3
S elon les estimations de l’OMS de 2005, on dénombre 8,8 millions de nouveaux cas de tuberculose dans le monde avec une prédominance en Afrique australe et de l’Est, l’Asie du Sud-Est et les pays de l’ex-URSS (fig. 1). Il existe une forte prévalence de la tuberculose chez les séropositifs, en particulier dans les pays d’Afrique australe où jusqu’à 80 % des tubercu- leux sont séropositifs [1]. Symposium A 47 : Tuberculose multirésistante « Les résistances » : définition opérationnelle et épidémiologique dans le monde Orateur : A. Trebucq Résumé rédigé par : A.-C. Volatron Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (Union), Paris, France. Correspondance : [email protected] 97 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 97-99 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Fig. 1. Taux de tuberculose /100 000 habitants en 2005. Pas de données 0-224 25-49 50-99 100-29 300 ou plus La population couverte par les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose ou programmes DOTS (Directly Observed Treatment Strategy) mis en place avec le soutien de l’OMS et de ses différents partenaires augmente depuis 1995, et est actuellement estimée à 80 % [1]. Grâce à ces pro- grammes, on estime à presque 70 % les cas de tuberculose à frottis positifs détectés, avec un effort particulièrement marqué par les pays de la région Pacifique occidental [1]. En Europe, ce sont les pays d’Europe de l’Est qui ont la plus grosse incidence de tuberculose. L’Union européenne voit une diminution du nombre de cas depuis 1995 [2]. Cepen-

« Les résistances » : définition opérationnelle et épidémiologique dans le monde

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Page 1: « Les résistances » : définition opérationnelle et épidémiologique dans le monde

Selon les estimations de l’OMS de 2005, on dénombre8,8 millions de nouveaux cas de tuberculose dans le mondeavec une prédominance en Afrique australe et de l’Est, l’Asiedu Sud-Est et les pays de l’ex-URSS (fig. 1). Il existe une forteprévalence de la tuberculose chez les séropositifs, en particulierdans les pays d’Afrique australe où jusqu’à 80 % des tubercu-leux sont séropositifs [1].

Symposium A 47 : Tuberculose multirésistante

« Les résistances » : définitionopérationnelle et épidémiologiquedans le monde

Orateur : A. TrebucqRésumé rédigé par : A.-C. Volatron

Union Internationale Contre la Tuberculose etles Maladies Respiratoires (Union), Paris,France.

Correspondance :[email protected]

97Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 97-99

© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Fig. 1.

Taux de tuberculose /100 000 habitants en 2005.

Pas de données

0-224

25-49

50-99

100-29

300 ou plus

La population couverte par les programmes nationaux delutte contre la tuberculose ou programmes DOTS (DirectlyObserved Treatment Strategy) mis en place avec le soutien del’OMS et de ses différents partenaires augmente depuis 1995,et est actuellement estimée à 80 % [1]. Grâce à ces pro-grammes, on estime à presque 70 % les cas de tuberculose àfrottis positifs détectés, avec un effort particulièrement marquépar les pays de la région Pacifique occidental [1].

En Europe, ce sont les pays d’Europe de l’Est qui ont laplus grosse incidence de tuberculose. L’Union européenne voitune diminution du nombre de cas depuis 1995 [2]. Cepen-

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A. Trebucq

dant, il existe une disparité entre les populations nées dansl’Union européenne et celles nées à l’étranger où les tranchesd’âge 15-34 ans sont les plus touchées.

En 1997, l’OMS et l’Union ont donné des directivesconcernant le recueil de données sur les résistances qui prove-naient jusque-là uniquement des grands hôpitaux :

– directives épidémiologiques imposant la prise d’échan-tillon sur l’ensemble d’une région donnée et non sur un seulhôpital ;

– directives cliniques pour classer les nouveaux cas versusdes cas déjà traités ;

– création de laboratoires supra-nationaux permettantd’améliorer la qualité des données sur la résistance.

La définition opérationnelle de résistance acquise est« résistance chez les patients déjà traités ». Elle comprend leséchecs de traitement, les rechutes et les reprises de traitement.

La définition opérationnelle de résistance primaire est« résistance parmi les nouveaux cas », c’est-à-dire chez despatients niant toute prise d’antituberculeux pendant plusd’un mois.

La tuberculose multirésistante (MDR) se définit commebacille résistant au moins à la rifampicine (RFP) et à l’isonia-zide (INH). Une étude aux États-Unis publiée en 1993 sur 181patients tuberculeux [3] montre que cette résistance provient à50 % d’une irrégularité documentée au traitement soit parmauvaise observance, soit par réaction secondaire. Dans 17 %des cas, la cause de cette résistance n’est pas retrouvée. La RFPa été donnée seule suite à un échec de traitement ou suite à unemauvaise observance des autres médicaments expliquant la sur-venue de résistance dans respectivement 25 et 9 % des cas.D’autres causes de résistance sont mises en avant comme lesmalabsorptions digestives de la RFP ou d’authentiques primo-résistances à la RFP [3].

La tuberculose ultrarésistante (XDR-TB) se définitcomme une souche MDR présentant en plus une résistance àune fluoroquinolone et au moins à un des trois médicamentsde seconde ligne injectable (capréomycine, kanamycine et ami-kacine). La première description de ces souches date de 2006en Afrique du Sud où 53 patients tous séropositifs ont déve-loppé une XDR-TB. Quatre-vingt-dix pour cent des isolatsavaient un profil génomique identique. Depuis, des souchessimilaires ont été décrites partout dans le monde.

Les Balkans sont particulièrement touchés par l’épidémiede tuberculose MDR, jusqu’à 14 % des nouveaux cas de tuber-culose déclarés étant des MDR, la France n’étant qu’à 1,6 % [2].Ce taux de MDR est beaucoup plus élevé chez les patients déjàtraités [4] et parmi eux chez ceux étant en échec de traitement.

La tuberculose MDR se transmet aux sujets contacts defaçon similaire à la non-MDR [5], mais le passage de l’infec-tion à la maladie est plus rare [6, 7].

Les deux populations ayant le taux de prévalence detuberculose MDR le plus élevé sont ceux en échec de « retrai-tement » et ceux en contact de patient MDR.

Dans le monde, en 2007, 48 pays ont développé, en sou-tient avec le Green Light Committee (GLC), hébergé parl’OMS, des programmes de prise en charge de la tuberculoseMDR. L’OMS estime à 424 203 le nombre de cas de tubercu-lose MDR en 2005 dont 30 000 sont traités. Les estimationsactuelles projettent à 1,6 million le nombre de cas à traiter d’icien 2015.

Les patients porteurs de MDR ont plus de chance de gué-rison lorsqu’ils reçoivent un traitement pour la première fois(fig. 2). Mais le problème majeur dans le traitement de cestuberculoses MDR est celui des perdus de vue qui peuventatteindre jusqu’à 16 % [8], voire beaucoup plus.

98 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 97-99

Succès

DCD

Échec

PDV

Nouveaux (118) Anciens (277)

61 %

0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 %

78 %

10 %

3 %

14 %

4 %

16 %

15 %

Fig. 2.

Devenir des patients traités pour une tuberculose MDR, compa-raison entre patients déjà traités et patients jamais traités [8].

À New York, 80 % des tuberculeux sont suivis quoti-diennement pour s’assurer de leur observance au traitement.L’instauration de cette politique en 1992 a permis une nettediminution du nombre de tuberculose, y compris de tubercu-loses MDR.

La prévention des MDR joue un rôle majeur, en particulieren traitant correctement les tuberculeux non-MDR et en évitantles transmissions nosocomiales surtout chez les patients VIH.

Références

1 Global tuberculosis control: surveillance, planning, financing. WHOreport 2007. Geneva, World Health Organization (WHO/HTM/ TB/2007.376).

2 Euro TB and the national coordinators for tuberculosis surveillance inthe WHO European Region. Report of tuberculosis cases notified in2005. Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice, France, 2007.

3 Goble M, Iseman MD, Madsen LA, Waite D, Ackerson L, HorsburghCR Jr : Treatment of 171 patients with pulmonary tuberculosis resis-tant to isoniazid and rifampin. N Engl J Med 1993 ; 328 : 527-32.

4 WHO/IUATLD Global project on Anti-Tuberculosis Drug resistanceSurveillance. Anti-Tuberculosis Drug Resistance in the World: Third

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Global Report. WHO/HTM/TB2004.343. WHO, Geneva, Switzer-land. 2004.

5 Teixeira L, Perkins MD, Johnson JL, Keller R, Palaci M, do Valle Det-toni V, Canedo Rocha LM, Debanne S, Talbot E, Dietze R : Infectionand disease among household contacts of patients with multidrug-resis-tant tuberculosis. Int J Tuberc Lung Dis 2001 ; 5 : 321-8.

6 van Soolingen D, Borgdorff MW, de Haas PE, Sebek MM, Veen J, Des-sens M, Kremer K, van Embden JD : Molecular epidemiology of tuber-culosis in the Netherlands: a nationwide study from 1993 through1997. J Infect Dis 1999 ; 180 : 726-36.

7 García-García ML, Ponce de León A, Jiménez-Corona ME, Jiménez-

Corona A, Palacios-Martínez M, Balandrano-Campos S, Ferreyra-ReyesL, Juárez-Sandino L, Sifuentes-Osornio J, Olivera-Díaz H, Valdespino-Gómez JL, Small PM : Clinical consequences and transmissibility ofdrug-resistant tuberculosis in Southern Mexico. Arch Intern Med 2000 ;160 : 630-6.

8 Nathanson E, Lambregts-van Weezenbeek C, Rich ML, Gupta R,Bayona J, Blöndal K, Caminero JA, Cegielski JP, Danilovits M, Espi-nal MA, Hollo V, Jaramillo E, Leimane V, Mitnick CD, Mukherjee JS,Nunn P, Pasechnikov A, Tupasi T, Wells C, Raviglione MC : Multidrug-resistant tuberculosis management in resource-limited settings. EmergInfect Dis 2006 ; 12 : 1389-97.

9999© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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