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Les premiers textes de Thom en biologie et linguistique : 1966-1970 S ´ EMINAIRE DE PHILOSOPHIE ET MATH ´ EMATIQUES ENS, 18 janvier 2016 Jean Petitot CAMS (EHESS), Paris J. Petitot Thom biologie et linguistique : 1966-1970

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Les premiers textes de Thomen biologie et linguistique : 1966-1970

SEMINAIRE DE PHILOSOPHIE ET MATHEMATIQUESENS, 18 janvier 2016

Jean PetitotCAMS (EHESS), Paris

J. Petitot Thom biologie et linguistique : 1966-1970

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Introduction

Travail fait pour le second volume des OC mathematiques de ReneThom en cours de publication a la SMF.

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L’idee, due a Andre Haefliger l’un des plus proches amis de Thom,est de publier les articles mathematiques de Thom dans leurversion originale avec des commentaires. Ce projet complete leCD-Rom [Por] edite par Michele Porte a l’IHES en 2003.

L’equipe autour d’Haefliger est constituee de Marc Chaperon(coordinateur), Norbert A’Campo, Alain Chenciner, FrancoisLaudenbach, Jean Lannes, Bernard Teissier, David Trotman, PierreVogel, J.P.

J’en fait partie en tant que premier collaborateur de Thom de mageneration (a partir de 1969) sur les modeles en biologie etlinguistique. Ce fut un privilege de discuter avec Rene de sespremiers articles de morphologie structurale pratiquement aumoment de leur parution.

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Au milieu des annees 1960, Thom commence a rediger sespremiers textes sur les applications de la theorie de la stabilitestructurelle et des deploiements universels de singularites defonctions differentiables de codimension ≤ 4

a la morphogenese en biologie,

a la syntaxe actantielle en linguistique .

Je vais commenter cinq de ces articles :

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1 A dynamical theory for morphogenesis (1966) [1].

2 Une theorie dynamique de la morphogenese (1966) [2].

3 Topological models in biology (1969) [3].

4 A mathematical approach to morphogenesis: archetypalmorphologies (1968) [4].

5 Topologie et linguistique (1970) [5].

Ces articles seront developpes dans

Stabilite structurelle et Morphogenese (1972) [8] et

Modeles mathematiques de la Morphogenese (1974) [11].

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Applications tres differentes de celles dont on avait jusque lal’habitude, en particulier en physique.

Refonte de la notion meme de modelisation.

Le sous-titre de Stabilite structurelle et Morphogenese estexplicite : Essai d’une theorie generale des modeles.

La TC est un “art des modeles” :

“Ce que nous apportons ici, c’est non pas une theoriescientifique, mais bien une methode.”

“Nos methodes (...) conduiront a un art des modeles.”(SSM [8], p. 324)

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Applications se situant au carrefour de trois filons :

1 innovations mathematiques importantes en topologie et engeometrie differentielles ;

2 redefinition des applications des mathematiques a la realiteempirique ;

3 problematique philosophique et scientifique de lamorphogenese depuis l’hylemorphisme d’Aristote.

D’ou difficultes d’appreciation et controverses.

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La TC comme nouvelle conception de la modelisation

Thom a reactive de nombreux debats de philosophie des sciencesissus de la “coupure epistemologique” galileenne.

Opposition entre

mathematiques de la nature centrees sur le conceptmecanique de force,

philosophies de la nature centrees sur les concepts dynamiquesprimitifs de forme, de structure et d’organisation.

D’Aristote au vitalisme du XIXe siecle, la morphogenese biologiqueest demeuree du cote d’une dynamique des formes et a pati durejet des philosophies de la Nature.

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Noeud gordien de cette histoire mouvementee :

malgre des donnees experimentales massives, une mathematiqueidoine pour une dynamique des formes etait “introuvable” et“manquait absolument” (Buffon).

“Obstacle epistemologique” majeur.

Idee directrice de Thom dans les annees 1960 :

les nouveaux outils de la theorie des singularites pouvent fournir lamathematique “introuvable” idoine venant compenser les effetsnegatifs de la “coupure” galileenne.

Utiliser des resultats mathematiques d’avant garde comme levierpour resoudre des problemes theoriques restes ouverts pendant dessiecles.

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Dans ThDynMorph [2] Thom vise explicitement “la synthese (...)des pensees ‘vitaliste’ et ‘mecaniste’ en Biologie”.

Dans TopModBio [4] il explique :

“What I offer you is a radically new point of view forbiological problems.”

Le “supplement de geometrie” fourni par la notion de deploiementuniversel peut combler le “manque de geometrie” et permettre degeometriser des concepts fondamentaux comme ceux de“chreode”, de “champ morphogenetique” ou de “paysageepigenetique” de l’embryologiste Conrad Hal Waddington.

C’est pour Thom “l’origine de la theorie” (affirme des le §1.1. del’“article princeps” ThDynMorph [2]).

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Contexte :avenement de modeles mathematiques pour les phenomenescritiques, les ruptures de symetries, l’apparition de patterns et demorphologies.

TC, “structures dissipatives” d’Ilya Prigogine, “synergetique”d’Hermann Haken, “ordre a partir du bruit” d’Henri Atlan.

Debut de La nouvelle alliance [P-S] : le celebre Entretien de 1769entre d’Alembert, defenseur de la mecanique rationnellequantitative mathematisee, et Diderot, defenseur del’embryogenese qualitative non mathematisee.

Epaisseur historique et philosophique des problemes.

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Pour une introduction aux multiples theories des phenomenescritiques, en particulier les caustiques en optique, les transitions dephase et le groupe de renormalisation, cf. ma compilation [P82b]de travaux de Arnold, Berge, Berry, Bocarra, Brezin, Chazarain,Collet, Coullet, Derrida, Douady, Duistermaat, Eckmann,Golubitsky, Guckenheimer, Green, Hubbard, Itzykson, Janich,Kleman, Pfeuty, Pommeau, Ruelle, Thom, Toulouse, Tresser,Zeeman.

L’importance fondamentale et la diversite impressionante desphenomenes critiques justifient de vastes generalisations de leursapplications.

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Thom est alle encore plus loin : retour amont vers l’hylemorphismearistotelicien.

Ample operation sur l’histoire de la connaissance qui consiste apartir d’un grand progres mathematique pour faire un “reset”historique sur des conceptions marginalisees pour des raisonsessentielles.

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Les articles

Une theorie dynamique de la morphogenese

Ecrit en 1966, “article ‘Princeps’ de la Theorie des Catastrophes”.

Thom y definit ce qu’il entend par “morphogenese” (§1),

il y presente son modele general de base (§2),

il le raffine pour la biologie (§3).

Publie en 1968 dans le tome 1 de Towards a Theoretical Biology,serie de Proceedings editee par Waddington qui a fortementsoutenu Rene Thom dans son aventure intellectuelle.

A dynamical theory for morphogenesis

Egalement ecrit en 1966 et presente dans un colloque au Japon aKatada. Resume le modele de base. Alain Chenciner a pu retrouverl’original grace a Tadashi Tokieda.

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Topological models in biology

Publie en 1969. Reedite dans le tome 3 de Towards a TheoreticalBiology.

Reprend le modele morphogenetique de base, mais en partant duconcept primitif de stabilite structurelle.

Focalisation essentielle. D’emblee Thom explique que la theoriemathematique de la stabilite structurelle

“seems to offer far reaching possibilities to attack theproblem of the stability of self-reproducing structures, likethe living beings.”

Et il ajoute, que ce probleme “is one of the outstanding questionsin present days Biology”.

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Mais la notion de stabilite structurelle depasse de beaucoup ledomaine biologique.

Thom introduit la notion de “modele semantique” destinee as’appliquer a tous les domaines ou il y a structure, de la biologie ala linguistique.

Des le depart, il entrevoit la possibilite d’elaborer un langage desformes, muni d’une “syntaxe” et d’une “semantique”, dont lesunites seraient des champs morphogenetiques locaux elementairesmodelisables par des catastrophes elementaires (CE).

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A mathematical approach to morphogenesis: archetypalmorphologies

Expose dans un colloque, 22-23 octobre 1968, au Wistar Instituteof Anatomy and Biology de Tel Aviv.

Reprend le modele.

Introduit la notion de “morphologies archetypes” deductibles“des interactions spatiales les plus generales” et applicablesaussi bien a la biologie qu’a la linguistique.

A fait l’objet d’un des premiers debats avec des geneticiens.

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Topologie et linguistique

Paru en 1970 dans le colloque de Rham edite par Andre Haefligeret Raghavan Narasimhan.

Avec Topologie et signification [7], c’est l’article princeps desapplications de la TC a la linguistique. Dans MMM, Thom affirmeque

“c’est l’article le plus elabore concernant les morphologiesarchetypes associees aux verbes.”

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Thom y evoque tres brievement le contexte de la semio-linguistiquedepuis la revolution structuraliste de Saussure et Jakobson(Jakobson a ete un grand soutien de Thom en linguistique).

Pour la syntaxe, morphologies archetypes et graphes actantielsderivables des CE.

Pour la semantique, dynamique neuronale des etats mentauxet le flux temporel des attracteurs (Christopher Zeeman).

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Le modele local de base

Le modele general

Systeme S sujet d’un processus de morphogenese dans un substratde domaine U.

Souvent, U = B × T avec B une boıte spatiale et T un intervalletemporel.

On introduit un espace M (une variete differentiable) devariables “cachees” “internes” x .

On suppose qu’il existe une “dynamique interne” (un champde vecteurs) Xu(x) definie sur M et dependant des parametres“externes” u ∈ U.

Les points x ∈ M decrivent les etats internes instantanes ettransients du systeme S .

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Les attracteurs Au, Bu, etc., de Xu decrivent les etats internesstables en u.

Si B (Au) = bassin d’attraction de Au et si un etat interneinitial instantane x ∈ B (Au), alors Au est l’etat interneasymptotique stable capturant x .

Intuitivement, les bassins d’attraction partitionnent l’espaceinterne M, mais l’on sait qu’ils peuvent etre intriques de facontres compliquee.

Thom utilise souvent l’hypothese “d’adiabaticite” :

Xu(x) est un systeme lent/rapide et, quel que soit l’etat initialinstantane x ∈ B (Au), le systeme S est “instantanement” dansl’etat attracteur Au.

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Il travaille alors sur les attracteurs en laissant de cote la partietransiente des dynamiques internes.

Il suppose alors qu’il existe une instance I – ce qu’il appelleune “convention” – selectionnant, pour chaque valeur de u,l’attracteur Au choisi par le systeme S .

Il considere les valeurs critiques de u pour lesquelles l’un desattracteurs Au se destabilise,

1 soit intrinsequement (bifurcation),2 soit a cause de I (c’est le cas des transitions de phase du

premier ordre en thermodynamique).

Ces valeurs critiques definissent l’ensemble catastrophique KU

du processus. (U,KU) est une morphologie.

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Modeles et donnees empiriques.

Soit u0 une valeur critique de la dynamique interne Xu0(x).

Supposons qu’il existe un deploiement universel (W ,KW ) del’instabilite de Au0 avec un espace de deploiement W et unensemble catastrophique KW .

Alors la morphologie empirique (U,KU) est, a cause del’universalite, l’image inverse de (W ,KW ) par une applicationdifferentiable F : U →W . Et F doit etre generique a cause duprincipe de stabilite structurelle (si la stabilite structurelle estgenerique) et transverse sur KW (si le theoreme de transversalitedemontrant que la transversalite est generique est valide).

Si U = B × T , F est une “onde de croissance” Ft : B →W et ledeveloppement temporel F−1

t (KW ) = Kt ⊂ B decrit unedynamique morphogenetique.

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L’hypothese est que, pour l’embryogenese, la rencontre de Ft avecles strates de KW declenche des differenciations cellulaires de plusen plus specialisees.

Pour Thom,

processus morphogenetique = application structurellement stableF de l’extension spatio-temporelle U du substrat dans l’espacefonctionnel X des dynamiques internes possibles sur l’espaceinterne M.

La stabilite structurelle definit dans X un ensemble catastrophiqueKX mathematique (tres complique) dont la morphologie empiriqueobservee (U,KU) est la trace sur U.

La stabilite structurelle de F impose des contraintes detransversalite de F sur KX .

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En resume, les morphologies “externalisent” dans l’extension dusubstrat les instabilites des dynamiques internes.

Remarque particulierement interessante dans TopModBio [3] :

“the external variables wi of the unfolding space musthave some local realization as coordinates in U. Thisrequires that the domain U is polarized by local agents.”

Si U n’est pas polarise, F−1 (KX ) peut devenir tres complique(catastrophe “generalisee” ramifiee).

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Thom ajoute qu’en embryologie c’est le postulat de la “Child’sgradient theory”.

Charles Manning Child : eminent embryologiste dont l’ouvrage de1941 Patterns and Problems of Development [Ch] est contemporaindes premiers grands textes de Waddington [Wa1] et [Wa2].

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Le principe de stabilite structurelle

La notion de stabilite structurelle possede un triple statut chezThom.

1 C’est une propriete mathematique definissable chaque fois quel’on dispose sur un ensemble F d’une topologie et d’unerelation d’equivalence : un element f de F eststructurellement stable si tout g assez voisin lui est equivalent.

2 Comme propriete mathematique conduisant aux mecanismesde stabilisation par deploiements d’instabilites, c’est ungenerateur de modeles.

3 Mais c’est aussi pour la realite empirique un principed’existence, un principe de “raison suffisante”, different de lacausalite.

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En tant que propriete mathematique, il elimine les structures trop“pathologiques”et garantit la descriptibilte des phenomenes.

Thom y a souvent insiste : le monde naturel n’est pas un chaos, ilest perceptible et descriptible et il existe des conditions depossibilite de la perceptibilite et de la descriptibilite.

Metaphysique de la connaissance alternative a celle de la physique :

qualitatif VS quantitatif,

stabilite structurelle VS determinisme et causalite,

geometrie catastrophiste des deploiements externesirreversibles VS dynamiques internes reversibles,

perceptibilite-descriptibilite des phenomenes VS calculabilite.

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Modeles de gradient “statiques” et CE

Cas simple : Xu(x) = − grad (fu(x)), fu(x) fonction C∞ sur M(potentiel, fonction energie, etc.).

Les etats internes stables = minima quadratiques de fu et lesbassins d’attraction sont separes par de “bonnes” separatrices.

Deux conventions extremes pour l’instance de selection I :

1 Convention du “retard parfait” : un minimum de fu(x) resteoccupe tant qu’il ne disparaıt pas par bifurcation en collapsantavec un autre point critique. Catastrophes “de bifurcation”.

2 Convention “de Maxwell” : le systeme occupe toujours leminimum absolu de fu tant que celui-ci est unique. Lorsqu’ilexiste deux minima absolus, catastrophes “de conflit”.

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Pour ces modeles locaux de gradient “statiques” (CE), Thomutilise ses resultats (generalisant ceux de Whitney), ainsi que ceuxde Malgrange, Mather, Arnold, etc.

sur la caracterisation de la stabilite structurelle : f eststructurellement stable ssi tous ses points critiques sontquadratiques (i.e. non degeneres) et toutes ses valeurscritiques sont distinctes (on dit alors que f est une fonction deMorse excellente),

sa genericite,

la classification des singularites de petite codimension (≤ 4, ladimension de l’espace-temps),

leurs formes normales,

leurs deploiements universels.

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Cf. son grand article de 1956 [6] (Annales de l’Institut Fourier)“Les singularites des applications differentiables”.

Pour une introduction aux differents concepts et theoremes, cf. macompilation [P82a] de travaux de Thom, Mather, Malgrange,Arnold et Zeeman, ainsi que de Boardman, Chenciner, Golubitsky,Guillemin, Milnor, Poenaru, Porteous, Ruelle, Sard, Siersma,Tougeron, Wall.

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L’exemple de la queue d’aronde

Exemple du deploiement universel de la singularite x5 organisant laCE dite “queue d’aronde”.

Cette singularite d’une variable interne x fusionne deux minima etdeux maxima. C’est un point d’inflexion degenere.

On montre que son deploiement universel est de dimension 3 etqu’il est donne par la forme normale

x5 + ux3 + vx2 + wx = fu,v ,w (x) .

L’ensemble catastrophique de bifurcation K ⊂W est representablecomme la surface parametrique de W d’equations

(−u, v = −4x3 − 2ux ,w = 3x4 + ux2),

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La figure montre K pour u ∈ [−1, 1] et x ∈ [−1.3, 1.3].

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Pour montrer la facon dont l’ensemble catastrophique complet(bifurcations et conflits) realise geometriquement la classificationdes stabilises partiels et complets de f , on represente une section dedimension 2 de W transverse a K dans sa partie la plus complexe.

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Modeles dynamiques “metaboliques” et catastrophes generalisees

Les modeles locaux “statiques” sont trop simples.

Thom introduisit des modeles “metaboliques” plus compliques oules dynamiques internes Xu(x) peuvent etre des systemesdynamiques quelconques.

C’est un saut enorme de complexite. Beaucoup de problemesouverts (fin des annees 1960) sur lesquels il travaillait, commePeixoto, Smale, Ruelle, etc.

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A l’epoque, le chaos deterministe, les attracteurs etranges et lacomplexite resistant a la stabilite structurelle etaient des sujetsemergents.

Peixoto avait caracterise la stabilite structurelle pour ladimension 2,

Smale avait montre que les dynamiques structurellementstables ne sont pas denses en dimension ≥ 4 et que la stabilitestructurelle n’est donc pas toujours une propriete generique.

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Theoreme de Peixoto. Soit X un champ de vecteurs C r (r ≥ 1)sur une variete C r M compacte orientable de dimension 2.

1 X est structurellement stable ssi

La recurrence se limite a un nombre fini de points fixes etd’orbites periodiques tous hyperboliques ;il n’existe pas d’orbite joignant deux points cols.

2 La stabilite structurelle est une propriete ouverte et densedans l’espace fonctionnel Γ(TM) des X .

Ce Theoreme de Peixoto dit que, pour etre structurellement stable,X doit etre de Morse-Smale, ces dynamiques simples generalisantdirectement les dynamiques de gradient.

La seconde condition signifie que les intersections entre les varietesstables et instables doivent etre transversales.

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Le diffeomorphisme de Thom-Smale

Ma generation a appris la complexite des dynamiques generalesentre autres sur l’exemple du diffeomorphisme de Thom-Smale.

A cote des dynamiques qui sont des systemes d’equationsdifferentielles, on peut considerer des dynamiques qui consistent aiterer un diffeomorphisme d’une variete.

Un exemple frappant (et tres pedagogique) est le diffeomorphismesuivant sur le tore T = R2/Z× Z.

On considere l’automorphisme lineaire de R2 defini par la matrice

A =

(1 11 2

)dans la base standard (1, 0) , (0, 1).

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A est a coefficients dans Z et de determinant 1. Elle est doncinversible et son inverse est egalement a coefficients dans Z. Ellelaisse par consequent le reseau Z× Z de R2 invariant et passe auquotient.

Elle induit sur T un diffeomorphisme ϕA qui preserve la mesure deLebesgue. En tout point a de T, le plan tangent TaT s’identifie aR2 et l’application lineaire tangente DaϕA a ϕA en a est alors Alui-meme.

Le seul point fixe de A sur R2 est l’origine 0 = (0, 0) puisque si

A

(xy

)=

(xy

)alors x + y = x et donc y = 0 et x + 2y = y

et donc x = 0.

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L’equation aux valeurs propres est

λ2 − 3λ+ 1 = 0

le produit des valeurs propres etant det(A) = 1 et leur sommeetant trace(A) = 3.

Les valeurs propres en 0 sont (s pour “stable” et u pour“unstable”) : λs = 3−

√5

2 , direction propre Es = (λs − 2, 1) =(−1+

√5

2 , 1)

λu = 3+√

52 , direction propre Eu = (λu − 2, 1) =

(−1+

√5

2 , 1)

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Comme 0 < λs < 1, la direction propre Es =(−1+

√5

2 , 1)

est

attractive (i.e. stable).

Comme 1 < λu, la direction propre Eu =(−1+

√5

2 , 1)

est

repulsive (i.e. instable).

Comme aucune des valeurs propres n’est de module 1, on ditque le point fixe 0 est hyperbolique.

Soit U le changement de base defini par les vecteurs propres :

U =

(−1+

√5

2 −1+√

52

1 1

). Son inverse est

U−1 = 1√5

(1 1+

√5

2

−1 −1+√

52

). La conjugaison de A par U

diagonalise A et donne

D = U−1AU =

(λu 00 λs

)=

(3+√

52 0

0 3−√

52

).

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Cela permet de calculer facilement les puissances successives de A,Ak = UDkU−1.

Cela permet aussi de montrer que le seul point periodique de A est0 = (0, 0). En effet, si v = (x , y) est un vecteur de R2, dire que vest k-periodique c’est dire que c’est un point fixe de Ak , i.e.Akv = v . Soit w = (x ′, y ′) = U−1v . Alors

Dkw = U−1AkUw = U−1Akv = U−1v = w

et w est un point fixe de Dk =

(λk

u 0

0 λks

). Donc λk

ux ′ = x ′ et

λks y ′ = y ′ et comme λk

s et λku sont toujours differents de 1 puisque

|λs | et |λu| sont 6= 1, la seule solution est 0 = (0, 0).

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Quand on passe au quotient, A devient le diffeomorphisme ϕA. Leseul point fixe est l’origine 0 = (0, 0) puisque si

A

(xy

)=

(x + k (k ∈ Z)y + l (l ∈ Z)

)≡(

xy

)mod(Z× Z) alors

x = l − k et y = k et donc x ≡ y ≡ 0 mod(Z).

Les directions propres Es et Eu s’enroulent sur le tore T et cela defacon dense car leur pente est irrationnelle.

On montre alors les resultats suivants.

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La droite Es enroulee sur T est l’ensemble

W s (0) =

a ∈ T | ϕn (a) −→n→∞

0

. Elle s’appelle la variete

stable de 0.

La droite Eu enroulee sur T est l’ensemble

W u (0) =

a ∈ T | ϕ−n (a) −→n→∞

0

. Elle s’appelle la variete

instable de 0.

W s (0) et W u (0) sont donc des sous-varietes densementimmergees de T.

Elles s’intersectent transversalement en une infinite dense depoints homocliniques (terminologie remontant a Poincare) .

D’apres un theoreme de Smale, pour chaque pointhomoclinique a il existe un ensemble de Cantor Λ contenant aet n ∈ N tels que Λ soit ϕn

A-invariant et que, sur Λ, ϕnA soit

isomorphe a la dynamique “symbolique” dite du shift donneepar θ : S → S , (αn)n∈Z 7→ (α′n = αn+1)n∈Z ou S estl’ensemble des suites sur Z d’un alphabet fini.

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Comme T est compact et que donc les trajectoires ne peuvent pass’echapper vers l’infini mais doivent s’enrouler au contraire sur T,la structure des points periodiques de ϕA est assez compliquee.

Pour prendre l’exemple le plus simple, considerons

A2 =

(2 33 5

). Par passage au quotient, dire que la projection a

de v = (x , y) est 2-periodique, c’est dire qu’il existe r , s ∈ Z tels

que

(2 33 5

)(xy

)=

(x + ry + s

), autrement dit que x et y

satisfont le systeme 2x + 3y = x + r3x + 5y = y + s

soit x = −4r+3s5 et y = 3r−s

5 .

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Quand on passe au quotient mod(1), ce reseau doublement infinidonne 5 points : evidemment (0, 0) qui est 1-periodique et 4points strictement 2-periodiques : (0.2, 0.6), (0.4, 0.2), (0.6, 0.8) et(0.8, 0.4).

Les points k-periodiques forment un sous-groupe additif car A estlineaire. L’addition de R2 passe au quotient et definit une additionsur T (T est une courbe elliptique). Dans le cas present, on verifieque les points 2-periodiques forment un groupe cyclique a 5elements du groupe T .

Lorsque k augmente, le nombre de points k-periodiques augmenteet l’on peut montrer qu’il y en a une infinite dense dans T.

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En fait, le diffeomorphisme de Thom-Smale est globalementhyperbolique. On dit que c’est un diffeomorphisme d’Anosov.

Cela signifie qu’il existe une decomposition globale ϕA-invariantedu fibre tangent en somme directe de sous-fibres,TT = W s ⊕W u, sur lesquels Dϕ est respectivementuniformement contractante et dilatante.

Plus precisement, on appelle variete stable de ϕA en a

W s (a) =

t ∈ T | dist (ϕn (a) , ϕn (t)) −→n→∞

0

(dist(•, •) est la distance sur T induite par la distance euclidiennesur R2) et variete instable,

W u (a) =

t ∈ T | dist(ϕ−n (a) , ϕ−n (t)

)−→n→∞

0

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W s (a) et W u (a) sont des sous-varietes densement immergees et,en chaque point a, TaW s = Es et TaW u = Eu. Autrement dit, atravers l’identification TaT = R2 en tout point a, la decompositionTT = W s ⊕W u devient tout simplement celle R2 = Es ⊕ Eu.

L’hyperbolicite globale implique de tres fortes proprietesd’ergodicite : la recurrence est maximale, et ϕA est Anosov etmixing (melangeant), ce qui signifie que quels que soient lesouverts V et W de T, apres un certain N, tous les ϕn

A (V ), n ≥ N,recoupent W .

Qui plus est, cette enorme complexite est structurellement stable,ce qui est tout a fait remarquable.

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Des exemples de ce type ont beaucoup frappe les gens a l’epoque.Comme en temoigne Ethan Akin :

Thom’s beautiful torus map examples came as somethingof a shock.

Ils ont permis, entre autres a Smale, de caracteriser des classes dediffeomorphismes (et de champs de vecteurs) avec de bonnesproprietes d’hyperbolicite, et donc de stabilite structurelle.

Si X est un systeme dynamique sur M et si Γt est son flot, on ditqu’un point x ∈ M est errant s’il existe un voisinage U de x tel queΓt soit disjoint definitivement de U au bout d’un certain temps.

En particulier x est non recurrent au sens ou au bout d’un certaintemps sa trajectoire ne passe plus dans U. Il s’agit d’une conditionouverte.

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On note Ω l’ensemble des points non errants. Ω est un fermeX -invariant.

L’axiome A de Smale impose que (comme pour l’exemple du toreou Ω = T), Ω soit compact et globalement hyperbolique et que lespoints periodiques y soient denses.

Dans ce cas, sous quelques hypotheses techniques supplementaires,on sait demontrer la stabilite structurelle (cf. [P82c]).

On demontre qui plus est que Ω est decomposable en domaines debases (“basic sets”) de type Anosov assembles entre eux par unedynamique a la Morse-Smale.

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La srategie des modeles metaboliques

C’est le theoreme de “decomposition spectrale” de Smale qui aservi de justification a Thom pour ses modeles “metaboliques”.

Pour dominer les difficultes posees par l’usage de dynamiques nonde gradient, il fit des hypotheses permettant d’envisager desapplications au moins qualitatives a des phenomenes empiriques.

L’idee etait de faire une sorte de moyennage thermodynamique desattracteurs.

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Il garda l’hypothese d’adiabaticite et il se restreignit suivant les casa des dynamiques internes appropriees

possedant un nombre fini d’attracteurs (sur lesquels ladynamique interne peut etre ergodique),

dont les bassins d’attraction sont separes par des “bonnes”hypersurfaces,

pour lesquelles on peut caracteriser la stabilite structurelle etmontrer qu’elle est generique.

Cela lui permit de considerer des fonctions de Liapounov sur lesB (A) \A et de faire qualitativement comme si les dynamiquesinternes ressemblaient a des dynamiques de gradient mais avec desattracteurs possedant une topologie compliquee.

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La notion de “centre organisateur”

La singularite instable se deployant dans un deploiement universel(W ,KW ) s’appelle ( terme introduit par l’embryologiste HansSpemann), un “centre organisateur”.

C’est une instabilite purement interne non encore “externalisee” enmorphologie.

Thom y raccorde deux problematiques :

1. Les mecanismes de “reconstruction” des centresorganisateurs. Des dynamiques externes (et non plus internes)peuvent faire revenir le systeme au centre organisateur memesi le deploiement spontane de celui-ci est un processusirreversible de stabilisation.

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2 La dialectique local/global dans les deploiements. Elle permetun “langage” morphologique composant “syntaxiquement”des CE.

On considere des deploiements universels locaux (V,KV) decentre organisateur de grande codimension N.

En plongeant une variete V de dimension ≤ 4 dans V defacon a ce que l’image de V soit transverse sur KV , passe loindu centre organisateur et se trouve dans la region ou KV estde complexite maximale, on obtient un compose global (quipeut etre complique) de CE.

D’ou une syntaxe generative naturelle, purement geometrique.

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TC et equations de reaction-diffusion

Le modele de l’article “princeps” ThDynMorph [2] (1966-1968)concerne la biochimie de la differenciation cellulaire.

Thom suppose

qu’il existe dans le substrat des substances si deconcentrations respectives ci ,

que les concentrations ci evoluent selon des dynamiquesinternes qui sont celles (fortement non lineaires) de lacinetique chimique : dci

dt = Xi (cj),

qu’on peut “localiser” ces reactions biochimiques internesrelativement a l’extension spatiale du substrat.

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Il suppose donc que les ci sont des fonctions ci (u, t) du temps etde la position u ∈ U dans le substrat et il introduit sa toutepremiere equation :

∂ci

∂t(u, t) = Xi (cj (u, t)) + k∆ci (u, t)

k∆ci = terme de diffusion, ∆ =laplacien spatial, k = coefficientde diffusion.

Dans une note, Thom explique que

“cette idee d’interpreter la differenciation cellulaire enterme de ‘regime stable du metabolisme’, d’attracteur decinetique biochimique est attribuee souvent a Delbruck etSzilard. En fait, on la trouve enoncee – sous sa formelocale, qui est la seule correcte – dans Waddington, AnIntroduction to Modern Genetics, 1940.”

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Apres avoir travaille en physique theorique juqu’a la fin des annees1930, Max Delbruck fut l’un des fondateurs de la biologiemoleculaire. Il recu le prix Nobel en 1969.

Apres avoir collabore au projet Manhattan, Leo Szilard se tournaegalement vers la biologie moleculaire en 1947.

Le texte de Waddington [Wa1] cite par Thom est en fait de 1939et est suivi de pres par l’ouvrage de 1940 Organizers and Genes[Wa2].

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La note de Thom est l’enjeu d’un fort interessant echangeepistolaire que l’on trouve dans le CD-Rom de M. Porte [Por] etdiscute dans les remarques [Fr] de S. Franceschelli. Je me souviensbien des echanges approfondis entre Thom et Waddington que j’aieu la chance de suivre des 1969 :

Edimbourg, 25 janvier 1967 : Waddington mentionne sapriorite ;

Bures, 27 janvier : Thom propose sa note ;

Edimbourd, 4 fevrier : Waddington lui envoie son texte aveccelui de Delbruck ;

Bures, 20 fevrier : Thom commente en detail les deux papierset corrige l’interpretation de Delbruck donnee parWaddington ;

Edimbourg, 23 fevrier : Waddington repond de facon detailleeaux commentaires de Thom.

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Les dates sont importantes : 1940 Waddington, 1949 Delbruck,1966 Thom.

En effet, l’equation de Thom est une equation de reaction-diffusionanalogue a celle introduite par Alan Turing dans son articlepionnier de 1952 sur la morphogenese “The Chemical Basis ofMorphogenesis” [Tu].

Pour cet article, cf. mon texte [P13] pour le Colloque de l’AIPS de2012 et celui [P-L] de N. Pisanti et G. Longo.

La proximite entre l’article de Turing de 1952 et celui de Thom(qui ne le connaissait sans doute pas) de 1966 est saisissante.

Les references aux maıtres de la morphogenese sont exactement lesmemes : D’Arcy Thompson, Child, Waddington.

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Le probleme traite est exactement le meme. Turing le formule ainsien 1952 :

“It is suggested that a system of chimical substances,called morphogenes, reacting together and diffusingthrough a tissue, is adequate to account for the mainphenomena of morphogenesis.”

L’annee d’apres (1953), il le precise :

“It was suggested in Turing (1952) that this might be themain means by which the chemical information containedin the genes was converted into a geometrical form.”

Probleme : comment une structuration spatiale “externe” (uneforme) peut-elle emerger de reactions biochimiques “internes”genetiquement controlees.

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Pour Turing comme pour Thom une forme est une brisure del’homogeneite spatiale d’un tissu biologique, une brisure dessymetries sous-jacentes a l’homogeneite.

Turing explique lui aussi la formation de patterns par lesinstabilites des reactions chimiques internes.

Il la modelise par des equations de reaction-diffusion non lineairesqu’il etudie numeriquement au moyen des calculateurs qu’il avaitlui-meme crees :

dΓm

dt= µm∇2Γm + fm (Γ1, · · · , ΓM)

Les notations sont celles de Turing : Γm = concentrations de Mmorphogenes, ∇2 = laplacien spatial, µm = coefficients dediffusion, fm = equations de cinetique chimique.

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Un modele tres simple est du type suivant :∂c1∂t = ρ

c21

c2− αc1 + σ1 + k1∆c1

∂c2∂t = ρc2

1 − βc2 + σ2 + k2∆c2

α < β, k1 k2

Le morphogene activateur c1 est auto-catalytique (terme c21

dans ∂c1∂t ) et sa production est inhibee par le morphogene

inhibiteur c2 (terme 1c2

dans ∂c1∂t ).

Qui plus est, c1 catalyse son inhibiteur (terme c21 dans ∂c2

∂t ).

Les termes lineaires αc1 et βc2 (α < β) sont des termes dedegradation ; la constante σ2 permet un etat homogene stableet la constante σ1 permet de declencher le processus ; k1 etk2 sont des coefficients de diffusion avec k1 lent k2 rapide.

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Une fluctuation locale initiale de l’activateur c1 induit un pic localde c1 qui diffuse lentement.

Mais ce pic amplifie aussi c2, et comme c2 diffuse plus vite que c1,il va inhiber la production de c1 a une certaine distance car lorsquec1 y arrivera il y aura assez de c2 pour en bloquer la production (ceque l’on appelle une “inhibition laterale”).

D’ou l’apparition d’un bord, d’une discontinuite qualitative.

On comprend donc comment, avec de tels mecanismes, on peutobtenir des patterns.

Ce qui est etonnant est que ceux-ci peuvent etre d’une complexiteet d’une diversite incroyables : ondes spirales en chimie, patternsdes coquilles et de la peau chez les animaux, etc.

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Chez Turing, les instabilites sont des “diffusion-driven instabilities”.

Ce sont les differences entre les coefficients de diffusion µm quiengendrent des patterns (cf. par ex. le survey d’Hans Meinhardt,2012 [Me]).

Thom evince quant lui la diffusion au nom de la stabilitestructurelle.

Selon lui, les termes de diffusion k∆ci (u, t) peuvent etre traitescomme des petites perturbations.

Si les dynamiques de cinetique chimique Xi (cj (u, t)) sontstructurellement stables, la diffusion ne change pas la situationqualitative et n’a pas d’effets morphogenes.

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La difference entre Turing et Thom est donc tres precise :

Chez Turing, la dynamique interne est partout la meme maisles coefficients de diffusion sont differents et c’est la diffusionspatiale comme processus de transport qui produit lesinstabilites et les patterns.

Chez Thom, les coefficients de diffusion sont les memes maisl’espace externe parametrise les dynamiques internes et sapolarisation guide les deploiements d’instabilites quiproduisent les morphologies.

A ma connaissance, Thom n’est jamais vraiment revenu auxequations de reaction-diffusion (je vais reconsulter ses archives al’IHES pour le verifier).

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Peu de specialistes se sont interesses a la comparaison des deuxtypes de modeles.

Exemple de Gregoire Nicolis (avec J.F.G Auchmuty) en 1974 [Ni].

Nicolis reduit les modeles de Thom aux CE et oublie lescatastrophes generalisees.

Toutefois il souligne avec justesse la divergence :

“In Thom’s theory the explicit influence of diffusion inthe equations of evolution of chemical systems isneglected. Instead only the parametric dependence of thelocal reaction rates on the spatial position is taken intoaccount.”

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Mais il souligne aussi la convergence remarquable des deuxpoints de vue :

“However, in both our analysis and in Thom’s theory oneobserves qualitatively different solutions of systems ofnonlinear differential equations in different regions of aparameter space and these qualitatively differentsolutions describe the morphology of the system.”

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En 1973-1974, Yoram Schiffmann discute en detail le probleme[Sc] :

“ The difficulty with Thom’s approach to biologicalmorphogenesis is two fold. First, it neglects diffusion. Butdiffusion is central to biological morphogenesis. Second,it assumes the existence of a meaningful potential butdoes not prove its existence. But the existence of apotential is central to CT. It is precisely becausepotentials were not envisaged for an arbitrary mechanismin a reaction-diffusion system far from equilibrium thatCT was criticized in the literature.”

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La “two fold way” de la TC

L’independance par rapport au substrat

La geometrie des morphologies observees dans la nature est engrande partie “independante” de la physico-chimie specifique dusubstrat.

La geometrie “platonicienne” des brisures de symetries domine laphysique materielle.

Thom le formule des la phrase d’ouverture de ThDynMorph [2] : leterme de “morphogenese” est utilise

“pour designer tout processus createur (ou destructeur)de formes ; on ne s’occupera ni de la nature (materielleou non) du substrat des formes considerees, ni de lanature des forces qui causent ces changements.”

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“Difficile a admettre” selon Thom lui-meme, ce principe est justifiepar l’existence des theoremes de classification des singularites et deleurs deploiements universels, theoremes qui montrent qu’il existedes modeles geometriques universels en quelque sorte“platoniciens”.

Il se passe avec les CE ce qui se passe avec les “solidesplatoniciens” (les sous-groupes finis de rotation de R3).

Le principe remet en cause la these que la physico-chimie internedu substrat doit etre la cause de sa morphologie externe : lesubstrat est seulement une cause materielle (une implementation)des morphologies.

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Deduction ou abduction

Dans les annees 1970, cette difficulte sera thematisee par ce queThom a appele la “two fold way” de la TC.

1 Dans la “premiere voie”, on connaıt explicitement lesdynamiques internes Xu (x) et on en deduit les morphologiesexternes (U,KU). Cest le cas en physique par exemple pour lescaustiques en optique geometrique et ondulatoire (integralesoscillantes), pour les ondes de choc, pour les transitions dephases et les phenomenes de rupture de symetrie (cf. [P82b]).

2 Dans la “seconde voie”, on continue a supposer qu’il existedes dynamiques internes mais on ne les connaıt pas. Onobserve seulement les morphologies externes (U,KU) et l’oncherche a en abduire les dynamiques internes les plus simplessusceptibles de les engendrer.

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La seconde voie est justifiee par le fait que les dynamiques internessont en general considerablement sous-determinees par rapport auxmorphologies externes. Une grande partie n’est pas le supportd’instabilites et de singularites et n’est pas morphogene.

Dans ThDynMorph [2], Thom explique que sa “tentative”

“consiste a essayer de decrire les modeles dynamiquescompatibles avec une morphologie empiriquementdonnee.”

Un des exemples les plus spectaculaires de cette strategie est lafacon dont, partant de la phenomenologie des potentiels d’actionneuronaux, Christopher Zeeman est “remonte” abductivement auxequations de Hodgkin et Huxley [Ze2].

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Le debat de 1969 au Wistar Institute

Cette methodologie qualitative inusuelle a suscite bien des debats,et cela des le tout debut. La discussion de MathApprMorph [4] en1969 au Wistar Institute est particulierement significative.

D’abord, en reponse a une remarque du geneticien MarcelloSiniscalco, Thom reaffirme sa position platonico-geometrique :

“My fundamental claim is that any stable structure owesits stability to a kind of geometrico-algebraic archetypewhich has a kind of platonic existence ; e.g., amathematical structure, of which living beings are just aparticular realization.”

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Le geneticien Walter Bodmer lui retorque alors que tout (lessingularites, les instabilites, les bifurcations, les morphologies)doit deriver des equations explicites des systemes :

“The equations that you have should describe what youare looking at. To get something useful out, it seems tome you have to put in a determinate system ofequations.”

Thom repond qu’il ne considere pas des systemes d’equationsexplicites mais des structures geometrico-algebriques ou lesequations n’interviennent qu’a homeomorphisme pres, ce quiexige un “qualitative thinking”.

Et lorsque Bodmer lui repond que le qualitatif n’est que duquantitatif affaibli, Thom interjecte “No, No, No”, ce quipermet a l’editor du colloque (Vittorio Defendi) de conclureironiquement : “On this hopeful note of common agreement,the conference was ended.”

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Vers un fonctionnalisme morphologique

La seconde voie de la TC (l’independance par rapport au substrat)est pourtant tout a fait banale dans d’autres contextes.

Par exemple en informatique ou des idealites symboliquesorganisees syntaxiquement et semantiquement par deslangages – autrement dit des “softwares” – se trouventimplementees, compilees, realisees dans des machinesphysiques – autrement dit des “hardwares”.

La these de l’independance des softwares par rapport auxharwares s’appelle “fonctionnalisme”.

Le fonctionnalisme est egalement tout a fait banal en sciencescognitives (niveau neuronal VS niveau psychologique oumental).

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En fait le fonctionnalisme intervient des que l’on cherche atheoriser comment des “langages” peuvent etre implementesdans des processus physiques.

Thom a developpe un fonctionnalisme morphologique ou desidealites morphologiques locales organisees syntaxiquement etsemantiquement par un langage geometriquemultidimensionnel sont implementees materiellement dans dessubstrats biologiques.

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Reduction dimensionnelle et reduction de variables

Qui plus est la methode de la seconde voie – chercher lesdynamiques internes les plus simples susceptibles d’engendrer lamorphologie obervee – est tout a fait standard dans de nombreusesdisciplines. Elle repose :

1 sur la recherche et la selection des variablesmorphogenetiquement pertinentes ;

2 sur un principe de parcimonie (rasoir d’Ockham) ;

3 sur la reduction dimensionnelle correlative.

On ne peut donc que se demander pourquoi elle a ete si difficile aadmettre.

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TC, discontinuites qualitatives et phenomenologie

La methodologie qualitative thomienne va tres au-dela des modelesclassiques. En fait, Thom identifie d’emblee et explicitement lanotion de morphologie a celle de phenomene.

Toute science fondamentale doit refonder mathematiquement leconcept primitif de “phenomene”.

En mecanique classique on a identifie, via le calcul differentiel,“phenomene” et “mouvement”.

En mecanique quantique on a identifie, via la theorie desoperateurs sur les espaces de Hilbert, “phenomene” et “valeurspectrale d’observable”.

En morphodynamique on identifie “phenomene” et“discontinuite qualitative”.

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Au symposium de Katada de 1967 DynThMorph [1], Thom definitun phenomene naturel dans un domaine U ⊂ R3 × R del’espace-temps par l’opposition entre

(i) les points phenomenologiquement reguliers au voisinagedesquels le substrat est localement homogene, et

(ii) les points phenomenologiquement singuliers au voisinagedesquels le substrat est rendu localement heterogene par desdiscontinuites qualitatives.

Au debut de ThDynMorph [2], il explique que

“le propre de toute forme, de toute morphologie est des’exprimer par une discontinuite des proprietes du milieu.”

Il affirme egalement dans TopModBio [3] que toute morphologierepose sur des discontinuites.

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Il s’agit d’un leitmotiv :

“phenomene” ≡ “morphologie” ≡ “points reguliers/singuliers” ≡“systeme de discontinuites qualitatives”.

Thom y revient constamment. Les scientifiques classiquesn’aimaient pas les discontinuites et cherchaient a les eliminer :

“rien ne met plus mal a l’aise un mathematicien qu’unediscontinuite, car tout modele quantitatif utilisable reposesur l’emploi de fonctions analytiques, donc continues.” [2]

Ils ont laisse de cote pendant longtemps les phenomenes ou leconcept de discontinuite est constitutif.

Thom inverse la valeur attribuee aux singularites et auxdiscontinuites. Au lieu de les considerer comme des “mauvais”objets, il les considere comme des objets “excellents”,phenomenologiquement dominants, en lesquels se concentrel’information pertinente.

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Biologie structurale VS moleculaire

Le probleme de l’information positionnelle

Les modeles locaux de morphogenese sont des modeles de champsmorphogenetiques a la Child-Waddington.

Ils presupposent que, si les genes controlent bien lesdifferenciations cellulaires, ils ne sont pas pour autant la seulecause des morphologies observees.

Les morphologies sont contraintes par des contraintestopologico-geometriques “platoniciennes” imposees par le principede stabilite structurelle.

Elles resultent de l’action de ce que l’on appelait a l’epoquel’information positionnelle.

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Dans les annees 1960, antagonisme marque entre biologiemoleculaire et structuralisme embryologique.

Au debut du XXe siecle les grands embryologistes Hans Driesch(1867-1941) et Hans Spemann (1869-1941, Nobel 1935 pour ladecouverte de l’induction embryologique et inventeur du conceptde centre organisateur) etaient encore vitalistes de facon declaree.

Les structuralistes comme Waddington, Brian Goodwin ou GerryWebster (cf. [WG]) n’etaient plus vitalistes, mais ils maintenaientla these que les processus de morphogenese et l’expression dugenotype par le phenotype exigeaient une theorie de l’informationpositionnelle controlant la differenciation cellulaire.

Selon eux, c’etait la position des cellules qui selectionnait certainsregimes metaboliques en declenchant certains genes.

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Cf. Goodwin-Webster [WG], il s’agit de comprendre

“how these hierarchically organized dynamic fieldsundergo robust symmetry-breaking cascades to producegeneric forms. These are the basic morphologicalstructures available for evolutionary transformations,whose classification into equivalence classes provides abasis for taxonomic relationships.”

Thom est entre de plain pied dans ce debat en offrant auxstructuralistes l’appui de ses nouvelles mathematiques. D’ou unecontroverse avec les tenants de la biologie moleculaire.

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Homeogenes

Ce debat est en passe d’etre en partie resolu depuis les travauxd’Edward Lewis (Nobel 1995) sur les genes homeotiques quimarquent la position d’une cellule. Les homeogenes sont des genesde regulation determinant les sites ou certaines structuresanatomiques vont se developper.

Alain Prochiantz, Lecon inaugurale de sa chaire Processusmorphogenetiques du College de France 2007 :

jusqu’aux annees 1980, le developpement etait concu avant toutcomme une affaire de differenciation cellulaire, et donc d’expressionde genes ; la question des assemblages morphologiques n’etait quepeu abordee.

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Cette situation – contexte des premiers travaux de Thom – aradicalement change avec la decouverte en 1991 deshomeoproteines qui sont des signatures moleculaires de la positiondes cellules qui les expriment

Les homeoproteines se fixent sur l’ADN, peuvent franchir lesmembranes cellulaires et agir comme des morphogenes diffusants.

Cela relie position et differentiation par un mecanisme quiressemble enormement a celui dont Turing et Thom ressentaient lebesoin.

Il y a la une convergence remarquable qui permet enfin desurmonter partiellement l’obstacle epistemologique d’une theorie ala fois geometro-dynamique et genetique de la morphogenese.

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Embryogenese et imagerie

Par ailleurs de nouvelles methodes d’imagerie ont permis lareconstruction quantitative de l’embryogenese et la modelisationdes comportements cellulaires precoces.

Avec des outils de microscopie multiphotonique a balayage on a puenregistrer des signaux de mitose et des variations de proprietesoptiques des membranes permettant de reconstruire positions,contacts, differenciations, lignages, trajets et migrations cellulaires.

Ces donnees empiriques quantitatives sont compatibles avec desmodeles qualitatifs thomiens.

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Fonction et signification

Thom est alle plus loin que les modeles morphogenetiques destructure.

En effet, en biologie, la structure est inseparable de la fonction et ilfallait donc interpreter mathematiquement la notion de fonction.

L’hypothese de Thom, assez speculative, est bien formulee dansThDynMorph [2] :

“L’idee fondamentale de notre modele est que toutespecialisation cellulaire etant caracterisee par un regimestable du metabolisme local, c’est-a-dire un attracteur Ade la cinetique biochimique tangente au point considere,la signification fonctionnelle du tissu correspondants’exprime dans la structure geometrique ou topologiquede cet attracteur A.”

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Des 1965, Zeeman avait introduit dans Topology of the Brain laconsideration d’attracteurs neuronaux de tres grande dimension.

Thom a repris la meme hypothese pour modeliser la significationdes “idees” dans les modeles neuronaux d’activites mentales (cf.“Topologie et linguistique” [5]).

Tout processus psychique est correlatif des processusneurophysiologiques qui l’implementent.

Or les dynamiques neuronales sont essentiellement desdynamiques de couplage d’oscillateurs dans des espaces dedimension enorme.

On savait deja a l’epoque (cf. par exemple les travaux deDavid Ruelle et Floris Takens de [R-T] sur la turbulence) que,sous la contrainte de stabilite structurelle, de tels couplagesconduisent a des attracteurs etranges tres compliques.

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On peut donc faire l’hypothese

qu’un contenu mental est represente par un tel attracteur,

que sa signification correspond a la topologie de l’attracteur,

que le “flux de conscience” est une dynamique “lente” faisantpasser d’attracteur en attracteur par des bifurcationssuccessives.

Cette idee pionniere sera retrouvee vingt ans apres dans les annees1980 par les specialistes de reseaux de neurones (cf. par ex. DanielAmit, 1989, Modeling Brain Function: The World of AttractorNeural Networks [Am]) utilisant des equations differentiellesexplicites, de type Wilson-Cowan-Hopfield.

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Thom visait ainsi une theorie geometrique commune a la biologieet au langage ou

la morphologie et la fonction cote biologie correspondentrespectivement a la syntaxe et a la signification cote langage,

la morphologie-syntaxe est modelisee par des ensemblescatastrophistes externes,

la fonction-signification est modelisee par la topologie desattracteurs internes.

(i) La syntaxe consiste a faire comme si les attracteurs Ai etaientdes points et comme si les fonctions de Liapounov sur lesB (Ai ) \Ai etaient des fonctions potentiel et a se focaliser surles interactions entre attracteurs simples.

(ii) La semantique consiste au contraire a se focaliser sur lastructure interne (compliquee) des Ai .

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D’ou une “Begriffsgeometrie” se substituant a une“Begriffsschrift”.

Begriffsschrift Begriffsgeometrie

Contenus SensTopologie

des attracteurs

Reductiondes contenus

a des symbolesa des minimade potentiels

Syntaxerelations

entre symbolesinteractionsentre minima

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Mecanisme et hylemorphisme

Epaisseur philosophique du probleme de la forme.

Des le debut, Thom s’est considere comme le mathematicien del’hylemorphisme aristotelicien. Au cours des annees, le rapport aAristote devint de plus en plus profond. Apres la biologie et lalinguistique, apres les reflexions sur l’epistemologie des modeles,apres l’Esquisse d’une semiophysique (1988) et l’Apologie du Logos(1990), l’hylemorphisme devient toujours plus central.

On peut consulter quelques items de la Bibliographie generale duvolume 1 des OC, [246] (1990), [265] (1991), [291] (1994), [305](1995), [316] (1997, “The hylemorphic schema in mathematics”),[319] (1998), [322] (1999, “Aristote topologue”, un des derniersarticles),

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L’evaluation de la portee scientifique et m’etaphysique des modelesthomiens n’est possible que si l’on prend la mesure de “l’aporiefondatrice” seculaire qu’ils essayent de resoudre.

Il s’agit de l’antinomie entre mecanisme et hylemorphisme.Certains parmi les plus grands penseurs ont toute leur vie tourneautour.

Le cas de Leibniz est exemplaire : selon lui, le triomphe de lamecanique (dont il fut l’un des principaux acteurs) avait renduincomprehensible toute dynamique des formes.

Selon lui, celle-ci ne pouvait pas se passer de conceptsneo-aristoteliciens comme ceux d’entelechie ou de formesubstantielle.

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Dans la conception mecaniste, seules “la figure, la grandeur et lemouvement” (comme on disait a l’epoque) sont objectifs.

Les corps du monde sensible ne sont pas des “substancescomposees” mais seulement des agregats dont l’unite etl’individuation ne sont que mentales et nominales.

Elles resultent de la perception et du langage qui decoupent dansla realite des unites phenomenales. Ce ne sont que des apparences“bien fondees”.

Or, dans une lettre du 2 fevrier 1706 a des Bosses Leibniz explique :

“outre la figure, la grandeur et le mouvement, il fautadmettre des formes au moyen desquelles la differencedes apparences surgisse dans la matiere, formes qu’on nepeut intelligiblement chercher, me semble-t-il, qu’a partirdes entelechies.”

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C’est tout le point. Si l’on pense que les corps sont des substancescomposees qui possedent un repondant ontologique per se, alors ilfaut comprendre comment la matiere peut s’organisermorphologiquement et, d’une facon ou d’une autre, refaire droit al’hylemorphisme.

Dans son ouvrage de reference se 1986 Architectonique disjonctive,Automates systemiques et Idealite transcendantale dans l’oeuvrede G. W. Leibniz [Ro], Andre Robinet a analyse la suiteininterrompue de tentatives faites par Leibniz au cours d’un “effortintellectuel incommensurable” :

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1 Apres leur rejet entre 1668 et 1671 au profit d’unpan-mecanisme fonde uniquement sur la grandeur, la figure etle mouvement, rehabilitation des formes substantielles, apartir de 1679, dans la correspondance avec Arnauld.

2 Rehabilitation des entelechies en 1691. L’entelechie conjugueforme substantielle et force. Elle est “le principe de l’actualiteet de la realite dont la forme substantielle n’est plus quel’application aux substances vivantes et aux substancescorporelles” ([Ro], p. 64). En 1695, Leibniz introduit dans leSysteme nouveau de la Nature le concept de forces primitivesinternes (differentes des forces mecaniques externes dites alors“derivees”) comme un principe interne analogue a un principevital organique.

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3 A partir de 1696, la theorie monadologique permet de faire lasynthese entre l’entelechie et la matiere premiere et d’elaborerles concepts d’action et d’energie (cf. p. 73).

4 Enfin, entre 1712 et 1716, principalement dans lacorrespondance avec des Bosses, le vinculum substantialeessaye de comprendre comment au-dela des formessubstantielles, des entelechies et des monades qui ne font que“conferer l’unite de la forme a la matiere premiere” (p. 89),les corps peuvent etre d’authentiques “automatessystemiques” se manifestant comme complexes de“discontinuites observees dans la matiere-etendue” (p. 29).

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Apres Leibniz, il y aura les Lumieres francaises et les debats detype Diderot-d’Alembert.

Apres les Lumieres francaises, il y aura l’Aufklarung allemande.

Une fois mise en place sa Critique transcendantale Kant s’estheurte a son tour a l’obstacle epistemologique de l’organisation duvivant et au statut de sa “bildende Kraft” (force formatriceinterne) et a l’aporie de sa “finalite interne objective”.

Pour thematiser philosophiquement ce qu’il appelle lui-meme uneantinomie, Kant a du ecrire une troisieme Critique, la Critique de laFaculte de Juger de 1790, ou dans la partie “Critique du jugementteleologique” il essaye de penser le statut scientifique d’une Natureproductrice de formes. Une telle Nature n’est pas une “physis”relevant du mecanisme mais une “poiesis” relevant d’une techne.

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Dans son ouvrage sur le kantisme [Ca], Ernst Cassirer souligne quela CFJ est bien la solution transcendantale apportee par Kant auprobleme hylemorphique des entelechies.

Apres le criticisme, et en se reclamant de “l’immense merite denotre vieux Kant envers le monde”, Goethe va toute sa vie reflechirsur l’organisation biologique comme “finalite interne objective”.

C’est lui qui va fonder, sous le nom de Morphologie, un premierstructuralisme dynamique (cf. “La genealogie morphologique dustructuralisme”, [P99]).

En etudiant la morphogenese des plantes – qu’il appelait aussi“Metamorphose” –, il a elabore une doctrine de la Morphologiequ’il a appliquee a la fois aux formes naturelles et aux structuresplastiques.

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Goethe a ainsi theorise un monisme naturaliste fonde sur unelargissement du concept mecaniste de Nature.

On trouve chez Goethe l’intuition d’un principe interne“entelechique” engendrant la connexion spatiale (externe) desparties dans un organisme (ce qu’il appelait les “correlations”).

[P99] montre que Goethe est a l’origine du structuralisme moderne.

Sa Morphologie a inspire le formalisme russe qui est a l’originedu structuralisme de Jakobson.

Vladimir Propp qui a introduit les syntaxes actantielles dansles theories narratives s’est constamment refere a Goethe et luia meme emprunte son titre de 1928 La Morphologie du conte.

Claude Levi-Strauss [L-S], se reclamait lui aussi dunaturalisme de Goethe (et de D’Arcy Thompson) :

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“Elle [la notion de structure comme transformation] mevient d’un ouvrage qui a joue pour moi un role decisif etque j’ai lu pendant la guerre aux Etats-Unis : On Growthand Form (. . . ) de D’Arcy Thompson. (. . . ) Ce fut uneillumination, d’autant que j’allais vite m’apercevoir quecette facon de voir s’inscrivait dans une longue tradition :derriere Thompson, il y avait la botanique de Goethe.”

Dans la seconde moitie du XIXe siecle le mecanisme physicaliste,devenu biochimie, combattra ces orientations vitalistes. Mais lefilon Leibniz-Kant-Goethe ne disparaıtra pas.

On le retrouve au XXe siecle chez les embryologistes dont nousavons parle.

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On le retrouve chez Paul Valery qui meditait souvent sur la“technique” morphogenetique de la Nature et visait une“intelligence des formes”.

Valery resume l’aporie par la formule : “ni machine, ni intention, nihasard” ne peuvent expliquer les formes. Cf. [P98].

Florence de Lussy a decouvert dans les notes de Valery au Collegede France en 1940-1941 un projet de morphologie generalisee.

Valery s’y occupe de processus physiques de diffusion et depropagation, d’occupation spatiale de formes, de formes physiquescomplexes comme les tourbillons, de formes biologiques organiseesvegetales et animales.

Comme il le formule fort bien, dans les formes, la vie “ne separepas sa geometrie de sa physique”, et c’est bien tout le probleme.

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Morphologies archetypes et syntaxe actantielle

La tradition morphologique-structurale a eu egalement uneposterite fondamentale en sciences du langage. Elle est l’une dessources principales du structuralisme de Jakobson que Thom s’estegalement propose de modelise.

Les interactions actantielles

L’idee de “modele semantique” multidimensionnel apparaıt dansTopModBio [3] :

“This decomposition of a morphological process takingplace on an Euclidean space Rm can be considered as akind of generalized m-dimensional language; I propose tocall it a ‘semantic model’.”

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Cette idee initiale se specialise avec l’introduction dansMathApprMorph [4] et TopLing [5] des “morphologies archetypes”.L’idee est

de considerer les CE (donc des deploiements universels)(W ,KW ),

d’introduire des sections (S ,KS) transverses de dimension 1ou 2,

de traiter les minima mi des potentiels generateurs Vs (x)comme des places pour des actants.

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On introduit un axe temporel, i.e. une factorisation S = B × T (Bn’intervient pas si dim S = 1) de facon a pouvoir suivre l’evolutiondes mi .

A la traversee des strates de KS qui les impliquent, les mi

interagissent entre eux a travers des catastrophes de conflit et debifurcation.

On obtient ainsi des “morphologies archetypes” d’interactionsactantielles.

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Les graphes actantiels

Ces morphologies archetypes derivees des CE sont intimement lieesaux “graphes actantiels” qui relevent de la seule phenomenologiede la perception.

Ils en sont des modeles generateurs, comme les CE sont desmodeles locaux de morphologies empiriques.

On considere une scene spatio-temporelle ou evoluentdifferents actants.

TopLing [5] : les actants occupent des domaines spatiaux quisont en general des boules topologiques Bi (t) dans undomaine spatial U (t).

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On contracte chaque Bi en un point bi et on regarde lestrajectoires bi (t).

Une interaction entre Bi (t) et Bj (t) au temps t = t0 sera unpoint commun a bi (t) et bj (t) en t0.

On obtient ainsi topologiquement un graphe d’interactiontemporellement fleche dit “graphe actantiel”. C’est une sortede “squelette” perceptif.

Thom remarque alors que ces graphes phenomenologiquessont deductibles des morphologies archetypes qui modelisentles scenarii dynamiques d’interactions d’attracteurs.

Il les classifie (capture, emission, transfert, excision, etc.).

Il definit les roles actantiels correlatifs (sujet, agent,destinateur, destinataire, objet, beneficiaire, instrumental,etc.).

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Le lien entre les graphes actantiels enracines dans la perception etles morphologies archetypes derivees des CE est essentiel car ilcorrele perception et langage.

These fondamentale (et controversee) de Thom :

au-dela de la description de simples scenes spatio-temporelles, lesgraphes actantiels associes aux morphologies archetypes sont desschemes universels pour les structures syntaxiques et les rolesactantiels dans les langues naturelles.

Justification de l’universalite par l’evolution cognitive :

la possibilite de decrire les scenes spatio-temporelles et detransmettre la description a ete vitale pour la survie des premiershommes.

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Conception realiste du langage enracinant la syntaxe dans lesstructures de la perception. TopLing [5] :

“Le type topologique de l’interaction determine lastructure syntaxique de la phrase qui le decrit.”

Ceci dit, les morphologies archetypes ne fournissent qu’unsquelette syntaxique muni de la semantique minimale qui est celledes roles actantiels.

Or il existe evidemment une foule d’autres champs semantiques.

Comme pour les fonctions en biologie, Thom a recours a desdynamiques internes complexes. Cf. TopLing [5] :

“en rajoutant des ‘coordonnees internes’ a certainsactants, il n’est pratiquement aucune expression pourlaquelle on ne puisse trouver une interpretation spatiale.”

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TC et semio-linguistique structurale et cognitive

Les propositions de Thom en semio-linguistique ont ete accueilliesde facon mitigee par les specialistes.

Roman Jakobson etait enthousiaste,

egalement quelques autres linguistes comme Hansjakob Seiler(specialiste des universaux du langage, cf. [Se]) et WolfgangWildgen (cf. [Wi]) en Allemagne, Bernard Pottier (cf.[Pot])en France, Per-Aage Brandt (cf. [Br]) au Danemark ouUmberto Eco en Italie.

Mais par ailleurs beaucoup de reserves.

Pourtant les propositions semio-linguistiques de Thom etaient enprofonde resonnance avec certaines des plus importantes traditions.

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Pour des precisions, cf. Cognitive Morphodynamics [P11]

Grammaires casuelles : de Tesniere a Fillmore

Thom s’inscrit explicitement dans les courants structuralistes desyntaxe actantielle.

Son “heros” etait Lucien Tesniere, grand linguiste de Strasbourgdont il a dit avoir toujours regrette de ne pas l’avoir rencontrelorsqu’il etait a Strasbourg avec Henri Cartan. Tesniere publia en1959 un ouvrage magistral Elements de Syntaxe Structurale [Te].

Les approches structurales et actantielles de la syntaxe reposentsur l’idee que les verbes (du moins les verbes d’action) lexicalisentdes interactions entre actants et determinent leurs roles actantiels.

Elles sont inseparables de ce que l’on appelle les grammairescasuelles.

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Au niveau morphosyntaxique de surface les roles actantiels sontmarques par des cas (nominatif pour l’agent, accusatif pour l’objet,datif pour le beneficiaire, etc.).

Les cas sont exprimes par exemple par des suffixes comme en latinou par des prepositions comme en francais ou en anglais, ou encorepar la position dans la phrase (les solutions sont nombreuses).

Les grammaires casuelles constituent l’une des principalesalternatives aux grammaires generatives.

Leur paradigme est particulierement bien exemplifie par les travauxde Charles Fillmore (cf. par exemple le celebre “The Case forCase” de 1968 [Fi]).

Thom a ete le premier mathematicien a leur offrir des outilsmathematiques idoines non triviaux.

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L’hypothese localiste

L’hypothese que les interactions spatio-temporelles entre actantsspatiaux servent de schemes universels pour les roles actantiels etles relations casuelles (hypothese dite “localiste”) converge avecdes recherches de psychologie cognitive concernant les liens entreles structures profondes du langage et celles de la perception et del’action.

L’idee est que le langage etant tres recent sur le planevolutionnaire il doit etre fonde sur des ressources cognitives etsensori-motrices que nous partageons avec les primates.

Des Gestalten perceptives doivent donc etre sous-jacentes auxstructures grammaticales.

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Ces hypotheses sont confirmees par beaucoup d’etudes cognitives.

Par exemple, la perception directe de relations actantielles, de lacausalite, de l’agentivite ou de l’intentionnalite, est une facultepsychologique fondamentale qui est desormais bien documenteeexperimentalement.

Des inferences proprement perceptuelles conduisent spontanementles sujets a attribuer (d’ou le nom de “principe de l’attribution”)des roles semantiques animes et intentionnels a de simples formesen mouvement (cercles, triangles, carres).

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Premieres experiences dans les annees 1940 par Fritz Heider etMarianne Simmel (cf. [He]) : des mouvements purementcinematiques sont decrits par des scenarios actantielssophistiques.

Depuis les annees 1990, nombreux travaux accomplis dans cedomaine (cf. par exemple Blakemore & Decety [Bla], Scholl &Tremoulet [S-T], Zibetti & Tijus [Z-T]).

Nombreuses experiences (cf. par exemple Mandler [Ma])montrant qu’il existe chez les enfants une pensee conceptuellepreverbale construite a partir de la categorisation perceptuelled’objets, de relations spatiales et d’evenements.

Tous ces resultats sur l’attribution spontanee de roles actantiels ade simples mouvements d’objets inertes confirment que les graphesactantiels sont bien engendres par des morphologies archetypes.

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“Geometry of thought” : iconicite profonde etimage-schemes

Les linguistiques cognitives ont ainsi introduit une “iconiciteprofonde” du langage (cf. par exemple Iconicity in Syntax [Ha] de1985).

Cette iconicite fait appel a des “images-schemes” dont laressemblance avec les morphologies archetypes de Thom estfrappante.

Les grands linguistes cognitivistes comme Ron Langacker (qui seconsidere comme un heritier de Tesniere) [Lan1] ou Len Talmy [Ta]parlent de “conceptual archetypes” et de “gestalts”.

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Comme l’affirme Peter Gardenfors dans [Ga],

“a central hypothesis of cognitive semantics is that theway we store perceptions in our memories has the sameform as the meanings of words.”

L’hypothese d’un format schematique-iconique des representationsmentales remet en question le dogme du caractere symbolique etpropositionnel des contenus mentaux.

Dans [B-C], Benjamin Bergen et Nancy Chang expliquent a proposdes roles actantiels definis par les images-schemes,

“although these roles can be represented in symbolicterms, this symbolic representation serves only toparameterize, and not to replace, the perceptualproperties of the schema in question.”

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Les conceptions topologico-geometriques des representationsmentales convergent egalement avec des resultatsneurophysiologiques fondamentaux comme ceux de Roger Shepard,Lynn Cooper ou Stephen Kosslyn sur l’imagerie mentale.

Par exemple Kosslyn [Ko] a etudie le cas de certaines prepositionset a montre

qu’elles sont traitees de deux facons bien differentes, l’une“continue” et metrique, l’autre “categorielle” et binaire,

que cela resulte cerebralement de la lateralisationhemispherique, le traitement continu s’effectuantpreferentiellement dans l’hemisphere droit et le traitementcategoriel dans l’hemisphere gauche.

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David Kemmerer (cf. [Ke]) a obtenu les memes resultats enetudiant les “neuroanatomical correlates of linguistically encodedcategorical spatial relations”.

Dans tout cela il s’agit bien d’une “geometry of thought” quiconfirme plus de 30 ans apres le projet thomien de “geometrie duconcept”.

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Vers un realisme semiophysique

Les modeles de Thom sont affines a la biologie et a lasemio-linguistique.

En biologie, theorie originale des liens entre structure etfonction ;

en semio-linguistique, theorie originale des liens entre syntaxeet semantique.

Ce parallelisme est un monisme morphodynamique.

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Il a conduit Thom a un realisme semiotique immanent a la Nature.Cf. Topologie et Signification [7] :

“Ne peut-on admettre que les facteurs d’invariancephenomenologique qui creent chez l’observateur lesentiment de la signification proviennent de proprietesreelles des objets du monde exterieur, et manifestent lapresence objective d’entites formelles liees a ces objets, etdont on dira qu’elles sont ‘porteuses de signification’ ?”

L’apport de Thom est d’avoir degage ces entites formelles et d’enavoir fait un langage des formes.

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