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LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019 NUMÉRO 7 DE 10 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AHIER SPÉ AHIER SPÉ AHIER SPÉ C C CIAL AHIER SPÉ L’intelligence artificielle et le développement durable flirtent de plus en plus ensemble, et de façon naturelle. Que ce soit pour mesurer ou réduire les émissions de CO 2 , rendre plus performants, automatiques ou élec- triques des systèmes de toutes sortes, engendrant ainsi des économies d’énergie et favorisant la consommation responsable, la science des données s’avère un outil d’avenir. L’IA pourrait-elle être une réponse clé aux enjeux environnementaux ? ENVIRONNEMENT L’IA à la rescousse?

LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019 - Le Devoir · Robots qui, à terme, seront entièrement pilotés par l’IA. The Plas-tic Tide Project, enfin, ... mique et les outils d’apprentissage

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LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019

NUMÉRO 7 DE 10

I N T E L L I G E N C E A R T I F I C I E L L E

AHIER SPÉ

AHIER SPÉ

AHIER SPÉC

CCIAL AHIER SPÉ

L’intelligence artificielle et le développement durable

flirtent de plus en plus ensemble, et de façon naturelle.

Que ce soit pour mesurer ou réduire les émissions de

CO2, rendre plus performants, automatiques ou élec-

triques des systèmes de toutes sortes, engendrant ainsi

des économies d’énergie et favorisant la consommation

responsable, la science des données s’avère un outil

d’avenir. L’IA pourrait-elle être une réponse clé aux

enjeux environnementaux ?

ENVIRONNEMENT

L’IA à la rescousse?

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PRÉSERVER LES OCÉANS

Plusieurs projets à l’échelle internationale ont pour ambitionde préserver les océans grâce au développement d’outils d’intelligenceartificielle. Parmi eux, le Soft Robotic Fish, mis en place par des cher-cheurs du MIT. Il consiste en un poisson-robot, utilisé par les scienti-fiques pour observer les créatures marines dans leur écosystème natu-rel sans les effrayer. Il permet ainsi d’étudier la manière dont la pollutiondes océans influe sur le comportement desdits poissons. Le poisson-ro-bot est pour l’heure contrôlé à distance, mais à terme, l’ambition est delui permettre de suivre un banc de poissons de manière autonome grâceà l’intelligence artificielle. Le projet The Ocean Cleanup mobilise quant àlui des robots capables de récupérer jusqu’à cinq tonnes de plastique parmois. Robots qui, à terme, seront entièrement pilotés par l’IA. The Plas-tic Tide Project, enfin, emploie des drones chargés de survoler certaineszones pour repérer les déchets plastiques. Déchets qui sont identifiésgrâce aux algorithmes d’apprentissage machine. H.R.-G.

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019C 2 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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L’intelligence artificielle etl’environnement: un mariage naturel?Si l’IA perfectionne les outils d’aide à la décision, nous permettra-t-elle de faire de meilleurs choix pour sauver la planète ?

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

Valérie Bécaert est entrée dans ledomaine de l’intelligence artifi-

cielle (IA) par la porte du développe-ment durable. Aujourd’hui directricedu groupe de recherche chez Ele-ment AI, une entreprise cofondée parYoshua Bengio, elle a commencé sacarrière comme chercheuse en ana-lyse de cycle de vie. Au Centre inter-national de référence sur le cycle devie des produits, procédés et services(CIRAIG), dont elle était devenue ladirectrice en 2011, un mandat d’inven-taire de la part du gouvernement duQuébec l’a forcée à la réflexion.«C’était infernal [d’essayer d’obtenir]des données en environnement. Lesgens ne voulaient pas partager leursinformations», a-t-elle constaté.

L’ingénieure chimiste de formationa décidé de faire le saut du côté del’IA «pour voir comment cela pourraitbénéficier au monde de l’environne-ment ». Elle est devenue directricedes partenariats de l’Institut de valori-sation des données (IVADO) avantd’atterrir chez Element AI. Bienqu’elle se consacre désormais à unevariété de projets, le grand espoirqu’elle place dans l’IA réside toujoursdans son potentiel en matière de dé-veloppement durable.

«On n’a qu’une planète et des res-

sources limitées », souligne ValérieBécaert. Les mathématiques et les al-gorithmes constituent à ses yeux desclés pour faire les meilleurs choix àl’intérieur de cette contrainte. En ma-tière de changements climatiques, lesapplications pourraient se révéler ra-pides, selon elle. Comment? Notam-ment en intégrant l’IA dans leschaînes logistiques, les réseaux éner-gétiques et les outils de calcul d’émis-sions de GES.

Element AI poursuit d’ailleursl’élaboration d’un logiciel prédictifavec le Port de Montréal, afin de per-mettre aux camionneurs d’anticiperle temps d’attente aux différents ter-minaux où ils viennent charger et dé-charger la marchandise. L’entrepriseespère ainsi réduire la pollution gé-nérée par des véhicules coincés dansles embouteillages.

Des initiatives émergentD’autres initiatives commencent àémerger. Google a remis le systèmede refroidissement de ses centres dedonnées entre les mains de Deep-Mind, sa filiale d’IA. Cette dernière aannoncé en août 2018 que son outilavait engendré des économiesd’énergie de 30%.

« La rencontre entre l’IA et l’envi-ronnement est naturelle », af firmeMohamed Cheriet. Le professeur àl ’École des technologies supé-rieures (ETS) a quant à lui entraîné

des réseaux de neurones artificielsavec des données de consommationrésidentielle d’électricité. Il a ainsiréussi à prévoir, selon les momentsde la journée, les émissions de GESgénérées par des habitations avecun taux d’erreur d’à peine 2 % là oùl’électricité est principalement pro-duite à l’aide d’énergies fossiles. Cetoutil promet de favoriser des com-por tements écoresponsables, no-tamment dans le moment choisipour utiliser ses électroménagers.Le chercheur poursuit un autre pro-jet avec des capteurs mesurant laqualité de l’air à différents endroitsdans la métropole. Il souhaite en-suite passer ces informations « dansla moulinette de l’IA » pour trouverdes corrélations avec des statis-tiques de santé publique.

Certaines entreprises démarrentavec l’intention de mettre l’IA au ser-vice de l’environnement. C’est dumoins ce qu’affiche Horoma AI, fon-dée en 2017 par l’entrepreneur en sé-rie Yvan Ouellet, qui applique à ce do-maine les récentes percées en recon-naissance visuelle. À partir d’imagessatellites, la solution informatique del’entreprise dénombre en peu detemps les cimes, détermine leur hau-teur et identifie les espèces d’arbresassociées dans le but d’améliorer lagestion forestière. À l’aide d’imagescaptées depuis le ciel, elle peut aussicaractériser des milieux humides.

De l’océan aux champs, de la production d’énergie

plus verte à la mesure et à la réduction des émissions

de CO2, l’intelligence artificielle est déjà utilisée et

testée par plusieurs projets et entreprises qui cher-

chent des solutions de développement durable.

Coup d’œil sur ce qui se fait et sur ce qui s’en vient.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N NE T I E N N E P L A M O N D O N E M O N DC A T H E R I N E G I R O U A R D

Collaboration spéciale

L’IA dans la lutte contre leschangements climatiques

UNSPLASH

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La jeune pousse s’emploie en ce mo-ment à mettre au point des algo-rithmes pour mesurer la biomassed’un endroit, voire suivre son évolu-tion dans le cas d’étalement urbain.

Une rencontre à concrétiser« Il y a beaucoup d’initiatives, destart-ups, de chercheurs ou de pro-jets pour s’attaquer aux problèmesdes changements climatiques quiviennent de la communauté de l’IA,obser ve Valérie Bécaer t. Ce quinous empêche d’aller plus vite, c’estqu’ils n’ont pas nécessairement leréflexe de s’associer avec des ex-perts en environnement. »

De l’autre côté, on constate aussique des ponts demeurent à bâtir.Alors qu’il revoit sa programmationscientifique pour le cycle 2019-2025,le Centre interdisciplinaire de re-cherche en opérationnalisation du dé-veloppement durable (CIRODD) pré-voit d’inscrire la science des donnéescomme un axe central pour accélérerla transition énergétique et sociale.« Les chercheurs en environnementet en développement durable com-mencent, mais ont de la difficulté, àcomprendre comment travailler avecla science des données, signale LuceBeaulieu, directrice générale du CI-RODD. Ça ne peut changer qu’encréant des moments où on est capa-bles de s’asseoir entre chercheurs dedifférentes disciplines.»

C’est entre autres pour cette raisonqu’IVADO a organisé l’événement Lascience des données au service dudéveloppement durable, qui se dérou-lait le 22 mars à HEC Montréal.« C’est un secteur où il pourrait yavoir un impact tout aussi importantque dans le domaine de la santé et de

la médecine personnalisée, croitNancy Laramée, actuelle directricedes partenariats chez IVADO. Il fautjuste fédérer plus de personnes pourqu’il y ait plus de collaborations in-terdisciplinaires. » Elle indique néan-moins que certains changements lé-gislatifs seraient nécessaires pour in-citer divers acteurs à partager leursdonnées dans ce but commun, no-tamment en matière de transports.

De plus, l’environnement demeureun parent pauvre dans les investisse-ments en IA, reconnaissent tant Mo-hamed Cheriet que Valérie Bécaert.« S’il y a des projets qui se font, c’estparce que ça tient à cœur à certainespersonnes, mais il n’y a pas d’argentà faire là-dedans », souligne ValérieBécaert. Elle croit néanmoins quedes algorithmes ou des outils infor-matiques développés pour la financeou la logistique, par exemple, pour-ront ensuite être appliqués ou adap-tés à d’autres données à des fins deprotection de l’environnement.«C’est mon espoir», dit-elle.

DIAGNOSTIQUER LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Surveiller l’état de santé des écosystèmes revêt une impor-tance cruciale dans un contexte de développement durable et de pres-sion croissante exercée par l’humain sur l’environnement. Différentesespèces de micro-organismes sensibles aux changements qui affectentleur milieu sont utilisées comme bio-indicateurs pour le suivi de la qua-lité de l’environnement. Or, leur identification morphologique nécessitebeaucoup de temps et d’expertise. Des chercheurs de l’Université deGenève (UNIGE) ont ainsi développé une méthode qui allie la géno-mique et les outils d’apprentissage automatique pour explorer la biodi-versité microbienne des écosystèmes. Avant cela, certaines données nepouvaient être utilisées pour effectuer des diagnostics de santé des mi-lieux, bon nombre de séquences ADN n’étant pas référencées dans lesbases de données existantes. C’est pour exploiter la totalité des donnéesde génomique environnementale, soit l’ensemble de la biodiversité, queles équipes de l’UNIGE ont eu l’idée de recourir à un algorithme d’ap-prentissage automatique. H.R.-G.

L’ACCENT SUR L’IA AU SALON AMERICANA

Le plus grand événement environnemental multisectoriel enAmérique du Nord consacre trois conférences le 27 mars prochain à l’in-telligence artificielle. Les 10 000 participants de cet événement organisédurant trois jours au Palais des congrès de Montréal auront ainsi l’occa-sion d’en savoir plus sur l’IA appliquée à l’environnement et aux change-ments climatiques. Deux conférenciers viendront ensuite raconter com-ment ils changent le monde, un pas à la fois, grâce à l’IA. Antoine Heude,d’Envisol, entreprise de conseil et d’ingénierie pour la gestion des siteset sols pollués, expliquera comment les algorithmes prédictifs peuvent répondre à un besoin de gain de temps, d’argent et d’efficacité en classifiant en temps réel la composition chimique des déblais provenantd’un tunnelier. Quant à Nadia Koukoui, de Watergeeks, elle traitera del’IA dans l’industrie de l’eau, ou de la façon de faciliter le partage d’équi-pements devenus obsolètes pour certaines compagnies de pointe, mais tout à fait fonctionnels encore pour d’autres entreprises ou municipalités. H.R.-G.

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019 C 3INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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Et l’éthique?Si l’intelligence artificielle sou-

lève de nombreuses questionséthiques, comment pourrait-elles’avérer dangereuse si l’objectifconsiste à sauver la planète? «

La ligne est très fine entre sur-veiller l’environnement, surveil-ler les gens, surveiller nos ac-tions», rappelle à titre personnelValérie Bécaert. Comme quoi onne peut faire l’économie d’uneconversation sur une IA respon-sable, même lorsque les inten-tions sont des plus louables.

« S’il y a des projets qui se font,

c’est parce que ça tient à cœur à

certaines personnes, mais il n’y a

pas d’argent à faire là-dedans »

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019C 4 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Semblant tout droit sorti d’un film de science-fiction, le gratte-ciel flottant Heal-berg a été pensé par les architectes Luca Beltrame etSaba Nabavi Tafreshi, respectivement Italien et Iranien. Bien que saconception ne soit pas encore possible, il serait envisageable de levoir prendre forme en 2039, selon ses concepteurs, grâce aux avan-cées technologiques anticipées. Flottant sur l’eau, complètement autonome, produisant son électricité par éoliennes et centrales osmotiques — qui utilisent les différences de salinité entre les eauxdouces et salées pour alimenter une turbine —, le Heal-berg a étépensé dans un contexte de réchauffement climatique et de montéedes eaux. Les appartements du complexe ne seraient rien de moinsque des drones capables de se déplacer d’une partie du complexe àune autre, et un système de train souterrain relierait le bâtiment à la terre ferme. C.G.

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Récolter des données pour améliorer les récoltesL’intelligence artificielle transforme lestechniques agricoles. Coup d’œil sur troisinitiatives québécoises.

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

Une serre avec le pouce vertDes légumes qui poussent presqued’eux-mêmes chez soi à longueurd’année? Ce rêve pourrait bientôt de-venir une réalité. Du moins, le Cen-tre d’innovation en microélectro-nique du Québec (CIMEQ) s’affaireà le concrétiser. Le centre collégialde transfert technologique rattachéau cégep Lionel-Groulx, qui a déve-loppé une expertise dans les environ-nements connectés et les systèmesprédictifs, souhaite mettre au pointd’ici deux ans un prototype de serreintelligente de petit format. Le but ?Produire des légumes à domicile àmoindre coût. Si l’Internet des objetsoffre déjà des solutions pour l’ouver-

ture de volets, le contrôle de la tem-pérature et l ’ar rosage à des mo-ments précis, « on veut aller plusloin », assure Michel Chabot, direc-teur général du CIMEQ.

Le projet aura recours à des cap-teurs qui mesurent la température,l’humidité et l’éclairage, mais il devraaussi en concevoir d’autres, notam-ment pour analyser les sols et les mi-néraux. Pour maximiser les condi-tions de croissance, une plateformeinformatique sera développée afin detraiter l’ensemble des données et derendre la serre quasi autonome, no-tamment en arrosant d’elle-même lesplantes lorsqu’elle détectera unmanque d’humidité. « L’IA permettrade mieux contrôler les élémentspour les néophytes qui ne connais-sent pas bien l’agriculture», expliqueM. Chabot.

HEAL-BERG : UN GRATTE-CIEL INSPIRÉ DES ICEBERGS

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Beaucoup de travail reste à faire,mais les répercussions d’une telletechnologie pourraient être énormes,comme réduire le transpor t de lanourriture, améliorer la logistiquepour préserver des aliments et élimi-ner le gaspillage. Sans parler de lapossibilité de manger des légumesfrais à tout moment de l’année.

Prédire les rendementsagricolesQuelle quantité de tomates seracueillie la semaine prochaine ? Voilàle genre de question auquel l’intelli-gence artificielle (IA) développée parMotorLeaf pourrait répondre. Cettejeune entreprise montréalaise a crééune solution informatique pour pré-dire le rendement d’une serre une àtrois semaines à l’avance. Sa techno-logie répond à la demande d’agricul-teurs qui se retrouvaient à devoirverser des indemnités s’ils livraient àleurs clients moins de légumes quepromis ou à devoir vendre au rabais,voire à gaspiller, des surplus lorsqueleur production était supérieure auxattentes.

« Nous disons à nos clients quenous voulons toutes les donnéesqu’ils enregistrent », explique ScottDagondon, directeur de la section In-telligence ar tificielle chez Motor-Leaf. Leurs algorithmes détectentensuite les données qui se révèlentpertinentes ou non. Une fois entraî-née, l’IA envoie de manière automati-sée un rapport chaque semaine auxagriculteurs. L’entreprise califor-nienne SunSelect aurait ainsi dimi-nué de moitié les erreurs dans sesprédictions pour une serre d’unetrentaine d’hectares.

Cette IA devrait en théorie fonc-tionner avec tous les légumes culti-vés en serre, mais elle n’a pour l’ins-tant été expérimentée qu’avec descultures de tomates, de poivrons etde concombres. Après une cam-pagne de financement de 2,9 millionsde dollars en mai 2018, l’entreprisemontréalaise a signé en février der-nier un partenariat avec Cultilene,une filiale de l’entreprise françaiseSaint-Gobain spécialisée dans les

fournitures pour les serres. De quoiprévoir aussi des rendements pourMotorLeaf !

Des ruches connectéesLa technologie de Nectar essaimeradu quartier Griffintown jusque dansl’ouest de l’Amérique du Nord. Lajeune entreprise montréalaise a misau point un système qui permet decomprendre ce qui se passe à l’inté-rieur d’une ruche, sans avoir à l’ou-vrir et à perturber le cycle de travaildes abeilles. Des capteurs enregis-trent et transmettent les fréquencesdu bourdonnement, le poids de laruche, l’humidité et les variations detempérature. Des corrélations sontensuite établies grâce à ces donnéesà l’aide d’apprentissage machine su-per visée et automatique. L’intelli-gence artificielle permet ainsi de dé-tecter la mort d’une reine ou un es-saimage, afin d’aviser l’apiculteuravant que ces situations n’entraînentl’effondrement d’une colonie. Cettesolution a déjà été mise à l’essaichez une dizaine de clients et faitl’objet d’un projet au Centre de re-cherche en sciences animales deDeschambault.

Cet été, le Quartier de l’innovation(QI) installera plus d’une dizaine deces ruches connectées dans son La-boratoire à ciel ouvert de la vie intel-

ligente situé dans Griffintown. PourNectar, il s’agira d’un terrain de jeupour tester de nouveaux capteurs etcollaborer avec des universités par-tenaires du QI pour améliorer satechnologie. « On pourra se permet-tre plus de liber té et de créativitépar rapport à ce qu’on veut tester »,signale Marc-André Roberge, cofon-dateur de la jeune pousse.

En parallèle, les analyses de-vraient se raffiner, alors que Nectarprévoit la production de milliersd’appareils à partir de cet été. De re-tour d’une tournée dans l’Ouest ca-nadien, le Midwest américain et laCalifornie, où se concentre l’essen-tiel de la production de miel en Amé-rique du Nord, l’entreprise a garnison carnet de commandes. Ces nou-veaux clients signifient une entréemassive de données, qui permettra àl’entreprise de réaliser un apprentis-sage profond. Peut-être que Nectararrivera ainsi à mieux comprendrele comportement des abeilles… et àmieux assurer leur survie.

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019 C 5INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

« L’IA permettra de mieux

contrôler les éléments

pour les néophytes qui ne

connaissent pas bien

l’agriculture »

ISTOCK

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019C 6

Voir clair dansle rôle de l’eauPercer les secrets des interactions entre l’eau et les écosystèmes pour mieux conserver le territoire?

Une idée brillante.

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

EXPLOITATION MINIÈRE

Voir le solautrementGeolearn se spécialise dans ladescription automatisée decarottes de forage parintelligence artificielle ainsi que dans l’intelligence artificielleappliquée aux sciences de laTerre en général. Comment les domaines minier, pétrolier et environnemental peuvent-ils bénéficier de ces nouvelles technologies ?

La start-up Geolearn a été fondée par des doctorants du professeur

Erwan Gloaguen. En appliquant l’intelligence artificielle (IA) au do-

maine minier, l’entreprise permet aux sociétés minières d’optimiser

leurs procédés d’exploitation des ressources de la Terre. Exemple

novateur de synergie industrie-recherche, le laboratoire du profes-

seur Gloaguen et Geolearn partagent les mêmes locaux à l’Institut

national de recherche scientifique (INRS).

C H A R L E S - É D O U A R D C A R R I E R

Collaboration spéciale

D’ un point de vue historique,tout ce qui touche à la Terre

est interprété par des géologues.Ces experts observent la matière ense basant sur les textures, les cou-leurs, l’arrangement des cristaux,les minéraux qu’ils notent, etc. Ceraisonnement basé sur l’informationantérieure des descriptions géolo-giques et l’expérience du géologuepermet de tirer des conclusions.« Avec l’IA, nous pouvons reproduirece raisonnement à partir de la numé-risation des connaissances acquisespar les experts géologues, automati-ser les processus redondants, stan-dardiser les approches, limiter lesbiais de l’utilisateur et aller encoreplus loin dans l’analyse, explique

Martin Blouin, cofondateur de Geo-learn. Il y a beaucoup d’informationqui est perdue. Nous pouvons main-tenant modéliser toutes ces donnéesavec des processus liés à l’intelli-gence artificielle. »

Sur le terrain, de l’exploration mi-nière jusqu’à la production et la ges-tion des déchets, ces données nonrecueillies ou écartées parce qu’ellesdemandent des analyses trop pous-sées pour être utilisables intéressentGeolearn. En les décortiquant, onsouhaite optimiser les procédés deschaînes d’exploitation et en fin decompte réduire l’empreinte environ-nementale des projets dans une in-dustrie encore bien conservatrice.

Consolider le rôle du géologuePar exemple, à partir des photos descarottes de sol, les logiciels de Geo-

L’IA POUR RÉDUIRE LE RECOURS AU DIESELQuand doit-on recourir à l’énergie fournie par une centrale audiesel, à celle générée par une éolienne et à celle emmagasinée

en réserve? Hussein Ibrahim, directeur de la recherche et de l’innovationau Cégep de Sept-Îles et de l’Institut technologique de maintenance indus-trielle (ITMI), fait appel à l’intelligence artificielle pour répondre à ce genrede questions dans le but d’optimiser les réseaux électriques avec plusieurssources d’énergie. Il se concentre sur les enjeux rencontrés dans les régions éloignées, où les sites miniers et les villages autochtones restentsouvent alimentés par des centrales au diesel énergivores et coûteuses àexploiter. «En ajoutant une éolienne, on voyait un gain dans la réduction de la consommation de diesel. Mais en intégrant en plus un algorithme quianalyse des données pour prendre des décisions intelligentes, on voyaitd’autres gains», assure-t-il après avoir effectué des simulations avec desdonnées de deux villages du Nord-du-Québec. Et les données sont nom-breuses: une éolienne en produit à elle seule près de 200 chaque seconde!C’est pourquoi l’IA est ici tout indiquée pour prendre les meilleures déci-sions en tenant compte en temps réel des multiples contraintes, surtoutavec des énergies renouvelables qui fluctuent en raison de la météo. «Onveut aussi anticiper les défaillances», ajoute-t-il. Il espère, par exemple, quel’IA permettra de commander une pièce de rechange d’avance et de prédirele moment où la sollicitation de l’éolienne sera moins grande pour planifierson installation. E.P.E.

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De gauche à droite : Erwan Gloaguen, Martin Blouin, Véronique Prince et Lorenzo Perozzi.INRS

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019 C 7

Visitez nectar.buzz

Ce printemps, Nectar inaugure l’ouverture de son laboratoire de recherche sur la surveillance des ruches d’abeilles qui consiste en un site urbain situé en plein coeur de Montréal. Les ruches d’abeilles qui y sont installées seront totalement dédiées à l’étude des méthodes de détection de comportements spécifiques qui sont critiques à l’état de santé des ruches. Nectar développera en particulier une méthode d’évaluation de la force d’une ruche en temps réel et à distance. La force d’une ruche est une information clé de l’efficacité d’une colonie à polliniser.

Ce projet de recherche se fait en partenariat avec le milieu académique, le Laboratoire à ciel ouvert de la vie intelligente et le programme ENCQOR.

Les technologies qui y seront développées seront exploitées par Nectar pour améliorer ses services de gestion des ruches d’abeilles et donc, en conséquence, de contribuer à la diminution du taux de mortalité des abeilles à miel.

Des abeilles plus en santé et productives grâce aux recherches en intelligence artificielle. Un projet mené par Nectar, startup montréalaise membre d’IVADO.

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

learn sont en mesure de faire de pre-mières prédictions de leurs caracté-ristiques géologiques, un travail longet fastidieux jusqu’à maintenant ré-servé aux géologues. «En le libérantde cette première étape, l’expertisedu géologue est mieux utilisée. Ilpeut se concentrer sur la roche nou-velle et faire de l’interprétation plusapprofondie. C’est pourquoi il estcrucial que le géologue demeuredans le processus, assure Mar tinBlouin. Ce sont des outils que lesspécialistes sur le terrain doivents’approprier pour être en mesure demieux les intégrer à leur travail et entirer le plein potentiel. »

Pour atteindre son objectif de ré-duction de l’empreinte des travauxminiers, l’entreprise de Québec es-père une planification des foragesplus efficace, limitant les émissionset les impacts sur les sites exploités,qui verront leur quantité de résidusminiers acides diminuer. « Le déve-loppement de gisements miniers aumauvais endroit à cause d’interpréta-tions erronées n’est pas rare, re-marque l’entrepreneur. Nous n’avonspas la réponse à tous les problèmes,mais avec l’intégration de données,l’analyse prédictive et la visualisationaméliorée, nous faisons cer taine-ment partie de la solution.»

La cohabitation en laboratoireÀ l’INRS, on a permis à l’équipe departager des locaux avec le professeurErwan Gloaguen, qui consacre ses re-

cherches à l’assimilation des donnéespour améliorer la connaissance dessols, pour des applications environne-mentales, minières et pétrolières.C’est d’ailleurs dans ce laboratoireque Martin Blouin, Lorenzo Perozzi etAntoine Caté ont développé l’ap-proche technologique de Geolearnlorsqu’ils y étaient étudiants au docto-rat ou chercheurs postdoctoraux. Leprofesseur Gloaguen est d’avis que lelien privilégié entre la sphère scienti-fique et la sphère commerciale esttrès positif.

«Même si nous pouvions très bienvivre de façon indépendante, la listedes bénéfices mutuels est longue. Tra-ditionnellement, le professeur estdans sa tour d’ivoire, seul dans son bu-reau. Ici, ça nous garde en contact rap-proché avec le milieu et le partaged’expérience nous fait grandir mutuel-lement. Quant aux étudiants, c’estpour eux la preuve que l’on peut à lafois faire de la recherche, créer sa pro-pre entreprise et avoir un impact posi-tif sur l’environnement. C’est très mo-tivant», explique celui qui est mainte-nant conseiller scientifique pour l’en-treprise sans toutefois y avoir d’inté-rêts financiers.

Le maillage entre la recherche etl’industrie dans le domaine miniersemble aussi être très bénéfique pourGeolearn. «Bien que d’un point de vuescientifique, nous avons des ambitionscommerciales, le fait d’être en contactconstant avec la recherche nous per-met de préserver une avance dans nos

ef forts de recherche et développe-ment », note Martin Blouin. L’entre-prise profite aussi de cette proximitépour donner un coup de pouce auxétudiants qui souhaitent ajouter un vo-let d’apprentissages automatiques àleurs travaux. De surcroît, Geolearncontribue à créer une main-d’œuvrequi comprend les enjeux liés à l’envi-ronnement, mais qui est tout aussiqualifiée en intelligence artificielle.« Dans un contexte de pénurie demain-d’œuvre, poursuit Mar tinBlouin, ce contact privilégié avec lesétudiants est un net avantage.»

Le futur de l’IA etl’environnementUn mariage réussi est à prévoir entreles technologies d’intelligence artifi-cielle et l’environnement, croit le pro-fesseur Erwan Gloaguen : « L’IA a lepotentiel d’optimiser les ressources,de maximiser les profits et de limiterl’impact environnemental dans diffé-rentes sphères des sciences de laTerre. Mieux exploiter les res-sources permet aussi de réduire lescoûts de restauration des sites. Desmilliers de gigaoctets de donnéesnon utilisées peuvent être décodésgrâce à des algorithmes puissantspour faire des prédictions et mieuxpenser les efforts d’exploitation. Les

boîtes noires que sont les algo-rithmes d’apprentissage profond dé-veloppés par le MILA (Université deMontréal), Google ou Facebook lefont déjà avec nos données numé-riques sur le Web. Pour l’environne-ment, cela consiste à adapter cesboîtes noires qui compilent et traitentdes informations environnementalesdans le but d’aider les gestionnaires àprendre de meilleures décisions.»

Du côté de Geolearn, les ambi-tions technologiques de l’entreprisene se limitent pas au domaine minier.D’autres secteurs sont à développerpour cette jeune équipe, pour qui lagestion optimale des ressources dela Terre n’est pas qu’un avantageconcurrentiel, c’est un devoir quetous, gouvernement, gestionnaireset chercheurs, doivent prendre ausérieux.

« L’IA a le potentiel d’optimiser

les ressources, de maximiser

les profits et de limiter l’impact

environnemental dans

différentes sphères des

sciences de la Terre »

Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependant pas

de droit de regard sur les textes. La rédaction du Devoir n’a pas pris part à la production de ces contenus.

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 MARS 2019C 8

CONCORDIA .CA/IA

LES DAEMONS EXISTENT Comment pouvons-nous exploiter l’intelligence artificielle des inforobots, des assistants virtuels et des algorithmes qui régissent notre vie quotidienne?

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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