19
Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Les pseudonymes dans les Bucoliques de Calpurnius Siculus Author(s): Léon Herrmann Source: Latomus, T. 11, Fasc. 1 (Janvier-Mars 1952), pp. 27-44 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41519703 . Accessed: 13/10/2013 05:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Les pseudonymes dans les Bucoliques de Calpurnius Siculus

Embed Size (px)

Citation preview

Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

Les pseudonymes dans les Bucoliques de Calpurnius SiculusAuthor(s): Léon HerrmannSource: Latomus, T. 11, Fasc. 1 (Janvier-Mars 1952), pp. 27-44Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41519703 .

Accessed: 13/10/2013 05:28

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access toLatomus.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Les pseudonymes dans les Bucoliques de

Calpurnius Siculus

Après les bergers de Virgile (*) et ceux de Lucain (2), essayons de démasquer quelques bergers de Calpurnius Siculus. Le prin- cipe de l'unité de pseudonyme énoncé par nous sous la forme sui- vante : « A chaque pseudonyme correspond un seul nom réel » s'est en effet heurté à une très vive résistance (3). Mais, s'il vaut pour les bucoliques de Calpurnius, comme l'a admis C. Wendel (4), il y aura là une nouvelle raison de croire que Virgile l'avait déjà observé. Au surplus, la recherche de l'identité de certains personnages de Calpurnius nous aidera à mieux comprendre les poésies de cour artificielles et raffinées où ils figurent.

Cette fois, nous limiterons notre enquête aux bergers, en laissant de côté les bergères, Amaryllis (IV, 38), Callirhoe (III, 25), Crocale (II), Alcippe (III, 3 et 33), Leuce (V, 15), Nais (II, 4), Oréas (IV, 136), Pétale (VI), Phyllis (III et VI). Nous négligerons aussi les

simples comparses dont le nom n'est cité qu'une fois en passant :

Aegon (VI, 83), Ladon ou Lygdon (I, 18), Alexis (IV, 75), Alphesi- boeus (II, 94), Daphnis (II, 94) Dorylas (II, 96). Nous n'étudierons

pas même Alcon et Nyctilus (VI) ou Idas et Astacus (II), couples de jeunes bergers rivaux trop peu caractérisés.

Enfin, il y a lieu d'éliminer encore Menalcas qui au v. 11 de la IVe bucolique désigne Virgile (5).

(1) Voir Les masques et les visages dans les Bucoliques de Virgile (Bruxelles, 1930).

(2) Voir Sur les bucoliques d* Einsiedeln dans Mélanges Paul Thomas (Bruges, 1930), p. 432.

(3) Voir J. Marouzeau dans Rev. Ét. Lat . (1930), p. 259, J. Bayet dans Rev . de Phil . (1931), p. 89, A. Boulanger dans Rev . Ét. Ane. (1931), p. 169.

(4) De nominibus bucolicis dans Jahrb. /. Klass. Phil., S up pl. 26 (1910), p. 58, etc..

(5) Voir Bue., IV, v. 10-11 : numina Romae non ita cantari debent ut ouile Menalcae .

Aucun berger de Calpurnius n'est nommé Menalcas, précisément parce que c'est le pseudonyme quç Yfrçite s'était réservé.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

28 L. HERRMANN

Restent seize bergers que nous tenterons d'identifier, à savoir Meliboeus (I et IV), Tityrus (III et IV), Corydon (I, IV, VII), Ornytus (I), Amyntas (IV), Lycidas (III et VI), Iollas (III, IV, VI), Astylus (VI), Mnasylus (VI), Acanthis (VI), Thyrsis (II et VII), Micon (V et VI), Canthus (V), Stimicon (VI et VII), Mopsus (III et IV), Lycotas (VI et VII).

1. - Meliboeus

Discrètement évoqué dès le v. 94 de la Ie bucolique comme apte à porter les chants des poètes aux augustes oreilles de l'empereur, Meliboeus nous est présenté dans la IVe bucolique comme prési- dant au concours institué entre Corydon et Amyntas. Corydon n'hésite pas à lui demander d'être pour lui ce qu'un autre a été pour Tityrus (IV, v. 160-163), c'est-à-dire un généreux protec- teur. En effet, Meliboeus est riche et compatissant : c'est lui qui a empêché de jeunes poètes de végéter au fin fond de l'Espagne dans une misère obscure. D'ailleurs il est lui-même poète (IV, 56) et même poète inspiré à qui les dieux ont accordé le don de prédire les orages (IV, 53-54).

Plus d'un érudit (*) a songé à Sénèque, à cause de sa richesse et de sa générosité envers ses compatriotes et aussi à cause de ses Questions Naturelles , où il y a une partie météorologique. Au pre- mier abord, l'identification est séduisante. Mais on a également pensé à M. Valerius Messalla, le consul renté de 58 après J.-C. (2).

Quant à nous, il nous semble que l'identification de Meliboeus résulte avec certitude du rapprochement fait entre les v. 152 et suivants de la IVe bucolique et les v. 246 et suivants de la Laus Pisonis , et notamment entre le v. 152 de la IVe bucolique :

О mihi quam tereti decurrent carmina u rsu, et le v. 248 de la Laus Pisonis :

tu mihi Maecenas tereti cantabere uersu, Il est clair, en effet, que l'auteur de la Laus n'est autre que Cal-

purnius Siculus (3).

(1) Par exemple C. Modelli, Nerone poeta dans Athenaeum , II (1914) p. 121. (2) Par exemple J. Hubaux, Les thèmes bucoliques dans la poésie latine

(Bruxelles, 1930), p. 20-21. (3) Admis par M. Haupt, С. Schenkl entre autres.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SICULUS 29

Nous savons, par ailleurs, que Calpurnius Piso s'est esssayé dans les tragédies (*). Le v. 56 de la IVe bucolique nous montre Meli- boeus orné des corymbes dionysiaques. Le caractère affable et bienveillant de Meliboeus correspond à ce que Tacite nous apprend des mœurs de Piso. Enfin le fait même que dans la IVe bucolique Meliboeus apparaît comme un mécène rival de celui qui a amené Tityrus à Rome (v. 100-103) confirme, comme on va le voir, l'iden- tification.

2. - Tityrus

On a en effet prétendu à tort que, pour Calpurnius Siculus, Tityrus représenterait Virgile lui-même, sous prétexte que, depuis Properce inclusivement, les poètes auraient eu l'habitude de désigner Virgile par le pseudonyme de Tityrus (2). M. J. Hubaux a même affirmé que dans les bucoliques de Calpurnius il existe deux Tityrus, dont l'un représenterait un contemporain de Néron et l'autre Virgile.

S'il en était ainsi, une entorse serait donnée à notre principe de l'unité de pseudonyme bucolique et elle serait d'autant plus grave que Virgile est appelé Menalcas au v. 11 de la IVe bucolique. Aussi discuterons-nous assez longuement cette question en divi- sant notre argumentation en quatre parties.

Io) Est-il vrai que dans Properce ( Élégies , II, 34) Tityrus re- présente Virgile?

Pour répondre il est nécessaire de reprendre les vers 67-76 de l'élégie.

« Toi, tu chantes dans les pinèdes de l'ombreux Galèse Thyrsis et Daphnis aux chalumeaux usés

et comment dix pommes peuvent séduire des filles 70 avec un chevreau envoyé loin des mamelles qu'il pressait. 73 Heureux Corydon qui tente l'innocent Alexis 74 et veut ravir son favori à un maître campagnard! 71 Heureux qui achète à vil prix des amours par des fruits ! 72 Que Tityrus lui-même chante en son honneur, quoique sans

grâce.

(1) Tacite, Ann., XV, 4£ et 65. - Schol. ad luv., Sat., У, 109. (2) Voir notamment De la Ville de Mirmont, Les Argonautiques ď Apollo-

nio* de Rhodes (Paris, 1897), p. 205, n. 4. Nous avons eu tort de le suivre dans Les masques , p. 41, n. 7.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

30 L. HERRMANN

75 Quoiqu'il repose, lassé par son propre pipeau, il est loué parmi les Hamadryades indulgentes » (*).

Dans 'ce passage nous avons inversé les distiques 73-74 et 71-72 comme nous y incite la comparaison avec les v. 490 et suivants du livre II des Géorgiques (2). Les vers 75-76 se réfèrent à Tityrus et non à Corydon, et c'est en l'honneur de ce dernier que chante Tity- rus. Au v. 72, il faut lire ingrate , sans grâce, et non ingratae, car il ne s'agit pas d'une ingrate bergère, mais d'un des chants désa-

gréables d'un poète décrit par Damon dans les v. 55-56 de la VIIIe

bucolique de Virgile et comparé à une chouette égarée parmi les

cygnes. De là le vers 75 sur la lassitude que lui donne son propre chant et le vers 76 sur l'indulgence des Hamadryades. Des six

bergers dont il est question dans le passage, cinq seulement sont nommés : Thyrsis, Corydon, Alexis, Daphnis, Tityrus. Un seul est

désigné par la périphrase du v. 71 et c'est Menalcas en l'honneur de qui Tityrus chantera, bien que médiocrement. A Corydon épris d'Alexis Properce a ainsi opposé Menalcas épris d'Amyntas (voir Bue., III, v. 66-71) et il a surtout voulu railler Tityrus. Celui-ci n'est, aux yeux de Properce, qu'un poète très inférieur à Menal- cas (Virgile).

2) Est-il vrai que, dans Virgile, Tityrus représente parfois le poè- te lui-même?

On l'a soutenu parce que dans les v. 4-5 de la IIIe bucolique Apollon s'écrie : « Il faut, Tityre, qu'un pâtre fasse paître de grasses brebis, mais dise un poème fin » (8). Mais c'est une simple plaisan-

(1) Tu canis umbrosi sub ter pineta Galaesi Thyrsin et attritis Daphnin harundinibus

utque decern possint corrumpere mala puellas 70 missus et impressis haedus ab uberibus . 73 Felix intactum Corydon qui temptat Alexin 74 agricolae domini сотрете delicias ! 71 Felix qui uilis pomis mercaris amores 1 72 Huic licet ingrate Tityrus ipse canat . 75 Quamuis ille sua laesus requiescat auena

laudatur faciles inter Hamadryadas (2) Virgile, Georg., II, v. 490 : Felix qui potuit,..

v. 493: Fortunatus et ille deos qui ... Properce, Eleg., II, 34, v. 73 : Felix... qui ; v. 71 : Felix qui... ; v. 72 :

quamuis ille. (3) Pastorem , Tityre , pingues

pascere oportet oues, deductum dicere carmen ,

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SIGULUS 31

terie ďApollon sur les apostrophes à Tityrus ( Buc.9 I, v. 1) (*) ou les ordres qu'on lui donne (voir Bue., III, v. 96) (2). Comment Apollon pourrait-il confondre avec le cygne de Mantoue la chouette égarée parmi les cygnes (3) ?

3) Est-il vrai que, dans Martial, Tityrus représente une fois Virgile^

On ne peut croire que Martial a écrit (Épigr., VIII, 55, v. 7-8) : Il avait perdu des arpents voisins de la malheureuse Crémone (4)

Tityre, et, accablé, il pleurait ses brebis emmenées, puisque le v. 13 de la Ie bucolique de Virgile est :

Très accablé, je les pousse : celle-ci même, ô Tityre, je la traîne à grand peine (6),

ce qui établit aux yeux d'un lecteur même distrait que c'est Meli- boeus et non Tityrus qui a perdu ses arpents et ses brebis. Il faut admettre ou une grossière erreur de Martial ou une altération de son texte. Peut être faut-il lire, comme dans le vers virgilien, protinus au lieu de Tityrus . En tout cas, on ne peut tirer d'un texte si manifestement absurde une donnée en faveur de l'identification de Tityrus à Virgile par Martial.

4) Est-il vrai que, dans Calpurnius, Tityrus représente tantôt Virgile ( Bue ., IV, v. 62, 64, 161, 163), tantôt un autre poète ( Bue ., IIÏ, 19, 34, 97)?

S'il en était ainsi, Calpurnius aurait jeté lui-même le plus grand trouble dans son œuvre. En effet, comment admettre que le Tityrus de la IIIe bucolique, compagnon d'Iollas (v. 19-21), ne soit pas celui dont le même Iollas transmet les pipeaux à Cory don ( Bue ., IV, v. 59-63)?

D'ailleurs pour Némésien, continuateur et émule de Calpurnius, il n'y a qu'un seul Tityrus dans les bucoliques de Calpurnius. En effet, dans la IIe bucolique de Némésien, les vers 82-84 et notam- ment le second :

Tityrus e siluis dominam peruenit in Vrbem,

(1) Siluestrem tenui Musam meditaris auena... (2) Tityre y pascentes a flumine reice cape lias. (3) Voir aussi Virgile, Bue., VIII, v. 56-57 sur le « faux » Orphée. (4) i ugera ¡ erdiderat miserae uicina Сгетопае,

flebat et abduetas Tityrus aeger oiies. (5) protinus aeger ago ; hane etiam , Tityre, duco .

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

32 L. HERRMANN

et dans la Ie bucolique de Némésien les vers 82-83 et notamment la fin du second :

et felix dominam producit in Vrbem, dérivent du vers 161 de la IVe bucolique de Calpurnius :

Tityron e siluis dominam deduxit in Yrbem. De la même manière, au v. 6 de la Ie bucolique de Némésien,

Thymoetas dit é! son propre Tityrus :

Incipe dum salices haedi, dum gramina uaccae , ce qui rappelle les vers 1, 19, 98 de la IIIe bucolique de Calpurnius. Nous sommes donc sûrs qu'aux yeux de Némésien le Tityrus de la IIIe bucolique de Calpurnius est aussi celui de la IVe.

On n'a pas le droit de déduire des vers 160-163 de la IVe buco- lique de Calpurnius :

Tum mihi talis eris qualis qui dulce sonantem Tityron e siluis dominam deduxit in Vrbem ostenditque Deis et: * Spreto, dixit, ouili, Tityre, rura prius, sed post cantabimus arma »,

qu'il s'agisse là de la présentation de Virgile à Octave par Mécène. En effet, dans cette même bucolique, on lit aux v. 10-11 :

Sed magnae numina Romae non ita cantari debent ut ouile Menalcae.

Il est impossible que dans la même pièce, à cent cinquante vers de distance, il soit question de Youile de Tityrus et de Youile de Menalcas pour désigner l'unique bergerie d'un personnage unique. Il est impossible que les dieux de Rome soient les mêmes dans les deux passages, à savoir toujours Octave.

Il est clair que, dans le premier passage, il ne peut être question que de Néron et que Tityrus est un contemporain, tandis que, dans le second passage, les numina désignent encore Néron et Menalcas- Virgile.

Qu'on ne nous objecte pas qu'il faut que Tityrus soit mort pour que Corydon, héritier de ses pipeaux (IV, v. 59-68), le divinise (IV, v. 70) et pour que Meliboeus dise de lui qu'il « fut » un poète inspiré et sacré (IV, v. 65).

(1) Selon M. J. Izaac, édition des Épigrammes de Martial (Paris, 1933), p. 22, n. 2, « Martial identifie Tityre avec Virgile, mais le confond avec Mélibée > (s/c).

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SICULUS 33

En effet c'est par l'intermédiaire du docte Iollas, son contempo- rain, que Cory don a reçu les pipeaux de Tityrus {Bue., IV, v. 59- 60 etc.) et Tityrus apparaît précisément dans la IIIe bucolique (Bue., III, v. 95-96) comme un ami ď Iollas. Il n'est nullement sûr que Tityrus soit mort : dans la Ve bucolique de Virgile, Menalcas fait don à Mopsus du frêle chalumeau sur lequel il a chanté les IIe et IIIe bucoliques (Bue., V, v. 85-87). Il suffit donc que Tityrus ait renoncé au genre où il « fut » un poète inspiré et « dédaigne les bergeries » pour que ses pipeaux bucoliques aient pu passer à Co- rydon. L'expression « C'est un dieu ! » exprime simplement l'admi- ration et n'implique pas une mort suivie d'apothéose.

De même, le fait que Tityrus soit considéré comme « le premier qui ait chanté sur ces monts un poème modulé sur le chalumeau de l'Hybla » (Bue., IV, v. 62-63) ne prouve pas qu'il s'agisse de Virgile, car cette priorité n'est relative qu'à l'époque de Corydon et de Meliboeus (}).

Un passage de la vie de Lucain dite de Vacca nous oriente vers la solution :

Sed in patria sua non uoluit edueari , Fatorum, credo , deeretis ut id ingenium quod orbem fama sui impleturum ereseebat et in domina mundi aleretur in Vrbe.

Voilà bien, si nous ne nous trompons, l'exact équivalent du vers :

Tityron e siluis dominam deduxit in Vrbem.

Nous allons montrer qu'effectivement Tityrus représente Lucain. Considérons les v. 55-69 de la IVe bucolique sur Tityrus :

Ille fuit uates saeer et qui posset auena praesonuisse chelyn blandae cui saepe canenti adlusere ferae, cui substitit adueña quercus

Tityrus y est nettement assimilé à Orphée et fort sérieusement

(1) J. Hubaux, l. с ., p. 184, a montré qu'au v. 20 de Catal., Èpig IX, les mots Trinacriae doctus iuuenis ne désignent pas Théocrite (voir Stace, Silves , V, 3, 5 : Siculus senex ), mais Calpurnius Siculus.

On remarquera aussi la correspondance entre Calpurnius, Вис., IV, v. 62-63 : Tityrus hanc habuit , cecinit qui primus in istis montibus.

et Stage, Siloes, II, 7, v. 45, etc. : Sed septem iuga Martiumque Thy brin... cantu ....

Latomus XI. - 3.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

34 L. HERRMANN

alors que Damon ne comparait qu'ironiquement le Tityrus virgi- lien à Orphée et à Arion (Virgile, Bue., VIII, v. 55-56). Or Lucain avait écrit un Orphée et on sait par le Liber monstrorum (J) qu'il y avait montré les faunes et les fauves charmés par ses chants. N'était-il pas tout indiqué, dans ces conditions, d'assimiler Lucain à Orphée?

Il y a aussi les v. 160-163 de la IVe bucolique où l'emploi de la périphrase : « Tu seras pour moi tel que celui qui... » s'explique s'il s'agit de Sénèque, rival en mécénat, que C. Calpurnius Piso n'ai- mait guère malgré leur communauté d'idéal politique (2). En somme, Corydon dit à Meliboeus (C. Calpurnius Piso) : « Tu seras pour moi tel qu'a été pour Tityrus (Lucain) ton rival ».

Chacun sait que Lucain a voulu être le Virgile de son temps, ne serait-ce qu'à cause de son orgueilleuse exclamation « Et com- bien il me reste encore de temps jusqu'au Moustique! » (3). D'autre part, il a écrit des bucoliques, et sans doute le premier de tous (4). Il n'est pas sûr qu'il ait chanté l'agriculture (5). Mais il est certain qu'il a voulu éclipser YÉnéide en chantant les guerres civiles dans sa Pharsale (e).

Presque toutes les expressions de la IVe bucolique de Calpurnius s'appliquent donc à Lucain. C'est lui que Calpurnius a incarné en Tityrus et «n trouvera plus loin, à propos d'Iollas, un indice sup- plémentaire en faveur de cette identification.

3. - Corydon

On admet unanimement que Corydon représente l'auteur (7). Il apparaît dans la Ie bucolique où Ornytus lui lit un chant du

(1) I, 6: quod poeta Lucanus , secundum opinionem Graecorum, ad Orphei lyram cum innumerosis ferarum generibus cantu deduct is... II, 7 : ... quae poeta Lucanus ad lyram Orphei cum ceteris animalibus et bestiis a deserto Thra- ciae per carmen miserabile prouocatus cecinit.

(2) Tacite, Ann., XV, 60. (3) Et quantum mihi restât ad Culicem ! (4) Comparer Carm . Einsiedl., Il, 1 et Calpurnius, Вис., IV, 1 ; Carm.Eins .,

II, 25 et Calp., Вис., IV, 122 ; Carm. Eins., 1, 26 et Calp., Вис., IV, 158 ; Carm. Eins., II, 22 et Calp., Вис., 1, 42 et 64.

(5) Nul ne parle de rura de Lucain alors que Martial, Ěpig ., XI, 52, v. 17-18 parle de ceux de Iulius Cerialis : uel aeterno próxima Vergilio.

(6) Voir Stace, Silves, II, 7, v. 79-80. (7) Comparer ďailleurs Laus Pisonis , v. 236 et Calpurnius, Bue., IV, v. 160 ;

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DÈ CALPURNIUS SICULUS 35

dieu Faunus sur l'âge ďor néronien. On le retrouve dans la IVe bucolique, où il médite les chants projetés en l'honneur du dieu Néron et célèbre celui-ci, non sans avoir exprimé à Meliboeus (Cal- purnius Piso) son espoir de trouver en lui l'équivalent de ce que Sénèque a été pour Lucain (Tityrus). Enfin, dans la VIIe buco- lique, Corydon décrit les spectacles de l'amphithéâtre et il loue à nouveau Néron, en s'inspirant des Laudes Neronis des bucoliques d'Einsiedeln.

On notera que Corydon (Calpurnius Siculus) est jaloux de Ti- tyrus (Lucain). Les v. 17-18 de la VIIe bucolique contiennent peut-être un jeu de mots sur les Silves de Lucain (x) et il n'est pas impossible qu'il y ait dans le v. 101 de la IVe bucolique une allu- sion au poème sur la guerre civile déjà en gestation (2).

On notera aussi que Columelle nous entretient d'un Corydon qu'il nous présente comme riche, ce qui nous laisse croire que Cal- purnius Siculus finit par trouver en Calpurnius Piso son Mécène ou son Sénèque, à moins qu'il n'ait conquis la faveur de Néron lui-même...

4. - Ornytus

Ornytus est le frère (aîné?) de Corydon, avec qui il garde les vaches paternelles (Bue., I, v. 4 et 8). Il est de haute taille et Cory- don lui dit plaisamment que leurs parents l'ont doté sans mar- chander d'un corps élancé (I, v. 24-27). Sans être poète lui-même, il lit et il chante (I, v. 33 et 92). Comme Corydon, son frère, il a l'espoir que leur futur protecteur Meliboeus (Piso) portera ses futurs vers à Néron (I, v. 93-94).

Si Ornytus est vraiment le frère de Calpurnius Siculus, il a dû se nommer du même gentilice. Or la Vie de Perse nous apprend que le poète adolescent se lia d'amitié avec un certain Calpurnius Statura qui mourut iuuenis avant Perse lui-même. Le surnom insolite de ce personnage correspond au détail de la Ie bucolique sur la grande taille ď Ornytus. Comme celui-ci ne figure pas dans

Laus Pis., 157 et Calí»., Вис., IV, 72 ; Laus Pis., 222-223 et Calp., Bue., 37 et 63; Laus Pis., 79-80 et Calp., Вис., VII.

(1) Omnia Lucanae donet pecuaria siluae. (2) Pharsaliae cannae (texte douteux).

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

36 L. HERTMANN

les autres bucoliques, on peut croire à sa mort prématurée. L'iden- tification nous paraît donc très séduisante.

5. - Amyntas

Amyntas est un autre frère (cadet) de Corydon. Longtemps ce dernier a détourné l'adolescent d'une poésie qui ne nourrissait pas son homme (Bue., IV, v. 19-28). Mais l'espoir de la protection de Meliboeus (Piso) a fait changer d'avis Corydon (Bue., IV, v. 29, etc.).

Une épigramme de Martial (XI, 41) nous renseigne sur un Amyn- tas :

Indulget pecori nimium dum pastor Amyntas et gaudet fama luxuriaque gregis ,

cedentes oneri ramos siluamque fluentem uicit concussas ipse secutus opes :

triste nemus dirae uetuit superesse rapinae damnauitque rogis noxia ligna pater ;

Pingues , Lygde , sues habeat uicinus Io lias : te satis est nobis adnumerare pecus .

Cette pièce énigmatique s'inspire en tout cas en raison de uicinus Iollas du v. 91 de la VIe bucolique de Calpurnius comme les vers 3-5 de l'épigramme XI, 4, des v. 99 et 110-111 de la IVe bucolique à cause des mots communs ramus , siluam , nemus.

Elle déplore la mort du riche Amyntas tombé d'un chêne où il cueillait des glands pour ses cochons Or nous avons vu que, d après Columelle, Calpurnius Siculus est devenu riche, lui aussi. D'autre part, dès le v. 24 de la IVe bucolique Corydon-Calpurnius Siculus conseillait à son frère Amyntas de récolter des glands.. ¿ Tout cela indique que l'épigramme est bien sur la fin de l' Amyntas des bucoliques de Calpurnius.

Il y a eu un rhéteur contemporain de Quintilien qui se nommait Calpurnius Flaccus. Borghesi a voulu le reconnaître dans le desti- nataire de la lettre V, 2 de Pline le Jeune, M. Calpurnius Flaccus, consul suffectus de 96 après J.-C. Or le livre XI de Martial est de 97 après J.-C. Le déclamateur serait le frère cadet de Calpurnius Siculus.

L'épigramme impliquerait que le père des trois Calpurnii vivait encore en 97. Mais, si Calpurnius n'avait pas 20 ans lors de la Laus Pisonis, il est né au plus tôt vers 34, ce qui ne donnerait à son père qu'un âge acceptable bien qu'avancé à la mort de Domi- tien.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SIGULUS 37

6. - Lycidas

Dans la IIIe bucolique Lycidas se plaint au docte Iollas d'avoir été trahi par Phyllis qui s'est donnée au malhonnête et besogneux Mopsus. Lycidas est lié avec Tityrus (Lucain). Il est riche (III, v. 63-67 ; IV, v. 48-57).

Certains détails nous permettent d'identifier ce personnage. Io) C'est un poète satirique, comme Perse.

2) C'est un ami de Lucain, et la Vie de Perse nous apprend que Lucain admirait Perse.

3) Lycidas dit à Iollas : « Content de ma Phyllis, tu en es té- moin, Iollas, j'ai refusé Callirhoe quoiqu'elle me sollicitât en m'of- frant une dot » (III, 24 et 25). Dans la satire I de Perse, celui-ci raille des poèmes sur Phyllis (v. 34) et dédaigne Callirhoe (v. 134).

4) Lycidas incarnait dans les bucoliques de Virgile le satirique Horace (*). Perse est l'admirateur et le continuateur d'Horace

(Sat., I, v. 115-118). 5) Certaines expressions du Lycidas de Calpurnius ressemblent

à celles de Perse. Il compare Astylus à une vieille corneille (VI, 76) et Perse écrit à Cornutus (Sat., V, v. 12) : non cornicaris ou raille les poétesses-oiselles (Choliambes, v. 13). Lycidas met comme

enjeu contre Astylus le cheval Pégase (VI, v. 51) et Perse raille les

Pegaseia carmina (Choliambes, 14) ou l'Hippocrène. Lycidas se

moque du haletant Mopsus (III, 35) et Perse des poètes essoufflés

(Sat, V, v. 10) (*).

6) Astylus reproche à Lycidas de n'avoir aucune expérience poétique et d'expulser péniblement de son gosier des mots entre-

coupés (VI, v. 22-24). Telle était bien la critique que devaient lancer aux vers rocailleux de Perse les partisans des vers fluides et lisses raillés dans la satire I.

7) Lycidas n'hésite pas à traiter de voleur Astylus (VI, v. 76-78) et Perse le nommé Pédius (Sat., I, v. 83). Lycidas n'hésite pas non plus à accuser Mopsus d'être le mignon ď Astylus (VI, v. 83-

85) et Perse à attaquer les efféminés dans sa satire I.

(1) Voir Les Masques , p. 166, etc.. (2) Voir encore Calpurnius, Bue., II, 54-55 et Perse, Sat., I, v. 113:

Sacer est locus.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

38 L. HERRMANN

Sans doute il y a une grande distance entre les satires stoïciennes de Perse et les plaintes amoureuses du berger Lycidas. Mais Perse a écrit des vers fort libres (Sa/., I, v. 20-26) et il y a lieu de croire que, lorsqu'il put sortir seul dans Subure, il usa parfois de sa liberté malgré Cornutus. D'ailleurs ne faut-il pas laisser quelques droits à la fantaisie de Calpurnius Siculus? Tout compte fait, l'identifica- tion nous semble établie.

7. - Iollas

Le docte Iollas est à la fois un confident de Perse (Lycidas) et un ami de Lucain (Tityrus). De plus, c'est l'homme qui a reconnu en Calpurnius Siculus (Corydon) le successeur désigné de Lucain dans le genre bucolique et l'arbitre apte à trancher le litige qui oppose Perse (Lycidas) au mauvais poète Astylus

On ne peut hésiter à reconnaître en Iollas un critique apparte nant au milieu stoïcien. Nous savons par la Vie de Perse que Perse et Lucain se sont connus grâce à Annaeus Cornutus (*) dont ils furent les élèves. Selon nous, Iollas est Annaeus Cornutus.

Si nous comparons les v. 41-42 de la Ve satire de Perse adressés à Cornutus :

tecum enim longos memini consumere soles et tecum primas epulis decerpere noctes

et un vers - rectifié (2) - des choliambes :

ad sacra uatum nectar adfero nostrum aux v. 10-11 de la IIIe bucolique de Calpurnius :

quae sibi , iam memini, si quando solus abesses , mella etiam sine te iurabat amara uideri ,

nous trouvons déjà des analogies. D'autre part, Iollas s'efforce de calmer la jalousie et la colère

de Lycidas en lui rappelant l'inconstance des femmes (III, v. 10) et en lui prêchant la maîtrise de soi (III, v. 36-37), ce qui correspond tout à fait à ce que nous savons du rôle de mentor joué par Cornu- tus auprès de Perse (voir Sat , V, v. 30-31).

(1) Voir en sens contraire J. Hubaux, l. c., p. 213 et 230, n. 1. Il pense à Sé- nèque ; mais voir Sur les bucoliques ď Einsiedeln, p. 438, etc.

(2) Voir La préface de Perse dans Rev, Ét. Ane, (1932).

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SICULUS 39

La compétence ďAnnaeus Cornutus comme critique, surtout en ce qui concerne Virgile, est bien connue. Il avait écrit sur Virgile au moins dix livres de commentaires.

Calpurnius nous montre Iollas recueillant sur des écorces de merisier les vers de Lycidas (III, v. 43-44). Or nous savons qu'il devait être l'éditeur de Perse et qu'il revisa les écrits laissés par son ami.

Le fait que Iollas soit indiqué par l'epigramme XI, 41 de Martial étudiée plus haut comme ayant survécu à Amyntas, c'est-à-dire à Calpurnius Flaccus, tend à faire admettre que le personnage repré- senté par Iollas vivait encore en 97. Or Annaeus Cornutus, exilé (et non tué comme l'ont prétendu Suidas et Etienne de Byzance) Q) par Néron, revint ensuite à Rome, selon toute vraisemblance, après la chute du tyran.

La coïncidence entre Iollas et Cornutus est telle que l'identifica- tion nous paraît solide.

8. - Astylus

Astylus informe Lycidas (Perse) qu'il a proclamé Alcon vainqueur de Nyctilus dans un concours poétique (VIe bucolique). Mais Lycidas critique cette décision, ce qui amène Astylus à douter de la compétence de son interlocuteur et Lycidas à défier Astylus. Comme celui-ci dénigre de plus en plus rageusement son art, Lycidas finit par déclarer : « Tu peux inventer encore plus de griefs, car tu ne pourrais me reprocher des choses vraies comme Lycotas t'en a reproché beaucoup » (VI, v. 25-26).

Les deux champions comparaissent devant Mnasylus et énoncent leurs enjeux soit, pour Lycidas (Perse), un cheval de grand prix, et, pour Astylus, un cerf apprivoisé qui est le favori de son amie Petale. On gagne une grotte où Astylus chantera Petale et Lycidas chan- tera Phyllis. Mais alors Lycidas - Perse dit au juge Mnasylus : « Écoute-nous comme tu as récemment écouté en juge Acanthis et cet individu-ci dans la forêt thaléenne » (VI, v. 77-78), ce qui

(1) Voir Suidas, s.v. Koqvovtoç et Étienne de Byzance, s.v. Qéariç ; Dion-Cassius, LXII, 29, 2 (65 ap. J.-C., s* Jérôme, Chron. ad ann. Abr. 2083 = 67 après J.-G. Eusèbe, Vers. Arm. 2080 = 64 après J.-C. Voir Von Arnim, art. Annaeus 4 dans P. W., R. E I, с. 2225-2226.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

40 L. HERRMANN

revient à dire qu'Astylus et Acanthis ont été en litige pour une affaire de vol jugée par Mnasylus (x). Cette phrase met le comble à la fureur ďAstylus, accusé en outre ďavoir été surpris avec l'effé- miné Mopsus (VI, v. 84-86), si bien qu'il menace Lycidas de repré- sailles. Mnasylus se dérobe grâce à l'opportune arrivée de Micon et ďlollas (Cornutus).

Quel est donc le rival de Perse accusé par trois fois d'être mal- honnête ( improbus : v. 19, 25, 28) et soi-disant convaincu de larcin par l'ordalie de la forêt thaléenne?

Nous connaissons un contemporain de Perse accusé par Martial et Lucilius Junior d'avoir été improbus (2) et c'est le fabuliste Phèdre (*).

Sans doute rien n'indique qu'il ait jamais chanté Petale et, d'au- tre part, il a vivement attaqué l'homosexualité dans ses fables (4). Mais il y a de curieux rapprochements de forme et de fond entre les œuvres de Phèdre et les propos d'Astylus.

Bue., VI, 3 : iudice me Apes et fuei II, 17 [III, 13] uespa iudiee 3-4 : haedos iuneta Haedus et lupus II, 28 [Z, 23]

matre 30 : praedamnatus Ouis, canis et lupus II, 19 [1,17] ouis

abire damnata 32 : ne tarnen hoc I, 26 [P 25], 5 sed

impune feres non impune 39 : niueo fronte Procax tibicen I, 28 [V, 7] niuea faseia 45 : niuea luna niueisgue tunices 79: Rumpor ... I, 20 [I, 24] rupto

iurgia III, 11 [II, 25] iurgium Lupus ad agnum I, [I], 1 iurgii causam.

Nous ne croyons pas tous fortuits ces points de contact, encore que les fables soient postérieures à la bucolique (5). Calpurnius Siculus devait connaître les tics et les expressions favorites de Phèdre, déjà très connu par sa satire contre Claude.

(1) Une ordalie dénonçait les voleurs dans cette forêt sicUienne. (2) Voir Martial, Épigr III, 20, 5. (3) Voir, sur la calamité du fabuliste, L. Herrmann, Phèdre et ses fables

(Ley de, 1950), p. 133. et suiv. (4) III, 32 [IV, 16] et déjà II, 31 [IV, 15]. Voir Phèdre et ses fables, p. 74. (5) Voir encore v. 7 et Le rossignol et Vépervier, I, 22 [IV, 13].

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SICULUS 41

9. - Mnasylus

Le juge de la lutte ressemble au juge inique attaqué par Phèdre dans sa fable La brebis , le loup et le chien , II, 19 [I, 17] et dans les vers finaux de l'épilogue du livre II où on lira non Seiano mais Silano. Il s'agirait donc de L. Iunius Silanus (г) Torquatus, Na- silus étant l'anagramme de Silanus.

10. - Acanthis

D'autre part, Acanthis masquerait l'adversaire de Phèdre dans son affaire judiciaire, à savoir A. Furius Ruf us, ami du poète lyrique C. Caesius Bassus (2).

11. - Thyrsis

Comme Meliboeus (Piso) et Mnasylus (Silanus), Thyrsis est un berger-arbitre qui classe ex-aequo Idas et Astacus (Вис., II, v.99- 100) ou couronne Stimicon (Bue., VII, v. 10-11).

Il ne peut guère s'agir que d'un Napolitain, car c'est à Naples qu'avaient lieu les concours poétiques les plus célèbres après ceux de Rome et c'est pendant le séjour de Cory don à Rome que Thyrsis a jugé. Dès lors une seule identification me semble possible. Il s'agirait de Silius Italicus.

12. - Micon

Le vieux Micon, si versé en agriculture, semble être Sénèque, dont on reconnaît le vocabulaire, qu'il s'agisse du v. 65 de la Ve bucolique :

cogitei et tremulo queribunda fritinniet ore avec sa réminiscence caractéristique de l'épigramme de Sénèque :

sic dulci Marcus qui nunc sermone fritinnit (3),

(1) Voir Phèdre et ses fables , p. 135. (2) Ibid., p. 136 et mon Age d'argent doré (Paris, 1951), p. 136. (3) P. L . M. Baehrens, IV, p. 77, n° 5,

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

42 L. HERRMANN

ou de la description d'une matinée pastorale (x) avec ses réminis- cences des chœurs d 9 Hercule furieux ou de Phèdre (2). D'ailleurs Sénèque possédait des propriétés très estimées et dirigeait avec compétence leur exploitation (3).

13. - Canthus

Il est clair que l'élève du vieux Micon, Canthus, n'est autre que Columelle (4).

14. - Stimicon

Stimicon, voisin de Lycidas (Perse) et proclamé vainqueur par Thyrsis (Silius Italicus) est un jeune rival de Cory don (Calpurnius Siculus).

Il y a beaucoup de chances pour qu'il représente le jeune Stace. On sait en effet qu'encore adolescent et du vivant de son père

il triompha dans un concours napolitain (5). Et d'autre part, les vers adressés dans la Ie bucolique de Némésien (v. 82-83) à Thy- moetas contiennent praesens tibi Fama benignum, venant du vers 812 de la Thébaïde de Stace, livre XII. Or non seulement il y a une influence des vers 42-46 de la VIe bucolique de Calpurnius sur les vers 687-689 du livre IX de la Thébaïde , mais encore les vers de Némésien cités plus haut s'inspirent de ceux de Corydon dans la IVe bucolique de Calpurnius. Ceci crée un lien entre Calpurnius, Stace et Némésien et tout se passe comme si ce dernier avait repris à la fois un vers de Stace et des vers de Calpurnius parce que Stace figurait sous le nom de Thyrsis dans les bucoliques de Calpurnius.

(1) V. 1, 5-16, 19, 22-23, 32 à 36. (2) Hercule Furieux , v. 139-147 ; Phèdre, v. 19. Voir encore v. 40 et P. L .

M. Baehrens, IV, p. 57, n° 4 : tremulis conatibus, et tremulo ... ore de Calpur- nius, Bue., V, 65.

(3) Voir Sénèque, Ad Lucil., ep . 86, Nat. Qu., VI, 7, 1 et Columelle, De re rustica, III, 3, 3.

(4) Chytil, Der Eklogendichter T. Calpurnius Siculus und seine Vorbilder (Znaïm, 1894), p. 6, identifiait Meliboeus à Columelle.

(5) Voir Stage, Siloes, V, 3, 141. Les vers suivants parlent de victoires en Grèce.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES BUCOLIQUES DE CALPURNIUS SICULUS 43

15. - Mopsus

Mopsus, heureux rival de Lycidas ( Bue ., III v. 9-32), est pré- senté comme un poète haletant (v. 35) à la voix brûlée (v. 58), aux vers inertes, acerbes et stridents (v. 60). Lycidas l'accuse d'être un voleur de nuit (Bue., IV, v. 85) et, de plus, c'est un effé- miné (Bue., IV, v. 85).

Il semble que les vols nocturnes, incriminés soient ceux auxquels s'adonnait en 56 après J.-C. Néron accompagné de sa jeunesse dorée 0. Les mœurs voluptueuses de Mopsus évoquent celles d'Annaeus Serenus (2). Il pourrait s'agir de ce singulier préfet des vigiles.

16. - Lycotas

Reste l'adversaire d'Astylus. Berger assez indolent pour préférer à la contemplation des jeux une retraite éloignée ( Bue ., VII, v. 73- 74), ami de Thyrsis (Silius), lié avec Lycotas (Perse), doué d'une grande activité comme juge de la poésie, il nous semble identifiable avec le poète C. Caesius Bassus. En effet, Bassus vivait volontiers en Sabine (Voir Perse, Satires , I, 1). Il était intime avec Perse (Sa/., VI) et il était un métricien renommé. Ajoutons que les v. 26-28 font allusion à l'hostilité de Lycotas contre Astylus. Or Caesius Bassus était très lié avec A. Furius Ruf us, l'adversaire de Phèdre (3). Ajoutons encore que quelques fragments subsistant des œuvres poétiques de Caesius Bassus ressemblent par leur voca- bulaire aux vers de Lycotas (4). L'identification est donc très sé- duisante.

(1) Tacite, Ann., XIII, 25. (2) Voir L'âge d'argent doré , p. 37-38. (3) Ibid., p. 136, n. 1 et Phèdre et ses fables , p. 136. (4) Comparer Bue., VII, 9 : corymbo et Caesius Bassus, fragm. 2, Morel,

v. 5 ; corymbos : Вис., VII, 21 : ad sacra et Caesius Bassus, fragm n. 4 : sacra Deae et fragm. 2, v. 8 ad aras ; Bue ., VII, 75 et Nux , v. 145-146. Sur l'attribu- tion de Nux à C. Caesius Bassus, voir L'âge d'argent doré , p. 128 et suiv.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

44 Li HERRMANN

Conclusion

Récapitulons à présent les résultats de notre recherche en un tableau :

Pseudonymes Noms proposés 1 Meliboeus C. Calpurnius Piso 2 Tityrus Lucain (Annaeus Lucanus) 3 Corydon Calpurnius Siculus 4 Ornytus Calpurnius Statura 5 Amyntas Calpurnius Flaccus 6 Lycidas Perse (A. Persius Flaccus) 7 Iollas Annaeus Cornutus 8 Astylus Phèdre (C. Iulius Phaedrus) 9 Mnasylus L. Iunius Silanus

10 Acanthis A. Furius Rufus 11 Thyrsis Silius Italicus 12 Micon Sénèque (L. Annaeus Seneca) 13 Canthus Columelle (L. Iunius Moderatus Co-

lumella) 14 Stimicon Stace (P. Papinius Statius) 15 Mopsus Annaeus Serenus 16 Lycotas C. Caesius Bassus

Il résulte de notre étude que Calpurnius Siculus s'est conformé au principe virgilien (et déjà théocritéen) 0 de l'unité de pseudo- nyme bucolique, comme Lucain s'y était conformé avant lui dans ses Laudes Neronis des bucoliques d'Einsiedeln. D'autre part, Calpurnius a également suivi Théocrite, Virgile et Lucain en fai- sant figurer dans ses poésies pastorales une partie de l'élite litté- raire et politique de son temps. Ainsi ses bucoliques demeurent, en dehors de leur valeur intrinsèque souvent contestée, des docu- ments historiques précieux pour la connaissance des gens de lettres de l'époque de Néron.

Léon Herrmann.

(1) Voir Legrand, Étude sur Théocrite (Paris, 1898), p. 152, sur la « masca- rade bucolique » dans les idylles de Théocrite.

This content downloaded from 129.68.65.223 on Sun, 13 Oct 2013 05:28:37 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions