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L E S SOCIÉTÉS SECRÈTES KT LA SOCIETE ou PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE CONTEMPORAINE PAR N. DESCHAMPS TOME TROISIÈME NOTES ET DOCUMENTS RECUEILLIS Par M. Claudio JANNET AVIGNON SEGUIN FRÈRES 1M PRIMEURS-ÉDITEURS 13 — rue Bouquerie — 13 PARIS OUDIN FRÈRES ÉDITEURS 51 — rue Bonaparte — 51

Les sociétés secrètes et la société (tome 3)

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L E S

SOCITS SECRTESKT

LA

SOCIETEou

PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE CONTEMPORAINE PAR N . DESCHAMPSTOME TROISIME

NOTES

ET

DOCUMENTSRECUEILLIS

Par M. C l a u d i o

JANNET

AVIGNON

PARIS

SEGUIN

FRRES

OUDIN

FRRES

1M PRIMEURS-DITEURS

DITEURS

1 3 rue Bouquerie 1 3

51 rue Bonaparte 51

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LES

SOCITS SECRTESET

LA

SOCIT

AVIGNON.

IMPRIMERIE SEGUIN

FRERES.

PRFACE DU

TOME TROISIME

Les notes et documents, que nous publions aujourd'hui, forment le complment de l'ouvrage du Pre Deschamps. Fidles sa pense, autant qu'il tait en nous, nous n'avons cess de recueillir les aveux et les tmoignages, mans des sources les plus diverses, qui, dans ces dernires annes, sont venus confirmer ses apprciations et ses rcits. Les Mmoires du prince de Metternich, les rvlations si curieuses de M. Diamilla Muller sur les relations de Victor Emmanuel avec Mazzini et Napolon III sont, pour ne citer que deux exemples, des sources d'information, qu'on ne peut dsormais ngliger sous peine de rduire l'histoire la reproduction des journaux officiels. Nous avons galement suivi, jour par jour, les traces de la part prise par la Franc-Maonnerie la grande lutte engage contre l'Eglise en Espagne, en Italie, en Belgique et surtout dans notre France. La place qu'elle tient ostensiblement dans le gouvernement de la troisime rpublique, la pntration de toutes les formes de la vie sociale laquelle elle se livre sous nos yeux, ne confirment que trop les dductions tires par le pre Deschamps, avec tant de perspicacit, de l'analyse des principes intrieurs de la secte. La mesure de son action et ses procds varient cependant

II

PRFACE

selon les diffrents pays. Le temprament particulier des peuples y apporte des modifications, que Pobservateur impartial doit constater. Aussi avons-nous consacr dans ce volume une srie de chapitres aux socits secrtes en Angleterre) aux tats-Unis, au Canada, en Irlande, au Brsil et dans les rpubliques de l'Amrique du Sud. Nous les avons tudies aussi dans les vnements d'Orient. Enfin nous avons saisi leurs manifestations extrmes dans les rcents attentats des Anarchistes. Nous le rptons encore une fois, voir exclusivement la Maonnerie dans les vnements de l'histoire moderne, serait dpasser les conclusions lgitimes de ces tudes ; la vie des peuples est trop complexe pour que tout y puisse tre ramen une cause unique ; mais le travail souterrain des socits secrtes n'en a pas moins t, certains moments, un facteur tellement important dans le grand assaut livr l'glise, qu'on ne peut en faire abstraction. Et il ne s'agit pas ici seulement d'une apprciation purement historique. Les gens de bien, qui, pour ne pas rompre avec des routines vieillies de parti ou avec d'anciennes habitudes de penser, persisteraient ne pas tenir compte de cet lment si important dans la vie sociale de ce sicle, se placeraient volontairement dans l'impuissance de ragir efficacement contre le mal, dont ils dplorent les effets. L'autorit de l'ouvrage les Socits secrtes et la Socit, est aujourd'hui consacre, pouvons-nous dire, par les hautes approbations qu'il a obtenues dans l'piscopat et dans le monde politique. On en jugera en lisant quelques-unes des lettres que NN. SS. les vques ont daign nous adresser l'occasion de sa deuxime dition. Mais nous avons t particulirement encourags continuer ces travaux par l'insistance que Sa Saintet Lon XIII, depuis le commencement de son glorieux pontificat, a mise signaler

PRFACE

III

aux princes le grave danger que les sectes font courir la socit civile, et avertir les peuples des desseins occultes cachs sous les formules spcieuses de libert et d'mancipation. S'adressant, en fvrier 1882, aux prdicateurs de la station de carme, Lon X I I I a port sur le mouvement gnral des temps ce grave jugement, qui, ce nous semble, confirme d'une manire saisissante la donne gnrale de l'ouvrage du Pre Deschamps :

Aujourd'hui, remarquez-le bien, l'incrdulit et la corruption, qui sont les premires sources de tout dsordre civil et moral, ne drivent pas seulement de l'ignorance et de l'assouvissement des passions, mais vritablement elles sont plutt le fruit de cette guerre implacable et froce, que les sectes ont dclare Jsus-Christ et son glise, dans le but impie de l'anantir et de la dtruire, si c'tait possible. Aujourd'hui, en effet, c'est par un dessein prmdit, avec une rsolution ferme et arrte et par toutes sortes de moyens que Ton attaque les vrits de la foi, que l'on propage les plus criminelles doctrines et que Ton fomente les plus vils apptits.Or* ne saurait trop mditer ces paroles. Elles font justice de l'erreur de ceux qui attribuent la situation critique de la socit contemporaine exclusivement aux abus de l'ancien rgime dans sa dcadence, aux dfaillances coupables ou aux fautes politiques de certains princes. Il y a autre chose l'origine du mal immense qui, comme un nuage pestilentiel, enveloppe le monde chrtien l'heure prsente. L'action systmatique des sectes a exaspr toutes les souffrances; elle a empch tous les remdes ; elle a ramass en un fais-

IV

PRFACE

ceau formidable toutes les passions et toutes les convoitises, que le pch d'origine surexcite incessamment dans Thumanit dchue. Ces sectes sont elles-mmes les instruments d'une action plus profonde. Un illustre religieux, dota Guranger, dans son livre le ralisme tienne, en montrant la part prpondrante que Natudans Vhistoire, a maintenu la grande tradition chrl'lment

surnaturel de la grce divine avait eue dans la constitution de la socit chrtienne et en remettant au second plan, sans pour cela en nier la porte, les causes politique^ et sociales qui avaient concouru ce prodigieux renouvellement du monde. De mme, l'autre face de l'histoire, celle o se droule la suite des attaques contre l'glise et l'enchanement des hrsies, reste incomprise et inintelligible, si on ne place en premire ligne l'inspiration intrieure que les sectes modernes, comme les anciennes, reoivent du pre de tout mensonge, de celui qui fut homicide ds le commencement. Non, les haines de la Franc-maonnerie ne sont pas purement humaines, et, aprs le nouveau tableau que nous allons en tracer, on redira avec plus de conviction encore le mot lumineux de Joseph de Maistre : La Rvolution Le libralisme, est satanique / et son qui limine de ses calculs l'influence de ce

moteur cach, est l'expression politique du rationalisme^ fausse conception de l'ensemble des choses humaines.

impuissance dominer les vnements est la consquence de sa Nous n'insisterons pas davantage sur ces considrations : elles trouveront en tte de ce volume un dveloppement magistral dans la lettre qu'a bien voulu nous adresser Mgr Gay, le digne collaborateur du grand cardinal de Poitiers. Paris, 11J mars 1883.

L E T T R E S U R LA. F R A N C - M A O N N E R I EP a r M g r F A V A , v o q u e de G r e n o b l eAux rdacteurs de la Revm catholique des institutions et du droit

k l'occasion du livre du P. Desohamps et de M. Claudio Jannet (1)

MESSIEURS,

Plusieurs fois, vous avez bien voulu me demande? de vous adresser, pour votre excellente Revue, dont s'honore mon diocse, quelque article sur la Franc-Maonnerie. Aujourd'hui, je trouve, pour rpondre votre invitation, une occasion telle, qu'il m'est impossible de vous faire attendre plus longtemps. M. Claudio Jannet, votre savant ami, et aussi le mien, a eu l'attention de m'adresser l'ouvrage du R. P. Deschamps, sur les Socits secrtes auquel il a ajout une introduction et un complment. Je me fais un devoir de lui exprimer ma gratitude cette occasion, et j'ai cru que nulle part ma rponse sa gracieuse lettre d'envoi ne serait mieux place que dans-votre Revue. Je suis persuad, Messieurs, qu' son retour d'Amrique, notre excellent ami sera heureux de voir qu'en son absence nous avons fait mmoire de lui. Je vais parler, ici, do trois ides fondamentales que m'a suggres la lecture soit do l'introduction, soit de l'ouvrage lui-mme: 1 La Franc-Maonnerie est la vraie mre de la Rvolution, qui agite le monde depuis cent cinquante ans -, 2 La Franc-Maonnerie a su cacher son action, en commandant le secret ses adeptes ; 3 La Franc-Maonnerie a la prtention de devenir l'institutricey

(t) Mgr Fava a daign crire au sujet de cet ouvrage deux lettres, qui sous une forme synthtique constituent une tude trs complote sur la franc-Maonnerie. Nous aurions aim les reproduire ici en leur entier,* mais elles forment une brochure do propagande, qui est en vente la librairie de la Socit bibliographique, k Paris (105, boulevard St-Germain). Nous devons donc nous borner en publier quelques pages,qui ont t et demeurent pour nous le plus prcieux des encouragements.

VI

LETTRE DE MONSEIGNEUR

FAVA

de l'humanit et de se substituer, en cette qualit, l'glise catholique.

Voil la doctrine que la Franc-Maonnerie se charge d'enseigner et qu'elle enseigne, autant qu'elle peut, et de plus en plus, retirant, la jeunesse, l'ge mur, la vieillesse, aux riches, aux pauvres, l'humanit tout ontire. C'est pour remplir cette mission qu'elle veut ruiner l'glise catholique, qu'elle ferme les coles congrganistes, chasse les Jsuites, dtruit leurs collges, disperse les congrgations non reconnues, eti attendant qu'elle dis-* perse les autres et qu'elle en arrive au clerg, aux vques et au Souverain Pontife. C'est par cette plnitude d'organisation,nousdisait tout l'heure le F.*. Goblet d'Avila, que la Franc-Maonnerie est en tat de rivaliser avec sa grande ennemie: l'Eglise de Home. Puisque la Maonnerie regarde l'glise de Rome comme une ennemie, si la Maonnerie le pcul, elle rduira cette ennemie au silence, c'est vident; et le Christianisme, espre-t-clle,aura vcu. Qu'on ne nous accuse pas d'exagration; voici comment s'exprimait lui-mme un des chefs de la secte, d'accord toujours avec le docteur de toutes les loges: Notre but final est celui de Voltaire et do la Rvolution franaise, rananlissoment tout jamais du Catholicisme et mme de l'ide chrtienne, qui, reste debout sur les ruines de Rome, en serait la perptuation plus tard. Telle est l'idc-mre (te la Franc-Maonnerie et des socits secrtes. Terminons en disant que cette ide, depuis cinquante ans surtout, a t prche avec ardeur par les loges; elle a pntr dans la philosophie moderne, qui s'on inspire, dans les sciences et les arts; elle s'est propage dans le peuple et surtout dans la classe ouvrire des grandes villes. Los trois ou quatre millions de francs-maons, qui sont rpandus dans le monde, appartiennent la bourgeoisie, pour la plupart. Eh bien! ce sont ces Messieurs qui ont adopt le programme dont nous avons parl: l dtruire tout gouvernement; 2* toute religion ; 3 toute proprit. Nous concevons qu'ils consentent la destruction du gouvernement et de l'glise qui les gnent ; mais le tour de la proprit va venir. Comment ces bons bourgeois ne voient-ils pas que le prtre est lfi pour dire: Les biens d'autrui tu ne prendras ni retiendras , ton escient-, les magistrats pour condamner les voleurs la prison ; et l'arme pour arrter le pillage? Ils laissent la secte renverser les remparts derrire lesquels la proprit s'abrite, et puis, bientt, ils s'tonneront qu'on la mette en question et qu'on8

LETTRE

DE

MONSEIGNEUR

FAVA

VII

la leur arrache des mains. C'est alors que la bourgeoisie pourra! avec vrit, s'appliquer cette maxime: Nous sommes les fils de nos uvres. Mais que faire, dira-t-on ? Ce qu'il y aurait faire, s'il n'tait pas si tard, et il n'est jamais trop tard de bien faire, ce serait de laisser l'glise catholique remplir librement sa mission; de faire respecter la magistrature et d'honorer le soldat en lui fournissant les moyens de garder sa foi et ses principes religieux. Ce qu'il y aurait faire, ce serait de fermer les loges et de reconnatre que le bavarois Weishaupt a caus la France plus de mal, par ses doctrines impies, que les armes allemandes avec leurs canons. Ce qu'il y a de pratique conseiller vos lecteurs, Messieurs, c'est de lire l'ouvrage du P. Deschamps et de M. Claudio Jannet. Cet ouvrage leur prouvera que la Maonnerie est destructive : 1 De toute religion ; T De toute morale ; 3* De la famille; 4 De la socit civile et politique ; 5* De la proprit. Le livre second a t admirablement complt par M. Claudio Jannet. Il prouve surabondamment combien avait raison le F / . Malapert, quand il disait: Au XVIII sicle, la Franc-Maonnerie tait si rpandue dans le monde, qu'on peut dire que rien ne s'est fait depuis cette poque sans son consentement. e

Grenoble, le 2 juillet 1880. t AMAND-JOSEPH, voque de Grenoble.

LETTRE

DE

S.

G.

MGR SBAUX

vque d'Angoulme A M. Claudio J A N N E T

Angoitlme, le 2 janvier 1882. Monsieur, J e vous prie tout d'abord d'agrer mes remerciements pour l'envoi que vous avez bien voulu me faire de votre bel ouvrage sur les Socits Secrtes. Mais ces remerciements vont plus loin. Les recherches du P . Doschamps, les documents runis par ses soius et mis en ordre par les vtres sont pour nous et pour la cause de l'glise du plus grave intrt. J'avais dj lu ces deux volumes dans une dition prcdente, et ds aujourd'hui je puis vous eu dire ma pense. Grce des ouvrages dj prcieux, nous connaissions les socits secrtes de noms divers ; elles n'avaient pu s'envelopper de tnbres si paisses que leur organisation, leur esprit et leurs desseins restassent dans un complet mystre. Les crivains qui les avaient dvoiles avaient bien mrit de l'glise, en justifiant les condamnations portes par les Souverains Pontifes et en prmunissant les iidles contre de funestes entranements. Mais les faits et les textes authentiques cits par vous en si grand nombre achvent une dmonstration salutaire dans sa tristesse. Il n'y a plus douter que les socits secrtes ne soient essentiellement ennemies de l'glise ci de l'ordre social, et que leurs rites, tantt purils et tantt sacrilges, ne couvrent les plus sinistres desseins. Parmi les membres de ces socits, nous savons qu'il en est . l'inexprience, h la jeunesse, l'indiscrtion ou aux scrupules religieux desquels on dissimule les secrets; qui ne voient en elles que des associations philanthropiques, utiles leurs intrts ou secourablesdans leur dtresse ; qui s'y agrgent par entranement ou par mode, et qu'on estime prudent |de laisser h l'entre, o ils gardent leurs illusion?. CQ ne sont pas moins de fatales recrues, auxquelles on saura faire appel aux jours de luttes, en leur rappelant leurs tmraires engagements.

LETTRE

DE

MGR

SBAUX

IX

On sait aussi qu'autrefois et en certaines rgions ces socits, pour se faire accepter et se constituer, se sont prsentes sous des formes inoffensives ; qu'elles ont d'abord sduit des imprudents, amis des nouveauts, qui ne se fussent cependant pas prts des conspirations anti-sociales ou anti-chrtiennes ; qu'on y laissait la libert de la foi et que mme on entourait les convictions religieuses d'un apparent respect. La pense intime demeurait, et on entendait bien qu'un jour elle serait la pense matresse. On assure que plusieurs socits ont renonc leur bizarre crmonial, le jugeant sans doute surann et dsormais inutile : c'est possible ; et nous comprenons la hardiesse qu'inspirent le succs et l'espoir d'un prochain triomphe. Mais qu'elles aient ou non abandonn les rites de leurs initiations successives; que de temps autre mme, elles se dgagent des ombres, tout nous dmontre qu' l'gard de l'glise, du SaintSige, du clerg, de l'tat religieux, de l'enseignement chrtien, les desseins sont rests les mmes, et qu'ils se poursuivent avec une satanique entente. Des faits rcents nous en ont offert une nouvelle preuve Vous avez donc rendu, monsieur, un vritable service, en runissant et en prsentant aux hommes srieux des documents aussi propres par leur multitude que par leur autorit dissiper tous les doutes. Pour les chrtiens qui acceptent absolument la direction salutaire de l'glise, les actes rpts et formels du SaintSige rsolvent ia question : Roma locuta est, causa finita est. Si quelques-uns, pour eux-mmes, ou en vue de conseils donner, veulent s'clairer davantage, des ouvrages moins tendus que le vtre peuvent suffire. Mais il est des esprits plus exigeants ou plus prvenus : que ceux-l lisent vos deux volumes. Pour nous, et pour tous ceux qui sont appels prserver les mes ou les retirer de la voie mauvaise, justifier les dcisions des Papes et leur soumettre les esprits, dfendre Tordre social et chrtien, votre ouvrage est d'une importance capitale, et s'impose en quelque sorte toute bibliothque srieuse. Nous ne condamnions pas sans savoir ; mais dsormais nous saurons mieux encore, les sectes elles-mmes nous livrant leurs secrets. Je ne m'arrterai pas fortifier ces considrations par des textes ou des faitsc Votre livre est l, et il n'en faut pas davantage. Je joins donc mon suffrage ceux que vous avez reus. Et je vous prie, monsieur, d'agrer l'expression de ma considration respectueuse. f A . L., vque d'Angoulme.

LETTRE

DE

MONSEIGNEUR

GAY

v8que d'Anthdon, vicaire capitulaire Jde Poitiers.

4 Monsieur Claudio Jannet.

Poitiers, le ? fvrier 1881,

Monsieur, J'ai tard plus longtemps que je n'aurais voulu vous remercier de vos deux beaux volumes sur les Socits secrtes et la socit. Vous avez su les Causes de ce retard, et l'avez excus. Aujourd'hui que j'ai pu lire en partie et parcourir en son entier votre important travail, je regarde comme un devoir de vous en fliciter hautement et mme publiquement, si vous jugez la chose opportune. En publiant de nouveau, aprs l'avoir vous-mme habilement et doctement refondu et complt, l'ouvrage dj prcieux du R. P . Deschamps, vous avez rendu l'glise, la France, l'Europe, je pourrai dire au monde entier, un serivee de premier ordre. Traiter, comme vous venez de le faire, de l'action des socits secrtes, et particulirement de la Franc-maonnerie, sur la socit contemporaine, c'est mettre le doigt sur la plaie. Hlas ! n'est-ce qu'une plaie ? N'est-ce pas plutt une lpre, ou quelque mal interne plus grave encore, et ne sommes-nous pas rduits dire du corps social moderne ce que Dieu disait de son peuple au temps d'Isae : Par suite du mal affreux dont, malgr tant de lois, d'avertissements et de grces, il n'a ni su ni voulu se dfendre, de la plante de ses pieds au sommet do sa tte il n'y a plus rien de sain en lui (l) ? Vous faites le jour ( un jour d'autant plus effrayant qu'il a plus d'clat et de force) sur ces tnbres vivantes et agissantes, que tant d'mes fascines prfrent la lumire, affirmant mme qu'elles son lia vraie, runique,l'universelle lumire. Vousnous conduisez aux sources vives de la Rvolution, c'est--dire au principe je me flicitais d'tre la tte d'une association toujours sou mise aux lois, utile l'humanit ; et que, s'il le fallait, je por> terais jusqu'au pied du trne une rclamation fonde contre l'erreur t la surprise (2). Pauvres grands matres d'honneur ! Voil quoi on fait servir leur bonne foi et leur loyaut ! Lafayette, ce reprsentant si complet des ides de la Maonnerie, tait cette mme poque, ainsi que plusieurs autres membres des loges parisiennes, en correspondance suivie avec la Haute-Vente romaine. C'est par de tels intermdiaires que les loges bourgeoises, les loges librales, se trouvent concourir, comme le chur des drames antiques,par leurs applaudissements, par leur complicit plus ou moins consciente, par leurs votes, aux desseins machins dans les conseils les plus secrets des sectes. Le voile qui couvre les noms de guerre des membres de la( t ) Histoire des trois grandes loges, p . 142 at 143. (2) Circulaire du 25 du mois lun. Iyar. 5830 (17 mai 1830).

LA FRANC-MAONNERIE PENDANT LA RESTAURATION

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Haute-Vente est en partie lev aujourd'hui. En voici quelquesuns qu'a publis rcemment la Civilt cattolica dans une tude sur les vnements de ce temps :Le nombre des lettres que Nubio crivait chaque jour pour les affai* res de la secte est prodigieux. Il correspondait particulirement en France avec Buonarotti, avec Charles Teste, Voyer d'Argenson, Bujard, le gnral Lafayette, Saint-Simon, Schonen, Mrilhou et autres ; en Allemagne avec Tscharner, Hegmann, Jacobi, Ghodsko, Lieven, Pestel, Mourawief, Strauss, Paliavicini, Bem, Bathyani, Oppenheim, Klaus et Garolus, tous chefs de ventes et de loges. Il se servait aussi pour secrtaire, spcialement quand il s'agissait de correspondre avec des juifs et pour traiter des affaires financires, d'un jeune isralite, qui avait pour nom maonnique Piccolo Tigre (1).

Un simple fait indiquera comment les loges faisaient cho la Haute-Vente. Le 4 juin 1825, Rome tait pouvante par un assassinat, commis en plein jour sur les marches de l'glise de St-Andr dlia Valle. La victime tait un ancien carbonaro et franc-maon, Joseph Pontini, que ses frres avaient voulu punir de son repentir. Ses meurtriers furent saisis par la police et convaincus aprs un long procs. Les deux plus coupables Targhini et Montauari furent condamns et excuts ; ils moururent en repoussant les secours de la religion. Targhini s'cria du haut de l'chafaud : Peuple, je meurs sans reproche, je meurs comme un franc-maon et un carbonaro. La secte en fit des martyrs.v

Dans une lettre adresse un de ses complices, dont le nom de guerre tait Rucher, Nubio raconte comment lui, ancien vicergente de Rome, dirige toute cette propagande et cherche tirer parti pour la secte de celte proclamation de son existence, faite du haut de l'chafaud.Pour en revenir aux fleurs, nous avons dj command un des plus innocents affilis de notre Franc-maonnerie, le pote franais Casimir Delavigne, une lgie (Messnicnne) sur Targhini et Montanari. Ce pote, que je vois souvent dans le monde artistique et les salons, est un brave homme. Aussi m'a-t-il promis des larmes potiques en l'honneur des martyrs et des imprcations contre le bourreau. Le bourreau ce sera le pape et les prtres. Ainsi nous aurons frapp coup dou(1) Civilta cattolica, 21 agosto 1875, p. 473.

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LA CONSPIRATION MAONNIQUE DE 1815

A

1830

Lie. 'Les correspondants des feuilles anglaises font, de leur ct, de leur mieux. JVn connais parmi eux plus d'un qui a dj embouch la trompette pique pour la glorification do notre dessein ( i ) .

D'autres tmoignages, tirs des mmoires du gnral Pepe, de ceux de Vannuci, compltent ces indications sur le foyer central o se ramifiaient toutes les sectes (2). En 1821 un groupe s'appelant lVIlliancc cosmopolite, s'tait constitu Paris. Il se proposait de renverser tous les gouvernements lgitimes de l'Europe. L figuraient Lafayette, Benjamin Constant, le gnral Lamarque, Mauguin, Dupont de l'Eure, Francesco Salfi, Masco, Galiano, Mina, Ciro Mcnotti, Borso di Carnusiali, Filippo Buouarotti, Claudio Linati, Pietro Mirri, Porro Lambertenghi. C'est avec ce comit que la Haute-Vente romaine tait en r e lations suivies, comme on vient de le voir. En 1829 il prparait des explosions rvolutionnaires en Espagne, en Italie, en France. La rvolution franaise devait se faire au bnfice du duc d'Orlans ; mais elle devait tre prcde par une rvolution en Espagne et en Italie; c'est dans ce but que, ds 1829, Henri Misley prparait un projet d'insurrection, dans lequel il avait cherch engager le duc de Modne. Dj cette poque, les deux Bonaparte, Louis et Napolon, fils du roi de Hollande, taient en relations avec le comit. Les sommes considrables, dposes chez les banquiers de Londres, dont disposait alors la famille Bonaparte, faisaient fort rechercher leur concours.(1) Ceto lellro, o clatent les sentiments les plus sanguinaires, est publie i n extenso d a n s la Civill caltolica, srie I X , v o l . V I I , p . 329 et d a n s Puchller Der still Krieg gegen Thronund Altar, 2 dit., p p . et s u i v . (2) M Halazi, apres avoir indiqu la composition de ce comit central r v o l u tionnaire, fournit les indications suivantes s u r la direction nouvelle d o n n e a u x secles en 1821 : Les oarbonari avaient eu u n e j>orceplon moins claire d u d r o i t collectif q u e d u droit individuel. Leur soulvement do tfl:0 et 1821 n'avait, e n consquence, pas atteint le b u t , n'intressant pas le p e u p l e . Le travail occulte q u ' a c c o m p l i r e n t les rpublicains, les bonapartiste.-?, les nationalistes, de 1820 1830, fut plus logique. Kn abattant les Iiourbons partout, en crasant l'Autriche en Italie et en repoussant la liussio ver3 l'ouest, ils arrivaient rectifier la carie do l'Europe s u r la b i s e des nationalits et s u r le p r i n c i p e i m m u a b l o do la souverainet des peuples. Voil co q u e veut dire 18:50... Lafayelie, qui tait Pari3, l e c h e f du comit e u r o p e n , inclinait vers la forme rpublicaine, s a n s nul souci des distinctions n a t i o n a l e s . . . Pepe s'efforait de Londres et do Paris d'insuffler d a n s l'me i t a l i e n n e des ides, q u i , franyaiies. ne pouvaient s'y acclimater . Ilaltazi et son temps, documents indits (Paris 1881) tome I , p p . 4G, 71.e

LES SERMENTS MAONNIQUES ET LE SERMENT MILITAIRE

121

Ce comit n'tait pas en relations directes avec les loges et les innombrables socits d'taches du tronc maonnique qui, sous le nom d'Adephi, de Guelfes latins, de carbonari, frressublimes, matres parfaits, Philanthropes, Philadelphes, Egizins, Dorraenti, Apofanumeni, couvraient alors l'Italie ; mais ses membres taient individuellement en communication avec les hommes qui dirigeaient sur place ces socits, et c'est ainsi que l'impulsion leur tait transmise (l).

8. L E S SERMENTS

MAONNIQUES E T LE SERMENT

MILITAIRE

La comdie de quinze ans touchait son terme. Ses principaux acteurs, on Ta vu (Liv. I I , chap. VIII, S ), taient tous francs-maons. C'est un franc-maon galement, le marchal Maison, qui, au moment dcisif, quand Charles X tait entour de troupes fidles Rambouillet et n'avait qu' culbuter la canaille parisienne pour rentrer en matre dans sa capitale, c'est le marchal Maison, disons-nous, qui, pur la plus odieuse trahison du serment militaire, consomma l'uvre de la Rvolution. Ici nous laissons la parole Louis Blanc, dont le rcit, au moins, ne sera pas suspect :Le 3 aot une expdition est pousse sur Rambouillet : fiacres, o m nibus, cabriolets, voitures avaient t mis en rquisition pour transporter le gros de l'arme Elle se composait de 15,000 hommes environ. Les hommes de l'expdition arrivrent trois quarts de lieue de Rambouillet, narrasses,affams et dans le plus pouvantable dsordre. La municipalit de Neuville devait lever 6,000 rations; elles n'avaient point t livres Le gnral Pajol ordonna une halte ; il regardait la dfaire comme invitable en cas d'attaque..... Parmi les hommes de l'expdition beaucoup accabls de fatigue s'taient laisss tomber sur les champs de bl qui bordaient la route et s'y taient endormis. D e tels ennemis taient coup sr peu redoutables (1) V. les documents et mmoires originaux analyss par 6 . Silingardi dans ses articles, Ciro Meaolli e la Rivoluziom deWanno 183i in Moilena dans la Rivista Europca, tomes XVIII ot XIX, 1870-1880.

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LA CONSPIRATION MAONNIQUE DE 1815

A

1830

Les trois envoys du duc d'Orlans dpassent cette cohue avec leur voiture, MM. Maison, de Schonen, Odilon-Barrot arrivrent 0 heures Bientt aprs ils sont reus par le roi. M. Odilon-Barrot prit la parole avec assurance. Il parla des horreurs de la guerre civile. Et comme Charles X insistait sur les droits du duc de Bordeaux, formellement rservs par l'acte d'abdication, l'orateur lui reprsenta d'une voix carressante que ce n'tait pas dans le sang qu'il fallait placer le trne de Henri V. a Et soixante mille hommes menacent Rambouillet, ajouta le marchal Maison. A ces mots le roi, qui marchait grands pas, s'arrte et fait signe au marchal Maison qu'il dsire l'entretenir en particulier. Aprs quelques moments d'hsitation, le marchal y consent. Alors, le regardant fixement : Monsieur, lui dit le roi, je crois votre loyaut, je suis prt me a fier votre parole : est-il vrai que l'arme parisienne qui s'avance a soit compose de GO,000 h o m m e s ? Oui, sire . Charles X n'hsita plus (1).

Quand Charles X avait dit un homme : Je crois votre loyaut , il ne savait plus douter. Hlas! il ignorait quelle oblitration du sens moral les serments impies de la Maonnerie pouvaient conduire un homme, qui avait t brave sur le champ de bataille, et combien les liens secrelsdcs sectes dtruisent chez leurs adeptes tous les sentiments d'honneur et de probit, sur lesquels repose la socit humaine.

9.

L A H A U T E - V E N T E APRS 1830, METIERNICH

D'APRS M.

DE

Aprs la rvolution de 1830, Metternich signale encore plusieurs reprises l'action directrice qu'exerce la Haute-Vente sur tous les mouvements de l'poque* Le 21 octobre 1830 il crit Esthcraay :Le jeu de la faction rvolutionnaire, qui, depuis bien des annes, a tabli Paris un centre d'action prsentant tous les caractres d'un vrai gouvernement, ne cesse de neutraliser la dfense des gouvernements rguliers, en proclamant sur les toits le dogme de leur isole(1) Histoire de dix ans/4* dit., tome I, pp. 422 431

LA HAUTE-VENTE

APRS

1830

123

ment, tandis que la Haute-Vente de la Rvolution ne tient aucun compte de la dlimitation politique des Etats, dont elle a jur le bouleversement. En protestant contre toute intervention dans les troubles d'un Etat voisin, le nouveau gouvernement franais, fidle au systme auquel il doit son origine, s'est prononc de son ct pour le mme dogme.

Encore en octobre 1830 :Le mal prsent offre en tons lieux deux dangers particulirement redoutables : l'un, que nous regardons comme le plus grand, se trouve dans Pextrmo faiblesse ie la majeure partie des gouvernements ;l'autre, dans l'organisation dont nous dcouvrons partout cfun gouvernement rvolutionnaire compact, les traces et tes points de correspondance.

la mme date, il altribuc la tranquillit de l'Italie au manque d'ordres manes du haut pouvoir rvolutionnaire de Paris (1). Metternich considrait la Haute-Vente comme la continuation de la secte dus Illumiu's, qui avait fait la Rvolution. Le 24 juin 1832, il crit Ncuinann Londres :L'Allemagne souffre depuis bien longtemps du mal qui couvre aujourd'hui l'Europe entire. Sous plusieurs points de vue, ce mal y a mme prcd l'explosion provoque en France en 1789. La secte des Illumins, cette premire association radicale, a d son existence, bien antrieurement cette poque, la fublesse du gouvernement bavarois et la compacit de plusieurs hommes, qui en avaient fait partie ds leur origine. C'est cotte mm* secte qui depuis n'a jamais, t dtruite, quoique le mme gouvernement ait cherch la comprimer et se soit mme vu forc de svir contre elle, et qui a pris successivement, selon les circonstances et les besoins des temps, les dnominations de Tugendbund, de Burschenschaft etc. (2).

Assurment personne n\i pu mieux tre inform que lui, et dsonnais faction des oci-Ms Secrtes devra tre regarde par tous les hommes srieux comme l'un des principaux facteurs de la Rvolution qui, depuis 1789, a t dchane sur le continent europen. L'activit nfaste de la Haute-Vente eontinuua encore se manifester Ce sont ses membres qui rvolutionnrent la Suisse, dtruisirent les liberts sculaires qui y florissaient et y dtruift

(1) Metternich, Mmoires, tome V, pp. 4i, 58, 68.

(2) Mmoires, tome V, p. 368.

124

LA CONSPIRATION MAONNIQUE DE 1815

A

1830

sirnt les asiles que la foi catholique pouvait y trouver pour ses uvres. Calineau Joly a racont leurs menes dans VHistoire du Sonderlmnd et a publi de nombreuses lettres de leurs agents. Elles sont toutes empreintes du mme cynisme aristocratique et impie, que nous avons signal propos des rvolutions d'Italie (v.Introduction^. 7, et liv. I l , chap. IX, . 2). Mais l aussi celte premire couche de rvolutionnaires, aprs avoir., par la trahison savante et les habiles intrigues diplomatiques, dtruit le vieil difice chrtienne trouva, au jour du triomphe, limine par les dmocrates et les rvolutionuaiies de la rue. Keuhaus, leur adepte, qu'elles avaient port au fate du pouvoir, aprs avoir dchan la tempte, se vil a b m i o n s c o i n p I l e i n e M t : i! fit em~ plac en 1810, dans la p o p u l a r i t a-

(1) Volilica segrela Italiana, p. 392. A la page 127 du mme livre on trouvera les conventions faites pour le transport de* garibaldiens Gonstantinople en 1864, avec un agent des Messageries maritimes.

MAZZINI E T LA FRANC-MAONNERIE

211

Mazzini revient plusieurs reprises sur cette dernire recommandation ; il veut rattacher au Grand-Orient de Palerme toutes les loges du Pimont, qui ne reconnaissent pas le Grand-Orient de Florence, dont la direction appartenait absolument aux rvolutionnaires monarchistes. Le Grand-Orient de Palerme au contraire, comme on l'a vu, avait gard toute son indpendance (liv. II, chap. X, S 5). D'aprs les lettres de Mazzini, de 18G7 et 1808, on voit qu'il avait encore dans les Romagnes, l'Italie du Sud et la Sicile, une action considrable. En vain le gouvernement italien, dont la police se recrutait dans la Maonnerie, tait toujours fort au courant de ses agissements, et obtint-il, du gouvernement du Tessin, en mai 1869, son expulsion de Lugano ; deux mois aprs, Mazzini tait Cme mme diriger les prparatifs d'un soulvement en Sicile, pour le moment, qu'il prvoyait trs prochain,* o la guerre claterait entre la France et la Prusse. On a vu dans l'ouvrage du Pre Deschamps (liv. I I , chap. X, S 7) comment, en septembre 1870, Victor-Emmanuel enleva sa base d'opration Mazzini en accomplissant lui-mme l'envahissement sacrilge de Rome. La Maonnerie italienne ne s'en glorifie pas moins de l'avoir compt parmi ses chefs. Quand Mazzini mourut Pise le 11 mars 1872, le grand matre du Grand-Orient d'Italie ordonna que toutes les loges italiennes clbrassent des crmonies de deuil et demanda que les francs-maons de toute nationalit qui le pourraient assistassent ses funrailles.

CHAPITRE HUITIMELES RELATIONS SECRTES D E NAPOLON III AVEC LA PRUSSE

$ 1. _

NAPOLON III ET L'UNIFICATION DE L'ALLEMAGNE

A peine arriv au pouvoir, Louis-Napolon eut l'ide de raliser, au profit de la Prusse, le plan d'unification de l'Allemagne que dans les rves de son exil il avait bauch avec SlingbyDuncombe et le duc de Brunswick, plan qui, du reste, tait depuis longtemps arrt par les socits secrtes (v. liv. I I , chap. XI, 1. Liv. I I I , chap. IV, 4).La premire fois, dit le duc de Broglie, que Napolon III trahit l'trange proccupation qui lui faisait voir d'un il favorable la reconstU tution de l'empire d'Allemagne au profit de la Prusse, ce fut avant son avnement l'Empire et pendant sa prsidence, la suite des troubles qui avaient agit, en 1848, la Confdration germanique. Il fit confidence de ses sentiments secrets au ministre qu'il envoyait Berlin, M, de Persigny, choisi, comme on le voit, dans son intimit personnelle. Ds que Peffet de ces instructions ignores commena se manifester, le ministre des affaires trangres, confi alors au gnral Labitte, et o M. de Viel-Castel dirigeait les travaux politiques, prit Palarme et arrta cette folie par un blme svre : le prince, gn encore dans l'exercice de son pouvoir, ne dfendit pas son agent (i).(1) Le Correspondant du 10 novembre 1882.

214

RELATIONS SECRTES DE NAPOLON III AVEC LA P R U S S E

Napolon III cdait facilement en apparence, mais il revenait toujours ses ides comme sous l'empire d'une obsession qui ne lui laissait pas sa libert. Pendant toute la dure de son rgne, il usa dans ses relations avec la Prusso des mmes procds de conspirateur, dont il se servait avec Victor-Emmanuel. Par-dessus la tte de ses ministres des affaires trangres et de ses ambassadeurs, il envoyait des missaires confidentiels qu'il avait soin de choisir parmi des trangers, parmi les membres des socits secrtes suprieures. On ne possde encore et c'est fort naturel, tant que vit M. de Bismarck avec son uvre que bien peu de documents sur cette priode de l'histoire contemporaine. En voici quelques-uns cependant, qui se rapportent les uns 1858, les autres 1801 et 1860. L'on y voit Napolon I I I , toujours domin par son cousin lo prince Jrme Napolon, travailler activement remanier la carte de l'Europe suivant le plan de Palmerston et en poursuivre la ralisation, sans aucun souci des intrts franais, ni mme, seinble-l-il, de ses intrts dynastiques les plus vidents.

S 2.

L A MISSION DU

MARQUIS PEPOLI A BERLIN

EN

1858

En dcembre 1880, une revue anglaise fonde Rome, La Mincrva, a publi le rcit d'une premire ngociation qui aurait eu lieu entre Napolon III et la Prusso en dcembre 1858, dans les conditions suivantes : (1) Le 9 octobre 1858, le prince Guillaume de Prusse (l'empereur actuel d'Allemagne) devenait rgent du royaume de son frre Frdric-Guillaume IV. Son premier soin fut de renvoyer lo ministre prsid par le baron de Mantcuffol. Le prsident du nouveau cabinet fut le prince Charles-Antoine de Ilohenzollern, beau-frre du marquis Napolon Pepoli. Ce dernier fut charg par le comte de Cavour de sonder les intentions de son beau-frre, au cas d'une guerre entre l'Autriche et le Pimont. Le marquis Pepoli, avant do se rendre Berlin, passa par Paris, et eut une entrevue avec Napolon I I I . D'aprs la Mincrva, Napolon III remit l'envoy italien une note destine tre place sous(H Ces documents ont t publis dans fc Franais du 23 janvier 1881.

MISSION DU MARQUIS PEPOLI A BERLIN

215

les yeux du cabinet prussien et du prince rgent, et dont le but tait de sparer la Prusse de l'Autriche. En voici la teneur :Paris, dcembre 1858. Il y a deux grandes puissances allemandes, la Prusse et l'Autriche. La Prusse reprsente l'avenir, l'Autriche le pass. La France depuis dix ans a toujours montr une prfrence marque pour la Prusse ; cela lui profitera-t-il? C'est l'avenir dcider. Examinons de quel ct sont les intrts bien entendus de la Prusse, Ce pays, comme tout ce qui grandit, ne peut rester stationnaire, et, cependant, s'il s'allie intimement avec l'Autriche, il est oblig de rester stationnaire et mme de rtrograder. Ce qui peut lui arriver de plus heureux, c'est de contrebalancer en Allemagne l'influence autrichienne. Mais est-ce l la seule gloire qui convienne un nouveau rgne et avec ies instincts levs et chevaleresque de la Prusse ? Je ne le crois pas, et cependant, si la Prusse suit les conseils intresss qui lui sont donns de divers cts, son rle en Europe doit se borner faire quilibre sa rivale. Mais dans cette politique il y a un danger : si, entrane par de funestes influences, la Prusse, faisant cause commune avec l'Autriche, garantissait les provinces italiennes de la maison de Habsbourg, alors l'quilibre europen serait rompu, les trausde 1815 seraient abolis, et la France serait force, en faisant appel la Russie, de jeter le gant l'Allemagne. J'espre que cette extrmit n'arrivera pas. Si, au contraire, la Prusse, en se dtachant sans bruit de l'Autriche, se montre bienveillante pour la France, do grandes destines l'attendent sans danger ni convulsion pour elle. Car, si par suite d'une lutte entre la France et l'Autriche, cette dernire pussance perdait de son influence en Allemagne, c'est la Prusse qui en hriterait. Ainsi donc, si la Prusse se lie avec l'Autriche, tout progrs lui est impossible, et elle risque de runir la Russie et la France contre l'Allemagne. Si, au contraire, elle s'allie avec la France, toute diminution de l'influence autrichienne lui profite, et, soutenue par la France, elle peut poursuivre en Allemagne les hautes destines qui l'attendent et que le peuple allemand attend d'elle.NAPOLON.

A la suite de cette note, la Minerva public une longue lettre dans laquelle le marquis Pcpolircnd compte Napolon III du rsultat de sa mission et dont voici les principaux passages :

216

RELATIONS SEOKTES DE NAPOLON III AVEC LA P R U S S E

Selon les ordres de Votre Majest, j'ai remis la note mon beau-frre, prince Charles, qui m'a dit qu'il allait l'expdier de suite au princo rgent. Cette notn avait, selon lui, un grand mrite, celui d'tre nette et franche. J'ai cru alors devoir lui demander jusqu'o l'esprit public, favorable l'Autriche, engagerait la Prusse, ot s'il tait vrai que le prince rgent allait garantir ses possessions italiennes l'Autriche. Il m'a rpondu nettement : < Non c Alors je lui ai rappel que dans le temps il m'avait crit qu'une convention avait t signe avec l'Autriche par Je roi ; il m'a tout de suite rpondu qu'il l'avait cru, mais qu'il croyait s'tre tromp et qu'il aurait l-dessiis des renseignements prcis. Alors il m'a demand si. on croyait la guerre en France : j'ai rpondu que j'y croyais, mais que Votre Majest ne m'avait pas autoris ajouter un mot aux termes de la note et que ma mission tait tout fait personnelle ; que, cependant, la position do l'Italie tait trs grave et que j'tais tout fait de l'avis qu'il m'avait fait connatre autrefois, qu'on ne parviendrait jamais ^tablir une vritable paix en Europe qu'avec une bonne guerre. Il m'a rpondu que c'tait toujours son opinion, mais cette opinion^ lui tait aussi personnelle. Je saisis cette occasion pour lui exprimer au nom du comte de Cavour, que j'avais vu Gnes, toute la sympa" thie qu'on prouvait en Italie pour le nouveau gouvernement prussien, et qu'on esprait qu'il serait favorable aux ides italiennes. Je lui ai fait observer que le Pimont tait le vritable alli de la Prusse, puisque leur avenir repose sur l'abaissement de l'Autriche, et que les Italiens ne demandent pas mieux que d'aimer les Allemands.

Quelques jours plus tard, le prince de llohenzollern remit au marquis Pepoli une lettre du prince rgent en rponse la note de Napolon I I I . Le texte n'en est pas donn; mais le marquis crit en la transmettant :Jo me suis permis d'ajouter que je ne croyais pas que ce fut une Rponse bien catgorique la note do Votre Majest, puisqu'on dfinitive elle laissait la question intacte, et ne laissait pas juger si la Prusse s'loignerait ou se rapprocherait de la France dans les grandes questions du jour. Je me suis donc cru autoris demander au prince si le n o u veau ministre serait plus favorable l'Autriche que l'ancien. Il m'a rpondu que, dans les questions intrieures de l'Allemagne, il tait certainement plus dispos la conciliation que le cabinet prcdent, mais que, dans les questions trangres, il ne le croyait pas ; qu'on pouvait tre d'accord dans la vie intrieure et ne pas l'tre dans les rapports extrieur?; qu'on savait trs bien Berlin qu'on voulait persuader la France que le prince rgent et le nouveau ministre ne lui taient pas favorables, mais que c'tait compltement faux.

MISSION

DU

MARQUIS

PEPOLI

A

BERLIN

217

Il a ajout qu'il n'y avait en Prusse que deux politiques possibles, celles que Votre Majest avait si bien traces dans sa note ; que lui, il serait toujours pour la politique de Frdric le Grand, qui consistait profiter de tous les vnements pour agrandir la Prusse, mais qu'il fallait tenir compte au prince de Prusse de l'incertitude de sa position et de la pression de l'opinion publique et de la plupart des gouvernements en faveur de l'Autriche. Gomme je dsirais que les conversations que j'ai eues avec le prince fussent tout fait exactes, j'ai cru lui devoir lire ce rapport, pour qu'il pt en constater lui-mme l'exactitude. Il l'a compltement approuv, et je lui en ai mme laiss une copie ; mais comme il contient les ides personnelles du prince, et qu'il a parl avec la plus grande franchise, il se confie au haut savoir-faire de l'empereur, en le priant de lui faire ses communications toujours d'une manire confidentielle et rserve. 26 dcembre 1858.PEPOLI.

S'il faut en croire l'auteur anonyme des rvlations de la Minerva, la Prusse se dcida, aprs Solferino, se joindre l'alliance franco-italienne ; un courrier partit de Berlin pour le quartier gnral italien avec une lettre pour le marquis Pepoli o le cabinet prussien manifestait ses intentions. Mais il tait trop tard : la nouvelle de la paix de Villafranca arriva (Berlin avant que la dpche ne parvnt au marquis Pepoli, et le courrier fut rappel par un tlgramme avant d'avoir achev son voyage. La Gazette nationale As Berlin, dans son numro du 30 dcembre 1881, traduit la lettre attribue Napolon III sans lever aucun doute sur son authenticit ; elle se borne cette seule observation : L'histoire du courrier envoy, puis rappel aprs Solferino, est vieille, mais elle n'est nullement croyable (keineswgs beglaubi gtes). Les indications qu'on trouve dans l'ouvrage du.Pre Deschamps (liv. II, chap. X, 4), les rvlations de Kossuth qu'on a pu lire dans ce volume mme (liv. III, chap. VII, 7), donnent en effet croire qu'aprs Solferino, la Prusse restait au moins neutre et que, si de puissantes influences sollicitaient le prince rgent d'accabler l'Autriche, d'autres travaillaient auprs de lui en sens contraire.

218

RELATIONS SECRTES DE NAPOLEON I I I AVEC LA P R U S S E

3.

L'ALLIANCE ITALO-PRUSSENNE D E E T NAPOLON III

1866

Cinq ans aprs Villafranca, la conqute de la Vntie tait devenue pour Victor-Emmanuel une ncessit d'existence : c'tait le seul moyen pour lui de rsister la pression de Mazzini et de Garibaidi. En octobre 1865, il avait envoy un missaire scrta Vienne, le comte Malaguzzi, de Modne, pour proposer l'Autriche une cession de la Vntie moyennant des compensations pcuniaires. Le cabinet de Vienne refusa d'abord ; mais, en fvrier 1866, il revint sur cette proposition et offrit la cession de la Vntie Napolon III. Celui-ci la refusa : il P R F R A I T que l'Italie s'allit avec la PRUSSE, et que l'Autriche ft crase une fois de plus. Qu'on note bien ces dates : en novembre 1865, avait eu lieu la fameuse entrevue de Biarritz entre M. de Bismarck et Napolon III. La Marmora, alors prsident du conseil des ministres Florence, avait envoy Berlin le gnral Govoneavec la mission de ngocier un trait d'alliance offensive et dfensive. Le gouvernement italien hsitait s'engager. Tous les entretiens du gnral avec M. de Bismarck taient fidlement rapports Napolon I I I . La Marmora lui avait dpch un de ses confidents, le comte Arese, parce qu'il croyait M. Nigra trop influenc par l'empereur. Le 30 mars, M. Arese tlgraphia Florence les paroles courtes et concises de Y oracle de la Seine. S'adressant M . Arese non comme souverain, mais comme ami, il avait dit : Je crois le trait utile. Le fameux trait fut sign Berlin le 8 avril. Napolon III en reut la nouvelle la nuit mme par une dpche : aprs l'avoir lue, il se rendormit d'un cur lger et avec une grande satisfaction. Au mois de mai 1866, Napolon III, avec les tergiversations qui caractrisaient sa politique cette poque, voulut revenir aux propositions autrichiennes, mais cette fois il tait trop tard ;

RVLATIONS D'UN AGENT DE M . DE BlSHARCK

219

l'alliance italo-prussienne qu'M avait faite lui-mme, nitive (1).

tait du>

Jj 4 ,

I,ES RVLATIONS

D'UN AGENT DE M. DE BSMARCK

Un ancien rfugi hongrois, le comte de Scherr-Thosz, qui, de 1862 1867, a t, en diverses circonstances, ce qu'il dit lui-mme, l'agent confidentiel de M. de Bismarck, a publi, en 1881, dans une revue allemande, des Souvenirs de ses mmoires (2). Il raconte qu'il est entr en rapport avec M. de Bismarck au moment o celui-ci venait d'tre appel par le roi la prsidence du conseil des ministres, c'est--dire en octobre 1862. M. de Bismarck, qui tait alors ambassadeur de Prusse Paris depuis six mois environ, y revint aprs avoir confr avec le roi Berlin, pour prsenter l'empereur ses lettres de rappel. Il ressort des Souvenirs de M. de Scherr-Thosz que, ds cette poque, M. de Bismarck nourrissait ses projets de guerre contre l'Autriche ; il ne s'en cachait pas dans ses conversations avec les ministres et les hommes politiques franais ; mais ce qu'il dissimulait alors absolument (et cependant c'tait aussi un projet a r rt et un rve caress par lui), c'est qu'il songeait dj une guerre avec la France et qu'il avait avant tout et par-dessus tout cherch connatre les forces jcelles de notre pays pendant son sjour Paris, pour savoir quand il serait en tat de nous attaquer et quel serait le moment le plus opportun de nous surprendre et de nous battre.(1) Ces dtails si importants pour prciser les responsabilits sont emprunts l'ouvrage du gnral La Marmora : Un po pin dl luce sugli eventi politici e mi/itari del anno 18G6 (Florence 1873). II parait positif, dit la Gazette de France du t 18 septembre 1873, que Victor-Emmanuel a formellement autoris le gnral, dont on connat l'troite intimit avec son souverain, publier toutes les pices contenues dans son livre. 11 en a fait supprimer d'autres, le gnrai lo donne clai remont entendre, et l'on remarque surtout lo soin qu'a pris l'autour do no rien publier do trs compromettant pour la diplomatie bonapartiste. Cola s'expliquea rail parlo fait que L'on nous garantit galcmont, savoir qu'il y a trois mois, lo c gnral est venu Paris et a lu son manuscrit dans lo salon d'une grande damo do i'ro impriale, on prsence de MM. Rouher, Bcncdclti, Grammonl, Drouyn f do Lbuys ot autres serviteurs de l'ompiro. (2) Nous empruntons ces extraits au Franais du 7 juillet 1881.

220

RELATIONS SECRTES DE NAPOLON I I I AVEC LA PRUSSE

M. de ScheiT-Thosz ayant crit M. de Bismarck pour se mettre son service contre l'Autriche, le futur chancelier d'Allemagne le fit venir et lui dit :Vous m'avez devin. Je me suis propos pour but de venger la honte d'OImtz, de terrasser cette Autriche qui nous a indignement traits. Je veux donner la Prusse la place qui lui revient en Allemagne. Je reconnais la valeur que peut avoir pour nous l'aide de la Hongrie. Je sais que les Hongrois ne sont pas des rvolutionnaires dans le sens ordinaire du mot. Du reste, le grand Frdric a bien ngoci pur une alliance avec les magnats hongrois mcontents. Si nous sommes vainqueurs, la Hongrie sera libre ; comptez-y.

Une des pages les plus curieuses de ce Souvenirs est assurment celle qui nous rvle que ds ce moment (octobre 1862) M. de Bismarck avait obtenu l'assentiment de Napolon III ses vues d'unification de l'Allemagne et s'tait expliqu trs librement avec lui sur l'impossibilit o il serait toujours de donner la France une compensation sur la rive gauche du Rhin.Je n'ai aucune inquitude du ct de la France, aurait dit, dans la mme circonstance, M. do Bismarck. J'ai caus, hier soir, pendant deux heures avec l'empereur, et obtenu do lui la promesse d'une neutralit absolue. Il m'a bien parl de ce qu'il appelait une petite rectification de frontires ; il voulait le bassin houiller de Saarbruck. Je lui ai dclar carrment que nous ne cderions pas un seul village, parce que, quand mme je le voudrais, le roi n'y consentirait jamais. L dessus, l'empereur m'a donn son assentiment. Il nous croit faibles, ou bien il s'exagre la force des Autrichiens. Il m'a dit plusieurs reprises de bien prendre garde. Enfin, voyant que je tenais bon, malgr sos avertissements, il m'a dit: Eh bien, faites ce que vous ne pouvez viter de faire.

Le comte de Schcrr-Thosz prouve une fois de plus dans ses Souvenirs l'influence nfaslc et pernicieuse que le prince Jrme avait sur la politique extrieure du second empire. Il raconte une conversation qu'il eut avec l'hte du Palais-Royal le 5 juillet 1866. Le comte de Schcrr-Thosz traversait Paris pour se rendre sur le IhAtrc de la guerre et prendre part aux oprations de la lgion hongroise, qui avait t forme sous les ordres du gnral Klapka. Paris avait pavois et illumin ce jour-l. On venait d'apprendre la demande de mdiation de l'empereur

RVLATIONS D'UN AGENT D E M. DE BISMARCK

221

d'Autriche et la cession de la Vntie la France. Sait-on quelle tait alors la principale proccupation du cabinet occulte des Tuileries ? On craignait que la paix ne se ft trop tt et que la Prusse ne tirt pas assez avantage de sa victoire !!!Le prince Jrme, quand je le v i s , venait de chez l'empereur ; il tait trs excit. Vous avez bien fait de venir, me cria-t-il ; vous nous rendrez un service. Il me pria d'aller directement au quartier gnral prussien, pour avertir M. de Bismarck de ne pas accorder une paix prmature, ni un armistice. L'Autriche, souple dans l'obscurit, mais vindicative et cruelle dans le succs, si elle n'est pas compltem e n t terrasse, fera payer chrement ses revers au premier retour de la fortune. Pendant plus d'une heure, le prince s'effora de me convaincre qu'il parlait moins en son nom que d'aprs les dsirs intimes et secrets de l'empereur, qui serait oblig, en sa qualit de mdiateur, de conseiller officiellement la paix. Je devais rappeler M. de Bismarck que le prince Napolon avait dj deux fois, en Italie, jou ce rle politique confidentiel.

L'attitude prise par le prince Napolon, vis vis de l'agent secret de M. de Bismarck, est tout fait conforme la politique rvolutionnaire et antifranaise qu'il exposa dans son discours d'Ajaccio peu de temps aprs (liv. II, chap. X, 7). (1) Napolon III, accul par la ncessit, se ravisa, mais trop tard encore, et sans abandonner ses procds de conspirateur.(1) M. le duc de Broglie a publi, dans le Correspondant du 10 novembre 1882, un article intitul : Le Ministre des affaires trangres avant et aprs la Rvolution, dans lequel il raconte qu'en 1866, aprs la bataille do Sadova, M. Drouyn de Lhuys avait dcid l'empereur intervenir en Allemagne pour sauver l'Autriche et que les ordres de mobilisation taient dj prts, quand, dans la nuit qui prcdait la publication l'Officiel d'un dcret de convocation du corps lgislatif, l'influence du prince Napolon l'emporta et arrta la guerre. Le prince Napolon, dans une lettre adresse le23 novembre 1882 au Figaro, a prtendu qu'il n'avait pas, en 1866% sur les conseils de Vempereur, l'influence qu'on lui prtait, mais il dveloppe dans la mme lettre toutes les raisons ou plutt quelques-unes des raisons pour lesquelles il tait oppos l'intervention en faveur de l'Autriche. Le rcit du comte de Scherr-Thosz montre quelles manuvres le prince Napolon recourait pour faire prvaloir sa politique, et si c'tait, comme il le prtend dans sa lettro au Figaro, l'intrt exclusif de la France qui le guidait. En ralit, lo rcit do l'agent secret de M. de Bismarck et celui de M. de Broglie se compltent l'un l'autre. Nous avons du reste reproduit, chap. VII, % 11, le tmoignage si prcis de M. DiamillaMuller, racontant la part prise en 1866 par lo prince Napolon pour empcher la France de soutenir l'Autriche et son voyage Turin. V. Politica segreta italiana, p. 271. On peut donc juger de la valeur du dmenti du prince.

222

RELATIONS SECRTES DE NAPOLON III AVEC LA PRUSSE

S 4. UN AGENT SECRET DE NAPOLON III

EN

1866

En 1864, alors que la Prusse crasait le Danemark, le parti national danois avait envoy Paris un reprsentant, Julius Hansen. Le parti national danois poursuit l'unit des trois royaumes Scandinaves ; M. Julius Hansen a dfendu cette ide dans la presse et dans des brochures. Cela lui tait une recommandation toute naturelle auprs du Carbonaro couronn, qui en lit bientt un de ses confidents. Julius Hansen avait ses entres au ministre des affaires trangres et tait le rdacteur diplomatique de la France. L'empereur l'avait envoy Prague en 1866 en mission confidentielle auprs du prince de Bismarck, pour obtenir dans le trait avec l'Autriche l'insertion d'un article portant que les populations du Sleswig seraient appeles voter sur l'annexion dj ralise la Prusse. M. de Bismarck accda facilement cette demande purile, qui devint l'art. V du trait de Prague, et qui, on le sait, ne fut jamais excute. Napolon III s'imaginait avoir cr par l une cause de futurs embarras pour la Prusse ! En mars 1867, il apprit trs inopinment la conclusion du trait d'alliance de la Prusse avec les Etats de l'Allemagne du sud, qui ralisait en fait l'unit germanique. Sortant alors de sa torpeur, pouss par l'opinion publique, laquelle les dbats du corps lgislatif avaient donn une vive surexcitation, Napolon III et ses ministres voulurent nouer une alliance avec l'Italie en vue d'une lutte avec la Prusse. Dans ce but, il envoya auprs du baron Ricasoli, alors chef du ministre Florence, le prince Cariati, un Napolitain, et toute cette ngociation passa par Julius Hansen, qui servit d'intermdiaire entre l'envoy secret de Napolon III et MM. Drouynde Luys, de Moustiers, Rouher. A cette ngociation politique tait mle une affaire financire sur les biens ecclsiastiques d'Italie que l'on et fait conclure avec Rothschild, Baraberger et le Crdit foncier. Confies de tels agents, ces ngociations taient facilement pntres. M. Diamilla-Muller, qui nous empruntons ce rcit, publie le texte d'une dpche d'un agent secret du prince de Bis-

U N AGENT SECRET DE NAPOLON III

223

marck, le nomm B , mettant, le 30 mars 1867. le comte d'Usedom parfaitement au courant de la mission remplie par le prince Cariati (1). Mazzini n'tait pas moins bien inform, comme on Ta vu par ses notes de novembre 1867 au prince de Bismarck, que nous avons publies au tome II. (Liv. II, chap. X, 7.)d) Politica segreta italiana, chapitre VIII, l'articolo V del trattalo di Praga.

CHAPITRE NEUVIMEL'ALLIANCE MAONNIQUE DE E T D E L'ITALIE LA PRUSSE

SI.

L E S SOUVENIRS DU GNRAL

L A MARMORA

Les ides et les haines qui sont communes la Maonnerie ont eu, concuremment avec la gallophobie (1), leur part d'influence dans le rapprochement qui, partir de 1866, s'est opr entre la Prusse et l'Italie et sur lequel a repos et repose encore la politique de M. de Bismarck. Le gnral La Marmora, dans ses curieuses rvlations, raconte qu'en 1861, tant envoy auprs du roi de Prusse l'occasion de son couronnement, il se mit en rapport avec le chef du parti libral, le dput de Vincke, et il emporta l'espoir que, par son intermdiaire, il se produirait dans l'opinion publique en Prusse un revirement en faveur de l'Italie ; mais il omet de dire quels arguments il ft valoir auprs de M. de Vincke et quels moyens employa ce dernier pour ramener l'opinion publique gare.(1) Voyez sur les sentiments que les Italiens nourrissaient l'endroit de la France, ds le lendemain de la guerre d'Italie, le curieux ouvrage de M, Auguste Brachel : L'Italie qu'on Voit et l'Italie qu'on ne voit pas. Paris, Hachette, 1881. III

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ALLIANCE MAONNIQUE DE LA P R U S S E E T D E L ' I T A L I E

En mars 1866, Victor Emmanuel avait envoy Berlin le gnral Govone pour nouer une alliance offensive et dfensive entre l'Italie et la Prusse, ainsi qu'on Ta vu au chapitre prcdent. Dans une dpche adresse La Marmora, le gnral rsumait une conversation de M. de Bismarck sur les difficults que celui-ci prouvait engager la Prusse dans une guerre avec l'Autriche et sur les mobiles qui dictaient sa propre conduite :M . de Bismarck avait toujours t d'avis que l'Autriche devait tre regarde comme l'ennemi naturel de la Prusse, et c'est pourquoi il avait, de tout temps, vu avec plaisir la conduite et les succs de la maison de Savoie, mais il tait seul eu Prusse de son avis. L, on avait autrefois regard comme un crime la guerre contre l'Autriche et l'alliance avec la France j et l'opinion publique s'tait reprsent l'Italie comme personnifie dans Mazzini et Garibaidi. Il avait russi modifier cette manire de voir, et, tout rcemment, il avait propos au roi de Prusse de faire un essai, de faire participer l'Autriche la guerre du Danemark et d'essayer ainsi de consolider l'alliance austro-prussienne. Cet essai avait compltement chou, ou plutt compltement russi, suivant ses prvisions : la rivalit naturelle de l'Autriche et sa susceptibilit s'taient accuses plus que jamais, et cet essai avait guri le roi et bien d'autres gens de l'alliance autrichienne ; le roi Guillaume avait laiss tomber ses scrupules lgitimistes exagrs, et il pouvait dsormais le conduire (sic) suivant ses desseins.

2.

UN MMORANDUM PRUSSIEN ADRESS A MAZZINIBN

1867

Les mmes ides sont exprimes dans un mmorandum intitul : La Prusse allie naturelle de VItalie mais envoy celle fois directement par la chancellerie prussienne Mazzini, en rponse aux ouvertures que celui-ci avait faites M. de Bismarck et qu'on a pu lire liv. II, chap. X, S 7. En voici la reproduction intgrale, car ce document touche un grand nombre de points de la politique contemporaine et est la contrepartie ds relations secrtes de Napolon III avec la Prusse.9

Les affinits de langage et de race, les analogies de temprament moral et de murs importent peu en fait d'alliances. Les alliances ne

L N MEMORANDUM PRUSSIEN ADRESS A MAZZINI

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reposent que sur l'intrt et ne sont dtermines que par les avantages qu'elles procurent. Quand deux Etats ont une situation gographique telle, qu'ils peuvent dvelopper leur propre systme d'action et augmenter indfiniment leur puissance par l'industrie, le commerce et la guerre, sans que ia puissance de l'un puisse jamais en aucune manire mettre obstacle celle de l'autre, qu'au contraire, la force de l'un accrot celle de l'autre, ces deux Etats sont et doivent tre des allis naturels. Au contraire, quand deux Etats ont une situation gographique telle, que l'un ne puisse tendre sa sphre d'action sans nuire l'autre ; quand le commerce de l'un ne peut prosprer qu'au dtriment de celui de l'autre; quand, en un mot, le but atteindre pour arriver au plein dvelopement de leur puissance est le mme pour tous les deux, en sorte que, si l'un d'eux y atteint, l'autre n'y atteindra jamais, et sera par consquent dans la dpendance du premier, non seulement il n'y a pas d'alliance naturelle entre ces deux Etats, mais il y a entre eux une rivalit ncessaire qui, tout moment, peut et doit en faire des ennemis. En partant de ces principes, les seuls conformes la raison, il est facile de dire quelle est l'allie naturelle de l'Italie et quelle est sa rivale naturelle.

L'allie naturelle de l'Italie est VAllemagne. La rivale naturelle de l'Italie est la France.Supposons l'Italie, entirement matresse d'elle-mme, forte de son unit politique, devenue l'entrept de ses propres produits si varis et de tous ceux du Midi ; supposons l'Allemagne forte aussi de son unit politique, devenue l'entrept de ses propres produits et de ceux du Nord ; f Italie matresse de la Mditerrane, l'Allemagne matresse de la Baltique ; ces deux puissances, quoi qu'on en dise, les plus intelligentes et les plus civilises, qui partagent l'Europe en deux et qui en forment le centre, ces deux puissances dotes de frontires si prcises et si nettement dlimites, si diffrentes de langue et de temprament, exerant leur action dans des sens si divers, que jamais l'Italie ne pourra aspirer dominer dans la Baltique ni l'Allemagne songer dominer dans la Mditerrane, et demandons-nous si elles peuvent faire autrement que de s'entr'aider mutuellement et de s'aimer cordialement. L'Italie et l'Allemagne sont entoures de peuples qui aspirent s'agrandir leurs dpens. Au nord, l'Angleterre pse sur l'Allemagne, et un jour l'Orient arrivera peser sur l'Italie. Au sud, au sud seulement, brille pour toutes deux l'toile de l'avenir ; au sud, o l'Aile* magne s'appuie sur l'Italie, o l'Italie a devant elle la Mditerrane qui

peut redevenir un lac italien. Le peuple qui a fait 4814, 4848 et 4866 est le vritable alli de celui qui a fait 4848, 4849 et 4860.

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ALLIANCE MAONNIQUE DE LA PRUSSE ET DE L'ITALIE

A la fin de tanne, VAllemagne devra former un seul tat puissant, dtendant de la Baltique aux Alpes, du Rhin la Vistule et la Brave; l'Italie ne devra plus avoir de provinces aux mains de l'tranger ; ou bien ni tune ni Vautre n'auront compris leur situation rciproque. Quant l'Italie et la France, la configuration du globe terrestre ne pouvant pas tre change, elles seront toujours rivales et souvent ennemies. La nature a jet entre elles une pomme de discorde qu'elles ne cesseront de se discuter : la Mditerrane, port admirable au centre de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique, canal entre l'Atlantique et le Pacifique, bassin entour des terres les plus favorises du ciel. N e serait-ce pas folie de penser que la France peut n'tre pas jajouse de l'Italie qui s'avance si loin dans la Mditerrane, qui en possde les ctes les plus belles, les plus peuples et les plus riches, de l'Italie qui est la voie la plus directe entre l'Europe, l'Orient et les I n des? Tout le monde sait la joie qu'ont ressentie les Franais la nouvelle du dsastre de Lissa. La France y a vu pour elle un grand avantage Si, en 1859, elle a tmoign quelques sympathies l'Italie, ce n'a t que par mode ou par amour propre national. Si mme, cette date, on tudie attentivement la vraie opinion franaise, on verra que tout se bornait aux loges de trois Ou quatre journaux parisiens pays pour les insrer. Et quand nous parlons de la France, nous entendons la France telle que sa situation gographique l'a faite, la nation franaise. D'un autre ct, il est impossible t Italie de souffrir que la France me* noce tout moment de s'emparer de Tunis comme elle Va fait rcemment : de Tunis qui ne serait pour elle qu'une tape pour atteindre la Sardaigne. Il est indispensable l'Italie de se constituer de telle faon, qu'elle n'ait pas trembler pour ses ctes, pour son commerce, pour ses provinces chaque froncement de sourcil du Jupiter franais. La France matresse de ta Mditerrane ? La France avec les frontires du Rhin? Non: V Italie et V Allemagne ne doivent aucun prix le permettre. G*est pour elles une question de vie ou de mort. Et qu'on ne vienne pas parler de la reconnaissance de l'Italie envers la France. L'Italie ne doit rien la France. Voici le bilan de l'une et de l'autre. Il montre clairenient quelle est la crancire. La France a perdu, sur les champs de bataille italiens, dans l'intrt de l'Italie, vingt mille soldats. Et c'est tout. Pour le profit qu'elle a tir de l'intervention franaise, l'Italie a donn Nice, la Savoie et 60 millions. Et c'est assez. Mais qu'on jette un regard en arrire et qu'on se rappelle les annes

RAPPEL DE M. D'USEDOM

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coules de 1797 1815 ; qu'on se rappelle le sang d'un million de soldats italiens vers au profit et pour la gloire de la France qui, pouyant faire l'Italie libre et grande, la fit esclave , qu'on se rappelle les millions pays par milliers la France ou dpenss pour elle, et les incomparables trsors artistiques drobs par la France l'Italie et qui ornent encore aujourd'hui le Louvre ! La France, dans la guerre de 1859, n'a fait que payer l'Italie une partie de sa dette. L'Italie et la France ne peuvent s'associer pour exploiter en commun la Mditerrane. Cette mer n'est pas un hritage partager entre parents. L'empire de la Mditerrane appartient incontestablement VItalie, qui possde sur cette mer des ctes douze fois plus tendues que celles de la France. Marseille et Toulon ne peuvent entrer en comparaison avec Gnes, Livourne, Naples, Paenne, ncne, Venise et Trieste. L'empire de la Mditerrane doit tre la pense constante de V Italie, le but poursuivre par les ministres italiens, la base de la politique italienne. Un homme d'tat prussien persuad de ces vrits a eu l'ide de faire l'unit de l'Allemagne en s'appuyant sur l'alliance de l'Italie. La Prusse et l'Italie auraient pu dicter la paix Vienne en rejetant dans les pays slaves la dynastie des Habsbourgs qui, devenant ainsi un danger pour la Russie, cessait d'en tre un pour l'Allemagne et pour l'Italie. La Prusse aurait pu alors achever l'unit de l'Allemagne. En mme temps que l'Italie et l'Allemagne constituaient ensemble leur unit, elles obtenaient la prpondrance en Europe. Et, bien que l'Angleterre et la Russie n'aiment pas voir l'Allemagne constituer son unit, elles s'y seraient rsignes, si cette unit avait eu pour consquence de faire disparatre de la scne du monde une autre prpondrance. L'occasion perdue se reprsentera. L'italie et la Prusse troitement allies peuvent la faire natre leur gr. Consquence : Ncessit de l'alliance de l'Italie et de la Prusse par voie diplomatique. Ou bien : Alliance stratgique de la Prusse avec le parti national italien.

3 . LE RAPPEL DE M. D'USEDOM, MINISTRE DE PRUSSE A FLORENCE EN 1868

Nous avons publi dans le tome II (liv. II, chap. X, S 7) les principaux documents relatifs aux communications de Mazzini et

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ALLIANCE MAONNIQUE DE LA P R U S S E ET DE L'ITALIE

de M. de Bismarck en 18G7. Elles sont racontes avec plus de dtail dans 1'oilvrage de M. Diamilla-Muller, et nous y trouvons l'explication d'un incident diplomatique, qui tait rest obscur jusqu' prsent. Mazzini, dans sa premire note du 17 novembre 1866, signalait M. de Bismarck l'existence d'un trait secret d'alliance entre l'empereur et le roi Victor-Emmanuel. Peu de jours aprs, M. de Bismarck faisait remettre la note suivante Mazzini :Le gouvernement de Berlin craint qu'il n'y ait accord entre le roi Victor-Emmanuel et l'empereur Napolon H t , accord qui serait contraire ce que le roi de Prusse devrait attendre de Victor-Emmanuel.. Mais il n'en a pas la preuve, et c'est cette preuve qu'il dsirerait avoir. S'il l'avait, il consentirait immdiatement traiter avec l'homme qui seul aujourd'hui peut faire chec la politique des Tuileries. L'auteur de la note est donc intress se procurer la preuve dsire et donner tous les claircissements ncessaires relatifs l'officier prussien, afin qu'on puisse ensuite s'aboucher directement avec luimme. Pour faciliter la voie l'auteur de la note, on lui fait savoir que les gnraux Cialdini et Durando ont dit avoir lu les dpches changes entre Sa Majest Victor-Emmanuel et l'empereur Napolon III, dans lesquelles le roi s'engage ne pas aller Rome, dpches qui ont t le prliminaire d'un accord italo-franais contre la Prusse.

Cette preuve crite, Mazzini ne put ou ne voulut pas la donner (V. sa rponse, t. II, p . 391). Le gouvernement prussien en obtint la preuve par une autre voie. Le comte d'Usedom, ayant eu, au commencement de 1868, l'occasion de traverser Rome, vit le cardinal Antonelli, qui lui donna des indications trs prcises sur l'accord existant entre le cabinet des Tuileries et Rattazi, pour une action commune en certaines circonstances, et lui fournit les moyens de s'en procurer les preuves authentiques. Ds son retour Florence, le comte d'Usedom n'eut rien de plus press que d'informer les reprsentants de Mazzini, M. Diamilla-Muller notamment, de la conversation qu'il avait eue avec Antonelli. Peu de jours aprs, sur la demande du gouvernement italien, il tait brusquement rappel par M. de Bismarck. La partie s'tait lie entre la Prusse et l'Italie. Victor-Emmanuel avait compris la porte de la menace qui terminait l mmoire sur Y Allemagne

L'EMPEREUR GUILLAUME ET LA MAONNERIE ITALIENNE

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allie naturelle de l'Italie : Ncessit de Valliance de la Prusse et de VItalie par la voie diplomatique ou alliance stratgique de la Prusse avec le parti national italien . La chancellerie prussienne avait eu l'habilet d'en faire publier quelques extraits dans la Neue-Presse de Vienne comme une menace l'adresse de Victor-Emmanuel. M. d'Usedom tait compromis par les relations que M . de Bismarck lui avait imposes avec les agents de Mazzini : la dernire communication qu'il venait de leur faire tait une imprudence dont les deux nouveaux allis voulaient viter le renouvellement. M. Diamilla-Muller conclut ainsi son rcit :De nouveaux engagements furent pris : la solution de ces ngocia* tions fut confie de nouveaux individus. Ce qui avait t crit F l o rence tomba dans une sorte d'oubli. Londres possde aujourd'hui des documents, qui ne nous sont pas inconnus, sur cette seconde phase des intrigues diplomatiques, qui devaient faire verser une mer de sang et lever la place d'une ancienne hgmonie une nouvelle devant laquelle l'Europe entire serait force de se courber (1).

Par une rciprocit de bons procds, en 1871, le grand matre de la loge du rite d'York de Berlin, le f v Von Schakenburg, demanda et obtint la destitution de Frappoli, grand matre de la Franc-maonnerie italienne, puis sa squestration dans une maison d'alins (liv. I, chap. I I I , 4 et liv. I I , chap. X, 7), parce qu'il s'tait montr trop sympathique la France pendant la guerre.

4 . L'EMPEREVR GUILLAUME ET LA MAONNERIE ITALIENNE

Lors de la visite que l'empereur Guillaume fit Victor-Emmanuel, Milan, en 1875, les loges italiennes envoyrent une dputation leur frre couronn. Les dputs Mussi et Tamajo reprsentaient le Grand-Orient et de nombreux dlgus des loges s'taient joints eux. Le journal II Secolo raconte ainsi leur rception dans son n du 2 3 octobre 1875 (2) :(1) Politica segreta italiana, p. 355. (2) Reproduit par la Civilta cattolica, no du 18 dcembre 1875.

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ALLIANCE MAONNIQUE DE LA P R U S S E ET DE L* ITALIE

Hier cinq heures d l'aprs-midi, l'empereur d'Allemagne a reu en audience intime et avec la plus exquise cordialit une dputation de la Maonnerie italienne. La dputation lui prsenta une adresse signe des membres du Grand-Orient et de tous les dlgus des loges italiennes runies Milan. Aprs avoir remerci avec beaucoup de chaleur, l'empereur porta la conversation sur un terrain tout fait intime et manifesta clairement ses sentiments profondment maonniques. Parlant des obstacles que la Maonnerie rencontre dans sa diffusion et de la malveillance avec laquelle certaines personnes cherchent diminuer dans l'opinion publique son importance et sa valeur, il engagea les frres demeurer fermes dans la lutte sans se laisser troubler, et compter toujours sur l'adhsion et le secours de tous les affilis. Les paroles sorties de la bouche d'un tel personnage, pour rfuter une des objections faites constamment par nos adversaires, mritent d'tre rapportes textuellement : Moi aussi, a-t-il dit, j'ai trouv des obstacles au dbut de ma vie maon nique, mais ceux qui pour me dissuader me demandaient ce qu'< tait la Maonnerie et quoi elle pouvait servir, j'ai toujours rponc du : Entrez-y et voyez par vous-mmes.

L'empereur demanda ensuite avec bienveillance des informations dtailles sur le rgime intrieur et le dveloppement de la famille maonnique italienne. Il s'informa avec intrt de l'illustre grand matre. Aprs une demi-heure d'audience marque par une touchante et fraternelle affabilit, la dputation se retira vivement mue par l'accueil vraiment maonnique de l'illustre et puissant frre (i).(1) Le journal la Capitale^ n* du 27 octobre 1875. a publi le texte de l'adresse du Grand-Orient italien l'empereur Guillaume.

CHAPITRE DIXIMELA POLOGNE ET LA FRANC-MAC ONNEfUE

Le Pre Deschamps a montr dans son ouvrage comment la Maonnerie, qui a exploit de nos jours si habilement l'ide des nationalits, tend en ralit dtruire toutes les nationalits, pour raliser ses plans de destruction de l'Eglise et du Christianisme, et pour lever leur place le temple de PHumanit. L'infortune Pologne en a fait la dure exprience. Sa cause a servi de prtexte un grand nombre de meetings et de dmonstrations rvolutionnaires. A plusieurs reprises les meneurs du mouvement ont cherch lui faire faire des diversions utiles leurs projets ultrieurs : en dfinitive, il l'ont toujours abandonne. On a vu dans les volumes prcdents plus d'un indice de cette pense cache des sectes son endroit. Napolon I en 1809 et en 1812 avait son sort entre les mains. Il dpendait de lui de rtablir le royaume de Pologne, et il y et trouv un appui solide pour ses oprations militaires ; mais il s'y refusa obstinment, en dpit des conseils qui lui taient donns par tous les hommes ayant le sens politique. Une haine sourde l'animait contre cette catholique nation et il en a laiss chapper le secret dans une conversation avec M. de Narbonne. Je ne veux de la Pologne que comme force discipline pour meubler un champ de bataille , disait-il, et il ajoutait, pour colorer cet gosme odieux, des rcriminations contre les vieillesep

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L POLOGNE ET LA

FRANC-MAONNERIE

institutions librales de ce peuple, contre son fanatisme mystique ou dmagogique (1). Napoloa III n'a pas eu une politique diffrente. Pas plus en 1863 qu'en 1854 il n'a voulu tendre la main la Pologne, malgr l'intrt militaire vident qu'il y aurait eu. Les dmarches diplomatiques de 1863 n'avaient pour but que de tromper le sentiment public franais (2). Il en fut de mme de l'Angleterre et de Palmerston. Depuis 1832, la direction des insurrections a, en ralit, t presque toujours aux mains de la fraction de l'migration polonaise qui avait verse dans les ides rvolutionnaires (v. tome II, Document annex K, 4 et 5). L'insurrection lamentable de 1862 a t suscite par le comit de la rvolution universelle sigeant Londres, sous la direction de Mazzini, de Safli, de Turr, de Kossutji. Le lecteur a pu voir dans ce volume (chap. VII, ss 8 et 10) comment cette insurrection faisait, dans leurs projets, partie d'un mouvement rvolutionnaire universel destin contrecarrer l'action de Napolon I I I . On trouvera des documents attestant ces faits dans une publication faite sur les notes du gnral Berg, commandant gnral des forces russes en Pologne, et qui contient un grand nombre de pices secrtes saisies sur les insurgs. Elle est intitule Die Polnischen Aufstnde seit 1830 in ihrem Zuzammenhange mit den internationalen Umsturzbestrebungen, von major Knorr (Berlin, in-8, 1880, Siegfried Mittler) (3). Cependant, tandis que le peuple polonais se levait avec un courage et un patriotisme dignes d'admiration, malgr quelques(t) Souvenirs contemporains, par M. Villomain, tome I, M. de Narbonne, chap. XIV. (2) La correspondance de Mrime avec Pannizzi (2 vol. in-8, Paris, 1880) montre combien dans l'entourage inlimo de Napolon III on tait hostile la Pologne. (3) Ce livre doit lre consult avec uno grande rserve. L'auteur n'a travaill que sur des documents et dos notes de polico ; il est anim do tous les prjugs allemands et protestants contre la Pologne. Il incrimine systmatiquement le clerg catholique pour justifier les barbaries do Berg ot de Mourawief. Il est galement ignorant et injuste on prsentant comme dos socialistes et des communistes les .patriotes polonais qui se proccupaient d'manciper los paysans et de rsoudre les .problmes agraires propres aux pays slaves, qu' la mme poque l'empereur Alexandre II s'efforait do trancher en Russie par son mmorable acte d'affranchissement de 1861. Mais les documents mans du comit rvolutionnaire de Londres qu'il publie sont d'une authenticit indiscutable.

LA POLOGNE ET LA FRANC-MAONNERIE

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crimes qu'y mlaient malheureusement les hommes del rvolution cosmopolite, la Hongrie, la Roumanie, la]Serbie, PItalie mme restaient sourdes la voix de Mazzini et de Garibaidi. C'est qu'en Pologne il y avait un mouvement vraiment national et religieux. Dans l'ouvrage que nous venons de citer, on en trouve les preuves indiscutables. Mierowlaski, l'agent des rvolutionnaires de Londres, pouvait tre un athe socialiste, comme Lelewel avait t un franc-maon libral ; les insurgs polonais se levaient avant tout pour dfendre leur foi, et l'image de la Vierge tait sur leurs bannires. Le prince Wladislas Czartoriski Paris, le comte Zamoyski Londres pouvaient accepter de reprsenter auprs des puissances trangres l'insurrection polonaise. Il est absolument certain que, si elle et russi, les lments suprieurs du pays eussent fini par l'emporter et que la Pologne et t reconstitue comme une nation catholique. Aussi les hommes qui possdaient le secret de la Maonnerie ne s'en souciaient-ils aucunement. Un des coryphes de la secte en Italie, le f.\ P e trucelli dlia Gatina, correspondant du journal franais le Sicle, s'en exprima trs clairement, en 1864, la Chambre des d puts de Turin, l'occasion d'un ordre du jour de sympathie en faveur de l'insurrection polonaise. Petrucelli combattit fortement cette motion et finit par faire valoir la raison dcisive aux yeux des loges :Les Polonais ront catholiques. Leur premier acte, s'ils s'mancipent, sera de s'agenouiller aux pieds du pape et de lui dire : Nous voil ! notre pe, notre sang, nos fortunes sont au service du SaintSige (1).

La chambre ajourna la question ! Herzen et Bakounine faisaient partie, au moins depuis 1858, du comit rvolutionnaire de Londres, qui suscita l'insurrection de 1862 (2), et l'on peut douter qu'ils en souhaitassent sincrement le succs. La reconstitution de la Pologne et t en effet le plus grand obstacle leurs plans de rpublique panslaviste, athe et socialiste (cf. liv. II, chap. XV, 4).(1) Rattazzi et son temps (in-8, Paris, 1880), t. II, p. 652. (2) Die polnischen Aufstnde seit 1830, pp. 91 et 153.

CHAPITRE ONZIEMELA FRANC-MACONNERIE E N AUTRICHE (1)

S 1. ORIGINE PRUSSIENNE DES LOGES AUTRICHIENNES

Dans le courant du XVIII* sicle, quelques loges s'taient fondes dans les pays de la domination autrichienne, grce la protection de l'empereur Franois I , l'poux de Marie-Thrse (cf. liv. II, chap. I I I , 2 ) . Joseph II, associ l'empire par sa mre, continua ce patronage. En janvier 1 7 7 6 , un dlgu de la Grande Loge d'Allemagne tablie Berlin, le f.\ Franz von Sudthausen, vint Vienne dans le but de rattacher toutes ces loges au centre tabli dans la capitale prussienne. Dans une audience qu'il obtint de Joseph II par l'intermdiaire du fameux von Zinnendorf, son favori, il prsenta ce prince une lettre lui adresse par la Grande Loge d'Allemagne, pleine des plus belles protestations, et il lui demanda d'accorder n Autriche la Maonnerie une protection semblable celle qu'elle recevait dj du roi de Prusse. L'empereur, sduit par un vain amour de la popularit, rpondit favorablement. La Maonnerie acquit ainsier

(1) Dans ce chapitre,nous avons fait de larges emprunts une instructive brochure : Der Hammer der Freimaurerei am Kaiser throne der Habsburger, von Annuarius Offeg, 2 dit, in-8, Amberg et Leipzig 1880. Nous compltons ainsi les 23 2 et 5 du chapitre XI du livre II, intituls : V Unit allemande et le travail maonnique en Autriche.

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LA FRANC-MACONNERIE>

EN

AUTRICHE

une sorte de reconnaissance officielle dans les Etats hrditaires. La plus grande partie des loges autrichiennes et hongroises fut rattache la grande loge de Berlin. Entre 1771 et 1794 environ 45 loges des diffrents rites (1) existrent dans les pays de la monarchie autrichienne. L'empereur ne fut pas rcompens de sa condescendance. La guerre avec la Turquie, qui troubla les dernires annes de son rgne, fut l'uvre des sectes ; elle fut suscite par le diplomate prussien Herzberg, un franc-maon, de concert avec Pitt. Le chef des francs-maons hongrois, le comte Nicolas Forgatzch, se rendit de sa personne Berlin pour prparer, avec Herzberg, un soulvement en Hongrie. Les Illumins ayant leur tte Martinoviez, le prvt d'Oedenburg, y donnrent tout leur appui. (2) C'est l une tactique laquelle depuis lors la cour de Prusse a frquemment recouru dans ses luttes avec r Autriche. Nous avons dit ailleurs (liv. I I , chap. V, 4) quelle part les adeptes des loges eurent dans les attentats de Joseph II contre la discipline de l'glise. Leurs perfides flatteries poussrent de plus en plus dans une voie funeste ce prince, que la mauvaise ducation reue de son pre avait prdispos accueillir toutes les erreurs des sophistes modernes. Il voulut, la fin de son rgne, rprimer les sectes et prtendit, en 1789, soumettre la surveillance de la police les runions des francs maons ; mais il ne put rparer le mal qu'il avait laiss faire. Franois II, en 1794, prit des mesures plus nergiques. Il prohiba absolument la Franc-maonnerie et exigea que tout fonctionnaire prta le serment qu'il n'appartenait aucune socit secrte. La propagation du mal fut ainsi arrte en grande partie, et c'est au long arrt oppos l'invasion de la Maonnerie qu'on doit attribuer la conservation dans le peuple autrichien de la foi catholique, du sentiment patriotique et des sains principes sociaux. Les sectes ne s'en sont que davantage acharnes la destruction de cette noble monarchie. Le delenda Austria est, avec leLilia(1) V. der Zirkel organ der Wienct-Loge Iumanitas, i Juli 1874. En 1749, la premire logo do la Stricte observance du systme de Huad fut fonde Prague. (2) Cf. dans la Biographie universelle de Michaud, art. Marlinovicz, et dans ce volume-ci les indications donnes liv, III, chap. 1 , 9.% er

LA MAONNERIE DANS LA CISLEITHANIE

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pedibus destrue, devenu depuis lors une des directions dominantes del politique des socits secrtes. Sous les rgnes de Franois II et de Ferdinand, la Maonnerie fut rigoureusement interdite. Elle put cependant faire un certain nombre d'adeptes dans les hautes rgions sociales, parmi les tudiants, les professeurs, les ngociants qui voyageaient au dehors, et se faisaient affilier dans les loges trangres, dans celles de Prusse et de Saxe principalement. C'est ainsi qu' il existe en Autriche plus de maons qu'on ne le croit gnralement ; ils sont rattachs un centre tranger, comme le dit la FreimaurerZeitung du 11 juillet 1874. En 1848, au lendemain del rvolution, qui clata dans les rue de Vienne, une loge se constitua sous le titre de St-Joseph. Elle eut pour vnrable le f.\ Dr Ludwig Lewis, professeur l'acadmie des ingnieurs. Le 22 juillet, cette loge reut sa constitution de la grande loge allemande de Berlin. La restauration de la monarchie fora bientt les frres interrompre leurs travaux ostensibles, et les anciens dits qui dfendaient la Maonnerie furent remis en vigueur.

S 2. LA MAONNERIE DANS LA CISLEITHANIE DEPUIS 1860

Aprs 1859, la Franc-maonnerie commena relever la tte. Sous les ministres Schmerling et Belcredi des dmarches furent faites pour sa reconnaissance officielle. Elles n'aboutirent pas, grce en partie la publication d'un des crits les plus remarquables d'Eckert : Die Frage der staatlichen Annerkennung des Freimaurerordens in Oesterreieh vor der Richterstliul der offentlichen Meinung gebracht und beantwortet (Vienne, 1862). Les vnements de 1866 changrent compltement la situation. La nouvelle du dsastre de Sadowa fut accueillie par les francs-maons Viennois avec des manifestations de joie non quivoques. Ils purent immdiatement aprs commencer contre l'glise une lutte lgislative, dont le dveloppement a t arrt seulement par la volont du souverain (v. liv. II, chap. XI, 4), et en mme temps ils travaillrent l'unification de l'Allemagne sous le sceptre de la Prusse. Matres de la presse,

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LA FRANC-MACONNERIE EN AUTRICHE

dont tous les organes Viennois leur appartiennent, la seule exception prs du Vaterland ; matres de la bourse par les Juifs, leurs allis, ils exercent une influence hors de toute proportion avec leur nombre. La loi lectorale faite par leurs affilis leur donne dans les chambres le moyen d'imposer leur politique l'immense majorit de la nation, qui y rpugne aussi bien par des raisons sociales que par des motifs religieux. Non contente d'exercer une influence relle, la secte veut s'affirmer. Ds le 19 janvier 1868, sous le ministre du comte de Beust, un rescrit imprial a supprim du serment des fonctionnaires la clause par laquelle ils dclaraient n'appartenir aucune socit secrte. Malgr le maintien en thorie des lois qui dfendent la Maonnerie, une socit de francs-maons on ne dit pas une loge s'est forme Prague sous le titre A'Amicitia, et a t reconnue par le gouvernement. A Vienne, les francs-maons ont constitu une socit non politique, disent les statuts, sous le titre d'Hu* manitas. Elle a pour prsident le f. . Franz Julius Schneeberger (1). Bien vite elle a compt plus de 200 adhrents, tous haut placs et riches, et a fond dans les provinces des socits affilies. Les membres de la socit Humanitas se runissent Neudorfl, sur le territoire hongrois, pour accomplir des travaux maonniques rguliers. L e gouvernement hongrois Ta reconnue officiellement. Elle a t ouverte solennellement le 25 fvrier 1872, et le dput, grand matre du Grand-Orient de Hongrie, le f.\ Liditeinstein, a dclar cette occasion que la sodit Humanitas formait le noyau de cristallisation de la future grande loge autrichienne. Le f. . Lewis, Pancien vnrable de 1848, crit de son ct que la socit de francs-maons de Vienne, aussi bien que la loge de Neudorfl manifestent une activit qui n'est dpasse par aucune loge, et que bien des loges an ciennes devraient convenir qu'elles ont prendre modle sur leur jeune sur (2). Elle publie, depuis 1869, un journal maonnique spcial sous ce titre : Der Zirkel (le compas).

A la suite de rivalits personnelles, un autre goupe, s'intitulant le Cercle international des francs maons, s'est constitu Vienne et a cr plusieurs autres cercles semblables dans les provinces.(1) Le f.*. Schneeberger, ingnieur du tlgraphe, a crit beaucoup de romans sous le pseudonyme d'Arthur Storch. (2) Dr Lewis, Geschichte der Freimaurerei in Oeeterreicch und in Ungarien, Leipzig, 1872.

LA MAONNERIE DANS LA CISLEITHANIE

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Il publie aussi un journal, VAllgemeine Ocsterreische Freimaurer Zeitung. Ces deux centres riches et nombreux travaillent l'envi rpandre les ides maonniques dans toutes les classes de la