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Les punaises de lit « bed bugs » P. Huet

Les punaises de lit « bed bugs - fffcedv.org · et l’apparition du DDT et du ... punaises lors du sommeil du patient qui orientent le diagnostic . ... •Délire d’infestation

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Les punaises de lit « bed bugs »

P. Huet

Généralités

• Arthropodes hématophages vivant aux côtés de l’homme depuis des milliers d’années (un des plus anciens parasites de l’homme) : très vieux compagnon de l’humanité : présence retrouvée dans tombes égyptiennes datant de 3550 ans

• Pas attiré par la saleté mais bien par le sang de son hôte

• Bien connu par nos parents et grands-parents avant la seconde guerre mondiale, cet insecte a disparu de notre vie quotidienne vers les années 50 (tout en se maintenant dans les pays pauvres) grâce à la nette amélioration de l’hygiène de

notre habitat (amélioration du niveau socio-économique )

et l’apparition du DDT et du Malathion après guerre et

des traitements systématiques contre tous les nuisibles (cafards, mites) bloquant ainsi l’expansion des punaises de lit

Généralités

• Depuis les années 1990, résurgence mondiale des punaises de lit observée

dans de nombreux pays développés (Amérique nord, Europe, Australie…) avec plusieurs grandes infestations en 1998 et 1999 au Royaume Uni, et à Pise en Italie en 2003

• Depuis 5 ans, contaminations massives dans des bâtiments entiers : hôtels, hôpitaux, maisons de retraite…

• Nombreux cas actuels rapportés dans le Sud de la France (milieu militaire)

• Comment expliquer cette résurgence :

o Utilisation non contrôlée des insecticides à large spectre depuis la 2ème guerre mondiale ayant entraîné la survenue de résistances croisées entre DDT et Pyréthrinoïdes

o Développement du tourisme favorisant transmission passive des punaises par l’intermédiaire de transports (avion, bateau, train) et des bagages

o Promiscuité, immigration et engouement pour les ventes de meubles ou de livres d’occasion participant à leur diffusion dans les grandes villes

Entomologie

• Les punaises de lit sont des ectoparasites appartenant à l’Ordre des Hémiptères, Sous-Ordre des Hétéroptères, Famille des Cimicidae qui se divise elle-même en 6 sous-familles comprenant une centaine d’espèces

• Les principales espèces responsables de piqûres chez l’homme sont Cimex lectularius L. 1758 (CL), qui se rencontre plutôt dans les régions tempérées et subtropicales, et Cimex hemipterus (CH), uniquement en zone tropicale, mais des introductions de l’une ou l’autre espèce dans chacune de ces zones sont souvent observées

• Les autres espèces ont pour hôtes des animaux (chauve-souris, hirondelles, pigeons…) mais peuvent parfois piquer l’homme.

• Le terme « punaises de lit » désigne donc 2 espèces : CL et CH qui seules seront évoquées par la suite

Entomologie

• Les adultes de CL et CH : taille de 4 à 7 mm, couleur brun à beige, très plats, sans aile : aspect de confetti

• Les 2 sexes sont hématophages : le repas dure 10-20 mn

• Au repos : appareil piqueur replié sous sa tête et thorax

• Si les conditions sont favorables (température, abri…), une punaise de lit est très résistante et peut vivre jusqu’à 2 ans sans repas

• Elles émettent une odeur désagréable perçue en cas d’infestation massive

• Après l’accouplement (insémination traumatique),

les œufs sont émis 3-10 j plus tard pour des

températures comprises entre 14-27°C. Un repas

sanguin est indispensable pour leur maturation.

Les œufs mesurent 1 à 3 mm, blanchâtres, pondus en amas de 5 à 15 unités et collants leur permettant d’adhérer à toutes les surfaces. Une femelle en pond 200 à 500 dans sa vie

Entomologie

• Les jeunes ou immatures ou nymphes

ont un développement en 5 stades avant

de devenir adultes avec nécessité d’un

repas sanguin pour atteindre le stade

supérieur, chaque stade durant de 3 à 15 jours

Ils sont de couleur claire à jeûn, de la taille d’une tête d’épingle les rendant parfois peu visibles

• La mise en évidence des punaises, quel que

soit leur stade de maturation, n’est pas toujours

aisée mais on pourra essayer de rechercher leurs

déjections, noires et liquides, de 1-3 mm, qui

imprègnent les tissus ou forment des petits amas plus ou moins pâteux sur les structures non absorbantes

Cycle biologique de la punaise de lit

Cycle de vie assez long à se mettre en place dans un 1er temps mais après qq sem (1 mois en moyenne), il engendre une importance descendance et tous les stades sont hématophages

Quelques données de biologie

• Temps d’un repas sanguin 10-20 mn

• Temps entre 2 repas, très variable 3-15 jours

• Espérance de vie d’un adulte 6-24 mois

• Nombre total d’œufs pondus par une femelle adulte 200-500 œufs

• Rythme de ponte d’une femelle adulte 5-15 œufs/jour

• Temps du cycle de vie (œuf à œuf) 40-70 jours

• Délai de ponte après fécondation 3-10 jours

• Temps d’éclosion des œufs 7-15 jours

• Temps entre 2 stades larvaires (repas sanguin obligatoire) 3-15 jours

Entomologie

• Ces insectes hématophages sont attirés par la chaleur du corps ainsi que l’émission de dioxyde de carbone

• Ils sont actifs à tous les stades, la nuit, et piquent l’homme pendant son sommeil de manière indolore car leur salive contient des substances anesthésiantes mais également anticoagulantes expliquant traces de sang fréquentes sur draps

• Les punaises ne sont en général pas visibles car elles fuient toute lumière qu’elle soit de jour ou artificielle

(lampe de chevet ou de poche) et ce sont leurs

déjections (traces brunâtres de sang digéré)

sur le bois du lit par ex et surtout les taches de

sang sur les draps dues à l’écrasement des

punaises lors du sommeil du patient qui orientent le diagnostic

Entomologie

• Ces insectes hématophages sont grégaires et leurs lieux de

repos, ponte et copulations sont toujours difficiles d’accès :

o Matelas : coutures et cordons

o Lit : cadre et fixations des lattes

o Fente de bois

o Tapisseries

o Tableaux : cadres

o Rideaux : ourlets supérieurs, tringles

o Armoires, chevet

o Linge, livres

o Conduits, murs…

Epidémiologie

• Les punaises de lit sont des insectes cosmopolites

• Tous les niveaux de contamination ont été décrits et les cas principalement urbains :

o Cas isolés

o Cas groupés

o Contamination totale d’un bâtiment : hôtel, maison de retraite, auberge de jeunesse, foyer d’hébergement, prison, train…

o Flambée épidémique dans une ville (New York en 2009-2010, Montréal en 2010-2011)

Epidémiologie

• Expansion mondiale due à 2 types de déplacement de l’insecte :

o « Déplacement actif » de la punaise à la recherche d’un repas

sanguin, de son lieu de vie (lit, placard, mur, conduit

d’aération…) vers son lieu de repas (chaleur du corps et

dégagement de CO2 aux heures sombres) qui peut être de

quelques mètres à quelques dizaines de mètres

o « Transport passif » : c’est l’hôte qui va transporter de façon

fortuite (pyjama, bagage, linge au pied du lit, vieux meubles

colonisés, achats de livres ou objets d’occasion…) l’insecte vers

un nouveau lieu de vie situé à quelques km ou milliers de km

lors d’un voyage par exemple

Epidémiologie

Situation en France

o Nombreux cas sur le territoire

o Depuis 2005 : triplement des interventions de désinsectisation

contre cet insecte

o Paris, Lyon, Marseille, Toulon, Nice…

Diagnostic clinique

• Les lésions cutanées siègent sur les parties découvertes et sont très variables :

o Aspect classique : Lésions maculopapuleuses urticariennes de 0,5-2 cm de diamètre centrées par un point hémorragique

o Mais possibilité de formes paucisymptomatiques ou de formes

bulleuses, purpuriques…

o Possibilité de choc anaphylactique/réaction immunoallergique à la nitrophorine de la salive des punaises

• Disposition linéaire caractéristique (comme les puces)

• Prurit intense avec recrudescence matinale (inverse de la gale)

Eléments d’orientation

diagnostique

• Notion de voyage récent

• Changement de lieu de couchage

• Déménagement

• Acquisition de nouveaux meubles d’occasion…

• Seule l’identification entomologique d’un spécimen

apporté par le patient ou prélevé sur site pourra

établir le diagnostic de certitude

• Aucune étude n’a jamais montré de risque de transmission

d’agent pathogène à l’homme par les punaises (sauf dans des

conditions très particulières en Afrique pour l’hépatite B)

Diagnostic différentiel

• Scabiose

• Pédiculose de corps

• Gales animales ou végétales (ectoparasitoses de la poule,

pigeon, farine…)

• Dermatites à Pyemotes ventricosus

• Piqûres d’aoûtats, de puces, de tiques

• Prurigos, eczéma, érythème polymorphe…

• Délire d’infestation parasitaire ou Syndrome d’Ekbom

Méthodes de lutte

• La lutte contre les punaises est complexe et doit

impérativement être gérée par un spécialiste entomologiste

et/ou une société de désinsectisation connaissant

la biologie des punaises et les outils de lutte contre ce nuisant

1. Interrogatoire épidémique et clinique des patients :

o Historique des nuisances : date du « tout début » des piqûres et

date des fortes nuisances

o Emplacement sur le corps des points de piqûres pour mieux

différencier les sites contaminés des sites non contaminés et

permettre de cibler les pièces infestées : chambre des parents,

chambre des enfants, pièce de vie…

Méthodes de lutte

2. Recherche active :

o Identifier formellement l’insecte cimex lectularius car la présence de Cimex hemipterus en France métropolitaine est possible à signaler aux services spécialisés

o Recherche minutieuse et attentive de tous les sites de repos ou propagation afin d’éliminer les gîtes pour éviter les réinfestations :

S’armer d’une lampe de poche et d’une loupe pour rechercher les punaises adultes, jeunes, œufs, déjections, traces de sang

Une odeur « âcre » peut être reconnaissable lors de fortes infestations

Inspecter les principales niches : matelas (coutures et cordons), cadre du lit et fixations des lattes, tapisseries, cadres, rideaux (ourlets supérieurs et tringles), armoires, linge… qui peuvent être autant de sites de repos des insectes

Méthodes de lutte

3. Lutte mécanique sans utilisation d’insecticide : o Primordiale pour diminuer et supprimer au maximum la charge parasitaire d’un

lieu offrant l’avantage de ne pas mettre en place de résistance

o Aspiration avec l’embout fin de l’aspirateur des œufs, jeunes et adultes mis en évidence mais ne tue pas la punaise donc nettoyer le conduit d’aspirateur, obstruer le sac et le jeter à l’extérieur, aspirer de l’insecticide en poudre ou pulvériser l’insecticide dans le conduit de l’aspirateur

o Brossage à sec des œufs et jeunes restant accrochés aux tissus

o Lavage à la machine > 60°C pour les vêtements

o Congélation à – 20°C x 3 jours pour les habits ne pouvant être lavés à 55°C et les petits objets infestés (cadre photo…)

o Nettoyage à la vapeur à 120°C pour détruire les punaises à tous les stades de développement au niveau des recoins ou des tissus d’ameublement

o Nettoyage à haute pression dans les situations d’invasion extrême (vide-ordure, conduits aération)

o Restaurer les lieux : décoller papier peint et moquette, combler fissures et crevasses, jointer les plinthes, entretenir boiseries, reprendre peintures écaillées…

o Chauffage du mobilier à > 60°C voire destruction de l’ameublement si nécessaire càd en cas d’infestation majeure

Méthodes de lutte

4. Lutte chimique : appliquer insecticides dans niches

o Les insecticides vendus en grande surface sont peu rémanents et le plus souvent inefficaces faire appel aux professionnels mais problème de la prise en charge financière car coût élevé

o Pour la majorité des infestations, le site sera traité par un professionnel qui interviendra 2 fois au minimum à environ 2 sem d’intervalle pour tuer, lors du 2ème passage, les quelques immatures sortis des œufs résistants à l’insecticide ou les rares adultes survivants : « insecticide choc » sur les points fortement infestés et « insecticide rémanent » sur tous les recoins : matelas, boiseries, fissures, tapisseries…

o Mise en place d’une « cellule de crise » pour les infestations massives comprenant propriétaire, locataire, syndic, service d’hygiène, ARS…

Méthodes de lutte

5. Prévention : o Pas de prévention idéale car ne jamais être infesté par des punaises de lit est

« mission impossible » pour un hôtel ou toute autre structure d’hébergement

o Primo-infestation difficilement contrôlable

o Par contre, on peut minimiser les risques d’infestations et augmenter la découverte précoce des punaises en adoptant une hygiène quotidienne et une propreté stricte des structures

o Informer le personnel de nettoyage

o Moyens de détection des gîtes : chiens renifleurs, piège attractif à base de CO2, de chaleur ou d’odeur spécifique

o Examiner sa chambre d’hôtel si voyage (lit et surtout matelas)

o Laver tout son linge au retour d’un séjour, désinsectiser la valise (insecticide anti-cafard) et une bonne douche pour prévenir une infestation intradomicilaire !!