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LES PRÉPOSITIONS : UNE CLASSE AUX CONTOURS FLOUS David Gaatone De Boeck Université | Travaux de linguistique 2001/1 - no42-43 pages 23 à 31 ISSN 0082-6049 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-travaux-de-linguistique-2001-1-page-23.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Gaatone David , « Les prépositions : une classe aux contours flous » , Travaux de linguistique, 2001/1 no42-43, p. 23-31. DOI : 10.3917/tl.042.023 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Université. © De Boeck Université. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 86.70.44.244 - 11/10/2011 20h12. © De Boeck Université Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 86.70.44.244 - 11/10/2011 20h12. © De Boeck Université

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LES PRÉPOSITIONS : UNE CLASSE AUX CONTOURS FLOUS David Gaatone De Boeck Université | Travaux de linguistique 2001/1 - no42-43pages 23 à 31

ISSN 0082-6049

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-travaux-de-linguistique-2001-1-page-23.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gaatone David , « Les prépositions : une classe aux contours flous » ,

Travaux de linguistique, 2001/1 no42-43, p. 23-31. DOI : 10.3917/tl.042.023

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Université.

© De Boeck Université. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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LES PRÉPOSITIONS :UNE CLASSE AUX CONTOURS FLOUS*

David GAATONE**

Université de Tel Aviv

Comme il arrive souvent, le sujet du colloque PREP An 2000 était,pour ainsi dire, « dans l’air ». De nombreux numéros de revues etmonographies y ont été consacrés depuis une vingtaine d’années, même sion se limite aux travaux sur la préposition française (cf. Bibliographie).Mais la notion même de « préposition » reste aussi controversée que jamais.Mon propos consistera essentiellement en une tentative d’en mieux cernerles aspects problématiques.

On est d’abord en droit de se demander, en fait, on est dans l’obligationde se demander, si une telle classe est vraiment nécessaire. Je pars del’hypothèse qu’une notion linguistique n’a d’intérêt que si elle estindispensable à la formulation des règles décrivant les mécanismes d’unelangue donnée. La réponse me paraît positive pour le français, dans la mesureoù nombre de phénomènes syntaxiques et sémantiques doivent y faireréférence. Ainsi, toute une série de contraintes syntaxiques semblent liées àce qu’on pourrait appeler une « allergie » à la préposition. Je me contenteraid’en mentionner quatre.

Extraction (ou clivage)

[1] C’est de ce problème qu’il (cherche / *réfléchit à) la solution

L’extraction du syntagme prépositionnel de ce problème n’est pas possibles’il est lui-même inclus dans un syntagme prépositionnel, contrainte quipèse aussi, comme il est bien connu, sur les substituts en et dont, tous deuxétroitement liés à la préposition de.

* Cette communication est une version abrégée et modifiée d’un article à paraître.

** 79/3, rue Haïm Levanon – Tel Aviv 69345 (Israël) – Tél. +972 3 641 36 89 –Université de Tel Aviv – Ramat Aviv, 69978, Tel Aviv (Israël) –[email protected]

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Passif (promotionnel)

On appellera « passif promotionnel » le passif « classique », celui quiconsiste à « promouvoir » un objet direct en position de sujet.

[2] Maya a été (autorisée à / *permise de) jouer dehors

En dépit de la quasi-synonymie des deux verbes, seul l’objet direct deautoriser peut fonctionner comme sujet de son verbe au passif, ce qui estinterdit pour l’objet prépositionnel de permettre, qui désigne pourtant luiaussi le destinataire.

De négatif

[3] a. Je n’attends plus (de / *des) miraclesb. Je ne m’attends plus à (*de / des) miracles

La règle qui impose de devant un syntagme nominal complément indéfini,situé dans la portée de la négation, et désignant un référent de quantité nulle,ne s’applique pas, dès que ce complément est prépositionnel, en dépit del’identité ou de la proximité du sens.

Disjonction des quantifieurs

[4] a. Combien de gens connaît-il ? Combien connaît-il de gens ?b. À combien de gens plaît-il ? *À combien plaît-il de gens ?

On sait que sous certaines conditions, les quantifieurs en de peuvent êtredisjoints de leur quantifié. Cela n’est plus possible si le groupe quantifieur+ quantifié est prépositionnel.

Certes, il n’est pas tout à fait évident que ces contraintes soient valablespour tous les mots communément considérés comme des prépositions. C’estlà une question qui mérite des recherches plus approfondies, mais que jen’essaierai pas d’aborder ici, faute de place. D’autre part, la construction decertains mots, et plus particulièrement des verbes avec leurs compléments,peut impliquer ou non la présence d’un intermédiaire, pas toujours explicablesimplement en termes sémantiques. Ainsi, la relation sémantique entre leverbe et le complément peut paraître identique pour autoriser et permettre,mais cela n’empêche pas l’un de se construire sans préposition et l’autreavec. Cela est vrai aussi de beaucoup d’autres paires, entre autres :

[5] autoriser qn (à INF) / permettre à qn (de INF),courtiser qn / faire la cour à qn,utiliser un appareil / se servir d’un appareil,soutenir un assaut / résister à un assaut, etc…

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Si la notion de préposition semble donc bien indispensable, quels sont alorsles mots qui doivent être inclus dans cette classe ? La liste traditionnelle encomporte une cinquantaine. Je ne traiterai pas ici des prépositions composées(locutions prépositives), qui posent des problèmes non moins ardus, liéssurtout à la notion, elle aussi controversée, d’expression figée, mais dont ladéfinition repose en dernière analyse sur celle des prépositions simples.

Si on laisse de côté comme non définitoires les critères de la place etde l’invariabilité, les traits les plus communément admis dans la littérature,pour la définition de la préposition, sont leurs rôles de relateurs et desubordonnants. Les compléments dits « circonstanciels », du moins ceuxunanimement reconnus comme tels, représentent la meilleure illustrationde ces rôles :

[6] Maya joue dans le jardin

Dans relie le verbe au syntagme nominal le jardin, tant au plan syntaxiquequ’au plan sémantique, et subordonne ce syntagme au verbe, si l’on entendpar là que sa présence dans la phrase dépend de celle du verbe, l’inversen’étant pas vrai. Cependant, dans certains cas au moins, ces deux rôles neparaissent pas évidents. En quoi, par exemple, le de, introducteur de l’infinitifsujet dans [7] et [8], relie-t-il et subordonne-t-il ?

[7] De vous voir ici me fait plaisir[8] D’être né à Paris doit-il être considéré comme une marque de

supériorité ?

Notons au passage, dans [8], un syntagme prépositionnel en position sujetd’une phrase passive. Ce de est-il dès lors toujours une préposition, ou faut-il préférer y voir un « indice », ou un « complémenteur », ou encore un« article d’infinitif », sans rapport synchronique aucun avec, par exemple,le de de provenance, qui serait seul une véritable préposition ? Autrementdit, si les prépositions sont peut-être bien toutes, dans un état de langueantérieur, des relateurs, le sont-elles restées dans tous leurs emplois, ensynchronie, au terme d’un processus de grammaticalisation ? Mais mêmedans les cas où la préposition paraît clairement relier, ou séparer (?), deuxmots, est-il toujours très clair qu’elle marque la subordination, la dépendance,alors que cette subordination, si subordination il y a, n’exige pas depréposition dans des constructions parallèles ? Les mêmes relationssyntaxiques et sémantiques se réalisent différemment dans [9], où unepréposition s’interpose entre le pronom et son épithète, mais non entre lenom et son épithète :

[9] Une chose intéressante – Quelque chose d’intéressant

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Faut-il dire, dans [10], que de relie et subordonne amis à beaucoup, alorsque nombreux est subordonné à amis, malgré une relation sémantiqueidentique ?

[10] Maya a (de nombreux / beaucoup d’) amis

Un problème de la même espèce se pose à propos du de, dit « partitif »,introduisant un sujet postposé en [11] :

[11] C’est dans cette revue que paraissent pour la première fois de sespoèmes

Il a déjà été observé par ailleurs que l’idée de relation suggère une certainesymétrie entre les termes reliés, alors que l’on constate au contraire unecohésion beaucoup plus forte entre la préposition et sa séquence (Spang-Hanssen 1963, 1993, Riegel et alii 1994, Cadiot 1997). En témoignent,entre autres, le « déplacement » de la préposition avec sa séquence eninterrogative et relative [12], et l’existence de substituts, tels que lui, leur,dont, en, y, qui renvoient à tout un syntagme composé d’une préposition etde sa séquence :

[12] À quoi rêve Maya ? Les vacances auxquelles rêve Maya…

De là, la proposition, avancée par certains, de voir dans la préposition unintroducteur et transformateur de syntagme plutôt qu’un relateur. Ainsi, pourBally (1965), la préposition est « un transpositeur de substantif », et pourTesnière (1966), un « translatif internucléaire » et non « intranucléaire ».Mais cette solution n’est pas non plus de tout repos. On voit mal en effet cequi a été « transposé » dans les exemples [7] et [8].

Certaines au moins des difficultés que pose la définition de lapréposition découlent de l’existence de ce qu’on appelle souvent lesprépositions « vides », ou encore « faibles », « légères », « abstraites »,« aplaties », « incolores », « grammaticales », « casuelles », « indices »,« chevilles syntaxiques », « fonctionnelles », etc, face aux prépositions« pleines », dénommées aussi « fortes », « lourdes », « concrètes »,« colorées », « lexicales », etc. Seules ces dernières seraient des « relateurs »,c’est-à-dire, de « véritables » prépositions, alors que les autres ne seraientque de simples « joncteurs », terme qui, notons-le, désigne toujours unerelation, mais uniquement syntaxique. Certains rejettent catégoriquementl’idée d’une préposition vide ou, plus généralement, d’un mot dépourvu desens. Mais il faut bien reconnaître qu’ils ne sont jamais très explicites sur lesens de ces prépositions, par exemple, celui de de dans [7]. C’est pourtantlà un fait incontournable. Certaines prépositions et, plus particulièrement,de, à et, accessoirement, en, sur, etc., sont formellement nécessaires dansdiverses constructions, sans contribuer en rien au sens de la phrase. On

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comprend ainsi qu’elles soient quelquefois effaçables, soit facultativement,soit obligatoirement, comme dans [13] et [14] :

[13] Je m’étonne (de votre retard / de ce que / que vous soyez en retard)[14] Avant de partir / Avant (*de ce que / qu’) elle ne parte

Les changements de construction qu’ont pu subir de nombreux verbes aucours de l’histoire reflètent eux aussi l’absence de sens de certainesprépositions :

[15] Persuader qc à qn / persuader qn de qc,enseigner qc les élèves / enseigner qc aux élèves,ressembler qn / ressembler à qn,obéir qn / obéir à qn,survivre qn / survivre à qn, etc…

Bien entendu, le terme de « préposition vide » ne doit pas être pris au piedde la lettre. Il s’agit en fait d’emplois vides de certaines prépositions. Iln’existe pas de préposition toujours vide de sens, du moins si l’on continueà voir un même mot dans le de de la ville de Paris et celui de elle vient deParis. Mais certains parlent ici d’homonymie, et casent donc les deux dedans deux classes différentes. Notons que ce problème ne se pose pas pourles locutions prépositives, jamais vides de sens. Remarquons en outre queles emplois vides de prépositions rendent problématiques des termes telsque « la transitivité » de la préposition, ou le « régime » de la préposition,que l’on rencontre fréquemment dans la littérature. La transitivité, en effet,est la propriété d’un mot qui, incomplet par lui-même, en appellenécessairement un (ou plusieurs) autre(s). On voit mal d’autre part commentde telles prépositions pourraient fonctionner en tant que « têtes » desyntagme, comme certains l’ont proposé.

Il n’est donc pas aisé de délimiter une classe de prépositions quiengloberait l’ensemble des mots figurant dans l’inventaire traditionnel. Maison peut, me semble-t-il, essayer de mieux rendre compte de leurs distributionsen les classant sur la base de leur conditionnement. Il apparaît que quatrefacteurs essentiels conditionnent l’occurrence d’une préposition dans uncontexte donné.

A. Facteur sémantique

La préposition est librement choisie par le locuteur en fonction de sonmessage. Elle a alors un (ou plusieurs) contenu(s) sémantique(s) spécifique(s)(spatial, temporel, causal, etc…), et est en principe commutable avec d’autresprépositions dans le même contexte :

[16] Maya se lève (à / avant / après / dès / vers / etc…) huit heures

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C’est sans doute là l’emploi le plus typique de la préposition, celui qui vientintuitivement à l’esprit quand on cherche à la définir.

B. Facteur lexical

La préposition est conditionnée automatiquement par un verbe, un nom ouun adjectif, devant un éventuel complément. Il n’y a plus alors choix libredu locuteur, donc pas non plus commutabilité :

[17] S’intéresser à, raffoler de, alterner avec, compter sur, pencher pour;le besoin de, la confiance en; sujet à, enclin à, apte à, capable de,digne de, passible de, etc…

La préposition conditionnée lexicalement peut être sémantiquementredondante par rapport à son recteur, comme dans son échec découle de saparesse, où le sens d’origine de de est déjà contenu dans le verbe. Mais lapréposition n’en est pas moins obligatoire. Notons en revanche qu’aucunepréposition n’est nécessaire pour reprendre le contenu spatial impliqué parsurplomber et survoler, grâce à la préposition ici intégrée comme préfixe àces verbes, lesquels se construisent directement. D’autre part, la prépositionpeut souvent paraître, en synchronie, parfaitement arbitraire, sur le plansémantique, par rapport à son recteur, comme le montre l’emploi d’unepréposition différente avec des mots de sens proche [18] ou, à l’inverse,d’une même préposition avec des mots de sens différents, ou même opposés[19] :

[18] Demander à qn / exiger de qn, ressortir à / relever de,consister en / se composer de, s’échapper de / échapper à,s’arracher à / se détacher de, recourir à / s’aider de,apte à / capable de, propre à / susceptible de, etc…

[19] Tenir à = être attaché à / tenir à = avoir pour cause,s’approcher de / s’éloigner de,donner qc à qn / prendre qc de qn, etc…

C. Facteur syntaxique

La préposition est conditionnée par le type de construction syntaxique adoptépar le locuteur. Le choix n’est donc à nouveau pas libre. Les grammairesutilisent ici souvent le terme de « cheville syntaxique », qui n’est qu’unautre mot pour « pur instrument grammatical », c’est-à-dire, en fait,préposition vide de sens. C’est le cas, par exemple, de de, caractéristiquedes appositions affectives et d’appellation :

[20] Un amour d’enfant, la ville de Paris, le joli mois de mai

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C’est encore de qui fait office de lien obligatoire entre un pronom et unadjectif épithète :

[21] Rien de nouveau sous le soleil. Qui d’autre était là ?

De même, l’infinitif qui, dans une construction impersonnelle, correspondau sujet de la construction personnelle parallèle, doit être précédé de de,lequel n’est que facultatif devant le sujet :

[22] (De) vous avoir rencontré m’est agréable / Il m’est agréable de vousavoir rencontré

C’est en revanche à que demande la construction adjectivale, dite « Toughmovement » en syntaxe transformationnelle, et qui exige la compatibilitésémantique de l’adjectif avec l’infinitif complément, plutôt qu’avec lesubstantif recteur. La différence de construction entraîne une prépositiondifférente, malgré un sens notionnel identique à celui de la constructionimpersonnelle correspondante :

[23] Ces spécialistes sont difficiles à recycler. *Ces spécialistes sontdifficiles. Il est difficile de recycler ces spécialistes

D. Facteur lexico-syntaxique

Il s’agit ici essentiellement de toute une série de verbes transitifs directs,qui présentent cette particularité de construire leur objet avec de, ou plusrarement avec à, mais seulement si cet objet est un infinitif. Leconditionnement est donc double : d’une part, le verbe précédent, de l’autre,la nature de l’objet. Ce cas pose un problème difficile par rapport à ladéfinition traditionnelle de l’objet direct, dans la mesure où celui-ci est définiprécisément par l’absence de préposition, problème que d’aucuns résolventen excluant ce de de la classe des prépositions. On y verra une marque (ouun article ou un indice) d’infinitif, ou encore un « complémenteur » :

[24] Maya accepte (cette idée / de partir)Maya apprend (le français / à parler français)

On voit donc que, en règle générale, seules les prépositions àconditionnement sémantique, et sans doute quelques-unes à conditionnementlexical, peuvent être dites véritablement « pleines ». Dans tous les autrescas, quelques rares prépositions, pleines dans une partie de leurs emplois,sont clairement « vides ». Elles sont alors difficiles à intégrer dans la classedes prépositions, si l’on tient à ce que celle-ci comporte un ingrédientsémantique dans sa définition.

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