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40 LES THROMBOPENIES L. Mauvieux Item N°335 1. Définition Thrombopénie = nombre de plaquettes inférieur à 150 Giga/L Valeurs normales: 150 à 450 Giga/L, indépendantes de l'age et du sexe, mais peuvent varier pendant la grossesse Les explorations sont envisagées si le chiffre des plaquettes contrôlé est inférieur à 140 Giga/L Il est nécessaire d'éliminer les "fausses thrombopénies", d’origine multiples, qui rendent impératifs la qualité du prélèvement (et de son transport), ainsi que la technique de numération utilisée. On doit vérifier : La qualité du prélèvement (non traumatique, acheminement rapide) L’absence de micro-caillots dans le tube L’absence d’agrégats plaquettaires, qu’on ne peut observer que sur les frottis sanguins, qui doivent donc être réalisés systématiquement devant une thrombopénie. On éliminera les artéfacts techniques : Macroplaquettes exclues du seuil de comptage des analyseurs d'hématologie Thrombopénies induites par l'EDTA, chélateur du calcium, utilisé comme anticoagulant dans le tube de numération. Dans un nombre restreint de cas, des anticorps anti-plaquettes actifs en présence d' EDTA provoquent une agglutination des plaquettes dans le tube, qui ne seront donc pas comptées par l’automate de numération sanguine. Cette agglutination des plaquettes ne survient habituellement pas en présence d’un autre anti-coagulant, comme le citrate de Na utilisé dans les tubes pour bilan d’hémostase. Un contrôle de la numération plaquettaire sur ce type de tube permettra donc d’avoir un compte exact des plaquettes. Le comptage des plaquettes sur prélèvement capillaire pourra être nécessaire si l’agglutination persiste avec le citrate de Na. 2. Syndrome hémorragique Le risque hémorragique est nul au dessus de 80 Giga/L en l'absence d'autre anomalie de l'hémostase, de prise d'antiagrégants plaquettaires ou de cause locale. Entre 30 et 50 Giga/L, la thrombopénie est le plus souvent asymptomatique, mais peut s’accompagner d’un purpura pétéchial, d’ecchymoses. Le risque d'hémorragie devient élevé si les plaquettes sont inférieures à 30 Giga/L. Epistaxis, hémorragies buccales, gingivorragies… Complications hémorragiques graves possibles si la numération plaquettaire est inférieure à 20 Giga/L (saignements digestifs, hémorragies cérébrales, …) A numération plaquettaire égale, le risque hémorragique est plus important pour une thrombopénie centrale, chez le sujet âgé ou le nourrisson, et s’il existe un traitement antiagrégant ou anticoagulant associé. 3. Classification L’orientation diagnostique dépend du contexte clinique. Devant une thrombopénie chez un alcoolique, la thrombopénie est fréquente, associée souvent à une neutropénie (hypersplénisme) et à une macrocytose. Au cours d’un grand syndrome infectieux, il peut s’agir d’une coagulation intravasculaire disséminée (ou une autre forme de consommation plaquettaire). On peut décrire trois types de mécanismes physiopathologiques : Thrombopénies de cause centrale par insuffisance médullaire quantitative (diminution de la richesse mégacaryocytaire au myélogramme, la demi-vie plaquettaire étant normale) insuffisance médullaire qualitative (dysmyélopoièse) Université Louis Pasteur – Faculté de Médecine - 2005/2006 - DCEM3 - Module 17 - Maladies du Sang et Transfusion

Les thrombopénies

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LES THROMBOPENIES L. Mauvieux

Item N°335 1. Définition

− Thrombopénie = nombre de plaquettes inférieur à 150 Giga/L − Valeurs normales: 150 à 450 Giga/L, indépendantes de l'age et du sexe, mais peuvent varier

pendant la grossesse − Les explorations sont envisagées si le chiffre des plaquettes contrôlé est inférieur à 140 Giga/L − Il est nécessaire d'éliminer les "fausses thrombopénies", d’origine multiples, qui rendent

impératifs la qualité du prélèvement (et de son transport), ainsi que la technique de numération utilisée.

− On doit vérifier : • La qualité du prélèvement (non traumatique, acheminement rapide) • L’absence de micro-caillots dans le tube • L’absence d’agrégats plaquettaires, qu’on ne peut observer que sur les frottis sanguins,

qui doivent donc être réalisés systématiquement devant une thrombopénie. − On éliminera les artéfacts techniques :

• Macroplaquettes exclues du seuil de comptage des analyseurs d'hématologie • Thrombopénies induites par l'EDTA, chélateur du calcium, utilisé comme anticoagulant

dans le tube de numération. Dans un nombre restreint de cas, des anticorps anti-plaquettes actifs en présence d' EDTA provoquent une agglutination des plaquettes dans le tube, qui ne seront donc pas comptées par l’automate de numération sanguine. Cette agglutination des plaquettes ne survient habituellement pas en présence d’un autre anti-coagulant, comme le citrate de Na utilisé dans les tubes pour bilan d’hémostase. Un contrôle de la numération plaquettaire sur ce type de tube permettra donc d’avoir un compte exact des plaquettes. Le comptage des plaquettes sur prélèvement capillaire pourra être nécessaire si l’agglutination persiste avec le citrate de Na.

2. Syndrome hémorragique Le risque hémorragique est nul au dessus de 80 Giga/L en l'absence d'autre anomalie de l'hémostase, de prise d'antiagrégants plaquettaires ou de cause locale. Entre 30 et 50 Giga/L, la thrombopénie est le plus souvent asymptomatique, mais peut s’accompagner d’un purpura pétéchial, d’ecchymoses. Le risque d'hémorragie devient élevé si les plaquettes sont inférieures à 30 Giga/L.

− Epistaxis, hémorragies buccales, gingivorragies… − Complications hémorragiques graves possibles si la numération plaquettaire est inférieure à 20

Giga/L (saignements digestifs, hémorragies cérébrales, …)

A numération plaquettaire égale, le risque hémorragique est plus important pour une thrombopénie centrale, chez le sujet âgé ou le nourrisson, et s’il existe un traitement antiagrégant ou anticoagulant associé. 3. Classification L’orientation diagnostique dépend du contexte clinique. Devant une thrombopénie chez un alcoolique, la thrombopénie est fréquente, associée souvent à une neutropénie (hypersplénisme) et à une macrocytose. Au cours d’un grand syndrome infectieux, il peut s’agir d’une coagulation intravasculaire disséminée (ou une autre forme de consommation plaquettaire). On peut décrire trois types de mécanismes physiopathologiques :

− Thrombopénies de cause centrale • par insuffisance médullaire quantitative (diminution de la richesse mégacaryocytaire au

myélogramme, la demi-vie plaquettaire étant normale) • insuffisance médullaire qualitative (dysmyélopoièse)

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− Thrombopénies de cause périphérique

• par hyperdestruction (raccourcissement de la demi-vie plaquettaire); la richesse mégacaryocytaire est normale ou augmentée au myélogramme

• Thrombopénie par trouble de répartition (du pool plaquettaire splénique) ou par dilution

3.1. Thrombopénies centrales Le contexte clinique (syndrome tumoral par exemple), les anomalies de l'hémogramme (cellules anormales, pancytopénie, blastes circulants,...) orientent le diagnostic et rendent nécessaire une démarche diagnostique spécifique. En fonction du contexte, on distinguera les thrombopénies centrales d’origine génétique des thrombopénies acquises.

3.1.1. Thrombopénies acquises − Thrombopénies centrales toxiques

• Médicaments à toxicité dose-dépendante tels que les dérivés thiazidiques, les sels d'or, la colchicine, les antiviraux, les chimiothérapies.

• Liste des médicaments responsables de thrombopénies, toutes causes confondues : http://www.biam2.org/www/SpeEIIMCTHROMBOPENIE.html

• Intoxications alcooliques aiguës − Thrombopénies d'origine virale

• -Effet cytotoxique direct du virus ou par effet indirect • -Infection à CMV, Rubéole, HIV • -Une composante périphérique autoimmune est aussi souvent présente (auto Ac anti

plaquettaires) − Aplasie médullaire − Myélofibrose

• Responsable fréquemment d’une érythromyélémie associée à la présence d'hématies en larmes

• Les résultats du myélogramme souvent réalisé en première intention peuvent être non contributifs du fait de l’importance de la fibrose et doivent toujours être confirmés par la biopsie ostéomédullaire

• causes principales : myélofibrose primitive (splénomégalie myéloide chronique), myélofibrose secondaire (à une hémopathie maligne, un cancer)

− Anémies mégaloblastiques carentielles en vitamine B12 et / ou en acide folique − Syndromes myélodysplasiques − Leucémies aiguës

3.1.2. Thrombopénies constitutionnelles Rares, le diagnostic est orienté par les antécédents familiaux, le contexte de malformation ou de déficit immunitaire et le début précoce

− Thrombopénie congénitale amégacaryocytaire

• Différentes formes, de gravité variable, ont été décrites • Thrombopénie sévère (<10 Giga/L) • Morphologie plaquettaire normale et absence de thrombopathie associée • Absence de mégacaryocytes au myélogramme • Associée à une agénésie radiale [TAR (thrombocytopenia-absent radius) syndrome,

lié à une mutation du gène c-Mpl impliqué dans la différenciation mégacaryocytaire] • Transmission autosomale récessive

− Syndrome de Wiskott-Aldrich

• Thrombopénie sévère et précoce • Thrombopathie associée • Déficit immunitaire sévère combiné et eczéma • Transmission : Liée à l' X

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• Mutation de la protéine WASP (diagnostic moléculaire possible). • Phénotype variable suivant la mutation (stop ou faux-sens), produisant une protéine

plus ou moins fonctionnelle.

− Thrombopénie récessive liée à l'X avec néphropathie et une hyper IgA

3.1.3. Thrombopathies constitutionnelles − Syndrome de Bernard et Soulier

• Plaquettes géantes • Thrombopénie modérée à sévère • Allongement du temps de saignement • Déficit en GpIb-IX (appartient au complexe récepteur au facteur von Willebrand) • Autosomal récessif

− Syndrome des plaquettes grises = thrombasthénie de Glanzmann • Autosomique récessif • Anomalies de GpIIb/Iia

− Anomalie de May-Hegglin • Plus fréquente • Thrombopénie modérée (60 à 80 G/l) de révélation souvent tardive, parfois à

l'occasion d'un hémogramme systématique • Asymptomatique • Caractérisée par la présence de corps de Döhle dans les polynucléaires neutrophiles

sur le frottis sanguin • Liée à des mutations du gène Myosin Heavy Chain 9 (MYH9 non musculaire) • Transmission autosomale dominante

3.2. Thrombopénies périphériques

Liées à une hyperdestruction extra-médullaire des plaquettes

3.2.1. Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) Une des causes les plus fréquentes de thrombopénie périphérique. L’expression clinique est très variable, des formes frustes asymptomatiques aux formes suraiguës s'accompagnant d'un syndrome hémorragique aigu, dans un contexte clinique évocateur : infection, accouchement, transfusion, leucémie aigue promyélocytaire.

3.2.2. Thrombopénies périphériques auto-immunes

3.2.2.1. Purpura thrombopénique auto-immun (PTI) Définition : thrombopénie liée à l’hyperdestruction plaquettaire par un auto-Ac antiplaquettaire qui, se fixant sur les plaquettes, entraînent leur phagocytose dans la rate Deux formes − Formes aiguës, plus fréquentes chez l'enfant, pouvant compliquer une infection

virale (rougeole, rubéole, MNI); souvent sensibles aux corticoïdes. − Formes chroniques plus fréquentes chez l'adulte, à prédominance féminine ; souvent

corticorésistantes − A part, le PTI de la femme enceinte avec thrombopénie néo-natale (50 % des cas

dont 18 % de formes sévères) par transfert passif transplacentaire des auto Ac d’origine maternelle

Signes cliniques : Apparition souvent brutale d’un syndrome hémorragique souvent de type cutané ou cutanéo muqueux (purpura, bulles hémorragiques gingivales) Pas d’hépatomégalie ni de splénomégalie.

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Signes biologiques La thrombopénie, importante, est isolée (inférieure à 30 Giga/L) Augmentation du nombre de mégacaryocytes médullaires au myélogramme (prouvant l’origine périphérique de la thrombopénie), sans cellules anormales ni excès de blastes (qui orienterait vers une leucémie aiguë). Le diagnostic repose sur l’exclusion d'autres pathologies responsables de thrombopénies Maladies auto-immunes, hémopathies, thrombopénies médicamenteuses immunoallergiques, hypersplénisme … − Maladies auto immunes

• Lupus érythémateux disséminé (la thrombopénie peut précéder le diagnostic dans 10 à 15 % des cas)

• Syndrome de Gougerot-Sjogren • Thyroïdites • Hépatites chroniques actives • Polyarthrite rhumatoïde

− Hémopathies lymphoïdes chroniques et néoplasies • Leucémie lymphoïde chronique et lymphomes non hodgkiniens • Dysglobulinémies • Cancers de la sphère digestive

− Maladies infectieuses • Syndromes mononucléosiques • Infection par VIH

3.2.3. Thrombopénies de cause allo-immune

3.2.3.1. Purpura thrombocytopénique néonatal (allo-immunisation foeto-

maternelle) Allo-anticorps maternels dirigés contre des antigènes plaquettaires d’origine paternelle présents sur les plaquettes du foetus. Thrombopénie précoce au cours de la vie foetale (dès la 20ème semaine), souvent sévère, accompagnée souvent de complications hémorragiques graves : hémorragies internes et cérébro-méningées.

3.2.3.2. Purpura post transfusionnel Par allo-immunisation, souvent chez les femmes avec plusieurs grossesses ou sujets poly-transfusés. Apparition d'une thrombopénie une semaine après transfusion de sang non déplaquetté Dure de 20 à 50 jours Mise en évidence des alloantigènes plaquettaires rarement réalisée (Western blot, immuno capture) Présence d' Ac anti-Pl A1 dans 90 % des cas (Anti-Pl A2 plus rares) Susceptibilité génétique chez les patients HLA B8 et DRw 52

3.2.3.3. Thrombopénies médicamenteuses immunoallergiques Liée à un anticorps reconnaissant le médicament fixé sur la plaquette (sensibilisation). La thrombopénie apparaît rapidement après la réintroduction du médicament Régression de la thrombopénie très rapidement après le retrait du médicament responsable Le diagnostic repose sur l’histoire clinique évocatrice, la recherche d'un médicament impliqué dans ce type de mécanisme, l’exclusion de tout autre cause de thrombopénie, et la remontée rapide des plaquettes après exclusion du médicament suspect.

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Principaux médicaments responsables de thrombopénie immunoallergique (liste non exhaustive)

Acide valproïque Acétazolamide Ajmaline Carbamazépine Céphalotine Chlorothiazide Cimétidine Clométacine

Digitoxine Diphénylhydantoïne Héparine Hydrochlorothiazide Oméprazole Quinine Pénicillines Phénylbutazone

Quinidine Rifampicine Sels d'or Sulfamides Tégretol Triméthoprime - sulfaméthoxazole Valproate de sodium Vancomycine

3.2.4. Thrombopénies périphériques de cause non immunologique 3.2.4.1. Microangiopathies thrombotiques La microangiopathie thrombotique désigne une lésion de l'endothélium des artérioles et des capillaires entraînant la formation d'agrégats plaquettaires et de thromboses. Cette lésion est commune à 2 syndromes cliniques qui associent thrombopénie et anémie hémolytique, mais que certaines nuances, conséquences de la distribution particulière des lésions de la microcirculation, permettent de distinguer :

• le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), isolé en 1925 par Moschowitz, survient plus souvent chez l'adulte, comporte fièvre, purpura, atteinte neurologique prédominante, anomalies rénale inconstantes (environ dans la moitié des cas).

• le syndrome hémolytique urémique (SHU) décrit en 1955 par Gasser, survenant plus souvent chez le jeune enfant, comporte toujours une atteinte rénale, l'atteinte neurologique survenant chez environ 1/3 des malades.

− Purpura thrombotique thrombocytopénique

Epidémiologie • Rare avec prédominance féminine • Pic de fréquence autour de 40 ans (exceptionnel chez l'enfant et la personne

agée) • Pas de notion saisonnière ni de formes familiales (différence avec le SHU)

Signes biologiques principaux

• Anémie hémolytique d'intensité variable avec présence de schizocytes, anisopoikylocytose, polychromatophilie. Une discrète érythroblastose est possible

• Thrombopénie d'intensité variable (10 à 100 Giga/L) • Hyperleucocytose fréquente (50 %) parfois associée à une discrète myélémie • Signes biologiques d'hémolyse • Augmentation de l'hémoglobine libre plasmatique • Elévation des LDH • Chute de l'haptoglobine • Bilan d'hémostase normal (TP, TCA, fibrinogène) • Marqueurs d' activation de l'hémostase

Manifestations cliniques principales

• Insuffisance rénale • Troubles neurologiques (paresthésies, aphasie, troubles visuels, coma, ...) • Troubles pulmonaires (tachypnée ; détresse respiratoire, ...)

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− Etiologie

• Idiopathique dans la majorité des cas • Induction par des médicaments : cyclosporine, oestrogènes, mitomycine,

quinine, pénicillamine, ticlopidine • Infection par le VIH • Lupus érythémateux disséminé

− Syndrome hémolytique et urémique (SHU)

Epidémiologie • Pic de fréquence chez l'enfant • Formes saisonnières de juin à septembre (association à un contexte infectieux)

ou familiales Signes biologiques principaux (voir PTT)

• Elévation souvent plus franche des schizocytes • Manifestations cliniques principales • Prodromes infectieux fréquents avec des épisodes diarrhéiques • Insuffisance rénale aiguë et sévère constante • Signes neurologiques moins fréquents

− HELLP syndrome (SHU survenant pendant la grossesse)

Associe une hémolyse (Hemolysis), une cytolyse hépatique (Elevated Liver enzymes), et une thrombopénie (Low Platelets). L'incidence du HELLP syndrome au sein des patientes présentant une pré éclampsie est de 2 % à 12 %. Il survient essentiellement entre 27 et 36 semaines d'aménorrhée (50 %) mais des cas précoces sont décrits entre 17 et 20 semaines et d'autres seulement dans le post-partum (30 %).

3.2.4.2. Thrombopénies périphériques par trouble de répartition ou par

hémodilution − Thrombopénies par hypersplénisme

Syndrome caractérisé par l'association d'une splénomégalie et d'une cytopénie (anémie et/ou neutropénie et/ou thrombopénie). Liées à la séquestration des plaquettes dans la rate (pouvant atteindre 90 % de la masse plaquettaire), la durée de vie des plaquettes restant normale. Thrombopénie souvent modérée (50 à 150 Giga/L), exceptionnellement < 50 Giga/L. Association fréquente d’une neutropénie modérée (par séquestration du pool splénique) et d’une anémie par hémodilution Toutes les splénomégalies, quelle qu'en soit la cause, peuvent être responsables d’hypersplénisme

− Thrombopénies par hémodilution • Grossesse (diminution fréquente au cours du troisième trimestre, jusqu’à 120

Giga/L). • Gammapathie monoclonale (IgM+++)

3.2.4.3. Syndromes d'activation macrophagique

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LEUCONEUTROPENIES L. Mauvieux

1. Généralités

1.1. Définition Perturbation hématologique fréquente qui se traduit par une réduction du nombre de polynucléaires neutrophiles dans la circulation. Le taux des leucocytes est inférieur à 4 Giga/L voire même à 3 Giga/L, avec un taux de polynucléaires neutrophiles inférieur à 1,7 Giga/L

Il ne faut tenir compte que des valeurs absolues et non pas des pourcentages

Les sujets de race noire, du fait d’une répartition différente des PN entre pool circulant et pool marginal, ont des valeurs normales inférieures Le risque infectieux n’est important que si la neutropénie est sévère, < 0,5 Giga/L.

On parle de neutropénie lorsque le chiffre absolu des PN est inférieur à : - 1,7 Giga/L chez un adulte - 1,5 Giga/L chez l’enfant de plus d’un an - 1,0 Giga/L chez l’enfant de 2 à 12 mois

Grade de neutropénie selon les critères de toxicité CTC (Common Toxicity Criteria) du NCI (National Cancer Institute) développés pour classer les effets secondaires au cours d'études

cliniques (version 3.0, 12 décembre 2003) Grade 0 1 2 3 4 5

Nb de PN (Giga/L)

valeurs normales

1,5 – limite inf. norme 1,0 – <1,5 0,5 – < 1,0 < 0,5 Conséquences

fatales

1.2. Myélogramme Peut être évité si la neutropénie est minime et de cause connue Doit être fait devant toute neutropénie sévère, toute neutropénie accompagnée de thrombopénie et/ou de macrocytose.

1.3. Leuconeutropénie bénigne Les leucocytes sont habituellement compris entre 3 et 4 Giga/L et les neutrophiles entre 1,0 et 1,7 Giga/L Sans cause identifiée mais souvent connue de longue date chez le patient Evolution chronique Sans anomalies des autres lignées médullaires Se voit chez certaines femmes aux environs de la ménopause. Serait due à un excès de margination des PN.

Test de démargination: Ce test est un peu contraignant et assez peu utilisé :

• injection iv de 100 à 200 mg d'hydrocortisone et hémogramme 3 à 4 heures plus tard. • ou 1 mg/kg de prednisone po et hémogramme 24 heures plus tard

On constate alors une normalisation du taux des PN. Ce test a le mérite de rassurer le patient et de lui éviter quantité de consultations et d'hémogrammes

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En cas de neutropénie par excès de margination, aucune investigation supplémentaire n’est à faire ni aucun traitement particulier n’est à instaurer. Il n'y a pas de risque accru d'infection.

En dehors de ces neutropénies bénignes, 2 mécanismes expliquent les neutropénies : un excès de destruction ou une insuffisance de production 2. Neutropénie par excès de destruction. La neutropénie est périphérique. Elle relève de 2 mécanismes principaux:

2.1. Mécanisme auto-immun Ce sont les neutropénies auto-immunes. La physiopathologie de ces neutropénies est assez confuse. Une étape importante du diagnostic consiste à mettre en évidence la présence d’un anticorps par leuco-agglutination ou par le test de consommation de l’antiglobuline, mais la spécificité et le rôle de cet anticorps restent imprécis. Le plus souvent, on trouve un allo anticorps sans rapport avec la neutropénie. Ces neutropénies peuvent être : − primitives

• Cause la plus fréquente de neutropénie chez l’enfant • Découverte au cours d’un épisode infectieux chez un enfant (de 3 mois à 3 ans), avec une

prédominance pour le sexe féminin. • L’examen clinique peut mettre en évidence une splénomégalie qui reste toutefois

modérée. • Très rares chez l’adulte ; elles se manifestent alors surtout après 60 ans. Les

manifestations cliniques peuvent revêtir un aspect plus sévère − secondaires :

• c’est le cas habituel chez les adultes. • Elles sont alors associées à d’autres pathologies auto-immunes dont la symptomatologie

domine le tableau clinique : lupus érythémateux aigu disséminé syndrome de Felty (polyarthrite rhumatoïde + splénomégalie)

• Elles peuvent également se manifester au décours d’une maladie virale, ou encore à la suite de la prise d’un médicament.

Le mécanisme est en fait périphérique mais avec fréquemment une composante centrale (destruction des neutrophiles ou de précurseurs dans la moelle). La neutropénie peut être sévère et crée un terrain propice aux infections.

2.1.1. Aspects cliniques Dominé par la survenue d’épisodes infectieux, plus ou moins fréquents, récidivants, touchant surtout la sphère ORL, l’arbre respiratoire supérieur, la peau.

2.1.2. Aspects biologiques − Hémogramme

• Permet de porter le diagnostic de neutropénie. Celle-ci est isolée, ± sévère. Le chiffre absolu des PN est inférieur à 1,7 Giga/L, et dans les cas plus sévères, inférieur à 0,5 Giga/L.

• La neutropénie est accompagnée parfois d’une éosinophilie et d’une monocytose. L’augmentation du chiffre absolu des monocytes est un argument positif en faveur d’une neutropénie auto-immune.

− Myélogramme

• Hyperplasie de la lignée granuleuse avec parfois un blocage tardif qui permet d’évoquer un mécanisme de destruction périphérique. Toutefois des arrêts de maturation sur des formes plus jeunes peuvent se voir.

• La présence de macrophages ayant phagocyté des polynucléaires constitue un élément positif pour le diagnostic.

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− Recherche des anticorps

• Elle apporte la preuve de la nature immunologique de la neutropénie. • Les méthodes utilisées permettent la détection des Ac anti-polynucléaires • Les examens doivent être répétés car on ne trouve pas toujours ces anticorps. • Il faut rechercher les anticorps circulants et les anticorps adhérant aux polynucléaires

neutrophiles. Leur augmentation n’est ni spécifique, ni constante, surtout au cours des neutropénies secondaires (lupus, syndrome de Felty, …). Elle ne démontre pas que l’IgG fixée à la surface du PN est un autoanticorps. Il peut s’agir d’un Ac immuno-allergique, de complexes immuns ou d’Ig agrégées ou encore d’un artéfact. Malgré ces remarques, l’intérêt de leur recherche est certain car elle oriente vers une étiologie immunologique.

• La détection d’un Ac sérique se fait grâce aux méthodes suivantes : Microagglutination Immunofluorescence Granulocytotoxicité

• Les Ac reconnaissent un Ag allotypique des PN. Chez le nourrisson, se pose le problème de la confusion possible entre un auto anticorps et un allo anticorps d’immunisation foeto-maternelle.

• Nature et spécificité des auto AC : Ce sont en majorité des IgG. La spécificité anti-NA1 est la plus fréquente ; elle est retrouvée surtout dans les

formes primitives de l’enfant. L’anti-NA1 se fixe sur le myélocytes et les formes plus matures, ce qui explique leur destruction dans la moelle. L’antigène NA1 correspond à l’un des 2 allèles du récepteur Fcγ RIII.

Il existe une association entre la présence d’un autoanticorps anti-NA1 et HLA-DR2

Les autres spécificités sont : anti-NA-2, anti-NB-1, anti-ND-1, anti- NE-1, anti-5b • Mécanismes de destruction

La phagocytose par le système macrophagique est le mode le plus habituel. Elle peut être induite par des Ac ou encore par des complexes immuns.

Sur la surface des granulocytes, sont fixés des récepteurs pour Fcγ RI, Fcγ RII, Fcγ RIII, C3b, C3d

La cytotoxicité dépendante des Ac : la cellule recouverte par des AC de type IgG est lysée par les lymphocytes tueurs

Rôle des lymphocytes T cytotoxiques

Tableau récapitulatif

Formes primitives Formes secondaires Surtout chez l’adulte Associations : Syndromes lymphoprolifératifs

Forme bénigne associée à une hyperlymphocytose CD8, FCγR+ Forme maligne avec lymphocytose CD8, FCγR – Maladie de Hodgkin

Maladies auto-immunes Lupus érythémateux aigu disséminé Anémie hémolytique auto-immune Syndrome de Felty

Atteintes virales Sida MNI

Déficit immunitaire avec hypogammaglobulinémie

Fréquentes chez l’enfant Rares chez l’adulte

Prise de médicaments

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2.2. Hyperdestruction intrasplénique L’hypersplénisme, quelle qu’en soit la cause, est à l’origine de neutropénies. La neutropénie est minime à modérée et est associée à une thrombopénie, parfois à une anémie.

3. Neutropénie par insuffisance de production La cytopénie peut être globale ou élective sur la lignée granulocytaire.

− Globale • Bénigne, comme dans l’anémie mégaloblastique • Grave, associée à une thrombopénie et une anémie normochrome arégénérative. On doit

rechercher une leucémie aiguë, une aplasie, une myélodysplasie qui peuvent en être la cause.

− Elective Rechercher alors une cause toxique médicamenteuse et au premier plan, surtout si la neutropénie est profonde (<0,5 Giga/L), la responsabilité de la noramidopyrine par un mécanisme immunoallergique.

Se reporter à l’annexe « neutropénies acquises » ci dessous.

3.1. Neutropénies constitutionnelles Elles sont rares et peuvent être primitives ou liées à une maladie génétique complexe.

3.1.1. Neutropénies constitutionnelles primitives

La neutropénie peut être soit profonde et permanente, comme c’est le cas dans le syndrome de Kostmann, soit être cyclique ou intermittente. − Syndrome de Kostmann :

Neutropénie constitutionnelle transmise classiquement selon le mode autosomique (récessif, dominant ou sporadique si on se rapporte aux différents cas décrits dans la littérature), lié principalement à une mutation du gène ELA2 (élastase2) sur le chromosome 19 La cellule souche n’est pas atteinte, la production du G-CSF est normale, voire augmentée ; le récepteur cellulaire du G-CSF est présent mais pourrait présenter des anomalies expliquant la maladie. Hémogramme : neutropénie profonde ; le taux des PN est inférieur à 0,5 Giga/L avec habituellement une monocytose, une éosinophilie. Un syndrome inflammatoire est présent et se traduit sur le plan biologique par une hypergammaglobulinémie de tous les isotypes. Myélogramme : un blocage électif de la lignée granulocytaire au stade promyélocyte, une éosinophilie et une monocytose caractérisent l’aspect cytologique du syndrome de Kostmann. La clinique est dominée par les épisodes infectieux ; la stomatite est constante. L’antibiothérapie curative et prophylactique est à instituer rapidement. L’utilisation du G-CSF permet d’obtenir, tant qu’il est prescrit, une guérison de la neutropénie. La greffe de moelle osseuse reste le seul traitement.

− Neutropénie cyclique : Transmission autosomique dominante. La neutropénie apparaît de façon assez régulière toutes les 3 – 4 semaines accompagnée de fluctuations moins importantes des autres lignées sanguines. Les patients présentent, au moment où la neutropénie est la plus profonde, une susceptibilité particulière aux infections avec apparition d’aphtes et de douleurs abdominales. A ce moment le G-CSF est efficace.

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3.1.2. Neutropénies liées à une maladie génétique complexe

Elles sont généralement associées à des degrés divers aux déficits immunitaires, à des hémopathies constitutionnelles ou à des maladies innées du métabolisme. − Neutropénies associées aux déficits immunitaires cellulaires :

• Déficit immunitaire combiné sévère : manifestations infectieuses dès les premiers mois de la vie ; la neutropénie peut être associée

• Déficit lymphocytaire T • Maladie de Wiscott-Aldrich • Ataxie-télangiectasie

− Neutropénies associées aux déficits immunitaires humoraux : • Agammaglobulinémie de Burton dans 10% des cas • Déficit du ligand du CD40, dans 50% des cas

− Hypogammaglobulinémies variables ou inclassables − Maladie de Chediak-Higashi

Albinisme oculo cutané partiel, granules géants dans la plupart des cellules sanguines et surtout dans les PN, déficit des fonctions du PN (bactéricidie) et de la fonction NK. La neutropénie est précoce ; elle est due à une destruction intramédullaire et se complique par la suite d’un syndrome d’activation macrophagique.

− Maladie de Griscelli Tableau clinique réunissant les signes de la maladie de Chediak-Higashi, mais dans le sang, les granulations géantes n’existent pas. La neutropénie peut y être associée.

− Neutropénies associées à des hémopathies constitutionnelles • Anémies hémolytiques constitutionnelles

La neutropénie peut être associée, conséquence surtout de l’hypersplénisme, ou, dans le déficit en hexokinase, dans le cadre de la pancytopénie

• Anémie de Blackfan-Diamond Neutropénie possible après plusieurs années d’évolution

• Maladie de Fanconi • Maladie de Shwachman

Une neutropénie, une thrombopénie et une anémie coexistent et s’aggravent avec le temps évoluant vers une aplasie. Le mécanisme est d’origine central

3.1.3. Neutropénies associées à des maladies métaboliques

− Glycogénose Ib : La neutropénie confère à cette maladie une susceptibilité particulière aux infections ; une colite ressemblant à la maladie de Crohn y est associée. Le myélogramme montre une hyperplasie de la lignée granuleuse sans blocage de maturation

− Aminoacidopathies 3.2. Neutropénies acquises

3.2.1. Neutropénies médicamenteuses 2 mécanismes possibles : toxique ou immunologique

3.2.1.1. Neutropénies médicamenteuses d’origine toxique Médicaments responsables : − tous les cytostatiques sauf l’asparaginase et la bléomycine − Quinine − Zidovudine, ganciclovir − Pyriméthamine, Pénicilline semi synthétique à dose forte, Chloramphénicol − Pénicillamine − Chlorpromazine

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Caractéristiques : − Dose dépendante − Il existe des variations individuelles − Chaque médicament possède sa propre toxicité − La neutropénie s’installe progressivement − Myélogramme : hypoplasie globale avec disparition des précurseurs granuleux − A l’arrêt du médicament : récupération en 2 semaines environ, parfois plus longtemps

(cas du chloramphénicol)

3.2.1.2. Neutropénies médicamenteuses d’origine immunologique Réponse humorale et cellulaire induite par le médicament : − Inhibition de la granulopoïèse − Destruction des polynucléaires neutrophiles

Caractéristiques : − Début brutal − Myélogramme : soit une hypoplasie globale de toute la lignée granuleuse, soit un

blocage de la maturation au stade promyélocyte − Evolution favorable en 1 à 2 semaines après l’arrêt du traitement causal et en fonction

de la profondeur du blocage

3.2.2. Neutropénies toxiques non médicamenteuses Elles sont essentiellement dues aux effets cytostatiques des rayonnements ionisants et au benzène

3.2.3. Neutropénies dues à des agents infectieux

− Infections virales aiguës : elles sont le plus souvent de courte durée, sans conséquence clinique, de découverte fortuite.

− VIH : la neutropénie aggrave le risque infectieux. Elle est due aux infections opportunistes (CMV, parvovirus, mycobactéries), aux carences nutritionnelles, à des mécanismes auto-immuns, à la toxicité des médicaments et à l'effet propre du VIH sur la granulopoïèse

− Au cours du choc septique : constitue un élément de gravité et fait partie de la défaillance multiviscérale

− Au cours d’une fièvre prolongée : fait alors discuter le diagnostic de brucellose, de tuberculose, de typhoïde, de leishmaniose, de paludisme viscéral évolutif

3.2.4. Neutropénies et hémopathies acquises

− Leucémies aiguës − Aplasie médullaire idiopathique ou secondaire − Métastase médullaire − Myélodysplasie − Syndrome d’activation macrophagique − Hyperlymphocytose à LGL (grands lymphocytes granuleux)

3.2.5. Neutropénies dues à des atteintes endocriniennes

− Hyperthyroïdie ou hypothyroïdie − Insuffisance surrénalienne − Panhypopituitarisme

3.2.6. Neutropénies dues à des carences nutritionnelles

− Carences vitaminiques : folates et/ou vitamine B12 − Anorexie mentale − Carence en cuivre

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