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Université Lyon 2 Institut d’Etudes Politiques de Lyon Année universitaire 2007-2008 Parcours Affaires Juridiques Séminaire Services publics et sphère privée, les nouveaux partenariats Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés Mémoire réalisé par Martin Liger sous la direction de M. Alain Bonnafous et M. Pierre-Yves Péguy

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Université Lyon 2Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Année universitaire 2007-2008Parcours Affaires Juridiques

Séminaire Services publics et sphère privée, les nouveaux partenariats

Les tramways LEA et LESLYS : Analysecomparée de deux projets intégrés

Mémoire réalisé par Martin Ligersous la direction de M. Alain Bonnafous et M. Pierre-Yves Péguy

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6Partie première : Un couplage novateur de deux projets intégrés . . 7

1.1. La genèse des projets LEA et LESLYS . . 71.1.1. Le constat de la nécessité de développer le transport en commun versl’Est lyonnais et vers l’aéroport Saint-Exupéry . . 71.1.2. La volonté de valoriser l’emprise inutilisée du « Chemin de fer de l’EstLyonnais » . . 9

1.2. LEA, LESLYS, deux projets à vocation très différente . . 111.2.1. LEA, un tramway à vocation urbaine . . 111.2.2. LESLYS, un tramway à vocation spécifiquement aéroportuaire . . 12

1.3. LEA, LESLYS : deux autorités organisatrices différentes . . 151.3.1 – La notion d’autorité organisatrice de transport . . 151.3.2 – Le SYTRAL, autorité organisatrice du tramway LEA . . 161.3.3 – Le Département du Rhône, autorité organisatrice du tramway LESLYS. . 17

1.4. LEA, LESLYS : deux exploitants différents . . 171.4.1. – Le choix de recourir à la gestion déléguée . . 181.4.2. – La dualité d’exploitants . . 18

1.5. LEA, LESLYS : deux projets intégrés . . 191.5.1 – Une coopération novatrice entre autorités organisatrices . . 191.5.2 – La coopération entre exploitants : la création d’un poste decommandement unique . . 20

Conclusion de la partie première: Un projet couplé permettant la réalisation desubstantielles économies . . 20

Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents . . 222.1 – Présentation du cadre contractuel de chaque projet . . 22

2.1.1 – Exposé sommaire des solutions juridiques proposées par le droitpositif français . . 222.1.2 – Détermination de la nature juridique des contrats respectifs de LEA etLESLYS . . 242.1.3 – Faire construire puis faire exploiter, faire construire et faire exploiter :avantages comparés de l’unité ou de la dualité de contrats. . . 28

2.2 – Analyse comparée des projets au regard de la théorie des incitations . . 292.2.1 – La réduction de l’antisélection . . 302.2.2 – La réduction de l’aléa moral :les mécanismes d’incitation à laperformance . . 32

2.3 - Analyse comparée du mode de financement de chaque projet . . 442.3.1 – Présentation théorique du financement public et privé des infrastructures . . 442.3.2. - Analyse des plans de financement respectifs de LEA et LESLYS . . 48

2.4 – Analyse comparée de la tarification respective de LEA et LESLYS . . 542.4.1 - Des modes de tarification très différents… . . 552.4.2 - … qui reflètent des caractéristiques structurelles de la demande trèsdifférentes. . . 55

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2. 5 - Analyse comparée de la répartition des risques dans les montagescontractuels respectifs de LEA et LESLYS . . 57

2.5.1 - La répartition des risques en phase de construction . . 582.5.2 - La répartition des risques en phase d’exploitation . . 61

Conclusion de la partie seconde :De l’achat public au partenariat public - privé . . 65Conclusion . . 66Annexes . . 68

Annexe 1 : Plan schématique du tracé des lignes LEA et LESLYS . . 68Annexe 2 :Plan schématique des deux tracés envisagés pour LESLYS . . 69Annexe 3 : Plan schématique du repositionnement de la station terminale Lyon-Saint-Exupéry suite aux réserves du commissaire enquêteur . . 70Annexe 4 : Plan schématique du périmètre de transports urbains du SYTRAL . . 71

Bibliographie . . 73Ouvrages . . 73Rapports . . 73Articles . . 74Divers . . 75Entretiens . . 75

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Remerciements

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RemerciementsJe tiens à remercier ici l’ensemble des professionnels qui ont bien voulu me recevoir et mefaire part de leur expérience : Mme Anne-Isabelle MANIER, du Département du Rhône, M. LucBORGNA, de la société RhônExpress, M. Alain DEKOKERE, de la société Keolis France, M.Thierry MANUGUERRA, du Département du Rhône et M. Philippe THIENNOT, du SYTRAL.

Je tiens également à remercier MM. les professeurs Alain Bonnafous et Pierre-Yves Péguypour leur encadrement dans la préparation de ce mémoire.

Merci enfin à Laurent, pour sa relecture attentive et constructive.

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Introduction

Dans une très récente résolution, le Parlement Européen rappelait qu'il est « urgentd'adopter de nouvelles approches et des concepts innovants en matière de mobilité dansles villes étant donné que le transport urbain est un élément capital dans la lutte contre lechangement climatique, la pollution et d'autres problèmes environnementaux et étant donnéles effets négatifs de ces problèmes sur la qualité de vie et la santé des citadins »1.

Indubitablement, les réseaux de transports publics représentent un des piliersfondamentaux du développement durable des zones urbaines et périurbaines. La créationd’un réseau de transport public urbain, s’articulant autour de lignes fortes exploitées enmodes lourds, est fondamentale pour le développement harmonieux d’une ville.

A une échelle plus large, la mise en réseau des transports nationaux ferrés, aériens,d’une part, et des transports en commun locaux, d’autre part, est fondamentale. Laréalisation de l’intermodalité avion – TGV - transports urbains est l’une des conditionspréalables à la réduction de la place de la voiture dans les modes de déplacements.

A la fin des années 1990, les acteurs lyonnais de la mobilité ont initié un projetd’infrastructure ferrée apportant des réponses à ces deux enjeux. Ce projet visait àcréer deux services de tramways circulant sur une infrastructure unique : un tramwayurbain omnibus desservant les zones urbanisées de l’est lyonnais et un tramway expressdesservant l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry et la gare Lyon-Saint-Exupéry-TGV. Ces deuxprojets, pilotés par deux autorités organisatrices différentes, sont à la fois intégrés etséparés.

D’un point de vue mesoéconomique, ils sont intégrés, car leur réalisation a été menéedans la coopération, ce qui a permis de générer des synergies intéressantes. L’étude decette intégration des deux projets fera l’objet d’une première partie.

Pourtant, d’un point de vue microéconomique, ces projets sont bien distincts. Chaqueautorité organisatrice a choisi un modèle juridique et financier très différent. Leur étudecomparée illustre parfaitement l’opposition entre maîtrise d’ouvrage classique et partenariatpublic-privé. Cette analyse comparative fera l’objet d’une seconde partie.

1 Résolution 2008/2041 du Parlement Européen sur une nouvelle culture de la mobilité urbaine, adoptée le 29/05/2008

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Partie première : Un couplage novateur de deux projets intégrés

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Partie première : Un couplage novateurde deux projets intégrés

Le projet couplé LEA-LESLYS est le résultat de décisions politiques fortes, et la genèse duprojet doit être évoquée (1) afin de permettre une bonne compréhension des enjeux.

Les deux lignes de tramways présentent des caractéristiques fort différentes,puisqu’elles n’ont pas la même fonction (2), qu’elles sont pilotées par des autoritésorganisatrices différentes (3) et que leur exploitation est confiée à des opérateurs distincts(4).

Pourtant, ces deux projets ont pu être intégrés (5), créant ainsi des synergies trèsproductives.

1.1. La genèse des projets LEA et LESLYSLes projets LEA et LESLYS sont nés d’un double constat fait par les collectivités locales :d’une part, le constat d’un réel besoin de transports en commun en mode lourd vers l’Estlyonnais et vers l’aéroport Saint-Exupéry (1) et d’autre part le constat de l’existence d’unpotentiel intéressant jusque là inexploité : l’emprise de l’ancien chemin de fer de l’estlyonnais (2).

1.1.1. Le constat de la nécessité de développer le transport encommun vers l’Est lyonnais et vers l’aéroport Saint-Exupéry

Les collectivités locales de la région lyonnaise ont pu constater, dès les années 90,la nécessité de développer des modes lourds de transport collectif vers l’est, tant pourdesservir les zones résidentielles et industrielles de l’agglomération (1) que pour desservirla plateforme aéroportuaire de Saint-Exupéry (2).

1.1.1.1 – La nécessité d’améliorer la desserte de l’est de l’agglomérationlyonnaiseLa loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996 a rendu obligatoire,dans chaque grande agglomération, la définition d’un plan de déplacements urbain (PDU).Le premier PDU de l’agglomération lyonnaise a été approuvé le 14 octobre 1997, par uncomité de pilotage regroupant, autour du SYTRAL, la Communauté Urbaine, le ConseilGénéral, la Région, l’Etat, le MEDEF et la Chambre de Commerce.

Déjà, ce document rappelait la nécessité de « maintenir l’accessibilité de tous lessecteurs de l‘agglomération ». Pour atteindre cet objectif, le PDU déterminait un programmede onze lignes fortes de transports en commun, à réaliser sous dix ans. Parmi ces

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onze lignes fortes à créer, l’une devait relier le quartier de Lyon Part-Dieu à l’est del’agglomération, vers la commune de Meyzieu (objectif « A9 »).

Un réel besoin existait dans cette zone, principalement en raison de l’urbanisationimportante des communes de Décines et Meyzieu. Les infrastructures routières de la zone,qui reçoivent également les usagers originaires du nord-isère, étaient dans une situationde saturation.

Par ailleurs, l’est de l’agglomération compte deux infrastructures majeures, qui souffrentd’un déficit de transport en commun : Eurexpo, l’un des principaux centres de congrès deFrance, et le futur pôle de loisirs du Carré de Soie, situé à Vaulx-en-Velin.

1.1.1.2 – La nécessité d’améliorer la desserte de la plateforme ferroviaire etaéroportuaire de Lyon Saint-ExupéryL’enjeu de la desserte du site de Saint-Exupéry réside, bien entendu, dans ledésenclavement de l’aéroport lui-même (1). Mais il s’agit également de relier au centre deLyon une infrastructure majeure jusqu’ici sous-exploitée : la gare de Lyon-Saint-Exupéry-TGV (2).

1.1.1.2.1 – La desserte de l’aéroport Lyon Saint-ExupéryL’aéroport Lyon Saint-Exupéry est le troisième aéroport français, derrière l’aéroport de Nice-Côte d’Azur et, surtout, derrière le pôle aéroportuaire de Paris. En effet, la France connaît unpaysage aéroportuaire extrêmement centralisé : en 2006, alors que les aéroports de Parisont reçu 82,5 millions de passagers, les premiers aéroports de province, que sont Nice etLyon, recevaient respectivement 10.385.000 et 7.320.950 passagers.

L’aéroport de Lyon Saint-Exupéry reçoit des vols en provenance ou à destination desprincipales villes françaises et européennes. Un unique vol intercontinental, entre Lyon etNew York, est assuré à Saint-Exupéry depuis juillet 2008.

Depuis l’inauguration de l’aéroport en 1975, plusieurs projets de desserte ferrée depuisLyon ont été envisagés, notamment un projet de train dit Satorail, imaginé par la régionRhône-Alpes dans les années 1980. Aucun de ces projets n’ayant vu le jour, l’aéroportest relié au centre de l’agglomération par un service de navettes bus, appelé Satobus.Ce service a été confié par le Département à la société Interrhône-Alpes, filiale du groupeKeolis. Il relie la gare de la Part-Dieu à l’aéroport en 35 minutes environ, mais ce temps deparcours théorique est souvent rallongé car le bus ne circule pas en site propre.

La plupart des compagnies aériennes, à commencer par Air France, posent unecondition préalable à l’implantation de lignes intercontinentales à Lyon-Saint-Exupéry : leremplacement de la navette bus par une liaison en site propre sûre, rapide et régulière versle centre de l’agglomération.

La création d’une telle liaison est donc un enjeu majeur pour Lyon et la région Rhône-Alpes, l’aéroport de Lyon, pouvant, à terme, ambitionner de devenir la seconde ported’entrée sur le territoire français.

1.1.1.2.2 – La desserte de la gare Lyon-Saint-Exupéry-TGVEn 1994, une gare TGV a été inaugurée sur le site de la plateforme aéroportuaire Saint-Exupéry. Cette gare est située sur la ligne à grande vitesse Rhône-Alpes.

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Cette gare TGV est encore relativement peu utilisée. Elle ne reçoit que 20 TGV par jour,soit 10 TGV dans chaque sens. En 2007, 401.067 voyageurs TGV ont utilisé cette gare.

Pourtant, les gares du centre de Lyon se trouvent dans une situation de saturation. Lagare de Lyon-Part-Dieu, avec 29.200.000 voyageurs en 2007, est devenue largement sous-dimensionnée, de même que la gare de Lyon-Perrache.

La création d’une vraie « troisième gare » nationale et européenne pour Lyon estaujourd’hui une nécessité. En reliant la gare de Lyon-Saint-Exupéry-TGV au centre del’agglomération, et en établissant des tarifs couplés SNCF – desserte de la gare TGV, ceproblème majeur pourrait être résolu.

1.1.2. La volonté de valoriser l’emprise inutilisée du « Chemin de ferde l’Est Lyonnais »

Par ailleurs, les élus du Département souhaitaient valoriser une ancienne ligne de cheminde fer abandonnée : le Chemin de fer le l’Est Lyonnais.

Les possibilités d’aménagement de cette ligne historique (1) ont donc été examinéespar un groupe de travail ad hoc (2). Celui-ci a préconisé la reconversion de cette empriseen ligne de transport urbain et périurbain (3).

1.1.2.1. - Le chemin de fer l’Est lyonnaisEn 1877, a été décidé la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Lyon à Chambéry,concédée pour 100 ans à une compagnie ad hoc. Finalement limitée à la portion Lyon-Aoste(via Villeurbanne, Décines, Meyzieu, Pusignan, Pont-de-Chéruy, Crémieu et Morestel),cette ligne est entrée en service en 1881. En sus du trafic voyageur, de nombreuxembranchements particuliers desservaient les industries métallurgiques et chimiques desfaubourgs lyonnais.

Dès les années 1930, la concurrence de la route a fortement limité la rentabilité de laligne, et le trafic voyageurs a été abandonné en 1947. La ligne est pourtant restée assezdynamique jusque aux années 1970, grâce au trafic fret à destination des nombreusesusines de l’est lyonnais.

En 1977, la concession arrivant à expiration, la propriété de la ligne est revenue auxdépartements du Rhône et de l’Isère, chacun pour la portion concernée.

Rapidement, le trafic déclinant, le Département de l’Isère a décidé de l’abandon de lavoie sur son territoire.

A l’inverse, le Département du Rhône a maintenu, jusqu’à la fin des années 1990, untrafic fret résiduel.

Même après l’abandon définitif de la voie, aucune construction ne s’est effectuée sur letracé. Il s’agissait là d’une volonté expresse du Département, qui souhaitait garder l’empriseen l’état et rester propriétaire de parcelles immobilières correspondant à l’ancienne emprise.

Confronté à certaines difficultés liées à cette emprise (constructions sauvages surl’emprise, occupation sans droit ni titre des gares et locaux, dégradations, …) et conscientdu potentiel que représentait le CFEL, les élus du Département ont décidé, en 1998, de lacréation d’un groupe de travail sur l’avenir de cette emprise.

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1.1.2.2. - La constitution d’un groupe de travail ad hocLe Département du Rhône a lancé, à l’été 1998, une consultation pour définir l’avenir duCFEL.

Dans ce cadre, un groupe de travail tripartite a été créé, regroupant des élus du ConseilGénéral du Rhône, de la Communauté Urbaine de Lyon et du SYTRAL.

Ce groupe de travail a étudié la question dans une optique très ouverte.Il s’agissait tout d’abord de déterminer s’il était opportun de faire du CFEL une

infrastructure de transport ou si, au contraire, d’autres options étaient préférables(promenade plantée, cession de la propriété, …).

Le groupe de travail a estimé que le CFEL devait devenir une infrastructure de transport.Dans un second temps, il s’est donc agit de décider quel mode de transport était

préférable (route, transport urbain, transport lourd de grande distance, …). Les élus ont prisune double orientation.

D’une part, les élus ont écarté toute construction d’infrastructure routière nouvelle surl’emprise.

D’autre part, les élus ont écarté l’affectation du CFEL au train, qu’il s’agisse de TERou de train grande ligne.

Finalement, il a été décidé d’affecter le CFEL au seul transport en commun devoyageurs urbain ou périurbain.

1.1.2.3. - Le choix de créer deux lignes de tramway intégréesSur la base de ce choix, restait à déterminer le mode de transport en commun urbain oupériurbain le mieux adapté. En effet, plusieurs options étaient envisageables, qu’il s’agissede modes ferrés (tramway) ou non ferrés (bus en site propre, trolleybus, …).

Enfin, il restait à déterminer, outre la fonction incontournable de desserte des zonesurbaines situées le long du CFEL jusqu’à Meyzieu, les fonctions complémentaires quepourrait jouer cette nouvelle ligne : desserte du Nord-Isère, deserte du centre de congrèsEurexpo, desserte de l’aéroport Saint-Exupéry,…

Une étude de faisabilité a été lancée en 2000. Conclue en janvier 2001, cette étude aconfirmé les orientations prises par le groupe de travail. Tout en démontrant l’intérêt d’utiliserl’emprise du CFEL pour une desserte urbaine entre le centre de l’agglomération et labanlieue Est, l’étude à déterminé plusieurs options pouvant accompagner avantageusementune telle desserte (notamment la desserte de l’aéroport et le prolongement du métro A deLaurent Bonnevay – Astroballe à La Soie).

Fort de cette étude, les élus du groupe de travail ont aboutit à l’idée d’un projet couplé :la création d’une ligne de tramway vers l’Est lyonnais (LEA), prolongée par une desserteexpress de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry (LESLYS), reliées au réseau « lourd » TCL auxstations Part Dieu (Tramway T1 et métro B préexistants) et La Soie (métro A à prolonger)2.

Il s’agit donc de créer deux lignes ayant des vocations très différentes, mais pourlesquelles la mise en commun d’une grande partie de l’infrastructure est une conditionprimordiale.

2 Voir plan schématique en Annexe 1

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1.2. LEA, LESLYS, deux projets à vocation trèsdifférente

Alors que LEA est un tramway urbain, utilisé principalement pour des déplacementsdomicile-travail ou domicile-loisir (1), LESLYS est un tramway à vocation spécifiquementaéroportuaire (2).

1.2.1. LEA, un tramway à vocation urbaineLe tramway LEA (Ligne de l’Est de l’Agglomération), ou tramway T3, est un tramway àvocation urbaine et périurbaine. Il assure la liaison entre le centre de l’agglomération etles communes de la banlieue Est de Lyon (Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Décines-Charpieuet Meyzieu). Les voyageurs empruntent notamment LEA dans le cadre de déplacementspendulaires réguliers (domicile-travail, domicile-loisir…).

Le tramway dessert dix stations, depuis la Gare Part-Dieu jusqu’à Meyzieu ZI, pour unparcours de 14,6

km. Son tracé suit intégralement l’ancienne emprise du CFEL, et correspond auxobjectifs de la ligne forte A9 définie par le Plan de Déplacements Urbains (PDU) del’agglomération lyonnaise adopté le 14 octobre 1997 et révisé en 2005.

Malgré sa vocation de transport urbain, la ligne LEA comporte des particularitéimportantes, permises par sa circulation non pas sur la voirie classique mais sur l’emprisepréservée : des arrêts relativement espacés (1,6 km en moyenne, contre 429 m en moyennepour la ligne T1 du réseau TCL, et 532 m pour la ligne T2), et une vitesse commercialeélevée (38 km/h, contre 15 km/h pour T1 et 19 km/h pour T2).

Le tramway LEA-T3 effectue, en service commercial, des pointes à 70 km/h ; c’estlapremière ligne en France à rouler à cette vitesse.

Le tramway Citadis de AlsthomLe matériel roulant est le tramway Citadis de Alsthom. Ce matériel circule déjà sur les

lignes T1 et T2 du tramway de Lyon. Il s’agit de l'un des modèles les plus vendus en France,et sa diffusion à l’étranger est de plus en plus importante.

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La fréquentation estimée est de 15 000 voyages/jour en moyenne. Les voyageurspeuvent circuler avec l’un quelconque des titres de transport TCL (ticket à l’unité,abonnement, …).

Cette ligne Part-Dieu – Meyzieu Z.I a fait l’objet d’une enquête publique en février 2004.Son utilité publique a été affirmée par une déclaration d’utilité publique (DUP) en juin 2004.

Le tramway LEA est entré dans sa phase d’exploitation commerciale le 4 décembre2006, et fait aujourd’hui partie intégrante du réseau de transport en commun lyonnais (TCL).

1.2.2. LESLYS, un tramway à vocation spécifiquement aéroportuaireLe projet LESLYS est un projet de tramway dont la vocation spécifique est la dessertede l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry (ainsi que de sa gare TGV). Cette particularité a faitl’objet d’une polémique importante (1), laquelle a entraîné un débat sur le tracé que devaitemprunter la ligne (2).

La vocation spécifiquement aéroportuaire a pourtant été définitivement confirmée (3).

1.2.2.1 – La controverse autour de la vocation du tramway LESLYSLa question de savoir si le tramway LESLYS devait avoir pour vocation unique la dessertede l’aéroport, ou si, au contraire, d’autres fonctions pouvaient être envisagées, a été miseen débat.

En effet, il était possible de concevoir un tramway n’ayant pas pour seule vocationde desservir l’aéroport, mais également celle de desservir les communes du grand Estlyonnais, notamment la commune de Pusignan. Dans cette configuration, il était possibled’envisager la création d’une station Pusignan, entre les stations Meyzieu ZI et AéroportSaint-Exupéry et/ou la création d’un parking-relais sur le site de l’aéroport.

Cette seconde possibilité était soutenue par des associations militantes, notammentl’association Parfer Lyon –Crémieu, qui milite pour la création d’une desserte ferrée suivantl’emprise du CFEL jusqu’à Crémieu.

Cependant, cette perspective d’un tramway à vocation mixte semblait poser un certainnombre de problèmes. D’une part, l’exemple parisien de la desserte de l’aéroport Charlesde Gaulle par le RER D, ayant une vocation mixte, a mis en évidence un risque de voirs’élever des conflits d’usages entre la clientèle aéroportuaire et la clientèle périurbaine3, cequi serait de nature à nuire à la bonne marche de LESLYS.

D’autre part, il faut relever que certains acteurs institutionnels des communes de l’estlyonnais sont eux-mêmes réticents à voir se développer dans leurs communes des parcs-relais, souvent qualifiés d’ « aspirateurs à voiture ».

Enfin, il est à noter que la position du Conseil Général de l’Isère ne se calque pas surcelle des associations militant pour la desserte ferrée du Nord-Isère. En effet, le ConseilGénéral n’a pas souhaité participer financièrement à la construction de la ligne LEA-LESLYS, et n’a pas fait part de sa volonté de construire une ligne ferrée vers le Nord-Isère.

1.2.2.2 - La controverse autour du tracé du tramway de LESLYS

3 A Paris, un projet vise à créer un nouveau service dit CDG Express, desserte ferroviaire exclusivement aéroportuaire.

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Partie première : Un couplage novateur de deux projets intégrés

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Le choix de réaliser un tramway à vocation uniquement aéroportuaire a, bien entendu, influésur la détermination du tracé 4.

Initialement, le projet LESLYS devait, au-delà de Meyzieu ZI, poursuivre sur l’ancienneemprise du CFEL, traversant ainsi la commune de Pusignan par le nord, puis décrochervers le sud en longeant la voie TGV Paris - Marseille. En effet, lors de la création de cettevoie, une large bande de terrain (dite « emprise Satorail ») avait été réservée le long desvoies et dans la gare, en prévision d’une future liaison entre le centre de Lyon et l’aéroport.

En 2005, le Département a entamé une première procédure en vue de l’obtention d’unedéclaration d’utilité publique. Cependant, ces premières démarches ont été rapidementajournées. Les premières consultations avaient toutefois fait apparaître la possibilitéd’emprunter un tracé plus direct, qui s’écarte de l’emprise du CFEL et de l’emprise Satorail.

Lorsqu’ en 2006 le Département a relancé le projet LESLYS et organisé une nouvelleconsultation, il a fait le choix de laisser aux candidats la possibilité de choisir entre le tracéinitial (suivant le CFEL) et le tracé direct.

Les deux candidats ont privilégié le tracé le plus direct.Ce tracé direct est contesté par les associations militant pour la prolongation ultérieure

de la ligne LEA vers Crémieu. Selon ces associations, en s’écartant de l’emprise du CFEL,le Département manque une occasion de « mettre en cohérence les deux projets: LESLYSet le prolongement de LEA vers le Nord-Isère »5.

Ce tracé est également critiqué par les agriculteurs de la commune de Pusignan. Eneffet, ce nouveau tracé, qui traverse des zones agricoles, implique des acquisitions foncièresnon prévues initialement. Ce tracé direct entraîne également une contrainte supplémentairepour les agriculteurs (nécessité de prévoir des passages aménagés pour la traversée desvoies, de réorganiser l’irrigation, de prévenir l’effet corrosif des courants dits vagabonds surles canalisations, …).

Pourtant, le tracé direct présente d’indéniables avantages.Ce tracé réduit le linéaire du parcours (1270m en moins par rapport au tracé « CFEL »).

Le temps de parcours se trouve donc réduit d’environ 45 secondes, ce qui est de nature àpermettre une meilleure synchronisation de LEA et LESLYS.

Ce parcours permet également une réduction des coûts d’exploitation : le tramwayLESLYS opérant en service normal 139 trajets journaliers, sur une année, le nombre dekilomètres parcourus est réduit de (1,27 x 139 x 365) soit 64.433 km. Le coût marginal dukilomètre d’exploitation étant estimé à 6,48 €, le trajet direct permet une diminution descharges d’exploitation de 417.528 € par an.

Par ailleurs, le tracé évite la traversée des zones fortement construites du centre dePusignan, limitant ainsi les nuisances sonores et les risques de collision.

Enfin, il ne semble pas que ce tracé direct complexifie le raccordement de LEA auNord-Isere. Bien au contraire, on peut penser qu’il permet une meilleure insertion surl’infrastructure commune d’un éventuel service de tramway susceptible d’être créé vers leNord-Isère, en limitant le nombre total de points d’insertion. Mieux encore, en s’écartantde l’emprise « CFEL », le Département du Rhône laisse ouverte, pour le Département de

4 Pour ces développements, voir plan schématique en annexe 25 Lettre envoyée par l’association Parfer-Lyon-Crémieu Le 14 Mai 2008 à madame Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Secrétaire

d'Etat chargée de l'écologie, en ligne sur http://www.parfer-lyon-cremieu.org

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

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l’Isère, la possibilité de créer une double voie de bus en site propre sur cette emprise, aveccorrespondance avec LEA à la station Meyzieu Z.I.

De plus, il est à noter que le Département du Rhône a exigé du concessionnaire la posed’une aiguille de voie pour raccordement à un éventuel nouveau tramway, lequel « relèverasoit du Département de l’Isère, soit d’une nouvelle AOTU dont le périmètre serait biensupérieur à celui du SYTRAL »6.

1.2.2.3 – Les caractéristiques du projet finalement retenuLe projet LESLYS finalement retenu porte sur un tramway ayant pour unique vocation dedesservir l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry et la gare de Lyon-Saint-Exupéry-TGV.

Le tracé ne comporte donc pas de parc relais, ni de station dans la commune dePusignan.

La desserte de la plateforme aéroportuaire de Saint-Exupéry est utile, bien entendu,pour les voyageurs aériens et TGV, mais également pour les employés de la plateforme.Dans cette configuration le tramway empruntera un tracé direct, et desservira quatrestations : Gare Part-Dieu, La Soie, Meyzieu ZI et Aéroport Saint-Exupéry.

La station Gare Part-Dieu est en correspondance avec le métro B et le tramway T1,ainsi qu’avec le réseau SNCF (TER, Grandes Lignes et TGV).

La station La Soie permet une connexion avec le métro A, assurant une desserte detoute la Presqu’île.

La station Meyzieu ZI permetaux personnes habitant le long de la ligne LEA, entre LaSoie et Meyzieu ZI, de se rendre sur le site aéroportuaire sans avoir besoin de « revenir »vers le centre ville. Cet arrêt était particulièrement nécessaire pour assurer un serviceadapté aux attentes des salariés de la plateforme aéroportuaire.

Un tramway Tango de StadlerLe cadencement des départs à chaque station terminale sera de 15mn ; le trajet durera

25 minutes.

6 Lettre de M. Mercier, Président du Conseil Général du Rhône, adressée au Commissaire enquêteur le 26/10/2007, citée dansle rapport du Commissaire enquêteur.

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Liger Martin - 2008 15

Le service sera assuré sur un matériel Tango de Stadler, qui roule déjà dans trois villessuisses et une ville allemande.

En juillet 2007, sur la base de ces éléments, une enquête publique préalable à ladéclaration d’utilité publique a été initiée. L’enquête publique a été menée par M. PhilippeCollaudin, commissaire enquêteur désigné par le président du tribunal administratif.

L’enquête publique s’est essentiellement focalisée sur la question du tracé de la ligne.Après avoir procédé à diverses auditions, le commissaire enquêteur a estimé que « la

solution alternative qui utilise le tracé historique [du CFEL] (…) semble plus acceptable étantmoins perturbatrice en matière d’environnement plus respectueuse des espaces agricoles,porteuse d’économies pour la collectivité à plus long terme et plus facilement évolutive ». Lecommissaire enquêteur a « donn[é] un avis défavorable à la demande de DUP pour LESLY(sic) empruntant le tracé B proposé », tout en ajoutant que « si pour certaines raisons lanécessité de réaliser le projet sur ce tracé devait prévaloir, [quatre] réserves devraient êtretraitées avec soin ». Ces réserves portent sur la cohabitation de l’exploitation de LESLYSet d’une entreprise voisine, la réservation d’une emprise piétonnière pour desserte d’unparking, le positionnement d’ouvrages de franchissement agricoles, et le positionnement duterminus à l’aéroport.

Cet avis « défavorable avec réserves » est juridiquement tout à fait étonnant,puisque l’avis est habituellement soit « favorable », soit « favorable avec réserves », soit« défavorable ».

Malgré cette ambiguïté, le Département et son délégataire RhônExpress ont choisi deconserver le tracé le plus direct (c'est-à-dire la tracé ne suivant pas le CFEL), en modifiantcependant le point d’arrivée à l’aéroport pour suivre les « réserves » du commissaireenquêteur7.

Par une délibération du 1er février 2008, le Conseil Général du Rhône a confirmé ladéclaration de projet, et le préfet du Rhône a déclaré l’utilité publique par un arrêté en datedu 10 juillet 2008.

Les travaux devraient durer 18 mois, et la mise en service est prévue pour 2010.

1.3. LEA, LESLYS : deux autorités organisatricesdifférentes

L’autorité organisatrice de transport est la collectivité publique qui pilote les projetsd’infrastructure de transport relevant de sa compétence (1). Le tramway LEA relève dela compétence du SYTRAL (2), alors que le projet LESLYS relève de la compétence duDépartement du Rhône (3).

1.3.1 – La notion d’autorité organisatrice de transportLa loi d'orientation pour les transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 dispose que« l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique globale des transports sont assurées

7 Voir plan schématique du repositionnement de la station terminale de Lyon Saint-Exupéry en annexe 3

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conjointement par l'Etat et les collectivités territoriales concernées dans le cadre d'uneplanification décentralisée, contractuelle et démocratique ». Les autorités organisatrices detransports (AOT) sont donc les collectivités publiques auxquelles la LOTI confie la missiond'organiser les transports.

Les communes sont chargées du transport urbain : elles sont autorités organisatricesdes transports urbains (AOTU). Cependant, si la commune est membre d’un établissementpublic de coopération intercommunal (EPCI), c’est cet EPCI qui constituera l'autoritéorganisatrice de transports urbains8.

Il arrive que cette collectivité publique (ou cet EPCI) délègue sa compétence à unétablissement public spécialisé, spécifiquement chargé de l'organisation des transports. Ils'agira par exemple d’un syndicat mixte.

Les AOTU interviennent uniquement dans un périmètre donné, appelé « périmètredes transports urbains » ou PTU. La création du périmètre est le premier acte d'uneAOTU car c'est par cet acte qu'une autorité habilitée à organiser les transports en commundécide d'exercer effectivement cette compétence. En principe, le périmètre de transportsurbains correspond au territoire de la commune ou de l’établissement public de coopérationintercommunal.

Les départements sont également autorité organisatrice, car ils gèrent les transportsnon urbains sur leur territoire. Enfin, les régions sont autorités organisatrices des transportsferroviaires régionaux.

1.3.2 – Le SYTRAL, autorité organisatrice du tramway LEALe tramway LEA circule à l’intérieur du périmètre de transports urbains. Il relève donc de lacompétence de l’autorité organisatrice des transports urbains.

Par principe, l’AOTU est l’établissement public de coopération intercommunal, c'est-à-dire, à Lyon, la communauté urbaine de Lyon, ou Grand Lyon. Cependant, le Grand Lyonn’exerce pas directement sa compétence, et l’a déléguée au Syndicat Mixte des Transportspour le Rhône et l'Agglomération Lyonnaise (SYTRAL).

Le SYTRAL est un syndicat mixte, dont les financements publics proviennent du GrandLyon (116,3 millions d’euros) et du Département du Rhône (17,7 millions d’euros).

L’instance décisionnelle du SYTRAL est le Comité Syndical. Il est composé de 26 élus,dont 16 proviennent de la Communauté urbaine de Lyon et 10 du Conseil général du Rhône.

Le SYTRAL intervient dans le Périmètre des Transports Urbains, composé des 57communes du Grand Lyon et de 7 communes limitrophes9. Il dispose du monopole del’organisation des transports en commun dans cette zone. Par contre, il n’est pas compétentpour intervenir en dehors de ce périmètre.

Le SYTRAL est propriétaire de la marque « TCL », pour « transport en communlyonnais » qui désigne le réseau urbain de Lyon.

8 Article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales (CGCT)9 Voir plan du PTU du SYTRAL en annexe 4

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Partie première : Un couplage novateur de deux projets intégrés

Liger Martin - 2008 17

1.3.3 – Le Département du Rhône, autorité organisatrice du tramwayLESLYS

L’idée de relier Lyon à son aéroport international par une liaison ferrée n’est pas nouvelle.Le point de savoir à quelle AOT échoit la compétence d’une telle ligne s’est donc poséedès les années 1980.

La région Rhône-Alpes avait lancé l’idée, dans les années 1980, de créer un trainentre le centre de Lyon et l’aéroport. Cependant, la région n’avait alors aucune compétenceparticulière en matière de transports.

En 1997, la loi a désigné la région Rhône-Alpes, à titre expérimental, comme autoritéorganisatrice des transports régionaux ferroviaires. Cette compétence a été confirmée parla loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000.

Cependant, malgré cette compétence nouvelle, la région n’a pas lancé de projet dedesserte de l’aéroport Saint-Exupéry, la régionalisation ferroviaire ayant essentiellementporté sur la rénovation et la réorganisation des lignes TER de la SNCF10.

Le Département du Rhône s’est donc saisi de l’idée construire un tramway entre Lyonet l’aéroport, mais la compétence du pilotage d’un tel projet n’était pas claire.

D’une part, le SYTRAL était incompétent. En effet, la ligne du tramway LESLYS traverseles communes Lyon, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Décines, Meyzieu, Jonage, Pusignan etColombier-Saugnieu. Or, les communes de Pusignan et Colombier-Saugnieu ne sont pascomprises dans le PTU, cette circonstance ôtant au SYTRAL toute compétence.

D’autre part, au début du projet, la compétence du Département était douteuse, car lesdépartements n’étaient chargés que de l’organisation des « transports routiers non urbainsde personnes »11.

En 2004, M. Michel Mercier, Président du Conseil Général du Rhône et Sénateur, adéposé au Sénat un amendement pour étendre la compétence des départements. Ainsi,l’article 33 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ajoute unarticle 18-1 à la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Cet articledispose que « les départements sont compétents pour créer ou exploiter des infrastructuresde transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés d'intérêt local. A l'intérieur dupérimètre de transports urbains, les dessertes locales des transports ferrés ou guidés établispar le Département sont créées ou modifiées en accord avec l'autorité compétente pourl'organisation des transports urbains ».

La compétence du Département clairement établie, celui-ci pouvait sans problèmeinitier un projet tel que Leslys.

Le SYTRAL et le Département ont fait le choix de déléguer l’exploitation des tramwaysà des opérateurs privés.

1.4. LEA, LESLYS : deux exploitants différents10 Il est cependant parfois évoqué que la Région lance un projet de TER à grande vitesse (TERGV) entre Lyon et le sillon alpin,

laquelle ligne pourrait desservir la gare Aéroport-Saint-Exupéry-TGV.11 article 29 de la loi d'orientation pour les transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

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Le Département du Rhône et le SYTRAL ont chacun fait le choix de recourir à la gestiondéléguée (1). Or, chaque AOT a sélectionné un exploitant différent : à la dualité d’AOTs’ajoute donc une dualité d’exploitants (2).

1.4.1. – Le choix de recourir à la gestion déléguéeL'article 7 de la loi d'orientation pour les transports intérieurs définit les modalitésd'exploitation possibles pour les transports en commun, et dispose que “l'exécution duservice est assurée soit en régie par une personne publique sous forme d'un service publicindustriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention àdurée déterminée avec l'autorité ».

Le SYTRAL comme le Département ont fait le choix de recourir à une telle gestiondéléguée.

Le gestionnaire délégué d’un service de transport public peut être de statut divers :établissements publics industriels et commerciaux (RATP à Paris, RTM à Marseille, …),sociétés d'économie mixte (SEMITAG à Grenoble, …) ou sociétés commerciales.

Le réseau TCL (incluant LEA) et le tramway LESLYS ont été respectivement confiés àdeux sociétés commerciales distinctes et concurrentes : Keolis Lyon et Véolia Transport.

1.4.2. – La dualité d’exploitantsSur la même infrastructure circuleront des tramways LEA exploités par la société KeolisLyon (1) et des tramways LESLYS exploités par la société Veolia (2).

1.4.2.1 – Keolis Lyon, exploitant du tramway LEAL’exploitation du réseau TCL a été confié à la société Keolis Lyon, par une convention dedélégation de service public en date du 9 décembre 2004.

LEA à rejoin le réseau TCL et son exploitation a été confiée au même exploitant, sansremise en concurrence (cf. infra).

La société Keolis Lyon est une filiale du groupe Keolis, lequel est détenu, depuis 2006,par trois actionnaires :

le groupe SNCF Participations, à hauteur de 45,5% ;la société AXA, à hauteur de 26% ;la Caisse de dépôt et placement du Québec (fond de pension québécois), à hauteur

de 26% ;les cadres de la société Keolis, à hauteur de 2,5%.Le groupe Keolis est extrêmement bien implanté en France, où il est le leader privé sur

le marché du transport urbain et périurbain de voyageurs.

1.4.2.2 – Veolia Transport, exploitant du tramway LESLYS

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Pour la ligne LESLYS, le Département a fait le choix de concéder l’ensemble du projet à unpartenaire privé unique. Suite à l’appel public à la concurrence lancé par le Département,deux offres ont été formulées.

La première offre émanait du groupement Elyse, composé des sociétés Keolis(mandataire), SNCF et Eiffage ;

La seconde offre émanait du groupement RhônExpress, composé des sociétés VinciConcessions, Campenon Bernard Région (mandataire du projet), Roiret, Jean Lefebvre,Vossloh, Cégélec, Véolia Transport et de la Caisse des dépôts et consignations.

Après mise en concurrence, le groupement RhônExpress a été retenu.RhonExpress est une société ad hoc, dont les actionnaires sont Vinci Concessions, VéoliaTransport, la Caisse des dépôts et consignations, Vossloh et Cégélec. Comme toute société-véhicule de projet, il s’agit d’une structure très légère. Elle n’emploie directement aucunsalarié et elle est composée uniquement de trois personnes (un Président, un Directeurdétaché d’une autre société, et une assistante également détachée).

La société RhônExpress a elle-même confié l’exploitation de LESLYS au groupe Veoliatransport, premier opérateur privé de transport public en Europe et aux Etats-Unis.

L’exploitation des lignes LEA et LESLYS est donc confiée à deux opérateurs se situantclairement en situation de concurrence. Les deux projets sont pourtant fortement intégrés.

1.5. LEA, LESLYS : deux projets intégrésL’intégration des deux projets s’est effectuée au niveau des autorités organisatrices, quiont conclu entre elles des accords de coopération très intéressants (1). Par ricochet, lacoopération entre exploitants devrait également s’avérer nécessaire (2).

1.5.1 – Une coopération novatrice entre autorités organisatricesLa construction de l’infrastructure de deux tramways a fait l’objet d’une coopération pousséeentre les deux autorités organisatrices.

Le Département était propriétaire du domaine public correspondant à l'ancien Cheminde fer de l’est lyonnais, situé en grande partie à l’intérieur du PTU.

Le Département a donc autorisé le SYTRAL à occuper gratuitement le domaine publicdu CFEL entre la Part-Dieu et Meyzieu ZI pour réaliser et entretenir une infrastructure detramway, ayant vocation à devenir commune aux deux services LEA et LESLYS.

En échange de cette mise à disposition gratuite du foncier, le SYTRAL s’est engagéà réaliser et à financer seul l’infrastructure commune. Cette infrastructure « comprendral’ensemble des installations et équipements fixes nécessaires à la réalisation et àl’exploitation des services omnibus [LEA] et express [LESLYS] dans le périmètre destransports urbains, c'est-à-dire depuis le terminus de la Part Dieu jusqu'à la station deMeyzieu ZI ».

Il est cependant à préciser que le Département (ou son délégataire) doit prendreen charge « le financement des adaptations et extensions de l'infrastructure commune

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

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directement nécessaires à la création du service express » 12, comme les voies d’évitementou les aiguilles de voie supplémentaires.

S’agissant de l’entretien de l’infrastructure, les charges sont réparties entre le SYTRALet le Département (ou son délégataire) au prorata du nombre de sillons utilisés par chaqueservice sur l'infrastructure commune.

Cette coopération entre AOT pour l’infrastructure est donc particulièrementintéressante, car elle permet des gains pour chaque partie, et assure une véritable synergieentre les deux projets : le SYTRAL économise l’achat du foncier, et le Départementéconomise la construction de l’infrastructure commune.

Pour l’organisation « commerciale » des deux services de transport, par contre, lacoopération est limitée.

Certes, il existera des titres combinés TCL – LESLYS, permettant aux usagers deLESLYS de poursuivre leur déplacement sur le réseau TCL.

Cependant, il ne sera pas possible pour les usagers du réseau TCL d’utiliser LESLYScomme un « LEA express », c'est-à-dire d’emprunter LESLYS entre Part-Dieu et La Soieou Meyzieu ZI. Il s’agit là d’une application du principe légal selon lequel une ligne relavantd’un département ne peut organiser de cabotage à l’intérieur d’un périmètre de transporturbain. Cet obstacle juridique aurait cependant pu être facilement levé par la conclusiond’une convention entre le Département et le SYTRAL, comme il en existe déjà pour les busdépartementaux (qu’il est possible d’emprunter à l’intérieur du PTU du Grand Lyon). Lesdeux autorités organisatrices ont choisi de ne pas conclure une telle convention pour letramway LESLYS, afin de préserver sa vocation spécifiquement aéroportuaire.

1.5.2 – La coopération entre exploitants : la création d’un poste decommandement unique

En phase d’exploitation, une coopération entre exploitants sera nécessaire. Cettecoopération se fera au sein d’un poste de commandement unique LEA-LESLYS.

Ce poste unique devrait permettre la meilleure coordination des services, notammentlorsque les tramways circulent en mode dégradé.

Conclusion de la partie première: Un projet couplépermettant la réalisation de substantielles économies

D’un point de vue mésoéconomique, le couplage des projets LEA et LESLYS a permis à lacollectivité publique de réaliser de substantielles économies.

Ainsi, la réhabilitation d’une voie ferrée désaffectée, propriété publique, pour réaliserun tramway périurbain est une première en France ; l’utilisation d’une telle emprise a permisd’importantes économies en termes d’exécution et de budget : le budget du tramway LEAest de 172 millions d’euros, ce qui représente un budget par kilomètre de 12 millions d’euros/

12 Convention relative à l'utilisation du domaine public départemental en vue de la réalisation d’une infrastructure de transportferroviaire de type tramway entre le SYTRAL et le Département du Rhône, annexée à la convention de concession de LESLYS

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km, soit trois fois moins que pour les deux lignes T1 ou T2 précédemment construites àLyon).

De plus, la mise en commun de l’infrastructure a permis la réalisation d’un tramway dedesserte aéroportuaire dans des conditions financières très favorables.

Il est également possible d’adopter un point de vue microéconomique, et de s’interrogersur les différences entre les deux projets LEA et LESLYS, sur un plan économique, financieret juridique.

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Partie seconde : Deux modèlescontractuels et financiers très différents

Les projets LEA et LESLYS ont été menés sur la base de cadres contractuels extrêmementdifférents, le SYTRAL ayant choisi de conserver la maîtrise d’ouvrage alors que laDépartement a préféré s’engager dans un partenariat public-privé. Ces deux cadrescontractuels (1) constituent un exemple de l’opposition classique entre achat publicclassique et PPP, tant du point de vue de la théorie des incitations (2), du plan definancement adopté (3), de latarification respective (4) et de la répartition des risques dansles montages contractuels (5).

2.1 – Présentation du cadre contractuel de chaqueprojet

Le droit français propose plusieurs solutions juridiques pour le montage de projetsd’infrastructures (1). Après avoir étudié, pour chacun des projets LEA et LESLYS, lastructure contractuelle retenue (2), nous poserons la question des avantages comparés del’unité ou de la dualité de contrats de construction et d’exploitation, question qui sera aucoeur des développements de toute cette seconde partie (3).

2.1.1 – Exposé sommaire des solutions juridiques proposées par ledroit positif français

Jusqu’en 2004, le droit français connaissait essentiellement deux formes de contrats liant lapersonne publique et des cocontractants privés : les marchés publics (1) et les délégationsde service public (2).

En 2004, un troisième modèle de contrat public, le contrat de partenariat, a été introduit(3).

2.1.1.1 – Le marché publicLe marché public est le contrat administratif le plus courant. Il est conclu entre une personnepublique, d’une part, et une personne privée ou une autre personne publique, d’autre part.

Son domaine d’application est large : il peut s’agir de la réalisation de travaux publics(construction de bâtiment, génie civil, …), mais également d’achat ou de location de matérielou de réalisation de prestations de service (gérance, …).

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

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Il est fait obligation à la personne publique de dissocier la conception, la constructionet l’exploitation, en réalisant un marché public distinct - avec mise en concurrence - pourchacune de ces trois phases13.

Dans tous les cas, le code des marchés publics impose à la personne publique de payerimmédiatement le prix dû au prestataire privé. Les paiements différés sont prohibés.

Ainsi, dans le cadre de ces marchés publics, la personne publique et son cocontractantprivé sont dans une relation comparable à celle qui lie un client et son fournisseur. Le plussouvent, le cocontractant privé ne prend à sa charge aucun risque particulier.

2.1.1.2 – La délégation de service publicLa définition de la délégation de service public a été établie par la loi du 29 janvier 1993relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et desprocédures publiques. Celle-ci dispose, en son article 38, que la délégation de servicepublic est « un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestiond’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont larémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service ». La loiprécise que « le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir desbiens nécessaires au service ».

Le critère fondamental de la délégation de service public est donc celui de larémunération du cocontractant privé. Seuls, dès lors, peuvent faire l’objet d’une délégationde service public les services publics susceptibles de dégager des recettes d’exploitation.

Dans le cadre de ces délégations de service public, le risque de demande (id est traficpour les infrastructures de transport, nombres d’usagers pour les installations de loisir, etc.)est nécessairement supporté par le cocontractant privé.

On distingue traditionnellement trois types de contrats de délégations de servicepublics : le contrat de concession, le contrat d’affermage et le contrat de régie intéressée.

Dans le système de la concession, « le concédant, personne publique, chargeun concessionnaire, personne privée ou publique, d'exploiter un service public à ses"risques et périls" ou "frais et risques" »14. Le plus souvent, le concédant confie auconcessionnaire la charge de construire les ouvrages publics nécessaires à l'exploitationdu service. La rémunération du concessionnaire résulte du produit des redevances qu'ilperçoit directement sur les usagers du service, même si, en pratique, il arrive fréquemmentque le concédant apporte un soutien financier au concessionnaire (garanties d'emprunt,subventions, …).

Dans le contrat d’affermage, le partenaire privé, dit fermier, reçoit la charge d’exploiterun service, mais n’a pas à financer d’ouvrage car ceux-ci sont « déjà établis à la datede passation du contrat »15. Il se rémunère grâce aux redevances des usagers, mais doitgénéralement lui-même reverser à la commune une redevance appelée "surtaxe".

13 Article 10 du Code des marchés publics : « (…) Si le pouvoir adjudicateur recourt à des lots séparés pour une opération ayantà la fois pour objet la construction et l'exploitation ou la maintenance d'un ouvrage, les prestations de construction et d'exploitation oude maintenance ne peuvent être regroupées dans un même lot (…) ».

14 Claudie Boiteau, Délégation de service public, JurisClasseur Administratif Fasc. 660, p.115 C.E. 29 avril 1987 "Commune d'Élancourt", Recueil C.E., p. 152

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Enfin, le contrat de régie intéressée est un contrat par lequel la collectivité confiel’exploitation d’un service à un régisseur, mais en conserve la direction. Le régisseur à uneautonomie limitée. Les recettes qu’il perçoit à l’occasion de l’exploitation sont reversées audélégataire. La rémunération du gérant n'est donc pas, contrairement aux autres contrats,le solde des profits et pertes : ici, le régisseur reçoit une rémunération forfaitaire de lacollectivité, mais celle-ci est substantiellement indexée sur le chiffre d'affaires réalisé.

Il est à noter que, afin d’assurer efficacement le financement des différents servicespublics, les personnes publiques délégantes ont cherché à dépasser « l'obsolescence descadres juridiques traditionnels »16, et ont fait preuve d’inventivité dans la rédaction descontrats. Aujourd’hui, on peut constater l’existence de nombreuses conventions complexes,qui empruntent leurs clauses à plusieurs de ces "modèles" de base.

Au début des années 2000, il est d’ailleurs apparu que ce cadre juridique étaitinsuffisant, car, dans de nombreux domaines – notamment les services publics « nonmarchands » – il ne permettait pas la conclusion de contrats globaux, intégrant conception,construction et exploitation. C’est pourquoi le législateur a ouvert la possibilité de réaliserde nouveau montages contractuels.

2.1.1.3 – Le contrat de partenariatDès le début des années 2000, le législateur a multiplié les contrats dérogatoires sectorielspermettant des montages complexes (baux emphytéotiques administratifs et hospitaliers,autorisation d’occupation temporaire, vente en l’état futur d’achèvement, …).

Finalement, le législateur a souhaité créer un nouvel instrument juridique, global et nonsectoriel : le contrat de partenariat.

Le contrat de partenariat, créé par l’ordonnance du 17 juin 2004, a vocation à constituerune « troisième voie », entre marché public et délégation de service public. Il s’agit d’uncontrat par lequel une personne publique confie à un opérateur privé unique le financementd’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public,ainsi que leur construction ou leur transformation, leur entretien, leur gestion et leurexploitation.

La rémunération du partenaire privé est assurée par une redevance, versée par lapersonne publique pendant toute la durée du contrat.

Il est à noter que le Conseil Constitutionnel a conditionné le recours à ce contrat departenariat à l’existence d’une situation d’urgence ou de complexité particulière.

2.1.2 – Détermination de la nature juridique des contrats respectifsde LEA et LESLYS

Le projet LEA a été monté sous la forme de deux séries de contrats, pour le constructionpuis l’exploitation (1), alors que, pour le projet LESLYS, le Département a fait le choix del’unité contractuelle (2).

2.1.2.1 – Le projet LEA : un marché public pour la construction et un contratde régie intéressée pour l’exploitation

16 Ph. Limouzin-Lamothe, La pratique de la délégation de service public, Actualité juridique du droit administratif, 1996, p.572

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

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Le tramway LEA fait partie intégrante du réseau TCL, lequel est exploité en gestiondéléguée. Il est donc important de bien comprendre le contexte contractuel dans lequel setrouvait le SYTRAL au moment de choisir le mode de construction et d’exploitation de LEA(1).

Le SYTRAL a écarté plusieurs solutions qui s’offraient à lui (2 et 3), pour finalementchoisir de conserver la maîtrise d’ouvrage et de confier l’exploitation à l’opérateur historique(4).

2.1.2.1.1 – Le contexte contractuel (l’exploitation du réseau TCL)Comme nous l’avons vu supra, l’autorité organisatrice compétente pour le réseau detransport urbain de l’agglomération lyonnaise (réseau TCL) est le SYTRAL, qui reçoit sacompétence par délégation du Grand Lyon, communauté urbaine légalement compétente.Le SYTRAL a donc la responsabilité d’un réseau de transport urbain, comprenant 4 lignes demétro, 3 lignes de tramway, 2 lignes de funiculaire et 250 lignes de bus. Il est intégralementpropriétaire des infrastructures et du matériel roulant relatif à ce réseau.

Le SYTRAL a, depuis longtemps, choisi de confier l’exploitation du réseau TCL àun partenaire privé. Le SYTRAL est lié à l’entreprise Keolis Lyonpar un contrat de régieintéressée par lequel il charge cette entreprise de « met[tre] en oeuvre la politique detransports définie par l’Autorité Organisatrice, gére[r] à cette fin l’ensemble des moyens misà sa disposition, et rend[re] compte de la gestion du réseau à l’Autorité Organisatrice »17.

Ce contrat de régie intéressée a été renouvelé le 1er janvier 2005, pour une durée de sixannées. Il arrivera donc à échéance le 31 décembre 2010.

Lorsque ce contrat a été conclu, le réseau mis en gérance ne comprenait pas,évidemment, la ligne LEA – T3, sa livraison étant postérieure à cette date. Cependant, lecontrat prévoyait expressément, en son article 8.1, que, concernant « la mise en service dela nouvelle ligne LEA Part-Dieu – Meyzieu », le « délégataire ne bénéfici[erait] pas d’unegarantie d’exclusivité », l’article n°20.3.2. de la Convention stipulant que « l’attribution de lagestion de ces extensions d’offre [sans garantie d’exclusivité] peut s’effectuer, au libre choixde l’autorité organisatrice, soit par avenant à la (…) convention, (…)soit par le lancementd’une ou plusieurs consultations, spécifiques à ces extensions de l’offre ».

Il était, dès lors, possible pour le SYTRAL d’envisager plusieurs solutions principales18.

2.1.2.1.2 – Une première solution écartée par le SYTRAL : confier àun nouveau cocontractant unique la construction, la maintenance etl’exploitation de la nouvelle ligne LEA.Cette solution aurait conduit à créer un « lot » distinct, au sein même du réseau TCL. Laligne T3 aurait alors différé du reste du réseau, tant dans sa phase de construction (certainsrisques auraient pu être assumés par une entreprise privée) que sa phase d’exploitation(l’exploitant aurait pu être un opérateur indépendant de Keolis Lyon).

Il aurait fallu déterminer un cadre juridique adéquat.Un contrat de concession aurait pu être envisagé, mais la question de la répartition des

redevances payées par les usagers du réseau TCL eût posé problème.17 Convention portant délégation de service public du transport urbain de l’agglomération lyonnaise, article 218 Nous excluons ici d’office la possibilité d’une gestion en régie.

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Un contrat de partenariat aurait également pu être envisagé, à condition que lesconditions d’urgence ou de complexité soient motivées. Le cocontractant privé aurait alorsété rémunéré par une redevance payée par le SYTRAL.

2.1.2.1.3 – Une seconde solution écartée par le SYTRAL: conserver lamaîtrise de la construction et engager l’allotissement de l’exploitation duréseau TCLUne seconde solution aurait consisté, pour le SYTRAL, à conserver la maîtrise d’œuvrede la construction (passation de marchés publics), puis à lancer une nouvelle mise enconcurrence pour confier l’exploitation de la ligne LEA à un opérateur indépendant.

Cela aurait constitué un début d’allotissement de l’exploitation du réseau TCL, c'est-à-dire la mise en concurrence de plusieurs lots dans la même agglomération : un lot « LEA »,et un lot « reste du réseau ».

Il est vrai que, comme le relèvent Luc Baumtark et al., « la pratique française estde faire périodiquement un appel d’offres unique pour la totalité du réseau urbain d’uneagglomération » 19. Pourtant, d’autres pays, notamment au Nord de l’Europe, on fait le choixd’allotir leur réseaux de transports urbains, afin de stimuler la concurrence entre exploitants.

La pratique française de non-allotissement des réseaux repose sur l’idée que chaqueréseau de transport urbain est en situation de monopole naturel.

On dit qu’un marché est en situation de monopole naturel, pour un niveau de productiondonné, dès lors que la fonction de coût est sous-additive, c'est-à-dire qu’il est moins coûteuxd’exploiter l’ensemble des n lignes que de les exploiter séparément, c'est-à-dire que lafonction de coût C est telle que :

C(y) < C(y1) + C(y2) + C(y3) +…..+C(yn).

avec y : la production totale du réseau ;y1, y2, y3, … , yn : toute décomposition du réseau.

L'hypothèse du monopole naturel des transports urbains sur la totalité d'uneagglomération est souvent considérée comme acquise et dominant toutes les autresconsidérations, en raison d’économies d’échelle supposées constantes.

Pourtant, un récent rapport, élaboré dans le cadre du programme national de rechercheet d'innovation dans les transports terrestres (PREDIT) rappelle que « l’idée reçue selonlaquelle les réseaux de transports urbains sont fondamentalement moins coûteux s’ils sontgérés par une seule entreprise est fausse. (…) Il existe une taille au-delà de laquelleles surcoûts de production en monopole (coûts de structure…) dépassent les économiesd’échelle de la mutualisation »20. Les auteurs de ce rapport fixent cette taille critique au« sixième de la production de Lyon »21.

Dans ces conditions, il aurait, semble-t-il, été envisageable de recourir à un lot séparépour le tramway LEA, bien que cette solution eut nécessité une analyse économiqueapprofondie.

19 BAUMSTARK, PUCCIO, ROY, MÉNARD, YVRANDE-BILLON, Risques et avantages de l’allotissement dans les transportspublics urbains de voyageurs, Laboratoire d’Economie des Transports, PREDIT, 2007, p.128

20 BAUMSTARK, PUCCIO, ROY, MÉNARD, YVRANDE-BILLON, op.cit., p.7921 BAUMSTARK, PUCCIO, ROY, MÉNARD, YVRANDE-BILLON, op.cit., p.77

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Quoi qu’il en soit, le SYTRAL ne souhaitant pas créer de disparités entre la ligne LEAet le reste du réseau TCL, il n’a pas saisi l’opportunité qui se présentait de procéder à unallotissement partiel du réseau.

2.1.2.1.4 – La solution retenue par le SYTRAL : conserver la maîtrisede la construction et ajouter un avenant au contrat de régie intéresséepréexistant.Pour la construction, le SYRAL a souhaité conserver la maîtrise d’ouvrage. La constructionde l’infrastructure et l’achat du matériel roulant ont donc été réalisés par une série demarchés publics. Les entreprises concernées (travaux publics, etc.) ont été rémunérées parle SYTRAL, dès la fin de leurs prestations respectives.

Pour l’exploitation, le SYTRAL a fait le choix de ne pas procéder à une nouvelle miseen concurrence. L’exploitation a été confiée directement à Keolis Lyon par la conclusiond’un avenant au contrat de régie intéressée préexistant. Cet avenant, signé le 9 décembre2004, prévoit logiquement une revalorisation de l’indemnité forfaitaire et une augmentationde l’engagement sur recette.

Pour le projet LESLYS, le choix du Département a été tout autre.

2.1.2.2 – Le projet LESLYS : un contrat de concession pour la construction etl’exploitationPour le projet LESLYS, le Département a du, lui aussi, choisir un montage contractuel pourla construction et l’exploitation du tramway. Plusieurs caractéristiques du projet pouvaientalors être relevées.

Tout d’abord, il s’agit d’un projet aux dimensions importantes, qu’il s’agisse de laconstruction ou de l’exploitation. Le projet LESLYS étant le premier projet de cette ampleurpiloté par le Département, les services de celui-ci n’étaient évidemment pas dimensionnéspour assurer directement la maîtrise d’ouvrage.

Ensuite, il s’agit d’un projet nécessitant la mobilisation d’actifs financiers importants,dont le Département ne disposait pas intégralement. Il s’avérait donc nécessaire de trouverdes solutions de financement innovantes.

Ces éléments ont conduits le Département à confier la construction de l’infrastructure,l’achat du matériel roulant et l’exploitation du tramway à un partenaire privé unique. Cetobjectif pouvait a priori être atteint soit par un contrat de partenariat, soit par un contrat deconcession.

Or, par ailleurs, les études montraient que les recettes d’exploitation attendues, issuesdes redevances des usagers, étaient significatives, et susceptible d’atteindre un niveau derentabilité pouvant intéresser un partenaire privé.

Le Département a donc – logiquement – choisi de conclure un contrat de concession.Ce contrat de concession a été conclu avec un partenaire unique, la société

RhônExpress, concessionnaire pour trente années22.

22 La société RhônExpress, concessionnaire, est une structure ad hoc. Elle a elle-même conclu des contrats de droit privé poursous-traiter la réalisation matérielle de ses obligations contractuelles, notamment la construction - conception (assurée par le groupeVinci), l’achat du matériel roulant (fourni par le groupe Stadler) et l’exploitation (assurée par la société ad hoc Veolia CFTA).

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Il faut toutefois relever que, comme nous allons le voir infra, d’un point de vue financier,le montage est très particulier, puisqu’il emprunte à la fois au schéma traditionnel de laconcession et à celui du contrat de partenariat, et adopte une approche méthodique dupartage des risques (cf. analyse plus détaillée infra).

2.1.3 – Faire construire puis faire exploiter, faire construire et faireexploiter : avantages comparés de l’unité ou de la dualité de contrats.

Le Département, pour le projet LESLYS, a choisi de confier à un partenaire privé unique laconstruction, l’entretien, l’exploitation de l’infrastructure, l’achat du matériel roulant, et même–en partie – la conception du projet23.

Au contraire, le SYTRAL, pour le projet LEA, a choisi de conserver la maîtrise d’œuvrede la construction, en procédant par appel d’offres allotis. Il a séparé nettement les phasesde construction et d’exploitation.

Ces choix divergents peuvent s’expliquer par des considérations à la fois politiques etéconomiques.

Du point de vue politique, il faut relever que la position institutionnelle des personnespubliques à l’origine du projet diffère.

Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un organisme public, le SYTRAL n’exerce ses compétencesque par délégation du Grand Lyon. Dans les faits, sa position n’est pas sans rappeler celled’un concessionnaire : le SYTRAL constitue un « second niveau », ce qui peut expliquer savolonté de conserver en totalité la maîtrise d’ouvrage du projet.

Au contraire, le Département du Rhône, qui, pour le projet LESLYS, tire sa compétencedirectement de la loi, et dont les services ne sont pas dimensionnées pour assurerdirectement la maîtrise d’ouvrage, préfère logiquement déléguer davantage.

Ceci peut être résumé dans le schéma suivant :

23 Ainsi, l’appel d’offre lancé au printemps 2006 invitait les candidats à étudier les deux trajets envisageables (tracé du CFEL ettracé direct).

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D’un point de vue économique, le choix du SYTRAL de séparer construction etexploitation, et celui du Département de regrouper l’ensemble du projet dans un contratunique, impliquent de grandes différences du point de vue de la théorie des contrats, dufinancement de projet et de la répartition des risques, comme nous allons le voir maintenant.

2.2 – Analyse comparée des projets au regard de lathéorie des incitations

D’un point de vue économique, le choix de confier construction et exploitation à un partenaireprivé ou, au contraire, à deux cocontractants distincts n’est pas neutre, notamment du pointde vue de la théorie des incitations.

La théorie des incitations (ou théorie des contrats) a été développée notamment parJean-Jacques Laffont et Jean Tirole. La théorie des incitations analyse le contrat publiccomme une relation entre un principal et un agent.

Dans le cas du projet LEA, le principal est le SYTRAL, les agents sont les constructeurset la société Keolis Lyon.

Dans le cas du projet LESLYS, le principal est le Département du Rhône, l’agent estla société RhônExpress.

Le principal, acheteur public, est soumis à une double asymétrie d’information vis-à-vis du ou des agent(s).

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

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D’une part, au moment de l’écriture du contrat entre les deux parties, l’agent détient del’information privée, qu’il ne révèle pas. Le principal n’a donc pas accès à l’ensemble desinformations détenues par chaque candidat au contrat (coûts de productions, intensité del’aversion au risque, niveau d’effort consenti, …). De ce fait, le principal ne peut désigneravec certitude lequel des candidats constituera le cocontractant le plus efficace. De plus,le prix final risque de ne pas refléter la valeur intrinsèque du bien ou du service fourni,qui est inobservable par le principal. Cette asymétrie d’information ex ante est appeléeantisélection, ou sélection adverse.

D’autre part, après la conclusion du contrat, l’agent peut souvent prendre des décisions"non observables". Ces décisions, du fait de la divergence d’objectifs entre ces deuxprotagonistes, peuvent ne pas être dans l’intérêt du principal. Ainsi, il est difficile, pour leprincipal, de savoir si l’agent mobilise le maximum de ses capacités pour remplir au mieuxses obligations et minimiser ses coûts de production. C’est là un problème crucial dans larelation principal-agent. Cette asymétrie ex post est appelée aléa moral.

L’antisélection et l’aléa moral ne présentent pas les mêmes caractéristiques selonque le principal a fait le choix de confier la construction et l’exploitation à un partenaireunique, ou à des cocontractants séparés. Dans chaque projet – LEA, LESLYS – l’asymétried’information est différente.

Dans chaque contrat, il existe donc des mécanismes différents, qui visent à réduire tantle risque d’antisélection (1) que celui d’aléa moral (2).

2.2.1 – La réduction de l’antisélectionIl est extrêmement important, pour un acheteur public, de mettre en place des mécanismesde réductions de l’antisélection.

Il s’agit, pour le principal, d’inciter les candidats à révéler l’information privée qu’ilsdétiennent sur leur processus de production (coûts, …), et d’éviter ainsi toute tentationopportuniste.

Dans cette optique, le droit public a créé un corpus de règles qui, en assurant l’égalitéd’accès et de traitement des candidats, entend créer une vraie mise en concurrence. Cettemise en concurrence est censée permettre une révélation de l’information cachée au profitdu principal, notamment des coûts d’exploitation.

La concurrence, en matière de marchés publics comme en matière de délégations deservice public, est toutefois particulière. En effet, ce marché se caractérise par la présenced’un leader de Stackelberg : la collectivité publique. La collectivité fixe les règles du jeu carelle est le seul agent économique susceptible d’ « acheter » la construction ou l’exploitationd’un tel ouvrage24. Ainsi, elle choisit une règle d'attribution (la procédure de marché) parmil'ensemble des possibles, compte tenu des réactions anticipées des agents.

Dans ce cadre, afin de permettre une réduction du risque de sélection adverse lelégislateur a prévu plusieurs procédures de mise en concurrence effective des candidats.On distingue deux principaux types de procédures : les procédures concurrentielles(principalement dans le cadre des marchés publics) et les procédures négociées(principalement dans le cadre des délégations de service public).

24 De ce fait, selon la classification fournie par l’économiste allemand Heinrich Freiherr von Stackelberg, les agents se trouventdans une situation de monopsone (un acheteur et beaucoup de vendeurs) voire de monopsone contrarié (un acheteur et quelquesvendeurs).

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Dans le cadre des procédures concurrentielles (marchés publics), la collectivitépublique doit faire un appel d’offre public, dans lequel elle fait apparaître clairement lescritères qui lui permettront de choisir son cocontractant. Suite à réception des offres,l’acheteur public choisit l’un des candidats. Dans cette hypothèse, et sauf exception, lanégociation directe avec le(s) candidats(s) n’est pas permise par la loi.

En principe, le marché n'est pas obligatoirement passé avec le candidat proposantle prix le plus bas (le « moins-disant ») mais avec l'offreur ayant fait la proposition laplus intéressante, compte tenu du prix des prestations, de leur valeur technique, desgaranties apportées, des coûts d'exploitation prévisibles, du délai d'exécution, etc. (le« mieux disant »).

Cependant, lorsque l’acheteur public est en mesure de définir très précisément dans lecahier des charges les spécifications techniques de l’ouvrage qu’il entend faire construire,« l'appel d'offres est analogue à une procédure d'enchère au premier prix »25, puisque il estpossible pour la collectivité publique de juger les offres (toutes semblables d’un point de vuetechnique) sur la base des seuls prix26.

Cette procédure concurrentielle d’appel d’offre est, bien sûr, particulièrement efficacedans le cadre d’une structure de marché concurrentielle.

Au contraire, dans le cadre d’une procédure négociée (délégation de service public),l’appel à la concurrence est effectué non pas sur la base d’un cahier des charges détaillémais sur celle d’un programme fonctionnel, id est d’une spécification des caractéristiquesattendues du service, sans préjugé sur les meilleurs moyens techniques pour y répondre. Eneffet, dans cette situation, comme le relèvent Naegelen et Mougeot27, « l'enchère apparaîtalors comme un processus d'acquisition d'information permettant à l'acheteur [public] demieux connaître le marché et de choisir ex-post la qualité qui lui semble la meilleure ».

C’est pourquoi, dans ce cas, le risque d’antisélection est mieux maîtrisé par uneprocédure négociée : comme le relève le professeur Claudie Boiteau, « la procédure denégociation des offres, qui aboutit au choix du délégataire, traduit clairement la volontédu législateur de maintenir, au profit des délégations de service public, le principe du librechoix du cocontractant de l'administration » 28. Ainsi l'article L. 1411-1 du Code généraldes collectivités territoriales dispose que les offres « sont librement négociées par l'autoritéresponsable de la personne publique délégante » et l’article L. 1411-5 b que, pour lesservices publics locaux, « l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toutediscussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre».

Ces procédures négociées sont particulièrement efficace lorsque le projet intervientdans une situation de monopole bilatéral (un acheteur et un vendeur), ou de monopsonecontrarié (un acheteur et un petit nombre de vendeurs).

Ainsi, les procédures de sélection appliquées aux projets LEA et LESLYS serépartissent comme suit :

25 Naegelen et Mougeot, Analyse micro-économique du Code des marchés publics, Revue économique, 1988, n° 4, p. 72926 Ce critère peut toutefois être pondéré à la marge par d’autres critères, notamment sociaux. Ainsi, le SYTRAL a inséré dans

les cahiers des charges l’obligation pour les cocontractants privés d’embaucher des travailleurs en réinsertion sociale.27 Naegelen et Mougeot, op.cit., p. 73528 Boiteau, Délégation de service public, J.Cl. Administratif – Fasc. 662, LexisNexis, 2002.

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LESLYS LEAPhase de construction Procédure concurrentielle (Appel

d’offre sans négociation)Phase d’exploitation

Procédure négociée

Pas de mise en concurrence(avenant au contrat existant)

Cette répartition semble cohérente du point de vue de la théorie économique descontrats.

Le mécanisme de l’appel d’offre, sans négociation, semble effectivement le pluscohérent pour LEA, car le SYTRAL est capable de définir ex ante de manière préciseles caractéristiques (techniques, environnementales, etc.) des prestations de constructionattendues.

De plus, le SYTRAL a, comme l’y oblige la loi, procédé à un allotissement des travaux,c'est-à-dire qu’un appel d’offre public à été lancé pour chaque spécialité nécessaire à laconstruction. Cet allotissement, en permettant l’entrée dans le marché de sociétés de BTPde taille moyenne, favorise l’émergence d’une structure de marché concurrentielle.

A l’inverse, la procédure négociée semblait effectivement la plus adaptée pourle Département du Rhône, puisque celui-ci souhaitait s’inscrire dans une démarchepartenariale avec son futur cocontractant privé, et attendait de ce dernier qu’il fournisse dessolutions techniques au projet.

De plus, le choix du Département de lier construction et exploitation a fortementrestreint le nombre de candidats potentiels, seuls deux très grands groupes industriels étantdimensionnés pour s’engager dans un tel projet : un groupement Vinci – Veolia – Vosloh- CDC, et un groupement Eiffage – Keolis – SNCF. Il s’agissait donc d’une situation demonopsone contrarié, peu propice à l’émergence d’un marché concurrentiel, même si, àl’évidence, il y a eu une vraie concurrence entre les deux groupements.

2.2.2 – La réduction de l’aléa moral : les mécanismes d’incitation àla performance

Le modèle de Hart nous apprend que les mécanismes d’incitation à la performance sontextrêmement différents selon que les phases de construction et d’exploitation sont liées ounon dans un même contrat (1). Mais, quoi qu’il en soit, la contractualisation de mécanismesvisant à réduire l’aléa moral est fondamental (2).

2.2.2.1 – Les conséquences de l’unicité ou de la dualité de contrats sur l’aléamoral : le modèle de HartIl est possible de schématiser la conduite du projet selon l’axe suivant :

tempsAvecen temps 0, la désignation par le principal d’un constructeur ;en temps 1, la réception de l’ouvrage par le principal et la mise en exploitation déléguée ;en temps 2, la fin de la convention d’exploitation ;d’où[0 – 1 ] : phase de construction ;[1 – 2 ] : phase d’exploitation.

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Tant en phase de construction qu’en phase d’exploitation, il existe un aléa moral, c'est-à-dire un risque que le cocontractant ne mette pas tout en œuvre pour accomplir au mieuxses obligations.

Ce risque moral ne présente pas les mêmes caractéristiques selon qu’il existe un seulcontrat pour les deux phases, ou un contrat pour chaque phase. Le principal peut choisirde mener le projet avec deux contractants différents pour chaque phases (ce que OliverHart29 appelle « conventional provision »). C’est ainsi le cas pour le projet LEA. A l’inverse, leprincipal peut souhaiter mener le projet avec un cocontractant unique du temps 0 au temps2 (« public private partnership »). C’est le cas pour le projet LESLYS.

Dans ces deux cas, selon le modèle de Hart, les contrats doivent être considéréscomme des contrats incomplets, car il existe une asymétrie d’information, qui prend la formed’un aléa moral.

En effet, dans les deux cas, le constructeur (constructeur indépendant de l’exploitantdans le cas d’un « conventional provision », concessionnaire dans le cas d’un « privatepublic partnership ») est amené à arbitrer entre différents investissements possibles pendantla phase [0 – 1]. Ces investissements peuvent être de deux types distincts.

Tout d’abord, le constructeur peut choisir de privilégier les investissements quipermettront, pendant la phase [1 – 2] de réduire les coûts d’exploitation sans diminuer laqualité de service (en rendant l’exploitation plus sûre, plus aisée, en augmentant le confortdes voyageurs, etc.). Ces investissements sont dits productifs et notés i.

A l’inverse, il peut choisir de privilégier des investissements qui permettent uneréduction des coûts d’exploitation, mais qui entraînent une dégradation de la qualité duservice rendu. Ces investissements sont dits improductifs et notés e.

Dans la phase [0 – 1], l’investissement total du constructeur de l’infrastructure, noté A,est donc :

A = i + eDans la phase [1 – 2], le bénéfice social B de l’exploitation du tramway, que la collectivité

publique cherche à voir maximisé, est donc :B = B0 + β (i) – b(e)

avec : B0 le gain social « résiduel » indépendant de i ou e

β (i) le bénéfice social permis par les investissements ib(e) la « perte » sociale entraînée par les investissements eDans cette même phase, pour l’exploitant privé, le coût total d’exploitation C est :C = C0 - �(i) – c(e)

avec : C0 les coûts « résiduels » indépendants de i ou e

� (i) les économies permises permis par les investissements ic(e) les économies permises permis par les investissements e

29 HART Oliver, Incomplete contacts and public ownership : remarks, and an application to public-pirvate partnership, CMPOWorking Paper Series, , 2002, No. 03/061, Harvard University (disponible en ligne sur http://www.bristol.ac.uk/cmpo/publications/papers/2003/wp61.pdf)

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Ainsi, les investissements i permettent d’augmenter B, tout en réduisant C. Lesinvestissements e réduisent C, mais réduisent également B.

Les modèles économiques montrent alors les conséquences suivantes.Dans le cas de contrats séparés entre construction et exploitation, le(s) constructeur(s)

va (vont) chercher à maximiser leur profit dans la phase [ 0 – 1 ], sans se préoccuper dela phase [1 – 2].

Le constructeur va donc chercher à résoudre l’équation suivante :Max (P0 – i –e )

avec P0 le prix payé par le principal (collectivité publique)

soit :Min (i + e)Le constructeur n’est pas incité à internaliser l’externalité que constitue l’impact de i

et e sur B et C. De ce fait, les investissements i et e seront traités de la même façon :le constructeur cherche à les réduire au maximum. Le constructeur n’engagera donc pasassez d’investissement. De plus, s’il en engage, il ne sera pas incité à privilégier lesinvestissements productifs i face aux investissements improductifs e.

Dans le cas d’un contrat unique regroupant construction et exploitation, au contraire,l’agent est incité, pendant la phase [0 – 1], à maximiser les investissements i et e, car ilbénéficie, pendant la phase [1 – 2], des réduction de coûts C qui en découlent.

Le partenaire privé va donc chercher à résoudre l’équation suivante :Max (P – C – i – e)Soit :Max ( P - [ C0 - � (i) - c(e) ] - i - e )

Ou :Max ( P - C0 + � (i) + c(e) - i - e )

Dans ces conditions, le partenaire privé n’est certes pas incité à internaliser B, maisil est incité à internaliser C. C’est pourquoi le partenaire privé est incité à augmenter lesinvestissements i et e.

Or, si le contrat indique clairement des indicateurs de qualité de service, le partenaireprivé sera incité à privilégier les investissements productifs i. Ce choix permettra alors uneamélioration du bénéfice social B.

Oliver Hart synthétise ainsi cette opposition :« The model yields a simple conclusion. Conventional provision (“unbundling”) is good

if thequality of the building can be well specified, whereas the quality of the service can’t

be. Under theseconditions, underinvestment in i under conventional provision is not a serious issue,

whereasoverinvestment in e under PPP may be. In contrast, PPP is good if the quality of the

service can be well

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

Liger Martin - 2008 35

specified in the initial contract (or, more generally, there are good performancemeasures which can be

used to reward or penalize the service provider), whereas the quality of the buildingcan’t be. Under

these conditions, underinvestment in i under conventional provision may be a seriousissue, while

overinvestment in e under PPP is not. »30

Dans le cas des projets LEA et LESLYS, le choix de chaque collectivité publiqueconcernée semble en cohérence avec les conclusions de ce modèle.

Le Département du Rhône, dont le service « transport » n’est pas dimensionné pourassurer directement la maîtrise d’ouvrage, ne pouvait que difficilement spécifier précisémentles caractéristiques techniques attendues de l’infrastructure. Ainsi, le Département a fait lechoix de laisser au cocontractant privé la possibilité de proposer des solutions techniquesalternatives.

A l’inverse, le Département du Rhône avait les moyens de définir clairement lescaractéristiques du service qu’il souhaite voir proposé au public, tant en matière de sécurité(ce qui fait l’objet de l’annexe 4 de la convention de concession) qu’en matière de qualité(ce qui fait l’objet de l’annexe 10).

C’est pourquoi, du point de vue de la réduction de l’aléa moral pendant la phase deconstruction [0 – 1], le choix du Département semble tout à fait cohérent : en confiantconstruction et exploitation à un partenaire unique, et en définissant clairement des objectifsde qualité du service, le Département a permis par une internalisation du risque moralpendant la phase de construction, et une maîtrise du risque moral pendant la phased’exploitation.

Le SYTRAL se trouve dans une position différente. Il s’agit d’une institution spécialiséedans les transports, qui a déjà eu l’occasion d’assurer la maîtrise d’ouvrage de deuxlignes de tramway. De ce fait, elle a une plus grande capacité à définir précisément lescaractéristiques techniques attendues de l’infrastructure.

C’est pourquoi le choix du SYTRAL de séparer construction et exploitation ne semblepas incohérent d’un point de vue économique.

Pour la phase de construction, il a les moyens de maîtriser le risque moral en définissantles caractéristiques attendues de l’infrastructure. Pour la phase d’exploitation, il définitégalement les caractéristiques attendues du service.

On voit donc, pour conclure, que la réduction de l’aléa moral est assurée de manièredifférente :

pour LESLYS :30 « Ce modèle conduit à une conclusion simple : la séparation des contrats de construction et d’exploitation est préférable

si la qualité du bâtiment [ici, de l’infrastructure] peut être bien spécifiée, alors que la qualité du service ne peut pas l’être. Dans cesconditions, le risque de sous-investissement en i dans ces contrats ne constitue pas un problème réel, alors que le sur-investissementen e sous le régime du partenariat public - privé peut en constituer un. Au contraire, le partenariat public – privé est préférablesi la qualité du service peut être bien spécifiée dans le contrat initial (ou, plus généralement, qu’il existe de bons indicateurs deperformance qui peuvent être définis afin de récompenser ou de pénaliser le fournisseur de service), alors que la qualité du bâtiment[ici, de l’infrastructure] ne peut pas l’être. Dans ces conditions, sous le régime de la séparation entre les contrats de construction etd’exploitation, le risque de sous-investissement en i peut constituer un problème réel, alors que, sous le régime du partenariat public– privé, le sur-investissement en e n’est pas susceptible d’en constituer un. », HART, op.cit.

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

36 Liger Martin - 2008

- en phases de construction et d’exploitation [0 – 2] : par l’ « internalisation » desconséquences négatives d’un défaut de construction dans le patrimoine du partenaire privégrâce à la définition de critères de qualité de service.

pour LEA :- en phase de construction [0 – 1] : par la définition précise des caractéristiques

attendues de l’ouvrage.- en phase d’exploitation [1 – 2] : par la définition précise des caractéristiques attendues

du service.Cette différence peut être ainsi schématisée :

LESLYS LEAPhase de construction [0 – 1] Pas de définition précise des

caractéristiques attendues del’infrastructure

Définition précise descaractéristiques attendues de

l’infrastructure 31

Phase d’exploitation [1 – 2] Définition précise descaractéristiques attendues duservice

Définition précise descaractéristiques attendues duservice

Dans les deux cas, la définition de critères de qualité de service en phase d’exploitation[1 – 2] est donc indispensable.

2.2.2.2 – Les mécanismes de réduction de l’aléa moralAprès avoir dressé un aperçu général des modes de prévention de l’opportunisme descocontractants envisageables (1), nous étudierons les mécanismes respectivement établispar les projets LESLYS (2) et LEA (3). Enfin, nous nous interrogerons sur le point de savoirsi le choix de confier chaque ligne à un exploitant différent n’a pas fait naître un mécanismede régulation par comparaison, ou yardstick regulation (4).

2.2.2.2.1 – Aperçu général des modes de prévention de l’opportunisme descocontractantsIl est possible de distinguer deux principales séries de moyens de réductions du risquemoral inhérent à tout contrat public.

D’une part, il est possible de faire figurer au contrat des mécanismes de surveillancedu cocontractant. Le contrat prévoit alors des indicateurs ou des normes, portant sur laproductivité du cocontractant ou sur la qualité du service qu’il fournit. Ces indicateurs sontassociés à des sanctions : le contrat prévoit l’application de pénalités financières lorsquel’indicateur révèle un niveau de production ou de service inférieur à la valeur attendue.

Comme le rappelle Eric Brousseau, « le but de la surveillance n’est pas d’évaluerles pertes subies par le lésé afin d’obliger l’opportuniste à les compenser. Les systèmesde supervision-répression sont destinés à prévenir les manifestations d’opportunisme enrendant l’exercice de celui-ci coûteux pour son auteur, même si la victime n’est pasindemnisée »32.

D’autre part, il est possible de prévoir un mécanisme de rétribution incitatif.32 BROUSSEAU, L’économie des contrats : technologies de l’information et coordination interentreprises, Paris, PUF, 1993

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Il ne s’agit plus alors de pénaliser le cocontractant défaillant, mais au contraire derémunérer le partenaire de telle manière qu’il soit incité à respecter ses engagements.

C’est donc la finesse du processus de rémunération du cocontractant qui permetd’éviter les phénomènes d’opportunisme.

Dans la pratique, comme le note Laurent Vidal33, « c’est le couplage d’une formuleincitative avec des dispositifs de surveillance et de répression idoines qui dissuade lesagents de rompre leur engagement et les incite à adopter un comportement quasi-optimal ».

Il s’agit, finalement, de limiter l’asymétrie d’information et l’aléa moral, en obligeant le(s)cocontractant(s) privés à révéler les caractéristiques réelles de leurs prestations.

Dans cette analyse des mécanismes incitatifs dans le cadre des relations principal(public) – agent (privé), plusieurs données doivent être posées.

La niveau des profits de l’exploitant (concessionnaire ou régisseur) dépend d’unparamètre essentiel, qu’on notera �. Ce paramètre est la fonction de coût (i.e. combienlui coûte l’exploitation du réseau) et le niveau de qualité (i.e. qualité de l’exploitation :ponctualité, service, …). Ainsi, en faisant varier � (coût et qualité), l’exploitant peutaugmenter ses profits. Bien entendu, � est une information privée : l’exploitant ne souhaitepas la révéler à la puissance publique délégante.

La puissance publique délégante poursuit, à travers l’équilibre financier au contrat, unbut de satisfaction des usagers, notée S.

Si on schématise la fonction de demande du projet, notée P(q), avec q la quantité devoyages vendus, on obtient :

33 Vidal Laurent, in Kirat (dir.), Economie et droit du contrat administratif, La Documentation Française, 2005, p.75

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38 Liger Martin - 2008

Par ailleurs, le coût de production C de q voyages est C (q, � ) car il dépend de q (quiest observable) et de � (qui est une information privée détenue par le seul exploitant).

L’exploitant est chargé par la collectivité publique d’un ensemble d’obligations précises(exploitation de l’infrastructure dans des conditions de qualité, ponctualité,… déterminées).Ces obligations peuvent être quantifiées, et assimilées à une charge, notée t (avec t<0).

En contrepartie de cette charge t, l’exploitant reçoit :- une rémunération globale la part de la collectivité publique (notée �)et/ou- la possibilité de se rémunérer sur les redevances perçus sur les usagers (c'est-

à-dire le surplus du producteur, noté �).L’exploitant tire de � et/ou �, après couverture des coûts C, un profit net noté �.La collectivité va chercher à maximiser le surplus collectif. Il s’agit donc pour la

collectivité de concilier de manière optimale :- d’une part, la maximisation du profit du délégataire, avec :Profit du délégataire = t + P(q)*q - C(q, � )- d’autre part, la maximisation de la satisfaction du consommateur, avec :Surplus du consommateur = -t + S(q) - p(q)*qLa collectivité publique, on l’a vu, peut aisément connaître q, mais il lui est plus difficile

de connaître �, puisque le délégataire opportuniste pourra chercher à lui fournir une faussevaleur de �.

La collectivité délégante doit donc imaginer un contrat qui permette :- la révélation de la véritable valeur de � par le délégataire ;- la vérification de la réalisation effective par le délégataire des obligations liées à t.Nous allons étudier quels mécanismes ont été respectivement élaborés par le

SYTRAL et le Département du Rhône afin d’éviter les comportements opportunistes descocontractants.

2.2.2.2.2 – La prévention du risque moral dans le projet LESLYSLe contrat de concession du projet LESLYS comporte des mécanismes destinés à prévenirle risque moral, et à inciter le concessionnaire à la performance, tant en phase deconstruction que d’exploitation.

Pendant la phase de construction, le contrat comporte un montage financier prévenantl’aléa moral.

Le Département du Rhône prend en charge une large partie des coûts de construction,via une subvention initiale de construction, et une subvention échelonnée sur 30 anspermettant le remboursement des emprunts affectés à la construction.

Or, ces deux sommes sont déterminées ab initio dans le contrat, sans possibilitéd’augmentation. Ainsi, le cahier des charges, en son article 24.1, stipule que « les surcoûtsde tous ordres par rapport aux dépenses prévisionnelles d’investissement (…) demeurerontà la charge du Concessionnaire et ne donneront lieu à aucun complément de subventiond’équipement ».

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Il s’agit donc d’un montage financier de type fixed price. Le concessionnaire n’a aucunintérêt à augmenter artificiellement ses coûts car cela n’augmenterait pas pour autant sarémunération.

Comme on l’a vu supra, le délégataire n’a pas non plus intérêt à réduire la qualitédes infrastructures construites, car cela aurait de grandes chances d’augmenter ses coûtsd’exploitation et/ou de dégrader la qualité d’exploitation (ce qui entrainerait l’application depénalités).

Le concessionnaire n’a donc pas de raison de fournir une fausse valeur de �, puisquece paramètre n’influe pas sur sa rémunération.

Ce mécanisme de type fixed price semble donc particulièrement intéressant.Cependant, il convient d’être particulièrement vigilant lors de la fixation ab initiodu montant de la subvention, car une surévaluation conduirait à la création d’une«rente informationnelle » au profit du concessionnaire.

S’agissant de la phase d’exploitation le contrat de concession de LESLYS prévoit quele concessionnaire se rémunère exclusivement sur les redevances versées par les usagers.

Le concessionnaire reçoit donc le « surplus du producteur » � 34.Le Département ne verse aucune rémunération supplémentaire pour l’exploitation (i.e.

� = 0).Là encore, le concessionnaire n’a aucun intérêt à cacher sa fonction de coût réelle, car

cela n’influera en aucun cas sur sa rémunération.Par contre, afin d’augmenter son profit net �, le concessionnaire peut être tenté de

réduire la qualité du service fourni, afin de minimiser ses charges t.C’est pourquoi il était extrêmement important pour le Département de faire figurer au

contrat des mécanismes de surveillance et de sanction.Ces mécanismes de surveillance et de sanction figurent à l’article 32 du cahier des

charges, qui prévoit un mécanisme d’application général, et trois mécanismes spéciaux.Le premier mécanisme spécial concerne l’hypothèse d’une interruption de service. Le

cahier des charges prévoit un mécanisme doublement incitatif.Le concédant souhaitait inciter le concessionnaire (et, par ricochet, l’exploitant) à éviter

toute interruption du service de LESLYS. C’est pourquoi il a été stipulé au contrat que, dansle cas où le concessionnaire interrompt le service de LESLYS pendant une durée supérieureà une heure, le Département « peut exiger du Concessionnaire le versement de pénalitésd’un montant de mille six cents euros par heure d’interruption »35.

Cependant, malgré cette disposition dissuasive, il est possible que l’exploitant dutramway LESLYS se trouve dans l’obligation d’interrompre le service. Le Départementsouhaitait, dans ce cas, inciter le concessionnaire à proposer aux voyageurs une solutionalternative adéquate pour circuler depuis/vers l’aéroport. C’est pourquoi le contrat prévoit

34 En principe, le concessionnaire reçoit la totalité de ces recettes. Cependant, à la marge, l’article 23.4 du cahier des chargesprévoit que le concessionnaire doit verser une redevance au concédant dès lors que, d’une part, le taux de rentabilité interne réel estau moins égal à 10% et que, d’autre part, l’excédent brut d’exploitation ex post est supérieur de plus de 5% à la valeur ex ante figurantau plan d’affaire prévisionnel, ou que le nombre d’usagers ex post a dépassé le nombre d’usagers prévu ex ante par l’étude de trafic.Dans ces cas, la redevance est égale à 20, 35, voire même 50% du résultat net d’exploitation (cas toutefois exceptionnel), sans quecette redevance puisse faire chuter le taux de rentabilité interne réel sous la barre des 10%.

35 article 32.7 du Cahier des Charges annexé à la convention de concession de LESLYS

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que les pénalités soient réduites de moitié « si le Concessionnaire a mis en place un servicede bus permettant de pallier l’interruption du service ». Les pénalités sont même réduites de80% si « ce service de substitution est conforme aux principes (…) relatif[s] aux services desubstitution à mettre en place en cas de perturbation programmée de l'exploitation [définisen annexe] » 36.

Il s’agit donc là d’un mécanisme double qui, en liant « punition » et « récompense »,permet d’inciter le concessionnaire à proposer le meilleur service possible en toutecirconstance.

Le second mécanisme incitatif spécial concerne les cas de retard. Il s’agit d’unedisposition très particulière car les bénéficiaires directs en sont les usagers.

Le contrat prévoit que « en cas de retard supérieur à dix minutes, le Concessionnairerembourse aux passagers de la rame retardée la moitié du prix de leur billet ». Cetteindemnisation est même équivalente à la totalité du prix du billet si le retard est « supérieurà vingt minutes » 37. En cas de suppression d’un service, cette indemnisation est égalementapplicable au bénéfice de tous les passagers qui se présentent, « qu’ils soient ou nonporteurs d’un billet » 38.

Il s’agit d’un mécanisme incitatif original, puisque il permet à la fois d’inciter leconcessionnaire à la performance, et d’augmenter le surplus du consommateur. La portéeincitative de cette clause semble cependant limitée par le dernier alinéa de l’article 32.5 ducahier des charges qui précise que « [le] remboursement peut prendre la forme d’un à valoir(…) sur le prix d’achat d’un prochain billet ».

Le troisième mécanisme incitatif spécial, le plus important, concerne la qualité duservice.

La convention de concession fixe, en son annexe 10, une série de « critères qualité »,qui donnent lieu à des mesures régulières aléatoires, sous contrôle d'un organismeindépendant.

Ces items correspondent à :

∙ l’accueil et la relation clientèle ;∙ l’information (en station, à bord, mais également via internet) ;∙ la propreté des stations et des rames ;∙ la ponctualité.

Ces items donnent lieu au calcul d’un indice. Si cet indice est inférieur à 90% de l’indiceminimum de référence, le concessionnaire est redevable d’une pénalité de cinq milleeurospar mois et par point d’indice d’écart.

Cependant, le Département souhaitant inciter le concessionnaire à s’engager dans unedémarche de certification, il est prévu que ce dernier « peut renoncer à l’application [de cet]article si LESLYS obtient et conserve une certification AFNOR NF Services garantissant laplus haute qualité de service »39.

36 article 32.7 du Cahier des Charges annexé à la convention de concession de LESLYS37 article 32.5 du Cahier des Charges annexé à la convention de concession de LESLYS38 article 32.6 du Cahier des Charges annexé à la convention de concession de LESLYS39 article 32.8 du Cahier des Charges annexé à la convention de concession de LESLYS

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Par ailleurs, la convention de concession prévoit un mécanisme général de pénalité,applicable « pour tout manquement [du concessionnaire] aux obligations qui lui sont fixéespar les documents de la concession ».

Ainsi, le délégant peut mettre le délégataire en demeure par simple lettrerecommandée. Il détaillera ainsi les manquements constatés et fixera au concessionnaireun délai « proportionné » pour y remédier. Après expiration de ce délai, le concessionnaireencourra des pénalités dont le montant sera fixé par le concédant « en fonction de la gravitédu manquement reproché » 40.

Il existe donc un ensemble de sanctions applicables, pour des montants significatifs41.La menace de sanctions permet de réduire l’aléa moral du contrat, à condition que leDépartement exerce effectivement son pouvoir de contrôle et de surveillance.

2.2.2.2.3 – La prévention du risque moral dans le projet LEALe contrat de régie intéressée confiant l’exploitation du réseau TCL, dont la ligne LEA, àla société Keolis Lyon, cherche également à réduire l’aléa moral. Cet objectif est atteint àla fois par le mode de rémunération de l’exploitant (1) et par la stipulation contractuelle demesures de surveillance assorties d’éventuelles pénalités (2).

2.2.2.2.3.1 – Le mode de rémunération incitatif du régisseur intéresséLe mode de délégation du délégataire, introduit dans le contrat en 2004, constitue le facteurprincipal d’incitation à la performance.

Le Délégataire est rémunéré par une contrepartie annuelle fixe, que l’on notera �, dontle montant forfaitaire a été déterminé ab initio par la convention de délégation de servicepublic 42. Cette somme n’est pas susceptible d’être modifiée, sauf bouleversement profondde l’économie contractuelle.

De plus, pour chaque année, la convention de délégation définit un engagement derecettes (ER), qui est décliné en trois valeurs distinctes : ER0, ER1 et ER3. L’engagementER2 correspond à la valeur la plus élevée de l’engagement annuel sur les recettes43,l’engagement ER1 correspond à la valeur intermédiaire de l’engagement annuel sur lesrecettes44 et l’engagement ER0 correspond à la valeur la moins élevée de l’engagement(avec, chaque année, ER0 = ER1 – 10.000.000€ HT).

A la fin de chaque exercice, le SYTRAL va examiner les recettes effectivement réaliséespar Keolis, notées � :

40 article 32.1 du Cahier des Charges annexé à la convention de concession de LESLYS41 Il faut toutefois relever que ces pénalités ne peuvent, « à partir de la quatrième année à compter de la mise en service,

excéder 10% du chiffre d'affaires réalisé par la société concessionnaire au cours de l'exercice précédant celui au cours duquel lespénalités sont encourues, [ ni excéder ] deux millions d’euros » (article 32.12 du Cahier des Charges annexé à la convention deconcession de LESLYS).

42 251.171.000 € HT pour l’année 2008 (article 52.1 de la convention portant délégation de service public du transport urbainde l’agglomération lyonnaise).

43 131.572.000 € HT pour l’année 2008 (article 53.1 de la convention portant délégation de service public du transport urbainde l’agglomération lyonnaise).

44 129.046.000 € HT pour l’année 2008 (article 53.1 de la convention portant délégation de service public du transport urbainde l’agglomération lyonnaise).

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42 Liger Martin - 2008

- si � > ER2, alors l’écart positif entre ER2 et les recettes cumulées effectives del’exercice fera l’objet d’une répartition à part égale entre le délégant et le délégataire. Deplus, le délégataire percevra 10 % de l’écart entre la ER2 et ER1.

Au final, l’exploitant recevra :� + ( � - ER2) / 2 + (ER2 - ER1) / 10- si ER1 < � < ER2, alorsl’écart positif entre les recettes cumulées effectives de

l’exercice et ER1 reviendra pour 90% au délégant et 10% au délégataire.Au final, l’exploitant recevra :Q + ( v - ER1) / 10- si ER0 < � < ER1, le délégataire devra reverser au délégant 50% de la différence

entre ER1et les recettes effectives cumulées.Au final, l’exploitant recevra :Q - (ER1 - v ) / 2- si v < ER0, le délégataire devra reverser au délégant l’intégralité de la différence entre

ER0 et les recettes effectives cumulées, ainsi que 50% de la différence entre ER1 et ER0.Au final, l’exploitant recevra :Q - (ER0 - v ) - (ER1 - ER0) / 2Il faut noter que la mise en service de LEA a donné lieu à une augmentation de ER0,

ER1 et ER2, ainsi que de Q. Ainsi, l’avenant n°1, signé le 9 décembre 2004 à précisé que :Q serait augmenté de 1.100.000 euros en 2006, puis de 4.399.000 euros par an (soit,

pour les cinq années concernées jusqu’à la fin du contrat, un total de 18.696.000 euros ) ;ER1 et ER2 seraient augmentés chacun 172.000 euros en 2006, 704.000 euros en

2007, 951.000 euros en 2008 et 1.100.000 euros en 2009 et 2010, soit un total pour cinqannées de 4.027.000 euros.

Ce mode de rémunération de l’exploitant du réseau TCL constitue un mécanismedoublement incitatif.

D’une part, la rémunération est fondée sur une somme forfaitaire Q. Cette somme n’estpas susceptible d’être modifiée en fonction des charges d’exploitation du service. Il s’agitdonc d’un contrat de type fixed price, qui limite le risque d’inflation des investissements etdes charges.

D’autre part, l’engagement sur recettes constitue une motivation forte pour ledélégataire : celui-ci est incité à maximiser la qualité pour augmenter le trafic passager, etaccroître ainsi les recettes d’exploitation dont il perçoit une fraction.

A ce double mécanisme incitatif principal s’ajoutent des dispositifs incitatifscomplémentaires.

2.2.2.2.3.2 – Les pénalitésLe contrat de délégation de service public du réseau TCL prévoit un panel de pénalitésapplicables au délégataire, qui permettent d’inciter ce dernier à la performance et de réduirel’aléa moral.

La principale pénalité prévue au contrat porte sur la qualité de service.

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L’article 70.3.4 de la convention, précisée par son annexe 20, établit 8 items relatifs àla qualité de service :

∙ propreté ;∙ information ;∙ disponibilité ;∙ accueil ;∙ conduite ;∙ régularité ;∙ environnement ;∙ certification du réseau.

Pour chaque item, la convention prévoit des mesures, et une formule de calcul. Si la qualitédu service est inférieure à ce qui a été stipulé, un « malus qualité » peut être appliqué audélégataire, pour un montant annuel maximal de 2.000.000 €.

Par ailleurs, le contrat prévoit l’application complémentaire d’une pénalité spécifique encas de « refus d’assistance à une personne handicapée en cas de non-fonctionnement d’unsystème d’accès » (1.500€ par occurrence), et en cas de « non-information du public en casde modification temporaire prévue ou définitive d’une ligne, d’un service ou non-informationdu public en cas de grève » (13.000€ par occurrence)45.

Des pénalités sont également prévues afin d’inciter le délégataire à limiter le « tauxde réserve des véhicules du parc de matériel roulant de surface »46, le « délai moyen (…)d’intervention pour les appels (…) de détresse (…) des conducteurs » 47 et le « taux defraude global réseau » 48.

Ces critères de service, assortis de pénalités, semblent permettre une limitation durisque de voir le délégataire négliger la qualité du réseau afin de limiter ses charges. Bienentendu, leur efficacité est subordonnée à la réalisation effective et impartiale des contrôlesde qualité du service.

2.2.2.2.4 – La prévention du risque moral par la dualité d’exploitant : unerégulation par comparaison ?On peut voir dans la présence, sur une infrastructure unique, de deux exploitants, unexemple salutaire de régulation par comparaison, ou yardstick regulation.

Ainsi, si Nicolas Curien rappelle que « la performance d’une firme en position demonopole local est comparée à celle de firmes semblables opérant dans des zoneslimitrophes »49, cela est encore plus évident dans le cas d’une infrastructure commune.

En effet, Keolis et Veolia circulent sur la même ligne. Leurs retards, erreurs serontnécessairement comparées par les autorités organisatrices. L’enjeu est particulièrement

45 article 70.3.4 de la convention portant délégation de service public du transport urbain de l’agglomération lyonnaise46 article 70.3.1 de la convention portant délégation de service public du transport urbain de l’agglomération lyonnaise47 article 70.3.2 de la convention portant délégation de service public du transport urbain de l’agglomération lyonnaise48 article 70.3.3 de la convention portant délégation de service public du transport urbain de l’agglomération lyonnaise49 Nicolas Curien, Rôles respectifs de la réglementation et de la concurrence : le cas des réseaux, GRD Réseaux, CNRD, Paris,

20 et 21 mai 1992, p.47-56 in Martinand et al., l’Expérience française du financement privé des équipements publics, Economica,Paris, 1993

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

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lourd pour Keolis Lyon, car le renouvellement du contrat TCL intervient fréquemment (tousles six ans).

2.3 - Analyse comparée du mode de financement dechaque projet

La théorie économique et la pratique financière connaissent plusieurs modes definancement des infrastructures, qui font intervenir des fonds publics et/ou privés, selon lescaractéristiques de rentabilité d’un projet (1).

Les projets LEA et LESLYS sont révélateurs de cette diversité : leurs plans definancement sont profondément différents (2). Cette différence s’explique notamment parune politique de tarification extrêmement différente (3).

La répartition des risques entre les acteurs de chaque projet (4) est particulièrementrévélatrice de cette diversité, et fait apparaître tout l’intérêt d’une démarche partenariale detype PPP.

2.3.1 – Présentation théorique du financement public et privé desinfrastructures

Dans un rapport de 2004, le Commissariat Général du Plan rappelait que la question dufinancement des transports collectifs urbain se trouve face à un véritable défi. Il existeune nécessité impérieuse d’assurer le développement durable des villes et de réduireles émissions de gaz à effet de serre. Cet objectif « rend indispensable une révisionimportante des comportements de déplacement », au profit des transports collectifs. Dansle même temps, la situation financière des personnes publiques s’est dégradée, et les fondspublics se sont raréfiés. C’est pourquoi « il n’est plus possible, à moyen terme, d’assurerle développement du transport collectif sans repenser la question des financements enl’intégrant dans une politique d’ensemble en matière de transport et d’urbanisme »50. Cetteréflexion renvoie, en autres, à la question de l’articulation des financements privés et publics.

Le financement des infrastructures de transport oscille entre deux « pôles » théoriquespurs : le financement public et le financement privé.

Dans le modèle du financement public, l’infrastructure de transport urbain estfinancée exclusivement par le contribuable (id est par la collectivité publique). L’usagerutilise gratuitement l’infrastructure. L‘exemple classique est celui du financement desinfrastructures routières urbaines.

Dans le modèle du financement privé, l’infrastructure est financée exclusivement parl’usager. La collectivité n’apporte pas de fonds publics. Bien entendu, ce modèle nes’applique qu’aux infrastructures techniquement tarifables. Le financement du tunnel sous lamanche en constitue un bon exemple, résumé par la fameuse phrase de MargaretThatcher :« not a public penny »51.

50 Commissariat Général du Plan, Transports urbains : quelles politiques pour demain ?, 2003 in L’économie et le financement dusystème des transports urbains, Problèmes économiques, n°2.243, La documentation française, 2004, p.23-28

51 « Pas le moindre denier public »

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

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Dans la réalité, le financement des ouvrages d’infrastructures de transport se situe leplus souvent entre ces deux modèles. En effet, comme le montre Rémy Prud’homme, « danscertains cas ni le financement public, ni le financement privé purs ne peuvent financer desinfrastructures de transports urbains désirables »52, et c’est pourquoi il faut les combiner.

Pour qu’une infrastructure de transport public tarifable (comme une ligne de tramway)puisse être construite par un agent privé, rémunéré par les seuls péages perçus desusagers, deux conditions doivent être simultanément remplies.

D’une part, puisqu’il s’agit d’un projet concédé par une autorité publique animée d’unemission d’intérêt général, il faut que l’infrastructure envisagée présente une rentabilitééconomique et sociale suffisante. C’est la notion d’utilité. Il faut donc que son taux derentabilité interne économique soit supérieur à un certain seuil.

D’autre part, puisqu’il s’agit d’un projet financé par le secteur privé, il faut que le projetpermette de dégager des bénéfices suffisants. C’est la notion de rentabilité. Il faut donc queson taux de rentabilité interne financier soit supérieur à un certain seuil.

Or, ces deux taux de rentabilité interne (TRI) dépendent tous deux du montant dupéage. Le TRI économique est une fonction décroissante du niveau de péage : lorsque lepéage est nul, l’utilité sociale est maximale (sauf encombrement). Plus le péage augmente,plus le TRI économie diminue. Le TRI financier est une fonction dite « quadratique » duniveau de péage : si le péage est nul, le TRI financier est nul puisqu’il n’y a pas de recette ;mais si le péage est trop élevé, le TRI est nul également puisqu’il n’y a plus d’usagers. LeTRI financier maximal se situe donc entre ces deux extrêmes.

La représentation graphique des deux TRI est donc :

Il est rare, ab initio, qu’un projet présente à la fois un taux de rentabilité interneéconomique et un taux de rentabilité interne financier satisfaisants. Si on pose que a est le

52 Prud’homme Rémy, Le financement mixte des infrastructures de transports urbains, Revue Politiques et management public,vol.18, n°1, mars 2000, p.94

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46 Liger Martin - 2008

TRI correspondant au péage pour lequel TRI économique = TRI financier et que TRI minest le seuil de rentabilité exigé53, deux situations principales peuvent se présenter.

La première situation est la plus favorable. Elle correspond au cas où TRI min estinférieur à a, ce qui est résumé par le schéma suivant :

On voit ici que pour tout péage inférieur à q, le TRI économique sera supérieur à TRImin. De même, pour tout péage compris entre p et r, le TRI économique sera supérieurà TRI min. Il existe donc une possibilité de faire financer le projet par un opérateur privérémunéré par les seuls péages, puisque pour l’ensemble des péages compris entre p et q,la double condition de rentabilité financière et économique est assurée.

La deuxième situation est moins favorable, mais malheureusement plus fréquente. Ellecorrespond au cas où TRI min est supérieur à a. Les deux projets LEA et LESLYS setrouvaient dans cette situation.

La représentation graphique est alors la suivante :

53 NB : par souci de simplification graphique, on suppose ici que les seuils exigés pour le TRI économique et pour le TRIfinancier sont identiques.

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

Liger Martin - 2008 47

Il n’existe ici aucun niveau de péage tel que les TRI financier et économique soientsimultanément supérieurs à TRI min. En effet, on a :

1. si péage � [0 , p] :le projet est utile du point de vue économique (TRI économique >TRI min) mais non rentable financièrement (TRI financier < TRI min) ;

2. si péage � [p , q] :le projet est n’est rentable ni du point de vue économique (TRIéconomique < TRI min) ni du point de vue financier (TRI financier < TRI min) ;

3. si péage � [q , r] : le projet est rentable du point de vue financier (TRI financier > TRImin) mais non souhaitable économiquement (TRI économique < TRI min) ;

4. si péage � [r , �] :le projet est n’est rentable ni du point de vue économique (TRIéconomique < TRI min) ni du point de vue financier (TRI financier < TRI min).

Il n’est donc pas possible de confier le financement du projet à un investisseur privérémunéré par les seuls péages.

Dans ce cas, il est possible de renoncer à confier le financement de l’ouvrage àun partenaire privé, et de financer intégralement sur fonds publics, en percevant ensuitedirectement les péages. La dimension financière est alors en partie écartée, la collectivitépublique n’ayant pas pour objectif premier de faire des bénéfices financiers. Cependant,cela n’est possible que si la collectivité publique dispose des fonds publics suffisants.

Cela correspond au choix du SYTRAL pour le projet LEA.Il est également possible de recourir à un financement mixte, comportant à la fois

des fonds publics et des fonds privés. Il s’agit, pour la collectivité publique, de financerpartiellement le projet par l’impôt pour assurer aux investisseurs privés une meilleurerémunération. Graphiquement, la courbe du TRI financier est « remontée », afin qu’ellecoupe la courbe du TRI économique à un point dont l’abscisse (péage) est inférieur à lavaleur initiale de p. Il existe alors une gamme de péages pour lesquels le projet est rentableéconomiquement et financièrement.

Cela correspond au choix du Département du Rhône pour le projet LESLYS.

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48 Liger Martin - 2008

2.3.2. - Analyse des plans de financement respectifs de LEA etLESLYS

Nous étudierons successivement les plans de financement de LESLYS (1) et de LEA (2).

2.3.2.1 – Le plan de financement de LESLYSLe projet LESLYS est réalisé sous la forme d’une concession. Comme dans touteconcession, le financement est assuré principalement par les recettes commerciales (ticketset abonnements payés par les usagers), qui ont vocation à rémunérer l’exploitant.

Cependant, comme on l’a vu supra, les caractéristiques des TRI économiques etfinanciers ne permettaient pas la fixation d’un niveau de tarif suffisant pour rémunérer, à luiseul et de façon suffisante, le concessionnaire. C’est pourquoi le projet bénéficie égalementde fonds publics, sous la forme de subventions finançant le coût de construction.

Le financement du projet emprunte donc à la fois au schéma classique de laconcession, et à celui du contrat de partenariat.

Le coût de construction de l’infrastructure est de 63, 39 millions d’euros. Le coûtprévisionnel d’acquisition du matériel roulant par le concessionnaire est de 26, 08 millionsd’euros54.

Le plan de financement est composé de trois éléments : une participation financière duDépartement (1), des fonds propres apportés par les sponsors de RhônExpress (2) et unesérie de six prêts souscrits auprès de deux banques (3).

2.3.2.1.1 - La participation financière du DépartementLa participation financière du Département est composée de deux séries d’éléments :

une subvention d’équipement de 31,35 millions d’euros, soit près de 50 % du coût deconstruction versée en deux échéances équivalentes, pendant la construction ;

une subvention annuelle, versée en phase d’exploitation, dont les échéancescorrespondent exactement au remboursement du crédit de refinancement à long terme de61 millions d’euros souscrit par le concessionnaire (cf.infra).

2.3.2.1.2 - Les fonds propres dans le projet LESLYSLes fonds propres sont les fonds apportés au projet par les actionnaires de la société deprojet, ou sponsors. Les sponsors de la société RhônExpress55 apportent 17,7 millionsd’euros de fonds propres.

Comme l’explique Michel Lyonnet du Moutier56, « [ces fonds] sont une conditionnécessaire pour que les banques (…) mettent des fonds dans le projet. Contrairement à cequ’on pourrait penser, les prêteurs attachent une grande importance à ce que les sponsorsinvestissent un montant non négligeable de fonds propres ».

54 Ces deux montants correspondent à la valeur fixée au 1er janvier 2006.55 Pour mémoire : Caisse des dépôts et consignations (36,6%), Vinci (28,2%), Véolia transport (28,2%), Vossloh (4,2%), Cegelec(2,8%)

56 Lyonnet du Moutier, Financement sur projet et partenariats public-privé, Editions Management et Société, Paris, 2006, pp.195 s.

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Cet engagement constitue la garantie que les actionnaires ne quitteront pas l’opérationtrop facilement. En effet, les sponsors sont le plus souvent des acteurs techniques de laconstruction ou de l’exploitation du projet, dont le comportement influe donc sur la rentabilitéfinale.

De plus, ces fonds propres peuvent être récupérés par les banques en cas de défautde paiement.

Cependant, les sponsors cherchent habituellement à limiter leur apport de fondspropres, car ceux-ci sont coûteux et ont un taux de rentabilité attendu trop important. Lesactionnaires souhaitent maximiser l’effet de levier, grâce au recours massif à l’emprunt57.

Le ratio dette / fonds propres fait donc l’objet de négociations entre sponsors etbanques. Dans le cas du projet LESLYS, le ratio dette / fonds propres est comme suit :

- en début de phase de construction, environ 85% de dette, pour 15% de fonds propres ;- en début de phase d’exploitation, environ 78% de dette, pour 22% de fonds propres ;Les fonds propres prennent la forme d’avances de compte courant d’actionnaire et de

capital social.

2.3.2.1.3 - Les prêts accordés pour le projet LESLYSLa dette est l’instrument essentiel du financement de LESLYS. Le projet n’ayant pas recoursaux émissions obligataires pour se financer, l’ensemble de la dette est constitué de prêtsbancaires, souscrits auprès de Calyon et de la CRCAM Centre-Est.

La société de projet RhônExpress a souscrit à quatre prêts pour la phase deconstruction (1), deux prêts pour la phase d’exploitation (2). Ces prêts s’appuient surdiverses sûretés (3).

2.3.2.1.3.1 - Les prêts en phase de constructionEn phase de construction, le concessionnaire à souscrit à quatre prêts à court terme. Cesprêts ont vocation à être remboursés avant la date de mise en exploitation.

Il s’agit des prêts suivants58 :- le crédit relais subvention :Le Département, on l’a vu, doit verser en phase de construction une subvention initiale

d’équipement, payable en deux échéances égales.Le crédit relais subvention à pour objet d’assurer le préfinancement d’une partie des

coûts liés à la réalisation du projet (notamment ceux liés à la fourniture du matériel roulant)préalablement aux versements effectifs de la subvention.

Là encore, il s’agit d’un crédit de type revolving. Son montant est de 20 millions d’euros.Son taux est variable : il est déterminé en ajoutant au taux EURIBOR concerné une

marge bancaire de 0,80%.- le crédit relais fonds propres :

57 Marty et al., op.cit, p.7058 L’ensemble des dispositions relatifs au financement figure à l’annexe 6 du Contrat de Concession de LESLYS.

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50 Liger Martin - 2008

Il s’agit d’un prêt-relais permettant aux actionnaires de repousser le versement effectifdes 17,7 millions d’euros de fonds propres. Cela permet donc de préfinancer le projet, avantl’injection par les sponsors des fonds nécessaires.

Le taux est, là encore, variable : il est déterminé en ajoutant au taux EURIBOR concernéune marge bancaire de 0,25%.

- le crédit relais TVA :Il s’agit d’un crédit de 5 millions d’euros, permettant de financer, par avance de

trésorerie, la TVA due par RhônExpress. Ce prêt prend la forme d’un crédit revolving, c'est-à-dire que les fonds en question sont mis à disposition de la société sur un compte spécialet sont utilisables de façon permanente.Le Ce crédit relais TVA sera remboursé au fil del’eau en fonction des remboursements de TVA effectués par l’administration fiscale.

Le taux, variable, est déterminé en ajoutant au taux EURIBOR concerné une margebancaire de 0,30%.

- le crédit de préfinancement :C‘est le principal crédit de la phase de construction. Il doit permettre le financement

d’une grande partie des coûts de construction et d’achat du matériel roulant. Son montantest de 61 millions d’euros.

Le taux initial est variable, mais une procédure permettant la fixation d’un taux fixe(« procédure de swap ») est prévue au contrat.

Le remboursement de ce crédit doit intervenir en une seule échéance, au premier jourde la phase d’exploitation. En effet, ce crédit de préfinancement est destiné à être refinancépar un autre crédit : le crédit sans recours.

2.3.2.1.3.2 – Les prêts en phase d’exploitationIl s’agit des deux prêts suivants :

- le crédit sans recoursCe crédit dit « sans recours », ou crédit de refinancement, à vocation à être tiré au

premier jour de la phase de construction. Ce crédit permet le remboursement du crédit depréfinancement souscrit en phase de construction.

Le remboursement de ce crédit sans recours est intégralement assuré par leDépartement du Rhône. En effet, le Département s’est engagé à verser une subventionannuelle correspondant exactement aux échéances de ce crédit. La fixation du taux ducrédit permet donc de déterminer à la fois le montant final du crédit sans recours et de lasubvention forfaitaire annuelle due par le Département.

Le taux initial est variable, mais la procédure de swap permet la fixation d’un taux fixe.La fixation des taux fixes respectifs du crédit de préfinancement et du crédit sans

recours fait l’objet d’une procédure précise décrite au contrat.Après signature de la convention de concession et transmission à la préfecture du

Rhône au titre du contrôle de légalité, un exemplaire original du contrat est notifié auconcessionnaire par le Département. Dans les trois mois suivant cette notification, leDépartement fixe la date à laquelle les taux variables du crédit de préfinancement et ducrédit sans recours seront échangés (« swappés ») contre des taux fixes. A cette date,le taux définitif est donc été définitivement fixé, par une opération dite de swap. Le taux

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

Liger Martin - 2008 51

de swap est déterminé à partir des taux de swap de marché figurant sur la page ReutersICAPEURO.

Au final, les taux peuvent être résumés ainsi :

taux initial théorique taux swappécrédit depréfinancement

EURIBOR 1 mois + margebancaire de 0,80 % par an

EURIBOR 1 mois swappé +marge bancaire de 0,80 % par an

crédit sans recours EURIBOR 12 mois + margebancaire de 0,06% par an

EURIBOR 12 mois swappé +marge bancaire de 0,06% par an

- le crédit stand-by :Il s’agit d’un prêt de 2, 5 millions d’euros, destiné à financer les besoins de trésorerie

du concessionnaire (fonds de roulement) pendant les six premières années d’exploitation.Son taux est variable : il est déterminé en ajoutant au taux EURIBOR concerné une

marge bancaire de 1,10%.

2.3.2.1.3.3 - Les sûretés garantissant les prêtsLorsque le groupe de banques finance un projet de concession, il supporte un risque : celuidu service de la dette.

Ce risque est d’autant plus important que les bailleurs de fonds prêtent ici à une sociétéad hoc, véhicule d’un projet déterminé. Si le projet en question ne s’avère pas rentable,la société ad hoc ne pourra pas assurer sa solvabilité grâce à d’autres revenus (absenced’effet de mutualisation).

De plus, les prêteurs n’ont qu’un recours très limité envers les sponsors de la société deprojet : il est rare qu’ils puissent récupérer davantage que les seuls fonds propres initiaux.

En fonction de l’importance de ce risque, les taux de marge bancaire exigés par lesbailleurs de fonds seront plus ou moins importants. Afin de réduire au minimum cette margebancaire, il est donc nécessaire pour le concédant et le concessionnaire de produire dessûretés garantissant le service de la dette.

En phase de construction du projet LESLYS, les sûretés sont de facture assezclassique.

Ainsi, les banques ont bénéficié de garanties telles que la cession de créances (néesou à naître) dans le cadre du projet, la cession d’indemnités d’assurances et la cessionde créances de TVA. De plus, s’agissant du crédit-relais fonds propres, le contrat prévoitla création d’une garantie à première demande par les actionnaires de RhônExpress,notamment « par l’émission de (…) lettres de crédit irrévocables»59.

En phase d’exploitation, la sûreté mise au point est beaucoup plus originale. Il s’agitlà d’un mécanisme innovant, qui donne au financement du projet LESLYS un caractèreremarquablement efficace.

En effet, on l’a vu supra, l’article 24.2 du cahier des charges de LESLYS prévoit que « leconcédant s’engage à verser au concessionnaire une subvention forfaitaire annuelle égale100% des sommes dues par la société concessionnaire au titre du crédit sans recours ».

59 Article 3.6 de l’Annexe 6 au Contrat de concession de LESLYS

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52 Liger Martin - 2008

Afin de donner aux bailleurs de fonds la certitude que cette subvention annuelle serabien affectée au remboursement du prêt, et réduire ainsi le risque pesant sur le service dela dette, cette subvention a fait l’objet d’une cession de créance. Le Département a prisl’engagement irrévocable de payer la subvention annuelle directement aux prêteurs.

Juridiquement, cette sûreté prend la forme d’une cession « Dailly », prévue aux articlesL.313-23 à L.313-34 du Code monétaire et financier. Ce mécanisme juridique intervient endeux temps : dans un premier temps, la société RhônExpress cède aux prêteurs la créancequ’elle détient sur le Département ; dans un second temps, le Département accepte cettecession.

Par cette acceptation, le Département crée une nouvelle créance à son encontre,irrévocable et indépendante. La créance initiale, qui bénéficiait à la société de projet, estéteinte. De ce fait, le Département ne peut plus invoquer aucune exception tirée de sesrelations avec le concessionnaire pour refuser de verser aux prêteurs la somme due.Ainsi, même si le Département devient titulaire d’une créance à l’encontre de la sociétéRhônExpress (pénalité de retard, de service dégradé, …), il ne pourra pas refuser de verserla subvention aux prêteurs : la compensation n’est plus possible, puisque les dettes sontindépendantes.

Il s’agit là d’une sûreté de très grande qualité, car le Département du Rhône estassurément solvable, et que son engagement est irrévocable.

Le projet LESLYS a fait l’objet d’une étude par une agence de notation financièreindépendante, mécanisme classique ayant pour but de réduire l’asymétrie d’informationentre emprunteur et prêteur. Cette agence a accordé au projet LESLYS la meilleure note :AAA.

Cette note correspond à une aptitude au service de la dette extrêmement forte.Cet élément a permis au projet de bénéficier de taux de marges bancaires très faibles,

réservées aux dossiers très peu risqués.Le financement du projet LEA est très différent, et les taux appliqués sont nettement

moins favorables.

2.3.2.2 – Le plan de financement de LEALe projet LEA a mobilisé un budget de 177 millions d’euros, pour la construction del’infrastructure et l’achat du matériel roulant.

L’Etat, par le biais de l'Agence de financement des infrastructures de transport deFrance (AFTIF) a versé une participation de 20 millions d’euros.

Le reste du financement, soit 157 millions d’euros, a été assuré par le SYTRAL.L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un

établissement public national à caractère administratif, créé par un décret du 26 novembre2004. Sa création fait suite au débat parlementaire de mai-juin 2003 consacré à la politiquedes transports à l’horizon 202060. Le

La mission de l’AFTIF s’inscrit dans le cadre des décisions prises lors du comitéinterministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre2003. Elle consiste « à concourir, aux côtés des autres co-financeurs et dans un objectifde développement durable, au financement de grands projets d’infrastructures ferroviaires,

60 Jacques OUDIN, Financement des infrastructures de transport à l'horizon 2020, Rapport d'information du Sénat n° 303, 2003

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

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routières, fluviales ou portuaires, ainsi qu’aux autoroutes de la mer. En 2006, le domained’intervention de l’AFITF a été étendu au financement (…) des transports collectifs, ycompris l’acquisition de matériels de transport»61. Son budget, en 2007, était de 2 170millions d’euros.

Pour le projet LEA, l’AFTIF a versé une subvention de 20 millions d’euros, soit environ11% du budget total.

Le reste du budget a été financé par le SYTRAL.Les ressources du SYTRAL ont des origines variées. En 2005, année correspondant à

la construction des infrastructures de LEA, la répartition était la suivante :

∙ 31 % des ressources, soit 208,6 millions d’euros, provenaient des entreprises etadministrations, qui contribuent par le Versement Transport, taxe versée par lesemployeurs privés et publics employant plus de neuf salariés.

∙ 19% des ressources, soit 124,5 millions d’euros, provenaient des clients, quifinancent par l’achat de titres de transport.

∙ 20 % des ressources provenaient du Grand Lyon et le Conseil général du Rhône,qui versaient des contributions respectives de 112,8 millions d’euros et 16,8 millionsd’euros.

∙ 6 % des ressources, soit 39,3 millions d’euros, provenaient des recettes diverses∙ 24 % des ressources, soit 161,4 millions d’euros, provenaient de l’emprunt.

Il s’agit là d’une répartition du budget général.Cependant, il est nécessaire d’isoler, au sein de ce budget général, les chiffres

correspondant à l’investissement. Entre 2003 et 2007, près d’un milliard d’euros ont étéinvestis par le SYTRAL.

L’étude de ce budget d’investissement révèle une plus grande importance de l’emprunt :

On voit une importance générale, de l’emprunt, laquelle est encore plus marquée en2005 (construction de LEA, lancement de l’extension du métro A, …). Au 31 décembre 2007,l’encours de dette s’élevait à 1 312,6 millions d’euros.

61 Rapport d’activité de l’AFTIF, 2006

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Les tramways LEA et LESLYS : Analyse comparée de deux projets intégrés

54 Liger Martin - 2008

Les capacités financières du SYTRAL lui ont permis d’obtenir et de conserver une noteattribuée par l’agence de notation financière Standard & Poor’s de « AA - », correspondantà des « perspectives positives ». Cette notation a permis au SYTRAL d’obtenir des tauxintéressant de la part des prêteurs.

Cependant, dans son rapport annuel 2007, le SYTRAL relevait que « la hausse destaux d’intérêt sur les marchés financiers s’est traduite par une hausse [du] taux d’intérêtmoyen [supporté par le SYTRAL] ». Ce taux moyen ressort au 31 décembre 2007 à 4,4 %(pour un EURIBOR à 3 mois à cette date d’environ 3,5%), soit nettement davantage quepour le projet LESLYS.

2.4 – Analyse comparée de la tarification respectivede LEA et LESLYS

Les tramways LESLYS et LEA se trouvent, chacun, dans une situation classique demonopole naturel62 : en effet, le coût de production du service est inférieur s’il existe uneseule ligne de tramway (entre le centre de Lyon et l’aéroport, d’une part, entre le centre deLyon et la banlieue Est, d’autre part) que s’il en existe plusieurs. On dit que leur fonctionde coût est sous-additive.

Dans un tel cas, la concurrence aboutit à une situation clairement non Pareto - optimale.Cette situation justifie l’intervention de la puissance publique.La puissance publique doit protéger le monopole (id est éviter l’apparition de

nouveau opérateurs concurrents), mais également le réguler, notamment en déterminantla tarification à appliquer.

En situation concurrentielle, la maximisation du bien être du consommateur estthéoriquement assurée car la tarification s’établit au coût marginal 63. Cependant, ensituation de monopole naturel, la tarification au coût marginal entraîne nécessairement laproduction de déficits car le coût moyen est supérieur au coût marginal.

C’est pourquoi se pose la question de la tarification optimale que doit déterminerl’autorité publique.

Une première conception, dite de l’école française, prône la tarification au coûtmarginal. L’idée est que l’intérêt général commande qu’on tarife l’usage des infrastructuresà leur coût marginal social (celui-ci devant inclure les coûts liés à la congestion et àl’environnement), afin d’assurer une pleine utilisation de ces infrastructures. Le déficit ainsicréé est compensé par une subvention. On parle de tarification à l’optimum de premier rang.

Une seconde conception, traditionnellement rattachée à l’école anglaise, critique cettetarification au coût marginal, car elle fait appel au financement par l’impôt, ce qui entraîne unfort coût d’opportunité et risque de créer une rente au profit de l’exploitant. La tarification doitêtre faite à l’équilibre budgétaire, c'est-à-dire que l’autorité publique doit exiger de l’exploitantdu monopole qu’il équilibre ses comptes. On parle de tarification à l’optimum de secondrang.

62 Pour une définition plus précise de la notion de monopole naturel, cf. supra p.3263 Le coût marginal est le coût supplémentaire induit par la dernière unité produite.

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

Liger Martin - 2008 55

De ce point de vue, les tarifications respectives de LEA et de LESLYS présentent deuxstructures très différentes (1), ce qui reflète des caractéristiques structurelles de la demandetrès différentes (2).

2.4.1 - Des modes de tarification très différents…Dans le projet LESLYS, en phase d’exploitation, le concessionnaire n’a pas d’autres revenusque ceux issus des usagers. Il faut donc que ces recettes tarifaires puissent couvrir (et mêmeexcéder) les charges d’exploitation. La tarification se rapproche donc d’une tarification àl’équilibre de second rang.

Dans le projet LEA, la situation est toute autre. L’exploitation de LEA est largementassurée grâce à des fonds publics issus de l’impôt. La tarification s’apparente donc plutôtà une tarification à l’optimum de premier rang.

Ces choix divergents reflètent les caractéristiques structurelles de la demande dechaque service. Le consentement à payer de la clientèle et l’élasticité de la demande sontprofondément différents.

2.4.2 - … qui reflètent des caractéristiques structurelles de lademande très différentes.

Les choix différents de tarification s’expliquent par une structure de la demande trèsdifférente entre les deux projets, tant en terme de consentement à payer (1) que d’élasticité(2) ou que de nombre de passagers (3).

2.4.2.1 - Un consentement à payer de la clientèle différentS’agissant du projet LESLYS, l’étude de trafic réalisée par Semaly, annexée à la conventionde concession, rappelle que les personnes prenant un vol à Saint-Exupéry pour un motifd’« affaires », représentent 40% de la clientèle des vols réguliers nationaux et 75% de laclientèle des vols réguliers nationaux. Or, 58% de la clientèle « affaires » de l’aéroport sedéclare « intéressée » par LESLYS. C’est pourquoi « une croissance de part de marché (…)importante est à attendre pour le motif affaires »64.

Cette clientèle « affaires » devrait donc constituer, à terme, une part importante desusagers de LESLYS. Or, il est permis de penser que ce type de clientèle présente unesensibilité aux prix moins importante que la clientèle habituelle des transports en communsurbains.

De plus, les usagers partant/arrivant par avion ou par TGV à l’aéroport ne disposent pasd’une offre de transport vers le centre de Lyon très variée. Les principales solutions sont :

- la voiture personnelle (qui nécessite un coût de transport et de stationnementconséquent) ;

- le taxi (qui nécessite un coût important);- la dépose « à la volée » du passager par un proche, en voiture ;- le tramway LESLYS.

64 Etude de trafic SEMALY, Annexe 10 au contrat de concession de LESLYS, p.15

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A l’évidence, les passagers n’ayant pas la possibilité de se faire déposer en voiture surle site aéroportuaire par un proche ne disposent pas de solution bon marché. Là encore,cela incite à penser que la clientèle potentielle de LESLYS présente un consentement àpayer relativement important.

C’est pourquoi il a été possible d’exiger du concessionnaire qu’il couvre l’ensemble deses coûts d’exploitation avec les seuls revenus tarifaires, et de fixer par conséquent un prixrelativement élevé (12€ pour un aller simple plein tarif, 21,30€ pour un aller-retour)65.

S’agissant du projet LEA, au contraire, il semble que le consentement à payer soitbeaucoup moins important. En effet, le tramway LEA a vocation à transporter des usagerspour des déplacements pendulaires, notamment pour des trajets domicile-travail. Il est doncen concurrence directe avec la voiture personnelle.

Il n’était donc pas possible pour le SYTRAL de fixer un tarif élevé. C’est pourquoi lefinancement de l’exploitation de LEA est largement assuré par des fonds publics issus del’impôt. Ainsi, les recettes tarifaires n’assurent que 48% des charges d’exploitation66 : si lefinancement de l’exploitation du transport collectif urbain à Lyon était assuré par ces seulesrecettes, le ticket unité devrait donc passer à 3,20 € (au lieu de 1,60 €) et l’abonnementillimité à 90 euros par mois (au lieu de 45€)67.

2.4.2.2 - Une élasticité-prix différenteLa modification du prix d’un service entraîne normalement une variation de la demandeglobale de ce service. La mesure de l’amplitude de cette réaction de la demande est appeléel’élasticité de la demande, ou élasticité-prix.

L’élasticité-prix, ou élasticité de la demande, est donc définie comme le rapport entrela variation relative de la demande d'un bien (ou d’un service) et la variation relative du prixde ce bien (ou de ce service). Elle est calculée par la formule suivante :

élasticité-prix =e = ( � Q / � P )x( P / Q )

La valeur e de l’élasticité varie en principe en fonction de deux critères principaux 68 .Le premier de ces critères est l’existence ou non de substituts, qui permettent aux

consommateurs d’éviter de subir l’augmentation des prix en se rabattant sur des servicesalternatifs.

Dans le cas du tramway LESLYS, on l’a vu, les substituts existent (taxi, voiturepersonnelle), mais, à l’exception de la dépose « à la volée », entraînent des surcoûtsimportants.

A l’inverse, le tramway LEA est en concurrence plus directe avec la voiture personnelle.Le second critère est l’importance du prix du service dans le budget total.

65 Il faut toutefois remarquer que les travailleurs de la plateforme aéroportuaire présentent un consentement à payer moinsimportant. C’est pourquoi le contrat prévoit une discrimination tarifaire à leur avantage (carte nominative 40 trajets à 120 €). Il estégalement prévu que des tarifs combinés LESLYS-TGV et LESLYS-Avion soient négociée avec les opérateurs concernés.

66 valeur 2007 (Rapport d’activité 2007 du SYTRAL)67 Pour couvrir également les coûts d’investissements, le ticket unité devrait être porté à 5,30€ et l’abonnement illimité 150€.68 Boyer, Moreaux, Truchon, Partage des coûts et tarification des infrastructures : Tarification optimale des infrastructures

communes, Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, Montréal , 2003, p.27

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Ainsi, on peut estimer que le ticket LESLYS ne représente qu’une part minime du budgettotal du déplacement des voyageurs utilisant les services aéroportuaires ou ferroviaire deSaint-Exupéry est faible.

A l’inverse, le ticket TCL utilisé pour LEA représente la quasi-totalité du coût dudéplacement domicile-travail.

Pour ces raisons, il semble que l’on puisse poser :e LEA <e LESLYS < 1

De ce point de vue, il semble donc que le projet couplé LEA-LESLYS constitue unexemple de tarification dite « à la Ramsey-Boiteux ». La règle de Ramsey-Boiteux énoncequ’il convient d'instaurer un rapport prix/coût marginal plus élevé pour les demandes lesplus inélastiques, car la perte sociale qui en résulte est moins grande que pour les demandeélastiques69.

2.4.2.3 - Un nombre annuel de passagers différentsPlus généralement, la différence de tarif entre LEA et LESLYS s’explique également par lesvolumes très différents de passagers transportés.

Ainsi, en début d’exploitation, la fréquentation quotidienne moyenne de LEA étaitd’environ 15.000 voyageurs/jour. Pour LESLYS, l’étude de trafic estime ce chiffre à 2.250voyageurs/jour. Le rapport entre LEA et LESLYS est donc de 1 à 6.

Or, la fréquence de circulation des tramways n’est pas en rapport : un départ de LESLYSest prévu toutes les 15mn, ce qui représente entre 50% et 200% de la fréquence du tramwayLEA.

Le coût moyen par passager de LESLYS est donc logiquement plus important que celuide LEA.

D’ailleurs, le contrat de concession de LESLYS précise que, en moyenne, tous lesvoyageurs doivent pouvoir trouver à bord une place assise, sans quoi le concessionnairedevrait prendre rapidement des mesures pour augmenter la capacité. Bien entendu, detelles conditions ne sont pas applicables à LEA.

2. 5 - Analyse comparée de la répartition des risquesdans les montages contractuels respectifs de LEA etLESLYS

Tout projet public comporte des risques, qui dépendent de plusieurs paramètres. Cesrisques peuvent peser sur la personne publique, mais également sur le cocontractant privéou sur les bailleurs de fonds.

Du fait d’une architecture contractuelle et financière différente, la répartition des risquesest très différente dans les projets réalisés sous forme d’acquisition classique (marchéspublics) et dans les projets réalisés en PPP.

69 NB : habituellement, la règle de Ramsey-Boiteux s’applique aux différentes sections de clientèle d’un même service.

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Dans le cadre d’une acquisition « classique », comme la construction du tramway LEA,le partage des risques n’est pas contractualisé.

A l’inverse, dans un projet en PPP, le partage du risque est l’élément-clé. Ce partagedes risques vise à assurer un équilibre optimal entre risque privé et risque public.

Le risque public est indispensable. En effet, comme le rappellent Laurent Davezies etRémy Prud’homme, « le profit est, en principe, la rémunération du risque ». Or, dans ledomaine des transports, la réalisation par le secteur privé de profits considérables seraitsocialement mal acceptée. De plus, les risques sont parfois tels qu’aucun acteur privén’accepterait de les assumer seul. Il est donc « à la fois nécessaire et légitime que lapuissance publiques assure une large part du risque. Légitime parce qu’elle aura sa partdes bénéfices en cas de succès. Nécessaire parce qu’elle seule a les reins assez solidespour assumer les risques considérables en cause» 70.

Cependant, le risque privé est lui aussi indispensable. En effet, la puissance publiquene doit pas assumer seule les risques du projet car cela anéantirait la contrainte budgétairepesant sur le partenaire privé et donc limiterait l’incitation à l’efficacité, qui est l’un desobjectifs du recours à la gestion déléguée.

Le risque doit donc être partagé.C’est parce que le projet LESLYS intègre cette notion de partage des risques, qu’il peut

être qualifié de PPP.

Dans un projet de PPP, plusieurs risques peuvent être identifiés71.Nous verrons ladistribution des risques de chaque projet en phase de construction (1), puis en phased’exploitation (2).

2.5.1 - La répartition des risques en phase de constructionEn phase de construction, les principaux risques sont les suivants.

- risque technologique :Il existe un risque que les technologies employées comprennent des défauts. Bien sûr,

le risque est plus élevé lorsque le projet fait intervenir une technologie nouvelle.Dans le cas du projet LESLYS, comme dans celui du projet LEA, ce risque

technologique est assez faible car le tramway sur rail est une technologie éprouvée. La seuleparticularité technique notable est la coexistence de deux services de tramway différentssur les mêmes rails.

- risque de surcoût :Les surcoûts peuvent avoir deux origines différentes. D’une part, il peut s’agir de la

modification ex post des caractéristiques du projet, à l’initiative du concédant, pour améliorerles performances de l’infrastructure, auquel cas le prix sera renégocié. D’autre part, il peuts’agir d’une sous-estimation des coûts des travaux.

Dans le projet LEA, en phase de construction, comme pour toute acquisition classique,le SYTRAL était exposé à un risque de dérive des coûts par rapport aux estimations. En

70 Davezies et Prud’homme, L’économie du partenariat public/privé en matière d’infrastructure, in Martinand (dir.), L’expériencefrançaise du financement privé des équipements publics, Economica, Paris, 1993

71 David Corchia, Ivan Benichou, Le financement de projets – Project Finance, Editions ESKA, Paris, 1996

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effet, les conditions de réalisation des travaux étant détaillées dans le cahier des charges, lamodification de ces conditions (découverte d’un sol de mauvaise qualité géologique rendantles travaux plus complexes, ...) est susceptible d’entraîner la passation d’avenants.

Dans le projet LESLYS, le contrat stipule expressément que le risque de surcoût enphase de construction est supporté par le concessionnaire. Ainsi, l’article 8 de la conventionde concession prévoit que « la société concessionnaire ne peut prétendre à aucunecompensation ou indemnité du fait de difficultés ou de retards enregistrés au cours de laphase préparatoire et/ou dans le cadre des études et mesures à prendre pour se procurerle matériel roulant, que ces difficultés ou retards lui soient imputables ou non ».

Le concessionnaire à donc clairement intérêt à réaliser le projet au prix fixé.En effet, comme on l’a vu plus haut, la construction est financée par la subvention

du Département (31,35 millions d’euros), le crédit sans recours (62 millions d’euros) etl’investissement issu des sponsors constituant le capital de RhônExpress (17,7 millionsd’euros), soit un total de 111,05 millions d’euros. Un surcoût de 2% des travaux entraîneraitdonc une somme supplémentaire de [0,02 x 111,05] soit 2,2 millions d’euros. Or, ce surcoûtserait intégralement supporté par la société RhônExpress : son engagement de fondspropres passerait de 17,7 millions à 19,9 millions d’euros, soit une augmentation de 11,3%.

- risque de retard :Un retard des travaux constitue un risque important. D’un point de vue financier, il

génère un manque à gagner (revenus d’exploitations non encaissés pendant la période) etun accroissement des intérêts capitalisés, et donc un renchérissement général du projet.D’un point de vue économique, il retarde les bénéfices sociaux attendus du projet.

Pour le projet LEA, le SYTRAL assurant lui-même la maîtrise d’ouvrage des travaux, ilétait exposé à un risque de surcoût financier lié aux retards pris dans le programme, mêmesi, pris séparément, chaque contrat était susceptible de stipuler des pénalités de retard.

Dans le projet LESLYS, le risque de retard est intégralement supporté par leconcessionnaire, que ce soit pour les travaux d’infrastructure (article 11.11 du cahier descharges) ou pour la fourniture du matériel roulant (article 14.2 du cahier des charges).

Le concessionnaire a donc intérêt à éviter tout retard, car cela retarderait les premièresrecettes tarifaires. De plus, pour compenser la perte sociale née d’un éventuel retard delivraison, l’article 32.3 du cahier des charges prévoit qu’ « en cas de non-respect, pour unfait imputable au Concessionnaire, de la date contractuelle d'Achèvement, le montant despénalités s'établira à quatre mille euros par jour de retard ».

- risque de crédit sur les constructeurs :Il existe un risque que le(s) constructeur(s) soient insolvables, et ne puissent pas

honorer leurs engagements financiers (pénalités de retard, …).Pour une acquisition classique comme la construction de LEA, le risque peut être

maîtrisé par la mise en place de conditions de solvabilité, que les constructeurs doiventremplir pour accéder aux marchés.

Pour un projet tel que LESLYS, le concédant public n’a pas de rapports juridiques directsavec les constructeurs : seule la société de projet concessionnaire est responsable devantlui. Le risque est donc de voir cette société de projet en faillite.

C’est pourquoi l’article 34.1 prévoit la constitution d’une « garantie de bonne fin etde parfait achèvement ». Il s’agit d’une somme égale à 10% du montant prévisionnel des

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dépenses d'investissement, que le concessionnaire doit consigner auprès du concédantavant le début des travaux. Cette garantie intégralement libérée lors de la mise en service.

L’article 40 du cahier des charges prévoit également le cas où la situation financièredu concessionnaire serait irrémédiablement compromise. Cet article stipule que si « leconcessionnaire (…) n’a pas à sa disposition (…) en temps utile les fonds nécessairespour faire face à ses obligations au titre de la concession » et après mise en demeure etproposition d’un nouveau concessionnaire par les prêteurs, le concédant peut « prend[re]toutes mesures qu'il estime utiles pour assurer la continuité du service public dans desconditions optimales, aux frais, risques et périls du concessionnaire ». Il peut évincer leconcessionnaire défaillant, mais doit lui verser « une indemnité égale à la plus faible desdeux valeurs suivantes : 80% de l'encours de la dette (hors crédit sans recours) à ladate du prononcé de la déchéance ; 80% du montant des investissements réalisés par leconcessionnaire, déduction faite des subventions versées ».

De plus, l’article 24.2 stipule « qu’en cas de résiliation anticipée de la concession avantla mise en service, pour quelque cause que ce soit, le concédant ne sera tenu à aucunversement au titre de subvention forfaitaire d’équipement ».

Le risque de crédit en phase de construction pèse donc essentiellement sur lessponsors et les prêteurs, puisque le Département pourra obtenir la pleine propriété del’infrastructure, pour un prix largement inférieur à ce que lui aurait coûté la construction enmaîtrise d’ouvrage directe.

- risque d’interface et risque de sous-traitance:Dans le cas où il existe plusieurs constructeurs responsables chacun d’une partie de la

construction, il existe un risque spécifique de conflit. En effet, en cas de malfaçon, chaqueconstructeur risque de ne pas s’estimer responsable.

Ce risque existe spécifiquement dans le cas de LEA, puisque le SYTRAL assure lui-même la maîtrise d’ouvrage.

Pour le projet LESLYS, ce risque d’interface est parfaitement couvert : la sociétéad hoc RhônExpress, maître d’ouvrage, est seule responsable devant le Département,indifféremment des différents contrats de droit privé qu’elle est susceptible de passer pourla construction de l’ouvrage.

- risque d’actualisation et risque de taux d’intérêt :Il existe un risque de variation du montant à financer en raison de l’évolution de certains

paramètres macro-économiques.Ainsi, il arrive que le(s) prix de construction soit indexé(s), par exemple, sur l’indice de

la construction ou l’indice des salaires du bâtiment. On parle de risque d’actualisation. Cerisque est particulièrement important si le contrat est global. En l’espèce, le projet LESLYSa écarté ce risque car la subvention forfaitaire d’équipement est « non révisable et nonindexée »72.

Il arrive également que le prêt souscrit pour la construction soit de type « taux variable+ marge ». Dans ce cas, il existe un risque de taux d’intérêt. Ainsi, on l’a vu supra, leSYTRAL a subi en 2007 une forte augmentation du taux d’intérêt moyen de ses prêts, suiteà l’augmentation générale des taux interbancaires. A l’inverse, le Département s’est trèsefficacement couvert contre ce risque, en procédant à une opération de swap, d’un tauxvariable vers un taux fixe.

72 Article 1er de l’annexe 6 à la Convention de concession de LESLYS.

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2.5.2 - La répartition des risques en phase d’exploitationPour le projet LEA comme pour le projet LESLYS, en phase d’exploitation, la notion departage de risque entre public et privé est plus présente.

Les principaux risques identifiables sont les suivants :- risque de traficIl s’agit là d’un des risques majeurs dans les projets d’infrastructure de transport. Il

existe un risque que la fréquentation soit inférieure à ce qui était initialement prévu.Dans le cas de LEA, le risque de trafic est partagé entre le SYTRAL et l’exploitant.

En effet, ce risque pèse a priori sur le SYTRAL car celui-ci reçoit les recettes tarifaires.Mais le SYTRAL a cherché à se couvrir partiellement contre ce risque en prévoyant unmécanisme de rémunération de l’exploitant limitant la subvention forfaitaire en cas derecettes commerciales insuffisantes (cf. supra p.52 s.).

Dans le cas du projet LESLYS, le risque de trafic pèse en premier lieu sur leconcessionnaire. En effet, le concessionnaire est rémunéré par les recettes tarifaires.

Cependant, ce risque est « capé », c'est-à-dire que la convention de concession prévoitune clause de revoyure au-delà d’un certain seuil de réalisation du risque : l’article 36.1 ducahier des charges prévoit que si « le nombre d’usagers empruntant effectivement LESLYS[est] égal ou inférieur à 75% du nombre d’usagers prévu par l’étude de trafic SEMALYpendant au moins cinq années consécutives », les deux parties « arrêteront (…) lesmesures, notamment tarifaires ou de modification de la durée de la concession, nécessairespour rétablir [l’]équilibre [économique] ». On le voit, les conditions d’engagement de cetteclause de revoyure sont extrêmement limitées, notamment en raison du décalage temporelentre la perte subie et la mise en œuvre des moyens palliatifs de rééquilibrage.

- risque de dépassement des coûtsDans les projets LEA et LESLYS, le risque de dépassement des coûts pèse sur le

délégataire. Cette situation est tout à fait logique, puisque il s’agit de l’agent le mieux àmême de réduire les frais d’exploitation.

- risque de crédit sur les exploitantsComme en phase de construction, il existe un risque de crédit en phase d’exploitation.

Il s’agit du risque que les exploitants respectifs de LEA et LESLYS deviennent insolvables,et ne puissent plus honorer leurs engagements.

Dans le cas du réseau TCL (projet LEA), l’article 84 du contrat de délégation prévoitqu’en cas de mise en redressement ou liquidation de l’exploitant, la convention est résiliée« sans aucune indemnité pour le délégataire ». Cette absence d’indemnité est justifiée parle fait que l’exploitant n’a fait aucun investissement.

Dans le cas de LESLYS, la situation est très différente. D’une part, le Département n’apas de rapport juridique direct avec l’exploitant, mais uniquement avec le concessionnaire :c’est donc le risque de crédit sur le concessionnaire qui constitue un risque, et pas celuisur l’exploitant. D’autre part, le concessionnaire a fait des investissements importants et nepeut être évincé sans indemnité.

Comme en phase de construction, le cahier des charges prévoit que le concessionnairepeut être déchu, contre « une indemnité égale à la plus faible des deux valeurs suivantes :80% de l'encours de la dette (hors crédit sans recours) à la date du prononcé dela déchéance ; 80% du montant des investissements réalisés par le concessionnaire,

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déduction faite des subventions versées ». Mais le contrat prévoit que « lorsque l'encoursde la dette est nul [ce qui est en principe le cas en phase d’exploitation], le concédant verse80 % du montant des investissements réalisés par le concessionnaire.

De plus, l’article 24.2 précise qu’ « en cas de résiliation de la concessionpostérieurement à la mise en service, pour quelque cause que ce soit, le concédant pourrachoisir, à sa seule discrétion, soit de continuer le versement de subvention forfaitaired’équipement à (ou aux) Prêteur(s) bénéficiaire(s) de la cession de créance acceptée, soitde verser au (ou aux) Prêteur(s) bénéficiaire(s) de la cession de créance acceptée uneindemnité égale à la valeur actuelle nette des créances restant à lui (ou leur) verser ». Lesprêteurs sont donc parfaitement couverts contre le risque de crédit en phase d’exploitation.Le risque est partagé entre sponsors et concédant.

- risque politiqueIl s’agit essentiellement d’un risque de modification unilatérale, voire même de

terminaison unilatérale du contrat, le déléguant public mettant fin au contrat en arguant demotifs d’intérêt général. Pour couvrir ce risque, chaque contrat prévoit avec précision lesconséquences financières d’une telle décision unilatérale.

S’agissant de l’exploitant du réseau TCL (projet LEA), l’article 13 du contrat stipule que« l'autorité organisatrice peut décider unilatéralement de modifier la consistance et/ou lesconditions d’exécution des services de transport et des missions confiées au délégataire.Ces modifications s’imposent au délégataire qui ne peut les refuser ». L’augmentation derémunération du délégataire qui en découle est déterminée grâce à un barème de coûtsmarginaux kilométriques déterminé au contrat.

De plus, l’article 82.1 prévoit que le SYTRAL peut mettre fin unilatéralement à laconvention pour tout motif d’intérêt général. Cela ouvre droit à une indemnité plafonnée à1% de la contrepartie forfaitaire annuelle, multiplié par le nombre d’années restant à couriravant le terme normal.

S’agissant du projet LESLYS, l’article 39.1 du cahier des charges prévoit quel’annulation unilatérale du contrat peut intervenir dans deux cas.

D’une part, pour motif financier : « le concédant peut, à partir du dixième anniversaire dela Mise en Service, prononcer unilatéralement la résiliation anticipée de la concession dèslors que le cumul des excédents bruts d’exploitation, constatés depuis l’entrée en vigueurde la concession, est supérieur de 25% [au montant prévu] ».

D’autre part, pour motif non financier : « le concédant peut également, à tout moment,procéder à la résiliation unilatérale anticipée de la Concession pour un motif d’intérêt généralnon financier ».

Le contrat prévoit, dans ces deux cas, une indemnité égale à la somme du montantde l’encours de la dette (hors crédit sans recours), du montant des fonds propres et d'unmontant calculé de telle façon que le taux de rendement interne sur fonds propres effectifsoit égal au taux de rendement interne sur fonds propres prévisionnel.

- risque d’évolution législative ou réglementaireDans tout projet à long terme, il existe un risque d’évolution du contexte législatif ou

réglementaire du secteur. Dans les contrats de délégation de service public, la situation estparticulière car l’un des cocontractants est une personne publique, qui peut être elle-mêmeà l’origine de textes réglementaires.

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Le contrat de délégation du réseau TCL précise en son article 52.1 que « sauf mesuressusceptibles de bouleverser l’économie de la (…) convention, les modifications ultérieuresde la réglementation relative aux conditions de travail, à l’environnement, à la législationfiscale et aux contrôles de l’Etat sont à la seule charge du délégataire ».

L’article 36.2 du cahier des charges de LESLYS prévoit qu’ « au cas où une nouvelleréglementation ou mesure, (…) dès lors que la réglementation, mesure ou interprétationaffecterait spécifiquement la (…) concession ou les infrastructures de transport, auraitpour conséquence d’améliorer substantiellement ou de dégrader l'équilibre économique dela concession , les parties arrêteront dans (…) les mesures, notamment tarifaires et demodification de la durée de la concession, nécessaires pour rétablir cet équilibre ». Cetteclause de revoyure couvre ce risque d’évolution législative, en opérant son transfert partieldu concessionnaire vers le concédant.

Il est également à noter que le Département « s’engage, pendant toute la durée de laConcession, à ne pas organiser ni encourager un service de transport collectif directementconcurrent de LESLYS »73.

Il faut noter également l’existence d’un risque d’évolution réglementaire particulier :le risque de modification du périmètre de transport urbain. En effet, le Département n’estcompétent que pour les transports en commun qui ne sont pas inclus en totalité dans lepérimètre de compétence de l’autorité organisatrice de transport urbain, id est le SYTRAL.Par conséquent, si le PTU de l’agglomération lyonnaise venait à inclure la commune deColombier-Saugnieu, sur laquelle est située l’aéroport Saint-Exupéry, le Département duRhône perdrait toute compétence.

Ce risque n’est pas purement virtuel, puisqu’une réflexion est en cours dans certainescommunes et communautés de communes de l’est de Lyon pour intégrer le SYTRAL.

Le contrat de LESLYS ne mentionne pas les conditions qui seraient applicables dansune telle situation.

Cependant, le loi n° 2004-809 du 13 août 2004, ayant donné compétence auxdépartements pour organiser les dessertes ferrées locales, a pris soin de préciser en sonarticle 27 que « en cas de (…) modification d'un périmètre de transports urbains incluantdes services réguliers ou à la demande de transports routiers non urbains de personnes,l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains est substituée à l'autoritéorganisatrice de transports non urbains antérieurement compétente dans l'ensemble de sesdroits et obligations résultant des conventions passées avec l'entreprise pour les servicesde transports effectués intégralement dans le périmètre de transports urbains ». Il est permisde penser que, par une interprétation a pari, cette disposition est également applicable auxtransports ferrés non urbains, tel que LESLYS.

Le risque est donc nul tant pour le concessionnaire que pour la collectivité publiqueabstraitement considérée. D’un point de vue politique, cependant, la perte de la compétenced’organisation de LESLYS serait fâcheuse pour le Département du Rhône.

- risque financier (ou risque d’indexation)Pour le délégataire, il existe un risque que les prix du secteur connaissent une

augmentation, et que sa rémunération, fixée en début de contrat sans possibilité d’évolution,devienne insuffisante.

73 Article 7 du contrat de concession de LESLYS

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Le contrat de délégation du réseau TCL couvre ce risque en prévoyant une formuled’indexation de la contrepartie forfaitaire annuelle.

Le contrat de concession de LESLYS prévoit une formule d’indexation du tarif destickets.

Dans les deux cas, le risque est donc assumé par le déléguant, soit directement (réseauTCL), soit par l’intermédiaire des usagers (LESLYS).

- risque de force majeureLa force majeure, juridiquement, est constituée par un événement imprévisible,

insurmontable et extérieur aux parties, qui empêche l’une ou l’autre des parties d’exécuterses obligations. L’exemple classique est la survenance d’une catastrophe naturelle, mais ilpeut également s’agir de sabotage, d’acte de terrorisme, …

Pour le réseau TCL, l’article 26.2 prévoit que le délégataire est exonéré des obligationsprévues à la présente convention en cas de force majeure. L’article 58.3 précise que « siles kilomètres (…) non réalisés (…) sont supérieurs à 2 % de l’offre kilométrique totale (…)annuelle de référence, l’autorité organisatrice et le délégataire conviennent d’une procédurede concertation ». Le risque est donc partagé entre délégant et délégataire.

S’agissant de LESLYS, l’article 35.1 prévoit qu’ « aucune partie n'encourt deresponsabilité pour n'avoir pas accompli, ou avoir accompli avec retard, une obligation autitre de la concession, dans la mesure où un tel manquement ou retard résulte directementd'événements présentant les caractéristiques de la force majeure ». En déliant les partiesde leurs obligations, le contrat opère un partage du risque de force majeure entre leDépartement et RhônExpress.

- risque spécifique de cohabitation de LEA et LESLYSLa cohabitation de deux services de tramway sur une infrastructure unique crée un

risque supplémentaire durant la phase d’exploitation. En effet, l’exploitation défectueused’un tramway est susceptible d’avoir des répercutions sur l’autre.

L’avenant n°1 au contrat de délégation du réseau TCL, confiant l’exploitation de LEAà Keolis Lyon ne prévoit pas de dispositions spéciales sur ce point. Il est permis de penserque le prochain contrat de délégation, prévu pour 2011, inclura ce type de clause.

Le contrat de concession de LESLYS, au contraire, à cherché à couvrir ex ante cerisque spécifique. Ainsi, l’article 36.3 du cahier des charges stipule une clause de revoyuresi l’articulation LEA-LESLYS pose problème, c'est-à-dire que « le temps de parcours réel deLeslys, mesuré entre La Part-Dieu et Meyzieu ZI, est supérieur à 19 minutes, en moyennesur 3 mois consécutifs, étant entendu que sont exclus du calcul de cette moyenne lescirculations subissant un retard dont, ni l'infrastructure de Léa, ni l'exploitation de Léasont responsables » ou qu’est constatée une « indisponibilité des sillons prévus pour (…)LESLYS [supérieure à ] 2 % des sillons pendant au moins 3 mois consécutifs ».

Le risque est donc partagé entre le Département et RhônExpress.Par ailleurs, il existe une convention entre le Département et le SYTRAL, prévoyant que

« l’exploitant responsable d'une interruption devra verser à l'exploitant de l'autre service unepénalité forfaitaire de 80,77 € augmentée de 24,70 € par minute supplémentaire au delàdes dix premières minutes, le montant de cette pénalité [étant] doublé lorsque tout ou partiede l'interruption de service surviendra [en heure de pointe] ».

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Partie seconde : Deux modèles contractuels et financiers très différents

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Conclusion de la partie seconde : De l’achat public aupartenariat public - privé

D’un point de vue microéconomique, on l’a vu, le deux projets LEA et LESYS sontprofondément différents. Le rôle de chaque AOT dans la maîtrise d’ouvrage est radicalementdissemblable, le Département souhaitant déléguer la maîtrise d’ouvrage, alors que leSYTRAL souhaitait exercer lui-même cette fonction, afin de garder la main sur la directiondes travaux et bénéficier ainsi des taux habituellement réservés aux emprunts publics.

Pourtant, on l’a vu, le plan de financement novateur mis en place par le Département,incluant des sûretés et garanties très fortes, a permis au projet de bénéficier de prêts à destaux encore plus favorables.

Ce paradoxe illustre bien, à lui seul, les avantages que peuvent retirer les collectivitéspubliques des nombreuses possibilités de structuration offertes par le droit français enmatière de partenariats public-privé. Les acteurs du projet LESLYS, en se saisissant desces opportunités, ont permis le lancement du tramway à des conditions très favorables.

Pourtant, il n’existe pas, à l’évidence, de modèle de financement reproductible àl’identique pour tous les projets.

L’enjeu du financement d’un projet est d’adapter l’ensemble de l’économiecontractuelle, tant en matière de réduction de l’asymétrie d’information, de tarification oude répartition des risques, aux caractéristiques économiques intrinsèques de l’infrastructureconstruite.

Les profondes différences économiques existant entre LEA et LESLYS se reflètent dansleurs montages contractuels respectifs, illustrant parfaitement cette complexité.

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Conclusion

On l’a vu, les projets LEA et LESLYS sont une illustration très intéressante de la diversitéqu’offre le droit français pour le montage de projet d’infrastructure. Alors que le premier projeta été réalisé selon un mode traditionnel d’achat public et de régie intéressé, le second projeta été réalisé sous forme de concession, ce qui s’apparente, au sens large, à un partenariatpublic-privé

Le montage choisi par chaque autorité organisatrice présente, à l’évidence, desavantages. Il n’existait d’ailleurs aucun mode de réalisation, ni aucun montage contractuel,susceptible d’être appliqué à l’identique pour deux projets aussi dissemblables.

L’important, pour chaque autorité organisatrice, c’est de choisir le mode de réalisationqui corresponde le mieux aux caractéristiques économiques intrinsèques du projet. Le droitfrançais propose de très nombreuses possibilités de structuration financière et juridique.C’est pourquoi il faut rappeler ici toute l’importance des études économiques et financièrespréalables, qu’elles soient réalisées en interne ou par le recours à des prestataires externesspécialisés.

En tout état de cause, le choix du Département du Rhône et du SYTRAL de se saisir del’opportunité que représentait le Chemin de Fer de l’Est Lyonnais, et de lancer en synergiedeux projets couplés et complémentaires, a permis la réalisation de deux tramways à larentabilité économique très forte, tout en sauvegardant au maximum les deniers publics.Ces tramways s’inscrivent dans la perspective du développement durable, en permettantune réduction globale du rejet de gaz à effet de serre.

Le projet couplé LEA-LESLYS crée donc une vraie richesse pour la société.Bien entendu, LEA et LESLYS ne règlent pas tous les problèmes de déplacement

de l’Est du Lyon. Le projet, notamment, n’apporte pas de solutions immédiates pour leshabitants du Nord-Isère. Ce débat sur un prétendu « manque d’ambition » du projet LEA-LESLYS a eu un fort écho, jusque dans les conclusions du commissaire enquêteur lors del’enquête publique préalable à la DUP de LESLYS. Il nous semble pourtant que le choix dedonner une fonction déterminée à chaque projet, de limiter LEA à Meyzieu, et de conserverla vocation spécifique de LESLYS est justifié.

Par contre, ce débat a mis en évidence le besoin de voir émerger une gouvernancedes transports à l’échelle de l’aire urbaine lyonnaise. L'étalement urbain, la modification deshabitudes de vie, la dissociation entre les lieux de domicile, d'emploi et de loisirs ont entraînéune modification des habitudes de déplacement. Un nombre croissant d’actifs s’installe loinde la ville, et la demande de transports en commun s’accroît. A l’inverse, les périmètres decompétence des différentes autorités organisatrices n’ont pas évolué.

Ainsi, dans l’Est lyonnais, un nombre croissant de résidents Nord-Isérois travaille àLyon. Pourtant, le Département de l’Isère n’est pas le mieux placé pour organiser lestransports en commun vers Lyon.

Pire, des comportements « opportunistes » peuvent être redoutés, et un phénomène deméfiance risque de s’installer entre les collectivités territoriales, les autorités organisatrices

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Conclusion

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de l’Isère pouvant être tentées de refuser de participer au financement d’infrastructures quiprofitent pourtant à leurs résidents.

La nécessité de créer un instrument de coopération entre autorités organisatrices etde faire émerger une vraie gouvernance globale des transports de l’aire urbaine est doncévidente.

Il pourrait s’agir également d’une bonne opportunité pour lancer une réflexionapprofondie sur la notion de monopole naturel dans les transports urbains et suburbains.Davantage que des considérations politiques, ce sont des analyses économiques quidoivent conduire à la détermination du périmètre sur lequel doit s’exercer le monopole dechaque autorité organisatrice.

Une réflexion sur l’allotissement des réseaux pourrait être utilement jointe à ces travaux.La construction d’un système de transport cohérent pour l’aire urbaine semble à ce prix.

Il s’agit là d’un enjeu majeur pour Lyon et sa région dans les prochaines années.

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Annexes

Annexe 1 : Plan schématique du tracé des lignes LEAet LESLYS

Source : Département du Rhône

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Annexes

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Annexe 2 :Plan schématique des deux tracésenvisagés pour LESLYS

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Source image : Google Earth

Annexe 3 : Plan schématique du repositionnementde la station terminale Lyon-Saint-Exupéry suite auxréserves du commissaire enquêteur

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Annexes

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Source image : Google Earth

Annexe 4 : Plan schématique du périmètre detransports urbains du SYTRAL

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Commune du Grand Lyon

Commune limitrophe faisant partie du SYTRALSource : SYTRAL

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Entretiens

M. Luc BORGNA, RhônExpress, Directeur

M. Alain DEKOKERE, Keolis France, GIE Inter’actions (groupe SNCF)

Mme Anne-Isabelle MANIER, Département du Rhône, Directrice de la Mission Leslys

M. Thierry MANUGUERRA, Département du Rhône, Directeur du Service destransports départementaux

M. Philippe THIENNOT, SYTRAL, Directeur du service du suivi opérationnel de la DSP