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Les organisations paysannes et rurales Des acteurs du développement en Afrique sub-saharienne Réseau GAO Chaire de Sociologie Rurale Institut National Agronomique 16 rue Claude Bernard 75231 Paris Cedex 05 FRANCE Tel (33 1) 44 08 16 36 Fax (33 1) 44 08 18 55 Groupe de travail : État et organisations rurales Rédaction coordonnée par Daouda DIAGNE et Denis PESCHE Mars 1995

Les organisations paysannes et rurales - Cirad

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Page 1: Les organisations paysannes et rurales - Cirad

Les organisationspaysanneset ruralesDes acteurs du développement

en Afrique sub-saharienne

Réseau GAOChaire de Sociologie Rurale Institut NationalAgronomique16 rue Claude Bernard75231 Paris Cedex 05FRANCE

Tel (33 1) 44 08 16 36Fax (33 1) 44 08 18 55

Groupe de travail : État et organisations rurales

Rédaction coordonnée par Daouda DIAGNE

et Denis PESCHE

Mars 1995

Page 2: Les organisations paysannes et rurales - Cirad

7 Introduction

PREMIÈRE PARTIE

9 Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?

10 1. Rappel historique de l’évolution des OPR11. Les caractéristiques générales des OPR12. Le désengagement de l’État et les OPR

11 2. Les organisations paysannes au niveau villageois21. Saisir la diversité des groupements22. Des mouvances différentes

17 3. Les organisations fédératives21 4. Quelques questionnements

41. Le processus du « transfert » d’activités aux OPR42. La question juridique : une reconnaissance ou une dépendance pour les OP?43. Forces et faiblesses des groupements44. Le rôle des responsables paysans

DEUXIÈME PARTIE

29 Que pourraient être demain les OPR?

30 1. Les OPR vues par leurs promoteurs32 2. Les OPR vues par leurs partenaires

21. Le point de vue des bailleurs de fonds22. Les organismes privés d’appui aux OPR23. L’administration24. Les sociétés d’intervention

40 3. Quelques questionnements31. Quel rôle pour l’État?32. Un rôle économique pour les organisations paysannes?33. Quelles fonctions pour les organisations rurales?34. La complexification des appuis aux OPR : vers de nouvelles relationsentre partenaires

RÉSEAU GAO. LES OPR2

s o m m a i r e

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TROISIÈME PARTIE

49 Comment accompagner les OPR?

50 1. Quels statuts et quelle législation pour les groupements?51 2. Le fonctionnement des OPR

21. Organisations paysannes, appui/formation et information22. L’alphabétisation et la comptabilité/gestion dans les groupements

61 3. Les organisations paysannes et le financement31. La participation des OPR au financement du monde rural32. Le financement des activités et du fonctionnement des OPR

68 4. Les organisations paysannes face à la restructuration des filières41. Filières : de quoi parle-t-on?42. Des Interprofessions pour quoi faire?

71 5. Le renforcement du pouvoir des Fédérations

75 Conclusion

79 Bibliographie

RÉSEAU GAO. LES OPR 3

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RÉSEAU GAO. LES OPR4

i n d e xt h é m a t i q u e

Alphabétisation : 57

Appui-conseil : 55, 56, 72,73

Bailleurs de fonds : 32-34, 28, 47, 48, 68-70

Bureaux d’études : 35, 47, 48

Classements typologies et mouvances : 12-16, 17-19

Comptabilité-gestion : 58-61

Coopératives agricoles : 10

Echanges paysans : 53, 54, 20

Economique et/ou social : 44-46, 42, 43

Epargne-crédit et financement : 61-67, 47

Etat : désengagement et nouveaux rôles : 21, 22, 40, 41, 10, 11, 37, 38, 44, 68-70

Fédérations paysannes : 17-20, 71-74, 30, 31

Filières : 21-22, 68-70, 38-40

Fonctionnement des OPR : 24-26

Formation : 51-53, 56

ONG : 34, 35, 47, 48

Professionnalisation : 32, 33, 36, 37, 16, 30, 39

Responsables paysans : 26-28

Statuts et législation : 23, 50

Vulgarisation agricole : 41, 42

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RÉSEAU GAO. LES OPR 5

a v a n t p r o p o s

C e document rassemble des informations, des réflexions et des questionne-ments issus du groupe de travail État et organisations rurales du Réseau GAO

mais aussi de personnes qui, d’une manière ou d’une autre, accompagnent desorganisations paysannes et rurales dans les pays du sud, en particulier en Afriquesub-saharienne.

I l est la version définitive d’un document élaboré et mis en forme durant l’année1994. Il a été rédigé par Daouda Diagne et Denis Pesche avec la relecture

attentive des membres du bureau du Réseau GAO : Médard Lebot, président ;Jean-Pierre Prod’homme, INA-PG ; Jean-Claude Devèze, CFD ; Marie-Pierre Brunet,AFDI ; Guillaume Randriamampita, Philippe Rémy, Ministère de la Coopération ;Etienne Beaudoux, IRAM. Le groupe de travail État et organisations rurales s’estréuni plusieurs fois depuis 1992. De nombreuses personnes ont ainsi apportéleurs témoignages et leurs commentaires aux deux versions provisoires : qu’ellesen soient ici remerciées.

C e document est conçu comme un support pour des débats et propose uncertain nombre de pistes de réflexion. Le lecteur est donc fortement convié

à réagir, critiquer, faire des propositions en vue d’enrichir les questions abordéespar des exemples concrets. Le Réseau GAO peut alors servir de support à la diffu-sion de ces informations et à l’organisation de débats sur l’appui aux organisationspaysannes.

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D ans tous les pays, qu’elles soient informelles, reconnues, éphémères,souples, de grande ou petite taille, les organisations paysannes sont à la fois

le lieu d’expression des intérêts de paysans et un moyen d’atteindre les objectifsqu’ils se fixent. Si les organisations paysannes et rurales intéressent un nombrecroissant de personnes, c’est qu’elles sont amenées à jouer un rôle de plus en plusimportant dans le développement rural des pays du Sud.

Au-delà de leurs multiples finalités, évoquées tout au long de ce document, lesOPR devraient s’orienter vers la construction d’un pouvoir paysan, certes multi-forme, capable à la fois de peser sur la définition et la mise en œuvre des poli-tiques concernant le monde rural, et de préciser la place des agriculteurs dans dessociétés en construction.

La multiplication et le développement des OPR doivent être replacés dans uncontexte de changements profonds qui affectent les pays africains depuis unedizaine d’années. En déréglementant les prix et en imposant un désengagementdes États de la gestion du secteur agricole, les politiques d’ajustement proposéespar certains bailleurs de fonds ont contribué à donner, du moins dans le discours,une place importante aux organisations paysannes.

La valorisation de ces nouvelles structures et plus largement des opérateurs éco-nomiques privés (de la « société civile ») a relayé, amplifié et rendu dominant undiscours et des pratiques portées jusqu’alors par des acteurs non gouvernemen-taux (ONG, Églises et « leaders locaux ») depuis plusieurs années.

C es schémas et ces déclarations d’intentions commencent à rencontrer lesaspirations de populations longtemps anesthésiées par des États omnipo-

tents et souvent corrompus. En général, on observe une relation étroite entre ledéveloppement des organisations paysannes et les espaces politiques et légaux

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i n t r o d u c t i o n

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que laisse l’État aux acteurs autonomes. Le désengagement de l’État est rarementvolontaire et de fortes résistances existent encore à l’émergence d’organisationspaysannes autonomes et capables de faire entendre leur voix et de peser sur lesdécisions.

Le discours sur les organisations paysannes se réduit trop souvent à une visionmodernisante de l’agriculture, où une profession organisée va prendre en main lesrênes de son propre développement. Professionnalisation de l’agriculture, struc-turation du monde rural sont autant d’expressions, qui ne doivent pas faireoublier l’existence de réalités rurales complexes et de multiples logiques des pro-ducteurs agricoles. On ne peut nier la grande diversité des situations (systèmes deproduction, environnement économique, social), dans lesquelles se trouvent lespaysans et qui impose le rejet de modèles univoques d’agriculture et d’organisa-tion des producteurs.

A cette complexité s’ajoutent les facteurs « culturels » ou plus généralementsociaux qui, d’une manière ou d’une autre, confèrent aux acteurs des rationalitésoù les critères économiques sont loin d’être les seuls guides de l’action. Sans tom-ber dans le piège d’une vision réductrice où la tradition résiste à la modernité, ilfaut prendre en compte les différents registres qu’utilisent les acteurs et les diffé-rentes ressources qu’ils mobilisent pour arriver à leurs fins. Si les agriculteurs« ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font », ces raisons sont multiples, pastoujours explicites et sûrement pas exclusivement dictées par une rationalitétechnico-économique.

D es mouvements paysans ont pu naître et se développer quand des hommesont su se situer dans la société, en comprendre les enjeux et construire

progressivement des organisations capables de défendre leurs objectifs. Ces orga-nisations se sont consolidées par la formation des gens, mais aussi dans l’actioncollective qui forge les responsables paysans.

Il convient cependant d’être prudent et lucide sur cette « importance » que l’onconfère aux organisations paysannes. Chacun, en fonction de la place qu’il occupe,de sa fonction et de ses moyens, a un intérêt particulier à s’intéresser aux orga-nisations paysannes. Chacun, depuis le paysan jusqu’à l’homme politique en pas-sant par le chercheur, le technicien, le représentant d’un organisme decoopération, possède une vision de ce que sont les organisations paysannes et dece qu’elles devraient être. Si tous proclament leur volonté d’accompagner lesorganisations paysannes, chacun ne souhaite pas forcément le faire dans le mêmebut et de la même façon.

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C’est un peu l’objet de ce document que de contribuer à faire s’exprimer cesvisions différentes, à les confronter pour, au bout du compte, donner aux

principaux acteurs, les paysans et ceux qui les accompagnent, des moyens pourmieux exprimer leur vision des choses.Le parti pris de ce document est de favoriser l’émergence de débats et deconfrontations entre différents groupes de producteurs agricoles, de ruraux et deleurs partenaires du développement. En dehors des cadres strictement institu-tionnels et des lieux de pouvoirs, chercher les points de rencontre d’opinions dif-férentes, c’est favoriser l’émergence de débats, c’est faire s’exprimer les gens,tenter de mettre à jour leurs idées et leurs objectifs.

S’il est devenu banal de dire que l’Afrique sub-saharienne connaît l’éclosion et ledéveloppement de nombreuses formes d’organisations paysannes et rurales, ilconvient de replacer ce foisonnement dans sa dimension spatiale et historique.Tout ne se passe pas de la même manière partout : certains pays du Sahel sontmaintenant célèbres pour la richesse de leur mouvement associatif en milieu rural(Sénégal, Burkina Faso,...), d’autres pays, un peu oubliés des feux de l’actualité,voient pourtant se développer, à l’écart des interventions classiques, des mouve-ments paysans originaux (Zaïre, Tchad, Niger,...). Notre objet n’est pas de rendrecompte de toutes les organisations paysannes et rurales (nous en serions bienincapables), mais de tenter, à partir de quelques expériences concrètes, de tracerdes axes de réflexion utiles pour l’action.

La prise en compte de l’histoire est aussi un élément-clé dans la compréhensiondes sociétés rurales. Le foisonnement d’organisations paysannes, observé actuel-lement dans certains endroits est le produit d’une histoire complexe et de la ren-contre de multiples facteurs et aspirations. Certains ont parfois tendance à fairedémarrer l’histoire des organisations paysannes à celle des interventions exté-rieures pour le développement. Au-delà du rôle déterminant qu’ont pu avoir desinitiatives privées (ONG) ou publiques (administrations, sociétés d’interven-tions,...), la nature, le fonctionnement et les aspirations des multiples groupementset organisations paysannes ne peuvent être appréhendés sans une prise encompte de l’histoire des sociétés agraires, leur mode de fonctionnement et lesétapes de leurs transformations. Ce n’est qu’à ce prix que les analyses actuellessur les organisations paysannes prennent tout leur sens et s’enracinent dans lesgrands courants qui traversent et transforment les sociétés rurales africaines.

RÉSEAU GAO. LES OPR8

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« Il y a assez d’études, assez d’enquêtes et derecherches sur les organisations paysannes. Il fautagir, les appuyer et travailler à les renforcer »,pourraient dire nombre de personnes enga-gées dans le développement et soucieuses dela promotion des organisations paysannes.

Sans refaire une étude de plus, ce qui n’est pasl’objectif de ce document, il est utile de mettreà plat, de recenser, de confronter et de com-parer différentes tentatives qui ont été faitespour décrire et comprendre la diversitédes organisations paysannes.

Les études sur les groupements, les organisa-tions paysannes, sont la plupart du temps le faitde personnes extérieures au monde paysan :chercheurs ou praticiens du développement.Les principaux intéressés, membres et respon-sables d’organisations paysannes, s’exprimentmoins sur ce sujet. Pourtant, les outils deconnaissance de la réalité peuvent devenir desatouts utiles pour ceux qui tentent de renfor-cer la capacité des producteurs à défendreleurs intérêts et à faire entendre leur voix.

Si les paysans ont rarement été associés à cesétudes (si ce n’est comme objet de recherche),certains de leurs représentants perçoiventtout l’intérêt qu’ils peuvent avoir à connaître età maîtriser les outils qu’utilisent ceux qui lesétudient et qui parfois ont parlé et parlentencore en leur nom. Bien sûr, des chercheurs« restituent » leurs travaux, mais cela restesouvent un moment éphémère, bref, où lespaysans écoutent. Les organismes d’appui, deformation, qui accompagnent les organisationspaysannes tentent parfois d’utiliser les résultatsmis en évidence par les chercheurs. Dans une

certaine mesure, des lieux d’échanges, deconfrontation d’idées, existent entre lespaysans et certains acteurs du développement,mais ils sont fragmentaires, éphémères ettrop liés par des individus. Ils restentencore trop souvent l’apanage de quelques-unset débouchent rarement sur un véritable dia-logue avec les décideurs (hommes politiques,dirigeants d’entreprises, bailleurs de fonds...).

Pour plus de clarté, nous séparerons cette par-tie en trois. Après un bref rappel du contextedans lequel se sont créées et ont évolué lesorganisations paysannes, nous regarderons leurdiversité au niveau local en essayant, grâceaux nombreuses contributions, d’y voir plusclair. Puis, nous nous intéresserons aux orga-nisations fédératives, celles qui dépassent lecadre local. Cette division est bien sûr artifi-cielle et arbitraire. Nous tenterons de com-prendre les articulations qui existent entre cesdeux niveaux pour identifier ce que pourraientêtre les ressorts d’un mouvement paysan.

Le choix a priori du critère spatial pour délimi-ter les organisations paysannes peut se justifierpar le fait que, dans leur grande majorité, lesorganisations paysannes africaines ont une acti-vité qui reste locale. Si certaines expériencesfédératives originales existent depuis déjà denombreuses années, les organisations dépas-sant le cadre local pour agir au niveau régionalou national, voire international, sont encorepeu nombreuses.

Cette partie se terminera par un certainnombre de questionnements destinés à poserles termes du débat sur les groupements etorganisations paysannes.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 9

Quelles organisations paysanneset rurales aujourd’hui? 1111

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?10

L’organisation des paysans n’est pas un phé-nomène récent en Afrique. Sous sa forme tra-ditionnelle (les groupes d’entraide pour lestravaux agricoles, les tontines...), elle resteencore en vigueur dans la plupart des socié-tés rurales. Quant à l’organisation des pay-sans sous une forme moderne empreinte dejuridisme (les coopératives), elle a été intro-duite pendant la période coloniale. Depuis lesindépendances, d’autres types d’organisa-tions sont apparus avec des appellationsdiverses (les groupements, les associationsvillageoises...). En même temps que lecontexte politique, économique et social desÉtats africains, les multiples formes d’organi-sation du monde rural ont aussi évolué.

11. Les caractéristiquesgénérales des OPR

En Afrique sub-saharienne, pour qui chercheà comprendre l’évolution de l’organisationdu monde rural, la référence coopérativeapparaît comme une donnée constante?

LES COOPÉRATIVES AGRICOLES

Les coopératives structurées ont été introduitespour la première fois en Afrique pendantl’époque coloniale, dans le but le plus souventde fournir à leurs membres des services de dis-tribution des facteurs de production et de com-mercialisation. Après l’indépendance, lesnouveaux gouvernements ont eu tendance àconsidérer les coopératives comme des instru-ments de développement rural, qui pou-vaient faciliter l’exécution de leurs politiques.L’adhésion était obligatoire et les fonctionnairesétaient fréquemment affectés à des postes degestion. Du fait de l’importante interventiondes gouvernements, les membres ont fini parconsidérer ces organisations comme des insti-tutions publiques plutôt que comme leurspropres coopératives.Extraits de BRENNEMAN L. et al,Document technique n°199, 1994.

Deux décennies après les indépendances, leconstat était le même pour l’ensemble despays :

LE MOUVEMENT COOPÉRATIF : DE GRANDS ESPOIRS SUIVIS DE GRANDES DÉCEPTIONS

• Des modèles importés par les États et impo-sés d’en haut par des appareils étatiques et parle biais de législations, servilement calquées surcelles des anciens pays colonisateurs et étran-gères aux cultures locales (même leur appella-tion est transférée telle quelle sans qu’aucuneffort n’ait été entrepris pour le traduire dansles différentes cultures des pays concernés).

•Une tendance constante à s’orienter -au nomde la rentabilité et des économies d’échelle- versdes entreprises économiques, d’une taille telleque leur contrôle devient tout à fait impossiblepar les coopérateurs.

•Des systèmes de comptabilité doublementétrangers par la langue (le français) et le lan-gage (ésotérique), excluant toute association ouparticipation de ces derniers à la gestion deleurs coopératives.

• Un environnement économique souvent trèsdéfavorable au développement des coopérativescomme entreprises.Éléments tirés de BELLONCLE G., 1993.

Depuis les indépendances, les États africainsont développé des politiques agricoles dontun des objectifs implicites était de préleverdes surplus pour financer un appareil d’Étatnaissant. De ce fait, ils ont déployé leursefforts dans les zones (et avec les produc-tions), où ils pouvaient espérer tirer de l’agri-culture des revenus substantiels à partir demécanismes plus ou moins complexes baséssur des systèmes de prélèvements1. Concrète-ment, cela signifie que l’État s’est investi demanière très discontinue dans le monderural : des zones entières ont été complète-ment laissées à l’abandon. On a privilégié uneapproche par filière autour de quelques pro-

1111Rappel historique de l’évolution des OPR

1. Les paysans et le pouvoir en Afrique noire, Karthala, Politiqueafricaine n° 14, juin 1984.

Page 11: Les organisations paysannes et rurales - Cirad

duits commercialisés sur le marché mondialou déterminants pour l’alimentation desvilles : coton, café, cacao, arachide, riz...

Dès les premières années d’indépendance (etmême parfois avant, surtout sous l’impulsiondes Églises), mais de manière plus impor-tante depuis les années 70, des organismesprivés ont travaillé aux côtés des popula-tions dans des zones « à l’écart » et sur desthèmes délaissés par les pouvoirs publics :maraîchage, crédit rural... Ce travail s’estaccompagné en général de la création d’orga-nisations à l’échelle villageoise chargées degérer les activités mises en place. Un grandnombre d’organisations paysannes auto-nomes se sont ainsi créées.

12. Le désengagementde l’État et les OPR

Depuis les politiques d’ajustement (milieudes années 80), les administrations et lessociétés para-publiques en charge du déve-loppement rural ont vu leurs prérogativesfortement réduites. Ce processus n’est pasachevé et s’accompagne de résistances fortesde la part de ceux qui tiraient profit du sys-tème en place. Depuis cette période, on parlebeaucoup du transfert de fonctions aux pay-sans organisés, sans forcément que desmesures d’accompagnement conséquentessoient mises en place.

C’est dans ce contexte qu’évoluent actuelle-ment les organisations paysannes aussi bienau niveau des villages qu’au niveau intervil-lageois, voire national.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 11

Un désengagement ambigu

Les États et les intervenantsextérieurs affirment de nouvellesoptions et certains déclarent renon-cer aux modèles d’organisations pré-établis imposés de façon plus oumoins directive aux paysans.Dans certains cas, on assiste à untransfert aux paysans des responsabili-tés, des fonctions et des charges(notamment financières) que l’État nepeut plus assumer. Ce transfert estsouvent décidé de façon unilatéralepar l’État et ses bailleurs de fonds ; ils’effectue alors selon un rythme etdes modalités définis sans concerta-tion avec les paysans ; il concerne desfonctions plus ou moins rentables etétablit des limites strictes à la « res-ponsabilisation paysanne ».

Extraits de MERCOIRET M.R. (coord.), Ministère de laCoopération et du Développement, CIRAD, 1994.

2222Les organisations paysannes au niveau villageois

Au niveau du village, les formes d’organisa-tions paysannes prennent plusieurs noms :groupements, associations villageoises... Pourne pas alourdir le texte, nous utiliserons cou-ramment le terme groupement, en le précisantquand ce sera nécessaire.

Tout le monde s’accorde à dire que dansbeaucoup d’endroits, il y a foisonnement degroupements. Pour mieux cerner cette diver-sité, bon nombre d’intervenants ont procédéà leur classement. Cependant, une adminis-tration, une ONG, un chercheur, etc, inven-

tent des classements adaptés aux questionsqu’ils se posent. De ce fait, un classementn’est pas objectif en soi et il exprime lavision et les attentes de celui qui le bâtit parrapport à ses objectifs qu’il convient d’explici-ter, et autour desquels doivent être retenusdes indicateurs facilement observables.

En tant qu’outil de connaissance, une typolo-gie doit s’appuyer sur des critères élaborés àpartir d’hypothèses établies pour arriver àexpliquer une situation observée.

Page 12: Les organisations paysannes et rurales - Cirad

C’est aux principaux intéressés, les paysans,qu’il revient de peser sur ceux qui « se pen-chent » sur eux pour transformer ces outils deconnaissance en atouts, en ressources mobili-sables pour l’action. C’est dans la mesure oùdes responsables paysans seront progressive-ment associés2 à toutes les étapes des étudesles concernant, que pourront s’établir lesconditions d’un dialogue et d’une confronta-tion équitables. La réflexion sur la stratégiedes groupements, leurs projets et leur deve-nir sont des moyens de rendre ces outilsvivants.

21. Saisir la diversitédes groupements

Quels sont aujourd’hui les points communs,les idées principales de ces tentatives de

décrire et comprendre la diversité des grou-pements? Nous pouvons d’ores et déjà direqu’elles peuvent s’appuyer sur des indica-teurs donnés, tels que l’origine du groupe-ment, sa composition, sa fonction ou sonmode de fonctionnement. Mais encore, il estpossible de combiner plusieurs critères pourarriver à analyser la viabilité des groupe-ments ou les finalités qu’ils se donnent.

• L’origine des groupements peut permettrede les différencier selon qu’ils sont suscités del’extérieur ou issus d’une initiative locale. Cescatégories peuvent être affinées, en précisantla nature du « créateur » du groupement(État, organisme para-public, ONG, Église...)ou les liens qu’ils entretiennent avec l’exté-rieur pour les groupements plus autonomes.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?12

Classer selon l’origine

On peut utiliser l’origine des groupements pour les regrouper en « grandesfamilles ». C’est souvent le cas dans les études et rapports sur les groupements.• Groupements de la mouvance étatique (anciennes coopératives, comités villa-geois).• Groupements de type para-étatique (créés par les sociétés de développement :SEMRY, SODECOTON,...)• Groupements d’initiative privée (action des ONG, des Églises, des « élites » et ini-tiatives locales).

Extraits de PROD’HOMME J.P., 1992.

On remarquera que, dans la réalité, on a sou-vent une combinaison entre des facteursinternes et des stimulants externes, le toutest de voir quels sont les tendances princi-pales et les facteurs déterminants de l’émer-gence des groupements.

• L’ancrage par rapport aux groupes sociauxet à l’organisation de la société locale estsans doute aussi un facteur déterminant pourcomprendre l’origine et la nature d’un grou-pement. Les exemples sont nombreux pourmontrer l’influence des pratiques sociales etdu fonctionnement des sociétés locales sur lesformes d’organisations paysannes (migrantsde la vallée du fleuve Sénégal, influence de lasociété mossi sur le fonctionnement des grou-pements Naam au Burkina Faso).

A ce titre, il est important de pouvoir appré-cier la composition de l’organisation : queltype de producteurs la composent? Repré-sentent-ils un groupe homogène? Y trouve-t-on des représentants de l’ensemble de lapopulation locale ou seulement un groupebien particulier? Autant de questions qui doi-vent permettre de faire des hypothèses (tou-jours à vérifier) sur la cohésion sociale dugroupe par rapport à ses objectifs.

On peut bien sûr distinguer les groupementsselon ceux qui les composent : groupementsde jeunes, groupements de femmes...

Des outilsde connaissance :

un classementpour décrire,

une typologiepour expliquer

2. Sans pour autant mélanger les genres en faisant faussementjouer à des responsables paysans un rôle » d’expert ».

Page 13: Les organisations paysannes et rurales - Cirad

LES GROUPEMENTS FÉMININS

Parmi les descriptions des OP africaines, celledes « groupements féminins » mérite une placeparticulière, car il s’agit d’un phénomène origi-nal et porteur d’une dynamique sociale nova-trice que certains pensent déterminante pourl’avenir.

La création des groupements féminins est laréponse des femmes à une évolution cruciale deleur environnement socio-économique. Au-delàde leurs multiples activités, la finalité réelle dela plupart de ces groupements féminins sembleêtre d’obtenir leur reconnaissance sociale, entant que femmes dans une société villageoisedominée par les hommes.

Le groupement permet en effet aux femmes desortir de leur isolement familial imposé par lacoutume. Parmi les avantages de l’apparte-nance à un groupement, elles citent : sortir dechez soi, travailler ensemble, se rencontrer, seconnaître, se sentir unies, prendre confiance ensoi,... Le groupement est aussi le cadre où ellespeuvent mettre en œuvre des stratégies poursauvegarder leur autonomie, pour réaliser leursprojets, pour faire valoir leur point de vue surles affaires du village et pour bénéficier desactions de développement dont elles sont géné-ralement exclues : accès à la terre, aux crédits,aux intrants, aux équipements, à l’alphabétisa-tion, à la formation, à l’appui technique.

Les hommes se montrent souvent réticents faceà ce mouvement des femmes : ils cherchent à lerécupérer ou à le freiner ou font obstructionaux demandes des femmes ou encore dissua-dent leurs épouses de participer au groupe-ment. Les organismes extérieurs, surtout s’ilssont représentés par des hommes, ont souventla même attitude : soit ils ignorent l’existencedes groupements de femmes (des enquêteurschargés de faire l’inventaire des associationsdans quelques villages de la vallée du fleuveSénégal, ont « oublié » de mentionner les asso-ciations féminines), soit ils ne les associent pasaux programmes de développement qu’ils sou-tiennent. Extraits d’une note établie par ABELA M.T.(Paysannes Africaines), février 1994.

• A l’observation de l’origine des groupe-ments, on ajoute souvent des critères descrip-tifs comme la taille du groupement (nombrede membres) et sa situation géographiquepar exemple. A ce propos, il est intéressant designaler que pour s’organiser, le village n’estpas nécessairement le niveau le plus perti-nent. Les producteurs préfèrent la plupart dutemps s’associer sur la base d’une apparte-nance à une entité sociale (quartier, famille,classe d’âge, clan,...). Cette association nedébouche pas toujours sur la constitutiond’un groupement formellement et juridique-ment reconnu : si tel est le cas, il y a une inter-action qui peut être neutre ou au contrairenégative, entre les règles sociales préexis-tantes au groupement et les règles « impor-tées » par la structure moderne d’organisationqu’a choisi d’adopter le groupe. On peut voirainsi coexister dans un village plusieursgroupements de nature différente.

A travers leurs objectifs prédominants, lesorganisations peuvent être regroupées enplusieurs catégories.

Quel objectif principal pour le groupement?

On peut voir trois finalités principales auxgroupements :•Gestion de biens communautaires, oùdes objectifs sont fixés pour l’ensemble du vil-lage ou un groupe social (les femmes parexemple) : ces groupements répondent à desobjectifs d’intérêt général et combinent desobjectifs économiques et sociaux.•Organisation à participation plusvolontaire, sous forme d’entreprise collectiveà vocation prioritairement économique.•Groupements à vocation de représenta-tion ou négociation avec l’extérieur (opé-rateurs privés, État.,..).Éléments issus de BEAUDOUX E. et GANDIN J.P., 1993.

•Les classements et typologies de groupe-ment résultent le plus souvent de la combi-naison de plusieurs critères.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 13

Page 14: Les organisations paysannes et rurales - Cirad

Combiner des critères

• Groupes dits informels ou traditionnels(tontines, groupes d’entraide.,..).• Organisations à initiative non étatique(multifonctionnels, imbrication de l’écono-mique et du social, activités dans secteurséconomiques « marginaux »).•Des formes diversifiées de cogestion(rencontre de l’action de sociétés de dévelop-pement et de paysans : OP des zones coton-nières, OP des aménagements hydroagricoles,organisations des éleveurs).

Éléments issus de CCCE, Notes et Études n° 35.

La combinaison de critères et le croisementdes points de vue correspondent souvent àune préoccupation particulière de celui quiobserve la réalité. En fonction de ce que l’oncherche à observer, de ce que l’on veut trou-ver, on privilégiera tel ou tel autre point devue. Cela n’est pas forcément gênant dans lamesure où on en a conscience et où on le pré-cise bien.

Un ensemble de critères de différenciation

C’est dans un souci opérationnel, pour uneapproche adaptée à chaque typed’OPR, que plusieurs critères ont été utiliséspour essayer de cerner la diversité des OPRtogolaises :• Le mode de création (endogène/exo-gène),• L’encadrement (public, para-public, privé),• La taille,• La composition (producteurs/villageois),• Les ressources financières (cotisations,crédits, subventions),• Les activités (production/collecte,...),• L’utilisation des revenus (redistribution,investissements collectifs,...).

Extraits de DIAGNE D., 1994.

La diversité des groupements entraîne de faitune diversité d’approches permettant d’obte-nir maintes possibilités de classification selonles critères qu’on a privilégiés.

Plusieurs points de vue pour classer

• Classification selon le statut des regroupe-ments professionnels : mouvement coopératif,associations de producteurs, syndicat, comitésde développement villageois,• Classification selon les domaines d’inter-vention : fonction économique, épargne/cré-dit, organisation du travail, représentation,défense d’intérêts catégoriels, développementtechnique et vulgarisation (rôle non tenu parles OPR jusqu’à maintenant), mutualité, assu-rances,• Classification selon le niveau de profes-sionnalisme : mesuré à partir de l’apprécia-tion du niveau de maturité (organisationsprovoquées ou spontanées) et de leur degréd’autonomie (prise de décision, définition desobjectifs, planification,...).

Éléments issus de FERAILLE J.N. et ROSSIN F., 1992.

• On effectue souvent une distinction selonque le groupement assure une seule fonction(banque de céréales par exemple) ou qu’il estplurifonctionnel. La prise en compte desfonctions mises en œuvre par les organisa-tions paysannes part de l’analyse que cesorganisations n’ont de sens que par rapportaux services qu’elles apportent et donc auxfonctions qu’elles remplissent pour permettreaux producteurs de faire face à leurs diffé-rents besoins.

De manière très grossière (et un peu arbi-traire), on peut mettre d’un côté ce qui relèvedes fonctions « d’intérêt général » (pistes,puits, école, centre de santé,...) et d’un autrece qui relève plus strictement de l’intérêt d’ungroupe restreint de personnes (autour d’unefonction économique précise par exemple).Cette distinction, difficilement perceptibledans la réalité, renvoie aux débats complexessur l’articulation entre le développementagricole et le développement rural, sur ladécentralisation et l’émergence de collectivi-tés territoriales devant assumer ces fonctionsd’intérêt général.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?14

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La distinction, que les intervenants font entre« le bien public » et « le bien commun d’accèslimité », entretient la confusion entre le déve-loppement rural et le développement agri-cole. Au Mali, on encourage maintenant lesAV à utiliser leurs ristournes pour accroîtreleur capacité de production, alors que pen-dant longtemps ces ristournes ont servi àfinancer le développement des villages avecles encouragements de la structure d’enca-drement.

Concernant les fonctions plus directementliées à la production agricole, on peut distin-guer un certain nombre de catégories.

QUELLES FONCTIONS POURLES ORGANISATIONS PAYSANNES?

A partir d’une étude effectuée en Guinée, uninventaire non exhaustif a été réalisé pour faireressortir les diverses fonctions remplies par desorganisations paysannes (sachant qu’une mêmeorganisation peut remplir plusieurs fonctions) :

1. La gestion du foncier : en particulier dansles zones où il y a des aménagements hydroa-gricoles,2. La gestion de l’environnement (gestion del’espace, gestion de terroir),3. La gestion d’équipements (moulins, décor-tiqueuses),4. La production collective (champ collectif),5. L’approvisionnement (cadre pour l’inven-taire des besoins, achat groupé, gestion du cré-dit),6. Le stockage en commun (grenier semen-cier, banques de céréales,...),7. Le travail en commun (groupes d’échangede travail),8. Le financement (systèmes de crédit intégrésà d’autres activités, institutions spécialiséesdans le crédit,...),9. La commercialisation,10. Le conseil aux producteurs (conseil tech-nique, expérimentation,...),11. La représentation des producteurs.

Extraits de BEAUDOUX E. et FORGET E., 1992.

L’analyse du fonctionnement des groupe-ments est un thème prisé des anthropologues,qui nous apportent souvent un éclairage utilesur les motivations des membres des groupe-ments, sur l’articulation des groupements

avec leur entourage social (le reste du village,les anciens,...) et sur le mode de fonctionne-ment interne (prise de décisions, mécanismesde délégation,...), (voir les différents bulletinsde l’APAD, cités en bibliographie, ).

Pour pouvoir faire des propositions d’appuiou accompagner les groupements, les orga-nismes cherchent à déterminer ou contribuerà forger les projets de ces groupements,mesurant ainsi la viabilité de ces organisa-tions. Pour cela, les développeurs et cher-cheurs se penchent sur la dynamique et lastratégie des groupements. Lorsqu’elle estclairement explicitée, cette stratégie estd’abord un moteur de l’action avant d’être unoutil de classement.

Ce groupement est-il viable?

Par trois ensembles de critères, les auteurstentent d’apprécier la viabilité des groupe-ments: 1. La satisfaction des besoins à la base :besoins matériels et individuels, besoinssociaux et collectifs.2. L’appropriation de l’expérience collective :le degré d’initiative interne, la rentabilité éco-nomique, le contrôle de la gestion par labase, la gestion des conflits.3. L’ouverture sur l’extérieur : la présenced’un leader, ouverture à de nouveauxmembres, recherche de nouveaux parte-naires, qualité de la relation avec l’encadre-ment.

Éléments issus de MALHERBE C., PRIMAUX A.S. et PROD’HOMME J.P., 1990.

22. Des mouvances différentes A partir de ces éléments de connaissance, onpeut dresser les principales caractéristiquesde ce que l’on pourrait appeler des mou-vances ou des familles de groupements. Celane veut pas dire que toute organisationappartient automatiquement à une catégoriedonnée, mais une organisation possède descaractéristiques qui la rattachent à desdegrés différents, à l’une ou l’autre desmouvances.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 15

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Cette précision permet de faire ressortir undes éléments essentiels de toute démarche deconnaissance des formes d’organisations pay-sannes : l’histoire. Comprendre une organisa-tion agricole, c’est s’intéresser à sa naissance,sa genèse et saisir le contexte et les raisonsqui lui ont permis de devenir ce qu’elle est.C’est aussi reconstituer les étapes de sondéveloppement pour comprendre quels ontété les ressorts de son évolution.

Dans la réalité, les organisations résultentsouvent de la combinaison de plusieurstypes de mouvances. On voit ici que les clas-sements et typologies n’ont un sens que s’ilssont utiles pour comprendre la réalité, pourexpliquer le présent et préparer l’avenir.

• Les groupements initiés et/ou contrôléspar une instance externe administrative, ouune ONG, ou une église : ce sont lesanciennes coopératives mais aussi les comitésvillageois de développement, organisationsde jeunes et toutes les organisations dont lacréation a été impulsée par l’administration.Ils sont souvent encadrés par un appareiltechnico-administratif. Ils ont en général unstatut reconnu par une juridiction officielleet assurent des activités à caractère écono-mique mais aussi souvent social. L’échec fré-quent de ces formes d’organisation, et plusgénéralement des modes d’intervention diri-gistes (longuement analysé dans diversouvrages), a contribué à discréditer l’idée dela coopérative auprès des paysans africains,au moins dans les pays francophones.

•La mouvance « communautaire » : groupe-ments plutôt à « vocation générale » enraci-nés localement et animés par des leadersvillageois. Ce sont en général des initiativeslocales issues de la rencontre entre le cha-risme d’un leader local et la volonté d’actiond’un groupe. Il peut s’agir dans certains casde ressortissants regroupés en associationdans une capitale ou à l’étranger (zone de lavallée du fleuve Sénégal). Elles prônent sou-vent l’autopromotion (en général cette notion

est à relier avec des appuis d’ONG catho-liques). Pour la plupart, elles intègrent à leursactivités une forte composante sociale (santé,éducation,...). Même si c’est parfois délicat ouschématique, on peut faire la distinction entreles organisations à caractère opportuniste,créées de toute pièce pour recevoir desappuis extérieurs, et celles qui sont soutenuespar une dynamique locale solide qui sait uti-liser les ressources extérieures sans s’y alié-ner.

•La mouvance économique : elle comprendsurtout les groupements créés par des socié-tés dites de développement, qui sont en faitdes sociétés commerciales.. Les organisationsde cette mouvance sont en général engagéesdans la gestion directe d’opérations (com-mercialisation primaire, approvisionnementen intrants,...). Elles ont en général un statutreconnu par une juridiction officielle(qu’elles n’ont pas forcément choisie) et assu-rent souvent des activités à caractère écono-mique dominant. On peut aussi trouver danscette mouvance des groupements de produc-teurs (par exemple maraîchers) indépendantsdes sociétés de développement.

•La mouvance représentative, ou « syndi-cale », ou de négociation : elle se constituepour la défense des intérêts des paysans.D’émergence plus récente, elle peut recouperdes mouvances déjà citées. Elle regroupe desorganisations encore jeunes, où la consciencede faire un métier commun (agriculteur) estun fort élément de cohésion. Ces organisa-tions souhaitent défendre des intérêts deproducteurs et les représenter face à leursinterlocuteurs (État, bailleurs de fonds,...).Elles sont surtout présentes dans des filièresde culture de rente (coton, café, cacao,...),mais peuvent aussi avoir une assise territo-riale. Elles prennent en général des formesd’action proches du syndicalisme, mais sou-haitent parfois aussi prendre en charged’autres objectifs plus globaux liés au déve-loppement local.

RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?16

Les groupementssuscités

par l’administration,la mouvance

« communautaire »,la mouvanceéconomique

et la mouvancereprésentative

ou « syndicale »ou de négociation

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 17

Beaucoup de personnes appellent de leursvœux la création ou le renforcement d’orga-nisations dépassant le cadre villageois. Lesfédérations, les unions, les regroupementsd’organisations paysannes sont souvent pré-sentés comme étant le seul chemin possiblepour l’expression de la « voix des paysans »et la meilleure façon pour les agriculteursd’avoir du poids auprès des autres parte-naires du développement.

•Certains auteurs dressent un inventaire desfacteurs favorables à l’émergence d’un mou-vement paysan (Gentil D. et Mercoiret M.R.,1990) ou de structuration professionnelle dela paysannerie (Berthomé J. et MercoiretM.R., 1992). On se trouve en présence d’ana-lyses qui mêlent la référence à un métier (pro-fession agricole), à la défense d’une catégoriesociale (mouvement paysan) (Devèze J.C.,1992). Quoi qu’il en soit, les fédérations etautres regroupements d’organisations localessont partie intégrante d’un mouvement pay-san en voie de constitution. Ce mouvementpaysan va au-delà de la somme de ses organi-sations membres, car il implique des valeurs,un engagement de type politique (participerà la définition de la politique de développe-ment du pays) et une dynamique plus largeque l’activité de fédérations.

Sans se prononcer a priori sur ce genre deprocessus, il est intéressant de connaître lesexpériences concrètes, leurs succès et leursdifficultés, pour mieux saisir les enjeux de laconstruction d’un mouvement paysan.

En définissant ce que devrait être un mouve-ment paysan, les auteurs ont conscienced’adopter une démarche arbitraire et discu-table. Pourtant, ces éléments se basent surune grande connaissance de certaines expé-riences : s’ils traduisent les conceptions desauteurs, ils expriment aussi des tendancesque l’on retrouve dans beaucoup de mouve-ments et d’organisations paysannes enAfrique.

Un mouvement paysan c’est une organisation...

Voulue et créée par les paysans eux-mêmeset ayant un rayonnement régional ou natio-nal, et qui - se donne des objectifs conscients, explicitésavec un projet pour la paysannerie dans unesociété en construction,- est capable de formuler des revendicationsexprimant les aspirations du monde paysan,- est en mesure, si nécessaire, de mobiliserles masses paysannes dans des actionsconcrètes pour faire aboutir les revendica-tions,- est reconnue par les pouvoirs publicscomme interlocuteur pour négocier les dos-siers de la paysannerie et d’un projet desociété,- trouve sa légitimité dans des structureslocales (villageoises ou communales) avec uneposition dominante ou majoritaire,- a un fonctionnement démocratique où lesresponsables élus sont porteurs de mandats,rendent des comptes et acceptent leur renou-vellement par vote à bulletin secret desmembres.LEBOT M., Président du Réseau GAO, décembre 1993.

3333Les organisations fédératives

Qu’est-ce qu’un mouvement paysan?

On peut choisir cinq critères pour apprécier l’existence d’un mouve-ment paysan :1. Une autonomie financière et intellectuelle (marge demanœuvre par rapport à l’État et aux bailleurs de fonds).2. Des objectifs conscients et explicites (un projet d’avenir, unevision du monde).3. Des rapports significatifs avec l’État et/ou le reste de lasociété civile (négocier des alliances, apparaître au grand jour).4. Une taille ou un poids économique/politique « suffisant ».5. Une organisation interne déjà établie.

Éléments issus de GENTIL D. et MERCOIRET M.R., 1992.

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?18

• Quoi qu’il en soit, le schéma de structura-tion « de bas en haut » du monde rural afri-cain n’est pas nouveau puisque: «Dès 1961,« l’esprit fertile des bureaucrates » inventera desstructures intermédiaires, les GRA (groupementsruraux associés) et les FGR (fédérations de grou-pements ruraux), au niveau de l’arrondissement(au Mali) » (Gentil D., 1986).

•On a souvent la vision de l’organisationfédérative qui se construit par union d’orga-nisations plus petites. Cette vision ascen-dante à partir de la base ne correspond pastoujours à la réalité. Des organisations deproducteurs peuvent se créer au niveaurégional ou national (souvent plus près deslieux de décision donc de négociation pos-sible) par un petit groupe de personnes etensuite travailler à se constituer une basesociale, à s’enraciner dans le monde rural...avec le risque de trouver difficilement sonencrage et de sombrer dans la bureaucratie.

•Les niveaux de structuration peuvent êtremultiples. Ils recouvrent en général des enti-tés géographiques ou administratives.

QUELQUES FÉDÉRATIONS PAYSANNES AU CAMEROUN

Beaucoup de groupements se sont créés auCameroun sous des formes diverses au cours dela décennie 80. Les premières fédérations degroupements sont nées à la fin de cette mêmedécennie. Quelques fédérations ont joué un rôlepionnier (ASAD dans le secteur de NangaEboko (centre), BOSAPPAL dans la Lékié,UGCE de la région d’Esse (centre) parexemple). L’émergence de ces fédérations est enpartie liée au travail d’appui du SAILD (orga-nisme d’appui). Ces fédérations se sont pro-gressivement consolidées et ont formé en 1991le Conseil des Fédérations Paysannes du Came-roun (CFPC).Le projet du CFPC est exprimé par ses respon-sables en quatre objectifs fondamentaux :• Assurer le bien-être des membres des fédéra-tions.• Développer la solidarité entre les membres,c’est-à-dire les fédérations, en visant à l’autofi-nancement de leurs projets.• Devenir un interlocuteur des paysans auprèsdes pouvoirs publics, ainsi que des partenairesdes pays du Sud et du Nord.•Défendre les intérêts économiques de sesmembres, et peut-être un jour faire groupe depression auprès des autorités.

Extraits de PROD’HOMME J.P., 1992.

Même s’il est encore timide, le mouvement defédération de groupements est indéniabledans beaucoup de pays. Très lié au contextesocio-politique et à l’aggravation de la situa-tion économique, la naissance de fédérationsde groupements est sans doute un signe posi-tif vers la construction d’une société civileafricaine, pouvant contrebalancer le pouvoirde l’administration et des opérateurs écono-miques.

Pour comprendre la diversité des organisa-tions fédératives, nous distinguerons grossiè-rement deux dynamiques qui cependant sontparfois combinées :

• Une dynamique coopérative bâtie par lehaut, généralement à vocation économique.Ce sont le plus souvent des unions, desregroupements de coopératives largementcontrôlés par l’État et qui peuvent recevoirdes appuis de bailleurs de fonds internatio-naux (BIT par exemple). Ces grosses struc-tures ont été créées pour remplir une fonctionprécise, par exemple la commercialisation,l’exportation... Elles peuvent évoluer dans lesens d’une meilleure participation paysannecomme c’est le cas pour l’UCOBAM au Bur-kina Faso. Voisines de cette mouvance, onpeut citer les tentatives actuelles dans cer-tains pays de mettre en place des « chambresd’agriculture », où l’État et les notables cher-chent à garder de fait le contrôle d’instancescensées représenter les paysans.

•Une dynamique fédérative ascendanterésultant d’union et de regroupement d’or-ganisations de base. C’est un processus qui,en général, se produit sous les auspices d’unou plusieurs organismes d’appui souvent pri-vés. Cela, malheureusement, ne préjuge enrien de la viabilité de la fédération, mais peutpermettre un cadre plus souple d’accompa-gnement facilitant la construction de dyna-miques collectives dépassant le cadre local.On peut y distinguer une mouvance plus spé-cialisée (intérêts spécifiques liés à une pro-duction dominante : cas du SYCOV au Malipour le coton, des organisations de produc-teurs de Cacao en Côte d’Ivoire) et une mou-vance généraliste (cas des groupementsNaam au Burkina Faso, de la FONGS auSénégal,...). Ces tendances ne sont pas exclu-sives et le SYCOV, par exemple, prend encompte les questions relatives aux produitsvivriers.

La naissancedes fédérations :

vers la constructiond’une société

civile africaine,nouveaux pôles

socio-économiquesou ferment d’une force

de négociationavec l’administration

et les opérateurséconomiques?

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 19

La naissance et le développement d’organisa-tions fédératives correspondent au dévelop-pement d’enjeux de luttes pour lareconnaissance de mouvements paysansreprésentatifs. Il est probable que la nais-sance et la solidité d’organisations profes-sionnelles agricoles reposera en grande partiesur la capacité du mouvement paysan des’approprier les responsabilités et le pouvoirnécessaire pour faire entendre sa voix, maisaussi de réussir des opérations économiques,gage de solidité pour ses membres et sonenvironnement. Cette solidité dépendra aussien grande partie de la capacité qu’auront lesstructures fédératives d’assurer le développe-ment autonome de chacune de ses compo-santes.

Il n’est pas rare de voir des organisationsfédératives privilégier un travail à caractèresyndical et revendicatif (tout en prêtant unegrande attention aux activités économiquesseules susceptibles de leur conférer une auto-nomie financière).

Dans la réalité, les mouvements paysansnaissants en Afrique sont souvent proches deplusieurs mouvances et s’appuient sur desgroupements pouvant être issus eux aussi dediverses mouvances.

L’exemple ci-contre montre que des organisa-tions créées et encadrées par des structuresextérieures, privilégiant à la fois l’écono-mique et le communautaire, peuvent évoluervers des organisations fédératives à objectif« syndical » et professionnel.

Par ailleurs, un mouvement paysan peut êtreporté au départ par des organisations appar-tenant à la mouvance communautaire. C’estle cas du Comité National de Concertationdes Ruraux (CNCR) qui est né le 17 mars 1993suite au Forum National organisé par laFONGS sur le thème « Quel avenir pour lepaysan sénégalais? ».

Des groupements villageoisau « syndicalisme »

agricole : Le SYCOV au Mali

Les associations villageoises (AV) ontété suscitées par la CMDT (organismepara-étatique) à partir de 1975.Conçues pour transférer des activités(commercialisation primaire du coton)aux paysans organisés, ces AV ont été lelieu de formation progressive d’un vivierde dirigeants alphabétisés et de per-sonnes capables de tenir un rôle dans lagestion des différentes étapes liées à laproduction du coton.

On pourrait dire que ces AV appartien-nent à la mouvance coopérative (mêmesi elles n’en ont pas la forme juridique nile fonctionnement), tout en assurantdes fonctions les rapprochant de lamouvance communautaire (investisse-ments sociaux permis grâce à la ris-tourne de la commercialisation ducoton,...).

Issus de ces AV, des paysans ont orga-nisé une plate-forme de revendicationsqui a débouché en 1992 sur la créationd’un syndicat des producteurs decoton et vivrier (SYCOV) qui, auniveau national, a su imposer sa partici-pation à des négociations sur la gestionde la filière coton.

PESCHE D., pour le Réseau GAO, 1994.

Parler d’une seule voix : le CNCR au Sénégal

Le CNCR est une plate-forme regroupant sept Fédérations d’organi-sations sénégalaises qui représentent quelques trois millions d’agricul-teurs, d’éleveurs et de pêcheurs. (...)

L’objectif du CNCR comme son nom l’indique, est de se concerter envue d’harmoniser les interventions de ses membres, et afin de parlerd’une seule voix. La formation et l’information sont deux activités essen-tielles du Comité. (...)

Vue la dimension acquise par le CNCR en dix huit mois, certains seméfient un peu (...) : le but du CNCR n’est pas de se substituer à l’É-tat, ni d’être une espèce de syndicat paysan. Nous avons d’ailleursadopté trois principes :- Le respect de l’autorité de l’État.- La reconnaissance de tous les autres partenaires de développement.- Notre volonté de nous assumer. Nous ne voulons plus que les gensparlent en notre nom ou prennent à notre place des décisions quinous concernent.

Le CNCR est devenu incontournable dans le processus socio-écono-mique au niveau du Sénégal. C’est un interlocuteur naturel de l’État et unporte-parole auprès des bailleurs de fonds et des autres acteurs de l’éco-nomie sénégalaise.CISSOKHO M., Président du CNCR et GUEYE S., Membre de la cellule du CNCR : Fédération nationaledes GIE de Pêcheurs du Sénégal, extraits tirés de DEFIS-SUD, décembre 1994.

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Il est probable que l’émergence d’organisa-tions paysannes complexes, se structurant surplusieurs niveaux, nécessite une adaptationradicale dans les appuis traditionnellementproposés aux groupements et organisationslocales. La naissance de tâches spécifiques, defonctions bien précises (de caractère adminis-tratif, commercial, de gestion, de représenta-tion politique, de négociation,...) impose uneréponse rapide et adaptée de la part des opé-rateurs d’appui aux organisations paysanneset une imagination et une souplesse de la partdes bailleurs de fonds, qui seront sans doutesollicités pour financer des activités ou desopérations inhabituelles pour eux.

Depuis quelques années, des responsables(mandatés ou non) de fédérations représenta-tives engagées ont pu se retrouver lors derencontres paysannes régionales et sous-régionales organisées dans le cadre des acti-vités de certains réseaux ou programmes.

En plus du réseau APM, on peut citerd’autres initiatives qui permettent aussi larencontre de responsables de diverses organi-sations paysannes fédératives :- Le réseau Innovations et Réseaux pour leDéveloppement (IRED).- Le programme d’appui à la professionnali-sation initié par le Ministère français de laCoopération et du Développement, et adoptépar la Conférence des Ministres de l’Agricul-ture de l’Afrique de l’Ouest et du Centre(CMA/AOC)

Le réseau APM (Agriculture Paysanne etModernisation), animé par la Fondation pourle Progrès de L’Homme (FPH, 38 rue St Sabin75011 PARIS) rassemble des responsablesd’organisations paysannes et des personnesengagées dans la promotion de ces organisa-tions dans le monde entier. Depuis peu, ceréseau développe des activités avec l’Afriqueet s’est constitué officiellement en janvier1995 à M’Bour au Sénégal. Il est présidé parBaba Antoine BERTHE (Mali) et son secréta-riat est basé à Yaoundé (Jeannot MinlaMFOU’OU BP 4551 Nlongkack), Yaoundé(Cameroun). Mais laissons la parole à ceuxqui, en Afrique, coordonnent les activitésd’APM.

Le Réseau APM-Afrique

Bara GOUDIABY (Sénégal) : Le réseaudoit d’abord être un lieu de rencontre de per-sonnes ressources, paysans, techniciens, cher-cheurs, membres d’ONG qui, au-delà del’organisation à laquelle elles appartiennent etsans souci de représenter qui ou quoi que cesoit, acceptent de confronter leurs expé-riences et de réfléchir ensemble.

Son objectif principal est d’élaborer une stra-tégie commune au profit du mouvement pay-san. Assurant une fonction essentiellementintellectuelle, il œuvre pour l’unité des organi-sations paysannes et le renforcement desstructures du mouvement paysan.

Textes extraits de La Lettre du réseau GAO, n˚ 17, 1993.

En plus du réseau APM, on peut citerd’autres initiatives qui permettent aussi larencontre de responsables de diverses organi-sations paysannes fédératives :• Le réseau Innovations et Réseaux pour leDéveloppement (IRED).• Le programme d’appui à la professionnali-sation initié par le Ministère français de laCoopération et du Développement, et adoptépar la Conférence des Ministres de l’Agricul-ture de l’Afrique de l’Ouest et du Centre(CMA/AOC).

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Il est évident que la compréhension de ladiversité des OPR passe par leur description.Ce qui n’est pas suffisant, si nous voulonsparvenir à dégager quelques éléments d’ex-plication qui devront nous aider à mieuxappréhender cette diversité et son impor-tance par rapport à l’avenir du monde rural.L’impact de l’environnement des OPR, leurrôle et le pouvoir qu’elles se donnent inter-pellent un certain nombre d’intervenants etd’observateurs à travers notamment le trans-fert d’activités et la législation. Sur le planinterne, les atouts et les faiblesses des OPR,ainsi que le rôle de leurs responsables, susci-tent une attention particulière.

41. Le processus du « transfert » d’activités aux OPR

• Au lieu de parler de désengagement de l’É-tat, il conviendrait plutôt de parler de trans-fert des responsabilités (et plus souvent) descharges de l’État : la plupart des fonctionstransférables étant peu rémunératrices dansla filière et peu porteuses de pouvoirs. Leterme de sous-traitance de certaines fonc-tions serait sans doute plus approprié, mêmesi la sous-traitance implique un certain équi-libre dans l’établissement du contrat et unenégociation qui n’a pas toujours eu lieu.

•Ce transfert est loin d’être achevé, et selonles pays et les filières, la place des organisa-tions paysannes (existantes, en formation ouen gestation) n’est pas clairement préciséeface à d’autres opérateurs privés mieux orga-nisés et mieux dotés en moyens financiers(commerçants, exportateurs...) et face auxrésistances de l’État. L’analyse de la placedes organisations paysannes doit aussiprendre en compte la nature de la filièreconcernée : au Mali, par exemple, la filière rizest a priori plus facile à défendre (importa-tions contrôlables) qu’au Cameroun, où denombreux exportateurs travaillent en compli-cité avec certains représentants de l’État pourexporter sur le marché mondial.

Le cas des filières Café/Cacaoau Cameroun

Les réformes des systèmes de commercialisa-tion et de stabilisation, bien qu’engagées dansles deux pays (Cameroun et Côte d’Ivoire),butent sur des résistances dues aux compor-tement des agents qui défendent la partie dela rente qu’ils ont obtenue et qui sont inca-pables, par leur inorganisation, de prendreleur responsabilité.

Au Cameroun, l’État n’a pas pu s’opposeraux réformes proposées par les bailleurs defonds. Ayant accepté en bloc les réformes, lesautorités freinent aujourd’hui leur mise enœuvre. Des décrets sont pris, annulés, rené-gociés, amendés alors même que la cam-pagne est entamée (1992).

4444Quelques questionnements

Le transfert à des groupements dans un aménagementhydroagricole : le cas de l’Office du Niger

Depuis 1985, 150 associations villageoises (AV récemment créées demanière autoritaire) ont été équipées de batteuses. Cela a été l’occa-sion de donner aux AV leur première fonction économique en mêmetemps qu’un premier « transfert de responsabilité » par l’Office duNiger (ON).

Presque simultanément, la « collecte primaire » a été transférée pro-gressivement aux AV dotées de bascules ainsi que la gestion des sacset leur rotation : ces deux activités étaient rémunérées plus ou moinsrégulièrement sous forme de ristournes versées par l’ON.

A partir de 1987, dans la partie réaménagée, le crédit de campagneet d’équipement, jusqu’alors consenti individuellement aux colons parl’ON a été « doublement transféré » : de l’ON à une institution finan-cière (la BNDA) d’une part, et d’autre part, du colon à l’AV quiemprunte et se porte caution auprès de la BNDA, redistribue ennature à ses membres et assure le recouvrement individuel deséchéances moyennant un point supplémentaire au taux d’intérêtperçu par la banque.

Éléments tirés de Doucet M.J., 1993.

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Les intérêts sont divergents au sein d’unemême profession mais aussi entre les profes-sions. Les exportateurs sont regroupés ausein du GEX. Si ces groupements sont repré-sentatifs, ils n’arrivent pas à aplanir les diffé-rends au sein de leur profession (oppositionentre ceux qui veulent « faire des coups » surle marché et les véritables professionnels).Les banques, actuellement désengagées de lafilière, refusent de participer au CICC (Comitéinterprofessionnel du café/cacao) pour ne paspartager les responsabilités et les consé-quences financières d’un échec. Il y a aussiopposition ouverte entre les exportateurs etles transformateurs locaux. Ces oppositionsfont le jeu des pouvoirs publics qui, face àdes opérateurs incapables de prendre enmain la filière, font pression pour réintervenirdirectement dans leur gestion.

Éléments issus de LAPORTE B., 1992.

En terme général, on peut soulever un certainnombre de questionnements autour destransferts d’activités aux organisations pay-sannes :

La collecte primaire de produits agricoles, lacommercialisation, l’approvisionnement, lagestion en commun d’équipements, la ges-tion du crédit et de l’épargne,... : autant d’ac-tivités dont il faudra analyser la nature, laplace dans la filière et le coût de leur transfertaux OP.

Une technologie appropriable, une activitéqui satisfait l’intérêt particulier des membresdu groupement, une responsabilisation dansla gestion... : autant de conditions qui fontque l’environnement économique, politiqueet social doit être favorable au transfert poursa viabilité.

Dans le contexte actuel des marges réduitesdans les principales filières, la prise de res-ponsabilité par les organisations paysannesentraîne souvent pour elles la nécessité d’im-poser une discipline aux producteursqu’elles souhaitent représenter (qualité des

produits, quotas de production,...) : ce« cadeau empoisonné » porte en lui le risquede saper leur base sociale avant mêmequ’elles aient pu se constituer solidement. Lesorganisations paysannes risquent d’être ame-nées malgré elles à gérer la crise, faisant officede tampon inespéré entre des producteursvoyant leur revenus baisser et les agents éco-nomiques de la filière.

Cependant, même si le transfert de fonctionaux organisations paysannes est souventsource de difficultés pour elles, il faut noterque cela peut aussi leur permettre d’acquérirde l’autonomie et même parfois de larichesse : ce qui était peu rentable pour unegrosse société d’intervention peut s’avérergénérateur de revenus pour des groupements(cas de la sacherie à l’Office du Niger au Mali,et de la collecte primaire du coton au sud duMali).

Enfin, la réalisation par les organisations pay-sannes d’activités de plus en plus impor-tantes pose la question de leur pouvoir, deleur poids politique et de leur compétence.Il est fort probable que l’avenir du dévelop-pement des organisations paysannes afri-caines sera parsemé d’embûches, dont unedes premières est les alliances possibles entrecertains cadres de l’État, des oligopoles mar-chands et une bourgeoisie rurale en cours deconstitution (Gentil D., 1993).

De fait, on assiste déjà à un désengagementde l’État surtout par rapport à certaines fonc-tions dans les filières de produits d’exporta-tion. De plus en plus on parle de ladécentralisation, de la définition du nouveaurôle de l’État et d’une nouvelle forme d’orga-nisation de la société civile.

Toutefois, ne serait-il pas préférable dans cedébat de considérer comme une nécessité lerôle de l’État (une de ses attributions est dedéfinir la politique nationale agricole -enconcertation avec les autres acteurs-, et degarantir le respect de son application), etcomme une perspective dynamique en prisede responsabilité d’OPR pour des fonctionsqui les concernent? Ceci nous amène donc àréfléchir sur le rôle que devra jouer l’État.

Quelles fonctionstransférer et

dans quelles conditions?

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 23

42. La question juridique :une reconnaissance ou une dépendance pour les OP?

Les aspects juridiques et statutaires sont sou-vent montrés du doigt comme posant desproblèmes. On remarquera que ce sont prin-cipalement les personnes extérieures auxorganisations paysannes qui soulèvent cegenre de problème. Une fois encore, ce n’estpas une question récente : «une constante rap-proche la quasi totalité des pays africains franco-phones, c’est l’importance accordée à la législationet au formalisme juridique » (Gentil D., 1986).

La plupart des intervenants s’accordent à direaujourd’hui qu’il est urgent de mettre enplace des cadres législatifs souples et simpleslaissant aux organisations paysannes unegrande liberté dans leur adaptation aux mul-tiples contraintes qu’elles peuvent rencontrer.Compte tenu de l’importance des procédures(écrites ou non) pour régler les relations enAfrique, cette question reste importante.

QUELLE LÉGISLATION POURUNE ENTREPRISE COOPÉRATIVE?

Les législations coopératives africaines sontparfaitement surréalistes.Dans leurs intentions, il s’agit toujours defavoriser cette forme d’organisation, d’assisterson développement, de contrôler son bon fonc-tionnement et de laisser l’initiative aux intéres-sés.Dans la réalité, c’est un fatras de dispositionsdont la majorité reste étrangère aux préoccupa-tions réelles des intéressés et surtout un entre-lacs d’obligations légales ou réglementaires,que l’expert le plus diplômé et le plus qualifiéaurait bien du mal à déchiffrer et à respecter...

...Il est plus que temps d’éviter la proliférationdu juridisme au détriment de l’action en fai-sant confiance aux intéressés.Un cadre légal de 20 articles maximum accor-dant beaucoup de souplesse serait le bienvenu.Surtout pas de formalisme. Une simple décla-ration d’existence exprimant l’objet, le lieu, lerésumé des organes et principes de fonctionne-ment, tel qu’il ressort d’un procès verbal d’as-semblée générale accompagné de la liste desresponsables, devrait suffire à conférer la per-sonnalité morale de la coopérative sans autresformalités.MOURET C. (note ronéotypée).

Les responsables paysans ne s’y trompentpas :

Chemin faisant, notre organisation pourrait setrouver un nom qui serait plus adapté. Entout cas, pour le moment, pour avoir unstatut il fallait qu’elle prenne la déno-mination de syndicat. On n’a pas trouvéde dénomination à notre regroupement. Cettedifficulté nous a conduit à laisser l’enfantnaître, grandir et trouver son propre nom,sachant que par ses gestes et actions il vaimposer son nom. En attendant, c’est ungroupement de paysans que l’on a nommésyndicat, pour que nous puissions avoir unstatut juridique et être connus partout sur leplan national et international. Au départ, onl’appelait Comité de Coordinationmais tout le monde ne savait pas ceque c’était.

Entretiens avec une délégation de représentants du SYCOV, extraits de DAGNON G., 1992.

Des exemples récents de réforme des loisencadrant les organisations agricoles tendentà montrer que, même si des aménagements etune plus grande souplesse sont recherchés,les fondements juridiques de ces procéduresrestent les mêmes (voir l’élaboration de lanouvelle loi coopérative au Cameroun dansla troisième partie). Le plus important estsans doute de faciliter un fonctionnementdémocratique grâce au respect des règles etprocédures qui ont été appropriées par lesprincipaux intéressés.

43. Forces et faiblesses des groupements

•La finalité des groupements est un critèresouvent utilisé pour classer les groupements.La difficulté réside dans son appréciation :quelle est la coïncidence entre les attentesdiverses des membres d’un groupement et lafinalité officiellement déclarée (observée) dece groupement? Il convient d’être prudentsur cette question d’autant plus que les finali-tés et les objectifs des groupements peuventêtre amenés à changer au cours du temps.L’observateur ne court-il pas le risque de pla-quer une finalité souhaitée sur la réalité, ou

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?24

d’enfermer des groupements dans des objectifsdéfinis de manière trop stricte et exogène?

L’analyse des objectifs et des projets desgroupements renvoie à la question lancinantede l’articulation entre des objectifs écono-miques et des objectifs sociaux. Sans déve-lopper ce point, il convient de faire quelquesremarques sur la stratégie économique desgroupements et ses conséquences sur leurcomposition.

•Contrairement aux idées reçues, se regrou-per n’entraîne pas forcément un gain écono-mique. Ce que les économistes appellent des« économies d’échelles » ne s’observe pas tou-jours dans les activités des groupements.Dans certains cas, il peut être utile de s’unirpour travailler mais dans d’autres, le travailen commun peut ralentir ceux qui, isolément,auraient fait mieux. Cette question qui nepeut être développée en détail ici doit êtreprésente à l’esprit de celui qui veut promou-voir ou analyser une activité économique réa-lisée par un groupement.

•L’activité en commun d’un groupementgénère souvent d’autres activités et des inves-tissements lorsque tout va bien. Une fois quel’activité du groupement tourne bien se posela question de l’adhésion de nouveauxmembres : des personnes nouvelles peuvent-elles, sans efforts, bénéficier du fruit du tra-vail de ceux qui ont initié le groupement?Cette question délicate du « ticket d’entrée »ne doit pas être négligée et pose aussi celle duprix des services que peut rendre le groupe-ment à ses adhérents. Si le groupement offredes services qui bénéficient à toute la com-munauté, comment peut-il inciter de nou-veaux membres à s’investir?

D’une manière plus générale, l’environne-ment (économique, mais aussi politique, ins-titutionnel,...) des groupements a uneinfluence indéniable sur leur devenir.

La connaissance des stratégies des groupe-ments (ou plus simplement de leurs projets)est indispensable pour définir avec eux l’ac-compagnement qui peut leur être utile. Tou-tefois, il serait illusoire de penser que lesgroupements possèdent forcément et tou-jours une stratégie claire et définie. Un certainnombre d’entre eux se forment en lien à desopportunités externes (aides) et disparaissenten général après le départ de cette aide.

Environnement et performance des « associations volontaires »

ESMAN M. et UPHOFF N. (1984) ont analyséun échantillon de 150 associations volontairesprises dans tous les continents, en étudiantles rapports entre leur environnement et leursperformances. La notion d’environnementétait prise au sens très large, puisqu’elleregroupait à la fois des données physiques(topographie, infrastructures, accès aux res-sources), économiques (possibilités locales dediversification des activités, niveau de revenus,distribution des revenus), sociales (hétérogé-néité sociologique, stratification, occupationdes sols, degré d’éducation, discriminationsociale et sexuelle) et politico-administratives(factions, parenté, clientélisme, normes villa-geoises, normes nationales, supports de l’Étatet de la bureaucratie). Les performancesétaient regroupées en cinq grandescatégories : les gains économiques, les béné-fices sociaux, les effets d’équité (accès desservices par les pauvres,...), la réduction dela discrimination, la participation aux déci-sions. Leur conclusion est que le bon envi-ronnement ne produit pas forcémentles bonnes organisations. Pour cesauteurs, ce sont les facteurs structuraux quiont le plus de chances d’influer sur les perfor-mances des associations. Par facteurs structu-raux, les auteurs entendent les variables quiconstituent les caractéristiques propresdes organisations locales concernées(mono ou plurifonctionnalité, caractère formelou non, système de prise de décision, taille,système de recrutement, composition écono-mique, sociale et sexuelle, philosophie partici-pative ou non), mais aussi les rapportsqu’elles entretiennent avec l’extérieur,avec les autres associations, les regroupe-ments de second degré, l’État.

Extraits de JACOB J.P. et MARGOT F., 1993.

Ceux qui accompagnent ou représentent lesgroupements doivent être capables d’enmontrer les faiblesses. Nier ces faiblessesrevient à donner une vision tronquée de laréalité.

Apporter aux OPRun appui en fonction

de leurs besoins,mais aussi

les accompagner dansla définition

d’une stratégie

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 25

DES FAIBLESSES ÉVIDENTES MAIS PEUEXPLICITÉES

Les groupements ont des faiblesses qui peuventavoir des causes internes ou externes. Onretiendra essentiellement quatre types de fai-blesses, sans tenir compte ici de celles liées plusstrictement à l’environnement administratif etéconomique des organisations paysannes etrurales.

1. Certains germes de fragilité existent dèsla naissance des groupements, à l’insu detous, particulièrement dans deux cas qui peu-vent d’ailleurs se recouvrir. Il y a tout d’abordcelui du groupement quasiment imposé auxvillageois par un leader à forte personnalité.Son influence et son pouvoir de persuasion fontque le groupe va très vite s’agréger autour delui, sans respecter les rythmes nécessaires d’in-tériorisation de la démarche, aboutissant à uneidentification du groupement au seul leader.

Par ailleurs, la phase initiale d’élaboration destextes juridiques -statuts et règlement inté-rieur- et de reconnaissance officielle par lesautorités administratives peut être longue etempreinte de formalisme excessif et devenirdémobilisatrice pour les membres.

2. Lorsque le groupement est créé, une secondefaiblesse potentielle est liée à son mode de fonc-tionnement réel, et donc aux difficultés degestion sociale, interne et externe, du grou-pement. Alors que fréquemment les actionsd’appui et de formation portent prioritairementsur les questions techniques et économiques,c’est sur les aspects organisationnels que sontconstatées des défaillances dont les effets ne semanifestent que progressivement, entraînantun lent, mais parfois irréversible, dépérisse-ment du groupement.

3. Une des principales causes de fragilité desgroupements, en particulier des groupementsd’initiative locale, tient au choix et aux résul-tats des actions.

D’abord les conseils extérieurs, puis de plus enplus le mimétisme entre groupements, ontconduit ceux-ci à promouvoir des activitéscommunautaires engageant la totalité deleurs membres. Dans leur projet initial, lesmobiles sont à la fois idéologiques (atelier col-lectif : lieu de mobilisation des énergies indivi-duelles vers un objectif commun ; preuvevisible de l’existence du groupement), et écono-

miques (résultats financiers attendus devantpermettre des investissements collectifs au pro-fit du village et plus tard une mythique redis-tribution de tout ou partie des bénéfices entreles membres).

Pourtant, malgré les fréquents échecs sur lesdeux plans, dans une démarche de profession-nalisation, le principe de l’atelier collectif pour-rait combiner l’utile fonction sociale à unefonction technique, en devenant un lieu d’ex-périmentation, de démonstration et d’échangesur les systèmes productifs au village, au profitdes membres et plus largement de l’ensembledes villageois.

4. Une autre cause possible de faiblesse desgroupements provient paradoxalement dumode de relation avec les organismes definancement et d’appui quels qu’ils soient(bailleurs de fonds, sociétés de développement,ONG,...). Il s’agit du rapport déséquilibré entredes groupements presque toujours demandeurset prêts à se soumettre aux orientations quiaccompagnent l’appui, et des organismes quiont la compétence pour élaborer un projet et lefinancement pour le mettre en œuvre. Il enrésulte plusieurs conséquences néfastes pourl’évolution du groupement.

Enfin, sur un autre plan, du fait du manque decoordination et souvent de la concurrence entreune multitude d’intervenants, il existe de trèsgrandes disparités entre groupements par rap-port aux aides reçues. Certains « groupe-ments-vitrines » drainent des aides multiplesparce qu’ils sont bien placés géographiquementou bien introduits auprès des bailleurs defonds, alors que d’autres -leurs voisins parfois-n’ont jamais bénéficié d’aucune aide. Car danscertains cas les groupements peuvent aussidevenir les instruments involontaires d’accrois-sement du pouvoir des organismes d’appui,africains ou étrangers.Éléments issus de PROD’HOMME J.P.,La Lettre du Réseau GAO n° 18 et n° 19.

Déjà, la nature exogène des groupements lesprédispose à connaître des difficultés dans lefonctionnement, une préoccupation consen-suelle et commune à tous les membresn’ayant pas forcément été à l’origine de sacréation. Cependant, il appartient au groupe-ment de chercher cette voie consensuelledans son fonctionnement interne. Les AV dela zone de Niono au Mali ont été confrontéesà ce problème.

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?26

Des procédures de prises de décisionà mettre en place

Les AV ont été créées, des bureaux ont étédésignés soi-disant collectivement, mais biensouvent les gens ne connaissaient pas lesrôles qu’ils devaient tenir. Récemment, unrèglement intérieur standard a été pro-posé aux AV. (...)

La prise de décision se fait selon des procé-dures et des processus de formation deconsensus exprimés par quelques personnesreconnues pour le faire et qui donnent à pen-ser que la formation du consensus s’appuiesur une base large. (...)

Le fonctionnement démocratique est àla fois un principe de départ et l’abou-tissement d’une démarche rigoureuse.Ce qu’il faut, c’est aider les gens à mettre enplace des procédures de prise de décision quifont que l’instance de décision soit reconnue,qu’elle ait un mandat et que la décision prisesoit aussi reconnue par l’ensemble du groupe,même si tout le monde n’est pas d’accord.

Extraits de DOUCET M.J., La Lettre du Réseau GAO n° 17.

Pour dépasser leurs faiblesses, les groupe-ments doivent veiller à définir des stratégiescorrespondant à leurs besoins et des règles defonctionnement à la fois garantes d’une ges-tion rigoureuse et transparente et appro-priées par les membres.

44. Le rôle des responsables paysansL’émergence et le rôle des responsables desorganisations rurales renvoient à l’analyse dufonctionnement interne et de l’articulation deces organisations avec la société locale, maisaussi avec les pouvoirs publics et agents éco-nomiques (privés).

•Au sein d’organisations d’une certaineimportance, on rencontre des leaders charis-matiques qui sont « de fortes personnalités, àcheval sur deux mondes, ayant suivi une scolari-sation même incomplète, parfois fonctionnairesrenonçant à leur poste, ayant été travailleursmigrants ou ayant voyagé, ayant su tisser des

liens amicaux ou familiaux avec des groupes exté-rieurs au monde paysan » (Gentil D., 1986). Ilsont une « capacité à formuler un projet mobilisa-teur à partir des aspirations diffuses, et ceci dansun langage qui sonne juste et qui fonde en partiele charisme qu’on leur attribue » (MercoiretM.R., 1990).

•Il peut être intéressant d’observer les modesde légitimité des dirigeants paysans. Com-ment et par qui un dirigeant a-t-il étéreconnu? N’y a-t-il pas le risque de déstabili-ser des dirigeants en leur conférant une légiti-mité « de l’extérieur »?

La représentativité s’acquiert et s’entretient.Elle recouvre par ailleurs un sens différentselon les sociétés et les cultures. Pour les paysdu Nord, la représentativité est un conceptpolitique qui sous-entend des mécanismes dedélégation fonctionnant selon un modedémocratique (vote). Cette vision se nuancedéjà lorsque le mode de désignation change(vote à bulletin secret ou à main levée) et enfonction du mode de désignation des per-sonnes éligibles.

Au-delà des discours et des chiffres douteux(nombre de cartes vendues,...), il convientd’être lucide sur le fonctionnement interned’une organisation et sur le type d’intérêtqu’elle défend.

Le dirigeant et sa base

« Si j’occupe le poste qui est actuelle-ment le mien au SYCOV, c’est parceque la base l’a voulu, son expression aune importance fondamentale. On nesaurait toutefois en rester à cettesimple affirmation et il est du devoirdes leaders paysans, à partir desvolontés et des attentes formulées parceux qui les ont élus, d’instruire cha-cun de toutes les données de la situa-tion, ainsi que des différentesdémarches ou négociations possiblespour qu’ensemble, dirigeants etmembres de base réunis, nous arri-vions à un consensus sur les actions àentreprendre ».BERTHE B.A., Président du SYCOV, extraits de FPH, 1992.

Le fonctionnementdémocratique s’acquiert

dans la constructionde ses propres règles

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui? 27

Représentatif par rapport à qui?

La représentativité des organisations pay-sannes peut s’apprécier par rapport auxpopulations, en étudiant le fonctionnementde l’OP (représentation des différentes caté-gories de population,...) et le degré d’intégra-tion des leaders à la société locale (rapportaux structures de pouvoir traditionnelles,...).

La représentativité des OP s’apprécie aussipar rapport à leurs membres. On peuten avoir une idée en observant la nature duleadership, le taux de rotation des respon-sables, le cumul des fonctions par les respon-sables, l’existence ou non d’un systèmed’incitation, de décision et de sanction.

Extraits de JACOB J.P. et MARGOT F., 1993.

La légitimité des responsables repose parfoissur leur capacité à drainer des ressourcesfinancières et matérielles pour leur commu-nauté. Ainsi, le dirigeant est en général choisipar ses mandants, non pas parce qu’il estreprésentatif du « paysan moyen », mais plu-tôt parce qu’il est supposé, sur la base de sesqualités reconnues, défendre mieux que lesautres les intérêts des paysans, et avoir accèsaux financements extérieurs. Plus générale-ment, les organisations paysannes reconnais-sent des leaders dans lesquels elles voient desmodèles pour leur développement futur :

Une exigence et une vision

Certains individus s’avancent plus loin que lesautres. Ils ont une exigence plus grande queles autres («la manière dont on est en trainde réfléchir sur l’Union nous empêche de dor-mir. Nous voulons que l’Union soit un modèlepour toute la région » El Hadj SOUMAMA,M’Bida, Niger. « On veut mettre tout enœuvre pour atteindre les premières unions quiont été créées et les dépasser », KARMA). Ilsont également une capacité de vision plusdéveloppée («la nuit, je rêve des moyens quipeuvent nous permettre d’améliorer la situa-tion, je rêve de nouvelles canalisations pourirriguer les rizières ; je voudrais voir où lestechniques nouvelles sont utilisées », El HadjALZOUMA, M’Bida), un sens de l’innovation, de

l’initiative, une forme d’audace également. Laprésence de tels hommes ou de tellesfemmes constituent un « ferment » extrême-ment fécond pour l’avancée des organisationspaysannes.

Extraits de BARBEDETTE L. et OUEDRAOGO J., 1993.

La légitimité des dirigeants renvoie à celledes organisations vis-à-vis de leur environne-ment et de leurs partenaires.

DES INTERLOCUTEURS SÉRIEUX?

Les organisations paysannes peuvent-ellesdevenir des partenaires légitimes, être recon-nues comme représentatives et considéréescomme des interlocuteurs sérieux? Cette légiti-mité doit s’acquérir à différents niveaux :- vis-à-vis de l’État et de ses appareils, lapartie est plus difficile du fait du complexe desupériorité des cadres vis-à-vis des paysans etde la perte de leurs privilèges. Les cadres ontalors tendance à freiner les évolutions et préfè-rent s’allier aux commerçants plutôt qu’auxpaysans.- vis-à-vis de l’extérieur et notamment desbailleurs de fonds et des ONG. Malgré lamode favorable aux organisations paysannes,les bailleurs de fonds ont tendance à considérerles OP comme un instrument de leur proprepolitique. Elles doivent rester à la place quileur a été impartie, se couler dans un moulejuridique déterminé du sommet et remplir àmoindre coût les fonctions économiques ancien-nement exercées par les cadres. Si l’efficacitééconomique n’est pas au rendez-vous, si les OP« partent dans tous les sens », ne se coordon-nent pas ou ne se fédèrent pas dans des cadreslogiques, « font de la politique » ou du social,ont d’autres priorités que celles définies dans lapolitique et les programmes nationaux, ellesseront rapidement disqualifiées. Et on revien-dra aux anciennes certitudes : les paysans sontfaits pour produire, les commerçants pourapprovisionner et commercialiser et les cadrespour diriger et conseiller.

Éléments issus de GENTIL D., 1993.

Lors d’un entretien avec un responsable pay-san sur la vision que les intervenants portentsur les OPR, il lui a été demandé de dire cequ’il pense du fait que les bailleurs de fondsmettent en avant des critères de représentati-vité et de « fonctionnement démocratique »pour questionner la légitimité des OPR. Voicisa réponse :

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RÉSEAU GAO. 1. Quelles organisations paysannes et rurales aujourd’hui?28

La complexification des organisations vainduire de nouveaux rôles -exigeant de nou-velles compétences-, sur lesquels il fautd’ores et déjà réfléchir en tenant compte de laspécificité de chaque organisation.

•Il est par ailleurs intéressant de voir com-ment les organisations paysannes et leursdirigeants peuvent mobiliser des compé-tences extérieures pour répondre à leursbesoins. Avec ce thème, peu évoqué, se posela question de la transparence de l’offred’appui. Les nouveaux responsables d’orga-nisations paysannes connaissent peu ou pasles organismes susceptibles de leur apporterun appui. De plus en plus, sont dénoncées lesrelations paternalistes ou de clientélisme quela plupart des organismes d’appui (du Sudcomme du Nord) développent vis-à-vis desorganisations paysannes, qui leur servent defaire-valoir dans la compétition pour l’accèsaux nouvelles ressources financières que lesbailleurs de fonds sont disposés à allouer aurenforcement des OP. Ceci est illustré par lecas de figure devenu classique de plusieursorganismes appuyant la même organisationpaysanne sans aucune concertation.

Dans les pays où l’agriculture est à base com-munautaire, familiale et villageoise, le« métier » d’agriculteur est mal défini. Or,une organisation paysanne exprime les aspi-rations et les revendications de ceux qui tra-vaillent dans l’agriculture et qui en vivent.Les bailleurs de fonds, les ONG, les parte-naires du Nord doivent tenir compte de cettesituation particulière.

Un personnel qualifié pour les OP?

On observe dans presque toutes les fédéra-tions une répugnance à introduire dans leséquipes dirigeantes des techniciens spéciali-sés, soit comme salariés, soit comme consul-tants. Tout se passe comme si lesresponsables paysans choisissaient volontaire-ment de tâtonner et d’expérimenter eux-mêmes, en matière de gestion oud’organisation, plutôt que d’introduire descadres salariés ( voir aussi La Lettre duRéseau GAO, n° 21).

Extraits de PELLOQUIN M. et LECOMTE B., 1993.

Le langage des bailleurs de fonds

De toutes façons, on ne comprend pas le langage des bailleurs de fonds. Des grou-pements existent, une fédération a été créée et est reconnue par l’ensemble desgroupements de base : mais les bailleurs de fonds nous posent la question de notrereconnaissance. Je pense que ces interrogations correspondent à des craintes : on neveut pas forcément avoir pour interlocuteurs des organisations paysannes. Ce sontles structures administratives qui sont les interlocuteurs privilégiés des bailleurs defonds : ils ont toujours travaillé avec elles et continuent à le faire. Je dirais qu’il estgrand temps de changer un peu de discours et de faire confiance à ces organisationspaysannes. Si on avait commencé par ça, les choses auraient changé beaucoup plusvite et dans l’intérêt du milieu rural africain.

Extraits d’un entretien avec DIALLO M.P., Président de la Fédération des paysans de Moyenne Guinée, La Lettre du Réseau GAOn° 20.

Adapter l’appuià l’exigencede nouvelles

compétencesdans les OPR

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR? 29

Que pourraient être demainles organisations paysannes et rurales 2222

Beaucoup de travaux et de témoignages per-mettent aujourd’hui de mieux connaître lesgroupements et les organisations paysanneset rurales en Afrique. Notre première partiea essayé d’en recenser les principaux résul-tats.

Une fois que l’on sait qui on est, il faut savoiroù l’on va! Les dirigeants des organisationsont une vision plus ou moins claire de l’ave-nir et la projettent sur leurs organisations.Les membres des organisations ont desattentes, des aspirations et les exprimentplus ou moins explicitement à leurs diri-geants.

Les différents partenaires du développement(ONG, bailleurs de fonds, recherche...) et l’É-tat ont pour leur part des visions sur ce quedevraient être les organisations rurales et lerôle qu’elles devraient jouer, même si cesvisions ne sont pas non plus forcémentclaires.

Tous ces points de vue forment un faisceaud’opinions, d’idées où se mêlent des mots etdes concepts qui s’entrechoquent pourexprimer des attentes et des points de vueparfois dissemblables.

Nous ne parlons pas tous le même langageet c’est normal car nous n’avons pas tous lamême position dans la société, la même his-toire et nous n’avons pas tous les mêmesobjectifs. Pour créer des lieux de dialogue,de négociation, il faut que les attentes dechacun soient clairement exprimées pourque l’autre puisse en saisir le message. Maisil faut aussi être conscient des limites de ce

genre de démarche, dans la mesure où l’in-formation est avant tout un instru-ment de pouvoir. Tout le monde n’a pasle même intérêt à dévoiler ses objectifs etses projets. Pourtant, face à l’urgence de larésolution des problèmes qui affectent lesagricultures du sud, une évolution vers undialogue entre les parties concernées -même consensuelle dans un premier temps-semble nécessaire.

L’analyse des points de vue de chacun n’estpas qu’un simple exercice de style. Chacun asa façon de voir les choses et son action estguidée par ses objectifs et ses références.Ceci conduit souvent à des situations parfoisambiguës, où les objectifs initiaux des orga-nisations paysannes se complexifient au grédes opportunités et des occasions suscitéesde l’extérieur. L’histoire et le développementdes organisations paysannes sont en faitrarement linéaires et mécaniques. Ils obéis-sent le plus souvent à des sursauts et des à-coups.

Dans cette partie, nous nous efforceronsd’illustrer des points de vue nombreux etdivers sur la même question : quel avenir etquel rôle pour les organisations paysannes etrurales? Pour ce faire, nous passerons enrevue les différents acteurs, à savoir les pay-sans et leurs interlocuteurs (bailleurs defonds, organismes privés d’appui, administra-tion et sociétés d’intervention). De cesdiverses opinions, nous essayerons de déga-ger quelques pistes pour la réflexion et l’ac-tion.

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR?30

Sans prétendre représenter ou transmettrel’opinion des responsables paysans africains,il peut être utile ici de rapporter quelquespropos illustrant la vision qu’ont les africainsde leurs organisations et comment ils envisa-gent l’avenir.

RENFORCERNOTRE POUVOIR DE NÉGOCIATION

« Les organisations paysannes savent que deplus en plus elles seront seules, avec quelquescompagnons de route, face aux États, auxbailleurs de fonds, aux responsables des diffé-rentes filières. Si elles veulent survivre à cetteheure de vérité, elles doivent être efficaces etrigoureuses pour faire mentir ceux qui ont déjàprédit leur échec. Elles doivent grandir en sefédérant au niveau national et africain, afin deconstruire de véritables alternatives à la crise queconnaissent nos pays » (Bara GOUDIABY, CADEF, Sénégal).« Les organisations paysannes doivent aider lesproducteurs à s’adapter aux besoins des consom-mateurs en mettant l’accent sur la qualité desproduits, le calendrier des récoltes en fonction dumarché ». « Dans certains endroits, les organisa-tions sont nombreuses et chacune veut se faireentendre. Les OP doivent se retrouver autourd’une table pour parler un seul langage »(Babacar NDAO, ASESCAW, Sénégal).« Nos capacités de négociation sont assez limi-

tées. Nous devons donner, souvent rapidement,notre point de vue sur beaucoup de questions, sansavoir toujours les moyens de les étudier de façonapprofondie. Il faut que sur chaque sujet, à toutmoment, nous ayons une position bien réfléchie etargumentée »

(Baba Antoine BERTHÉ, SYCOV, Mali).

Extraits de Courrier Afrique n° 18, 1993.

NAISSANCE D’ORGANISATIONSPROFESSIONNELLESEN CÔTE D’IVOIRE

Avant notre congrès constitutif, nous pensionscréer une Union des agriculteurs de Côted’Ivoire qui aurait eu un rôle revendicatif maisaussi un rôle de partenaire commercial. Lesagriculteurs qui se sont retrouvés à ce congrès(juillet 1991) ont dit : « nous venons là pourrevendiquer nos droits, pour créer une organi-sation de lutte ». Ils ont voulu un syndicat etSYNAGCI est né. Conscients qu’un syndicatn’avait pas pour objectif d’être un partenairecommercial, nous avons demandé au syndicatde mettre en place une coopérative(COOPAGCI, créée en avril 1992). Afin de nepas prêter le flanc aux attaques en vue de nousdiviser, nous avons décidé, pour un tempsencore non déterminé, que les mêmes hommesconduiraient les deux organisations. Après,nous souhaitons mettre en place une mutuelle.

Nous négocions directement avec nos parte-naires de la filière (firmes, achat d’intrants)sans passer par l’administration. Nous pensonsque les syndicats, petit à petit, devraient s’es-tomper au profit de la coopérative car si nousnous prenons en charge nous-mêmes, l’Étatn’intervenant plus, c’est beaucoup plus lesaspects commerciaux qui vont primer par rap-port à l’aspect syndical.Extraits d’un entretien avec Monnet L.E., Secrétaire généralde SYNAGCI, président du CA de COOPAGCI, Côte d’Ivoire. La Lettre du Réseau GAO n° 16.

1111Les organisations paysannesvues par leurs promoteurs

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR? 31

Défendre les intérêts des paysans

On ne peut pas qualifier la vocation du SYCOV

comme politique, sociale ou économique. L’or-ganisation du mouvement et du syndicat doitconduire les paysans à défendre leurs inté-rêts, qu’ils soient économiques ou politiques.

Les moyens dont nous disposons proviennentde nos cotisations et d’un prélèvement sur leprix du coton. Avec l’administration, nousrecherchons notre autonomie.

Concernant l’approvisionnement, il faudraitune structure sous-régionale africaine qui secharge de l’approvisionnement des intrants demanière à amoindrir les prix. La solutionserait d’envisager une organisation régionalegérée par les paysans du Mali, du Bénin, dela Côte d’Ivoire et d’autres pays.

Entretiens avec des dirigeants du SYCOV :extraits de DAGNON G., 1992.

Lors des différentes Conférences Nationalesdans quelques pays africains, les paysans ontrarement eu la parole. On notera cependantun témoignage intéressant et sans douteassez représentatif.

Au Niger, le Président de l’Union de Zinder, El Hadj ALZOUMA, est l’un des rares paysansqui a eu la possibilité de s’exprimer à la tri-bune de la Conférence Nationale. Le messagequ’il a cherché à faire passer à cette occasiontenait en quatre points :•Laisser au monde paysan la liberté de s’or-ganiser (en dehors de l’UNC),•Laisser aux organisations paysannes la possi-bilité d’accéder aux bailleurs de fonds sanspasser par des intermédiaires,•Permettre la liberté d’échange entre paysvoisins,•Faciliter aux paysans l’accès aux moyenstechniques leur permettant d’exploiter leurseule richesse, la terre.

Extraits tirés de BARBEDETTE L. et OUEDRAOGO J., 1993.

Ces quelques opinions sont celles de respon-sables ayant acquis une certaine expérienceet rompus à l’exercice du contact avec lespartenaires extérieurs. Il est intéressant deles compléter par des témoignages demembres d’organisations ou de producteursayant des responsabilités plus locales.

Nous voulons être reconnus

Les paysans ne s’entendaient pas très bienavec le CAC (structure en charge de l’enca-drement des coopératives). Les villages ontdécidé de se réunir pour former un groupe ettravailler plus sérieusement au lieu de passerpar eux. On a formé le groupe vers 1988 etaujourd’hui il compte 28 villages. On veut quenotre démarche soit reconnue au niveaurégional et même national.Extrait d’un entretien avec Gérard TOGO, GBCA,région de Mopti au Mali (La Lettre du Réseau GAO n° 17).

Nous pourrions multiplier les témoignages :ils sont nombreux et convergent en généralvers les mêmes thèmes : le besoin d’unereconnaissance (reconnaissance du monderural, reconnaissance sociale, politique,...), lavolonté d’agir socialement et économique-ment (ne plus subir la domination de l’admi-nistration et pouvoir négocier avec lescommerçants...) et bien sûr les objectifs légi-times d’amélioration des conditions d’exis-tence des paysans.

Cependant, en se développant, les organisa-tions paysannes ne verront pas leur rôle selimiter au plan économique, social et poli-tique. En se situant à un niveau intermédiaireentre le pouvoir central et la société civile,elles peuvent apporter une dimension cultu-relle au mode de vie de leur société. Ceci peutpasser par la redéfinition des rapports quilient les ruraux aux autres acteurs, que cesoient les bailleurs de fonds, les autoritésadministratives ou « culturelles ».

Le mouvement paysan,c’est tout à la fois : une histoire, une entité,une pensée paysanne,une série de luttes, des forces qui s’organisent, qui agissent pourdéfendre les intérêtsdes paysans et qui sont contrôléespar les paysans.Éléments tirés d’une définition donnéepar des leaders d’OPcamerounaises, cités par BARBE-DETTE L. et OUEDRAOGO J.,1993.

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR?32

Redevenir des hommes

CISSOKHO M. (Président du CNCR) décrit la tactique prudente des organisations pay-sannes d’Afrique de l’Ouest en expliquant que ces organisations se sont d’abord faites« serpent », et se sont cachées pour grandir discrètement. Ensuite, elles se sont faites« caméléon » cherchant à se mettre d’accord avec tout le monde pour ne pas bloquer(c’est la phase où l’on négocie de l’argent pour le puits, parce que le bailleur aime les puits,et l’on utilise cet argent pour construire une mosquée parce que la mosquée fait plaisir aumarabout) ; ce n’est que lorsque les organisations se sont senties assez fortes qu’elles sontdevenues « scorpion »; alors, elles ont pu piquer ceux avec qui elles avaient joué le camé-léon. « Aujourd’hui concluait-il, nous voulons redevenir des hommes ».

Extraits de BARBEDETTE L., 1993.

2222Les organisations paysannesvues par leurs partenaires

Parmi les interlocuteurs des organisationspaysannes, on peut identifier de grandesfamilles : les bailleurs de fonds, les ONG, lesorganismes privés, l’administration et lessociétés d’intervention. Au sein de chaquestructure existent des personnes animées pardes intérêts et possédant des visions parfoiscontrastées. Toutefois, même si l’exerciceconsiste à forcer le trait, on peut cerner deslogiques institutionnelles liées à l’histoire desorganismes de développement, leur enracine-ment social et politique, leur « culture », leurprojet...

21. Le point de vuedes bailleurs de fonds

Il diffère bien sûr suivant le bailleur de fonds,suivant les périodes mais aussi suivant lespersonnes et les sensibilités au sein d’unemême structure. On peut quand même rele-ver des tendances lourdes et des constantes.

UN DISCOURS QUI CHANGE...

Depuis 1980 où il est question de « promou-voir l’organisation des producteurs », le dis-cours de la CCCE (actuelle CFD) s’enrichitprogressivement. On parle de « confier auxpaysans une part de responsabilité », de « favo-riser l’exercice des responsabilités collec-tives »,.. A partir de 1984, l’encadrementclassique est de plus en plus remis en cause eton parle de l’autonomie des groupements. Lesréflexions du Ministère de la Coopération et duDéveloppement vont dans le même sens : « ilfaut aider à l’émergence d’une véritable profes-sion agricole,... le développement résultera plusd’une dynamique interne s’exprimant auniveau d’une communauté locale que d’uneimplantation extérieure dominée par l’État ouune aide étrangère ».

Extraits de DEVEZE J.C. et ROUVIERE M.C.,1991.

Le Ministère français de la Coopération et duDéveloppement soutient depuis peu unedémarche particulière d’accompagnement àl’émergence d’organisations paysannes appe-lée « professionnalisation ».

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR? 33

LES OBJECTIFS DE LA PROFESSION-NALISATION DE L’AGRICULTURE

La démarche dite de professionnalisationconsiste à aider les producteurs ruraux à secomporter en entrepreneurs de micro-entre-prises agricoles et artisanales, acteurs directsde leur développement par la promotion de leurcapacité de négociation et de cogestion avec lesautres producteurs, les collectivités locales, l’État et les bailleurs de fonds.

A partir d’un inventaire des organisations deproducteurs et d’un appui aux échanges entreorganisations, nous souhaitons appuyer l’émer-gence de fédérations régionales et nationales deproducteurs, tout en contribuant à coordonnerles appuis extérieurs (publics et privés) appor-tés à ces organisations.

Cette démarche rencontre souvent la résistancedes agents de l’État, qui considèrent que laréorientation de l’attribution des ressources pardes projets au profit direct des producteursconstitue pour eux une perte de pouvoir. Aterme, l’association des producteurs à la coges-tion des filières agricoles aura peut-être poureffet de diminuer les prélèvements de l’État surles produits de l’agriculture et permettre ainsiaux producteurs de co-financer leur développe-ment.

Extraits d’un entretien avec VALLAT B., Ministère de la Coopération La Lettre du Réseau GAO n° 16.

La Coopération Suisse offre d’intéressantsexemples d’expériences privilégiant l’appuidirect à des initiatives de bases. La souplesseet la qualité de ses interventions sont souventun atout certain pour le développement d’or-ganisations paysannes, de communautés vil-lageoises ou de groupes sociauxprofessionnels plus autonomes.

La Caisse française de développement, de parson caractère d’organisme financier, privilé-gie l’appui à des organisations porteusesd’activités économiques jugées viables.

Renforcer une profession agricoleen Afrique

Le foisonnement d’organisations et d’initia-tives sur le terrain est en train de conduire,compte tenu de l’évolution rapide des

contextes socio-politiques et économiques, àdes regroupements qui prennent desformes multiples. Ils couvrent des champsdivers sans qu’on puisse toujours clairementdistinguer entre mouvement syndical, organi-sation économique ou de crédit, groupementà caractère socio-culturel. Les facteurs deregroupement peuvent être liés à un produit,à un leader, à une ethnie, à une interférenceextérieure, à une conjoncture politique...

Compte tenu des divers champs couverts parces différentes organisations et la spécificitédes contextes africains dans lesquels ellescherchent à se développer, il semble priori-taire par rapport aux enjeux du développe-ment d’appuyer l’émergence d’organisationspouvant acquérir rapidement un poids éco-nomique. Celui-ci paraît être le seul garantde leurs rôles futurs au niveau syndical etpolitique.

Extraits d’un article de D’ANDLAU G. et DEVEZE J.C., CFD(La Lettre du Réseau GAO n° 16).

Les bailleurs de fonds sont parfois plus tran-chés dans la formulation des priorités devantguider leur action.

Quelles organisations privilégier?

La clé du soutien aux organisations pay-sannes quelles qu’elles soient consiste à créerun environnement favorable, dans lequel lesactivités de ces groupes ne soient pas res-treintes par les pouvoirs publics.

Les coopératives ou les groupements paysansne devraient pas (...) être astreints à des fonc-tions économiques et sociales extérieures àleurs activités commerciales. (...)

Pour peu que leurs activités soient bien plani-fiées, ils peuvent fonctionner efficacementsans subsides et payer des taux d’intérêtcommerciaux. La bonne gestion et la soliditéfinancière sont aussi importantes pour ellesque pour les entreprises privées.

CLEAVER K., Document technique n° 203, 1993.

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR?34

La position exprimée s’inscrit bien dans lecourant de pensée libéral et, si elle est appli-quée à la lettre, elle risquerait de ne concernerque très peu d’organisations paysannes. Parailleurs, cette approche ne risque-t-elle pas deconfondre « privatisation de l’agriculture » et« privatisation des organisations de produc-teurs »?

Cette évolution dans les discours et dans lapratique est sans doute à relier à la nécessairerecherche de solutions, face à une crise deplus en plus aiguë et des pratiques de coopé-ration de moins en moins adaptées auxenjeux et aux structures sociales. On observetoutefois une certaine inertie entre les volon-tés affichées, la bonne volonté parfois indé-niable et la rigidité des procéduresd’élaboration des programmes de coopéra-tion, des mécanismes de financement et deprise de décision qui, au bout du compte,déterminent encore pour une grande part laqualité et l’efficience de l’aide apportée etconditionnent l’évolution des OPR.

Lors d’une rencontre internationale (voirSaild, 1994), les participants africains ont eu àrépondre à une question sur les modes d’ap-pui des bailleurs de fonds : « comment amélio-rer, modifier les procédures, les pratiques d’aidepour renforcer l’autonomie des OP? ». Unedes réponses a été formulée à travers lacomptabilité d’entreprise :

Il est donc important que les OPR prennentassez de poids économique et de force poli-tique pour être capables de faire entendreleur position auprès de certains bailleurs defonds qui les considèrent encore comme lesinstruments de leur politique. On peut se

demander s’ils sont toujours bien préparés àtravailler avec des OPR alors qu’ils manquentencore trop souvent de pratiques approfon-dies de partenariat sur le terrain.

22. Les organismes privésd’appuiaux organisations paysannes

Ils sont très divers et d’origine multiple.Églises, ONG, Bureaux d’étude, Organisa-tions professionnelles agricoles (OPA) dunord ou comités de jumelage, tous ces orga-nismes sont engagés dans des programmesou des projets d’appui au développementrural où les organisations paysannes ont uneplace de plus en plus importante. Comme lesautres acteurs, ils produisent souvent un dis-cours sur leurs pratiques mais ne pratiquentpar toujours ce qu’ils disent. On peut dans unpremier temps analyser les positions ou lesopinions exprimées sur ce que devraient êtreles organisations paysannes. Même si ce nesont que des mots, cela peut nous permettrede comprendre comment ces organismesstructurent leurs actions d’appui aux OP.

221. La mouvance ONG

Il ne s’agit pas de faire un amalgame simplifi-cateur d’organismes différents dans leursobjectifs et leurs pratiques, mais de dégagerdes principes, des idées forces qui se retrou-vent en général (du moins dans le discours)dans la plupart de ces organismes en contactdirect avec le terrain.

• La description du groupement villageoisidéal et des étapes et moyens pour y parvenirapparaissent avec une grande régularité dansles différentes publications des ONG.

•On trouve dans des documents divers(articles, ouvrages) des recommandations,des remarques sur le chemin à suivre dans lavoie des organisations fédératives. Lesexemples ne manquent pas pour indiquer lesobstacles à éviter et insister sur les points ouconditions à réunir et les principes à suivrepour mieux s’organiser localement, régiona-lement et nationalement.

Adapter le discoursà la pratique :le changement

du discourset des objectifs

ne doit-il pas induirecelui des procédures

et des mécanismesd’appui?

« En même temps que le modèle de comptabilité, n’introduit-on pas unecertaine vision du monde conforme à l’économie marchande, mais pas for-cément aux aspirations paysannes? (...) En forçant à adopter des procé-dures, des gestes ou des modes d’organisation différents de ceux auxquelsles paysans sont culturellement habitués, ces outils peuvent rendre les uti-lisateurs paysans dépendants de logiques qui leurs sont étran-gères, dans le cadre desquelles leurs possibilités d’innovation -et doncd’émancipation- sont limitées. Au-delà de la question strictement techniquede l’outil comptable, celui qui a le pouvoir d’imposer sa comptabilité n’a-t-ilpas aussi quelque part le pouvoir d’imposer sa vision du monde etses valeurs? »

Extraits de SAILD, 1994.

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CONSERVER L’INITIATIVEDU CHANGEMENT

Concernant les associations villageoises dedéveloppement en Afrique de l’Ouest, l’auteurmontre comment à partir des conditionsd’émergence (démarche volontariste, réflexioncollective, vide créé par l’État...), de l’enraci-nement dans le milieu (consensus entre lespouvoirs traditionnels et des « élites »...), et dela conquête d’une crédibilité (vis-à-vis desadhérents, de l’extérieur), les différents ingré-dients d’une expérience réussie sont évoqués.En prenant place dans la société locale et enconservant l’initiative du changement, l’asso-ciation villageoise se donne les moyens decontribuer au développement d’un mouvementpaysan structuré au niveau local puis national.

Éléments tirés de BERTHOME J., 1990.

Les ONG, comme les autres intervenants enmilieu rural, ne sont pas à l’abri de la ten-dance assez générale des organismes d’appuiou de financement à se forger une méthoded’intervention, qui souvent peut être très dif-férente de celle d’un autre organisme interve-nant sur le même terrain. Même si ellesétaient similaires, le manque de collaborationferait qu’il n’y aura pas une harmonisationdes interventions.

Il est à préciser que la diversité des interven-tions est aussi liée au fait qu’il existe de mul-tiples sortes d’ONG, qu’on aura pas laprétention de citer de façon exhaustive ici.

Cependant on peut faire aisément la distinc-tion entre les ONG du Nord et les ONG duSud, bien qu’elles aient des points communsdans leurs approches en matière d’appui auxOPR. Il y a aussi les « ONG-bailleurs defonds », qui disposant de moyens financiersimportants, élaborent des projets qu’elles exé-cutent ou font exécuter.

Toutefois, le manque ou l’insuffisance de laconcertation et même la concurrence entreorganismes d’appui localement est une réa-lité : chaque ONG cherche à faire valoir sesrelations avec des paysans, organisés de pré-férence, pour justifier de son travail vis-à-visde ses sources de financement (publiques ouprivées). Si des collectifs d’ONG existentpresque partout, ils sont encore loin d’assurerun rôle de véritable concertation entre opéra-teurs d’appui au monde rural. Cette difficultéde concertation est encore plus forte lorsquel’on se rapproche des sources de financement,c’est-à-dire du Nord.

Le développement a tant à gagner dans uneconcertation entre partenaires du Nord et duSud qui interviennent dans une même zone.

222. Les bureaux d’études

Le discours des bureaux d’études sur lesorganisations paysannes est balisé par lesrelations étroites et quasi-symbiotiques qu’ilsentretiennent avec les bailleurs de fonds.L’expérience parfois longue de quelques-unsd’entre eux dans des programmes d’appuiaux organisations paysannes leur confère uneposition pourtant originale et novatrice.

Dans bien des cas, leur façon de voir leschoses et leurs discours sur les organisationspaysannes tendent à s’adapter au doublemouvement de l’émergence d’un discours etd’une pratique ONG reconnue de plus enplus par tous, et de leurs contraintes finan-cières et de fonctionnement privilégiant laréponse à des appels d’offre (avec toute lacodification que cela impose).

Avec l’orientation actuelle vers la profession-nalisation des OPR, l’existence de bureauxd’études au Sud ne pourrait-elle pas faciliterla contractualisation des appuis aux OPR?

« Plusieurs ONG viennent dans la régionet ciblent les mêmes organisations. Cesont des agents extérieurs qui viennenttroubler l’atmosphère (...) Voulant enca-drer les paysans, ces ONG, qui passentparlent toujours de la même chose auxpaysans, les entraînent dans de multiplesréunions. Si les ONG pouvaient se répar-tir la tâche de manière à ce qu’elles nesoient pas une charge supplémentairepour les paysans » (Immaculée Birha-heka, UWAKI, Zaïre).

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223. Les organisations professionnellesagricoles des pays du Nord

Les organisations professionnelles agricolesdu Nord participent-elles aussi à ce concertde recommandations et s’engagent de plus enplus dans des actions d’appui à des organisa-tions paysannes du Sud. Tout en se défen-dant de vouloir plaquer un schéma préconçud’organisation, les recommandations et lesprincipes qu’elles peuvent mettre en avantvéhiculent pourtant des valeurs qui corres-pondent aux principes d’organisation dessociétés du Nord. Il convient d’en êtreconscient et d’expliciter au mieux les étapeset le cheminement de ceux qui ont participéà la structuration d’organisations fédératives.

Des organisations agricoles indépendantes

S’il n’existe pas de modèle universel, unesolide structure de gestion interne estl’un des piliers d’une organisation agricoletotalement indépendante. Le processus deprise de décision, le style de gestion, le sensde l’engagement sont autant de points sen-sibles. Il faut renforcer la responsabilisation àtous les niveaux et assurer la transparence etle contrôle financier.Vis-à-vis de l’extérieur, l’organisation doitdévelopper une capacité de négociation etêtre reconnue. La communication1 est un élé-ment vital de la viabilité.

Extraits de FIPA, 1992.

La Coopération française et certaines organi-sations liées aux milieux professionnels agri-coles français ont introduit récemment leconcept de professionnalisation de l’agricul-ture pour l’appui aux OPR.

LE MÉTIER D’AGRICULTEUR

Les auteurs montrent comment cette idée partde la définition d’un métier d’agriculteur.L’agriculteur pratique un métier car il appliqueet combine des savoir-faire, il prend des risques(chef d’exploitation) et gère ses affaires en fonc-tion de l’environnement de l’exploitation (aléaséconomiques, climatiques...). Faire son métierc’est être un partenaire à part entière de tousles acteurs qui œuvrent en milieu rural. L’agri-culteur assure la gestion technico-économiquede l’exploitation, il est agriculteur de métier etnon plus seulement paysan de son état.

Une organisation professionnelle est un lieu oùse retrouvent des personnes parlant un mêmelangage parce qu’exerçant un même métier. Laprofessionnalisation de l’agriculture, c’est per-mettre l’émergence de groupes, avec leurs lea-ders. Elle suppose la responsabilisationprogressive des producteurs et leur participa-tion à toutes les instances où se décide la poli-tique agricole.

FERAILLE J.N. et ROSSIN F., MCD et AFDI, 1992.

Dans les faits ou du moins dans les inten-tions, les objectifs affichés par les organismesprivés sont assez semblables à ceux des pro-jets d’appui aux paysans depuis des décen-nies. L’innovation, mais elle est de taille,consiste à dire que l’on va travailler a priori àcôté de l’État (tout en établissant avec lui desliens de concertation/négociation et lesnécessaires conventions de coopération),alors que pendant plusieurs décennies, touteforme d’appui au monde rural passait forcé-ment par une structure étatique.

Ce concept de professionnalisation de l’agri-culture est maintenant utilisé par un nombrecroissant d’opérateurs sans que ses utilisa-teurs soient pour autant d’accord sur ce qu’ilrecouvre et implique. On relèvera quelquesopinions révélatrices de la diversité despoints de vue et surtout du caractère encoreembryonnaire de cette approche de l’appuiaux OPR :

•Professionnalisation de l’agriculture, c’est-à-dire accroître l’autonomie des agriculteurspour qu’ils puissent acquérir des moyens/outilsmaîtrisables par eux (BEAUDOUX E. etTEYSSIER S., 1992, page 30).

1. Cas de la Fédération du Fouta Djalon (Guinée) qui choisit desmembres de son bureau relativement proches les uns des autrespour une meilleure communication.La Lettre du Réseau GAO, n° 14.

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•La professionnalisation est vue comme unprocessus amenant « le passage du niveau localà une véritable représentativité de la profes-sion agricole au niveau régional et national »(DEVÈZE J.C., note ronéotypée, 1991).•« La professionnalisation doit permettre auxmouvements socio-professionnels en gestationde participer à la définition des politiques et desstratégies de développement en tant qu’acteursayant un réel poids économique, techniqueet politique » (COURTANT J.J., note ronéo-typée, 1990).

En plus de cette diversité, liée en partie à ladiversité des intérêts de ceux qui agissent enappui aux organisations paysannes, on peutrelever quelques axes caractérisant une cer-taine vision de l’accompagnement des organi-sations paysannes dans leur développement(qu’on l’appelle professionnalisation ou non) :

• Un changement d’échelle : d’une multi-tude de groupements locaux, souvent pluri-fonctionnels et mêlant activités sociales etéconomiques, on passerait progressivement àdes unions, des fédérations de groupementsqui seraient les supports institutionnels d’unmouvement paysan. Ce changementd’échelle implique sans doute une transfor-mation de la logique des groupements, quidevraient passer d’une logique de captationde ressources (ou de rente) à celle de négocia-tion des conditions sociales et économiquesde la production agricole (fixation des prixagricoles, conditions du crédit rural...). Ilimplique aussi une complexification crois-sante des organisations rurales du fait desmultiples fonctions et des tâches qu’elles sontamenées à gérer.

• Un processus identitaire où le paysan,défini par son état de vie, deviendrait un agri-culteur, voire un exploitant agricole prati-quant un métier reconnu par l’ensemble dela société, au même titre qu’un comptable ouqu’un médecin par exemple. Ce processusimplique à la fois une mutation culturelle desintéressés et une reconnaissance du secteuragricole comme secteur économique et socialà part entière, une revalorisation sociale del’activité agricole.

• Une évolution vers un modèle d’agricul-ture cogérée, où l’établissement de relationscontractuelles prendraient le pas sur les rap-

ports de domination univoques de l’État oude gros commerçants sur les paysans. Cetaspect sous-entend que l’on se place le plussouvent dans des zones de cultures de rente,où se sont concentrés les efforts des bailleursde fonds pour soutenir les agricultures afri-caines. Sans que les termes en soient claire-ment établis, on valorise beaucoup lesmodèles de type interprofessionnel, jugés àmême de résoudre tous les problèmes et delisser les conflits potentiels. Qu’en est-il alorsdes zones sans culture de rente : ne peut-onparler de professionnalisation dans cesrégions? Seront-elles laissées à l’écart?

Cette démarche est encore trop nouvelle pouren apprécier la pertinence sur le terrain.

23. L’administration

Les États peuvent formuler des propositions,des éléments de politiques agricoles. Lesorganisations de producteurs sont parfoisprises en compte et l’appui à leur apporter estalors précisé.

LA LETTRE DE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE(LPDA) EN GUINÉE CONAKRY.

La LPDA est réalisée par le Ministère del’Agriculture et des Ressources Animales(MARA), en collaboration avec les autresMinistères et services de l’État. Une grandeplace y est faite à l’organisation du monderural. Voici quelques extraits de la troisièmeversion, publiée en octobre 1991 :

« La LPDA doit être le document de référencepour tous les partenaires du Développementrural (MARA, Ministères économiques etautres Départements Ministériels). Elle doitfixer les grandes lignes de la collaboration entrele Gouvernement et les Bailleurs de Fonds. »(p. 1)

« La politique contractuelle est amorcée pour lecafé, à l’initiative des producteurs eux-mêmeset pour le coton à l’initiative du projet coton.L’objectif est d’aboutir à une circulation d’in-formations sur les coûts, les prix mondiaux etla valeur ajoutée à distribuer. Dans la pratiquele dialogue s’instaurera autour de la fixationd’un prix indicatif à la production en début decampagne, destiné à encourager la productionet sur les modalités de distribution ou d’affecta-tion de marges additionnelles éventuelles. (...).

Le changementd’échelle des OPR du local au régional,voire au national, a-t-il induit un changementd’échelle dans les modes d’intervention?

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« L’organisation professionnelle des opérateursen unions ou associations professionnelles pourla représentativité et GIE pour les activités éco-nomiques communes doit précéder l’organisa-tion interprofessionnelle, qui implique que lesconfrontations économiques entre les différentsintervenants aient pu être banalisées. » (p. 32)

« C’est sur l’émergence d’organisations pay-sannes que compte l’État pour adapter le déve-loppement du secteur agricole aux réalitéséconomiques et à l’évolution des marchés etcontribuer en cela au renforcement de la sécu-rité alimentaire nationale et au développementdes exportations agricoles. » (p. 57)

« Les structures de développement qui ont encharge la promotion des organisations pay-sannes auront quatre activités prioritaires :- l’alphabétisation fonctionnelle des respon-sables et membres des groupements,- la formation spécifique des opérateurs (tech-nique, en gestion),- le suivi des opérateurs,- l’amélioration de l’environnement de service.La promotion des groupements ne se décrètepas ; elle se fera par l’adhésion sans détour despaysans à une entreprise économique viable. Laliberté d’association et l’adhésion volontaireseront la règle, garante de la solidité des orga-nisations. L’évolution vers des structures fédé-ratives se fera à un rythme naturel. Lespromoteurs des organisations paysannes les yinciteront (incitation à la formation de clubs deréflexion, par exemple) mais se garderont d’êtretrop directifs. » (p. 62)

Extraits de La Lettre du Réseau GAO, n° 10.

Même si de nouvelles politiques agricolesprennent en compte l’existence de groupe-ments de producteurs et souhaitent les ren-forcer dans leur rôle, les grandes lignes de cesprogrammes ne sont pas pour l’instant élabo-rées en concertation avec des représentantsdes agriculteurs. Ce sont le plus souvent desexperts de diverses coopérations qui partici-pent étroitement à la rédaction de ces textesd’orientation du développement agricole. Cesont sans doute des transitions nécessairesaprès des décennies de politiques agricoles« caporalistes » : à l’avenir, le poids des orga-nisations paysannes devrait se faire sentir aumoment où se négocie l’avenir de secteursentiers du monde rural.

Le rôle et la position de l’administration parrapport au monde rural renvoient aux diffi-ciles mutations que connaissent les servicespublics jusqu’à peu en charge de l’encadre-ment des populations rurales. Le termemême d’encadrement en dit long sur l’ap-proche dirigiste (« nous devons apporter au pay-san la connaissance pour qu’il puisse sedévelopper »), qui a longtemps prévalu au seindes services.

Pourtant, les services publics disposent d’unecertaine expertise dont pourrait profiter lesOPR - dans le cadre de relations contrac-tuelles à imaginer. De même, les servicespublics et les bailleurs de fonds doivent asso-cier les OPR à la préparation de nouvellespolitiques agricoles. En Guinée, il a été pro-posé de conduire en parallèle à l’élaborationde toute nouvelle LPDA, la conduite d’uneréflexion entre OPR pour qu’elles puissentexprimer leur vision de politique agricole.

24. Les sociétés d’interventions

Elles interviennent généralement dans lecadre de filières de produits de rente (coton,café, cacao...) et sont généralement partie pre-nante dans le fonctionnement de cette filière.Elles peuvent assumer les fonctions de com-mercialisation, de transformation, d’approvi-sionnement en intrants et de financement.Elles ont en général une action de vulgarisa-tion technique et d’encadrement des produc-teurs, qui les amène à mettre en place desdispositifs d’accompagnement d’organisa-tions paysannes, souvent créées par elles.

On peut aussi citer l’exemple de la restructu-ration de la filière café/cacao au Cameroun,où la SODECAO (Société de développementdu café et du cacao) a vu récemment ses pré-rogatives modifiées. De nouvelles fonctionslui ont été attribuées.

LA NOUVELLE SODECAO

Le principal objectif est de parvenir à un désen-gagement de la SODECAO de ses différentsrôles et fonctions par un transfert de ceux-ci àdes groupements de producteurs et au secteurprivé. Le transfert portera principalement sur

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les responsabilités et les charges concernant :l’approvisionnement et la distribution desintrants, les traitements phytosanitaires, l’en-cadrement et la commercialisation.

Les missions essentielles de la SOCEDAOs’orienteront désormais dans les directions sui-vantes :• Appui à la structuration et à la professionna-lisation du monde rural pour permettre letransfert des principales fonctions assuréesactuellement par la SODECAO aux groupe-ments de producteurs, au secteur privé et à cer-tains services de l’État.• Promotion d’un environnement dans lequelles groupements de producteurs pourrontdemander au secteur privé et à l’Administra-tion les prestations répondant à leurs besoins etrémunérées par eux-mêmes.• Arrêt progressif de certaines fonctions àtransférer sur d’autres services administratifs(pistes, recherche, vulgarisation...).• Coordination des programmes d’interventionde la SODECAO avec le Ministère de l’Agri-culture, en particulier pour la vulgarisationautour de la promotion des groupements deproducteurs.

Extraits de BEAUDOUX E. et GANDIN J.P., Ministère de l’Agriculture du Cameroun, SODECAO, CFD, 1993.

Ces positions dénotent une certaine évolutiondans la vision qu’ont les sociétés de dévelop-pement de la place des paysans dans lesfilières. Les sociétés d’intervention sont ame-nées à se transformer et à adapter leurs pra-tiques sous la pression des bailleurs de fonds,

des paysans de plus en plus organisés, et ducontexte macro-économique. Toutefois, lesconceptions qu’elles ont de ce que devraientêtre les organisations de producteurs restentsouvent une vision utilitariste (liée à desobjectifs précis en terme de transfert de fonc-tions aux paysans), souvent associée à uneconception linéaire du développement et durenforcement des groupements.

La SODEFITEX (Société de développementdes fibres textiles du Sénégal) classe lesABP (Associations de base des producteurs)selon trois niveaux d’émancipation :• ABP de niveau 1 : pas d’alphabétisés, com-mercialisation primaire du coton graine assuréepar la SODEFITEX ou les ABP 3.• ABP de niveau 2 : producteurs alphabétisésrelativement autonomes, commercialisationavec du matériel prêté par la SODEFITEX oules ABP 3.• ABP de niveau 3 : l’ABP qui a acquis par sespropres ressources du matériel de collecte (bas-cules...) pour assurer la commercialisation pri-maire du coton graine.

Pourtant, des programmes sont initiés pardes bailleurs de fonds pour associer les pro-ducteurs à la gestion des filières. Mais visible-ment, ces derniers sont encore perçus commedes exécutants de fonctions définies sans eux,pour eux; ceci est illustré par l’exemple de lafilière cacao en Côte d’Ivoire. Il faut cepen-dant noter des progrès comme la signature decontrats-plans entre la CMDT et l’État malien,grâce au SYCOV.

Professionnaliser les groupements

Pour la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT), il y a confu-sion des fonctions au sein des OPR (fonctions d’intérêt général, fonctions professionnelles àcaractère technique et fonction syndicale à caractère revendicatif). Les fonctions syndi-cales et économiques doivent être bien séparées. La place d’un syndicat n’est pasde cogérer une filière : c’est une organisation économique qui devrait le faire. Pour la CFDT,l’idéal serait des groupements à caractère coopératif qui réinvestiraient leur res-sources directement dans leurs activités. Ces groupements rassembleraient des pro-ducteurs « homogènes », mais les villages dans leur ensemble risquent de voir d’un mauvaisœil la disparition des ressources liées aux producteurs de coton.Il est difficile d’imaginer le rôle que pourraient jouer des unions de groupements : peut-êtrecelui d’arbitrage dans des débats sur la qualité du produit.

Extraits d’un entretien avec CHAVATTE D., CFDT, 1993.

Associer les producteursà la gestion des filièreset à la définitionde leurs rôles : un discours ou une réalité?

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Chaque point de vue, on l’a vu, suscite desinterrogations. Il serait difficile de les passeren revue pour les approfondir. Néanmoins,les préoccupations les plus relevées peuventêtre regroupées en quelques points qui nous

permettront de traiter du nouveau rôle de l’État, du rôle économique des OPR, de leursfonctions en général et enfin des nouveauxtypes de rapports entre partenaires du déve-loppement.

31. Quel rôle pour l’État?

Comme le montre tous les exemples des paysdu Nord, le développement rural s’est faitavec un soutien actif et conséquent des pou-voirs publics à l’agriculture. Il faut préciserquelles peuvent être les fonctions rempliespar l’État dans une économie de marché.

Il n’y a pas de recettes mais on peut cepen-dant identifier des domaines où l’État doitjouer un rôle qui, dans beaucoup de situa-tions, reste encore à définir dans ses modali-tés concrètes d’application.

On peut aussi retrouver la volonté de clarifi-cation des rôles en ce qui concerne l’État etses services.

RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR?40

Maîtriser la filière, un enjeu pour les producteurs

Je ne connais pas la finalité de ces projetsmais ce que je sais, c’est qu’ils ne permet-tront jamais au paysan ivoirien de maîtriser lafilière. Sur le terrain, des sociétés privées (SA)sont constituées : le conseil d’administrationest composé de 8 paysans et 4 usiniers. Maison ne vous permettra jamais d’exporter. Onnous a dit que ce qu’on devait faire c’étaitplanter et c’est tout. On oblige le paysan àfournir son produit sans qu’il sache ce qu’onen fait après. Voilà l’esprit de ce projet etnous ne sommes pas d’accord. (...)

Nous, nous avons toujours participé car nousavons toujours fait des efforts : c’est nous quiproduisons et c’est la plus grande participa-tion ! Nous devons produire et connaître toutela chaîne. A Paris, on nous a dit que notrerôle était de planter et que c’était plus facilede planter des pieds de cacao que d’exporter.Nous, nous voulons maîtriser la filière de bouten bout.

Propos issus de KOUAME B., La Lettre du Réseau GAO n° 18.

La troisième partie sera l’occasion d’appro-fondir quelques situations concrètes derestructuration de filières et d’association desproducteurs à la gestion de certaines étapesde ces filières.

Ce que devrait faire l’État

L’État doit intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans :• La politique foncière : en garantissant la mise en place d’une législa-tion sécurisante pour les producteurs.• La politique d’approvisionnement : en garantissant l’existence et lebon fonctionnement d’un marché d’approvisionnement pour l’agriculture.• La politique de financement de l’agriculture : en harmonisant lespolitiques de crédit et de subvention.• La politique de commercialisation : en garantissant la fluidité desmarchés et la cohérence entre les politiques nationales et les mesures d’im-portation de produits alimentaires.•La politique juridique : en simplifiant les démarches et cadres utilespour les groupements et organisations paysannes.

Éléments issus de BEAUDOUX E. et FORGET E., 1992.

3333Quelques questionnements

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR? 41

Redéfinir la place de l’État

Il faut réintroduire l’État dans la mission dedéveloppement rural et ainsi« trianguler » les rapports entre communau-tés villageoises, l’État et la CMDT. Cette mis-sion établit une distinction entre des fonctionsqui relèvent du développement des sys-tèmes de production et celles qui relèventde la planification des ressources et dela gestion concertée. Ce processus deredéfinition des tâches et de ceux qui doiventles assumer est à relier au projet de décen-tralisation de l’administration et de l’Étatmalien.

Extraits de LE ROY E. et al., IRAM, 1991.

Cette redéfinition de la place de l’État passesans doute avant tout par un changement dela nature des États africains. Des exemplesnombreux et flagrants ont montré la bureau-cratisation croissante des administrationsafricaines dans les décennies passées. Les ser-vices en charge du développement rural sesont souvent convertis en structures auxlogiques quasi-autonomes, cherchant à repro-duire leurs privilèges et sans réel contact avecles problèmes des populations. Une véritable« culture bureaucratique » sclérose souventdes services où pourtant existent des per-sonnes compétentes et de valeur (un desexemples de cette culture bureaucratiqueétant la tenue de statistiques élaborées surdes bases souvent douteuses et en général àl’utilité plus que contestable).

Pourtant il faudrait résister à la tentationd’une diabolisation de l’État. Son rôle derégulateur reste incontestable pour la garan-tie d’un cadre d’évolution cohérent, et sonrôle institutionnel reste aussi important dansdes domaines tels que la santé, l’éducation, laformation, l’environnement et le législatif.

Après le désengagement (et de préférence enmême temps), il faut penser à la redéfinitiondu nouveau rôle de l’État : garantie d’unestabilité économique minimum, financementde l’agriculture, régulation des équilibresville/campagne, législation, etc., en concerta-tion étroite avec les bailleurs de fonds,acteurs de plus en plus centraux dans lesredéfinitions actuelles.

Un point souvent délicat, et pour lequel peude solutions satisfaisantes ont été trouvées estcelui de la vulgarisation et du conseil tech-nique. Outre la querelle sur les mots, ontrouve de fortes oppositions entre interve-nants et bailleurs de fonds sur la nécessité ounon de faire du conseil technique, et sur laméthode à utiliser.

La vulgarisation agricoleest-elle utile?

Dans le cadre de la filière coton en Afrique,les avis sont partagés sur la nécessité demaintenir une vulgarisation agricole. Certainsbailleurs de fonds pensent qu’elle n’est plusutile et les compagnies cotonnières mettenten avant la venue de nouveaux producteurset les changements rapides dans les tech-niques de production. Au-delà de ce débatexistentiel, se pose la question de laméthode : qui fait quoi ? Envisageant le transfert de cette fonction auxproducteurs, un certain nombre se questionsse posent dans la pratique, notamment cellede la rémunération de ces fonctions. Le rôled’un « relais technique » (paysan animateur)peut être de répercuter les innovations tech-niques mais aussi d’orienter les choix derecherche appliquée.

Éléments de débats issus d’un séminaire des agronomes de la CFDT, 1993.

La vulgarisation agricole est nécessaire audéveloppement et à la maîtrise des produc-tions. Pour que les paysans organisés puis-sent exprimer un avis sur les pratiques et lesorientations, il faudra trouver les moyensd’une participation financière à son coût.

A travers le débat sur la pertinence et lesformes de la vulgarisation dans la filièrecoton, il paraît évident que l’appui et laréflexion sur les thèmes techniques resteronton ne peut plus d’actualité face aux défis quise posent aux agricultures africaines.

Le rôle de l’Étatet la vulgarisationagricole : la réflexionn’y gagnerait-elle passi on y associait,à traversleurs organisations,les principauxconcernés...les paysans?

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR?42

L’engouement pour l’appui aux organisa-tions paysannes et la déliquescence de nom-breuses structures publiques ne doivent paslaisser de côté des personnes qui seraient dis-posées, moyennant des perspectives, d’inves-tir ou d’adapter leurs compétences enaccompagnement des mouvements paysansnaissants. C’est tout l’enjeu de la constitutionrapide d’un tissu de prestataires de servicesdivers, capables de répondre aux demandesd’appui diverses et de plus en plus variéesdes organisations paysannes.

32. Un rôle économiquepourles organisations paysannes?

La question du rôle des organisations pay-sannes dans le secteur économique est trèscontroversée. Pour certains bailleurs defonds, l’organisation paysanne n’a d’avenirque dans des créneaux économiquement ren-tables, pour d’autres, les organisations pay-sannes doivent se cantonner à la production,le reste étant assumé par des agents écono-miques plus efficaces. S’il ne s’agit pas biensûr d’affirmer ce que doivent faire les OP, ilest intéressant de constater que les observa-teurs sont diversement préoccupés par lanature et les objectifs des groupements, parleur contexte environnemental ou encore parle problème de la commercialisation -souventmis par les paysans eux-mêmes- en avant deleurs préoccupations.

Tout le débat sur l’accompagnement dudéveloppement des organisations paysannesn’a de sens que si le contexte économiquedans lequel elles évoluent est porteur ou,pour le moins, relativement sécurisé et stable.On ne compte plus les textes et documentsmettant en avant ces préalables nécessairespour le bon développement des initiativeséconomiques paysannes.

Avec le développement des productions, lesorganisations paysannes seront amenées àjouer un rôle de plus en plus important dansla commercialisation. Le revenu des paysansen dépend.

Potentiel de développement desorganisations paysannes locales

Les OP à potentiel institutionnel fort sontcelles :• Qui promeuvent l’implantation de systèmesproductifs orientés vers le marché : le « coûtd’opportunité » de l’adhésion aux OP peutêtre élevé et l’adhésion dépendra alors de lacapacité de l’OP à fournir au produc-teur des services prisés (diminution derisques, bénéfices conséquents, temps gagné,allocation équitable de ressources, informa-tion accessible...).•Qui œuvrent dans des contextes écono-miques relativement peu favorables ou pourdes agents économiques peu avantagés : l’OPpeut servir à la mise en place d’un systèmeéconomique alternatif aux migrations.

Extraits de JACOB J.P. et MARGOT F., 1993.

Les organisations paysannes souhaitent engénéral mieux maîtriser les aspects liés à lacommercialisation, que cela soit dans desfilières de culture de rente (par exemple cacaoen Côte d’Ivoire, pomme de terre, café enGuinée, haricots verts au Burkina Faso, où lesorganisations de planteurs s’engagent dans lacommercialisation), mais aussi des produitsvivriers.

Des objectifs pas forcément économiques

« Les organisations paysannes autonomes ne naissent pas pour accomplirdes performances d’entreprises. Leur gestation puis leur naissance est, leplus souvent, un processus à base culturelle et socio-politique. Les groupe-ments paysans, par exemple, sont initiés par des hommes et des femmesvolontaires qui cherchent comment modifier leur situation d’exclusionactuelle. Les dimensions sociales et culturelles de leur effort sont, au pointde départ, essentielles. C’est pourquoi le développement, au sein des orga-nisations paysannes, des fonctions économiques et financières n’apparaîtqu’au fur et à mesure de l’évolution des OP ».

Extraits de PELLOQUIN M. et LECOMTE B., 1993.

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR? 43

Des paysans commerçants?

A la demande du Conseil des fédérations pay-sannes du cameroun (CFPC), une étude a étémenée sur les perspectives de commercialisa-tion de produits vivriers, pastoraux et artisa-naux des fédérations paysannes du Cameroun.Cette étude se conclut par un certain nombrede recommandations.

Les points faibles du système de commercialisa-tion ont été identifiés : le système de stockageet de conservation des vivres est très défaillantet entraîne beaucoup de pertes et de ventesprécipitées. La maîtrise du facteur transportparaît aussi primordiale. Le troisième pointfaible réside dans le manque d’organisation dumarché : pas de comptoir, pas de calendrier oude lieux de marché, pas d’entente des produc-teurs sur les prix de vente, pas de communica-tions publicitaires, pas de gestion effective desventes. Le contexte institutionnel jouera un rôle-clé dans la mutation d’une culture d’autosubsis-tance individualiste à une culture ouverte versl’approvisionnement du marché : la réglementa-tion et les pratiques du contrôle douanier etpolicier ne doivent pas être des entraves audéveloppement du commerce des vivres.

La clientèle du CFPC demeure à conquérir et ilfaut créer une image des produits « CFPC » :l’ouverture d’un comptoir de « produits detoutes les 10 provinces » sur chaque grandmarché urbain du Cameroun avec la marque« CFPC » serait une image favorable.

Éléments issus de AAFCOOP et CFPC, 1993.

On ne peut plus ignorer cette question de lacommercialisation qui a tendance à devenirde plus en plus centrale. Quels moyens est-onprêt à investir pour que les organisations deproducteurs deviennent des acteurs à partentière dans cette fonction? Comment régulerles équilibres macro-économiques (pouvoird’achat, transport, accès au crédi.,..) et institu-tionnels (régulation des marchés, législa-tion...) pour favoriser l’écoulement desproduits paysans? Autant de questions quirestent des débats ouverts et propres àchaque situation et à chaque type d’OPRselon sa finalité.

La commercialisation du maïs

Dans le cadre d’un projet au Nord-Cameroun,des opérations de commercialisation de maïset d’arachide ont été menées avec des unionsde producteurs. Créés en 1985/86, des gre-niers villageois se sont réunis en Unions degreniers villageois au niveau de zones géo-graphiques ayant des préoccupations com-munes (il en existe 5 aujourd’hui). Ces Unionsse sont chargées de l’acquisition d’équipe-ments coûteux, du stockage, du conditionne-ment et de la commercialisation de produitsagricoles. A partir de l’organisation mise enplace, les producteurs ont commercialisé lessurplus de production disponibles au niveaudes greniers villageois. Au total 67 villages ontété concernés et 800 tonnes de maïs ont étéachetées à un prix légèrement supérieur àcelui du marché, grâce à des fonds de roule-ment octroyés par le FED. A l’opérationd’achat s’est greffée une opération de récupé-ration des crédits de campagne en nature(maïs) pour les engrais. Il s’agit là d’une ini-tiative nouvelle qui semble donner des résul-tats encourageants.

Des contacts ont été établis avec des ache-teurs potentiels et un protocole d’accord aété signé avec la société MAISCAM pour lafourniture de 1 200 tonnes de maïs : 1 100tonnes ont été effectivement commercialisées.Le bilan est très positif car après paiementdes différentes dépenses, les cinq Unions degreniers villageois ont dégagé un bénéfice de7 millions de FCFA redistribué intégralementaux structures. L’intensification de la collabo-ration avec MAISCAM est envisagée pour laprochaine campagne avec des propositionspour la commercialisation de 5 000 tonnesde maïs et de 2 000 tonnes d’arachide.

Éléments issus de BRUNETEAU A., 1993.

En Guinée Conakry, une fédération de pay-sans mène des activités génératrices de reve-nus en dehors « des grandes actions que toutle monde connaît : le coton, le café, la banane,l’ananas », il s’agit de la culture d’oignons.

Nous mobiliser,nous organiser pourarriver à commercialisernous-mêmesnotre production

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR?44

La commercialisation des oignons

On s’est réuni avec les producteurs et on aeu des discussions à bâtons rompus : on afait des calculs et on a déterminé un prix derevient. Ensuite les producteurs ont fait despropositions de prix d’achat. Au niveau régio-nal, on a regroupé les commerçants de lalocalité et on leur a demandé ce qu’il fallaitfaire et avec qui traiter. Ils se sont engagés àacheter certaines quantités d’oignons locale-ment.

Nous sommes allés à Conakry négocieravec le gouvernement et les importateurs :nous avons alors arrêté les prix « rendusConakry » à 460 FG, ce qui nous permettaitde payer le kg d’oignons 330 FG au produc-teur, alors que le prix d’achat l’année précé-dente était de 200 FG. Cela paraissait facilesur le papier mais nous avons eu de mul-tiples problèmes avec nos divers interlocu-teurs.

Les commerçants locaux ont eu peur que lesproducteurs s’engagent sur leur terrain et ontpréféré s’entendre avec nous, du moins sur leprincipe. Les commerçants sont parfois desproducteurs : ils sont issus des villages pro-ducteurs d’oignons et représentent quelquechose au niveau de la base. Dans une cer-taine mesure, ils sont très proches de nous !

Extraits d’un entretien avec DIALLO P.M., Président de la Fédération des paysans de Moyenne Guinée, La Lettre du Réseau GAO n° 20.

Finalement, on ne peut que prendreconscience de la multiplicité des attentes, dessouhaits, des espoirs et des exigences quiaccompagnent l’émergence et le développe-ment des organisations paysannes et rurales.On peut penser que c’est dans la mesure oùces organisations pourront mieux connaîtreleur environnement institutionnel, leurs par-tenaires actuels et potentiels, qu’elles seronten mesure de bâtir des stratégies mieux adap-tées à la satisfaction des attentes expriméespar leurs membres.

33. Quelles fonctionspour les organisations rurales?• Les multiples rôles qu’assument ou tententd’assumer les organisations rurales sont sou-vent mis en avant comme problème central.Pourtant, cette question n’est pas nouvelle.L’absence d’investissement de l’État ou decollectivités locales disposant de ressourcessuffisantes ont obligé les paysans à trouverdes solutions à leurs problèmes.

Compenser les carences de l’État

« Devant la carence de l’État, les organisa-tions paysannes ont essayé de faire face auxproblèmes de cette zone délaissée (Kayes),construisant des cases de santé communau-taires et même un hôpital, gérant les péri-mètres irrigués dans la région du fleuve etconduisant diverses actions dans le domainesocial et agricole. Il n’est pas normal qu’unÉtat ne se préoccupe pas des écoles, desstructures de soins ou des travaux d’intérêtcollectif, et l’un de nos buts est d’amener lespouvoirs publics à s’engager plus avant dansle développement de notre région » Lakamy SIMA, dirigeant de l’ORDIK, région de Kayes, Mali.

• Les bailleurs de fonds et beaucoup d’orga-nismes d’appui appellent de leurs vœux uneclarification dans les fonctions des organisa-tions paysannes et souhaitent une redéfini-tion de rôle de l’État (liée à unedécentralisation et la création de collectivitéslocales) mais :

« Il est encore trop tôt pour procéder à cetteredéfinition. A Mali-sud, parler de décentrali-sation, c’est d’abord essayer de définir lespriorités pour la zone, la première étantactuellement de résoudre le problème de l’ap-provisionnement. Cela étant, je crois qu’avantde s’engager dans la voie de la décentralisa-tion, il faut mettre en place les moyens d’ac-compagnement indispensables à sa réussite,car décentraliser pour décentraliser n’a pasde sens : le processus ne saurait être imposésans que la nécessité s’en fasse sentir et queles conditions favorables à sa mise en œuvresoient réunies » BERTHE B.A., Président du SYCOV, Mali.

Faut-il séparer« la fonction

économique »et « la fonction

d’intérêt collectif »?

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR? 45

On observe aussi le fait que certaines OPR :

« Sont porteuses d’un “projet professionnel”qu’elles définissent d’une façon plus large quecertains intervenants extérieurs : exerçant desfonctions techniques et économiques, elles seveulent aussi investies d’une mission de“défense des intérêts des producteurs” et ceciqu’elles prennent une forme syndicale ouassociative »

BERTHOME J. et MERCOIRET M.R., 1993.

En toile de fond de ces débats et de ces prisesde position en faveur de telle ou telle évolu-tion des organisations rurales villageoises, ontrouve la question de leur statut et du rôlequ’elles pourront jouer dans la société locale.Plusieurs positions existent et surtout plu-sieurs attitudes ou démarches co-existent.

En gros, il y a les partisans de la « séparationrapide des fonctions » (fonction économiqueet fonction d’« intérêt collectif ») et ceux d’unaccompagnement plus attentif des évolutionset des problèmes spécifiques. Ces deux écolespeuvent se retrouver parfois sur les objectifsde fond, mais se séparent souvent sur ladémarche et les rythmes à suivre.

Les questions pour l’avenir tournent alorsautour de l’articulation entre ces futuresorganisations : celles à caractère purementéconomique et celles à caractère plus social etpolitique de « collectivités territoriales ». Ledébat sur les fonctions assumées par les orga-nisations paysannes est donc à relier à celuisur la décentralisation des pouvoirs publics etde la mise en place de collectivités territo-riales.

Des intervenants imaginent alors des modesd’accompagnement pour favoriser une clari-fication dans la réalisation des diverses tâchesau village :

L’AV va-t-elle s’occuper de tout dans le village?

L’AV (association villageoise) peut effectivementaider et encourager toutes les actions de déve-loppement : aussi bien celles qui concernenttout le village (un forage, une école...) que cellesqui ne concernent qu’un groupe (un périmètreirrigué, un moulin...) ou même une famille ouun individu (équipement d’un forgeron).

Les principes à observer sont donc les suivants :• Une AV peut tout promouvoir avec l’accord del’assemblée générale.• Les affaires qui touchent au bien commun duvillage relèvent par nature des responsabilitésde l’AV. Elle est souvent obligée de s’en occupertotalement et directement au début, mais elledoit chaque fois que c’est possible, confier toutou partie de la gestion aux personnes les plusdirectement intéressées.• Pour les affaires qui ne concernent que lesgroupes ou les individus, l’AV ne doit se mêlerde leur gestion qu’à deux conditions : si on lelui demande, et si elle est capable de les gérermieux qu’eux.

Extraits de ACODEP, 1993.

Respecter les rythmes et la diversité des situations

L’Association Villageoise est une sorted’équipe sociale qui ne devrait pluss’occuper des activités économiques.Celles-ci devraient relever de groupesautonomes qui seront comme desgroupes d’intérêt, des entreprisesinternes au village travaillant de façonresponsable en étant des prestatairesde services. Dans un tel schéma, l’AVpourrait se centrer sur les investisse-ments d’intérêt collectif en étantcomme l’autorité politique du village.Actuellement, de tels groupes exis-tent dans les villages mais ils dépen-dent encore des AV.Toutefois, il serait malvenu de systémati-ser les évolutions en cours actuellementsur le terrain, en hiérarchisant, en tissantun réseau, en fixant un cadre qui ne peutêtre qu’artificiel. Pour le moment il suffitde les comprendre et de mettre en placeles outils nécessaires pour les accompa-gner.

MOINEAU J., cité dans DAGNON G., 1992.

Fonctionséconomiqueset/ou fonctionssociales : un dilemmeau sein des OP à dimensionvillageoise, mais aussidans les unionset fédérations

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On retrouve ce débat lorsque l’on dépasse leniveau du village pour atteindre celui de larégion ou du pays.

CONFUSION DES GENRESOU ADAPTATION AUX BESOINS?

Nombre d’organisations paysannes structuréesà l’échelon départemental, régional et nationalse perçoivent et agissent à la fois :• Comme des structures de représentationdes producteurs/adhérents, investies de la mis-sion de « défendre les intérêts » des paysans etdans un premier temps de conquérir un espacede négociation dans un cadre officiel, qui dumême coup consacrera la reconnaissanceexterne de leur légitimité.• Comme des structures d’appui chargées decréer et de faire fonctionner des dispositifs opé-rationnels d’information, formation, conseilagricole et en gestion...• Comme des structures économiques char-gées d’organiser l’amont de la production etl’aval soit directement (services gérés et crééspar l’organisation), soit indirectement (appui àla création d’entreprises de service autonomes).• Comme des structures à vocation socialedevant s’occuper de tâches de service publicd’intérêt général (éducation, santé, entretiendes pistes...), que ni l’État ni les collectivitéslocales sont en mesure d’assumer.

Cette confusion des genres peut apparaîtreregrettable, vue de l’extérieur... Elle s’expliquecependant dans maints cas par la réalitéactuelle des organisations paysannes :• D’abord, les leaders paysans formés ne sontpas si nombreux que les organisations puissentse permettre de les disperser entre des struc-tures différentes.• Ensuite, les organisations ne sont souventpas encore assez solides pour accepter de bonnegrâce de faire fonctionner de façon séparée desstructures professionnelles, économiques et detype revendicatif. Consciemment ou incons-ciemment, dans les efforts qu’ils déploient pourentraîner l’adhésion des producteurs, les lea-ders sont amenés à prouver l’efficacité de l’or-ganisation dans tous les secteurs dans lesquelsil existe des demandes ou des attentes des pay-sans. Or, ceux-ci ne segmentent pas leurs pro-blèmes; ils les perçoivent, à juste titre souvent,comme liés et se reconnaissent donc plus aisé-ment dans une organisation unique qui s’ef-force de chercher des solutions aux problèmesqui se posent dans tous les domaines.

Extraits de BERTHOMÉ J. et MERCOIRET M.R.,le Courrier de la Planète n° 18, 1993.

Ces quelques éléments ne permettent biensûr pas de trancher ce débat multiforme dontles termes sont différents selon les pays, lesrégions et les histoires locales.

• Le débat sur la séparation des fonctionsn’est pas purement intellectuel. Il est aussi leproduit de la confrontation de plusieurs cul-tures, de plusieurs logiques économiques etsociales.

Les tensions entre les fonctions économiques et les autres fonctions

Ces tensions existent dans beaucoup d’asso-ciations qui sont aujourd’hui commetiraillées : elles s’expriment en résumé par ledilemme : solidarité versus rentabilité (...)... Au-delà du discours, la solidarité en Afriquede l’ouest dépasse largement l’acte volontairede sympathie, d’encouragement, de généro-sité qu’elle signifie pour une personne occi-dentale. Pour les membres des associationspaysannes, la solidarité n’est pas seulementun sentiment de compassion, ni même unacte de générosité. La solidarité entre lesmembres des familles, des villages, du groupesocial et souvent ethnique, est un réseausolide de liens et de conduites auxquels l’indi-vidu n’échappe pas (...)... Dans un contexte de rareté des ressources,en particulier des ressources financières, ilexiste, au profit de la sécurité du groupe, unepriorité d’usage des ressources en vue d’assu-rer la solidarité immédiate. Cette priorité faitqu’il est rare qu’un groupement puisse épar-gner et investir de façon suffisamment impor-tante et stable, afin de procéder à laformation d’un capital et ensuite d’accumulerce dernier (...)... La coexistence entre des objectifs de renta-bilité économique et de bonne gestion finan-cière et des objectifs de solidarité sociale estdifficile, car les finalités poursuivies et les cri-tères d’analyse de ces deux modes d’organi-sation sont profondément différents.

Extraits de PELLOQUIN M. et LECOMTE B., 1993.

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34. La complexificationdes appuis aux organisationspaysannes : vers de nouvellesrelations entre partenaires

Comme nous avons pu le voir, la multiplica-tion des partenaires des organisations pay-sannes ne se traduit pas par unesuperposition d’intentions et de pratiquesdifférentes. Point central de plusieurs atten-tions, les organisations paysannes tendent àêtre le lieu de création, dans le meilleur descas, de nouveaux rapports de coopérationbasés sur une plus grande confiancemutuelle, un respect de l’autre et un engage-ment dans la durée.

On peut citer le cas de la FONGS au Sénégal,qui lors d’une rencontre avec ses différentspartenaires, leur a proposé de travailler selonles mêmes procédures au lieu d’agir demanière cloisonnée.

Ces nouvelles formes de coopération sontparfois le fruit d’expériences douloureuses,de rapports difficiles entre organisations pay-sannes et organismes d’appui. C’est alors lapermanence de l’accompagnement et la capa-cité d’écoute mutuelle qui peut permettre dedébloquer des situations et d’inventer denouvelles pratiques de travail.

Le « triangle des Bermudes » des responsabilités

Dans les relations tripartites entre un orga-nisme étranger de financement, un organismelocal d’appui et une organisation paysannebénéficiaire, l’organisme de financement meten général les fonds à la disposition de l’orga-nisation paysanne, mais via un organismelocal d’appui qui joue à la fois le rôle deconseiller/formateur et celui de contrôleurgarant de la bonne marche du projet : undouble rôle ambigu.Du point de vue des bailleurs de fonds, l’or-ganisme d’appui est rendu solidaire des éven-tuels dérapages au niveau des paysans. Dupoint de vue des paysans, l’organisme d’appuiest solidaire des bailleurs de fonds quand il ya des retards ou des difficultés, et il n’est pasrare qu’il soit directement soupçonné d’avoirdétourné une partie des fonds aux dépens del’organisation paysanne. En pratique, en casde problème, chaque partenaire à la possibi-lité de choisir l’un des deux autres commebouc émissaire (...) finalement, dans ce jeu,les trois partenaires ont toujours la possibilitéde se renvoyer mutuellement la balle et seretrouvent ainsi irresponsabilisés.

Extraits de SAILD, 1994.

Dans ces nouvelles relations qui se tissent, lacréativité et la souplesse sont sans doute lesdeux facteurs décisifs dans la possibilitéd’établissement de nouveaux rapports res-pectueux de l’autonomie des organisationspaysannes.

Changer d’approche

Nous avons alors tenu fin 90 unForum avec l’ensemble de nos parte-naires du Nord et des représentantsde quatre Ministères. On a alors dit ànos bailleurs de fonds ce qu’on pensaitde la situation et on leur a proposé unplan triennal. On leur a dit qu’il fallaitchanger d’approche. Cela a beaucouptouché nos partenaires du Nord quinous ont dit : « Nous sommes prêts àaccepter ce que vous nous proposez, qu’iln’y ait qu’une seule formulation de tousles projets, de tous les rapports etcomptes rendus ». Nous leur avons dit :« Choisissez la personne qui fera votreaudit et nous, nous ferons un audit avecquelqu’un du sud ». Le gouvernement aaussi été très sensible au fait de voirles paysans s’exprimer.

Extraits d’un entretien avec SY A., Secrétaire général de laFONGS, La Lettre du Réseau GAO n° 16.

Mieux se connaître,se respecter plus,collaborer autrement :pour un appuiaux OPR plus efficace

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RÉSEAU GAO. 2. Que pourraient être demain les OPR ? 48

Vers une relation circulaire

Les rapports entre les bailleurs de fonds, lesorganismes d’appui et les OP devraient passerd’une relation linéaire à une relation circulaire,selon le souhait de certains organismes d’appuiprésents à une rencontre internationale réunis-sant les trois familles d’acteurs. Pour y arriver,ils ont cité plusieurs conditions parmilesquelles :• Rechercher une compréhensionmutuelle : chacun doit pouvoir comprendrel’autre comme il est, et non comme il devraitêtre.• Aménager des espaces communs dedécision.•Se respecter mutuellement, ce qui signifiecesser de jouer aux patrons (les bailleurs defonds), aux sauveurs (les organismes d’appui),ou aux victimes (les OP).•Établir un contrat entre les troisfamilles et non plus des contrats séparésbailleurs de fonds/organismes d’appui d’un côtéet OP/organismes d’appui de l’autre.

Éléments issus de SAILD, 1994.

L’évolution des pratiques de coopération et lanaissance de nouveaux rapports s’accompa-gnent d’une transformation dans les rôlestenus par les organisations paysannes : leurpouvoir de négociation se renforce (pas forcé-ment toujours au même rythme, dans chaquesituation, mais on peut penser que ce proces-sus est inexorable), elles sont de plus en plusreconnues dans leur rôle de défense des inté-rêts des paysans et des ruraux, même si lechemin de la reconnaissance est souvent par-semé d’embûches. La redéfinition des rôlesde chacun (État, organismes d’appui, OPR)amène de plus en plus l’établissement de rap-ports négociés et contractualisés entre ces dif-férents acteurs. La troisième partie, à partird’exemples concrets et de thèmes précis,tente d’apporter des éclairages sur ces trans-formations en cours.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 49

Comment accompagnerles organisations paysannes et rurales 3333

Cette partie est essentiellement composéed’études de cas concrets, de programmes ou deprojets d’appui à des OPR. Elle ne prétend pasfaire le tour de tout ce qui existe en terme d’appuiaux organisations paysannes, mais essaie, à partird’exemples concrets et actuels, de tracer des pistespour l’avenir. L’un des objectifs de ce travail estaussi de faire connaître des expériences, de favori-ser la circulation de l’information vers les personnestravaillant aux côtés des organisations paysannes.Les exemples choisis et les illustrations tentent dedifférencier, sans forcément les séparer, les élé-ments d’information de caractère technique (quelsoutils?) des éléments de caractère institutionnel(quels dispositifs?).

Ces diverses expériences se déroulent dansdes contextes qui sont souvent déterminantsdans l’évolution et les possibilités de dévelop-pement des organisations paysannes. Il est clairque l’émergence et le développement des OPRs’observent souvent dans des sociétés où sedéveloppe une plus grande participation despopulations à la vie politique et sociale.

Parallèlement à ces mutations, les dispositifsclassiques d’appui au développement sont aussien train de changer sous la pression des exi-gences de leurs partenaires et des contextesnouveaux. Ces mutations ne sont pas encorecomplètes et ne s’observent pas encore par-tout : les règles de la coopération avec lemonde rural se modifient et des espaces s’ou-vrent pour la créativité sociale, politique etorganisationnelle.

Le contexte législatif est en évolution et cettedernière a une incidence sur les modes d’orga-nisation en ce sens que, comme nous allons le

voir, elle peut favoriser ou au contraire refré-ner le développement des OPR. Quant à l’ap-pui-formation et l’appui-conseil, ils ont unimpact plus direct sur la vie des OPR, car ilsinfluent sur leur fonctionnement et par consé-quent sur leur devenir.

De même, l’alphabétisation et la comptabi-lité/gestion conditionnent le fonctionnementdes OPR. Pour permettre à ces dernières dese donner les moyens d’atteindre leurs objec-tifs, les organismes d’appui essaient, avec plusou moins de bonheur, de faire évoluer leursapproches et leurs démarches. Ce constat estaussi valable en ce qui concerne les modes definancement.

Cependant, nous verrons qu’en dehors desorganismes d’appui précités, certaines OPRont d’autres interlocuteurs pour la simple rai-son qu’elles sont englobées au sein de filièresqui sont par ailleurs en train de se restructurer,ce qui entraîne des changements dans les pré-rogatives des OPR et dans leurs besoins enappui.

Enfin, nous essayerons à travers quelques casd’illustrer les évolutions ou les orientations desorganismes d’appui dans le renforcement dupouvoir des OPR à dimension régionale ounationale.

Les quelques expériences et témoignages, par-fois livrés dans le désordre, ne feront pas icil’objet d’analyse. Ce sont des démarches, desoutils nouveaux -ou plus simplement des ques-tionnements de pratiques anciennes-, que demultiples acteurs expérimentent, contribuantainsi, à leur niveau, à construire les bases d’undéveloppement plus respectueux des aspira-tions des ruraux africains.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?50

1111Quels statuts et quelle législation

pour les groupements?

Les statuts et les lois régissant l’organisationdu monde rural sont souvent issus des pra-tiques de droit conçus dans les sociétés duNord. Instituées après les indépendances, leslégislations coopératives ont fréquemmentconsacré et légitimé l’ingérence de l’État dansdes structures qui, théoriquement, sont pri-vées.

• Actuellement, le processus de désengage-ment de l’État et la recherche de formes decoopération plus directes avec la société civileexhortent les bailleurs de fonds à mettre enplace, souvent malgré la résistance des admi-nistrations locales, des cadres juridiques plussouples et mieux à même de garantir l’indé-pendance des OPR.

La nouvelle législation coopérativeau Cameroun

L’ancienne loi donnait une place déterminanteà l’État dans le fonctionnement des coopéra-tives : l’État nommait les directeurs descoopératives et, par le service Coopmut, exer-çait un contrôle étroit de l’activité de cescoopératives. Les bailleurs de fonds ont insistépour changer cet état de chose et ont favo-risé l’élaboration d’une nouvelle loi, l’enjeuprincipal étant le degré d’autonomie desorganisations rurales vis-à-vis de l’État.

La nouvelle loi précise bien que les coopéra-tives sont des entités de caractère privé. Leseul lien maintenu avec l’État est la néces-saire inscription des coopératives au registre.Qu’elles soient nouvelles ou anciennes, lescoopératives doivent satisfaire un certainnombre de conditions pour être enregistrées,ceci dans un délai de 18 mois après la pro-mulgation de la loi. Dans la réalité, ce proces-sus d’enregistrement a pris beaucoup deretard, ce qui questionne sur la cohérenceentre l’application de la loi et la mise enœuvre des programmes d’accompagnement.Une des originalités de cette loi réside dans lestatut de GIC (Groupement d’Initiative Com-

mune), qui est une formule légère et souplepermettant à un groupe d’obtenir une recon-naissance juridique dans la durée. A la diffé-rence du GIE (Groupement d’IntérêtÉconomique) où les individus sont personnelle-ment responsables des fonds gérés, le GIC estune personne morale. Parallèlement, le statutsur les GIE a été adopté fin 1993 venant com-pléter la panoplie existante de cadres juridiquesqui s’offre aux organisations paysannes (avecnotamment le statut associatif).Éléments recueillis auprès de BEAUDOUX E., IRAM, 1994.

• Il est intéressant de constater que l’élabora-tion de cadres juridiques formels consommebeaucoup d’énergie des bailleurs de fonds etdes organismes d’appui alors que d’autresquestions statutaires, vécues comme centralespar les organisations paysannes, ne sontjamais évoquées lorsque l’on parle d’appuiaux organisations. Il s’agit des règles et pro-cédures au sein des groupements (règlementintérieur) qui peuvent être déterminants entant que modes de régulation des équilibres,par exemple entre jeunes et vieux (exemplede la création de deux bureaux pour per-mettre la libre expression des problèmes puisune confrontation entre les deux).

Cette remarque n’a pas pour but de critiquerle travail important de construction d’uncadre légal, mais simplement de le relativiserpour réfléchir à une meilleure allocation desressources d’appui aux organisations face àleurs priorités. On pourrait aussi citerl’exemple de l’organisation des planteurs decafé de Guinée Conakry, constituée depuispeu en une fédération, qui s’est engagée dansla commercialisation de sa production sansaucun statut légal. Cette absence de statutsest un frein à leur autonomisation, et ils sontobligés de passer par un tiers pour pouvoirétablir des contrats avec les « traiders ».A un moment donné de son existence, uneorganisation paysanne doit se donner un sta-tut. C’est le moyen d’être reconnue commeune personne morale et d’exercer les fonc-tions pour lesquelles elle a été constituée.

Aider les OPRà s’approprier les cadres

législatifs pour en fairedes outils à leur portée,

ou imaginer avec euxde nouveaux cadres

plus appropriésà leurs besoins?

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 51

Lorsque l’on parle d’appui et d’accompagne-ment aux OP, on évoque invariablement laformation, l’information, l’alphabétisation,la comptabilité/gestion, sans que ces termessoient mieux précisés et que les véritablesenjeux soient débattus. On joue ainsi sur lesmots (appui/formation, appui/conseil,alphabétisation fonctionnelle, comptabilitésimplifiée...).

21. Organisations paysannes,appui/formationet information

Le trait commun à tous les intervenants estpeut-être celui d’affirmer vouloir répondreaux « besoins de connaissances » des organi-sations paysannes. La question est alors desavoir comment se sont élaborés ces besoinsque l’on prétend percevoir? Il est sans doutenaïf de penser que les besoins s’expriment sursimple demande et sans a priori lié à celui quiles suscite. Le temps, la connaissancemutuelle et la clarté dans les objectifs de cha-cun sont sans doute les ingrédients néces-saires pour la construction d’activités viablesrépondant aux attentes d’un groupe.

211. Informer les paysans : de quoi parle-t-on?

La question de l’information revient réguliè-rement lorsque l’on évoque les « besoins »des organisations paysannes. Mis à part ceconstat, les points de vue ne sont plus forcé-ment convergents sur la façon d’y accéder,son utilité pour répondre à des besoins, etc.

L’information doit être rapidement utilisablesinon elle se perd et les personnes ne mobili-sent plus d’énergie pour continuer à se la pro-curer. Un premier type d’information, donton peut penser qu’il est directement utile auxproducteurs, est l’information sur les prix et

marchés. C’est en général celle à laquelle onpense lorsqu’on envisage d’appuyer les organi-sations de producteurs. Outre les systèmescomplexes et institutionnalisés d’informationsur les marchés (notamment au Mali), il estintéressant d’observer comment des organisa-tions et ceux qui les appuient mettent en placedes mécanismes d’information sur les prix.

LA POLITIQUE COMMERCIALE DESPRODUCTEURS DE CAFÉ EN GUINÉE

La politique de vente cherche à formaliser lesystème de décision d’achat et de vente du café.Ce système doit s’appuyer sur un circuit d’in-formation sur les prix aux différents lieux demarché, c’est-à-dire aux cinq niveauxsuivants :•Prix du marché mondial donnant des indica-tions sur un prix potentiel à Conakry (P1).•Prix au marché de Conakry, c’est-à-dire prixpratiqué par les exportateurs (P2).•Différentiel entre Conakry et les Unions deZones (Union de groupements) qui centralisentle café à l’expédition, et les groupements.•Prix au marché des chefs-lieux de préfecture(acheteurs) (P3).•Prix au marché hebdomadaire du village(P4).

Le prix P1 permet de négocier sur une baseobjective avec les exportateurs : il est fourniaux OP par la société d’appui (Projet RC’2). Leprix P2 est disponible par contact régulier avecles exportateurs. Ils peuvent être transmis parradio dans les zones de production. Le prix P3est connu des responsables d’Unions de Zones(UZ) et P4 est connu des groupements.

Sur cette base, l’organisation estime ses oppor-tunités de ventes en comparant les prix avec lescoûts élémentaires des opérations commerciales(pas seulement le transport) et choisit de com-mercialiser en forêt (P3) ou à la capitale (P2).Il est important de montrer aux acheteurslocaux que si le prix proposé est trop faible,l’alternative existe pour les planteurs d’allervendre ailleurs.

2222Le fonctionnement des OPR

L’information,un outil de négociationindispensablepour les producteurs

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?52

Cette politique doit intégrer comme critère pre-mier la nécessité de faire tourner les fonds desgroupements et des UZ le plus rapidement pos-sible : c’est sur cette base que l’organisationmaximisera son profit et surtout limitera lesrisques (pas de spéculation).

Un représentant de la profession assure àConakry la transmission des informationsnécessaires et les contacts avec les exportateurs.Il pourra conclure des contrats avec eux surinstruction des Unions de Zones.

Extraits de SOCA’2, 1993.

Cet aspect de l’information sur les prix revêtun caractère vital pour les organisations pay-sannes évoluant dans le cadre d’une filièreorganisée. L’information devient alors unenjeu de pouvoir dans les rapports entreagents de la filière.

Au Mali, les systèmes d’information sur lesmarchés fournissent par radio les prix descéréales sur les principaux marchés du pays.Ces diverses expériences concourent toutes àl’objectif qui est une meilleure organisationdes marchés, une plus grande transparencedans les relations entre agents économiques,et toutes les conditions qui doivent permettreaux organisations paysannes de mieux maî-triser leur environnement économique.

On ne dira jamais assez l’importance actuellemais surtout potentielle de la radio dans l’in-formation des ruraux. Si la radio est un projetassumé localement et dans lequel les rurauxpeuvent s’identifier, elle peut devenir unpuissant outil de désenclavement et de ren-forcement des liens entre paysans, pouvantcontribuer utilement au meilleur fonctionne-ment des organisations paysannes. Cetteinformation peut être de nature interne (choixet maîtrise des activités, gestion...), ou denature externe (le marché régional, le marchémondial pour les produits d’exportation...).

Si l’idée n’est pas neuve, son application dansun cadre associatif libéré de toute tutelle del’État est récente. De même, le risque d’untrop grand didactisme a rarement été évité :la radio rurale devenant trop éducative, pasassez vivante et ne reflétant pas les aspira-tions des populations.

L’information a un coût : téléphone, fax; cir-culaires internes, journaux, radio locale... Ellenécessite des moyens financiers et des com-pétences pour faire passer les messages.

212. L’appui-formation aux OPR

Dans l’état actuel des choses, appui, forma-tion et conseil sont des aspects qui se combi-nent souvent dans les actions menées ouproposées en appui aux organisations pay-sannes. Cependant, pour une question decommodités et de clarté dans la présentation,nous allons dissocier l’appui-formation(aspects plus marqués sur l’utilitaire dans lesactivités, sur la technique...), de l’appui-conseil qui privilégie une démarche straté-gique.

L’appui et l’accompagnement des organisa-tions paysannes supposent une volonté derépondre à des besoins exprimés par lesbénéficiaires.

La radio rurale :une radio

pour les ruraux,par les ruraux et...pour la production

de leur propreinformation

La radio rurale de Kayes

Si l’on parle beaucoup de cette radio,c’est que c’est l’une des trois seulesexpériences connues en Afrique del’Ouest de radio privée animée direc-tement par une association composéede représentants de la population.Fonctionnant depuis 1988, cette radioa accumulé des archives qui sont desbanques de données précieuses surles villages, leur histoire et les pro-blèmes de l’agriculture dans la région.Les témoignages sont nombreux pourdire que la radio rurale de Kayes ajoué et continue à jouer un rôleincommensurable dans la formationdes ruraux, dans leur organisationsocio-professionnelle, dans leur vieculturelle.

Éléments issus de LAKE R., Amand’la n° 12, sept. 1993.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 53

Quels besoins d’accompagnementpour les organisations rurales?

On peut distinguer trois grands axes : 1. Pour chaque activité réalisée, les OP ontbesoin de maîtriser des outils et desméthodes en matière technique, comptableet économique... et globalement de maîtriserun dossier de projet dans toutes ses compo-santes.2. L’aide à la compréhension plus glo-bale d’un problème avec des conseils selonun niveau stratégique (long terme etensemble des déterminants) et technique(actions retenues pour réaliser les objectifsstratégiques) devant amener à des choixd’orientation.3. Aide à la gestion du quotidien (maté-riel, comptabilité, gestion administrative...).

A partir de cette grille et de la nature de l’or-ganisation concernée (coopérative, groupe-ment et union/fédération de groupements),les auteurs bâtissent des grilles d’objectifs enterme d’information, de formation, d’appui etde conseil.

Extraits de BEAUDOUX E. et DASCON F.,1993.

En terme de formation, on peut faire la dis-tinction entre celle de membres d’organisa-tions paysannes chargés de tâches précises, etcelle destinée aux responsables paysans. Demême les attentes des groupements peuventdifférer de celles des unions et fédérations.Mais le plus souvent, les intervenants exté-rieurs, sans doute par facilité mais aussi pourdes raisons culturelles, choisissent commeunité d’intervention le village. D’autre part,de plus en plus, le concept de la formationdans l’action est présenté comme un moyenefficace de valorisation des formationsoctroyées, cette valorisation n’étant pas systé-matique.

Les expériences de formation ne manquentpas et on voit se multiplier, en lien avec lacroissance des cadres sans emplois, de mul-tiples initiatives proposant « la meilleure for-mation pour renforcer les organisationspaysannes ». L’objet n’est pas ici d’appréciercette offre de formation mais de soulever cer-taines questions.

Une première remarque est sans doute de lierla réflexion sur le contenu des outils à ladémarche et à la méthode utilisée qui, engénéral, révèlent les rapports de force et lesconceptions que peut avoir une institutionvis-à-vis des paysans.

• Les échanges paysans sont une pratiquereconnue par beaucoup comme pouvantcontribuer utilement au renforcement desorganisations paysannes. Sans prétendrejuger de multiples expériences d’échangespaysans, il convient cependant de faire lepoint sur ces pratiques encore peu valoriséespar les bailleurs de fonds et les ONG. Distin-guons d’abord les échanges Nord-Sud deséchanges Sud-Sud. Les premiers relèventd’un ensemble de logiques complexes quipeuvent parfois en dépit des intentionsentraîner des effets pervers aussi bien auNord (concurrence entre les organismes d’ap-pui à l’égard des responsables paysans duSud) qu’au Sud (risque de couper des respon-sables paysans de leur base).

Les relations paysans à paysans

L’évaluation d’échanges paysans entre leNord et le Sud permet de faire ressortirquelques points essentiels :• La nécessité de distinguer des niveauxd’échange différents (relations spontanées,recherche d’information, formation, appuisspécialisés, réflexion stratégique...), qui néces-sitent des moyens et des compétences spéci-fiques.• La nécessité de renforcer le caractère pro-fessionnel des échanges au niveau de leurenjeu (appui à l’émergence d’une « profession

Renverser les rapports de force

Une initiative intéressante a été proposée sur un projet de réhabilita-tion de périmètre irrigué (Retail - zone de Niono à l’Office du Niger)au Mali : les cadres devaient tenir une permanence à heures et joursdéterminés pour répondre aux questions des paysans. Ce ne sont pluseux qui convoqueraient les paysans pour des réunions dont ils fixentle contenu et la périodicité. Cette idée n’a pas pu être mise en pra-tique du fait d’une résistance de la plupart des techniciens.

Efficacité et utilitéd’un programmede formation : être adapté aux OPR,et mieux encore, être défini par ou avec elles.

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agricole »), de leur stratégie (appui au mon-tage de dispositifs permanents d’appui surplace), de leurs démarches (programmation),de leurs méthodes et moyens.• La nécessité de rechercher les occasions d’uneréciprocité des échanges pour atténuer les effetspervers de relations essentiellement Nord→Sud.

Ces exigences soulèvent des questions difficiles àrésoudre :•L’articulation entre approche amicale des rela-tions (motivation essentielle pour la plupart des« militants » des groupes de base) et approche pro-fessionnelle.• L’articulation entre des actions micro-locales,bien maîtrisées par les deux partenaires et des pro-grammes plus ambitieux auxquels contribuentd’autres compétences spécialisées et des orga-nismes de financement.• La clarification de la référence (en matière d’or-ganisation de la profession et de stratégie) en fonc-tion de laquelle les français vont intervenir auSud.

Extraits de ANDA, 1992.

Les échanges Sud-Sud sont sans doute unepratique à valoriser; peut-être prioritaire-ment aux précédents. Il conviendrait sansdoute d’évaluer la portée des multiples expé-riences réalisées. On peut déjà dire que ceséchanges se font généralement dans uncadre institutionnel donné : les bénéficiairesde telle action d’une ONG (qui a réussi depréférence) sont amenés à témoigner de leurexpérience auprès de futurs bénéficiaires decette même ONG. Ces échanges sont toujoursbons à prendre mais ce ne sont pas les res-ponsables paysans qui en ont l’initiative. Cetype d’échanges est souvent finalisé. Les opé-rateurs d’appui aux organisations paysannessont-ils prêts à mobiliser des moyens pourappuyer de véritables échanges paysans?

Par ailleurs, à l’initiative du Réseau APM, deséchanges sont envisagés entre les membrespaysans de APM-Afrique et ceux de APM-Amérique Latine.

ÉCHANGES ENTRE CONTINENTS?

On peut citer un projet non encore réalisé maisqui semble prometteur : dans le cadre de l’ap-pui à la filière café en Guinée, les producteursse sont rapidement organisés pour prendre encharge une partie de la commercialisation deleur produit. Cette dynamique les a amenés àêtre en contact direct avec des exportateurs etdes traiders. Cette prise de responsabilité, jugéerapide par certains, a permis aux producteursde comprendre les mécanismes principaux del’opération commerciale. Dans le cadre du pro-jet qui appuie cette démarche, des échangessont envisagés avec la fédération des caféicul-teurs de Colombie. Si ces échanges sont permisgrâce à une structure extérieure, on peut pen-ser que ce genre de relations entre organisa-tions structurées autour d’intérêts similairespeut être porteur de beaucoup de résultats.

Depuis une dizaine d’années, la Fédérationde l’Union des groupements Naams au Bur-kina Faso mandate chaque année 10 paysansou paysannes, qui effectuent pendant deux àtrois mois un stage dans des familles pay-sannes de l’Ouest de la France (AFDI, Pays deLoire). La plupart des anciens stagiaires sontperçus dans leur milieu comme des « locomo-tives » du développement, dans le Yatenga.

Ainsi, la formation, par l’amplitude de cequ’elle recouvre, est un enjeu important dansle développement des OPR. Elle est parfoisvue comme un simple moyen de transmettredes compétences techniques, mais peut êtreaussi un puissant moyen d’émancipation enélargissant l’horizon des « formés » et en leurdonnant les armes pour dialoguer et négocieravec leurs partenaires. Ces deux facettes de laformation sont complémentaires et peuvents’articuler intelligemment.

La formation se réalise dans le cadre de jour-nées, sessions ou séminaires dans la zone del’organisation paysanne, mais aussi par desstages ou voyages d’étude à l’extérieur de lazone d’activité.

RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?54

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 55

213. L’appui-conseil aux OPR

Dans l’état actuel des choses, on peut poser laquestion de l’ajustement entre les besoinsressentis des organisations paysannes etl’offre de formation qui leur est proposée.Cette offre reste en général classique : apportde connaissances dans des réunions ou ren-contres dans lesquelles participent des per-sonnes extérieures. Ces pratiques, si elles sontefficaces pour répondre à certains besoins,s’avèrent mal adaptées à des nouveauxbesoins des OP (capacité de négociation,capacité d’action économique et commer-ciale...).

Par ces formations classiques, les respon-sables paysans doivent s’adapter à ce qui leurest proposé, ils doivent se couler dans lemoule du discours de celui qui les forme oules conseille. Même si cette formation est réa-lisée avec le plus grand souci de faire s’expri-mer les participants et de les associer à laconception des outils de formation, il n’enreste pas moins que les responsables paysanssont obligés de se mettre sur le terrain desautres, des personnes extérieures.

Rares sont les exemples où ce sont les organi-sations paysannes elles-mêmes qui se don-nent les moyens de rechercher et d’adapterles appuis qui leur sont nécessaires. Ilconvient donc de signaler une expériencenouvelle qui, par sa démarche respectueusede la volonté des organisations paysannes,est sans doute porteuse d’avenir à conditionqu’elle soit appliquée telle qu’elle a été défi-nie.

La cellule d’appui des organisationspaysannes du Mali

La cellule d’appui n’est pas une nouvelle orga-nisation mais doit aider les organisations pay-sannes (OP) à se cimenter si elles le désirent.Elle n’est qu’un outil et s’il n’y a pas de mainpour le tenir, cet outil sera inutile. Une com-mission paysanne regroupant des représen-tants d’organisations paysannes de 7 régionsdu pays s’est constituée en décembre 1993.C’est elle qui devrait orienter les activités de lacellule en fonction des besoins des OP.

La cellule doit faciliter l’information entreles OP : elle peut réunir des informations sur« qui fait quoi » et avoir une banque de don-nées accessible aux OP. Elle doit permettrede valoriser les acquis de certaines organisa-tions (radio rurale de Kayes). Les OP doiventdéterminer leurs propres besoins en forma-tion avant de demander un appui extérieur. La cellule n’est pas un organisme financiermais doit avoir les moyens de fonctionner.Quand les OP verront un réel intérêt, ellesparticiperont au financement des rencontres.Pour le moment, il s’agit de financer deséchanges et des partenaires ont été contac-tés. La cellule peut ajouter des pistes derecherche à celles que les OP connaissentdéjà, pour avoir plus de facilités à trouver desfinancements.

Extraits de AFDI, 1993.

Dans la même optique d’émancipation desOPR, on peut citer une stratégie responsabili-sante déjà expérimentée dans plusieurs pays.

LA RESPONSABILISATIONCOMMUNAUTAIRE

Cette approche tente d’appréhender sous uneforme intégrée les différentes fonctions assu-mées par les paysans au sein de leur terroir(d’abord en tant que responsable de famille,puis en tant que citoyen, producteur agricole,et parfois simultanément, commerçant, artisan,etc.), dans le but d’améliorer les conditionsd’existence du groupe dont ils ont la charge.L’appropriation de la stratégie est proposée auxcommunautés fonctionnelles de base, celles desfamilles, des quartiers, des associations villa-geoises, et parfois de leurs groupements multi-fonctionnels plus larges, dans le but de piloterpar elles-mêmes les différentes étapes de cetteamélioration, en fonction de leurs capacités,actuellement reconnues ou potentielles, et despriorités qu’elles se donnent.

La mise en œuvre de la stratégie passe par l’ap-prentissage d’un instrument : la méthode dela programmation communautaire. Cetteméthode est apprise par des représentants del’ensemble des catégories sociales, désignés par

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?56

la communauté pour constituer, auprès de l’or-ganisation communautaire officielle, un Comitéde Développement Villageois qui pratique larétro-information. L’apprentissage de ces délé-gués -et déléguées-, qui se mène conjointementavec celui des techniciens -lesquels découvrentcette méthode de formation, et d’organisationde l’appui, souvent en même temps que la com-munauté-, intéresse :• Les techniques d’appréciation et de hiérarchi-sation des problèmes ressentis par la commu-nauté, lesquels sont présentés la plupart dutemps sous un angle inter-sectoriel qui dérouteles techniciens.• Celles d’analyse de ces problèmes, conduisantà dégager les solutions qui paraissent à la com-munauté les plus adaptées aux conditions spé-cifiques rencontrées, la normativité techniquedemeurant au service de cette vision.• Celles de l’organisation pratique en vue de lamise en œuvre des activités, aussi bien fami-liales que plus largement communautaires, quipermettent d’atteindre les objectifs que la com-munauté se fixe.

L’appui à l’initiation, puis au développementde cette stratégie responsabilisante, est apporté,au cours de diverses expériences qui se dérou-lent au Mali, au Niger et en Guinée, par l’UNI-CEF : cet intérêt s’explique par le fait que cetorganisme recherche des systèmes plus effi-cients de participation communautaire auxSoins de Santé Primaires, tandis que nombrede communautés accordent une priorité d’ur-gence aux problèmes de santé, d’éducation, etproduction alimentaire. Les autres structuresd’appui, qui s’intéressent à cette stratégie réel-lement contraignante pour elles (programma-tion des appuis ex-post, appui matériel secontentant de compléter, en cas de besoin, l’ef-fort interne de la communauté, position derepli progressif des conseillers, à la suite de laformation), s’associent progressivement à l’ap-proche, le succès de laquelle exige une coordi-nation de l’appui.

Extraits de JAMET S., texte rédigé pour le Réseau GAO,décembre 1994.

En réalité, les actions envisageables par lesacteurs et leurs organisations sont tellementdiverses que les programmes d’accompagne-ment doivent combiner plusieurs types d’ap-pui. Beaucoup d’ONG d’appui, par exemple

le SAILD et INADES au Cameroun, mettenten place ce genre de programmes. Ils sontnégociés car les actions à mettre en œuvresont décidées par les producteurs et doiventmobiliser tous les acteurs locaux (techniciens,agents des ONG, responsables paysans...).

Un programme d’accompagnement à négocier

Le rôle d’appui peut être de quatre types :

1. Information des producteurs, non seulementtechniques et agronomiques, mais aussi commer-ciales, juridiques, etc.2. Conseil sur les options à prendre pour lesinvestissements, les temps de travaux, etc., cesconseils selon la complexité du thème pouvant êtreindividuels ou collectifs, (...)3. Appui proprement dit, sous forme de démons-tration mais aussi par exemple d’étude sur lesdébouchés d’une production ou de premier contactavec un acheteur...4. Formation des producteurs concernés ou deresponsables, qui vont souvent prendre la formed’échanges paysans. L’objet de la formation despaysans étant prioritairement technique et écono-mique (gestion), mais portant aussi sur l’informa-tion commerciale, la législation, etc.

Extraits de BEAUDOUX E., 1994.

La formation plus technique et « à la base »est le terreau souvent indispensable danslequel les mouvements paysans peuvent pui-ser leur force. A ce titre, l’alphabétisation etles formations à la comptabilité/gestion sontaussi des outils incontournables dans l’ac-compagnement à l’émergence d’OPR solides.

22. L’alphabétisationet la comptabilité/gestiondans les groupements :

Bien qu’elles soient présentées séparémentici, l’alphabétisation et la comptabilité/ges-tion sont souvent étroitement articulées dansla pratique.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 57

221. L’alphabétisation

Quelle que soit la nature de l’organisationpaysanne ou la région dans laquelle elle setrouve, la question du degré d’alphabétisa-tion est constante. Que cela soit en accompa-gnement à d’autres activités ou dans le cadred’un programme spécifique, l’alphabétisationest une des bases de la formation et du déve-loppement local. Sans rentrer dans le détailde ce type de programme, il est intéressantd’en identifier quelques aspects principaux etde voir quelles sont les questions qui seposent aujourd’hui lorsque l’on parle d’al-phabétisation et d’organisations rurales.

Voici quelques éléments tirés des réflexionsde Francis SIMONIS, suite à une missiond’évaluation de sessions d’alphabétisationfonctionnelle en langue bambara des popula-tions Minianka de la région de Koutiala auMali.

L’ALPHABÉTISATIONFONCTIONNELLEFONCTIONNE-T-ELLE?

• L’alphabétisation se fait dans une langue ver-naculaire qui est souvent différente de lalangue maternelle, ce qui pose le problème dubilinguisme.

• Les systèmes d’écritures utilisés sont incom-patibles avec les machines à écrire disponibleslocalement.

• Les résultats des formations sont considéra-blement surévalués.

• La soif de connaissance des paysans nemarque pas tant une volonté de s’ouvrir sur lemonde extérieur que le désir de s’en protégeren en déjouant les principaux pièges. Les agri-culteurs Minianka attendent ainsi de l’alphabé-tisation qu’elle leur permette de vérifier que lescadres de la CMDT ne les flouent pas lors desremises d’engrais et des achats de coton.

Dans le but d’adapter au mieux les pro-grammes d’alphabétisation à l’émergenceet au renforcement d’organisations de pro-ducteurs, il me semblerait utile de :

• Réaliser une solide étude historique desactions entreprises au cours des trente der-nières années. Cela permettrait d’en tirer lesenseignements et éviterait de « découvrir » des

idées expérimentées il y a des années, maisaujourd’hui tombées dans l’oubli.

•Abandonner purement et simplement les sys-tèmes d’écriture qui utilisent des lettres nefigurant pas dans l’alphabet latin.

•Confier la conception et la mise en place desformations à des responsables qui ne soient nides techniciens, ni des responsables agricoles.Le concours de bons instituteurs, possédantune solide pratique pédagogique, me sembleindispensable.

•Assortir la formation de la rédaction d’unjournal (même une modeste feuille), qui soitécrit par les paysans avec l’aide des formateurset leur permette de s’exprimer et de produiredes textes. Ceux-ci devraient pouvoir aborderles sujets les plus variés et non plus les sempi-ternels thèmes techniques ou institutionnels(lutte anti-érosive, inauguration du vingt-cin-quième séminaire annuel des coupeurs de che-veux en quatre) qui ennuient les populations.Quel paysan n’a jamais appris à lutter contrel’érosion en lisant un journal, et qui ne s’estjamais intéressé à un article décrivant par lemenu un stage qui ne passionne que sonconcepteur? Ce qui est important, c’est que lespaysans rédigent eux-mêmes un journal quireflète leurs préoccupations et les pousse àécrire et à lire, en dehors de toute préoccupa-tion pratique. L’apprentissage de la lecture etde l’écriture est complexe et ne peut réussir quesi les élèves y prennent un réel plaisir. Il seratemps, un jour, d’utiliser les compétences nou-vellement acquises pour diffuser les savoirs,mais pas avant que les techniques de base nesoient solidement assimilées.A vouloir trop être fonctionnelle, l’alpha-bétisation risque de manquer les objectifslouables qu’elle se fixe.

•Permettre aux nouveaux lecteurs d’accéder àdes écrits riches et variés et de pouvoir utiliserleurs compétences dans leur vie quotidienne.Cela passe sans doute par l’utilisation deslangues locales dans les documents administra-tifs à parité avec le français. L’inverse risque-rait en effet de créer une populationalphabétisée déclassée qui se sentirait injuste-ment défavorisée par rapport aux élèves del’enseignement primaire classique, avec tous lesrisques de tensions sociales qui pourraient enrésulter.

Éléments tirés SIMONIS F., texte rédigé pour le RéseauGAO, décembre 1993.

Accéder à une alphabétisationréellementfonctionnellepour mieux gérerles relations

avec l’extérieur

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?58

Certains opérateurs conditionnent leur appuià une participation obligatoire à des pro-grammes d’alphabétisation : c’est le cas parexemple du programme ACODEP (BIT/PNUD)au Mali.

De plus en plus se pose le problème de laprise en charge financière de l’alphabétisa-tion. Dans la zone cotonnière du Sénégal, lacompagnie cotonnière pose la question decette prise en charge : les producteurs pren-nent parfois à leur charge les frais des alpha-bétiseurs constitués en GIE.

222. La comptabilité/gestiondans les groupements

La comptabilité est souvent une entrée pourl’appui et l’accompagnement au développe-ment des groupements, principalement dansles régions à cultures commerciales. Un desexemples les plus connus est celui de Mali-sud où le travail d’appui aux groupements a,depuis de nombreuses années, comporté unvolet « appui à la comptabilité ». Commedans beaucoup d’autres régions, l’appui à lacomptabilité s’articule à l’alphabétisation.

L’hypothèse, qui est sous-jacente à la straté-gie d’alphabétisation-formation intensive, estque le désir des paysans de pouvoir maîtriserla comptabilité et la gestion de leurs orga-nismes suscitera une motivation suffisante,pour qu’un premier « noyau » de jeunesadultes fasse l’effort de s’alphabétiser et dese former. Cependant, afin de ne pas laisserà ce premier noyau le monopole de « la maî-trise du papier », il y a lieu d’être très attentifà organiser l’accès progressif du plus grandnombre à la lecture, à l’écriture et au calcul.

BELLONCLE G., 1993.

Au début des années 1980, on pouvait résu-mer la problématique dans cette région deMali-sud aux deux questions suivantes :• Faut-il former les gens à une comptabilitéen français ou en bambara?• Faut-il former les gens à une comptabilitéen partie simple ou double?L’option « comptabilité en partie simple et enbambara » a été choisie. Les années récentesont vu le développement des activités écono-

miques de certaines associations villageoises,qui peuvent être comparées à de véritablesentreprises agricoles.L’accompagnement de ces évolutions nécessi-tait alors une modification et une adaptationdes outils proposés aux organisations pay-sannes. Depuis 1989, des contacts et desdébats amènent la mise en place d’un projetgestion rurale1 qui est basé à Koutiala (Mali-sud).

Ce projet se propose de mettre en place, enétroite collaboration avec des représentantsde producteurs, des outils et procédures degestion pour :•Construire les documents de gestion adap-tés au besoin des producteurs.•Mettre en place les procédures adéquates.•Assurer un suivi et conseil répondant à lademande des producteurs.•Assurer un rôle de contrôle externe.C’est à la fois son contenu et sa démarche quifont l’originalité de ce projet :

LE PROJET GESTION RURALE DE KOUTIALA

Une assemblée générale a décidé d’élire unecommission de 6 membres (3 présidents et 3secrétaires d’AV) pour travailler avec l’équipedu projet sur le fond et la forme de l’outil degestion à mettre en place.

Cette commission a eu cinq réunions qui ontabouti à des propositions présentées et sou-mises à une nouvelle AG. Ces propositionsétaient au nombre de trois :• Faire un centre de formation à la gestion.• Faire un centre de gestion indépendant.• Faire un centre de gestion rurale dirigé parles producteurs.

La première proposition a été rejetée car unefois le projet achevé il n’y aurait plus de conti-nuité, les gens formés pourraient partir, et sanssuivi ni contrôle les mieux formés pourraientavoir des comportements malsains.

La deuxième proposition a été rejetée car uncentre indépendant des producteurs risqueraitde se couper de ceux-ci et de ne plus répondre àleur demande. Il risquerait de se transformeren une nouvelle structure cherchant unique-ment à se perpétuer.

Pour unecomptabilité/gestion

maîtrisablepar les producteurs

1. Projet financé par le Ministère de la Coopération et mis enœuvre par l’IRAM.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 59

La troisième solution est apparue la plus adap-tée au besoin des producteurs. Le contrôle del’outil par les utilisateurs est une garantiequ’ils répondent à leur demande. Le choix a étéfait d’utiliser les services de conseillers en ges-tion indépendants qui passeront des contrats deprestations avec le centre.

Ces prestataires seront tenus à une qualité detravail constante et cela évitera que le centre nedevienne une structure lourde se fonctionnari-sant. Pour les conseillers cela aura l’avantagede leur fournir un marché et ils continueront à avoir du travail, même si le projet ferme sesportes, s’ils ont su répondre aux besoins desproducteurs par des prestations de qualité.

Les principes de gestion mis en place sont :comptabilité en partie double, comptabilisationde tous les mouvements, séparation des activi-tés, séparation des fonctions, contrôle interne et externe.

Le financement de la structure a été débattulonguement par les producteurs. Une cotisa-tion a été fixée pour couvrir les chargesvariables des prestations. Une subventiondégressive devrait permettre d’attendre lemoment où le nombre d’adhérents sera suffi-sant pour couvrir les frais fixes.

Extraits de POUSSE E., IRAM et Ministère de la Coopéra-tion et du Développement, 1993.

En restant à un niveau assez général, on peutfaire un certain nombre de remarques sur cequi se fait en terme d’appui à la comptabilitédes organisations paysannes :. Un système de gestion n’a d’intérêt que s’ilsert à la prise de décision.. Il faut différencier l’outil en tant que tel(type de comptabilité...) de la procédured’utilisation : qui l’utilise, selon quelleméthode?. Il faut aussi relativiser les termes du débat :alors que des experts peuvent se quereller surquel plan comptable adopter, sur le terrainles opérateurs en sont souvent à expliquerqu’il faut une pièce justificative pour le tra-vail d’un comptable.

•Il est probable que la question principalequi va se poser à l’avenir est celle du contrôledes mécanismes de gestion interne des orga-nisations paysannes : le contrôle étant

entendu ici comme la procédure permettantaux dirigeants de ces organisations de donnerdes gages de leur bonne gestion, tout en favo-risant une meilleure participation desmembres de l’organisation à la gestion. Eneffet, le contrôle a été souvent vu (à juste titre)comme une ingérence de la part d’agentsextérieurs (souvent de l’administration) :

Des systèmes entiers se sont développés pourassurer une « bonne » coopérative à partir de l’ex-térieur. Ceci peut prendre la forme de législationqui autorise les officiels gouvernementaux à inter-venir dans les opérations de la coopérative (parexemple approbation de décisions importantes, co-signature de chèques...), d’un système comptabledestiné non pas pour fournir des données pourune prise de décision saine, mais plutôt destiné àl’audit externe d’un personnel qui pense qu’il n’apas seulement le droit, mais la responsabilité d’in-tervenir et de décider de ce qui est mieux pour lacoopérative.

Extraits de CLUSA, 1989.

Certaines institutions, dans le cadre de leursoutien aux organisations de base, appuientdes programmes d’amélioration de la gestionde ces organisations.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?60

L’éducation des membres

Les programmes incorporent trois éléments :•L’élaboration et la mise en œuvre de sys-tèmes de comptabilité, de tenue de registreset autres systèmes de gestion conçus pour lescoopératives. (...)•La conception et l’exécution de programmesde formation d’adaptation à l’emploi reposantsur les systèmes de gestion. (...)•La conception et l’exécution d’un pro-gramme de formation et d’éducation desmembres qui comporterait la formation desmembres du comité de gestion, ainsi quel’éducation générale des membres. (...)

Dans les coopératives qui ont des membresanalphabètes, comme c’est le cas dans lamajorité des coopératives rurales de l’Afriquesub-saharienne, il est nécessaire d’incorporer auprogramme une instruction élémentaire pourapprendre aux membres à lire, à écrire et àcompter afin qu’ils puissent comprendre lesinformations élémentaires mises à leur disposi-tion sur les activités et les résultats de la coopé-rative. (...) Dans le cas du projet PDCN/CLUSAdu Niger, ce type d’éducation des membres aconsidérablement facilité la participationdes membres aux prises de décision.(...).

La raison souvent mentionnée pour justifier lecontrôle des coopératives par l’État est l’im-pression que les membres analphabètes n’ontpas la capacité et les informations néces-saires pour gérer leurs propres coopératives.Le moyen le plus efficace de protéger les inté-rêts des membres est de leur fournir laconnaissance nécessaire pour suivre et dirigerles activités de leur coopérative. L’éducationdes membres devient donc de plus en plusimportante et permettra, à la longue, deréduire l’intervention de l’État au fur et àmesure que les associations se développenten véritables organisations sous lecontrôle de leurs membres.Extraits de BENNEMAN L. et al., Document technique n° 199,1994.

• Dans le domaine de l’appui à la gestion, desoutils existent. Ils sont nombreux et il nes’agit pas ici d’en faire l’inventaire. Nous pré-sentons simplement un exemple qui nousparaît intéressant par la démarche d’accom-pagnement et la participation des « per-sonnes formées » qu’il suppose.

L’APPUI EN GESTIONAUX ORGANISATIONSÉCONOMIQUES DE BASE :LA MÉTHODE SIGESCO

Les problèmes de gestion se manifestent à plu-sieurs niveaux dans les organisations écono-miques de base (gérer la structure collective,problèmes de gestion-comptabilité et d’organi-sation) :

Dans tous les cas, les capacités de gestion seretrouvent à l’interface du « politique » etde sa mise en œuvre concrète. Elles reposenten général sur des cadres paysans de niveauintermédiaire. Les actions de formationconcernant ce type de personnes restent troppeu nombreuses - entre l’animation de masse etla formation des leaders paysans.

La recherche d’une méthode, à la fois trèsconcrète et participative, a conduit à privilégierla « mise en situation » par simulation dudéroulement réel de l’activité. Cette méthode serapporte tant à des dispositifs de formation-où la simulation porte sur un contexte fictifproche du réel-, qu’à des dispositifs d’appui« sur le tas », où c’est l’activité réelle du grou-pement qui est reconstituée et mise à plat.

Cette façon de procéder permet d’intégrer desdimensions souvent négligées dans les pra-tiques d’appui/formation :

1. L’effort de transposition de la part desparticipants qui est souvent difficile pour despersonnes ayant un niveau de scolarisationfaible -même si elles ont un bagage d’alphabéti-sation.

2. Les dirigeants et gestionnaires d’ungroupement forment un groupe composite,de niveau de scolarisation hétérogène, et oùchacun doit avoir des compétences bien définiesmais différentes et complémentaires des autres.Ce constat plaide en faveur d’une formation degroupe, même si les capacités visées ne sont pasuniformes.

3. Les discussions générales sur la stratégied’une organisation gagnent souvent à êtrecomplétées par un travail plus détaillé (etplus exigeant) sur des données quantifiées.

4. Pour éviter de faire de la formation, unsimple « transfert de connaissances » (règlesde comptabilité ), des ajustements sont pos-sibles et indispensables, en fonction descontraintes internes et externes du

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 61

groupement : comment attester d’une dépensevis-à-vis des membres, dans un milieu où lesfactures sont difficiles à obtenir, faciles à falsi-fier et non-lisibles par la majorité? Commentprendre en compte des dépenses inconcevablesau regard des règles « modernes » d’enregistre-ment (sacrifices, aides sociales...) ? La simula-tion permet de reconstituer ces situations, dediscuter des solutions envisageables et d’adop-ter une ligne de conduite.

5. La restitution des résultats réels de l’acti-vité est rendue possible par le « présentoir »SIGESCO dans les conditions courantes desAG (salle, plein air).

Pour exprimer pleinement ses potentialités, laméthode SIGESCO doit donc s’exercer dans uncadre cohérent :

• Cadre institutionnel (volonté politique detravailler avec les groupes de base ; motivationdes agents, etc.).• Objectifs et dispositif d’appui/formationcompatibles (planification des interventions,temps et lieux des appuis/sessions, etc.),sachant que la méthode peut s’adapter à diffé-rentes échelles de travail (dispositifs « légers »ou « lourds »).• Utilisateurs de la méthode formés et com-pétents.

Quelles que soient les possibilités nouvellesoffertes, la méthode SIGESCO ne prétend pasêtre une démarche universelle qui remplaceraitles autres instruments du développement (ges-tion de terroirs, planification locale, etc.).

Éléments issus de HIRSCHLER J., CIEPAC, pour le RéseauGAO, Janvier 1994.Voir CIEPAC/GRDR, Les mallettes SIGESCO.

3333Les organisations paysannes

et le financement

Il convient de bien dissocier les financementsutilisés pour la réalisation d’activités aux-quelles sont associées les organisations (fondspouvant être gérés plus ou moins directe-ment par ces organisations), des moyensfinanciers alloués directement au finance-ment du fonctionnement de la structure, etd’activités propres à l’organisation. Dans lepremier cas, le débat est plutôt de voir com-ment s’articule l’organisation rurale avec undispositif particulier de financement del’agriculture (épargne-crédit ou autre), alorsque le deuxième cas pose la question de l’au-tonomie financière (et donc politique) de l’or-ganisation.

31. La participationdes organisations paysannesau financementdu monde rural

Le financement de l’agriculture est un despoints névralgiques du développement rural.Comme d’autres acteurs (administration, opé-rateurs privés...), les organisations paysannestentent de contrôler et maîtriser les processusde financement ou, du moins, d’être associées àleur conception, leur mise en place et leur fonc-tionnement.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?62

ORGANISATIONS RURALESET FINANCEMENT

Parmi les organisations paysannes (OP) asso-ciées de près ou de loin au financement del’agriculture, il convient de distinguer entre :• Les OP spécialisées dans l’épargne-créditdans le « secteur intermédiaire » (COOPEC,crédit solidaire...) et dans le « secteurendogène » (tontines).• Les OP dont la fonction crédit vient en com-plément d’autres activités (production, com-mercialisation...) en général dans le cadre defilières de culture de rente.• Les OP réalisant du financement-subventionà partir d’autres sources, soit à partir de cotisa-tions (type collectivités locales), soit à partir deressources externes (immigration, coopérationinternationale...).

Il est important d’observer les implications quepeuvent avoir des activités de financement surles relations de l’organisation avec son envi-ronnement (système bancaire, marché finan-cier...), sur les structures sociales (pouvoir liéau contrôle du crédit, liens de clientélisme...) etles relations avec les opérateurs des activités definancement.

Si chaque cas a ses particularités, il est intéres-sant d’avoir à l’esprit la difficulté de mélangerles fonctions à l’intérieur de la même organisa-tion :• Subvention et crédit.• Fonction financement et gestion des filières(crédits ciblés sur des objets pré-déterminés).• Fonction financement et représentation syn-dicale (les syndicats peuvent voir leur bases’éroder en assumant la fonction ingrate derécupération des prêts).

Comme autres points de réflexion à approfon-dir dans le cadre des actions d’accompagne-ment aux systèmes de crédit, on peutmentionner :

• Le problème de la viabilité économique, quiimplique la maîtrise d’un remboursement à100 %, un taux d’intérêt couvrant les coûts defonctionnement et les coûts financiers de la res-source, une structure en réseau pour les fonc-tions d’appui aux caisses locales, afin de réduireles coûts afférents (formation, comptabilité, ins-pection).

• Le problème de la tranparence de la gestion etde son contrôle par les usagers.

• La nécessité d’une concertation entre les diffé-rents niveaux (local ou national), afin d’élaborerune politique de financement rural car les sys-tèmes de crédit ne peuvent se développer quedans un environnement favorable.

DOLIGEZ F., IRAM, pour le Réseau GAO, 1994.

Il existe bon nombre de cas d’organisationspaysannes qui ont à gérer des crédits auniveau local, soit comme activité principale(COOPEC), soit dans le cadre d’une multi-fonctionnalité (groupements initiés par lessociétés de développement). Dans la plupartdes cas, la caution solidaire joue un rôle cen-tral, bien souvent porteur d’ambiguïtés.

La caution solidaire

Elle est soit plus ou moins imposée de l’exté-rieur (intervenants), ou existe dans les pra-tiques sociales en se manifestant lorsqu’il y amaladie ou accident, par le paiement del’échéance du crédit à la place du membre tou-ché. Elle peut être la conséquence d’unevolonté de ne pas perdre sa réputation ou sonhonneur (contrôle du groupe sur l’individu oupression sociale), qui a d’autant plus de chanced’être efficace qu’elle est couplée à d’autres« ingrédients » (besoin d’accéder à nouveau aucrédit, relation équilibrée entre crédit etépargne, système de crédit et d’épargne appro-prié par les paysans).

Elle peut se construire progressivement au seinde petits groupes, par l’expérience réussie de lagestion du crédit.

IRAM, note rédigée pour le Réseau GAO, octobre 1994.

« La solidarité perverse »

Il faut d’abord s’interroger au cas par cas surles fameuses solidarités africaines. Si elles exis-tent, au moins en cas d’accident comme danstoute société paysanne, leur forme et leurchamp d’extension varient considérablementsuivant les sociétés. On peut aussi s’interrogersur la taille du groupe au-delà de laquelle lasolidarité fonctionne difficilement (on parle engénéral de 7 à 30 membres par mutuelle decrédit, mais les expériences de crédit solidairemontrent qu’une solidarité effective fonctionnedifficilement au-delà de 1O/12 personnes).

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 63

De plus, la solidarité est plus ou moins imposéede l’extérieur. Les paysans la considèrent alorsplus comme une condition pour obtenir du cré-dit que comme la mobilisation d’une solidaritépréexistante. Enfin, elle doit être mise en pra-tique sur la base de règles fixées au départ,acceptées et intériorisées par les paysans.

A partir d’un certain seuil (probablementautour de 15 à 20 % d’impayés), on assiste àune « solidarité perverse », c’est-à-dire unesolidarité dans le non-remboursement.

Éléments extraits de GENTIL D. et FOURNIER Y., 1993.

Ce mécanisme de caution solidaire est aussiremis en cause par des producteurs qui, dufait de leurs bons rendements, contribuent enpremier à régler les impayés. La relativehomogénéité du groupe est alors une condi-tion importante pour le bon fonctionnementd’opérations de crédit gérées par les organi-sations paysannes. Sur le terrain, dans lesrégions de production de coton, cette pra-tique amène progressivement l’éclatementdes groupements villageois (créés par lessociétés d’intervention) en groupes pluspetits. Les producteurs assument eux-mêmesla constitution de groupes de caution soli-daire et en excluent certains producteursréputés mauvais payeurs (c’est le cas notam-ment dans les zones cotonnières du BurkinaFaso et du Cameroun).

De fait, la caution solidaire correspond plus àune forme de contrôle social que le groupes’impose pour continuer à bénéficier d’uneressource extérieure.

Cette attitude face au crédit n’est pas standar-disée et dépend en partie de l’histoire despopulations et des systèmes de productionsen vigueur dans la région. Au Bénin, dans lazone du Borgou, ce sont les organisationspaysannes qui, contre l’avis des experts, ontimposé un mode de gestion collectif du cré-dit. Possédant une expérience conséquentedu crédit, elles ont refusé la gestion indivi-duelle préférant confier au GV la charge derécupérer les crédits.Il faut aussi parler des systèmes de créditdécentralisés qui, dans certaines situations,deviennent des organisations paysannes àpart entière pouvant peser sur les choix enterme de politique agricole. C’est le casnotamment de la FECECAM (Fédération descoopératives d’épargne et de crédit agricolemutuel) au Bénin.

Le Crédit agricole mutuel au Bénin

La Fédération est comme une maison à troisétages. A la base on compte actuellement 52caisses. Ces CLCAM (Caisses locales de créditagricole mutuel) ont un conseil d’administrationet un conseil de surveillance démocratiquementélus et renouvelés chaque année en totalité ouen partie. Au niveau de la région il y a desdélégués des caisses qui vont au niveau régio-nal faire la même chose, donc il y a un CA auniveau fédération. Nous désignons nous-mêmesun Béninois pour diriger la fédération : il n’y aplus d’expatrié directeur du n° 16. Il y a unposte que nous avons dénommé « SecrétaireExécutif », cela veut dire que « ce n’est pas unpatron » tel que le conçoit le conseil d’adminis-tration des élus qui prend des décisions : avecson équipe, il est chargé d’exécuter quotidien-nement et de rendre compte.

Au niveau secondaire, les CRCAM (Caissesrégionales de crédit agricole mutuel) avantétaient aussi des entités commerciales etavaient une caisse pour collecter l’épargne.Depuis la mise en place de la Fédération toutle travail se fait à la base : le travail de collected’épargne, de crédit, de recouvrement. LesCRCAM sont devenues des unions des CLCAMet sont juste une entité d’appui aux caisses debase. La fédération est aussi une entité d’appuiaux unions et aux CRCAM. A la tête de chaqueunion régionale, il y a un conseil d’administra-tion et un directeur avec une petite équipe detechniciens, comptables, responsable crédit etun trésorier pour les transferts de fonds.

Extraits d’un entretien avec KOUKPONOU C., Secrétaire généralde la FECECAM, La Lettre du Réseau GAO n° 19

Crédit et pression sociale

Dans le cadre du projet de petits crédits « Sahel Action » mené aunord Yatenga, l’attribution des crédits se fait selon une logique, où seu-lement 50 % des demandes effectives sont satisfaites. Cette démarchetend à exercer une pression sociale sur ceux qui touchent le crédit dela part de ceux qui sont en attente d’en obtenir.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?64

La mise en place de systèmes d’épargne et decrédit appropriés passe nécessairement parune certaine formation des cadres et techni-ciens recrutés pour mettre en œuvre l’opéra-tion sur le terrain, mais aussi par celle desresponsables paysans.

Une des formes principales de contrôle quepeuvent avoir les responsables paysans est laparticipation croisée aux instances des diffé-rentes institutions en charge du développe-ment rural ou de la représentation despaysans : « on retrouve souvent les mêmespersonnes à la tête des groupements et desorganismes de crédit décentralisés ». Ce croi-sement des responsabilités, s’il ne se trans-forme pas en monopole ou en concentrationdes pouvoirs, peut être le garant d’une bonneadéquation entre les objectifs des dispositifsde financement de l’agriculture et ceux despaysans.

Une autre forme consiste en une participationdirecte de l’organisation paysanne à la ges-tion et à l’administration de l’organismefinancier. C’est le cas notamment au Sénégal,où la FONGS a acquis des parts sociales à la

CNCA. Cette participation au capital socialest considérée par certains responsables de laFONGS comme un échec relatif, car cette der-nière n’est pas parvenue à obtenir les change-ments qu’elle espérait de cette banque.Cependant, depuis octobre 1994, le ComitéNational de Concertation des Ruraux(CNCR) a dans ses objectifs d’accroître sesparts sociales pour pouvoir peser plus de sonpoids au sein de la CNCA.

L’articulation des OP avec les institutionsbancaires nationales pose le problème dupoids réel qu’elles vont pouvoir y tenir. Aubout du compte, on propose aux paysans unstrapontin, qui ne leur garantit pas forcémentl’accès à l’information qu’ils souhaitent avoir.Une étude réalisée au Burkina Faso montreque, par une participation aux institutions decrédit, les producteurs souhaitent avant toutavoir accès aux informations concernant lesdispositifs de crédits (Agral Consultants,CEARD et IRAM, 1991).

Une troisième voie existe lorsque des disposi-tifs d’épargne et de crédit décentralisés(COOPEC par exemple), contrôlés par lespaysans, parviennent à négocier avec des ins-titutions bancaires des lignes de refinance-ment pour leurs crédits, lorsque l’épargnelocale collectée est insuffisante pour couvrirle demande de crédit, et ce, dans le respectdes règles et procédures que se donnent cesdispositifs. C’est le cas des CVEC (Caisses vil-lageoises d’épargne et de crédit) du paysDogon au Mali avec la BNDA, ou des CVECde l’Oudalan et de Sisili au Burkina Faso avecla CNCA. Ainsi, on voit s’établir une relationcontractuelle entre banques et COOPEC dansle respect de l’autonomie institutionnelle despartenaires, conjuguant savoir-faire et rela-tion de proximité entre caisses locales et pay-sans avec ouverture d’esprit et disponibilitéde ressources du côté des banquiers (élé-ments issus d’un entretien avec Fournier Y.,IRAM).

De nouveaux dispositifs, complémentairesdes systèmes décentralisés d’épargne et decrédit se mettent en place avec le Fonds d’In-vestissement Local (FIL) de Sikasso au Mali,centré sur les investissements à rentabilitédifférée (gestion de terroirs), qu’il apparaîtpréférable de traiter par le cofinancementpaysan couplé à la subvention que par le cré-dit moyen terme. Cette action a été engagée,

Quelques conditions pour un système d’épargne et de crédit approprié

Pour permettre aux responsables paysans de pouvoir différencier lesapproches existantes, repérer les conditions de succès pour chaqueapproche, mesurer les conséquences stratégiques du choix de l’uneou l’autre en terme de délais, depuis la mise en place jusqu’à la maî-trise et l’autonomisation, etc. Deux dispositions peuvent être prises :

•Organiser, spécifiquement, pour des leaders paysans un programmede formation-immersion dans divers types de systèmes financiersdécentralisés différents, où, à chaque étape, ils prennent connaissancedu mode de fonctionnement du système, du côté des sociétaires pay-sans et du côté des techniciens-accompagnateurs. Ensuite ils doivent,avec leurs interlocuteurs, identifier les éléments-clés du système etses perspectives institutionnelles pour pouvoir procéder par la suite àune analyse comparative.

• Intégrer l’organisation paysanne, d’une façon ou d’une autre, au seind’un réseau épargne-crédit pour favoriser les échanges, les remises encause, les apprentissages horizontaux entre systèmes africains. Per-mettre par ce moyen des approfondissements thématiques, en fonc-tion des enjeux définis par les acteurs eux-mêmes, et descapitalisations transversales.Éléments tirés de CHAO-BEROFF R., 1994.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 65

La représentationdes responsablesdans les institutionsde financement :un poids réelou unereprésentation-alibi ?

d’emblée avec une commission paysanne quidéfinit les objectifs (investissements éligiblesau financement) et les modes de contrôle (res-pect des engagements contractuels avec leFIL et les villages bénéficiaires de finance-ment). Ce type d’actions qui expérimententdes outils de financement pose aussi la ques-tion de l’articulation des organismes produc-teurs avec les futures structures dedécentralisation administratives en prépara-tion au Mali.

32. Le financement des activités et du fonctionnement des OPR

Pour toute organisation se pose le problèmedes ressources financières pour réaliser lesactivités et pour faire fonctionner la structure.Ces ressources peuvent provenir de diversesorigines :

• Les cotisations : payées par les membres(La FONGS au Sénégal s’autofinance à envi-ron 1/6e de son budget global de près de 20millions de FCFA), elles apportent une partiedes ressources de l’organisation et sont unedes bases de son autonomie politique.

•Les taxes. Elles peuvent permettre de finan-cer les activités d’une organisation paysanne.Elles sont en général instituées en accord avecles pouvoirs publics.

Le financement de l’organisation des éleveurs en Centrafrique

La FNEC (Fédération nationale des éleveurs deCentrafrique) existe depuis près de 20 ans (voirLa Lettre du Réseau GAO n° 14). Au milieu desannées 80, un système de taxe sur la com-mercialisation a été mis en place en accordavec l’État. Cette taxe est prélevée au momentde la transaction (environ 1 500 FCFA pourl’acheteur et 500 FCFA pour le vendeur partête). Elle est entièrement collectée par laFNEC et ses représentants sur les différentsmarchés du pays.

Le système était prévu pour apporter un finan-cement dégressif à la fédération. La premièreannée, la FNEC a touché 100 % du produit dela taxe. La deuxième année, elle a touché75 % et 25 % ont été capitalisés pour assurerle fonctionnement des services de l’élevageaprès le départ du projet d’appui au secteurélevage. La troisième année, la FNEC a touché50 %. Les éleveurs se sont alors mobilisés etont engagé l’épreuve de force avec l’État : parune négociation directe avec les bailleurs defonds, ils ont réussi à faire en sorte de bénéfi-cier chaque année de 50 % du produit de lataxe (alors qu’il était prévu que le pourcentagerevenant à la FNEC continue à baisser). L’argu-ment de la FNEC était simple mais redoutable :« c’est nous qui assurons la collecte de la taxe.Nous seuls éleveurs sommes en capacité de lefaire. L’État est incapable d’assurer le prélève-ment des taxes. Nous exigeons donc 50 % duproduit de la taxe ».

Aujourd’hui, la FNEC a un budget de près de300 millions de FCFA dont environ 65 % pro-vient des taxes et le reste des cotisations(10 000 FCFA par éleveurs et par an) et desbénéfices sur les opérations de vente de médi-caments.

Ce système permet à l’activité élevage de s’au-tofinancer et d’être maîtrisée par les éleveurs.La FNEC est maintenant devenue un interlo-cuteur incontournable pour tous les projetsde développement rural dans le pays.

La difficulté qui peut menacer la pérennité dece système est le difficile équilibre à maintenirentre un service de l’élevage de l’État qui reçoitdes ressources importantes (dont une partiesera sans doute utilisée à rembourser les prêtsde la CLEAVER kevin et du FIDA) et les autressecteurs de l’appareil d’État.

Éléments issus d’un entretien avec LEMASSON M.,CIRAD/IEMVT, 1994.

• Les subventions : elles sont souvent utili-sées pour réaliser des activités bien détermi-nées (investissements, fonds de roulement...),mais beaucoup plus rarement pour le fonc-tionnement proprement dit de l’organisation.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?66

Financer directement les organisations du sud

Depuis 1988, la DG VIII de la Commission deCommunautés Européennes (CCE) a instauré àtitre expérimental une nouvelle modalité definancement des actions de développement desONG intitulée « appui financier aux activi-tés d’une organisation de base situéedans un PVD » (chapitre 12 des conditionsgénérales de cofinancement). Cette source definancement permet de cofinancer à hauteur de50 % le budget global annuel d’une organisationdu sud (tous frais confondus : investissement,fonctionnement...). Les dossiers sont étudiés surla base d’un programme annuel global d’activitéet non plus sur la base d’un projet spécifique,programmé et budgétisé de manière précise.

Il convient de prendre en compte avec beaucoupd’attention le problème des conflits existants oulatents entre ONG d’appui et organisations debase sur les possibilités inégales d’accès auxsources de financement.Informations tirées de COTA, 1993.

Sur le terrain, certains observateurs relèventque quelques fois les financements octroyésaux organisations paysannes peuvent avoirdes impacts pas toujours mesurés.

Les fonds souples correspondent à la volontéde se démarquer des formes classiques del’aide par projet, qui sont vues par beaucoupd’organisations comme une perte d’autono-mie et un contrôle de l’extérieur. Le systèmede ces fonds repose en grande partie sur laconfiance entre les partenaires.

Modalités de gestion des fonds souples de SIX S

Les fonds souples mettent à disposition de grou-pements formels ou informels des moyens finan-ciers utilisables sous forme de subventions ou deprêts. Ces moyens sont destinés à co-financeravec les groupements des actions :•Non identifiées au moment de l’attribution dufonds.• Choisies et conçues par le groupement deman-deur.• Réalisées pour l’essentiel par les moyenspropres des bénéficiaires.Le renouvellement de fonds est annuel et nepeut être obtenu qu’après présentation, souscontrôle d’un expert comptable indépendant, descomptabilités de la saison sèche précédente.Informations extraites de IRED, 1988.

•Les bénéfices réalisés à partir de services ren-dus aux membres : ce mode de financement per-met une certaine autonomie de l’organisation.On peut citer le cas déjà évoqué de la FNEC quia réalisé des bénéfices sur le commerce desintrants pour l’élevage. C’est aussi le cas del’ORDIK (région de Kayes au Mali), qui s’estalloué les services d’une équipe de puisatiersqui finance en partie l’organisation. Il est pro-bable que la pérennité de ce genre de revenusdépend d’accords passés avec les pouvoirspublics pour bénéficier de certains avantages fis-caux ou d’approvisionnement.

•Les « fonds d’appui » ou fonds d’investisse-mentDe nouveaux dispositifs sont en train de semettre en place dans certains pays. L’idée debase est d’associer les organisations paysannesà la gestion de fonds, en relation plus ou moinsétroite avec d’autres acteurs (opérateurs privés,administration...). Ces fonds doivent permettrede prendre en charge des activités nécessaires àl’organisation (audit comptable, étude de mar-ché) que celle-ci ne peut pas encore prendre encharge à partir de ses ressources propres.

Financer sans étoufferou repenser les modes

de financementpour éviter la perted’identité des OPR

Financement : le revers de la médaille

Avec l’argent, c’est toute une culture qui vient, des manières de faire ou depenser, des façons d’établir des relations entre les personnes, des modesd’échanges, mais aussi un rapport au temps et à l’espace différent... Au fildes financements, les OP ne deviennent-elles pas de plus en plus des entre-prises, et seulement des entreprises ? Au moment de la création des OP,les considérations sociales, l’élan de solidarité l’emportent, mais au fur et àmesure que l’OP capitalise, le financier et l’économique s’installent et finis-sent par contaminer les autres dimensions.Au fond, quelle différence existe entre une OP « développée » telle qu’elleest « rêvée » et une entreprise? Finalement, les OP ne sont-elles pas desstructures d’intégration des paysanneries dans les rouages de l’économiemarchande? C’est peut-être de ce côté que la question de l’identité doitêtre examinée? Pendant le carrefour, les paysans se sont beaucoup expri-més en termes de « solidarité », de « foi », d’ « autonomie »... demain, par-leront-ils principalement en termes de « ratios », de « rentabilité », d’ « efficience », bref de tout ce qui fait le langage des entreprises?Extraits de SAILD, 1994.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 67

Un fonds d’appui pour les organisations paysannes du Cameroun

Dans le cadre de la nouvelle législation coopé-rative, les bailleurs de fonds ont prévu demettre en place un fonds d’appui pour per-mettre aux organisations paysannes (OP) defaire appel à des prestataires pour les forma-tions et autres appuis dont elles ont besoin.

Prévu uniquement pour les coopératives devantréaliser des audits en vue de leur réinscriptionau nouveau registre (voir ci-dessus), les promo-teurs de ce fonds ont progressivement souhaitéen élargir le champ d’action et les possibilitésd’utilisation. Cette orientation n’est pas encoredéterminée. Les modalités de la mise en œuvredu fonds restent encore un enjeu important :comment et quelles organisations de produc-teurs vont y être associées? Quelle va être laplace des OP dans les commissions qui devrontgérer l’attribution des fonds.

Au départ, seules les coopératives étaientconcernées. Puis, d’autres organisations pay-sannes, pas forcément coopératives, ont étéassociées à la réflexion sur la mise en place dece fonds (le CFPC -Conseil des Fédérations Pay-sannes du Cameroun- par exemple).

La mise en place de ce fonds soulève aussi destensions entre les organismes d’appui (ONG) etles OP. Les ONG voient d’un mauvais œil lapossibilité que pourront avoir les organisationspaysannes de disposer directement des fonds etde choisir l’organisme d’appui qui leur convientle mieux. L’idée a été retenue d’établir une listed’organismes d’appui « référencés », pour queles organisations paysannes puissent choisir leurpartenaire en connaissance de cause : l’établis-sement de cette liste suscite de vives réactionsdes organismes d’appui.

Éléments issus d’un entretien avec BEAUDOUX E., IRAM.

De plus en plus, se pose la question du déve-loppement d’un tissu de prestataires de ser-vices privés capables d’assurer des appuisutiles aux OP en plus et en complément auxONG classiques, et souvent pour apporter unservice plus professionnel. Cette perspectivepose la question des moyens financiers, quipourront être conférés aux OP pour pouvoirbénéficier de ces appuis et de mettre progres-sivement en place des mécanismes leur per-mettant d’en assurer elles-mêmes lefinancement.

Il semble nécessaire de faire la distinctionentre les crédits attribués dans le cadre deprojets, ceux destinés à l’appui institutionnel,et enfin ceux devant servir au développementrural. Cependant l’acceptation de finance-ments extérieurs doit s’accompagner de lamise en place de mécanismes de contrôlepour éviter les dérives.

Une OP a besoin d’être autonome financière-ment pour remplir sa mission. Le finance-ment de son fonctionnement devient unepriorité dans les appuis financiers des parte-naires du Nord. Pour exister, une OP a besoinde bureaux et d’équipements : téléphone, fax;mais aussi de moyens de locomotion : vélo-moteurs pour les responsables...

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?68

4444Les organisations paysannes

face à la restructuration des filières

Du fait de l’intervention des bailleurs defonds qui privilégient les régions où existe unpotentiel économique à rentabilité rapide, lesdébats sur les organisations paysannes se cal-quent souvent sur les évolutions de certaineszones : le cas de Mali-sud est à cet égardexemplaire. Il peut être intéressant de regar-der ce qui se passe dans les régions de culturede rente pour voir comment s’y pose la ques-tion de l’accompagnement des organisationsde producteurs.

41. Filières : de quoi parle-t-on?

L’approche filière consiste généralement àraisonner le développement rural en centrantl’analyse sur un produit donné. En général,cette approche est liée à des produits d’expor-tation (coton, café, cacao, riz...), mais peutaussi servir à mieux connaître l’écoulementde produits vivriers par exemple. On peutavoir une approche filière classique en analy-sant la place des différents opérateurs (pro-ducteurs, transformateurs, commerçants,administration, bailleurs de fonds...), dans lesétapes allant de la production à la vente duproduit au consommateur final. On peutaussi décortiquer une filière en privilégiantles différentes étapes dans l’élaboration duproduit final sans se préoccuper de qui faitquoi.

Partenaires ou intervenants?

Les partenaires de la filière ont un intérêtdirect dans cette filière et ne peuvent s’endégager du jour au lendemain : c’est le cas parexemple des producteurs et des sociétés coton-nières. Les intervenants dans la filière peu-vent se retirer à tout instant suivant lesopportunités qui leur sont offertes : c’est le caspar exemple en Côte d’Ivoire, où une sociétéprivée s’est chargée pendant deux ans de la

commercialisation des herbicides pour se retirerensuite après avoir subi des pertes, laissant lesproducteurs sans herbicides. Les bailleurs defonds sont aussi des intervenants. Cette distinc-tion permet d’éviter la confusion liée au termevague d’acteurs de la filière.

Éléments issus de la participation à une réunion des agronomes dela CFDT, septembre 1993.

La notion de filière renferme une connotationde spécialisation qui devrait pousser à lamodération. Il pourrait être intéressant grâceà une approche croisée (verticale : filière ethorizontale), de voir comment se présente laréalité des systèmes d’activités des paysansqui sont toujours marqués par une diversifi-cation de la production. Cependant, sur leterrain, hormis quelques exceptions, lesefforts sont principalement concentrés sur lesfilières, ce qui est le cas en Guinée.

La filière : la spécialisation

La mise en place d’organisations de produc-teurs basées sur un produit (le café, la pommede terre, le coton...) apparaît généralementcomme un moyen d’améliorer le revenu despaysans qui adhèrent à ce type d’association.Certes, la stratégie filière a des avan-tages, mais il nous faut aussi bien savoir quela généralisation de cette démarche peut rapi-dement générer des handicaps.Les avantages sont bien connus :•Elle améliore les compétences techniques etorganisationnelles du paysan (développementdu métier).• Elle facilite la mise en place d’une organisa-tion des producteurs et favorise le développe-ment de l’esprit associatif.•Elle permet l’intégration, l’information écono-mique, et le contrôle de l’aval et de l’amont.

Les filières :des atouts

et des contraintes ;des forces

et des faiblesses

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 69

Les faiblesses de l’approche filière sontrarement exprimées. La principale concerne laspécialisation qui, tout en étant un atout, peutdevenir une menace lorsqu’on arrive à un niveaud’hyperspécialisation; la recherche de perfor-mance à partir d’une seule production risque defragiliser l’exploitation, de la cloisonner. Parailleurs, l’absence de méthodes d’observation dusystème de production de l’exploitation ne per-met pas d’identifier les domaines de contrainteset de détecter les opportunités d’action. (...)

Pour pallier ces risques et permettre un dévelop-pement agricole harmonieux, il est indispensabled’organiser des liaisons entre les filières (lesproductions) et des liaisons entre les acteursdu développement (les producteurs, l’État, lesfournisseurs et clients, le crédit...).

Extraits d’une note de HUET C., « Projet de création de chambresd’agriculture en Guinée : observations et recommandations », juillet1994.

Dans une filière, les rapports de force doiventêtre équilibrés entre les producteurs organi-sés et les autres acteurs économiques; com-merçants et industriels. La transparence surtous les maillons de la filière est une condi-tion de son bon fonctionnement et de son effi-cacité.

Le désengagement de l’État a favorisé d’unecertaine façon l’autonomie des producteursau sein des filières. Cependant, si l’État sedécharge (parfois malgré lui) de certainesfonctions dans les filières de produits d’ex-portation, il doit continuer à avoir, commedans toute politique agricole nationale, unrôle déterminant dans la viabilité des exploi-tations agricoles de ces filières.

Pour les régions défavorisées, la redéfinitiondu rôle de l’État est aussi un objectif priori-taire. Cette redéfinition passe sans doute parla recherche de formes d’organisation de lasociété civile à même de proposer à tous lessecteurs de la société des perspectives d’ave-nir. On peut penser que les organisationsrurales de ces régions auront plutôt un carac-tère politique (ébauches de collectivités terri-toriales participant à l’élaboration depolitiques d’aménagement du territoire) quepurement professionnel. Mais il est aussi pos-sible d’envisager une autre orientation pourpeu que ces zones offrent quelques opportu-nités sur le plan de la production vivrière.

Les zones sans cultures de rente

Ces zones doivent-elles être laissées à l’écart ?Le problème est d’importance car d’une part,ces régions « sans culture commerciale »concernent une population non négligeable etd’autre part, les régions qui « bénéficient »de cultures de rente présentent si peu d’alter-natives que certaines d’entre elles finissentpar perdre cet avantage comme par exemplela zone arachidière du nord-ouest Mali.

Une grande innovation consisterait justementà ce que ces zones sans culture commercialeau sens traditionnel du terme le deviennent ;autrement dit que les cultures vivrièressoient aussi des cultures de rente.

En effet, la zone sub-saharienne exporte demoins en moins bien « ses » cultures de rentepour payer l’importation des produits alimen-taires dont elle a besoin (et ceci reste vraimême après la dévaluation). Ne pourrait-onalors imaginer de casser les habitudes et dese donner le marché intérieur de ces payscomme cible de nouvelles politiques agricoles,c’est-à-dire de privilégier la demande inté-rieure plutôt que de se tourner exclusivementvers des marchés extérieurs qui vont en sedégradant? (...)

Une telle orientation suppose évidement uneforte dose de volontarisme car elle nécessitenombre de décisions en matière de protec-tion, de politique de prix, de crédit, etc. Maisil faut bien commencer quelque part et lapolitique céréalière malienne (Politique derestructuration du marché céréalier :PRMC) pourrait à cet égard apporter deséléments de référence.

Les groupements céréaliers de Koro qui fonc-tionnent de manière autonome (achat, stoc-kage, conservation, revente) sont les acteursparmi d’autres de cette politique et consti-tuent un modèle encourageant et prometteurd’un mouvement démultiplicateur etvéritablement porteur d’une culturepaysanne d’entreprise.

Extraits de DUPUY M., note rédigée pour le Réseau GAO, février 1994.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?70

42. Des interprofessions pour quoi faire?Les bailleurs de fonds mettent en place desinterventions de plus en plus structurantes etglobales. Dans le cadre de certaines filières(coton, café/cacao...), l’objectif est de créerdes cadres de concertation et de contractua-lisation se rapprochant de formes interpro-fessionnelles. En gros, on passerait progres-sivement d’un schéma où les producteursn’avaient pas voix au chapitre et où la filièreétait contrôlée de manière autoritaire etopaque à un schéma où les rapports entre lesdifférents intervenants de la filière (produc-teurs, transformateurs, commerçants...)seraient régis par des règles claires et accep-tées de tous.

Ce schéma est parfois teinté d’un certainidéalisme, où la foi dans le consensus prendle pas sur une analyse claire et objective desrapports de force économiques mais aussisocio-politiques. Dans ce domaine, le prag-matisme est de rigueur et il convient d’avan-cer pas à pas. Ce schéma est possible sil’organisation des producteurs est autonome,pour qu’elle puisse négocier la relationcontractuelle en toute indépendance tout enconnaissant les mécanismes du marché.

Un premier constat à partir d’expériencesdiverses montre que les prix bord-champssont plus intéressants par rapport aux prix duproduit à l’exportation, lorsque les produc-teurs sont informés des fluctuations du mar-ché et en connaissent les mécanismesprincipaux. Cela montre qu’une des fonctionsprincipales que pourrait assurer une inter-profession est l’information sur les cours desproduits pour assurer une plus grandetransparence de la filière.

Sur quelles bases négocier les prixaux producteurs?

Pendant les années 70, la plupart des agricul-teurs africains ont été gravement ponctionnéset spoliés par les gouvernements qui leur ontpayé des prix très inférieurs à ceux quiauraient dû être fixés, compte tenu des coursmondiaux très élevés de l’époque. Pendantune deuxième période, à peu près de 1982 à1993, les cours mondiaux étaient très bas et

les gouvernements ont donc cessé de ponc-tionner les producteurs et étaient même obli-gés de prendre l’argent dans les budgets desÉtats pour verser aux agriculteurs des prixtrès modestes.

Depuis un an (1993), la plupart des coursmondiaux se sont sensiblement redressés,avec des augmentations qui vont de 40 %pour le coton et le cacao à 100 % pour lecafé. Un nouveau danger se présente : celuide voir les gouvernements fixer des prixd’achat aux paysans très bas par rapport àce que permettraient les cours mondiaux. Laquestion se pose pour les groupements deproducteurs de savoir quelle doit êtrel’augmentation des prix payés aux pro-ducteurs devant cette situation nouvelle.

(...) Ce serait une erreur pour ces groupe-ments de chercher à défendre leurs positionsen partant de leurs prix de revient. Le calculde ce prix s’avère difficile : comment prendreen compte et faire reconnaître par les autresagents économiques le principal coût, le tra-vail du paysan? (...) Le meilleur moyen de sedéfendre, pour les agriculteurs est d’évaluerle prix du produit aux différentesétapes de la filière, en remontant depuisle cours mondial jusqu’au moment où le gros-siste achète à l’agriculteur. Bien entendu, uneorganisation paysanne, même importanteaurait des difficultés à faire tous ces calculs :elle devrait s’assurer le concours d’experts degrande qualité, parfaitement indépendantsdes milieux du commerce et des transports.

Extraits de MERLIN P., La Lettre du Réseau GAO, n° 19.

Une autre fonction qui prend de plus en plusd’importance est le contrôle de la qualité desproduits. Cette qualité est liée aux caractéris-tiques physiques des produits donc aussi desconditions de leur mise en marché (stockage,conditionnement, etc.). Une interprofessionpourrait jouer un rôle actif dans les méca-nismes de contrôle de la qualité des pro-duits. Il est normal que les acheteurssouhaitent avoir un droit de regard sur cesmécanismes de contrôle. Ceux-ci doivent êtregérés paritairement par les organisationsreprésentatives des producteurs et des ache-teurs.

Une interprofessionpour maîtriser

progressivementla filière dans l’intérêt

des producteurs

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 71

Une interprofession doit pouvoir favoriserl’établissement de relations constantes etétroites entre les acheteurs et les vendeursde produits. Cette communication est lacondition nécessaire à la meilleure adaptation(en terme de quantité, de qualité et de délais)entre offre et demande.

Au-delà de ces réflexions générales, la ques-tion reste posée de la place des organisationsde producteurs dans les interprofessions. Onpeut faire quelques remarques :

•Un des enjeux principaux dans la restructu-ration des filières est le contrôle et le partagede la valeur ajoutée (VA). Cet enjeu se trouverenforcé depuis la dévaluation du franc CFAqui a entraîné, avec un redressement desmarchés mondiaux, une amélioration de lacompétitivité des filières. Cette VA s’élaboreen général plus vers l’aval de la filière, ce quiexplique la volonté des producteurs de maî-triser la plus grande partie des opérationssituées en aval de la production.

Les producteurs organisés ne peuvent canton-ner leurs actions dans le seul secteur de la pro-duction. En tant qu’acteurs, grâce à leursorganisations, ils peuvent jouer une fonctionautre, si la configuration de la filière les obligeà le faire pour arriver à mieux défendre leursintérêts.

•Le schéma interprofessionnel ne fonctionneque si des règles sont clairement établies partous et acceptées. Parmi les acteurs, et non desmoindres, il y a l’État. L’exemple de la filièrecafé en Guinée montre clairement que la rapi-dité avec laquelle s’est constituée une organisa-tion des planteurs de café est en grande partiedue, outre l’appui d’un projet extérieur, à labienveillance et au soutien du Ministère gui-néen de l’Agriculture.

Le bon fonctionnement d’une filière organiséen’est acceptable par l’organisation paysanne quesi les règles du jeu sont clairement définies, et sila transparence sur les prix et les marchés estappliquée, sinon les commerçants et les indus-triels imposent leur volonté aux producteurs.

5555Le renforcement du pouvoir

des Fédérations

On assiste actuellement à la naissance deregroupements de fédérations nationalesdans un certain nombre de pays, au Sénégal,au Burkina Faso, au Bénin pour ne citer queceux-là. Incontestablement, on peut direqu’un mouvement paysan est en train de seconstruire en Afrique Sub-saharienne.

Tous ces processus concomitants posent laquestion de la construction d’une représen-tation paysanne dans la société civile,capable de peser dans les décisions et lesorientations prises pour le monde rural. Ellepourrait s’appuyer sur des organisationspaysannes et rurales multiples, représenta-tives des intérêts des agriculteurs des diffé-rentes régions et catégories sociales etstructurées à un niveau régional ou national.Ce schéma n’est qu’un point de vue etd’autres scénarios sont possibles : représenta-tion unitaire du monde rural par une organi-

sation professionnelle de type syndical,Chambres d’agriculture, groupes de pressionliés aux partis au pouvoir, organisations fédé-ratives rivales, représentations par des éluslocaux, etc.

A cette nouvelle dimension d’organisationcorrespondent de nouvelles exigences, doncde nouvelles formes d’appui. Les interve-nants devront adapter leurs approches ou eninventer de nouvelles. Sans pour autant avoirla prétention d’être exhaustif, nous verronscertaines adaptations expérimentées ouexprimées comme des voies à suivre dansl’avenir en matière d’accompagnement desfédérations et regroupements de fédérations.

Pourtant cet engouement ne devrait pas nousfaire perdre de vue la nécessité de renforcerles organisations de base, car ce sont elles quiquelque part constituent le soubassement du

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mouvement paysan -d’où sont souvent issusles responsables des unions et fédérations quiy ont fait leurs premières armes. Les organi-sations paysannes, villageoises ou de zoneconstituent le fondement de l’organisationrégionale et nationale. L’organisation faîtièredoit venir en prolongement de ce qui estvoulu et construit par les paysans à la base.Parmi ces organisations, on retrouve lesregroupements catégoriels comme les grou-pements de jeunes ou les groupements fémi-nins, pour lesquels voici quelquespropositions préconisées (on retrouve actuel-lement des femmes dans les instances diri-geantes du CNCR, au Sénégal).

Certains observateurs de l’évolution desfédérations au Cameroun ont noté le renfor-cement progressif de leurs capacités, maisaussi certains germes de fragilité.

L’accompagnement des Groupements Féminins

• Prendre en compte les femmes et les groupements féminins dans tousles programmes villageois dès leur conception et prévoir les mesuresnécessaires pour y intégrer réellement les femmes; certains bailleurs defonds imposent comme condition de financement la prise en compteexplicite des femmes dans les projets.• Avant intervention, étudier sur le terrain la situation et le rôle desfemmes dans leur milieu.• Recruter du personnel féminin dans les structures d’appui aux groupe-ments : agronome, vétérinaire, forestier..., ce qui suppose des incitationspour que les jeunes filles choisissent ces professions.• Prendre les mesures nécessaires pour que les femmes puissent accéder,selon leur situation et leurs besoins, aux moyens de production (terre,crédit, intrants).

Éléments tirés de ABELA M.T., texte rédigé pour le Réseau GAO, février 1994.

LA NÉCESSITÉ D’UN APPUI AUX FÉDÉRATIONS PAYSANNES

Les fédérations paysannes et leurs responsablesexistent : il convient donc de les conforter pourleur permettre de mieux cerner et poursuivreleurs objectifs, et répondre également auxattentes des paysans. Ceci est particulièrementimportant aujourd’hui, où le phénomènes’étend en tâche d’huile, risquant de produireles mêmes espoirs et les mêmes faiblesses que lemouvement déjà engagé.

(...) Malgré toutes leurs qualités, les respon-sables ne peuvent exercer toutes les compé-tences requises, ni en termes de qualification,ni en termes de temps disponible. Aussiconvient-il de définir et de créer les postespermanents correspondant aux compé-tences nécessaires à la gestion des fonc-tions liées à l’amont et à l’aval del’activité agricole. Ainsi se trouveraient dis-sociés, comme c’est le cas ailleurs, le rôle desresponsables paysans ayant le pouvoir d’orien-tation, de décision et de négociation, et le rôlede salariés permanents spécialisés dans lesdomaines technique, économique, juridique.

Les postes sont à définir, à créer, avec unecoordination de l’action des permanents(un poste de salarié permanent, de profilagro-économiste, et de préférence camerou-nais), et un appui financier pour la prise encharge dégressive des salaires des perma-nents camerounais sur une durée de quelquesannées.

La mise en œuvre d’une telle démarche suppo-serait pour être féconde que quelques condi-tions soient remplies :•Une préparation et un mode d’organisation etde fonctionnement qui ne doivent pas frustrerles responsables paysans, mais au contrairevaloriser leur expérience.•Une aide à l’élaboration et à la maîtrise d’unprojet global concerté et adaptif, dont l’exigencedevrait se répercuter des fédérations aux grou-pements de base.•L’implication dans la durée, à un rythme nitrop lent pour ne pas décevoir les attentes, nitrop rapide pour que la démarche soit appro-priée par une majorité de responsables et depaysans.•La concertation avec les organismes d’appuiexistants, et peut-être les bailleurs de fonds,intervenant auprès des fédérations et des grou-pements.

Éléments tirés de PROD’HOMME J.P.,1994.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR? 73

Par leurs fortes capacités d’action, lesbailleurs de fonds jouent un rôle très influentsur le devenir des fédérations, à travers lesappuis qu’ils leurs apportent. Une institutioncomme la Banque Mondiale a une approchedifférenciée en distinguant les coopérativessecondaires et les coopératives faîtières.

Un appui spécifique aux coopératives faîtières

• Les coopératives faîtières n’ont auparavantpas pu exercer leur rôle représentatif en rai-son des contraintes émanant du système poli-tique et économique centralisé, qui acaractérisé la plupart des pays de l’AfriqueSub-saharienne pendant la période qui a suivil’indépendance.

•La libéralisation en cours donne aux fédéra-tions faîtières la possibilité de participerà la formulation des politiques et de ser-vir de protecteur efficace des intérêts coopé-ratifs.

•Les coopératives faîtières ont besoin de per-fectionner leurs capacités derecherche, de planification et de suivi.Les bailleurs de fonds peuvent intervenir effi-cacement en fournissant les installations deformation et l’assistance technique nécessaireau perfectionnement des capacités des fédé-rations faîtières ; le perfectionnement de leurscapacités leur permettra d’analyser les ques-tions d’ordre politique et de soumettre desprojets d’avenants aux réglementations et àla législation.

L’établissement de structures coopérativesnationales et secondaires doit venir desbesoins identifiés par les organisationscoopératives mêmes.

Extraits de BRENNEMAN L. et al., Document technique n° 199,1994.

Il convient aussi d’être attentif aux nouveauxrôles que sont amenées à jouer les fédéra-tions, afin d’ajuster les appuis susceptibles deles renforcer dans leur autonomie et dansl’accroissement de leurs capacités opération-nelles.

A la découverte des coûts de l’autonomie et de la responsabilisation

Ces quelques extraits sont issus d’un documentpréparatoire à un séminaire sur le financementdes organisations paysannes organisé en mai1994 par le SAILD au Cameroun. Cette étudede cas analyse une expérience de financementde groupements et ses conséquences sur lafédération unissant ces groupements.

En 1993, une grande institution financièreinternationale a lancé au Cameroun le projetFIMAC (Financement d’investissements demicro-réalisations agricoles et communautaires)destiné à soutenir les initiatives de groupesd’acteurs économiques (...) Une fédérationregroupant une cinquantaine d’associations oude groupements est devenue bénéficiaire de ceprogramme. L’enjeu est alors la crédibilité desorganisations paysannes comme interlocuteurdirect des organismes financiers (...) hors du« parrainage » des ONG (...) La fédération aavancé la contrepartie des groupements exigéepar le FIMAC soit 25 % à 50 % des investisse-ments (...) La fédération s’est engagée à jouerle rôle d’organisme intermédiaire chargé dusuivi des projets et du recouvrement des fondsmis à la disposition des groupements (...)

Cette expérience a été l’occasion de pas malde réflexions et de découvertes :- Pour la première fois, la fédération a été pla-cée dans un rôle de suivi/contrôle vis-à-vis decertains de ses groupements membres : despaysans ont été amenés à jouer des rôles nou-veaux vis-à-vis d’autres paysans, des rôles quimodifiaient la nature des relations qui existententre les membres d’une même fédération (...).- Les paysans responsables de la fédération ontdécouvert qu’une activité de suivi de qualité estexigeante en temps, en moyens et en compé-tences, et qu’elle nécessitait une organisationefficace au niveau de la fédération. Le suivid’initiatives à la base par les structures pay-sannes s’accompagne de coûts économiques etsociaux. D’où viendront les moyens pour cela?Éléments tirés de SAILD, 1994.

Pour un appui institutionnel des fédérations de groupements

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR?74

L’accompagnement des fédérations est engénéral focalisé sur les organisations alorsqu’elles sont englobées dans un contexte quiconditionne leurs capacités et surtout leursconfère des limites. C’est dans le même sensqu’un encadreur malgache aborde en disantce qu’il « pense » être l’approche à avoir en cequi concerne l’appui des bailleurs de fonds.

Tenir compte du contexte environnemental

D’après ce que j’ai vécu, je peux dire que lesbailleurs de fonds vont toujours à la hâte, lanotion de patience est parfois inexistantepour eux et c’est cette lenteur paysannequi va toujours diversifier les avis sur le deve-nir des OPR. Il faut bien se mettre d’accordque pour le suivi et l’encadrement des OPR, ilserait mieux de faire un classement selon lemode de fonctionnement des OPR pour enarriver à définir le devenir de chaque OPRconcernée et en déterminer des projets parti-culiers à chaque phase d’intervention.

Et je précise que cette LENTEUR PAYSANNEest une contrainte pour ne pas dire« excuse » aux bailleurs de fonds pour arrê-ter les projets et ce cas se présente à Mada-gascar depuis 5 ans que je travaille dans leprojet PPI. Si à partir de la lenteur paysanneon prend une réflexion, il ne faudrait pasabandonner toutes les organisations dites« nulles », mais la solution serait d’orienterchaque OPR pour avoir des organisations dif-férentes qui seraient toutes porteuses d’activi-tés économiques viables... selon le temps etl’espace géographique.

Le devenir des OPR englobe plusieurscadres environnementaux que l’on doitaussi améliorer parallèlement auxobjectifs à atteindre par chaque OPR. Eneffet, pour aider les OPR à atteindre leur but,réaliser des études de projets ne suffit plus,mais c’est l’appui à l’amélioration del’environnement paysan qui doit être unemesure d’accompagnement pratique par lesfinanceurs.

Sur le devenir des paysans, il y avait et il y abeaucoup d’études qui restent des études jus-qu’à arriver à l’étalage de connaissances(«pardonnez-moi »).

La mise en pratique des solutions et des ver-sions va de pair ici avec la lenteur paysanne.Je ne sais pas si nous « techniciens » ouencadreurs nous hésitons à appliquer ce queles autres ont trouvé, sinon ces études reste-ront toujours en phase expérimentale, pourchanger tout le temps d’approche.Extraits de RAHAGANISAINANA A., conseiller à l’ODR2/RP.5., Antsirabe, pour le Réseau GAO, 1994.

Ces quelques exemples illustrent, si besoinétait, la diversité des approches et orienta-tions selon les objectifs, « les lignes d’action »privilégiées et les résultats que se fixent lesbailleurs de fonds. Ce qu’on peut retenir,c’est l’existence d’une dynamique au niveaudes structures d’intervention, mais dont lerythme ne sera pas nécessairement le mêmeque celui de la dynamique des regroupe-ments à dimension régionale et nationale.

Les organisations paysannes et rurales sontnombreuses et diversifiées. Leurs respon-sables éprouvent le besoin et la nécessité dese regrouper en union, en fédération ou encomité national. C’est la condition pour êtrereconnu et peser dans l’élaboration et la miseen place des politiques agricoles et dans lesnégociations internationales.

Ces organisations « faîtières » seront confron-tées à des problèmes réels et pour lesquelsl’absence de solutions peut générer desconflits qui pourront cependant les faire évo-luer. Elles auront des besoins en hommescompétents et en financement.

Les partenaires du Nord : bailleurs de fonds,ONG, se doivent d’être à l’écoute de ce mou-vement paysan qui se cherche et se met enplace dans la plupart des pays de l’AfriqueSub-saharienne. Les formes d’appui devronts’adapter et se renouveler si nécessaire pouraccompagner les OPR voulues par la volontédes paysans et de leurs responsables.

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR ? 76

Après environ trois décennies pendant lesquelles les rôles-clés en matière de développe-ment ont été joués par l’État, on assiste aujourd’hui dans la plupart des pays du Sud à

son désengagement et à un développement spectaculaire des organisations pay-sannes, par son ampleur géographique, sa rapidité, l’engouement et les espoirs qu’il susciteauprès des populations rurales. Si on se réfère à la durée de l’évolution et au temps de matu-ration qu’a demandé la constitution des mouvements paysans dans d’autres continents, on serend alors compte de la rapidité avec laquelle les paysans africains, à travers leurs organisa-tions, sont en train de se métamorphoser pour occuper un nouveau rôle social, écono-mique, voire politique, au sein de leurs sociétés. C’est peut-être cette rapidité quiimplique l’ampleur des défis à relever et qui exige une prompte adaptation des organismesd’appui à qui s’adresse le défi de l’efficacité dans l’accompagnement .

Nous avons une multiplicité de types d’organisations aussi importants les uns que lesautres lorsqu’ils sont resitués dans leur contexte. Auprès de chaque type on retrouve desintervenants, et on retrouve généralement autant de démarches qu’il y a d’interve-nants. La complexité de cette situation doit susciter une grande ouverture dans la réflexionet la recherche de réponses aux multiples interrogations de tous les acteurs concernés parle développement rural :• Quels sont les critères pertinents pour élaborer une typologie des groupements de base,avec un souci opérationnel donné?• Faut-il privilégier les activités économiques au sein des groupements de base? •Dans quelles conditions et dans quels buts?•Quelle place va être donnée aux organisations, qui ont une vocation sociale et communau-taire, dans le développement global?• Quelle forme juridique est préférable pour tel ou tel type d’organisation?•Qui va assurer l’alphabétisation, l’information et la formation des producteurs et de leursresponsables?• Comment accompagner les nouvelles fédérations?...

Atoutes ces questions, il faudra trouver des réponses dans le cadre d’un débat que cedocument veut permettre. Il a essayé de mieux formuler les questions, en faisant

ressortir l’essentiel des données dont il faudra prendre compte avant de chercher desréponses.

c o n c l u s i o n

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RÉSEAU GAO. 3. Comment accompagner les OPR ? 77

Il y a un certain nombre de thèmes sur lesquels des points de consensus se sont déga-gés -au moins dans la façon d’amorcer le débat et dans la volonté de l’engager. C’est un signed’ouverture et d’acceptation d’une possible remise en question.• La justification ou non de la multifonctionnalité des OPR.• La priorité ou non de l’économique sur le social.• La nécessaire adaptation des modes de gestion pour leur appropriation par les producteurs.• La nécessaire adoption d’un minimum de coordination et de concertation entre interve-nants au niveau local, régional et international.• Le maintien de certaines prérogatives de l’État; la participation effective des paysans aufinancement des OPR.• L’urgence de l’adaptation de modes d’appui des partenaires du Nord aux fédérations régio-nales et nationales.

Le groupe de travail « État et organisations rurales » du Réseau GAO a ouvert le débat.C’est à l’ensemble des membres du Réseau et de toutes les personnes intéressées, qu’il

appartient de le poursuivre et d’en tirer les conséquences pratiques pour et avec les organi-sations paysannes et rurales en Afrique sub-saharienne... ou ailleurs.

Tout en espérant que la lecture de ce document aura suscité des réactions, nous vous invitonsà les faire parvenir au Secrétariat technique du Réseau GAO, par écrit sous forme de lettres,ou sous forme de documents (même bruts) relatant vos expériences ou celles d’autres acteursdu développement.

Vous pouvez aussi contribuer au débat en nous proposant l’organisation de rencontres dansvotre pays sur les thèmes qui auront particulièrement retenus votre attention.

Faire circuler le document est enfin une autre manière d’élargir le cercle des personnes quipourraient apporter leur contribution au débat qui est lancé et qu’il nous appartient de déve-lopper et de fructifier dans l’intérêt de tous les acteurs du développement que sont les interve-nants (organismes d’appui publics et privés, bailleurs de fonds...), et les OrganisationsPaysannes et Rurales.

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Autres sources Revues, travaux spécifiques,...

• Le programme Recherche/Action menéepar la chaire de sociologie rurale de l’InstitutNational Agronomique Paris Grignon et financépar le Ministère de la Coopération a donné lieu àla publication de nombreux rapports concernantdes monographies de groupements du Séné-gal, du Cameroun, du Togo et de la Guinée. Cesdocuments peuvent être consultés sur place à lachaire de sociologie de l’INA-PG.

• La Lettre du Réseau GAO : 20 numérospubliés à ce jour. De nombreux articles sur desexpériences de groupements et d’organisationspaysannes.

• Sur la filière Coton, la CFDT (Compagnie Fran-çaise pour le Développement des fibres Textiles)publie la revue trimestrielle Coton et dévelop-pement depuis mars 1992.

• Sur les aspects de politique agricole et les arti-culations entre les facteurs macro-économiqueset la stratégie des organisations paysannes, onconsultera le Courrier de la Planète, publiépar Solagral.

• Sur des questions générales liées au développe-ment et à la société civile, le CIEDEL et la FPHpublient la revue Histoire de Développement.

• Sur les aspects de fonctionnement interne desgroupements (microsociologie), des interactionsentre les partenaires du développement et desenjeux du changement social dans les sociétésrurales africaines, on consultera les Bulletins del’APAD, publiés par l’association APAD.

• De nombreuses revues ou journaux afri-cains permettent d’avoir une bonne idée despréoccupation des paysans et des organisationspaysannes : il sont en général édités par des orga-nismes d’appui, souvent avec le concours debailleurs de fonds. Citons-en quelques-uns :• La voix du paysan (BP 11955, Yaoundé,Cameroun).• Le courrier de l’abonné (INADES FormationCameroun, BP 11, Yaoundé, Cameroun).• Communautés africaines (APICA, BP 5946Douala, Cameroun).• Mahano (GEAD, BP 30, Goma, Zaïre).• Agripromo (INADES Formation, 08 BP 08,Abidjan 08, Côte d’Ivoire).- Kanya Sogue (BP 170, Foulayad Kindia, Guinée).

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