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Les transformations de la France sous la Révolution (1789-1804) De la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789 au sacre de Napoléon Ier le 2 décembre 1804, la France connaît de profondes mutations, du point de vue de la politique, de l'économie ou de la société. En quoi et comment la Révolution a-t-elle transformé la France ? Après avoir examiné les premières réformes des années 1789-91, nous verrons en quoi la période 1792-94 a été riche en réformes radicales, mais sans lendemain avant d'étudier les « masses de granit », réformes qui stabilisent le pays sous le Consulat. I. 1789-1791 : la naissance de la Révolution et la fin de l'Ancien Régime Les événements de mai à juillet 1789, qui culminent avec la prise de la Bastille (14 juillet 1789) permettent des réformes qui mettent fin à l'Ancien Régime entre août 1789 et 1791. Le roi Louis XVI semble au départ accepter cette révolution. A. La fin de la monarchie absolue et de la société d'ordres Le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen garantit à tous les Français les droits fondamentaux : égalité devant la loi et l'impôt, liberté individuelle, de conscience, de pensée, d'expression, présomption d'innocence... Elle établit également la souveraineté de la Nation et la séparation des pouvoirs. Ces nouveaux principes se traduisent dans la Constitution de 1791, qui instaure une stricte séparation des pouvoirs entre l'exécutif (confié au roi, qui détient également le droit de veto), le législatif (confié à une Assemblée Législative élue) et le judiciaire (les juges étant également élus). Toutefois, la souveraineté nationale est limitée par le suffrage censitaire : seuls les « citoyens actifs », les plus riches, peuvent voter. B. La suppression des cadres de la société d'Ancien Régime Dans le courant des années 1789 à 1791, des réformes jettent les bases d'une nouvelle société. Avec la nationalisation des biens du clergé (1789), l'Eglise catholique perd l'essentiel des richesses qu'elle détenait depuis le Moyen Age. Ses biens, devenus « biens nationaux », sont vendus par lots, souvent aux bourgeois ou aux riches paysans, pour renflouer les caisses de l'Etat. La Constitution Civile du Clergé (1790) impose l'élection des évêques et des prêtres et un serment de fidélité à la Nation en échange d'une rétribution du clergé par l'Etat. Elle provoque une rupture entre la Révolution et le pape et une division du clergé entre prêtres « réfractaires » et « jureurs » (ou « constitutionnels »). D'autre part, la géographie administrative est bouleversée par le découpage départemental, qui supprime toute trace des anciennes provinces (1790). Enfin, le système métrique vient unifier le système de poids et mesures en France. Mais Louis XVI n'accepte pas la limitation de ses pouvoirs et les réformes. Le divorce de plus en plus apparent entre le roi et la Nation aboutit à la chute de la monarchie (10 août 1792). II. 1792-94 : des réformes sans lendemain sous la République radicale Menacée aussi bien à l'extérieur par les monarchies européennes (Autriche, Angleterre, Prusse, Espagne, Piémont...) qu'à l'intérieur par les soulèvements royalistes et les conflits sanglants entre les républicains, la France révolutionnaire entre dans une période de radicalisation (1792-94). A. La dictature du Gouvernement Révolutionnaire Le Gouvernement Révolutionnaire, dont Robespierre devient rapidement l'homme fort, prend un ensemble de mesures radicales destinées à « sauver la Révolution ». La Première République est proclamée (22 septembre 1792) et le roi est exécuté (janvier 1793). Toutefois, le Gouvernement Révolutionnaire, même s'il repose sur le suffrage universel (à l'exclusion des « ennemis de la Nation »), est une dictature. La Convention désigne les détenteurs du pouvoir exécutif (Comité de Salut Public) et du pouvoir judiciaire (Comité de Sûreté Générale). La Loi des Suspects (septembre 1793) viole la présomption d'innocence en ordonnant l'incarcération de tous les nobles et de tous ceux qui sont en désaccord avec la politique du Gouvernement Révolutionnaire. Une politique dite de « Terreur » aboutit à l'exécution de 17 000 personnes jusqu'à l'été 1794, rien qu'à Paris. En 1793, une nouvelle Déclaration des Droits de l'Homme établit des droits nouveaux : les droits sociaux (secours publics aux malades et vieillards, droit à l'éducation). L'esclavage est aboli dans les colonies (1794)

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Les transformations de la France sous la Révolution (1789-1804)

De la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789 au sacre de Napoléon Ier le 2 décembre 1804, la France connaît de profondes mutations, du point de vue de la politique, de l'économie ou de la société. En quoi et comment la Révolution a-t-elle transformé la France ? Après avoir examiné les premières réformes des années 1789-91, nous verrons en quoi la période 1792-94 a été riche en réformes radicales, mais sans lendemain avant d'étudier les « masses de granit », réformes qui stabilisent le pays sous le Consulat.

I. 1789-1791 : la naissance de la Révolution et la fin de l'Ancien Régime

Les événements de mai à juillet 1789, qui culminent avec la prise de la Bastille (14 juillet 1789) permettent des réformes qui mettent fin à l'Ancien Régime entre août 1789 et 1791. Le roi Louis XVI semble au départ accepter cette révolution.

A. La fin de la monarchie absolue et de la société d'ordres

Le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen garantit à tous les Français les droits fondamentaux : égalité devant la loi et l'impôt, liberté individuelle, de conscience, de pensée, d'expression, présomption d'innocence... Elle établit également la souveraineté de la Nation et la séparation des pouvoirs. Ces nouveaux principes se traduisent dans la Constitution de 1791, qui instaure une stricte séparation des pouvoirs entre l'exécutif (confié au roi, qui détient également le droit de veto), le législatif (confié à une Assemblée Législative élue) et le judiciaire (les juges étant également élus). Toutefois, la souveraineté nationale est limitée par le suffrage censitaire : seuls les « citoyens actifs », les plus riches, peuvent voter.

B. La suppression des cadres de la société d'Ancien RégimeDans le courant des années 1789 à 1791, des réformes jettent les bases d'une nouvelle société. Avec la nationalisation des biens du clergé (1789), l'Eglise catholique perd l'essentiel des richesses qu'elle détenait depuis le Moyen Age. Ses biens, devenus « biens nationaux », sont vendus par lots, souvent aux bourgeois ou aux riches paysans, pour renflouer les caisses de l'Etat. La Constitution Civile du Clergé (1790) impose l'élection des évêques et des prêtres et un serment de fidélité à la Nation en échange d'une rétribution du clergé par l'Etat. Elle provoque une rupture entre la Révolution et le pape et une division du clergé entre prêtres « réfractaires » et « jureurs » (ou « constitutionnels »). D'autre part, la géographie administrative est bouleversée par le découpage départemental, qui supprime toute trace des anciennes provinces (1790). Enfin, le système métrique vient unifier le système de poids et mesures en France.

Mais Louis XVI n'accepte pas la limitation de ses pouvoirs et les réformes. Le divorce de plus en plus apparent entre le roi et la Nation aboutit à la chute de la monarchie (10 août 1792).

II. 1792-94 : des réformes sans lendemain sous la République radicale

Menacée aussi bien à l'extérieur par les monarchies européennes (Autriche, Angleterre, Prusse, Espagne, Piémont...) qu'à l'intérieur par les soulèvements royalistes et les conflits sanglants entre les républicains, la France révolutionnaire entre dans une période de radicalisation (1792-94).

A. La dictature du Gouvernement RévolutionnaireLe Gouvernement Révolutionnaire, dont Robespierre devient rapidement l'homme fort, prend un ensemble de mesures radicales destinées à « sauver la Révolution ». La Première République est proclamée (22 septembre 1792) et le roi est exécuté (janvier 1793). Toutefois, le Gouvernement Révolutionnaire, même s'il repose sur le suffrage universel (à l'exclusion des « ennemis de la Nation »), est une dictature. La Convention désigne les détenteurs du pouvoir exécutif (Comité de Salut Public) et du pouvoir judiciaire (Comité de Sûreté Générale). La Loi des Suspects (septembre 1793) viole la présomption d'innocence en ordonnant l'incarcération de tous les nobles et de tous ceux qui sont en désaccord avec la politique du Gouvernement Révolutionnaire. Une politique dite de « Terreur » aboutit à l'exécution de 17 000 personnes jusqu'à l'été 1794, rien qu'à Paris. En 1793, une nouvelle Déclaration des Droits de l'Homme établit des droits nouveaux : les droits sociaux (secours publics aux malades et vieillards, droit à l'éducation). L'esclavage est aboli dans les colonies (1794)

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B. Des revendications et des réformes radicalesLes Sans-Culottes, groupe politique qui rassemble les républicains radicaux, souvent ouvriers et artisans, émettent des revendications de plus en plus radicales, qu'ils soutiennent au besoin par la violence. Ils exigent ainsi le plafonnement des prix de première nécessité (chose faite avec la Loi du Maximum en 1793), le partage des biens nationaux entre les petits paysans, des mesures sévères contre les marchands qui profitent de la hausse des prix pour s'enrichir. Alors que le clergé rejette dans son ensemble la République, ils imposent l'interdiction du culte catholique (que Robespierre, hostile à l'athéisme, remplace par le culte de l'Être Suprême en 1794) et des poursuites contre les membres du clergé, contraints à la démission ou à l'exil. Le calendrier révolutionnaire (1793), qui remplace le calendrier grégorien jusqu'en 1806 et supprime les dimanches et fêtes religieuses, fait partie de cette politique de déchristianisation. Enfin, les noms de lieux liés à la religion ou au « féodalisme » sont rebaptisés : en Savoie, St Ombre devient ainsi Chambéry le Vieux.

III.1794-1804 : la réaction et les « masses de granit »

Toutefois, les excès de la politique de Terreur et les luttes entre républicains entraînent la chute de Robespierre (27 juillet 1794). Une période de stabilisation commence (1794-1804).

A. De la République modérée au ConsulatSous la République modérée (1794-1799), les armées révolutionnaires conquièrent de vastes territoires (Savoie, Nice, Belgique, Italie du Nord...) et deviennent indispensables au maintien du gouvernement face aux royalistes et aux républicains radicaux. Un jeune général ambitieux, Napoléon Bonaparte, prend le pouvoir en 1799 par un coup d'Etat. Il met en place un régime, le Consulat, qui se veut stable et fidèle aux principes de 1789. Il repose effectivement sur le suffrage universel et la séparation des pouvoirs. Toutefois, le Premier Consul (Bonaparte) nomme les 4 assemblées détentrices du pouvoir législatif. Il censure également la presse et n'hésite pas à pratiquer des arrestations arbitraires. Enfin, il rétablit l'esclavage dans les colonies en 1802.

B. Les « masses de granit » : des réformes durables pour un retour à l'esprit de 1789 ?Bonaparte souhaite stabiliser la France par un ensemble de réformes faisant la synthèse des acquis de la Révolution, les « masses de granit ». Dans le domaine politique et administratif, il crée les préfets (1800) qui représentent l'Etat dans chaque département et réinstaure les décorations, que la Révolution avait supprimées, en créant la Légion d'Honneur (1803) destinée à récompenser les citoyens méritants. Enfin, un code de lois, le Code Civil (1804), garantit l'égalité des Français devant la loi et l'impôt conformément à la DDHC. D'autre part, dans le domaine religieux, il met fin aux conflits avec Rome par un Concordat avec le pape (1801) : le culte catholique est reconnu mais la liberté de conscience est garantie aux protestants et aux juifs, le clergé doit prêter serment de fidélité au Premier Consul et est payé par l'Etat : c'est un retour à la Constitution Civile du Clergé. L'Eglise renonce aux biens nationaux, ce qui conforte l'enrichissement d'une partie de la bourgeoisie depuis 1789. La bourgeoisie remplace la noblesse comme élite sociale. Pour former les enfants de cette nouvelle élite, Bonaparte crée les lycées (1802). Au contraire, il renforce le contrôle des ouvriers, trop turbulents, par la création du livret ouvrier (1803). Enfin, il cherche à stabiliser l'économie avec la création de la Banque de France (1800) et du Franc Germinal (1803).

Avec la proclamation du Premier Empire, le 2 décembre 1804, l'épisode révolutionnaire et républicain se referme. Mais il ne s'agit pas d'un retour à l'Ancien Régime : la société française est profondément transformée et la monarchie absolue ne sera jamais rétablie. Les réformes de 1789 et les « masses de granit » napoléoniennes vont structurer la société française pendant tout le XIXe siècle et, pour certaines d'entre elles, perdurer jusqu'à nos jours.