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LES SERVICES HISTORIQUES SIX-ASSOCIÉS Luxure et ivrognerie La vie nocturne à Québec au xix e siècle Septentrion CIRCUIT HISTORIQUE Extrait de la publication

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LES SERVICES HISTORIQUES SIX-ASSOCIÉS

Luxure et ivrognerieLa vie nocturne à Québec au xixe siècle

Septentrion

CIRCUIT

HISTORIQUE

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Chargée de projet : Sophie ImbeaultRévision : Solanges DeschênesCoordination : Marie-Ève OuelletRédaction et relecture : Catherine Ferland et Marie-Ève OuelletRecherche documentaire et iconographique : Maria Allen Demers, Vicky Boulay, Pierre-Marc Breton, Mathieu Bureau Meunier, Andréanne Cantin, Annie Labrecque, Andréanne Lafrance, Andrée-Anne Plourde, Mathieu Rancourt, Serge Roulier-Simard, Sarah Vachon-Bellavance, Catherine Ferland et Marie-Ève Ouellet.Photographie de la couverture : Jean-Philippe CôtéPhotographies du trajet : Benoit BordageMise en pages : KX3 Communication inc.

Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l ’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion1300, av. MaguireQuébec (Québec)G1T 1Z3

Diffusion au Canada :Diffusion Dimedia539, boul. LebeauSaint-Laurent (Québec)H4N 1S2

Dépôt légal :Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013ISBN papier : 978-2-89448-736-5ISBN PDF : 978-2-89664-771-2ISBN epub : 978-2-89664-772-9

Ventes en Europe :Distribution du Nouveau Monde30, rue Gay-Lussac75005 Paris

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Luxure et ivrognerieLa vie nocturne à Québec au xixe siècle

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L’élaboration d’un circuit historique est un travail d’équipe et je m’en voudrais de passer sous silence la contribution essentielle de chacun.

Présenté depuis le début des années 2000 sous forme de visite guidée, le circuit Luxure et ivrognerie a été entièrement repensé en 2011 dans le cadre du cours Activité d’intégration et de transition : élaboration d’un circuit d’interprétation historique. Mes premiers remerciements s’adressent donc à la professeure Aline Charles, du Département d’histoire de l’Université Laval, pour avoir initié cette collaboration inédite et montré qu’histoire universitaire et appliquée peuvent faire bon ménage. Aux étudiants stagiaires du cours, merci pour votre créativité et votre enthousiasme et félicitations pour la qualité de vos recherches ! Merci au personnel du Centre d’archives de Québec de BANQ,

REMERCIEMENTS

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qui nous aura permis de débusquer des trésors d’archives.

À la relecture des manuscrits, un grand merci à Catherine Ferland : ta générosité et ton dynamisme auront permis d’aller encore plus loin ! Merci égale-ment aux guides de la compagnie pour leur précieuse expérience de terrain. Pour les photos passées et pré-sentes, merci à Jean-Philippe Côté, Benoit Bordage, Yannick Cormier de la Sûreté du Québec et Maxime Chouinard du Morrin Centre. Merci au CIEQ pour sa généreuse contribution, particulièrement Philippe Desaulniers à la cartographie.

Merci enfin à l’équipe des éditions du Septentrion pour leur implication dans le projet.

Sans oublier Émilie et Benoit, mes indispensables.

Sur ce, bonne visite !

Marie-Ève OuelletPrésidente

Les Services historiques Six-Associés

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PRÉAMBULELieu : Porte Saint-Louis (extérieur des remparts)

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ous sommes à Québec en 1870. La ville est en pleine transformation. La population, qui a

augmenté de manière importante tout au long du xixe siècle grâce à l’immigration, est maintenant d’environ 60 000 personnes. De nombreux journaliers irlandais et commerçants britanniques ont quitté la ville, en raison de la diminution des activités portuaires. En revanche, beaucoup d’habitants des campagnes sont venus s’installer à Québec pour travailler dans les manufactures : les secteurs du cuir et des souliers fournissent beaucoup d’emplois, particulièrement à la basse-ville. Plusieurs femmes ont décidé de venir ici pour travailler comme couturières ou domestiques, et d’autres pour entrer dans les ordres religieux. En ce moment, il y a d’ailleurs plus de femmes que d’hommes à Québec.

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Pendant longtemps, certains quartiers ont eu une réputation plutôt douteuse. Les nuits étaient agitées, alors les patrouilles de rues étaient vraiment nécessaires. Heureusement, grâce à de nouveaux règlements municipaux et à bien des améliorations, Québec est devenue une ville plus sûre, moderne et industrieuse. En cette année 1870, la ville s’apprête cependant à vivre un grand changement : la province de Québec fait maintenant partie de la Confédération et le Canada devra former sa propre armée. La garni-son britannique va donc quitter Québec en 1871 pour retourner en Grande-Bretagne. Jusqu’à présent, les soldats assuraient la sécurité de la ville, entre autres en surveillant les portes des remparts et en patrouil-lant dès le coucher du soleil. Dorénavant, ce sera la responsabilité du service de police uniquement de faire des rondes de nuit, de 7 h du soir à 5 h du matin.

Le travail des policiers n’est pas de tout repos. Une faune agitée anime les nuits de 1870… Durant cette visite, vous arpenterez des lieux marquants de la vie nocturne de Québec. Au détour des sites oubliés des théâtres, des tavernes et des maisons closes, vous découvrirez des détails croustillants sur les mœurs du temps. Suivez le guide !

Commencez la visite en traversant la porte Saint-Louis vers l’intérieur des remparts. Placez-vous au pied de l’escalier de la porte

Saint-Louis (trottoir de gauche), en faisant face aux fortifications.

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STATION 1 : PRÉPARATION DE LA VILLE À LA NUIT

Lieu : Porte Saint-Louis, intérieur des remparts

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Fermeture des portes de la ville

Ce que vous venez de traverser, c’est une porte qui fait partie de tout un système de remparts de pierre. Vous savez que Québec n’est pas une cité comme les autres : c’est une ville fortifiée. Pour contrôler les allées et venues et assurer la sécurité des habitants, on doit maintenir une présence à toutes les ouver-tures. En temps de paix – comme en ce moment, en 1870 –, tout le monde peut circuler librement à l’heure qui lui plaît. Mais, lorsque les militaires sentent une menace planer sur Québec, on ferme les cinq portes de la ville pour la nuit. C’est ce qui s’est passé dans les années 1865-1867 lorsque les Fénians ont franchi la frontière pour tenter d’envahir le Canada. Ce groupe d’Irlandais américains qui militait pour l’indépendance de l’Irlande avait mis la ville de Québec en état d’alerte pendant quelque temps !

Porte Saint-Louis, vers 1870.

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Autrefois, la fermeture des portes à la tombée de la nuit était un problème pour les habitants des faubourgs Saint-Roch et Saint-Jean, car elle les empê-chait d’avoir accès rapidement à du secours pendant la nuit. La plupart des médecins et des prêtres habitent en effet à l’intérieur des fortifications et c’est égale-ment là qu’on garde l’équipement contre les incendies.

Les habitants des faubourgs ont donc com-mencé dès 1799 à faire des pétitions auprès des autorités pour qu’on maintienne ouvertes les portes Saint-Jean et du Palais. Ils ont fini par obtenir ce qu’ils voulaient après quarante ans de pétitions ! En 1839, on a repoussé l’heure de la fermeture des portes à 23 h pour les voitures et à minuit pour les piétons. Dès l’année suivante, on a décidé de lais-ser le libre passage aux piétons. En 1870, cela fait donc déjà trente ans que les gens peuvent circuler librement à pied, à toute heure du jour ou de la nuit. La séparation entre voitures et piétons est facilitée à certaines portes de la ville par des passages réservés à chacun. Ce n’est pas le cas de la porte Saint-Louis où vous vous trouvez, mais on retrouve ces pas-sages à la nouvelle porte Saint-Jean, terminée en 1867. Depuis quelques années, certains habitants de Québec remettent cependant en question l’utilité même des fortifications de la ville : les marchands et les commerçants aimeraient qu’on les démolisse, purement et simplement. Ils prétextent que les rem-parts entravent la circulation et le commerce, donc que cela nuit aux affaires.

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Porte Saint-Jean, vers 1870.

Quartier Vieux-Québec - Angle des rues D’Auteuil et Saint-Jean, vers 1870. On voit à l’avant-plan à droite le haut d’un lampadaire de rue.

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Éclairage des rues de Québec

Si les déplacements sont maintenant facilités par un accès libre aux portes, il faut cependant admettre que leurs abords, remplis de coins sombres, ont long-temps été reconnus comme des repaires de bandits et d’ivrognes. Il a donc fallu rendre la ville plus sécu-ritaire en instaurant un système d’éclairage : cela s’est fait progressivement. En 1802, les autorités civiles ont fait passer un règlement obligeant les tenanciers d’hôtels, d’auberges et de tavernes à garder à leur porte une lampe allumée du crépuscule jusqu’à mi-nuit. Puis, en 1818, la Chambre d’assemblée a adopté une loi pour créer un corps du guet et de l’éclairage qui avait pour tâche d’installer et d’allumer des flam-beaux dans les principales places et artères de la ville au début de la nuit. Le manque de lumière n’est tou-tefois pas le seul danger : le fossé qui borde les rem-parts cause aussi parfois des accidents. C’est d’ailleurs ce qui a poussé en 1831 les autorités militaires à ins-taller des lanternes près des portes des fortifications : deux soldats ivres seraient tombés dans le fossé une nuit de l’année précédente, se blessant et embarras-sant la garnison.

Depuis 1849, les rues de Québec sont dotées d’éclairage au gaz de charbon. Les lampadaires s’allu-ment au début du couvre-feu, offrant une lumière blanche et claire, plus nette que l’ancien éclairage à l’huile. Cet excellent éclairage a permis de diminuer l’agitation nocturne et de rendre les rues beaucoup plus sécuritaires, puisque la lumière donne aux criminels le sentiment d’être davantage surveillés.

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Même si les voies publiques sont maintenant bien éclairées, il est quand même fortement conseillé de sortir avec une lanterne. Sans lumière, une personne de qualité risque d’être prise pour un individu aux intentions louches.

Si en 1870 les rues de Québec sont plus sûres qu’auparavant, il y a encore des secteurs où, à la tom-bée de la nuit, on risque de voir surgir des vagabonds, des ivrognes, des bandits et des prostituées. La pro-chaine station vous permettra de découvrir des quar-tiers malheureusement réputés pour leurs maisons malfamées.

En été : empruntez l’escalier de la porte Saint-Louis pour atteindre la promenade des remparts.

En hiver : retournez sur vos pas sous la porte Saint-Louis jusqu’à l’avenue Honoré-Mercier. Tournez à droite et arrêtez-vous près de la fontaine de Tourny.

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Nous ne le voyons pas très bien lorsqu’il fait nuit, mais en 1870 il est possible en plein jour d’apercevoir le quartier Saint-Jean-Baptiste à partir des remparts. À la fin de la journée de travail, dès la tombée de la nuit, le quartier s’anime alors que les nombreux cabarets et bordels ouvrent leurs portes.

STATION 2 : PROSTITUTION DANS LES MAISONS CLOSES

Lieu : Promenade des remparts sur la porte Saint-Louis

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En 1870, les maisons closes sont situées surtout à l’extérieur des murs de la ville, dans les quartiers ouvriers de Saint-Roch et Saint-Jean-Baptiste. On ne connaît pas leurs adresses exactes car, depuis la nouvelle réglementation de 1866, elles ne sont plus autorisées à être visibles de la rue, contrairement à plusieurs villes de France où les lupanars sont identifiés par une lanterne rouge placée dans leurs fenêtres durant la nuit. Dans le quartier Saint-Roch, on trouve des bordels principalement sur les rues de la Reine, Saint-Joseph, Sainte-Marguerite et Octave, tandis que ceux du quartier Saint-Jean-Baptiste sont concentrés sur les rues D’Aiguillon, Richelieu, Saint-Olivier, Sainte-Geneviève et Richmond. Heureusement, il n’y a presque plus de maisons closes dans les quartiers bourgeois, ce

Quartier Saint-Jean-Baptiste vers 1870 : à l’avant-plan, l’église et l’école Saint-Jean-Baptiste, au second plan, le quartier Saint-Roch et la rivière Saint-Charles.

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qui est une bonne chose car la prostitution nuit à la tranquillité des familles respectables et à la réputation des commerces honnêtes.

Dans les années 1850, des pétitions circulaient pour se plaindre du trop grand nombre de maisons malfamées… car force est d’admettre que le bruit et l’agitation autour de ces établissements ont tendance à troubler la paix du voisinage. Certaines personnes demandaient même l’interdiction pure et simple des bordels. Il faut dire qu’on en trouve beaucoup à Québec. Pendant un débat au conseil de ville en 1865, le conseiller Langlois a estimé qu’il y avait au moins 600 maisons de débauche dans les quartiers populaires de la ville.

DÉSORDRE ET TAPAGE SUR LA RUE DU ROIAu début de 1850, Baptiste Lavoie et son épouse tiennent une maison très mouvementée située sur la rue du Roi, dans la paroisse Saint-Roch de Québec. Par un beau samedi soir du début du printemps, une douzaine d’hommes et de femmes, rassemblés dans cette maison, ont passé la nuit à boire, chanter, crier et se battre jusque vers quatre heures du matin, empêchant les voisins de dormir. Excédés, des citoyens ont officiellement porté plainte devant la Cour des sessions de la paix, dénonçant les gens de mauvaise vie qui la fréquentent. On ne sait pas exactement comment l’affaire s’est terminée, mais les tenanciers ont apparemment évité la prison.

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Devant les plaintes de plus en plus nombreuses des citoyens, la ville n’a pas eu le choix de réagir. Plutôt que d’interdire complètement les bordels, les autorités municipales ont voté des règlements plus stricts pour encadrer leurs activités. Le « règle-ment 206 concernant les maisons de prostitution, mal famées, déréglées ou réputées telles » a été adopté le 10 août 1866 afin d’imposer plus de contraintes aux tenanciers.

Depuis quatre ans, il est donc interdit de tenir une maison close dans une rue, une ruelle ou une place publique située à proximité d’un lieu de culte (église ou chapelle), d’un couvent, d’une communauté religieuse ou d’une école. Les établissements mal famés ne doivent pas se retrouver dans un rayon de deux arpents de ces établissements respectables. Les fenêtres des bordels doivent en outre être totalement recouvertes de jalousies fixes, en bois ou en fer, pour éviter qu’on puisse voir à l’intérieur. Ainsi, en 1870, la moralité publique est mieux protégée contre le vice.

Les tenancières

Les tenancières des bordels sont souvent d’anciennes prostituées canadiennes-françaises ou irlandaises qui vivent dans les quartiers populaires. Elles gèrent les maisons de débauche et veillent à la sécurité des prostituées en tentant de faire respecter les règlements de la ville. Les prostituées doivent remettre une partie de l’argent qu’elles gagnent à la tenancière, en échange de sa protection.

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En vertu du règlement 206 adopté en 1866, les tenancières doivent non seulement s’assurer que leur établissement est conforme aux directives munici-pales, mais aussi que leurs pensionnaires demeurent discrètes. En effet, les propriétaires des bordels sont considérées responsables du comportement des prostituées qui travaillent dans leur maison. Aucune de leurs « employées » ne peut se tenir dans la porte, dans l’embrasure de la porte, sur le seuil, sur les marches ou le perron, ni même sur le trottoir, la rue, la ruelle ou la place publique à proximité du bordel. La sollicitation, que ce soit par des gestes ou des paroles, est également interdite. Il est prévu que toute infraction contre les dispositions du règlement 206 sera punie par une amende n’excédant pas cent piastres. À défaut du paiement de l’amende et des frais de poursuite, la tenancière peut être condamnée aux travaux forcés pendant quelques mois à la prison commune du district de Québec. On ne badine pas avec la moralité publique, en 1870.

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Bien sûr, les règlements ne sont pas toujours suivis à la lettre et la police doit parfois intervenir lorsque les maisons closes nuisent à la tranquillité d’un quartier. Les hôteliers eux-mêmes jouent un rôle important dans la dénonciation de la prostitution. Heureusement, la qualité du maintien de l’ordre par les services policiers s’est beaucoup améliorée au cours des dernières années. En 1870, les policiers veillent à la sécurité des rues durant leurs rondes de nuit et arrêtent les fauteurs de troubles, qu’il s’agisse de prostituées ou de vagabonds de toutes sortes. Rendez-vous à la prochaine station pour en connaître plus sur ces agitateurs nocturnes.

LA TURBULENTEMAISON D’ADÉLINE LACHANCE

En octobre 1864, la Cour des Sessions de la Paix reçoit la plainte formulée par François-Xavier Chevalier, résident, et Louis Bernard, hôtelier du quartier Saint-Jean-Baptiste, à l’endroit d’Adéline Lachance, tenancière d’une maison malfamée de la rue Richmond. L’établissement est devenu une véritable nuisance pour le voisinage, en raison du bruit et des batailles qui s’y produisent en pleine nuit. La tenancière est mineure, ce qui est assez inhabituel, et de surcroît elle est bien connue des policiers… En effet, Mlle Lachance a été incarcérée à deux reprises en 1860 et 1861, pour cause d’assaut, obstruction et bagarre. Elle parvient, cette fois, à éviter la geôle.

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