Lorraine libérée du joug

allemand.

Des territoires retrouvés après la Grande Guerre

Après avoir été annexée presque 50 ans par l'Allemagne, l'Alsace-Moselle redevint

rattachée à la France en 1918 par l'article 27 du traité de Versailles. Mais c'est dès

l'arrivée des troupes françaises en Alsace-Moselle que la question de la

citoyenneté est abordée. Les maires ont alors pour consignes de délivrer des

cardes d'identités répartissant la population en quatre catégories établies sur des

critères héréditaires : A, B, C et D.

Les cartes d'identités de la catégorie A sont avec des bandes tricolores pour les

Alsaciens-Mosellans dont les parents et les grands-parents sont nés en Alsace-

Moselle ou pour les habitants dont les parents sont nés en France. Les personnes

concernées sont alors réintégrées de plein droit.

Les cartes d'identités de la catégorie B sont avec deux bandes bleues, elles sont

délivrées aux Alsaciens-Mosellans dont le père ou la mère sont d'origine étrangère.

Les cartes d'identités de la catégorie C sont avec deux bandes rouges, elles sont

attribuées aux Alsaciens-Mosellans dont le père ou la mère sont originaires de

pays alliés de la France ou qui sont restés neutres durant le conflit.

Enfin, la carte d'identité de la catégorie D, sans bande, est délivré aux descendants

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d'Allemands, d'Autrichiens, de Hongrois ou d'autres peuples des Empires du centre

de l'Europe. Même leurs enfants nés dans les territoires reconquis obtiennent la

carte D.

Cela conduit à de nombreux problèmes insurmontables dans les agglomérations où

la mixité est plus importante que dans les campagnes. Une épuration est organisée

dès novembre 1918. Les fonctionnaires représentant le pouvoir de Guillaume Ier

sont les premiers à être renvoyés par l'armée d'occupation, qu'ils viennent des

administrations, des bureaux militaires et des universités. C'est ensuite au tour des

ouvriers et des employés d'être expulsés. Des commissions spéciales d'examen

sont créées par Alexandre Millerand pour amoindrir les conditions pénibles des

112.000 expulsions qui seront finalement organisées.

Chaque Alsacien-Mosellan est examiné par des commissions de triage quand il est

soupçonné d’avoir éprouvé des sentiments germanophiles, s'il aurait tenu des

propos douteux ou encore commis des actes soupçonnables durant la guerre de

1914-1918.

Dès décembre 1918, ce sont les Commissaires de la République qui suivent de

près les travaux des commissions de triage. Les attributions du pouvoir civil sont

clarifiées lors des décisions gouvernementales de janvier 1919 et la police

française procède alors aux expulsions. Néanmoins, dès le printemps de la même

année, l'opinion publique critique les commissions de triage en les accusant

d'entreprendre des procédures arbitraires et d'infliger aux Alsaciens-Mosellans de

graves peines.

Ces dernières sont par exemple la discrimination ethnique qui s'opère dans les

hauts postes de l'administration et dans les postes d'enseignants qui sont occupés

par des Français ne parlant pas l'alsacien.

Dans les écoles, le français est imposé du jour au lendemain à des enfants ne

parlant que l'alsacien et l'allemand. L'usage de cette dernière langue et du dialecte

local sera d'ailleurs jusqu'au 7 août 1919 interdite aux Lorrains après 22 heures

dans les rues.

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ANNEXES

Certificat d'option à la nationalité française de George Barth

Certificat d’option à la nationalité française de Jean-Michel Barth

Les options en chiffres

Gravure de Daudenard

Gravure de Gustave Doré

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Certificat d'option à la nationalité de Georges Barth

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26

Certificat d'option à la nationalité de Jean-Michel Barth

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27

Document extrait de Société d'Histoire des Chercheurs des Optants des

Départements d'Alsace Moselle (CODAM), « 1870 : guerre, option et optants »,

Cahier des Optants des Départements d'Alsace et de Moselle, mai 2013.

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« Alsace – Les ouvriers allant en masse opter pour la nationalité française »

Gravure de Daudenard

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29

« Émigrants regardant passer l'envahisseur »

Gravure de Gustave Doré

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BIBLIOGRAPHIE

Travaux de la Société d'Histoire des Chercheurs des Optants des Départements

d'Alsace Moselle (CODAM) :

CODAM, « 1870 : guerre, option et optants », Cahier des Optants des

Départements d'Alsace et de Moselle, mai 2013.

CODAM, « Les protestations de l'Alsace et de la Lorraine », Cahier des Optants

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CODAM, « Territoires annexés, le Reichsland 1871-1918, liste des communes en

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FILMOGRAPHIE

Hannes Schuler et Jan N. Lorenzen : 1870, la bataille décisive de Sedan (2005),

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SITOGRAPHIE

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http://arhfilariane.org.pagesperso-orange.fr

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