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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO DOMAINE DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES MENTION GEOGRAPHIE MASTER II LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET CHINOIS DANS LE IIIème ARRONDISSEMENT DE LA COMMUNE URBAINE D’ANTANANARIVO : ESSAI GEOPOLITIQUE Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme de MASTER Mention Géographie Présenté par Ndrianja RATRIMOARIVONY Membres du jury : Président : James Superman RAVALISON, Professeur titulaire Rapporteur : Gabriel RABEARIMANANA, Maître de Conférences Juge : Ravoniarijaona VOLOLONIRAINY, Maître de Conférences Soutenu le 21 Décembre 2016

LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

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Page 1: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

DOMAINE DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

MENTION GEOGRAPHIE

MASTER II

LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET CHINOIS

DANS LE IIIème ARRONDISSEMENT DE LA COMMUNE URBAINE

D’ANTANANARIVO : ESSAI GEOPOLITIQUE

Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme de MASTER

Mention Géographie

Présenté par Ndrianja RATRIMOARIVONY

Membres du jury :

Président : James Superman RAVALISON, Professeur titulaire

Rapporteur : Gabriel RABEARIMANANA, Maître de Conférences

Juge : Ravoniarijaona VOLOLONIRAINY, Maître de Conférences

Soutenu le 21 Décembre 2016

Page 2: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

i

REMERCIEMENTS

Malgré le fait que ce mémoire demeure un travail personnel, nous désirons exprimer

toute notre gratitude aux personnes qui ont contribué de près ou de loin à sa réalisation. Aussi,

nous tenons à exprimer tout d’abord nos plus grands remerciements à Mr Gabriel

RABEARIMANANA, notre Directeur de Recherche, pour sa patience, son dévouement et sa

haute bienveillance dans les moments les plus difficiles. Nous voulons également ensuite

remercier le corps des enseignants-chercheurs et le personnel administratif de la mention

Géographie du Domaine des Arts, Lettres et Sciences Humaines qui ont tous sans exception

participé à notre formation d’universitaire, et par leur courage, continuent d’œuvrer dans un

esprit patriotique. Nos vifs remerciements s’adressent par ailleurs aux personnes-ressources qui

ont bien voulu nous accorder une partie de leur précieux temps, en l’occurrence Mme le

Commissaire de Police Aina RANDRIAMBELO, Mr Gil RAZAFINTSALAMA administrateur de la

Chambre de Commerce, Mme Brigitte commerçante du marché artisanale de Pochard, ainsi

que toutes les autres personnalités de l’administration publique, des groupements et des

opérateurs économiques qui, même dans l’anonymat, ont fourni de précieuses informations.

Enfin, et non pas le moindre, ce travail aurait été plus qu’incertain sans le soutien et les

encouragements de nos proches, en particulier notre compagne Rina ANDRIAMAMPANDRY, nos

parents et les membres de notre famille, sans oublier Mr Sebastien RAJOELINA, notre ami de

toujours.

A tous, nous réitérons nos remerciements les plus sincères et nos pensées respectueuses.

Page 3: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

ii

SOMMAIRE REMERCIEMENTS ..................................................................................................................................... i

SOMMAIRE .............................................................................................................................................. ii

RESUME ................................................................................................................................................. iii

TABLE DES ILLUSTRATIONS ..................................................................................................................... iv

Liste des croquis ................................................................................................................................. iv

Liste des photos .................................................................................................................................. iv

Liste des figures ................................................................................................................................... v

Liste des tableaux ................................................................................................................................ v

ACRONYMES .......................................................................................................................................... vi

INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1

Première partie : Une démarche déductive, point commun de la géographie, des sciences politiques et

des sciences sociales ............................................................................................................................... 6

Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie.............................................................. 7

Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire, représentations ....................................... 14

Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche ......................................................... 22

Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux géopolitiques français et chinois à deux

échelles : l’océan indien et le IIIème arrondissement de la CUA ............................................................. 29

Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de lecture des dynamiques locales

.......................................................................................................................................................... 30

Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis des représentations chinoises et

françaises. ......................................................................................................................................... 45

Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft power chinois ............................. 61

CONCLUSION ......................................................................................................................................... 77

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 80

REFERENCES FILMOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 85

ANNEXES ............................................................................................................................................... 86

TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................ 95

Page 4: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

iii

RESUME

L’approche géopolitique multiscalaire permet de tracer les trames de la réflexion sur la mise en

relation des dynamiques et enjeux dans l’Océan Indien et dans le IIIème arrondissement de la Commune

Urbaine d’Antananarivo. A partir d’une démarche déductive, la mobilisation de concepts faisant appel à

la pluridisciplinarité, dégage la matière première de la démonstration empirique relevant de la théorie

relationnelle du Pouvoir, du concept de territoire malgache et des représentations s’y affèrent. Ainsi, les

travaux de terrains sont axés sur deux piliers fondamentaux : le premier étant la spatialisation et la

recherche d’informations quantitatives ; le second pilier constitue, quant à lui, une approche qualitative

pour une analyse des représentations. Le cadre conceptuel de la recherche appréhende par conséquent

la construction du regard scientifique afin de donner un sens aux résultats de la recherche proprement

dite.

L’Océan Indien est un espace où se dispute l’influence des Etats-Unis, de l’Inde et de la Chine,

dans le but d’acquérir, de conserver ou de protéger des positions stratégiques pouvant faire bouger les

rapports de forces. Dans ce contexte, Madagascar représente davantage une priorité géopolitique pour

la France que pour la Chine. Ainsi, à l’échelle locale, au niveau du IIIème arrondissement, les

représentations des banques appartenant aux filiales françaises tissent des rapports de pouvoir

ascendants sur les acteurs économiques locaux. Par contre, les représentations du « pouvoir chinois »

souffrent d’une contestation de certains industriels. Face au succès de la langue française dans les

écoles privées, confirmant l’importance du soft power Français dans l’espace vécu, la stratégie Chinoise

multiplie les campagnes de sensibilisation et de séduction médiatique, reliant l’apprentissage du

mandarin à l’opportunité économique que représente la puissance financière chinoise. L’expansion de

ces pouvoirs sur les territoires malgaches est tantôt acceptée, comme dans le IIIème arrondissement, et

tantôt rejetée, à l’exemple du cas de « l’affaire Soamahamanina » traduisant l’interprétation d’un

dualisme entre les représentations territoriales urbaines et rurales.

Mots clés : multiscalaire, géopolitique, pouvoir, séduction, représentations territoriales, IIIème

arrondissement

Page 5: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

iv

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Liste des croquis

Croquis 1-Le IIIème Arrondissement dans la Commune Urbaine d'Antananarivo ........................................ 5

Croquis 2-Militarisation et détroits stratégiques dans l'océan Indien ..................................................... 33

Croquis 3-Les stratégies indienne et chinoise dans l’Océan Indien ......................................................... 38

Croquis 4-Madagascar et les territoires français .................................................................................... 39

Croquis 5-Une île francophone entourée d’anglophones ....................................................................... 43

Croquis 6-Les banques françaises dans le IIIème Arrondissement .......................................................... 47

Croquis 7-Les stations services dans le IIIème arrondissement ............................................................... 51

Croquis 8-La répartition des activités chinoises dans le IIIème arrondissement ...................................... 57

Croquis 9-Le réseau des établissements français à l’étranger ................................................................. 63

Liste des photos

Photo 1-Rassemblement du 2ème RPIMA dans le camp Sega à Juan de Nova ........................................ 40

Photo 2-La puissante société générale dans le IIIème arrondissement, Andraharo................................. 48

Photo 3-La Transnationale TOTAL au coeur du quartier industriel d’Ankorondrano ............................... 50

Photo 4-Les marchands ambulants revendant les produits chinois, Behoririka ....................................... 55

Photo 5-Cérémonie du hissage des drapeaux chinois et malgache du lycée de la congrégation chinoise

de Fenerive Est ...................................................................................................................................... 65

Photo 6-Remise de prix aux étudiants du site d’enseignement de Namakia ........................................... 66

Photo 7-L’institut Confucius et le local de l’ADMC/CRAAM, fruit de la coopération avec l’Union

Européenne et l’Ambassade de France .................................................................................................. 67

Photo 8-L’urbanisation générique: le « savoir-faire chinois conciliant les lieux commerciaux et l’Habitat »

.............................................................................................................................................................. 68

Photo 9-Mission médicale chinoise de Mahitsy...................................................................................... 69

Photo 10-L’imposante « tour orange », siège de la société française Orange Madagascar...................... 76

Photo 11-Le luxueux « immeuble de verre » siège des sociétés françaises Total et Société Générale ..... 76

Page 6: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

v

Liste des figures

Figure 1-La dimension relationnelle du Pouvoir dans une structure ....................................................... 15

Figure 2-Les rapports d’ascendance du Pouvoir ..................................................................................... 19

Figure 3-Les grandes étapes de la démarche déductive ......................................................................... 24

Figure 4-Exportations africaines vers la Chine, ventilation par produits, 2007 ........................................ 41

Figure 5-L’ascendance des banques françaises sur les acteurs économiques.......................................... 53

Liste des tableaux

Tableau 1-Le poids commercial des trois détroits stratégiques .............................................................. 34

Tableau 2-Structure et nombre des ecoles prives dans le IIIeme arrondissement................................... 62

Tableau 3-Les discours médiatiques antagonistes de deux quotidiens sur la présence chinoise à

Madagascar ........................................................................................................................................... 71

Page 7: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

vi

ACRONYMES

AEFE: Agence pour l’Enseignement Français a l’Etranger

AFD : Agence Française pour le Développement

BCM : Banque Commerciale de Madagascar

BFV-SG: Banky Fampandrosoana ny Varotra-Societe Generale

BFCMM : Banque Financière et Commerciale Malgache Mandroso

BNI : Banque nationale d’investissement

BICM : Banque Industrielle et Commerciale de Madagascar

BMOI: Banque Malgache de l’Océan Indien

BPCE: Banque Populaire et Caisse d’Epargne

BTP : Bâtiments et Travaux Publics

CISCO : Circonscription Scolaire

CUA : Commune Urbaine d’Antananarivo

CNAPS : Caisse National de Prévoyance Sociale

FIVMPAMA : Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy

GEM : Groupement des Entreprises de Madagascar

IOFHL: Indian Ocean Financial Holdings Limited

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONEP : Office National de l’Education Prive

OSTIE : Organisation Sanitaire Tananarivienne Inter Entreprises

PME : Petites et Moyennes Entreprises

RN2: Route Nationale 2

RN7: Route Nationale 7

Page 8: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

vii

SIM : Syndicat des Industries de Madagascar

SOMAPECHE : Societe Malgache des Peches

ZEE : Zone Economique Exclusive

Page 9: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

1

INTRODUCTION

Contexte, choix du sujet et localisation

Devenue aujourd’hui premier fournisseur commercial et grand investisseur minier à

Madagascar, la Chine renforce et développe son influence grandissante, bouleversant

continuellement l’échiquier géopolitique traditionnellement occupé par la France et les pays

occidentaux. La Chinafrique est désormais une réalité dans la Grande Ile et appelle à des

restructurations et des transformations tant sur les politiques de coopération que sur les

champs économiques, sociaux et culturels dans lesquelles évoluent les populations et les

groupements autochtones. Pendant que les grandes entreprises chinoises investissent dans

l’extraction minière à travers plusieurs régions du pays, le IIIème arrondissement de la capitale

Antananarivo voit la concentration et la propagation des activités des petits commerçants

chinois. Parallèlement, on peut y observer depuis plusieurs décennies une présence française

matérialisée tant économiquement par ses multinationales (Société Générale, Total, BPCE…)

que culturellement par le triomphe de la langue française dans les écoles. Ainsi, se démarquant

à partir d’une approche comparative, ce mémoire de MASTER II constitue la suite de nos

recherches effectuées dans le cadre du mémoire de maîtrise qui ont porté sur « les Dimensions

géopolitiques de la présence chinoise dans le grand Antananarivo ». Cependant, le processus de

construction intellectuelle de ce travail ainsi que les résultats des recherches seront les

prémices d’un projet de thèse dont l’objectif sera de déterminer et signifier les tenants et

aboutissants de l’exercice des pouvoirs étrangers se manifestant dans le territoire Tananarivien,

à travers une approche multidisciplinaire centrée sur la géographie, les sciences politiques et

les sciences sociales. En ce sens, l’armature de la démonstration empirique de cette recherche

va reposer sur une démarche multiscalaire et holistique qui consistera à un tissage entre les

dynamiques et enjeux à petite échelle dans l’Océan Indien, et les dynamiques locales dans le

jeu des représentations du IIIèmearrondissement de la Commune urbaine d’Antananarivo. La

dialectique se situera par conséquent sur deux plans : elle sera à la fois économique et

culturelle.

Page 10: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

2

Problématique

L’Océan Indien est décrit aujourd’hui par certains centres de recherche comme « le

futur champ de bataille pour la domination mondiale1 ». En effet, en tant qu’espace de transit

entre le monde arabe, Africain et Asiatique et représentant 75% des échanges commerciaux

mondiaux, cet océan s’avère être un enjeu vital pour la Chine afin de garantir

l’approvisionnement en matière première à partir du continent Africain. Cependant, dans une

posture de rivalité et de préservations des intérêts nationaux, plusieurs acteurs

géostratégiques2 dont la France sont présents depuis plusieurs années et jouent un rôle

prépondérant dans une zone caractérisée par la présence massive de plusieurs marines

(Américaine, Indienne, Union Européenne..) responsables de la sécurisation et du rayonnement

des intérêts de leurs pays respectifs. Les territoires français, plus particulièrement, occupent

une place d’importance hautement stratégique dans le canal du Mozambique et aux alentours

de Madagascar, interrogeant a fortiori un statut de pivot géopolitique3 de ce dernier.

Les communautés chinoises et françaises sont les minorités étrangères les plus

importantes dans la grande Ile et les discours des différents ambassadeurs de France et de

Chine rappellent « l’importance de la coopération » entre leurs pays et l’Etat Malgache.

Pourtant, en rapport aux conséquences et enjeux de la mondialisation libérale, les

représentations de la présence française et chinoise poussent la réflexion à une production et à

l’existence d’un « Pouvoir Français » et d’un « Pouvoir chinois » dans l’espace urbain, mais

également dans l’espace public de la ville d’Antananarivo, notamment dans le

IIIèmearrondissement. La définition épistémologique accordée au « Pouvoir » sera amplement

développée dans le chapitre II du mémoire. D’ores et déjà, il sera définit comme une

construction relationnelle et non pas comme une propriété car le Pouvoir s’exerce mais ne se

1 R.KAPLAN,2011, “Monsoon, the Indian ocean and the future of american power”, Random House Trade

Paperback Edition 2. « On entend par acteurs géostratégiques un pays capable de se projeter au delà de ses frontières et soucieuses

du rayonnement de sa puissance ». Z.BRZEZINSKI, 2010, « Le grand échiquier », Pluriel 3 « un pivot géopolitique est un Etat pas forcément ou même pas du tout détenteur de puissance de projection

mais dont la position géographique ou les potentialités en terme de ressource peuvent influer sur les ambitions géopolitiques d’une puissance dans une région », ibid

Page 11: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

3

détient pas. L’exercice de ces pouvoirs dans le réel que constitue l’espace du IIIème

arrondissement va contribuer à l’élaboration des discours et des représentations des entités

Française et Chinoise, et inversement. Dans ce paradigme, la corrélation entre la

prépondérance de ces deux acteurs au niveau local et leurs jeux géostratégiques dans l’Océan

Indien peut traduire la preuve d’une rivalité réelle ou hypothétique entre les deux pays. Ainsi, la

problématique suivante est posée :

« Dans quelles mesures les priorités géopolitiques de la France et de la Chine dans l’Océan

Indien conditionnent-elles la typologie des rapports de pouvoir et les représentations que ces

deux pays désirent produire à l’échelle locale, notamment dans le IIIèmearrondissement ? »

De cette question vont partir d’autres pistes corollaires :

Les acteurs économiques locaux conçoivent-ils la possibilité d’un développement en

l’absence hypothétique des pouvoirs Français et Chinois dans le IIIème arrondissement ?

Si le territoire est un espace auquel l’Homme a donné du sens et que le paysage urbain

reflète fortement l’exercice de pouvoirs étrangers, faut-il interroger le concept d’un « territoire

malgache » dans ce même espace?

A partir d’une première observation du paysage et de la lecture de certains ouvrages,

nous retenons l’hypothèse principale suivante en réponse à la problématique :

« Madagascar représente un enjeu beaucoup plus important pour la France que pour

la Chine, dans l’Océan Indien. Aussi, les représentations liées à l’exercice d’un pouvoir

français se manifestent par une prépondérance d’influence via un control sur l’institution

bancaire, les écoles et la distribution d’énergie dans le IIIème arrondissement, lui conférant

une dimension hautement stratégique. Ce dispositif peut, dans un certain cas, être perçu

comme un dispositif d’assujettissement. Par contre, la Grande Ile n’étant pas une priorité

absolue, l’objectif de la stratégie chinoise reste le pragmatisme économique. La réussite

commerciale de la communauté chinoise dans le paysage urbain et l’inondation du marché

par les produits d’importations venant de chine créent une représentation ambigüe, basée

sur une concurrence économique déloyale, mais garante de l’amélioration du pouvoir d’achat

des Tananariviens. »

Page 12: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

4

Par ailleurs, des hypothèses secondaires ont été mobilisées. D’une part, « les acteurs

économiques locaux conçoivent la possibilité d’un développement sans le pouvoir chinois mais

estimeront que le pouvoir français, notamment dans le secteur de l’enseignement, est

inéluctable pour atteindre ce développement. La capacité d’influence de la France demeure

donc plus importante que celle de la Chine dans le cadre d’un rapport de force. Cependant, la

puissance économique de cette dernière lui permet de combler de plus en plus ce retard,

notamment à travers la priorisation de la logique marchande sur les barrières

culturelles. »D’autre part, « l’exercice de ces pouvoirs exogènes sur l’espace va réinterroger le

concept de territoire Tananarivien, dans la mesure où l’on assiste à une rupture du patrimoine

paysager liée à une domination économique et une dépendance culturelle.»

Ce travail est composé de deux parties distinctes. La première partie traite de toutes les

grandes étapes qui ont constitué la démarche déductive et mené aux résultats de la recherche.

Les différents courants de pensée et l’élaboration des hypothèses de recherches (chapitre I)

déterminent la cadrature des concepts mobilisés (chapitre II), qui à leur tour servent de socle

scientifique aux travaux de terrain (chapitre III). La deuxième partie est consacrée à la

présentation des résultats de la recherche. Tout d’abord, l’analyse des grands enjeux

géopolitiques dans l’Océan Indien permet la compréhension des positionnements et stratégies

de la politique internationale Française et Chinoise (chapitre IV). Ensuite, à plus grande échelle,

l’accent est mis sur les représentations et dispositifs liés aux dimensions économiques des

pouvoirs français et chinois (chapitre V). Enfin, le dernier chapitre (chapitre VI) porte sur les

difficultés du soft power chinois face au triomphalisme culturel français. Notons que ces deux

derniers chapitres sont fondés sur une approche comparative qui a pour but de dégager la

géopolitique des représentations située dans le IIIème arrondissement.

Page 13: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

5

Croquis 1-Le IIIème Arrondissement dans la Commune Urbaine d'Antananarivo

Page 14: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

6

Première partie : Une démarche déductive, point commun de la

géographie, des sciences politiques et des sciences sociales

« Casser la hiérarchie habituelle des disciplines »

J.Bert, « Introduction à Michel Foucault »

Page 15: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

7

Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie

Dans le contexte mondial actuel où la transnationalité4 remet en cause la définition des

frontières, où le néolibéralisme triomphant crée une multitude de marchés et de flux à travers

tout le globe, la géographie est plus que jamais une science sollicitée permettant d’une part la

compréhension de phénomènes pluriels à diverses échelles et d’autres parts d’établir les liens

qui les relient entre eux.

1.1. Richesse de l’approche géopolitique

Propre à la géographie, la traduction spatiale apporte des éclaircissements et des

significations à des dynamiques et à des phénomènes apparemment éloignés entre eux, mais

faisant partie intégrante de la stratégie d’un ou de plusieurs acteurs. Le professeur Jack

Dangermond parle de Geoenlightenement à l’heure où certaines universités commençaient à

douter de l’utilité de la géographie. En effet, sous le crédo “what happened here has an impact

there5 », ce professeur argumente le rayonnement de la géographie dans l’appréhension d’un

monde ou l’hyperconnectivité amène à la multiplication des interactions, témoignant de la mise

en place d’un maillage universel complexe. La modernisation des systèmes d’informations

géographiques permet la lecture de données spatiales et d’en déduire des interprétations

pouvant être empiriquement fondées dans un délai plus court.

Ainsi, la mise en relation entre les ambitions géopolitiques dans l’Océan Indien et la

production de Pouvoir dans le IIIème arrondissement n’est permis qu’à travers un regard

géographique. Pourtant, les interactions peuvent conduire à l’apparition d’antagonisme et

4A.APPADURAI, « Apres le colonialisme, les conséquences culturelles de la mondialisation », Editions Payots et

Rivages, Paris, 2005 5En traduction littérale : « ce qui se passe ici a un impact la »

Page 16: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

8

d’intérêts divergents qui vont se manifester par la production d’actions dans le réel et de

représentations. La géopolitique, en tant que « la géographie des pouvoirs» prend son essence

dans les rivalités, leurs conséquences et leurs enjeux. Elle établit les relations entre les pouvoirs

et les territoires, ce qui naturellement fait appel à la pluridisciplinarité mais aussi à des nuances

d’approche au sein même de la géopolitique. La présente recherche se base sur les principes de

l’école géopolitique américaine et l’école lacostienne. Dans une logique militaire, l’école de

géopolitique Américaine insiste sur la priorité du contrôle maritime dans la projection de

puissance des acteurs géostratégiques. Cette école nous a permis d’aborder les enjeux

géopolitiques dans l’océan Indien (chapitre IV) avec clarté et de saisir les comportements des

grandes puissances et des puissances émergentes ambitieuses de concurrencer ces dernières.

Yves Lacoste pour sa part, veut dépasser une vision centrée uniquement sur les facteurs

géographiques et propose l’insertion d’autres concepts dans l’analyse géopolitique. Il y ajoute

les concepts de territorialité et de représentations. Etant le point focal de ce travail, les

représentations ont piloté l’observation de l’exercice des pouvoirs exogènes dans le IIIème

arrondissement (chapitres V et VI) car elles constituent des « structures de sentiments

individuelles et collectives6 »reflétant les imaginaires et les perceptions.

Hormis l’influence du fondateur de la revue Hérodote, les orientations d’autres

chercheurs géographes ont également contribué à la construction intellectuelle de ce mémoire.

P.Claval (2011) a éclairé et démontré les défis futurs qui attendent le monde de la recherche

dans le contexte mondial actuel7, en insistant sur le caractère incontournable de la dimension

identitaire. Il affirme que « la globalisation conduit a des réactions souvent violentes

d’affirmation identitaire. Celles-ci sont d’autant plus fortes que les contacts se multiplient. Avec

des voyages plus rapides, plus faciles et meilleurs marché, les migrations internationales

s’intensifient. De nouvelles zones de tensions apparaissent au sein des grandes

agglomérations, où les minorités sont plus nombreuses ; des diasporas s’y organisent. Les

géographes d’hier ne marquaient aucun intérêt pour les questions identitaires. C’est 6ibid

7 Le contexte mondial actuel est malheureusement caractérisé par une expansion prégnante des tensions et des

heurts entre Etats, communautés, groupements religieux…

Page 17: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

9

aujourd’hui une de leurs préoccupations essentielles8 » C’est pourquoi les fragmentations par

nationalité entre Chinois, Français et Malgache ont été appuyées au cours de cette recherche.

Par ailleurs, on ne peut oublier l’apport que C.Raffestin a transmis à travers la jonction de la

science géographique avec les théories du Pouvoir d’obédience Foucaldienne et Deleuzienne.

Outre l’intuition nécessaire à la posture du chercheur, la lecture des ouvrages de ces nombreux

auteurs ont grandement participé à l’élaboration des hypothèses de recherche tant essentielles

à la démarche déductive.

1.2. Revues de littérature : vers la construction des hypothèses de recherche

Tout au long de la préparation de ce mémoire, la documentation a été consultée sur

formats papier et numérique au sein des locaux de la bibliothèque du département de

Géographie, de la bibliothèque nationale et dans certaines bibliothèques privées de quelques

particuliers. Obligatoirement, la validité scientifique des ouvrages et des articles trouvés sur

Internet a été suffisamment vérifiée à travers la réputation des sites connus comme

principalement scientifiques tel « www.cairn.info » ou « www.hypergeo.com”. En tout, on peut

les répartir en 30 ouvrages, 22 articles scientifiques, mémoires, périodiques et rapports, 20

articles de journaux ainsi que 5 films documentaires. Une partie du volume empirique

embrigadé par l’ensemble de ces matériaux forme la matière première de la constitution des

hypothèses de recherche.

1.2.1 Les ouvrages et articles les plus constructifs

Dans l’optique où la présente recherche concerne les notions de Pouvoir, de territoire et

de représentations, la bibliographie a été orientée sur plusieurs disciplines allant de la

géographie aux sciences sociales, en passant par les sciences politiques. Les ouvrages de

R.Kaplan et de Z.Brzezinski ont été particulièrement décisifs dans la compréhension du système

8P.CLAVAL, 2011, « Histoire de la Geographie » Presse Universitaire de France

Page 18: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

10

d’analyse « acteurs géostratégiques et pivots géopolitiques » afin de déceler les orientations

stratégiques de la Chine et des Etats Unis dans l’océan Indien. Cependant, ces œuvres se

démarquaient par l’absence d’analyse concernant les enjeux pour la France. Ainsi, la revue

Hérodote de 2012, spécialisée sur la Géopolitique de l’Océan Indien, avec son article « La

France et les enjeux stratégiques dans l’Océan Indien », est venue compléter le manque

d’information à ce sujet. Concernant la notion de « pouvoir » qui est naturellement au centre

de ce travail et généreusement développée dans le prochain chapitre, il a fallu explorer,

approfondir et regrouper les réflexions de plusieurs auteurs issus de formations différentes. En

premier lieu, le livre de P.Birnbaum intitulé « le pouvoir politique » a permis d’aborder le

caractère sanctionnant du « Pouvoir » à travers l’article de Laswell et A.Kaplan. Par la suite,

nous avons« l’acteur et le système » de M.Crozier et E.Friedberg qui démonte les mécanismes

de rapport de domination et se rapproche énormément des théories de M. Foucault à propos

de la dimension relationnelle du Pouvoir. Pour finir, l’ouvrage de Simon Lemoine dénommé« le

sujet dans les dispositifs de pouvoir » a été l’un des piliers phare dans l’élaboration des

hypothèses de recherche.

Pour la notion de territoire, les productions d’Y.Pesqueux, de F. Gros et d’A. Moine (voir

bibliographie) ont montré des approches et théories séduisantes. Dans son article « la notion

de territoire », Y. Pesqueux propose un éventail polysémique du terme dans le but de mettre en

évidence les différences selon les champs scientifiques (éthologie, économie, géographie,

anthropologie…).A partir de cette vision globale, le cheminement vers des courants de pensée

liant le territoire au pouvoir semblait plus pertinent. F. Gros par exemple, développe les

conceptions de M.Foucault et G.Deleuze permettant de « penser le Territoire à partir du

pouvoir mais aussi de penser le Pouvoir à partir du Territoire ». A. Moine, en tant que

Géographe, rappelle l’importance de la réappropriation de cette notion utilisée dans ce que

l’on définit comme « l’aménagement du territoire »et les implications de son caractère non

neutre.

Page 19: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

11

Mis à part sa contribution inestimable dans la détermination de la typologie

d’échantillonnage, l’article d’A.Pires9 a présenté la méthodologie de recherche de Martel en

guise d’exemple dans l’étude des représentations. En effet, afin de découvrir les

représentations des femmes battues au Canada durant le XXème Siècle, Martel a sélectionné

des articles de presse portant sur son objet de recherche en appliquant le principe de

saturation. Lorsqu’une information devenait répétitive pendant une sous-période donnée, elle

considérait que la collecte de données était suffisante pour identifier les discours et donc les

représentations. Ainsi, s’inspirant de ce modèle, une partie des représentations liées à

l’exercice des Pouvoirs Français et Chinois ont été démasquées à travers les articles de journaux

publiés par deux quotidiens parmi les plus lus dans la capitale10 : l’Express de Madagascar et

Midi Madagasikara. Cependant, dans le but d’éviter une démarche trop réductive et afin de

diminuer les marges d’erreur, les résultats accumulés ont été combinés avec les données de

recherche du mémoire de maîtrise11, dans lequel on peut retrouver les perceptions des

Tananariviens de la présence chinoise grâce à une étude quanti-qualitative.

Enfin, l’ouvrage spécialisé de Carine Pina-Guerassimof s’intitulant « La Chine et sa

nouvelle diaspora, la mobilité au service de la puissance » a été d’une grande importance dans

la compréhension de la politique internationale chinoise axant sur le binôme « migration-

puissance »

1.2.2 Elaboration des hypothèses de recherche : l’identification des représentations

Les représentations sont, par définition, ce qui a été dit et répété. L’élaboration des

hypothèses de recherche s’est appuyée en premier lieu sur des discours officiels de la

diplomatie française. Indéniablement, lorsque la France parle de sa présence à Madagascar, 9A.PIRES, 1997« Echantillonnage et recherche qualitative : essai théorique et méthodologique », , Université

d’Ottawa, 10

Selon les sondages de Médiamétrie menés par l’Observatoire des medias et de la Communication à Madagascar 11

RATRIMOARIVONY, 2012 “les Dimensions Géopolitiques de la présence Chinoise dans le Grand Antananarivo”, Département de Géographie, FLSH, Université d’Antananarivo,

Page 20: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

12

hormis son réseau consulaire c’est en premier lieu son influence culturelle, à travers les

établissements scolaires et les organisations culturelles, telles les Alliances Françaises12, qui est

mise en avant. Sur le plan économique, elle se présente comme le premier partenaire

commercial (727millions d’Euros d’échanges en 2015), le premier client (15.2% des

exportations malgaches en 2015) et le deuxième fournisseur (10.3% de part de marche)

derrière la Chine (24.8%). Mais au-delà de ces sphères macro-économiques, le discours officiel

avance « une présence française très importante soutenue par un dense tissu d’entreprises

françaises et des investissements en croissance. Les intérêts français sont anciens et couvrent à

Madagascar des secteurs variés : services financiers (Société générale, BPCE, Allianz),

téléphonie (Orange Camusat), les biens de consommation (Castel, Casino, Canal Sat), la

distribution de carburants et de gaz (Total, Air Liquide), BTP et immobilier, transports (Air

France, Air Austral, Corsair, Bolloré), tourisme et services. Il existe 170 filiales, dont 8

entreprises du CAC 40 (Air Liquide, Bouygues, Lafarge Holcim, Orange, Société générale, Total,

Vinci, Vivendi). Plus d’un millier d’entreprises à capitaux français sont installées à

Madagascar13. » Par conséquent, en couplant ce discours aux observations de terrain, l’exercice

d’un Pouvoir Français dans le IIIème arrondissement a été catégorisé en trois principales

composantes : les écoles, qui, même si elles ne font pas partie du réseau AEFE14, arborent un

attachement particulier à l’enseignement d’expression française ;Puis, le réseau bancaire,

caractérisé par la forte présence de la BFV-Société Générale et de la BMOI-BPCE ; Enfin, la

grande visibilité du géant Total dans le domaine de la distribution de carburants, qui est un

élément certain du paysage urbain de la capitale.

En deuxième lieu, selon les résultats de recherche du mémoire de maîtrise, la présence

chinoise à Antananarivo se résume aux « Commerce et au quartier de Behoririka » (voir annexe

IV) situés dans le IIIème arrondissement. La véracité de ces résultats a été appuyée par les

articles de presse. Pourtant, les scandales médiatiques en rapport avec l’exploitation aurifère

12

« La présence française à Madagascar », site officiel de l’ambassade de France a Madagascar. http://www.ambafrance-mada.org/La-presence-francaise-a-Madagascar 13

« La France et Madagascar », site officiel du ministère français des affaires étrangères . http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/madagascar/la-france-et-madagascar/ 14 Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger

Page 21: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

13

de la Société chinoise Jiuxing mines à Soamahamanina, ont aujourd’hui contribué à l’évolution

des représentations de la Chine à Madagascar, focalisant également l’attention sur les

exploitations minières et leurs impacts. Toutefois, en tant que mémoire de MASTER, la

présente recherche ne peut prétendre mesurer toute la portée des conséquences de “l’affaire

Soamahamanina ». Les représentations liées à l’exercice d’un pouvoir chinois dans le IIIeme

arrondissement ont donc été subdivisées en deux composantes : les activités commerciales de

la diaspora chinoise et les produits importées venant de chine.

Le déploiement des activités dans le réel ne peut être neutre, et relève de prés ou de

loin, d’une volonté politique de l’Etat central, malgré l’indépendance des acteurs

(Multinationales, Organisations, simples opérateurs économiques…). L’enjeu majeur pour les

Etats Français et Chinois reste la protection et l’expansion de leurs intérêts (énergétiques,

frontaliers, économiques…). Ce postulat nécessite le développement de leur influence, voire

d’un pouvoir, auprès des autres pays qui constituerait un avantage stratégique dans le jeu des

rapports de force entre puissances. Dans une logique évidente de la démarche déductive, le

fondement empirique de ces hypothèses de recherche doit faire l’objet de processus de

confrontation passant par une épistémologie des concepts mobilisés qui seront utilisés durant

les travaux de terrain.

Page 22: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

14

Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire,

représentations

Dans une analyse géopolitique, le triptyque « Pouvoir-Territoire-Représentations » est,

par métaphore, le centre nerveux du corpus empirique, pouvant être à la fois objet d’étude et

outil d’analyse. Outre les représentations, le caractère polysémique du Pouvoir et du territoire

symbolise la complexité de ces concepts, mais également le grand intérêt du monde

scientifique en général. En ce sens, la définition de ces concepts et leurs utilisations dans ce

travail doivent faire l’objet d’une véritable précision, et être porteuses de significations.

2.1. Le pouvoir, une réalité au-delà de l’influence

2.1.1. Le pouvoir n’existe que dans une relation et dans des structures

Dans son ouvrage intitulé « De la géopolitique aux paysages 15», Yves Lacoste précise

qu’il y a plusieurs formes de pouvoir et qu’ils ne trouvent leurs significations que dans leurs

exercices sur des territoires. En effet, plusieurs chercheurs s’accordent à dire qu’au-delà des

« analyses politiques classiques… le pouvoir n’est pas assimilable à un bien… il s’exerce, et

n’existe qu’en acte16 ». Par conséquent, en rapport aux chapitres V et VI de ce mémoire,

l’objectif est de comprendre les mécanismes de Pouvoir qui s’exercent à travers certaines

particularités de la présence française (banques, écoles et stations-services) et chinoise

(Commerce, produits manufactures, exploitations minières), ainsi que les impacts de leurs

représentations sur les acteurs économiques locaux, ou les individus qui y sont liés peu ou

prou.

15

Y.LACOSTE, 2003 “De la geopolitique aux paysages, Dictionnaire de la geographie”, Armand Colin 16

J.HORTONEDA, 2005/3 “Sécurité,territoire,population et Naissance de la biopolitique de Michel Foucault Contrechamp », EMPAN numeros 59

Page 23: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

15

Pour permettre un dispositif de pouvoir, il faut deux entités, au minimum, que l’on va

nommer A et B (voir figure 1). A représentera les composantes de la présence française ou

chinoise et B, les acteurs économiques locaux ainsi que les acteurs estimant avoir des relations

avec les activités de A. Le pouvoir se présente comme « un faisceau ouvert plus ou moins

coordonnée 17 ».Mais le pouvoir que A applique sur B n’est opérationnel que s’il y a

« productions d’effets voulus18 » et doit s’accompagner de précisions, c'est-à-dire dans quels

domaines ce Pouvoir s’exerce-t-il afin de mesurer l’étendue de celui-ci. « Le pouvoir français »

et « le pouvoir chinois » seront définis comme tout flux de pouvoir émanant des entités

françaises et chinoises ou des représentations issues de ces entités.

Figure 1-La dimension relationnelle du Pouvoir dans une structure

A B

P

Structure de jeu

On peut en déduire que l’exercice d’un pouvoir n’existe que dans des structures. Si on

prend comme exemple les sociétés contemporaines, le néolibéralisme est« la structure de

jeu19 » dominante dans laquelle s’inscrivent les dispositifs de Pouvoir. Cette structure de jeu

établit des règles et a pour objectif l’accumulation de capitaux. Cette dernière est conditionnée

par la mobilisation des moyens de production et l’existence de la demande, donc tributaire des

comportements et des représentations de la population. M.Foucault parle ainsi de la

17

ibid 18

P.BIRNBAUM 1975, définition de B.RUSSEL « le pouvoir politique », Dalloz 19M.CROZIER ET E.FRIEDBERG, 1977 “l’acteur et le système”, Edition du Seuil

Page 24: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

16

biopolitique ou bio-pouvoir 20 . Par transposition, prenons le discours suivant en guise

d’exemple : « les institutions bancaires telles la BFV-SG ou la BMOI consistent à assurer la

sécurisation de mes richesses ; l’intégration des enfants dans les écoles d’expressions françaises

sont la garantie de réussite scolaire et la distribution de carburant par TOTAL assure le

déplacement de mes proches ou de ma personne ». De même,« les produits d’importations

chinoises constituent l’unique solution pour l’amélioration du pouvoir d’achat de la population,

les commerces chinois créent de l’emploi pour une population victime du chômage… ».Si ces

représentations sont acceptées par B, alors on peut dire que A produit réellement du pouvoir

sur B. Précisons que le sens donné au Pouvoir ici ne constitue pas une image sombre ou

dévalorisante de celui qui l’exerce ou le subit, mais démontre l’existence d’une notion pouvant

être instrumentalisée et qui nous permet de penser ou repenser les relations avec les individus

et les systèmes qui nous entourent.

Cependant, en tant que processus relationnel, et donc imprégné de réciprocité, B peut

également exercer du pouvoir sur A. En tant que structure de jeu, le néolibéralisme peut créer

la concurrence et ainsi laisser le choix à B d’opter pour d’autres solutions. D’un point de vue

économique, ce choix peut par exemple dynamiser le marché et faire baisser les prix de A. Ce

qui implique « la production d’effets voulus » de B sur A. Ainsi, les deux entités produisent du

pouvoir sur l’une et l’autre.

Mais si le pouvoir s’exerce dans les deux sens, comment expliquer alors l’apparition de

rapport de domination, de déséquilibre et l’émergence des notions de « contrôle » ?

20

“Le bio-pouvoir a été à n’en pas douter, un élément indispensable au développement du capitalisme ; celui-ci n’a pu être assuré qu’au prix de l’insertion contrôlée des corps dans l’appareil de production et moyennant un ajustement des phénomènes de population aux processus économiques ». J.HORTONEDA, ibid

Page 25: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

17

2.1.2. La maîtrise des incertitudes, des ressources et des dispositifs d’assujettissements crée la dépendance

Les rapports inégalitaires dans les relations de pouvoir peuvent revêtir plusieurs causes,

du fait que les rapports humains s’inscrivent dans des champs inégalitaires. Cette inégalité est

due à deux facteurs : les sources d’incertitude et l’engagement des ressources.

« Les acteurs mobilisent les sources d’incertitudes pertinents qu’ils contrôlent dans une

structure de jeu donné21 ». Les zones d’incertitudes sont des parcelles du réel que l’un des

acteurs maîtrise au détriment de son interlocuteur. L’incertitude laisse place à l’insécurité, à la

méconnaissance des fonctionnements du système et des informations capables d’apporter un

changement au contexte.

Les ressources quant à elles, sont les moyens qui définissent la capacité d’action et

possèdent la faculté de créer des récompenses22 et des sanctions23. Analyser des relations de

pouvoir consisterait à analyser des interactions et/ou des échanges impliquant marchandage et

intégration. Les entités A et B (figure numéro 1) seraient par conséquent en constante

négociation. Celle qui mobilise le plus de ressources et qui maîtrise le plus grand nombre de

zone d’incertitude arrive à créer un déséquilibre et ainsi, arrive à engendrer un rapport de

dépendance. Mais il ne suffit pas de posséder un avantage quantitatif, car seule la pertinence

de ces avantages par rapport à l’objet et au contexte détermine véritablement l’ascendance de

l’un sur l’autre: l’emprise des produits d’importations chinoises sur le marché tananarivien à

travers le seul argument de l’accessibilité du pouvoir d’achat ne suffit pas, dans la mesure où un

autre concurrent peut offrir les mêmes prestations. Cet argument ne peut devenir pertinent

que si les produits chinois détiennent le monopole de cette accessibilité.

21M.CROZIER ET E.FRIEDBERG, ibid 22

P.BIRNBAUM, ibid, « Les récompenses régulières placent les bénéficiaires dans la dépendance de celui qui les accorde et les soumettent a son pouvoir du fait qu’elles font naitre des espoirs qui font que leur suppression prend valeur de punition » 23

Ibid, « la possibilité de recourir à des sanctions si les effets voulus ne se produisent pas. C’est la menace de

sanctions qui différencie le pouvoir de l’influence en général. Ces sanctions peuvent être effectives ou

hypothétiques » P50

Page 26: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

18

Une fois que la maîtrise de ces deux facteurs est assurée, il est possible d’assister à

l’émergence d’un dispositif d’assujettissement. Les dispositifs opèrent de façon diffuse,

difficiles à percevoir, mais structurent nos comportements et nos représentations. Simon

Lemoine les décrit comme des « microphysiques des rapports de pouvoirs24 ». Pourtant, ce ne

sont pas forcément des systèmes contrôlés ou manipulés par un acteur donné, mais des

systèmes qui évoluent comme il a été dit ci-dessus dans des structures de jeu. En d’autres

termes, un dispositif d’assujettissement d’un pouvoir Français peut apparaître sans que cela

émane de la volonté de l’Etat français. La première étape dans ce processus consiste à la mise

en place de « répétitions d’actions », c'est-à-dire l’introduction dans « la routine », dans des

cycles. La sensibilité des hommes aux discours qui vont se manifester de manière répétée est

une dimension majeure dans la perception des pouvoirs Français et Chinois. Même si un acteur

estime que la coopération chinoise est fort séduisante, et qu’il la juge nettement plus

avantageuse pour le pays ou pour ses intérêts, la force des discours répétés sur l’impérativité

de la maîtrise de la langue Française à Madagascar va cependant l’assujettir à cette langue et

peut piloter l’ensemble de ses choix. L’assujettissement ne doit pas être confondu avec la

domination car celle-ci insinue une soumission et une subordination. Or, chaque individu a

toujours une marge de manœuvre incluant une marge de liberté.

Néanmoins, « seule une cartographie, permet de dégager les lignes de force du

dispositif. Ce n’est pas tel point qui est assujettissant, ce sont milles points avec lesquels on

aura été en contact milles fois, qui vont de manière souvent lente et imperceptible, conduire

les conduites et même dire les sujets25 ». Ce dispositif n’est donc efficace que s’il s’exerce dans

l’espace vécu. Dans le but de déterminer l’existence hypothétique d’un dispositif

d’assujettissement, il est important de démontrer la répartition spatiale des banques, des

écoles et des stations-services dans le IIIème arrondissement.

24

S.LEMOINE, 2013, « Le sujet dans les dispositifs de pouvoir », Presse Universitaire de Rennes 25 ibid

Page 27: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

19

La production de pouvoir sur des territoires et la création de représentations

territoriales à partir d’enjeux de pouvoir traduit l’interconnexion permanente de ces trois

concepts.

Figure 2-Les rapports d’ascendance du Pouvoir

A B

P

Structure de jeu

R

ZI

R

ZI

Notons R et R les ressources que A et B peuvent engager Notons ZI et ZI les zones d incertitude que A et B peuvent contrôler

Si R > R et/ou si ZI > ZI => il y a rapport d ascendance de A sur B et inversement

Rapport d ascendance + « répétition »=> apparition de dispositif d assujettissement

Page 28: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

20

2.2. La contextualisation culturelle de la définition du territoire

A l’ère de la mondialisation où un Indien peut devenir chef d’une grande entreprise aux

Etats-Unis, ou encore lorsqu’une multinationale chinoise peut devenir la plus grande unité

créatrice d’emploi dans un pays africain, qu’est ce qui définit le territoire désormais ?

Au regard de l’éthologie (étude du comportement animal), le territoire est un espace

que l’on s’approprie et qui s’avère pour un être vivant, le prolongement de lui-même dans le

but de se protéger de menaces extérieurs. Malheureusement, on ne pourrait se satisfaire de

cette définition car en tant que construits humains tel qu’on le conçoit, ce concept relève de

plusieurs approches, d’une multitude de posture, il est au « centre des représentations que

nous nous faisons de la complexité qui nous entoure26 ».Au-delà du schéma classique ci-

dessous, G Di Méo affirme que « le territoire est souvent abstrait, idéel, vécu et ressenti plus

que visuellement repéré27 ». Le concept relève donc en majeure partie de la subjectivité de

l’individu. Cependant, cet individu en tant qu’être social, fait partie d’un groupe. C’est pour

cette raison que l’on peut également associer le territoire à un projet commun, une volonté de

vivre ensemble malgré la pluralité culturelle des membres du groupe. Cette dimension

témoigne déjà de la complexité d’une approche du « territoire ».

Dans le contexte de cette recherche qui traite d’un territoire malgache, la définition

retenue sera celle de C.Raffestin : « le territoire consiste en une transformation de l’espace par

l’homme influencé par les informations à disposition dans sa culture ». Pour le malgache, le

foyer est l’espace géographique d’où l’on vient, communément appelé « la terre des

ancêtres ». C’est l’héritage qui rappelle l’attachement et l’affection des ancêtres pour leur

descendance et qui doit être transmis aux générations futures. De ce fait, ces dernières doivent

pouvoir jouir des richesses de ce territoire dont la fonction sera d’assurer leur bien-être.

L’aménagement du territoire, les organisations spatiales et les systèmes de valeurs et de

réseaux doivent donc répondre à l’intérêt général des générations actuelles et futures. Nous

26

A.MOINE, 2006/2 “Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », l’Espace géographique (tome 35), p 98 27ibid

Page 29: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

21

posons dès lors la question : les représentations territoriales actuelles dans le IIIème

arrondissement correspondent-elles à cette conception ?

Les pouvoirs dits exogènes (français et chinois) agissent sur ce territoire en corrélation

avec les représentations qu’ils s’en font ; des représentations d’ailleurs d’ordre hétérogènes.

Pour certains ressortissants chinois, le pays est un espace d’accueil dans lequel ils se projettent

dans l’avenir, alors que pour d’autres, ce n’est qu’un espace sur lequel ils voient un moyen

d’accumuler du profit pour ensuite revenir en Chine28. Les grands groupes Français (Société

générale, TOTAL, BPCE…) par contre dans une logique économique de grandes entreprises,

ambitionnent la pérennisation de leurs activités sur ce territoire. Il serait donc tout à fait

normal que, de par la nature de leurs représentations territoriales de l’espace malgache et de

leurs stratégies, les typologies de l’exercice des pouvoirs français et chinois soient

diamétralement différentes.

La mobilisation de ces concepts a été primordiale dans la construction du regard du

chercheur sur l’espace étudié. Ce second chapitre est la matière première des hypothèses

théoriques, de l’élaboration des questionnaires de recherche, de l’identification des

informations et des données nécessaires à la démonstration empirique. La confrontation des

hypothèses de recherche au réel nécessite indubitablement des travaux de terrain.

28

C.PINA-GUERASSIMOFF, 2012, « La Chine et sa nouvelle diaspora, la mobilité au service de la puissance” Editions ellipses

Page 30: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

22

Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche

A grande échelle, les travaux de terrain ont été menés à partir d’une approche

dichotomique et comparative. En effet, les pouvoirs français et chinois dans le IIIème

arrondissement revêtent des formes tout à fait différentes bien qu’en tant que voies de

circulation du pouvoir, les points communs des stratégies adoptées étaient la séduction et le

réseau. Les différentes étapes de la démarche déductive sont représentées par la figure n°3

3.1. Spatialisation et informations quantitatives

Selon P.Claval, « la carte permet de détecter les configurations qui n’apparaissent qu’en

changeant d’échelles29 ». Au total, neuf croquis ont été élaborés pour ce mémoire en utilisant

le logiciel Arcgis 10.2. A l’échelle de l’Océan Indien, l’étude s’est uniquement appuyée sur une

documentation (ouvrages, articles…) scientifique30 et nous a permis de confirmer une partie de

notre hypothèse principale sur l’enjeu que représente Madagascar pour la France et pour la

Chine. La complémentarité de plusieurs travaux (R.Kaplan, Revue Hérodote…) a abouti à

l’élaboration des croquis portant sur les grands enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien

(croquis numéros 2 et 3). La lecture de ceux-ci démontre rapidement l’importance des points

géographiques stratégiques et des voies d’approvisionnement. L’insertion de données

géoéconomiques n’était pas nécessaire, car la présence des informations d’ordre militaires

illustre suffisamment le souci de sécurisation des grandes puissances sur les zones estimées de

premier ordre.

A l’échelle du IIIème arrondissement, la spatialisation des informations a uniquement été

rendue possible grâce à l’utilisation d’un GPS professionnel (Garmin Etrex 30). Ce travail a servi 29

P.Claval, ibid p42 30 Voir bibliographie

Page 31: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

23

à l’élaboration de tous les croquis à partir du numéro 6 jusqu’au numéro 8 et a été réalisé au

cours du mois de Septembre 2016. Pour la majeure partie, les informations spatiales et

quantitatives ont été recueillies auprès des institutions ou des organisations responsables ayant

un lien direct ou indirect avec les activités observées. Ainsi, la liste des banques et des stations-

services a été fournie par les sièges centraux respectifs des sociétés. Néanmoins, toutes les

filiales françaises ont refusé de communiquer les informations d’ordre économiques et

quantitatives car « ce sont des données extrêmement sensibles et stratégiques relevant de

l’intérêt privé» selon les arguments des divers responsables. Pourtant, une dimension

géoéconomique aurait été d’un apport plus que fructueux, dans la mesure où une étude

comparative du nombre de clients par agence aurait non seulement permis d’établir un

classement des banques, mais également de déterminer le poids et les perspectives du marché

bancaire par rapport à la monographie du IIIèmearrondissement. La même problématique

s’impose aux stations distributrices de carburant. Les données recueillies au sein de l’Office

National de l’Education Privée (ONEP) et du CISCO par contre, ont grandement facilité la

spatialisation des écoles mais ont également mis en exergue le rapport entre le nombre des

écoles dites d’expressions françaises et les autres écoles. Par ailleurs, la spatialisation des

activités chinoises (croquis numéros 9) n’a été rendue possible qu’à partir de l’observation du

terrain. L’initiative consistait à construire un croquis comparatif en spatialisant les zones de

polarisation des activités chinoises et celles des activités malgaches. En effet, le centre fiscal du

IIIèmearrondissement a répertorié plus de 7000 sociétés contribuables formelles.

Malheureusement, cette base de données ne comprenait aucune distinction de nationalité

dans la mesure où « une telle catégorisation serait synonyme de discrimination ». Ainsi, les

croquis à l’échelle locale peuvent encore faire l’objet d’amélioration et de précision au cours

d’une prochaine recherche disposant d’un délai plus long.

Page 32: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

24

Figure 3-Les grandes étapes de la démarche déductive

Page 33: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

25

3.2. Echantillonnage qualitatif pour une étude de représentation

Dans une étude portant sur les représentations, l’approche qualitative semble être plus

déterminante que l’approche quantitative. En effet, une structure quantitative nécessite un

certain pourcentage représentatif (à peu près 10%de la population étudiée) difficile à

atteindre au vu du nombre d’habitants dans le IIIème arrondissement (153.000 habitants31).

Or, il est question ici de percevoir les représentations d’acteurs locaux vis-à-vis de pouvoirs

exogènes. Ainsi, plutôt que de mettre l’accent sur des règles techniques d’échantillonnage,

la sélection se concentrera surtout sur le rapport entre l’échantillon et l’objet. Désormais, il

ne s’agit pas de récolter les perceptions de tous les acteurs économiques ou de toute la

population du IIIème arrondissement. Il sera plutôt question d’appréhender le discours des

représentants des groupements ou des sous-groupes maîtrisant les craintes, les espoirs et le

positionnement des individus qu’ils sont censés représenter.

Le type d’échantillonnage qualitatif retenu a donc été l’échantillonnage par contraste32.

L’objectif est de présenter une mosaïque de cas qui permet de comparer les attitudes des

sous-groupes face à l’exercice des Pouvoirs français et chinois. La comparaison va créer la

répétition des attitudes et de certaines perceptions pouvant tendre vers une relative

généralisation. Les sous-groupes qui ont été approchés sont : le Groupement des

Entreprises Malgaches (GEM), le Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), Le

Fivondronan’ny mpandrahara malagasy (FIVMPAMA), Jery sy Paikady ho an’i Madagasikara

(ex jeune patronnat de Madagascar), la Chambre de Commerce et d’industrie

d’Antananarivo, les commerçants du marché artisanal de Pochard et d’Andavamamba,

l’association TAMIFA Madagascar œuvrant dans la promotion du leadership, le corps de la

Police nationale, le centre fiscal du IIIème arrondissement, la Direction Générale des Impôts

et l’Institut Confucius de l’Université d’Antananarivo.

Le choix des enquêtés a été établi par rapport aux nombres d’années d’appartenance et

à la fonction de responsabilité détenue au sein des sous-groupes : les enquêtés devaient

31

D’apres le site officiel de la Commune Urbaine d’Antananarivo source: http://mairie-antananarivo.mg/ 32 A.Pirez,ibid

Page 34: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

26

être membre du sous-groupe depuis cinq ans et occuper un poste de décision (élu ou

nommé). Dans une approche qualitative, chaque cas doit avoir un certain volume de

matériel empirique, et, de ce fait, les entretiens ont été menés sous forme de questionnaire

ouvert (voir annexe 1). Ce dernier a été créé à partir de la mobilisation des concepts clés

développés dans le chapitre précédent et peut varier selon l’identité de l’interlocuteur,

c'est-à-dire en fonction de la typologie du lien existant entre les sous-groupes et l’objet de

l’enquête.

Le premier entretien s’est déroulé avec le commissaire Aina Randriambelo, qui était en

2014 Directeur de la Formation de la Police Nationale, et qui avait à l’époque intégré

l’apprentissage du mandarin dans le programme de formation en collaboration avec

l’Institut Confucius. Les autres personnalités qui ont été favorables à une rencontre sont:

Mr Fenohasina Raobelina, chef de service du Système d’Information Fiscal, Mme Zo

Rasendra, Directrice de l’Institut Confucius ; Mr Andrianavalona Olivier, président national

de l’association TAMIFA ; Mr Fredy Rajaonera, Président du SIM ; Mr Gil Razafintsalama,

vice-président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo. Les autres

personnalités ont préféré garder l’anonymat mais ont donné leur autorisation pour être les

représentants des entités dont elles sont membres. Aussi, nous avons également rencontré

un directeur au sein du Ministère de l’Economie et des Finances ; un directeur du Ministère

du Commerce et de la Consommation ; trois commerçants du marché artisanal de

Pochard et trois autres commerçants du marché artisanal d’Andavamamba. Ce quartier ne

fait certes pas partie de notre zone d’étude, mais il a été estimé qu’une approche

comparative entre des acteurs assez éloignés géographiquement était intéressante, ce pour

enrichir la démonstration empirique. Cependant, inhérent à toute recherche, de

nombreuses difficultés ont été rencontrées au cours de l’élaboration de ces travaux, mais

paradoxalement ont été porteuses de significations.

Page 35: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

27

3.3. Les limites de la recherche

Au cours de la recherche, à la vue du mot « géopolitique33 », plusieurs personnalités et

responsables ont fait preuve de beaucoup de méfiance, probablement dû à la méconnaissance

des fondements de l’approche mais aussi à la présence du terme« politique ». Souvent les

responsables demandaient une attestation de recherche où le thème du mémoire était

amplement visible. Ce fut le cas des collègues du Commissaire Aina Randriambelo. En effet,

malgré son intervention, les commissaires des services de la police économique et de la brigade

criminelle nous ont reçu (sans doute par politesse) mais ont refusé de répondre à nos

questions. Par ailleurs, les grands responsables des associations économiques nous ont avoué

que la question française ou chinoise à Madagascar était un sujet sensible, et que, pour des

raisons de « stratégies et de lobbying commercial », les entrepreneurs refuseront de donner

leurs véritables perceptions de ces présences dans le cadre d’un travail publié, malgré un

intérêt très prononcé pour celui-ci34.Paradoxalement, les mêmes personnes ont émis le souhait

d’accéder aux résultats de la présente recherche. Dans une interprétation scient ifique, ces faits

traduisent déjà l’exercice des pouvoirs français et chinois sur les responsables malgaches, dans

la mesure où il y a déjà à ce niveau une peur de sanction hypothétique ou réelle vis-à-vis de

leurs intérêts professionnels et/ou personnels.

Outre le refus d’accès aux informations quantitatives auprès des établissements privées, le

manque substantiel d’études et de recherches critiques portant sur les filiales françaises

soulève plusieurs questionnements. La forte présence économique française est-elle désormais

intégrée au point de ne susciter aucune curiosité intellectuelle de la part du monde

universitaire malgache ? Doit-on reconsidérer cette approche par nationalité au regard d’une

mondialisation libérale où la puissance et la notoriété des transnationales ne reposent plus sur

leurs pays d’origine mais sur leurs capacités à se délocaliser, à se diversifier et à prospérer dans

la durée ? Malgré cette évolution, les firmes continueront à « s’adosser sur la puissance

34

Effectivement, les enquêtés ont porté un grand intérêt au thème mais ont été réticent a réellement développer leurs réponses au cours des entretiens

Page 36: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

28

militaire, monétaire, commerciale35 » et les systèmes de réseau « des Etats dominants dont

elles sont originaires ».A l’ère du progrès numérique, la problématique de l’accessibilité et de la

centralisation des recherches et des informations au sein des Universités à Madagascar doit

être dépassée et devrait constituer la priorité des décideurs universitaires. Ce projet permettra

le désenclavement des disciplines et de la réflexion ouvrant la voie à un enrichissement

intellectuel par l’échange, le débat et, peut-être, favoriser l’apparition de nouvelles innovations

et la mobilisation d’énergies créatrices (groupes de recherches estudiantins, périodiques

universitaires numérisés, valorisation de réseau…).

Le défi d’observation et d’interprétations imposait la conciliation du cadre conceptuel, des

hypothèses de recherche et de l’effort d’objectivation du chercheur.

35L.CARROUE, 2014, « géographie de la mondialisation », Edition Armand Colin

Page 37: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

29

Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux

géopolitiques français et chinois à deux échelles : l’océan indien et le

IIIème arrondissement de la CUA

« Il me suffit de connaître la géographie d’un pays pour comprendre sa politique

extérieure »

Napoléon Bonaparte

Page 38: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

30

Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de

lecture des dynamiques locales

Ce chapitre se consacre uniquement à l’analyse à petite échelle. Il s’agira de dégager les

enjeux géopolitiques déterminant les priorités des acteurs géostratégiques, notamment celles

de la France et de la Chine. A l’instar de quelques exemples qui seront développés, ces priorités

dictent l’implication d’un acteur à l’échelle locale

4.1. Sécurité, détroits stratégiques et échanges commerciales : une partie Nord

beaucoup plus importante

L’Océan Indien est l’océan le plus nucléarisé des sept mers demeurant au centre des

futures préoccupations géopolitiques du XXIèmesiècle. En tout, on y retrouve 7 puissances

nucléaires dont les Etats-Unis, Israël, la France, la Grande Bretagne, le Pakistan, l’Inde et la

Chine. On y observe également 75% des échanges commerciaux mondiaux composés

essentiellement de ressources stratégiques (pétrole, gaz, charbon, minerais…) et une grande

diversité culturelle issue de la rencontre entre plusieurs civilisations (Islamique, occidentale,

bouddhique, Confucéenne, Hindouiste). Mais au-delà de ces dimensions anthropiques, c’est le

déterminisme physique36 qui va surtout dicter le comportement et les actions des Etats

œuvrant dans cet espace. Le croquis numéro 2 affiche toute la complexité qu’engendre

l’existence des trois détroits (Bab El Mandeb, Ormuz et Malacca) amenant à l’apparition de

rivalités, de compétitions et d’alliances entre plusieurs pays riverains et non riverains de

36

Dans son ouvrage “The Revenge of the geography”, R.Kaplan rappelle l’héritage d’Hérodote et de ses successeurs qui affirmaient que « la carte détermine presque tout en ne laissant qu’une petite marge de liberté aux actions humaines ». Par conséquent, dans le but de maitriser leur destin, les hommes et les Etats devaient dépasser « la fatalité » engendrée par ce déterminisme physique

Page 39: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

31

l’Océan Indien. Dans la tradition de l’école géopolitique américaine, c’est la capacité d’une

nation à protéger ses navires marchands qui détermine sa puissance.

La militarisation croissante de cet océan est légitimée par la sécurisation et le contrôle

de ces trois détroits garantissant les modes de vie des sociétés occidentales, mais également

des sociétés d’Asie et d’Afrique consommatrices d’énergies pétrolières. En effet, près de 40 %

des importations mondiales de pétrole provenant du Moyen- Orient, et plus de 80 % du

commerce maritime du pétrole transitant par les détroits de Bab-el-Mandeb, Ormuz et

Malacca. En tant que point de passage reliant l’Océan Indien et le canal de Suez (donc la mer

méditerranée), le détroit de Bab El-Mandeb permet la facilitation des échanges entre l’Europe

et l’Asie. Cependant, la région se distingue par une instabilité omniprésente en raison de la

piraterie au large de la Somalie et du conflit lié au terrorisme au Yémen. Aussi, on y observe

une présence militaire massive de la France, des Etats-Unis et de l’Union Européenne37mais

aussi des flottes Indiennes et Chinoises anti-piraterie. Cette participation plurielle peut être

interprétée de deux façons : d’une part, elle traduit la volonté des puissances industrielles et

des puissances émergentes d’agir en commun dans la protection des voies maritimes favorisant

les échanges commerciaux et ainsi, démontre l’interdépendance des économies Européennes

et Asiatiques. D’autre part, on peut en déduire que les Etats-Unis et les puissances Européennes

ne peuvent plus s’ériger en tant qu’unique « gendarme du monde » et doivent désormais

composer et argumenter avec la montée croissante des puissances chinoise et indienne.

Pourtant, les Etats-Unis restent la superpuissance dominante grâce à ses nombreuses

bases et sa supériorité navale38. L’inflexibilité et le discours belliqueux de l’administration

Américaine vis-à-vis de la question Iranienne prend son essence dans la place importante

37 Une base militaire Française et une autre base Américaine se sont installés à Djibouti. « En effet, le passage par Bab el Mandeb plutôt que par le cap de Bonne Espérance permet un gain de temps de 14 jours sur un voyage entre le golfe Persique et l’Europe et une économie en carburant de 800 000 dollars pour un VLCC (Very Large Crude Carrier) et de 2,7 millions de dollars pour un porte-containers. Au total, la société V-Navy évalue à plus d’un million de dollars le surcoût du passage par le cap de Bonne Espérance pour un VLCC, en comptant l’économie de 500 000 dollars de la redevance de passage par le canal de Suez ».source : site officiel de l’Assemblée Nationale Française. http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1670.asp 38

Trois flottes Américaines interagissent dans l’Océan Indien dont la Vème flotte qui surveille les abords du Golf Persique.

Page 40: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

32

qu’occupe le détroit d’Ormuz dans la géopolitique du Pétrole car 17 millions de barils

traversent ce détroit par jour dont 85% va en direction de l’Asie. Le contrôle de ce dernier

constitue une pression stratégique et avantageuse sur la Chine, dont la croissance économique

est largement dépendante de l’approvisionnement en pétrole provenant du golfe Persique.

C’est d’ailleurs cette réalité qui incite Pékin à se tourner de plus en plus vers le pétrole Africain

tel l’Angola, le Nigeria et le Soudan en guise d’alternative.

Page 41: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

33

Croquis 2-Militarisation et détroits stratégiques dans l'océan Indien

Page 42: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

34

De surcroit, il est peu probable que l’on assiste à un retrait Américain de la zone en

raison de plusieurs facteurs. En effet, toute éventuelle action des Etats-Unis sur l’Iran ou dans le

Moyen Orient proviendra des bases situées dans l’Océan Indien. Par ailleurs, la protection

d’Israël et les accords de coopération avec les grands producteurs de pétrole comme l’Arabie

Saoudite, qui a joué un rôle important dans l’effondrement de l’URSS, oblige un maintien d’une

force militaire effective.

En outre, le détroit de Malacca reste le point de convergence du commerce maritime

dans l’Océan Indien, faisant transiter les produits pétroliers mais également les biens

manufacturés originaires des grands ateliers de fabrications chinoises. Cette immense

opportunité économique fait de ce passage une zone d’activité de la piraterie, au sein de

laquelle l’intervention occidentale est plus timide. Les pays responsables de la lutte contre la

piraterie sont essentiellement les pays riverains tel la Malaisie, Singapour et la Thaïlande. C’est

aussi le principal point d’accès de l’Océan Indien vers l’Océan Pacifique permettant le

ravitaillement du Japon et de la Chine qui voient en lui le maillon faible de son circuit

d’approvisionnement (nous y reviendront).

Tableau 1-Le poids commercial des trois détroits stratégiques

Nombre de

bateau

Nombre de baril par jour (en

millions)

Part dans le commerce mondial de pétrole en %

Part dans le transport maritime mondial en %

Bab el mandeb

20.000/an 3.8 8 10

Ormuz 50.000/an 17 20 35

Malacca 50.000/an 15.2 16 25

Source : Energy Information Administration américaine, 2013

La nature géoéconomique du réseau s’étirant du Canal de Suez au détroit de Malacca,

en incluant le détroit d’Ormuz, fait de cette route commerciale un enjeu majeur de la

mondialisation libérale et présente l’Inde comme le pivot géopolitique central de la région. Une

Page 43: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

35

position guère appréciée par la Chine dont le principal souci reste la sécurisation et la

régularisation de son approvisionnement en matières premières. L’Inde est devenue également

un concurrent non négligeable sur le nouveau marché Africain. L’exposition des navires

marchands chinois à une éventuelle menace Indienne ou autre, pousse l’Etat chinois au

développement de sa marine de guerre, mais aussi à la construction d’un dispositif basé sur un

« soft power » opérationnel et pragmatique. Les principales puissances en activité (Etats-Unis,

Inde, Chine) se livrent dès lors à un concours de projection dans l’espace, dont l’objectif est

l’accroissement des moyens de dissuasion en évitant de recourir à un conflit ouvert.

4.2. Les priorités chinoises face aux rivaux Indiens et Américains

Le circuit d’approvisionnement depuis l’Afrique et le Moyen Orient reste un dilemme

pour la Chine. Comme il a été vu, le parcours est composé de plusieurs détroits contrôlés par

d’autres pays et exposé à l’influence directe du rival Indien. De ce fait, la stratégie chinoise va

reposer sur le principe « des colliers de perles39 ». Un dispositif qui consiste à la construction de

nouvelles bases en bordure des pays localisés le long des voies de communications maritimes.

Ce sont les « emblèmes du succès du soft power chinois 40 » car elles contribuent aux

rapprochements diplomatiques et au renforcement de la coopération avec les pays hébergeurs.

Ces constructions sont à la fois des ports d’accueil pour les navires marchands, des centres de

commerce et d’entreposage, des espaces d’industrialisation et peuvent prétendre à une

vocation militaire en logeant des bâtiments de guerre. On peut y stocker les produits

manufacturés à destination du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Europe mais également les

produits stratégiques (pétrole, gaz et minerais) en partance pour la Chine.

Le croquis numéro 3 expose pour ainsi dire un dualisme entre la stratégie indienne et

chinoise. Le port de Gwadar au Pakistan possède désormais une raffinerie de pétrole et

provoque le mécontentement du gouvernement Indien au regard de trois facteurs. En premier

39

Cette appellation a été attribuée par le cabinet-conseil Booz Allen Hamilton avant d’avoir été vulgarisé et repris par tous les centres de recherches étudiant la stratégie chinoise dans l’Océan Indien. 40 R.KAPLAN, ibid

Page 44: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

36

lieu, les relations Indo-pakistanaises revêtent une histoire entachée de conflits et de tensions

(entre hindouisme et islamiste, la région du cashmere…), incluant alors une dimension très

affective. Par la suite, le détroit d’Hormuz représente la même problématique pour l’Inde que

le détroit de Malacca pour la Chine dans la mesure où le positionnement de ce port peut

endiguer l’approvisionnement indien en provenance du golfe persique. Enfin, le « collier de

perle chinois » est considéré comme un encerclement du sous-continent Indien car la Chine se

sert de sa diplomatie pour obtenir des positions stratégiques avec les pays ayant des rapports

difficiles avec l’Inde (Pakistan, Sri Lanka). En guise de réponse, le gouvernement Indien finance

la construction d’une immense base militaire à Karwar d’un montant de 8 milliards de dollars,

ouvrant la voie à une accélération de la militarisation de cette route commerciale et appelle à

une course d’influence dans toutes les autres régions de l’océan Indien. Par ailleurs, le 26

novembre 2015, le gouvernement chinois officialise la signature d’un accord avec le Président

de la République djiboutienne, Ismaïl Omar Guelleh, pour installer sa première base militaire à

l’étranger ainsi qu’une zone franche de 3500ha. On parle dès lors de “smart power » qui est

une combinaison de l’hard power (puissance militaire) et le soft power (puissance économique

et culturelle)

Hormis le Pakistan, le Myanmar est également une priorité de grande ampleur pour la

stratégie chinoise. Très riche en réserves pétrolières, gazières et en uranium, ce pays attire

plusieurs investisseurs, dont les groupes Chevron et Total qui redirigent le gaz vers la Thaïlande.

Dans une même dynamique, l’Inde et la Chine y ont construit les deux plus grands réseaux de

pipelines qui leur permettent d’être moins dépendants des détroits (Ormuz et Malacca). En

effet, le détroit de Malacca oblige les portes conteneurs chinois à passer dans des régions sous

l’influence directe de Taiwan et de la marine Américaine. L’accroissement d’une influence, voire

d’un pouvoir au Myanmar, est un enjeu vital afin d’assurer un accès plus direct à l’océan Indien

et éviter un enclavement en mer de Chine dans le cas où le gouvernement chinois entretient

des relations tendues avec les pays voisins comme le Japon, Taiwan, les Philippines et la

Malaisie, alliés traditionnels des Etats-Unis. Bien que les économies américaines et chinoises

soient interdépendantes, la logique de leadership est un enjeu d’envergure dans le champ des

représentations, et par ricochet, relève des rapports de pouvoir. Comme le souligne R.Kaplan

Page 45: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

37

« la relation sino-américaine n’est pas déterminée par le commerce, la dette ou le changement

climatique mais sur le positionnement géographique de la Chine qui lui permet d’influencer

toute l’Asie, l’océan Indien et l’océan Pacifique41 ».

L’ensemble de ces dimensions géopolitiques de la partie Nord de l’Océan Indien en fait

un espace sensible et en proie à de nombreuses incertitudes. Les enjeux chinois y sont

clairement plus importants car 80% du pétrole importé chinois traverse le détroit de Malacca et

sa rivalité avec l’Inde l’incite à se concentrer sur l’axe allant de l’Asie du Sud Est à la corne de

l’Afrique. Cependant, l’orientation de la politique internationale Indienne se tourne de plus en

plus vers la partie Sud-Ouest à travers l’implantation d’une station d’écoute à Madagascar et

des patrouilles de sécurité circulant dans le canal du Mozambique, garantissant

l’acheminement du charbon importé depuis le Mozambique. Parallèlement, New Delhi

raffermit progressivement sa coopération militaire avec la France, très présente dans cette

partie de l’océan42. Une relation aussi étroite peut-elle influer sur les rapports sino-français ?

Bien que la France ne joue pas un rôle de grande importance dans la partie Nord de l’océan

Indien, elle dispose néanmoins d’un atout considérable dans la région dite des Mascareignes et

dans le canal du Mozambique, lieu de passage des tankers pétroliers venant de l’Afrique

occidentale.

41 R.KAPLAN, 2012, “The Revenge of the geography”, Random House

42Lors de son entretien avec la revue Hérodote l’Amiral Jean Dufourq souligne « notre coopération (avec l’Inde) existe au plan stratégique… La cohérence de nos visions et de nos schémas océaniques permet une véritable convergence opérationnelle entre la marine nationale et la marine indienne et se traduit par des opérations de manœuvres conjointes, et par la présentation opérationnelle à nos partenaires indiens de nos dernières acquisitions navales, nos derniers programmes d’équipements, nos dernières tactiques d’emploi ».

Page 46: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

38

Croquis 3-Les stratégies indienne et chinoise dans l’Océan Indien

Page 47: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

39

4.3. La France, le plus grand territoire maritime dans la partie Sud-Ouest de l’Océan Indien

Croquis 4-Madagascar et les territoires français

Page 48: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

40

Les Zones d’Exclusivité Economique (ZEE), qui tracent autour de chacune des

possessions françaises une bande exclusive de 200 miles, font de la France le plus grand

territoire maritime du canal de Mozambique. Cet avantage constitue une préoccupation de

premier ordre pour le Sénat Français43.

La clarification et la stabilisation des frontières des ZEE dans le Sud-Ouest de l’Océan

Indien font l’objet de contestations44.Et, selon le discours officiel, « ceci ne peut qu’affaiblir la

crédibilité de l’Etat (français) en mer et sa capacité à exercer ses responsabilités, notamment

de gestion et de protection des ressources45 » ; Le Sénat craignant la spoliation de richesses

potentielles sur des territoires « sous juridiction françaises », ceci a finalement abouti au

maintien d’une présence militaire46.

Source : www.senat.fr mer et marine-Caroline Britz

43

http://www.senat.fr

44

Les Comores ont autorisé la délivrance de permis d'exploration pétrolière sur une aire de 6 000 km2 empiétant

sur le périmètre théorique de la ZEE de Mayotte. Ibid Il existe également à Madagascar plusieurs mouvements de contestations menés par des associations et des partis politiques pour la restitution des Iles éparses a l’Etat Malgache. 45

ibid 46

Des éléments de la FAZSOI et du RPIMa (régiment de parachutistes d’infanterie de marine) sont installés sur les iles Juan de Nova et Europa

Photo 1-Rassemblement du 2ème RPIMA dans le camp Sega à Juan de Nova

Page 49: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

41

Ceci dit, au-delà des potentialités pétrolières et gazières (estimés à plusieurs centaines

de millions d’Euros), les intérêts de la France relèvent surtout du statut du canal de

Mozambique comme étant un point de passage traditionnel pour rejoindre les voies de

communications de la partie Nord de l’océan Indien, et étant l’unique route alternative pour

l’Europe en cas de fermeture du canal de Suez. Cette éventualité ne peut être sous-estimée au

regard de l’instabilité croissante au Maghreb et de la recrudescence des conflits dans le monde

arabe47. De même, l’Angola ainsi que plusieurs pays de l’Afrique occidentale et Madagascar

sont entrés dans la Chinafrique48 et contribuent à l’approvisionnement en matières premières

de la Chine continentale (voir figure 4), faisant du canal un espace d’importance encore plus

stratégique.

Figure 4-Exportations africaines vers la Chine, ventilation par produits, 2007

47

Le président Egyptien Nasser avait déjà fait fermer le canal de suez en 1968 48

Concept qui désigne les relations diplomatiques, économiques et sociales entre la République Populaire de Chine et les Etats Africains. Ce concept peut être opposé à la Françafrique

5%

0,30%

2% 1,50%

11% 0,20%

0,80%

9%

70%

0,20%

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

Page 50: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

42

A) Huiles et graisses d’origine animale ou végétale

B) Boissons et tabacs

C) Produits chimiques

D) Articles et transactions, n.c.a

E) Matières brutes non comestibles

F) Produits alimentaires et animaux vivants

G) Machines et matériel de transport

H) Articles manufacturés classés principalement

d’après la matière première

I) Combustibles minéraux, lubrifiants et produits

annexes

J) Articles manufacturés divers

(Source : COMTRADE. La Chine et l’Afrique : Un nouveau partenariat pour le développement ? Edité par : Richard

Schiere, Léonce Ndikumana et Peter Walkenhorst, Groupe de la Banque africaine de développement, 2011)

Le relatif encerclement de Madagascar par des territoires français répond

premièrement à une question symbolique. Pour le monde occidental, la France est la puissance

européenne dans la région Sud-Ouest de l’Océan Indien et de l’Afrique Australe. Cette posture

est garante des intérêts Européens afin d’assurer la sécurisation de l’artère économique reliant

l’Asie et l’Europe. Les orientations politiques et les représentations françaises à Madagascar

deviennent par conséquent de véritables conditionnalités des représentations Européennes

sur la France. Sur le plan culturel, Madagascar est une Ile francophone entourée de pays

anglophone (voir croquis ci-dessous), ce qui fait logiquement de la grande Ile une priorité en

termes d’influence culturelle. Aussi, la production de pouvoir au niveau local s’appuiera

essentiellement sur la construction de représentations hautement significatives au niveau de

deux champs. D’une part, elle consiste à introduire une image des sociétés Françaises (Société

générale, BPCE et TOTAL) comme faisant partie intégrante de la vie économique du citoyen, et

par l’intermédiaire du néolibéralisme, tentera d’établir des dispositifs d’assujettissement via

une répartition spatiale urbaine proéminente. D’autre part, l’éducation est un pouvoir qui

structure les comportements et les schèmes de pensée. La forte attraction des écoles

malgaches pour la langue française reste un outil géopolitique français pour peser dans le

système éducatif et sauvegarder le statut de premier partenaire commercial, car l’absence de

barrières linguistiques facilite la multiplication des échanges.

Page 51: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

43

Croquis 5-Une île francophone entourée d’anglophones

Page 52: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

44

Au terme de ce chapitre, les dynamiques géopolitiques dans l’océan Indien font du canal

de Mozambique et de Madagascar des espaces porteurs d’enjeux. La France ne manque pas de

rappeler que sa présence est ancienne et continuera de perdurer, car cet espace est

pratiquement sa seule zone de prédominance dans l’océan Indien et faisant alors de

Madagascar une priorité bien plus importante pour la France que pour la Chine. Les priorités

chinoises sont pour l’instant, et pour la plupart, concentrées dans la partie Nord ; ceci est dû,

notamment, à la réalité perplexe que laissent les trois détroits stratégiques, mais aussi à sa

rivalité avec l’Inde. Cependant, fidèle à sa politique internationale concernant la sécurisation et

la stabilisation de son approvisionnement, le canal du Mozambique est également une

préoccupation chinoise, d’autant plus que les intérêts chinois commencent à devenir nombreux

à Madagascar. L’établissement d’une nouvelle génération de migrant revêt un caractère de plus

en plus marquant dans le paysage urbain de la ville d’Antananarivo. Les membres de cette

communauté diasporique sont, selon Carine Pina-guerassimof, « les produits et les acteurs de

l’ascension économique et politique de la Chine sur la scène internationale49 » et commencent

à susciter la curiosité de plus en plus de chercheurs depuis quelques années 50 . Une

géoéconomie du IIIèmearrondissement dégage une dichotomie des activités françaises et

chinoises. Si les activités économiques du pouvoir Français se spécialisent dans le secteur

bancaire et énergétique, les activités économiques du pouvoir chinois se singularisent surtout

par le commerce. Ainsi, la question est de savoir si les acteurs économiques locaux adoptent la

même attitude vis-à-vis de ces pouvoirs ?

49

C.PINA-GUERASSIMOFF, 2012, « La Chine et sa nouvelle diaspora, la mobilité au service de la puissance” Editions ellipses

50 En effet, notons la production d’articles et de mémoires de plus en plus nombreux: Mathieu Pellerin “ les relations sino malgaches” Note de l’Ifri, mars 2011 ; Catherine Fournet Guerin, « Les chinois de Tananarive (Madagascar) : une minorité citadine dans des réseaux multiples à toutes les échelles », Annales de Géographie, mai 2009 et « La nouvelle immigration chinoise à Tananarive », Perspectives chinoises, Juin-Aout 2006 ; Miharinarivo Andrianaivoson, , « Intégration des investissements chinois a Madagascar, le cas des chinois de la ville d’Antananarivo », 2014, mémoire de DEA au département de Géographie de l’Université d’Antananarivo

Page 53: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

45

Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis

des représentations chinoises et françaises.

A partir de la démarche d’échantillonnage par contraste, les travaux de terrains

consistaient à recueillir les perceptions d’un large éventail d’acteurs économiques et placer les

résultats dans une interprétation pouvant dégrossir la typologie des rapports de pouvoir

s’opérant dans le IIIème arrondissement.

5.1. Société générale, BPCE et Total : des géants incontestés

Les rapports de pouvoir n’existent que dans des structures. Si les banques, les

distributeurs de carburant et le commerce détiennent une place importante dans les sociétés

contemporaines, c’est parce que les systèmes qui régissent ces sociétés obéissent à des règles

et des normes qui vont petit à petit, et de manière diffuse à travers la création de besoin,

aboutir à un assujettissement des individus aux institutions et au marché. Lorsqu’un individu

estime avoir le besoin de recourir à un service (bancaire, commercial, transport…), la

satisfaction du dit besoin va se retransformer en demande qui va se renouveler

continuellement au fur et à mesure que les conditions extérieurs l’exigent. Par conséquent, les

rapports de pouvoir se mettent en place, créant une interdépendance entre le client et la

société. Cependant, le secteur bancaire et la distribution d’énergie disposent d’une dimension

hautement plus stratégique que le commerce. Au-delà des services bancaires habituels51, les

informations détenues dans les archives permettent d’avoir une « connaissance détaillée des

manifestations d’activités économique de toute une région52 », des informations personnelles

51 Sécurisation et opérations financières

52 Paul Leuilliot, 1931« Les archives d'une banque contemporaine : ce qu'elles contiennent, ce qu'on en peut

tirer » [article], Annales d'histoire économique et sociale Volume 3 Numéro 11 pp. 368-378

Page 54: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

46

sur les modes de vie, les habitudes et la situation financière des clients… en bref, une vue sur le

passé, le présent et les projections probabilistes du futur. La distribution en énergie, par contre,

relève d’un rapport beaucoup plus direct et sanctionnant. En effet, les moyens de transport

dans la ville d’Antananarivo se démarquent par la monopolisation de l’automobilisme53. Par

ailleurs, les centrales électriques censées fournir de l’électricité aux habitants de la ville ne

fonctionnent qu’avec des machines thermiques et nécessitent un besoin important en

carburant. Indubitablement, dans le contexte malgache sanctionné par l’absence de groupe

bancaire endogène et d’une autosuffisance énergétique, la mainmise sur ces secteurs

représente un atout stratégique et la maîtrise de mécanismes de pouvoir sur la société

tananarivienne.

L’enjeu de la démonstration est donc de mesurer le poids des filiales françaises dans le

IIIème arrondissement, afin de déterminer l’étendue de leur pouvoir. La BFV-Société Générale a

été créée en 1998 pour prendre la relève de l’ancienne Banky Fampandrosoana ny Varotra,

créée en 1977, qui est née de la fusion de deux institutions financières de l’époque : la Banque

Financière et Commerciale Malgache Mandroso (BFCMM) et la Banque Commerciale de

Madagascar (BCM), elle-même issue de la Banque de Madagascar. Aujourd’hui, la Société

générale accapare 70% de son capital54. Cette dernière est une ancienne compagnie qui existe

depuis 1864 et occupe aujourd’hui la 3èmeplace dans le classement des banques françaises en

termes de produit net bancaire, après le Crédit Agricole et Bnp Paribas. La BMOI (Banque

malgache de l’Océan Indien), quant à elle, a vu le jour en 1989 en étant la première banque à

capitaux entièrement privés. Premièrement filiale de la Bnp Paribas, elle a été rachetée en 2011

par la Banque populaires et Caisse d’Epargne (4èmesur le classement). Le classement des

entreprises malgaches place la BFV société générale et la BMOI BPCE respectivement à la 3èmeet

4èmeplace des entreprises bancaires présente à Madagascar (voir annexe3).

53 La crise politique de 2002 avait découlé sur une pénurie du carburant dans la capitale malgache figeant toute la vie économique 54Répartition du capital de la BFV-SG selon International Finance Corporation : Société Générale 70.00% ; le

gouvernement malgache : 28.50% et le staff : 1.50%

Page 55: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

47

Croquis 6-Les banques françaises dans le IIIème Arrondissement

Page 56: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

48

Malheureusement, l’accès aux données quantitatives au sein des agences centrales

nous a été refusé, mais l’approche spatiale peut démasquer une partie de la réalité. Sept

banques sur quinze appartiennent aux groupes de la BFV-SG et de la BMOI-BPCE. Leurs agences

sont disposées de manière répétitive sur l’une des artères de circulation les plus importantes de

la ville permettant de relier la partie Nord et la partie Sud. A partir du quartier d’Ambodiraotra-

Antsakaviro, carrefour ouvrant sur la partie Est et le Sud, ces dernières occupent un segment du

cœur économique à Behoririka ainsi que le quartier d’Antanimena qui ouvre vers les deux

principaux axes du Nord, à savoir les quartiers industriels d’Ankorondrano et d’Andraharo.

Néanmoins, les opérations de rachat de certaines banques ces dernières années

soulèvent plusieurs interrogations. Outre le fait que la BMOI fut cédée d’un grand groupe

français à un autre, la cessation des parts du Crédit Agricole sur la BNI au profit du consortium

Indian Ocean Financial Holdings Limited55 (IOFHL), composé du groupe CIEL et du groupe

Hiridjee, peut être interprétée comme une possible alliance entre le groupe Hiridjee56 et le

56

Le groupe Hiridjee appartient à Hassanein HIRIDJEE, un homme d’affaire issu de la communauté Karana, une communaute d’origine Indo-Pakistanaise soupçonnée de détenir l’ensemble de la macro économie malgache et souvent victime de stigmatisation persistante. En effet, selon certains chercheurs (L.Rabearimanana) cette

Photo 2-La puissante société générale dans le IIIème arrondissement, Andraharo, cliche auteur 2016

Page 57: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

49

pouvoir français à Madagascar. En effet, le consortium n’avait aucune expérience dans le

domaine bancaire et concentrait l’essentiel de ses activités dans le textile, la sucrerie, la

téléphonie et l’immobilier. Cette opération a vu naître l’opposition de la Direction Générale du

Trésor qui ne consentait pas à ce que l’une des principales banques du pays soit confiée à des

investisseurs inexpérimentés dans le secteur en question. Pourtant, l’opération a finalement

été approuvée en septembre 2013 par la Banque Centrale57.Cette hypothèse mériterait peut

être une étude exhaustive, mais ne figure pas pour l’instant dans le thème de nos recherches.

En revanche, l’ancienne prédominance des trois plus grands groupes bancaires français dans la

capitale malgache représentait sans aucun doute la démonstration d’un Pouvoir français

capable de mobiliser plus de ressources que les acteurs locaux. En outre, le retrait en 2014 de la

Banque Industrielle et Commerciale de Madagascar (BICM), première banque à capitaux

hongkongaise 58 et malgache, a renforcé le positionnement des filiales françaises. La

Commission de Supervision Bancaire et Financière avait décidé de retirer l’agrément de la

BICM, sapant ainsi le symbole de la présence chinoise dans le milieu bancaire. Ainsi, le collectif

de clients victimes de cette fermeture avait reproché le laxisme du gouvernement59à travers

des manifestations, en déplorant l’absence de volonté politique pour « sauver la banque ». Face

aux nombreuses zones d’ombre qui ont marqué le secteur bancaire ces dernières années, on

peut émettre l’hypothèse de jeu de pouvoirs et de jeu d’acteurs cachés, répondant à des

intérêts particuliers. Toutefois, l’échec de la BICM symbolise malgré tout le retrait d’une entité

chinoise dans un secteur dominé par des entités françaises.

Dans le domaine de l’énergie, TOTAL demeure officiellement le seul acteur du pouvoir

français à Madagascar. Fondé à l’initiative de l’Etat français et dénommée en tant que “

minorité étrangère avec la minorité chinoise aurait bénéficié de l’appui de l’administration coloniale française au cours du XXème siècle dans l’accaparement des principaux comptoirs et circuits commerciaux de la Grande Ile 57 Ces informations nous ont été données par une source au sein de la BNI souhaitant garder l’anonymat et reprit par des quotidiens de la capitale. 58Selon le quotidien Midi Madagascar du 04 Mai 2014, le milliardaire chinois Hu Chi Ming était l’actionnaire majoritaire de la BICM 59R.Edmond, 04 Mai 2014 « Fermeture de la BICM, plus de 20 milliards ariary de dépôts menaces », Midi

Madagasikara

Page 58: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

50

Compagnie Française des Pétroles” en 1924, le groupe est devenu actuellement l’un des

leaders de l’industrie énergétique mondial en absorbant les sociétés PetroFina puis Elf

Aquitaine60 en 2000. En apparence sur les traces d’Elf, la société est la première compagnie

pétrolière en Afrique61 prospectant activement en Ouganda, en Côte d'Ivoire, en Afrique du Sud,

au Mozambique, au Kenya, au Congo et même à Madagascar62. Pourtant, « Le classement des 500

premières entreprises de la région Sud-Ouest de l’Océan Indien63 » (annexe 2) avait placé Total à la

3èmeplace des entreprises agissant dans le secteur des hydrocarbures à Madagascar. La compagnie

est devancée par Jovenna (1èreplace) et Galana (2ème place).

60

. Selon Loïc Le Floch-Prigent, PDG d’Elf de 1989 à 1993, Elf était « le moteur de la Francafrique » 61

D’après rfi: http://www.rfi.fr/afrique/20141021-total-premiere-compagnie-petroliere-le-continent-africain-christophe-margerie 62

En effet Total faisait partie des compagnies ayant répondu à l’appel d’offre sur l’exploitation du sable bitumineux des sites de Tsimororo et Bemolanga. 63 L’Eco austral, édition 2015

Photo 3-La Transnationale TOTAL au coeur du quartier industriel d’Ankorondrano, 0ctobre 2016,cliche auteur

Page 59: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

51

Croquis 7-Les stations services dans le IIIème arrondissement

Page 60: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

52

A partir du croquis ci-dessus, les stations du groupe sont les plus représentées par rapport à

leurs concurrents dans le IIIème arrondissement. Leur répartition spatiale prend, en un sens, la

même disposition que les banques d’obédiences françaises localisées dans le croquis n°6 en

occupant principalement les deux axes du Nord (Andraharo et Ankorondrano) ainsi que les

quartiers du centre (Antanimena et Ambatomitsangana) jusqu'à Antsakaviro. La station Total

d’Ambodivona par contre dispose d’un espace stratégique à proximité de la gare routière des taxis

brousses desservant la Route Nationale 7 (RN7) et la Route Nationale 2 (RN2).

A partir des enquêtes, la dimension économique du Pouvoir français semble à présent

faire partie d’une « normalité » pour la totalité de notre échantillon. Le questionnaire ouvert

(Annexe 1), qui a été utilisé afin d’approfondir les perceptions et les attitudes, a provoqué un

étonnement des individus enquêtés à la question numéro 3 :

« Selon mes hypothèses et d’après le discours officiel de l’ambassade de France, la

présence française à Madagascar se manifeste surtout à travers son influence culturelle et la

présence des grandes filiales. Si on observe le IIIème arrondissement, les entreprises françaises

les plus visibles sont la Société générale (BFV-SG), la BPCE (BMOI-BPCE) et Total. A partir de

votre propre définition du développement, pensez-vous que la présence de ces groupes

répond aux intérêts de la population ? Leur absence hypothétique aurait-elle des

conséquences négatives pour le pays ?

L’échantillon considère les banques françaises comme faisant partie du paysage

économique dont la remise en cause n’avait pas lieu d’être car « ils fournissent des services qui

contribuent à la croissance économique, une méthodologie de travail et un savoir-faire que les

acteurs locaux ne maitrisent pas ».Les représentants des groupements économiques ainsi que

les responsables au sein des ministères de l’économie, du commerce et de la Direction

Générale des Impôts estiment que les investisseurs français ont davantage de moyens

financiers et techniques pour impulser un développement à Madagascar. L’absence de

confiance entre le secteur privé et l’Etat sont, entre autres, les arguments retenus dans la

mesure où « les politiciens nouent souvent des liens douteux avec des opérateurs

économiques, fragilisant le bon esprit d’une concurrence saine » selon un administrateur de la

Page 61: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

53

Chambre de Commerce. L’unanimité des réponses s’appuyait essentiellement sur la

démonstration de faiblesse endogène et sur la peur du vide qu’un retrait hypothétique pouvait

poser. Dans l’épistémologie des concepts (chapitre II), les théories relationnelles du Pouvoir

affirmaient l’apparition de rapports inégaux lorsque l’une des deux parties avait la capacité de

mobiliser plus de ressources (la faculté d’octroyer des récompenses et des sanctions) et de

maîtriser le plus de zones d’incertitudes. La peur du vide citée ci-dessus confirme

préalablement la maîtrise de zone d’incertitude du pouvoir Français sur les acteurs

économiques. Cependant, contrairement au secteur bancaire, la concurrence, en cas de retrait

du groupe Total, avait été cite comme une alternative acceptable pour certains enquêtés.

Paradoxalement, la répartition spatiale des stations Total correspond plus ou moins à celle des

banques françaises. Cette différence d’appréciation relève-t-elle d’une divergence de

représentation entre l’institution bancaire et la distribution de carburant ? Ou bien relève-t-elle

d’une plus grande efficacité visuelle des concurrents de Total ? Malgré le questionnement posé,

il est indéniable que les représentations bancaires issues d’un pouvoir Français possèdent un

rapport d’ascendance sur les représentations des acteurs économiques du développement à

Madagascar.

Figure 5-L’ascendance des banques françaises sur les acteurs économiques

Page 62: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

54

5.2. Le commerce chinois : bourreau de l’industrialisation locale et sauveur de

la consommation

Dans le 3èmearrondissement, les représentations dominantes sont le commerce, le

quartier de Behoririka, ainsi que les produits manufacturés d’importations chinoises. Ces

discours trouvent leur origine dans le succès des activités des entrepreneurs chinois faisant

partie de la nouvelle branche d’immigration de ces dernières décennies. Interdite jusqu’en

1977, tolérée jusqu’en 1986, l’émigration chinoise a connu une immense évolution grâce au

développement des relations avec l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie. Depuis l’entrée de la

Chine dans l’OMC en 2001, la libre-circulation permet aux citoyens d’obtenir un passeport à

partir d’une simple carte d’identité nationale. La Chine entame une véritable « politique

diasporique64 » qui va déboucher sur la création d’un marché de la mobilité. En effet, ces

émigrés chinois participent pleinement au processus de développement économique de leur

pays en devenant« des agents transnationaux de la puissance chinoise65 ». Malgré le fait que

l’émigration en elle-même soit le résultat de décisions individuelles ou familiales, les migrations

internationales se font à travers des frontières régies par des Etats dont les politiques

diasporiques consistent à les orienter, les utiliser et les optimiser. En premier lieu, ces flux

(d’hommes et de marchandises) transnationaux favorisent les transferts monétaires. En 2009,

l’envoi de fonds des ressortissants chinois d’Outre-mer vers leurs

pays d’origine s’élève à un montant de 34 milliards de dollars. De plus, les activités

commerciales de ces Huaqiao66 redynamisent fortement l’exportation de produits chinois,

profitant tantôt d’une industrie africaine fébrile. Finalement, la privatisation et la fermeture de

certaines sociétés d’Etat situées dans les provinces du Nord de la Chine ont envoyé une

certaine partie des travailleurs au chômage. La migration devient dès lors une réponse à

l’engouffrement social de ces licenciés en offrant une nouvelle opportunité de départ. Les

64

C.PINA-GUERASSIMOFF, ibid 65

ibid 66

C’est l’appellation donnée aux chinois résident temporairement à l’étranger, traduit en français par “Chinois d’Outre-mer”.

Page 63: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

55

migrants-commerçants chinois originaire du Zhejiang ou du Fujian67opèrent de façon similaire

dans tous les pays d’Afriques68, se distinguant par une extrême mobilité. Ils commencent par

ouvrir une petite boutique remplie de produits de consommation à très bas prix, pour la plupart

provenant de la ville de Yiwu69. Dans le cas où ce premier projet réussit, les bénéfices sont

réinvestis dans des affaires plus importantes comme la restauration, le commerce d’import-

export ou d’autres activités plus lucratives dans la même ville, ou dans une autre, évitant ainsi

une concurrence féroce entre les membres de la communauté.

Le croquis ci-dessous traduit la propagation spatiale des activités économiques chinoises

dans le IIIème arrondissement à partir du quartier de Behoririka (zone traditionnelle de

concentration des activités commerciales chinoises). Leurs répartitions suivent exactement

celles des banques et des stations-services françaises illustrant sans doute une polarisation du

flux économique se manifestant dans ces axes majeurs de la circulation de la ville

67Les résultats de nos recherches au cours du mémoire de maitrise couplés aux recherches de Miharinarivo Andrianaivoson ont démontré que la plupart des chinois résidents dans le quartier de behoririka sont pour la plupart originaire du Fujian 68 Cette affirmation se base sur l’ensemble de la documentation 69S.MICHEL et M.BEURET, 2009: “c’est dans cette ville que sont fabriques toutes les contre façons et la grande

majorité des produits manufactures chinois. » La Chinafrique, éditions Grasset et Fasquelle, page 58

Photo 4-Les marchands ambulants revendant les produits chinois, Behoririka, octobre 2016, cliche auteur

Page 64: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

56

d’Antananarivo. Cette disposition crée une asymétrie spatiale entre la partie Est et la partie

Ouest de l’arrondissement. L’objectif n’est donc pas d’occuper une grande partie de l’espace,

mais d’optimiser l’installation des activités sur des axes de flux pertinents. La nature des

activités dans le quartier de Behoririka est majoritairement tournée vers le petit commerce

que l’on peut séparer en deux catégories : la première se trouve dans les grands bâtiments issus

d’une urbanisation générique et se constitue d’une multitude de magasins formels

commercialisant des articles divers (vestimentaires, matériaux domestiques, jouets…) ;la

seconde demeure les marchands ambulants informels qui vendent les mêmes articles trouvés

dans les magasins symbolisant un contexte biaisé par l’échec des politiques économiques.

L’observation spatiale des activités localisées sur les axes s’étirant vers le Sud et le Nord note

une tendance vers la restauration et les activités de service (hôtellerie, coiffure…)

Page 65: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

57

Croquis 8-La répartition des activités chinoises dans le IIIème arrondissement

Page 66: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

58

Les perceptions des acteurs économiques de cette présence chinoise se répartissent en

deux champs reposant sur une posture nuancée et sur une posture de rejet. Le dépouillement

des travaux a démontré une variation des représentations selon trois groupes : les concurrents

directs ou indirects (les petits commerçants locaux), le personnel de l’administration (les

responsables des ministères et de la Direction Générale des Impôts) et les représentants des

grands groupements économiques locaux. La question posée fut la suivante (annexe 1) :

« D’après mes recherches, les représentations de la Chine à Antananarivo se résumeraient au

commerce et au quartier de Behoririka. A partir de votre propre vision du développement,

pensez-vous que cette présence réponde aux intérêts de la population ?Leur absence

hypothétique aurait-elle des conséquences négatives pour le pays ? »

Contrairement à certaines hypothèses préétablies, les mécanismes de rejet ne

s’observent pas au niveau des commerçants artisanaux malgaches du marché de Pochard et de

celui d’Andavamamba. Au contraire, les individus qui opèrent dans le milieu des pierres

précieuses et semi-précieuses « se réjouissent de cette présence car les opérateurs chinois

contribuent à la relance du marché dans un contexte biaisé par la faiblesse du pouvoir d’achat

local70 ». Les discours à l’encontre de cette présence chinoise sont surtout argumentés vis-à-vis

de la crainte de la grande faculté de la Chine à reproduire des confections artisanales inédites

et destinées au Tourisme car, pour l’instant, les cibles de cette « invasion chinoise » restent la

population locale. Par ailleurs, les enquêtés reconnaissent « l’utilité » des produits

manufacturés améliorant de façon significative « le pouvoir d’achat » de la population en

général. Un retrait des produits chinois signifie pour cette partie de l’échantillon « un drame

pour les consommateurs et les marchands ambulants, mais ne change aucunement le quotidien

de la majorité des marchands artisanaux ».

Les responsables de l’administration au sein des différents ministères et de la Direction

Générale des Impôts estiment, « en tant que consommateur », que les activités commerciales

chinoises sont indispensables pour les besoins de la population, mais reconnaissent que cette

présence désavantage lourdement le développement industriel local. Selon un responsable à la

70Témoignage d’une commerçante travaillant au marché de pochard depuis 2004

Page 67: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

59

Direction Générale des Impôts71, en plus d’un régime fiscal trop élevé pour les entreprises

locales, seuls 10% de la taxe sur les importations de produits sont véritablement perçus par

l’Etat malgache à cause de la trop grande corruption non seulement au sein de son

établissement, mais également au sein de tout l’appareil étatique. Dans ce contexte, « la

puissance financière des ressortissants chinois » ne peut que faciliter l’invasion du marché au

détriment des acteurs économiques locaux mais au bénéfice du « pouvoir d’achat de la

population ». Actuellement une absence hypothétique laisserait place à « une incertitude », car

les administrateurs estiment que l’ensemble des entrepreneurs locaux ne sont pas en mesure

de combler le vide de ce départ.

Dans une vision purement économique, les représentants des groupements

économiques conçoivent que l’importation de produits chinois ne crée pas de la valeur ajoutée

et, par conséquent, ne participe pas au processus de développement du pays, au contraire des

« anciens chinois72 » qui se sont réorientés vers le secteur de l’industrie (Dzama, la famille

Foyin…). Selon un ancien président du FIVMPAMA73« certaines postures de rejet ont été

observées auprès de quelques industriels qui voient dans ce déferlement d’investissements

chinois la mise à mort d’une industrie malgache déjà trop galvaudée par l’instabilité

politique ».Cette présence « n’améliore pas le pouvoir d’achat car ce concept doit concerner

toute la population. Il y a une falsification du terme ». Ainsi, les produits d’importations

chinoises contribuent à « l’amélioration des conditions de vie d’une partie de la population ».

Dans l’esprit du communiqué signé par le GEM, le SIM et le FIVMPAMA (annexe 5), les

enquêtés regrettent le manque de concertation et de franchise de l’Etat, accusant également le

niveau de corruption généralisée, le désengagement pour l’amélioration de la compétitivité et

l’absence de stratégie économique. Cependant, leurs positions ne sont pas favorables à un

protectionnisme, ceci dans le but de respecter les accords de libre-échange signés par

71

Le responsable a préféré garder l’anonymat prétextant un risque de sanction de la part de la hiérarchie. 72

Plusieurs recherches ont attesté que les malgaches font la différence entre les “anciens chinois et leurs descendants” et les « nouveaux chinois ». Les premiers sont bien intégrés dans la société malgache et installés depuis plus d’un siècle tandis que les seconds font partis de la nouvelle vague d’immigration des années 90 et 2000 73

Cet ancien président d’association a également préféré garder l’anonymat étant encore un opérateur économique très influent dans le milieu des affaires

Page 68: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

60

Madagascar. En effet, pour la plupart, les grandes entreprises locales travaillent avec les

transnationales et les organismes internationaux présents à Madagascar tel la compagnie Colas,

Orange, l’AFD…

L’exercice des pouvoirs économiques français et chinois s’exprime à travers des activités

différentes, mais se disperse spatialement sur les mêmes axes de circulation. Dans un premier

temps, les résultats ont pu confirmer une hétérogénéité des perceptions selon la nature de la

relation avec les pouvoirs. Cependant dans un deuxième temps, une similitude des postures

face à certaines réalités appelle à engager une réflexion plus profonde sur l’efficacité du

système basé sur le triptyque espace-temps-pouvoir. En effet, le pouvoir économique, en tant

que flux, ne trouve son émancipation que dans des espaces identifiés (polarisation) et ne

prospère que dans le temps. Les activités françaises comme chinoises, en s’implantant depuis

les années 90 et en se concentrant sur des axes communs, sont à présent des producteurs de

micro-pouvoirs intégrés dans le paysage Tananarivien. Pourtant, contrairement au pouvoir

chinois, le pouvoir français ne souffre d’aucune contestation. Est-ce dû au rapport entre le

malgache et l’institution bancaire et énergétique ? La structure de jeu qu’est le néolibéralisme

économique impose des représentations dont l’objectif est l’institutionnalisation de modèle

occidental. Néanmoins, cette question anthropologique ne peut dissimuler la réalité du succès

d’une partie du soft power français dans le IIIème arrondissement, et démontre ainsi

l’engagement et les ressources d’un pouvoir économique français à Madagascar. Ce succès des

représentations économiques ne peut se défaire du rôle que joue l’influence culturelle à travers

l’apanage des écoles locales pour la langue française. A partir d’une approche comparative, le

soft power chinois peut-il rivaliser avec celui de la France ?

Page 69: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

61

Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft

power chinois

Ce dernier chapitre fait l’analyse du rapport de force culturel indirect et ses

conséquences sur les éventuelles représentations dominantes sur le territoire malgache. Si la

France conserve un avantage historique qui semble perdurer dans le temps, la Chine se sent

dans l’obligation de valoriser l’avancée de son soft power,mobilisant un arsenal médiatique

offensif.

6.1.La langue dans l’éducation : une question géopolitique

Le français reste la langue officielle d’enseignement à Madagascar malgré les tentatives

de réforme entamées dans les années 70. L’intuition intellectuelle sur ce travail avait établi

l’hypothèse d’une emprise des représentations de la langue française sur la population du IIIème

arrondissement. Au regard d’une généralisation difficile à établir quelque soit la méthode

d’echantillonnage, la question était de comprendre dans quelles mesures et pourquoi la langue

française pouvait être une composante d’un dispositif d’assujettissement sur un citoyen

malgache. L’échantillonnage retenu pour cette partie de la recherche a été le même

échantillonnage retenu dans le chapitre IV, mais à partir duquel ont été ajoutées des entrevues

avec la Directrice des écoles BIRD74.

Le réseau AEFE est effectivement le cachet significatif de l’appartenance d’une école au

programme éducatif de l’administration française. Seule une poignée d’écoles présentes dans

la capitale fait partie du réseau. En 2014, les écoles BIRD avaient perdu leur affiliation car elles

74

Les écoles BIRD ne font pas partie du IIIème arrondissement mais il a été estimé que cette école était un modèle de l’effectivité des représentations liées au pouvoir français car elle avait perdu son affiliation au réseau AEFE durant l’année 2014.

Page 70: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

62

ne remplissaient pas toutes les conditions (inadéquation des infrastructures,non atteinte du

quota requis d’enseignants issus du ministère de l’éducation française). Selon la Directrice, plus

de la moitié des parents ont ainsi retiré leurs enfants de l’école, le discours des parents se

résumant à « l’impérativité de la reconnaissance des diplômes par les universités françaises ».

Cet assujettissement au Pouvoir français traduit la réussite de la stratégie française à

Madagascar. En observant le croquis ci-dessous, la Grande Ile subit en effet une polarisation du

reseau AEFE dans cette partie occidentale de l’Ocean Indien. Ce positionnement du réseau

AEFE à Madagascar renvoie au croquis numéro 5, illustrant l’identification de la Grande Ile

comme étant un pays francophone encerclé par des pays anglophones. Mais le réseau AEFE ne

peut expliquer ni déterminer à lui seul la prédominance de la langue française dans le système

éducatif malgache. En effet, l’analyse des discours, l’observation spatiale et la recolte

d’informations quantitatives dans le IIIème arrondissement démontre l’exercice d’un Pouvoir

français, matérialisé par un attachement des écoles privées pour l’argument « école

d’expression francaise ». Le tableau ci-dessous montre que 56% des écoles privées dans le

IIIème arrondissement s’identifie comme une école dite « d’expression française ». En tant que

marché, l’éducation obéit aux mêmes lois de l’offre et de la demande. Si plus de la moitié des

écoles dans le IIIème arrondissement arbore cette expression, il est certain que l’enseignement

exclusivement en langue française est un produit recherché activement par les parents

d’élèves.

Tableau 2-Structure et nombre des ecoles prives dans le IIIeme arrondissement

Ecoles dites d'expressions françaises

Ecoles malgaches Ecoles confessionnelles Ecoles anglophones

nombre pourcentage sur le

nombre total nombre

pourcentage sur le nombre total

nombre pourcentage sur le nombre

total nombre

pourcentage sur le nombre

total

58 57.50% 27 26.50% 11 11.00% 5 5.00%

Source : ONEP

Page 71: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

63

Croquis 9-Le réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger

Page 72: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

64

Le rapport de l’échantillon avec les représentations des écoles dites « d’expressions

françaises» affiche, en apparence, un sentiment fataliste. La question numéro 4 (annexe 1) ci-

après est la dernière composante du système de pouvoir français identifié dans le IIIème

arrondissement :

« On observe beaucoup d’écoles qui arborent « l’enseignement d’expression

française» dans le IIIème arrondissement, mais aussi dans l’ensemble de la capitale. La

maîtrise et l’enseignement par cette langue est-elle réellement aujourd’hui un impératif pour

la réussite (selon votre définition) en général des enfants ? Ne peut-on concevoir d’autres

modèles comme un système d’enseignement en malgache ou dans une autre langue ? »

Les enquêtés ont tous reconnu la dépendance actuelle des élèves malgaches par

rapport à la langue française. Les petits commercants locaux ont affirmé que « leur désir est

d’inscrire leurs enfants dans des écoles françaises, car la classification sociale à Madagascar

démontre clairement que les enfants maitrisant parfaitement le français réussissent à

décrocher des emplois prestigieux et bien rémunérés ». Les autres systèmes d’enseignement

« n’ont pas encore fait leurs preuves » aux yeux de ces enquêtés. L’attrait pour la langue

française est par conséquent d’ordre purement économique, et ne relève d’aucun sentiment

affectif. La typologie du Pouvoir qui s’exerce ici ne s’appuie pas sur un dispositif

d’assujettissement tel qu’il est defini dans ce travail, mais dans un esprit de « récompense et de

sanction ». D’une part, l’insertion dans des systèmes d’enseignement français garantit une

récompense, qui est celle d’une ascension sociale et économique. D’autre part, l’exclusion de

ces systèmes laisse présager le signe d’une stagnation, a fortiori d’une reproduction sociale.

Cependant, le reste de l’échantillon a unanimement exprimé sa préférence pour un système

d’enseignement anglophone. Ce penchant peut s’expliquer par le discours qui relate souvent

« la meilleure performance des anciennes colonies britanniques par rapport aux anciennes

colonies françaises » mais également par les opportunités (économiques, académiques,

commerciales…) qui sont effectivement plus nombreuses75. Un échantillonnage sur la base de la

catégorie socio-professionnelle serait sans doute plus pertinent au vu des résultats collectés

75Le nombre de pays ayant l’anglais comme langue officielle est supérieur au nombre de pays francophone.

Page 73: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

65

afin de dégager une analyse plus fine. Cependant, la reconnaissance d’une dépendance par

rapport à une entité résume déjà un rapport de pouvoir asymétrique.

Le triomphe de la langue française dans le système éducatif malgache est une réalité

que la Chine veut contourner à partir de quelques micro-projets répartis à travers toute l’Ile.

L’enseignement du mandarin s’appui essentiellement sur la séduction de la puissance

économique chinoise. Le publi-reportage financé par l’Ambassade de Chine en coopération

avec la chaîne de télévision Tvplus qui détient l’un des plus haut taux d’audimat du pays, datant

du 09 Juin 2014, présente plusieurs interviews dans lesquelles des étudiantes de l’Institut

Confucius d’Antananarivo, de l’Université de Tuléar et de Mahajanga admirent la puissance

économique chinoise et voit dans le mandarin une opportunité d’avenir. Le président de

l’Université de Tuléar confirme que « les chinois ont énormément d’investissement à l’exemple

de l’exploitation minière de labradorite a Ampanihy, l’Ilmenite d’Andranobe et ont besoin de

traducteur » en ajoutant que « l’apprentissage de cette langue n’a qu’une seule vocation : le

business ». Pourtant, cette dynamique ne se limite pas au monde universitaire. Les élèves du

lycée de la congrégation chinoise de Tamatave et de Fénérive Est dont “80% sont malgaches et

20% sont metis sino-malgache », s’enorgueillissent de leur maîtrise du mandarin devant la

caméra, en précisant la facilité d’apprentissage de la langue.

Photo 5-Cérémonie du hissage des drapeaux chinois et malgache du lycée de la congrégation chinoise de Fenerive Est

Page 74: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

66

Les directeurs de ces écoles affirment que les enseignants sont envoyés par le bureau

des Chinois d’Outre mer et par ailleurs, présentent cette initiative comme étant « un

programme national pour l’enseignement du chinois à Madagascar ».

Photo 6-Remise de prix aux étudiants du site d’enseignement de Namakia

La traduction litérale de la banderole ci-dessus est : « J’apprends la langue chinoise car elle peut

garantir mon avenir ». Cette offensive culturelle,pilotée par le partenariat d’un ensemble

d’organismes (institut Confucius, bureau des Chinois d’Outre mer, Ambassade de Chine…),

exprime la volonté de l’acteur étatique chinois à renforcer et développer un pouvoir à

Madagascar. Désormais, la langue est au cœur d’un choc géopolitique entre la Chine et la

France autant dans le domaine de la formation que dans la coopération (voir photos numéros 7

et 8). Pour l’instant, le français demeure la langue officielle d’enseignement dans le pays, et la

tendance des écoles privées dans le IIIèmearrondissement rappelle l’emprise des représentations

d’un Pouvoir français dans les grandes concentrations urbaines. La stratégie chinoise à l’échelle

nationale semble similaire à la stratégie des colliers de perle dans l’ocean Indien : une

projection multipoint dans l’espace, dans le but d’avoir une influence sur des zones sensibles et

à fortes potentialités économiques.

Page 75: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

67

Photo 7-L’institut Confucius et le local de l’ADMC/CRAAM, fruit de la coopération avec l’Union Européenne et l’Ambassade de France, cliche auteur, octobre 2016

6.2.Les représentations médiatiques :un enjeu d’envergure pour la Chine

En tant que « 4èmepouvoir » et constructeur des imaginaires sociales, les médias

façonnent fortement les représentations dominantes. Au cours de l’année 2014,il y eu au total

5 publi reportages s’intitulant « la Chine à Madagascar ». Les émissions76 ont vu l’intervention

direct de l’ancien ambassadeur Yang Min, insistant sur « l’amitié et la coopération fructueuse

entre le peuple chinois et le peuple malgache ». L’objectif central des émissions est la séduction

par une démonstration de la puissance du soft power chinois dans tout Madagascar. Aussi, le

contenu pouvait se subdiviser en trois champs : économique, social et culturel.

Sur le plan économique, le documentaire definit Behoririka comme un « Chinatown ». La

qualification de « Chinatown » est un « bon indicateur car il existe des chinatowns dans tous les

pays développés77 ». Mis à part l’accessibilité des produits chinois78 par rapport aux « produits

Européens et français » jugés trop chers, l’urbanisation générique est aussi vantée car elle

reflète « le savoir faire chinois en conciliant des lieux de commercialisation avec l’Habitat ». En

terme d’infrastructure, les réalisations chinoises, tels le Palais des Sports, la route Nationale 2

76

Notons que les émissions ont été diffusées en malgache avec un sous-titrage en français. Ce qui signifie que les émissions s’adressent directement à tous les malgaches francophones ou non-francophones. 77

Publi reportage du 26 Mai 2014. 78

L’interview d’une commerçante malgache s’approvisionnant à Behoririka pour ravitailler les provinces témoigne de la force de pénétration des produits chinois.

Page 76: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

68

« permettant les échanges commerciaux avec le reste du monde79 », le financement et le savoir

faire du géant chinois HUAWEI dans l’installation de poteaux électriques solaires sur la route

reliant la commune d’Ampasika et de Fenoarivo sont le « signe de la volonté de l’Etat chinois à

continuer sa collaboration gagnant-gagnant avec l’Etat malgache ». Les activités des PME

chinoises sont également présentées comme de véritables moteurs économiques régionaux ;

à l’exemple de la SOMAPECHE80 et la société Perle Trade, dans la region Boeny, où les employés

soulignent leurs satisfactions des conditions de travail via une affiliation à la CNAPS et à l’OSTIE.

En ce sens, sur le plan social, une attention particulière est donnée à l’intégration

séculaire des « anciens chinois » et de leurs descendants, rappelant leur attachement à la fois

pour la ville de Tamatave81 et pour la région d’origine82 de leurs ancêtres en Chine. Plusieurs

interviews d’employés malgaches affirment « qu’il n’y a jamais eu de problèmes avec les

79

Publi reportage du 02 Juin 2014.

80La SOMAPECHE est une société en déclin qui a été rachetée par la ZHONGYU GLOBAL SEAFOOD CORP

81

Ville d’arrivée des premiers migrants chinois sur le sol malgache. 82Les « anciens chinois » viennent majoritairement de la ville de Guangzhou

Photo 8-L’urbanisation générique: le « savoir-faire chinois conciliant les lieux commerciaux et l’Habitat », cliché auteur, octobre 2016

Page 77: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

69

patrons chinois depuis des décennies ». Par ailleurs, les missions médicales chinoises

apparaissent comme des « leviers de développement de la cause sanitaire83 »à Madagascar. En

effet, la formation des médecins malgaches en acupuncture, la technicité des médecins chinois

et les services paramédicaux participent grandement aux soins des populations de Vatomandry,

Sambava, Ambovombe et de la capitale. Cette mission contribue au « renforcement de la

coopération et des liens d’amitié entre les deux pays ».

Source : Exposition photographique sur l’Amitié Sino-malgache, octobre 2016

Sur le plan culturel, les rites multiséculaires hérités de la civilisation de l’empire du

milieu témoignent de la diversité et d’une richesse culturelle reconnue à travers le monde et à

Madagascar. La danse, l’art du spectacle, la cuisine et les arts martiaux sont valorisés, partagés

et enseignés à travers les différents organismes tel l’insitut Confucius et les écoles de la

congrégation chinoise.

Cependant, l’explosion médiatique de « l’affaire Soamahamanina84 » a visiblement

écorché l’image de la présence chinoise a Madagascar. Si l’activité minière chinoise était

83

Publi-reportage du 16 Juin 2014 84

Soamahamanina est un village dans la région Itasy où la société aurifère chinoise Jiuxing Mines a été confrontée à des manifestations populaires.

Photo 9-Mission médicale chinoise de Mahitsy

Page 78: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

70

auparavant un secteur encore peu connu de l’ensemble de la population85, cette affaire est

devenue le symbole d’une stigmatisation chinoise dans l’espace public malgache. Face aux

nombreuses attaques médiatiques, l’ambassade de Chine multiplie les publi-reportages dans la

presse écrite, en entrainant un dualisme flagrant entre les lignes éditoriales de deux quotidiens

de la capitale : le groupe Express de Madagascar et le groupe Midi Madagasikara. Le tableau

numéro 3 fait l’inventaire des titres et des fragments de discours selectionnés au cours de

l’année 2015 et de l’année 2016. Le groupe Midi Madagasikara met en avant le partenariat

sino-malgache, contribuant ainsi à la valorisation des représentations chinoises à Madagascar.

Inversement, le groupe Express de Madagascar attaque directement l’image de la présence

chinoise. La nouvelle ambassadrice, dans une logique de construction de représentation de la

Chine, rappelle les bénéfices de la coopération et de l’aide chinoise, en citant une fois de plus

les réalisations en terme d’infrastructure (le Palais des Sports, la RN2..). Peut-on alors

interpréter ce dualisme comme étant d’une part, les impacts dérivés de la séduction de la

puissance économique chinoise, et d’autre part, la persistance du discours sur la prédation

chinoise en Afrique ? Dans cette optique, le soft power chinois est perçu à travers deux

vitesses à Madagascar.On peut également accorder ce phénomène à l’existence de lobbys aux

intérêts divergents. Neanmoins, les lectorats de ces deux quotidiens sont les catégories socio-

professionnels supérieures, composées de l’élite économique, politique et intellectuelle,dont

les décisions ont des repercussions sur les possiblités de manœuvre des pouvoirs étrangers . Les

représentations à ces niveaux sont,par conséquent, un enjeu fondamental. Les discours ayant

comme objet le territoire, à l’exemple de « l’affaire Soamahamanina », sont impregnés de jeux

de pouvoir où les repères identitaires et culturels s’entremêlent avec les enjeux économiques.

85Ratrimoarivony.N, 2012 “les dimensions geopolitiques de la presence chinoise”

Page 79: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

71

Tableau 3-Les discours médiatiques antagonistes de deux quotidiens sur la présence chinoise à Madagascar

Midi Madagascar Express de Madagascar

Date Titre Extrait de discours Date Titre Extrait de discours

3/2/2015 Aménagement du lycée public par les chinois

"Ce changement est du a un partenariat entre le ministère de l'Education et le gouvernement chinois pour faire du lycée d'Ambohidratrimo, la reference"

15/7/2016 Une manifestation populaire reprimée

"dès la matinée, chaque famille des quartiers de la commune Soamahamanina a décidé d'accrocher aux portes, aux vérandas, et aux murs des banderoles pour contester l'exploitation minière de la société chinoise Jiuxing mines"

10/2/2015

Madagascar-Chine, la coopération culturelle renforcée

"collaborations qui se traduiront par le don de matériels au ministère de la Culture"

20/7/2016 Soamahamanina au bord de l'implosion

"Depuis le 21 Juin, le projet d'exploitation minière de la société chinoise Jiuxing mines a fait l'objet d'une contestation virulente de certains habitants de la commune

1/7/2016 Un accord d'une valeur de 50 milliards d'Ariary

"un accord de coopération économique et technique dont le montant de l'aide s'élève a 50 milliards d'Ariary"

19/7/2016 Le pouvoir affiche un visage répressif

"Les scènes jouées par les forces de l'ordre a Soamahamanina, notamment, ont particulièrement choqué l'opinion"

8/7/2016 Les investisseurs chinois en pole position

" les investissements et les aides publiques chinois sont appelés a jouer un rôle prépondérant pour le développement de Madagascar. Malheureusement, étant encore trop attachés a la coopération avec l'occident, surtout la France, les autorités malgaches ne semblent pas vouloir mieux considérer les potentiels des aides chinoises"

21/7/2016 La médiation tombe a l'eau

. "Des habitants de cette localité, des membres de la société civile montent au créneau pour dénoncer l'incapacité du gouvernement et pour revendiquer le départ de la société minière"

Page 80: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

72

Midi Madagascar Express de Madagascar

Date Titre Extrait de discours Date Titre Extrait de discours

14/7/2016 Les chinois du CAIF WTO en prospection

"une aubaine en somme pour l'économie malgache et le secteur prive puisque ces investisseurs ne manqueront pas d'apporter un nouveau souffle aux secteurs industriel et commercial malgaches”

21/7/2016 Mesures anti-émeute contre les journalistes

"A Soamahamanina, sur la nationale numéro 1, a quelques encablures de lieu d'implantation du mastodonte chinois"

3/8/2016

Chine-Madagascar, c'est parti pour une intensification des relations

"Cette coopération gagnant-gagnant permettra l'émergence de nombreux projets pour le développement"

Hebdo du 15 au 21

Juillet 2016

La Chine établit son empire a Madagascar

"De plus, les produits made in china inondent le marche malgache depuis quelques années. Enfin, les entrepreneurs et commerçants chinois étant de plus en plus nombreux a Madagascar, quelques quartiers de la capitale, dont Behoririka, sont peu a peu devenus des Chinatowns"

17/82016

Un investisseur chinois spolie de ses droits fondamentaux

"Cette affaire qui met en cause un investisseur chinois risque d'être considérée comme une autre entrave aux initiatives des apporteurs de capitaux venant de la chine

Hebdo du 22 au 28

Juillet 2016

Chinoiseries sur le commerce de bovidés

"Il y a encore un an, 600 bovidés en moyenne s'écoulent dans ce lieu en une journée. Aujourd'hui, a peine 70 individus se vendent. Des chinois achètent directement aux paysans et exportent par la suite en grand nombre"

29/09/2016

Interview du nouvel ambassadeur Yang Xiaorong

"Sans stabilité, il n'y a point de développement… le but de la chine est d'offrir sans aucune condition politique préalable l'aide aux autres pays en développement…Madagascar se trouve sur la route de la soie maritime, la Chine entend bien renforcer le dialogue et la coopération avec Madagascar dans ce cadre"

Hebdo du 22 au 28

Juillet 2016

Soamahamanina, Haro sur les orpilleurs

"un manque de sincérité (du gouvernement), un déficit de franchise, a l'origine des supputations les plus réalistes et vraisemblables. Comme quoi, il s'agit d'un cadeau offert à la coopération chinoise très généreuse ces derniers mois… la grogne ne cesse de monter contre ce qui s'apparente a un péril jaune pour les malgaches... Chez eux (les chinois), ils ont la cite interdite. A soamahamanina, ils ont instaure le site interdit" avec la bienveillance des Forces de l'ordre malgaches"

Page 81: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

73

Midi Madagascar Express de Madagascar

Date Titre Extrait de discours Date Titre Extrait de discours

8/10/2016

Les chinois déplorent l'incompréhension de la population

"les nationaux travaillant dans cette entreprise chinoise ont fait remarquer que ces étrangers ont du respect envers les populations locales."

Hebdo du 30 septembre au 6 octobre

Des chinois jusqu'aux tripes

"Insatiable, l’appétit chinois constitue une manne pour les uns, une menace pour les autres… le vampire du milieu part à la conquête du monde… En 1996, l'Etat malgache signe un accord avec la République Populaire de Chine facilitant l'immigration de ressortissants chinois. Aussi, une nouvelle vague jaune arrive à Madagascar... Une nouvelle vague d'investisseurs chinois s'intéressent aux industries extractives à l'instar de WISCO et Mainland. Cette nouvelle vague jaune vient généralement de Hong Kong".

11/10/2016

L'identité culturelle chinoise rayonne dans le monde

"A Madagascar, les relations culturelles sino-malgaches sont au beau fixe… l'ancien ambassadeur a pris quelque 30.000 cliches et a sélectionné les meilleurs pour en faire une exposition, puis un album photo édité en Chine"

Page 82: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

74

6.3.Les representations territoriales :Entre instrumentalisation, repère

culturel et enjeu économique

Le territoire en tant qu’espace vécu devient espace identitaire. Les réactions de rejet

dont certains habitants de Soamahamanina ont fait preuve se basaient sur des arguments

diverses dont le nationalisme, la sacralité de la terre, l’environnement, la sinophobie… Malgré

l’instrumentalisation politique de l’événement par les partis de l’opposition, force est de

constater que les manipulations trouvent leurs justifications dans des représentations déjà bien

ancrées et adoptées. Il a été etabli dans la première partie de ce travail que le territoire est le

résultat de l’appropriation culturelle d’un espace par l’Homme. Toutefois, la définition du

Tanindrazana implique aussi une dimension économique, car le bonheur et le bien être d’une

population ne peut se dissocier de l’émancipation des activités économiques. Ainsi, le

croisement du volet culturel et économique est à l’orgine de l’épistemologie du territoire dans

la culture malgache. La transgression de ce territoire par une entité étrangère (tels les chinois)

disposant de ressources (financières, humaines, technologiques…) supérieures sera perçu

comme une menace directe sur cet espace vécu et approprié a fortiori une menace sur les

corps en eux-mêmes. Cependant, cette réflexion ne peut expliquer entièrement la virulence des

propos sinophobes. Peut-on effectivement envisager la propagation de l’image d’une Chine

prédatrice dans l’hinterland malgache ? Ou est-ce la preuve d’une instrumentalisation d’acteur

politique ou de pouvoirs cachés visant à emblêmiser un échec de l’intégration minière chinoise

dans la Grande lle ? Pourtant, le paysage urbain du IIIèmearrondissement traduit nettement

l’exercice de pouvoir étranger accaparant une grande partie du « territoire tananarivien».

Outre la présence chinoise concentrée dans le quartier de Behoririka et ses alentours, les

quartiers d’Andraharo et d’Ankorondrano sont marqués par la puissance économique de la

communauté Indo-Pakistanaise (voir photos ci-dessous), en étroite coopération avec les filiales

françaises (Société Générale, Total, Orange…). Ainsi,la vision du territoire des habitants de

Soamahamanina ne correspond-t-elle pas à la vision des tananariviens ? En effet, contrairement

à l’individu en milieu rural, le citadin n’accorde pas réellement le même attachement à la terre.

La fonction urbaine prend son essence dans la concentration d’une plus grande activité

Page 83: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

75

économique et,par conséquent, influe sur les référents culturels et l’appréhension de l’espace

vécu.

Question numero 6 :« Lorsqu’on observe le paysage urbain dans le

IIIèmearrondissement, on peut constater les activités de plusieurs entités étrangères

(francaises, chinoise, Indo-pakistanaise…) détenant une part importante de l’économie

tananarivienne. Les populations bénéficient-elles réellement des impacts de ces activités ?

Peut-on dire que l’espace vécu dans le IIIèmearrondissement est un territoire tananarivien ? »

La totalité de l’échantillon estime que ces activités « ne profitent qu’aux individus

possédant des intérêts communs avec les entités étrangères ». « Le business » étant le premier

facteur de rapprochement des acteurs dans la « société tananarivienne » selon Mr Fenohasina

Raobelina, chef de service du Système d’Information Fiscal de la Direction Générale des Impôts.

On assiste à « une déterritorialisation, car le pouvoir économique est controlé par des entités

étrangeres, ce qui leur permet d’avoir une position avantageuse sur le foncier ». « La loi sur

l’interdiction des étrangers de détenir une propriété foncière est contournée par des

manœuvres subtiles de corruption et de réseaux mafieux se protégeant mutuellement86».

Ainsi, l’échantillon n’observe plus l’espace sous le duo culture-économie mais

uniquement sur l’angle économique. La propriété foncière ne semble être qu’une valeur

marchande et la question posée n’a pu déceler qu’une partie de la problématique. Au final,

c’est le néoliberalisme en tant que structure de jeu qui focalise les représentations et les enjeux

uniquement à la toute puissance du marché.

86 Selon un membre du FIVPAMA

Page 84: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

76

Photo 10-L’imposante « tour orange », siège de la société française Orange Madagascar, cliche auteur , octobre 2016

Photo 11-Le luxueux « immeuble de verre » siège des sociétés françaises Total et Société Générale, cliche auteur, octobre 2016

Page 85: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

77

CONCLUSION

Madagascar, en tant qu’ancienne colonie, doit demeurer un espace de prédilection pour

la politique internationale de la France dans l’Océan Indien, car cet espace est son unique zone

de véritable influence dans cet océan présenté comme un tournant stratégique de l’ordre

économique mondial. Les enjeux géopolitiques s’exerçant autour des pays en bordure voient

comme principaux acteurs les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, symbolisant les perspectives futures

des rapports de force dominants, laissant à l’Europe une place de moins en moins importante.

En ce sens, les priorités de l’Hexagone sont de maintenir et produire des dispositifs de pouvoir

ascendants à Madagascar, qui vont s’articuler d’une part, autour des représentations des filiales

françaises telles la Société générale, la Banque Populaire Caisse d’Epargne et Total, et d’autre

part, autour des représentations de la langue française au sein des établissements scolaires. A

partir des enquêtes menées, l’ensemble des résultats de la recherche démontre un rapport de

pouvoir ascendant des banques françaises et de « la langue de Molière »sur les acteurs

économiques locaux, dans la mesure où ces derniers estiment que le réseau de pouvoir français

peut mobiliser plus de ressources, et surtout, maîtrise des zones d’incertitudes supérieures. Le

retrait de l’unique banque à capitaux chinois peut être également interprété comme une

prédominance des compagnies françaises sur le secteur. La propagation spatiale de ces

représentations dans le IIIème arrondissement se concentre essentiellement sur les axes de

polarisation des activités économiques, devenant ainsi des points de contacts permanents et

réguliers pour la population Tananarivienne. Dès lors, l’apparition de dispositifs

d’assujettissement peut s’exercer sur les individus entrant dans des relations de cycles de

répétitions avec les entités françaises, pour finalement les définir comme des impératifs de

survie et de développement.

Par ailleurs, la Chine, malgré le renouveau de ses relations avec l’Afrique, centralise ses

plus grandes préoccupations sur les pays se trouvant entre l’Asie du Sud Est et la Corne de

l’Afrique, car c’est dans ces régions que circulent 80% de ses importations en pétrole provenant

des pays du golfe persique. Cependant, afin de pouvoir se défaire de l’influence américaine, les

Page 86: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

78

échanges avec le continent Africain doivent absolument se développer et, par conséquent,

nécessite la création de rapport de pouvoir, pas forcément ascendant, mais basé sur un

pragmatisme économique pertinent. La logique du discours diplomatique de Pékin sur une

« coopération Sud-Sud et gagnant-gagnant» doit d’ailleurs s’appuyer sur ce partenariat

purement commercial, ne revêtant aucune forme de contrôle, ni d’ascendance.

Malheureusement, la trop grande puissance économique de la Chine lui permet de se projeter

très rapidement dans l’espace avec une capacité d’investissement hors normes, et est donc

perçue comme agressive par les populations non habituées à ce type de démonstration de

puissance. Les cas à l’image de l’affaire Soamahamanina sont un très bon exemple de cette

rupture de perceptions. L’enseignement du mandarin est devenu ainsi une dimension non

négligeable de l’intégration de l’investissement chinois à Madagascar et se positionne

naturellement dans une dynamique de compétition avec la langue française. Pourtant,

certaines perceptions de l’échantillon accusent également la Chine de profiter et d’aggraver la

faiblesse du tissu industriel à travers la déferlante des « agents économiques transnationaux »,

fer de lance de la puissance industrielle et économique chinoise. La posture de victimisation des

pays africains est-elle finalement justifiée ? Dépassant ces contraintes issues du libre-échange,

certains pays d’Afrique dont l’Afrique du Sud, pour éviter la désindustrialisation, imposent des

quotas d’importations. Le Maroc et la Tunisie durcissent les contrôles douaniers et les

conditions d’installations. Le Sénégal a commencé une politique de restriction des visas. Ces

mesures protectionnistes vont certainement réorienter les migrants chinois vers d’autres pays.

Au final, les rapports de pouvoir ne sont-ils pas des systèmes de négociations constamment

ouverts ? Les représentants de l’appareil administratif, tout comme les représentants des

groupements d’entreprises, reconnaissent que la cause de « cette dépendance » est endogène,

et dont l’origine est l’absence de confiance entre le secteur privé et l’Etat, en plus d’une trop

grande corruption des décideurs politiques.

Néanmoins, la similitude de la répartition spatiale des activités chinoises et des activités

françaises dans le IIIème arrondissement démontre une hypercentralisation des activités

marginalisant ainsi la partie Est de l’arrondissement. En conséquence, la dimension des

représentations territoriales dans cet espace est particulièrement économique, témoins de

Page 87: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

79

l’importation des modèles occidentaux et des nouvelles ambitions chinoises. Les entités

exogènes produisent du pouvoir sur les territoires, qui vont ainsi reproduire un pouvoir sur ses

habitants à travers la construction de représentations. La géopolitique des représentations est

une réalité imposée par et pour des enjeux à plus petite échelle. Ces structures de sentiments

pilotent les conduites et les comportements, déterminant ainsi le succès ou l’échec des

politiques internationales des nations industrielles, dans la mesure où « les hommes ne

prennent pas leurs décisions en fonction de ce qu’est le monde, mais en raison de l’image qu’ils

s’en font87. »

87 P.Claval Histoire de la geographie

Page 88: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

80

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10) Publi-reportage « L’identite culturelle chinoise rayonne dans le monde », Midi Madagasikara du

Mardi 11 Octobre 2016

11) Publi-reportage, 2016, « Interview de l’ambassadeur de Chine Yang Xiaorong », Midi Madagasikara

du Jeudi 29 Septembre 2016

12) R.EDMOND, 2016, « Les investissements chinois en pole position », Midi Madagasikara du vendredi

8 Juillet 2016

Page 92: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

84

13) R.EDMOND, 2016, « Les chinois du CAIF WTO en prospection », Midi Madagasikara du 14 Juillet

2016-11-23

14) R.EDMOND, 2016, « Un investisseur chinois spolie de ses droits fondamentaux », Midi Madagasikara

du mercredi 17 Aout 2016

15) R.EDMOND, 2016, « Madagascar-Chine, c’est parti pour une intensification des relations » Midi

Madagasikara du mercredi 03 Aout 2016

16) R.EUGENE, 2016, « Affaire Soamahamanina, vers un dialogue tripartite », Midi Madagasikara du

samedi 23 Juillet 2016

17) R.EUGENE, 2016, « Madagascar-Chine, un accord d’une valeur de 50 milliards d’Ariary », Midi

Madagasikara du vendredi 1er Juillet 2016

18) S.ANDRIAMANANTENA, 2016, « La Chine établit son empire a Madagascar », L’hebdo du vendredi

15 au jeudi 21 Juillet 2016

19) S.ANDRIAMAROHASINA, 2016, « Mesures anti-émeutes contre les journalistes », L’express de

Madagascar du Jeudi 21 Juillet 2016

20) S.A., 2015, « Le mandarin retient l’attention des jeunes », l’Express de Madagascar duMardi 24

Fevrier 2015

Page 93: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

85

REFERENCES FILMOGRAPHIQUES

1) « La Chine a Madagascar du 19 Mai 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a

Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar

2) « La Chine a Madagascar du 26 Mai 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a

Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar

3) « La Chine a Madagascar du 02 Juin 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a

Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar

4) « La Chine a Madagascar du 09 Juin 2014 » un film réalisé par l’Ambassade de Chine a

Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar

5) « La Chine a Madagascar du 16 Juin 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a

Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar

Page 94: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

86

ANNEXES Annexe 1 : Questionnaire d’enquête ouvert pour l’échantillonnage qualitatif

1. « D’après mes recherches, les représentations de la chine a Antananarivo se

résumeraient au commerce et au quartier de Behoririka. A partir de votre propre

vision du développement, pensez vous que cette présence répond aux intérêts de la

population ?Leur absence hypothétique aurait elle des conséquences négatives pour

le pays ? »

2. Mis à part les commerces et behoririka, quels sont les autres secteurs ou la Chine agit

fortement selon vous? Peut-on espérer un développement pour Madagascar a travers ses

activités ?

3. « Selon mes hypothèses et d’après le discours officiel de l’ambassade de France, la

présence française a Madagascar se manifeste surtout a travers son influence

culturelle et la présence des grandes filiales. Si on observe le IIIème arrondissement,

les entreprises françaises les plus visibles sont la Société générale (BFV-SG), la BPCE

(BMOI-BPCE) et Total. A partir de votre propre définition du développement, pensez

vous que la présence de ces groupes réponds aux intérêts de la population ?Leur

absence hypothétique aurait elle des conséquences négatives pour le pays ?

4. « On observe beaucoup d’ecoles qui arborent « l’enseignement d’expression

francaise» dans le 3eme arrondissement mais aussi dans l’ensemble de la capitale. La

maitrise et l’enseignement par cette langue est-elle reellement aujourd’hui un

imperatif pour la reussite (selon votre definition) en general des enfants ? Ne peut-on

concevoir d’autres modeles comme un système d’enseignement en malgache ou dans

une autre langue ? »

5. Croyez -vous en une rivalité d’influence entre la France et la Chine à Madagascar ? Selon vous

qui a le plus d’influence ? pourquoi ?

Page 95: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

87

6. « Lorsqu’on observe le paysage urbain dans le IIIeme arrondissement, on peut

constater les activites de plusieurs entites etrangeres (Francaises, chinoise, Indo-

pakistanaise…) detenant une part importante de l’economie tananarivienne. Les

populations beneficient elle reellement des impacts de ces activites ? Peut-on dire que

l’espace vecu dans le IIIeme arrondissement est un territoire tananarivien ? »

Annexe 2 :Classement général des Entreprises de l’Océan Indien, source : Eco Austral 2015

Page 96: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

88

Page 97: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

89

Annexe 3 : LES 100 PREMIERES ENTREPRISES DE MADAGASCAR PAR CHIFFRE D'AFFAIRE

2012DECROISSANT PAR SECTEUR D'ACTIVITE

Page 98: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

90

Page 99: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

91

Page 100: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

92

Annexe IV : Les représentations de la Chine dans le Grand Antananarivo.

Figure n°1 : Question 1 : Quelle est la première image qui vous vient à l’esprit quand on vous

parle de la Chine à Madagascar ?

Autres : domination économique, médiocrité des produits, apport technologique

20%

45%

20%

5% 10%

Classe aisée

Behoririka

Commerce

Autres

Restaurant

Soalala

25%

35%

10%

15%

15%

Classe favorisée

Behoririka

Commerce

Autres

Restaurant

Soalala

25%

45%

25%

5%

Classe moyenne

Behoririka

Commerce

Autres

Restaurant

15%

80%

5%

Classe défavorisée

Behoririka

Commerce

Restaurant

Page 101: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

93

Autres : Concurrence déloyale, Conquérant, détruit le pays, Importation, Malin

Source : Mémoire de maitrise, « Les dimensions géopolitiques de la présence chinoise dans le Grand

Antananarivo », 2012, auteur

21%

51%

14%

8% 6%

Ensemble des classes

Behoririka

Commerce

Autres

Restaurant

Soalala

Page 102: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

94

Annexe 5 : Communique des grands groupements économiques de Madagascar sur la concurrence

déloyale

Page 103: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

95

TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ..................................................................................................................................... i

SOMMAIRE .............................................................................................................................................. ii

RESUME ................................................................................................................................................. iii

TABLE DES ILLUSTRATIONS ..................................................................................................................... iv

Liste des croquis ................................................................................................................................. iv

Liste des photos .................................................................................................................................. iv

Liste des figures ................................................................................................................................... v

Liste des tableaux ................................................................................................................................ v

ACRONYMES .......................................................................................................................................... vi

INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1

Première partie : Une démarche déductive, point commun de la géographie, des sciences politiques et

des sciences sociales ............................................................................................................................... 6

Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie.............................................................. 7

1.1. Richesse de l’approche géopolitique ................................................................................... 7

1.2. Revues de littérature : vers la construction des hypothèses de recherche .......................... 9

1.2.1 Les ouvrages et articles les plus constructifs ................................................................. 9

1.2.2 Elaboration des hypothèses de recherche : l’identification des représentations .......... 11

Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire, représentations ....................................... 14

2.1. Le pouvoir, une réalité au-delà de l’influence .................................................................... 14

2.1.1. Le pouvoir n’existe que dans une relation et dans des structures ................................ 14

2.1.2. La maîtrise des incertitudes, des ressources et des dispositifs d’assujettissements crée

la dépendance ........................................................................................................................... 17

2.2. La contextualisation culturelle de la définition du territoire ............................................. 20

Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche ......................................................... 22

3.1. Spatialisation et informations quantitatives...................................................................... 22

3.2. Echantillonnage qualitatif pour une étude de représentation ........................................... 25

3.3. Les limites de la recherche ................................................................................................. 27

Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux géopolitiques français et chinois à deux

échelles : l’océan indien et le IIIème arrondissement de la CUA ............................................................. 29

Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de lecture des dynamiques locales

.......................................................................................................................................................... 30

Page 104: LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …

96

4.1. Sécurité, détroits stratégiques et échanges commerciales : une partie Nord beaucoup plus

importante .................................................................................................................................... 30

4.2. Les priorités chinoises face aux rivaux Indiens et Américains ................................................. 35

Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis des représentations chinoises et

françaises. ......................................................................................................................................... 45

5.1. Société générale, BPCE et Total : des géants incontestés ....................................................... 45

5.2. Le commerce chinois : bourreau de l’industrialisation locale et sauveur de la consommation

...................................................................................................................................................... 54

Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft power chinois ............................. 61

6.1.La langue dans l’éducation : une question géopolitique.......................................................... 61

6.2.Les représentations médiatiques :un enjeu d’envergure pour la Chine................................... 67

6.3.Les representations territoriales :Entre instrumentalisation, repère culturel et enjeu

économique .................................................................................................................................. 74

CONCLUSION ......................................................................................................................................... 77

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 80

REFERENCES FILMOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 85

ANNEXES ............................................................................................................................................... 86

TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................ 95