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1/40 03/02/20 Les musiques mixtes Les musiques électroacoustiques ne sont pas uniquement une affaire de technologie ou de machines. Elles bouleversent quasiment tous les fondamentaux de la musique instrumentale : l’écriture, la notation, l’interprétation, l’écoute et le matériau musical lui-même. Elles imposent de redéfinir le rôle du compositeur et par conséquence celui de l’interprète. L’organologie fait un bond énorme : l’instrument produit des sons, mais aussi des transformations du son ou parfois même, il participe à la génération de la structure de l’œuvre ! C’est sous cet angle du renouveau de l’organologie et du geste instrumental que les musiques mixtes et interactives seront observées dans cet article. La technologie change les outils, les outils deviennent instruments et influent sur le discours musical, sur la perception et la représentation des informations, remettant ainsi en cause des notions musicales fondamentales. Sommaire : A Introduction 2 B Historique de la musique mixte 3 C Définition de la musique mixte 10 D Les sousgenres ou variantes de la musique mixte 22 E Exemples 27 F Conclusion esthétique sur la mixité : opposition, juxtaposition ou dialogue ? 35

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Les  musiques  mixtes  Les musiques électroacoustiques ne sont pas uniquement une affaire de technologie ou de machines. Elles bouleversent quasiment tous les fondamentaux de la musique instrumentale : l’écriture, la notation, l’interprétation, l’écoute et le matériau musical lui-même. Elles imposent de redéfinir le rôle du compositeur et par conséquence celui de l’interprète. L’organologie fait un bond énorme : l’instrument produit des sons, mais aussi des transformations du son ou parfois même, il participe à la génération de la structure de l’œuvre ! C’est sous cet angle du renouveau de l’organologie et du geste instrumental que les musiques mixtes et interactives seront observées dans cet article. La technologie change les outils, les outils deviennent instruments et influent sur le discours musical, sur la perception et la représentation des informations, remettant ainsi en cause des notions musicales fondamentales.

Sommaire : A-­‐   Introduction   2  

B-­‐   Historique  de  la  musique  mixte   3  

C-­‐   Définition  de  la  musique  mixte   10  

D-­‐   Les  sous-­‐genres  ou  variantes  de  la  musique  mixte   22  

E-­‐   Exemples   27  

F-­‐   Conclusion  esthétique  sur  la  mixité  :  opposition,  juxtaposition  ou  dialogue  ?   35  

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A-­‐ Introduction  Les musiques électroacoustiques ne sont pas uniquement une affaire de technologie. Elles bouleversent quasiment tous les fondamentaux de la musique instrumentale : l’écriture, la notation, l’interprétation, l’écoute et le matériau musical lui-même. note ≠ son « l’art des bruits » s’oppose à la musique de notes abstrait ≠ concret règles ≠ empirisme

l’empirisme et le travail concret sur le matériau s’opposent aux règles de composition et au travail abstrait

interprétation ≠ fixation interprète ≠ pas d’interprète

la fixation définitive de l’œuvre sur un support par le compositeur lui-même élimine l’interprète (en tant que fabricant du son) et la prestation scénique et visuelle du concert

partition ≠ support absence de notation ou notation classique inadéquate

par voie de conséquence, la partition devient inutile ; elle est même souvent vécue comme une contrainte à la créativité, de par ses aspects réducteurs et simplificateurs l’écoute redevient prépondérante sur l’idée abstraite

Instrument ≠ machine la notion d’instrument laisse place à des outils ou des machines de studio le détournement de fonctionnalités et l’événement sonore unique et non reproductible renient des siècles de recherche en organologie et de pratiques musicales pérennes

discret ≠ continu grammaire différente logiques différentes

chute des barrières imposées par la partition ou l’instrument : découpage des hauteurs et des durées nouveaux procédés d’écriture : travail du timbre, de l’énergie, de la structure

temps réel ≠ temps différé de nouvelles relations temporelles apparaissent avec le travail en studio ou l’écoute de musiques sur support

Tableau 1 : musiques instrumentale et concrète : une somme de divergences fondamentales

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B-­‐ Historique  de  la  musique  mixte  

Version simplifiée Les premiers compositeurs de musique électroacoustique des studios de Paris et de Cologne ont d’abord travaillé sur des musiques fixées sur un support : le disque puis la bande magnétique. Un travail musical réalisé en studio à l’aide de machines (voir tableau 1). Très rapidement, ces nouvelles musiques ont été confrontées aux relations avec les instruments et la voix : soit comme source de matériaux sonores, soit comme objet d’imitation, soit comme objet de dialogue. La musique mixte est donc issue de la cohabitation entre une musique de support, la bande magnétique par exemple, et des interprètes présents sur scène. Depuis les années 1950, les expériences de musiques mixtes se multiplient et forment un répertoire d’une très grande richesse mettant en présence les instruments ou la voix, en soliste ou en ensemble, et les nombreux outils de la lutherie électronique ou informatique. Quelques repères historiques :

1913 : expériences des bruiteurs italiens, dans le cadre du mouvement Futuriste.

1930 : Rutman : WochEnde : probablement le premier Hörspiele, réalisé sur pellicule.

En 1948, Pierre Schaeffer se lance dans ses premières expériences de musique concrète au Studio d'Essai de Radio-Paris.

En 1953, Stockhausen réalise Studie, avec des générateurs de sons sinusoïdaux.

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Premières œuvres mixtes : 1924 : Utilisation ponctuelle de chants d’oiseaux enregistrés (sur disques en cire) dans le poème symphonique Pini di Roma de O. Respighi

1951 : Orphée 51 (soprano + bande magnétique), P. Schaeffer & P. Henry

1952 : Musica su due dimensioni (flûte + bande magnétique), B. Maderna

1954 : Déserts (orchestre + bande magnétique), E. Varèse

Quelques œuvres caractéristiques : 1954 : Rapsodic variations for tape recorder and orchestra, 0. Luening & W. Ussachevsky

1959 : Rimes (orch. + bande magnétique), H. Pousseur

1960 : Kontakte (piano, percussions + bande magnétique), K. Stockhausen

1962 : Tutti pour orchestre et bande magnétique, Ivo Malec

Egypte ô Egypte (21 inst. + bande magnétique), L. Ferrari

1964 : Violostries (vl. + bande magnétique), B. Parmegiani https://www.youtube.com/watch?v=XNwnAIwHglI

1965 : Laborintus II (récitant, ens. vocal, en. instr. + bande magnétique), L. Berio

1966 : Tombeau de J. Carillo (2 pianos en 1/4 de tons + bande magnétique), J.-E. Marie

Cantate pour elle (sop, hrp + bande magnétique), Ivo Malec https://www.youtube.com/watch?v=WxRDNJlFUPE

A floresta ejovem e cheja de vida (acteurs, sop, cl. + bande magnétique), L. Nono

1972 Korwar (clavecin + bande magnétique), F.-B. Mâche

1976 Sinus (4 solistes + bande magnétique), K. Stockhausen

...Sofferte, onde serene... (pno + bande magnétique), L. Nono

1977 Inner light (5 chanteurs, 12 instr. + bande magnétique), J. Harvey

Concerto pour un piano espace n°2 (pno + bande magnétique), M. Lévinas

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1979 Jour contre jour (14 instruments + bande magnétique), G. Grisey

1980 Soft morning, city ! (piano + bande magnétique), T. Machover

1982 Désintégrations (17 instruments + bande magnétique), T. Murail

1986 Attacca (percussions + bande magnétique), I. Malec

Jardin Secret II (clavecin + bande magnétique), K. Saariaho https://www.youtube.com/watch?v=pbchJdI713k

1991 Chant d'ailleurs (soprano + bande magnétique), A. Vinao

1992 L'oiseau-danse-la-pluie (piano + bande magnétique), J. Lejeune

Déclives (tuba, percussions + bande magnétique), L. Naôn

1993 Leone (opéra pour six chanteurs et bande magnétique), P. Mion

Tableau 2 : Encart historique : de « l’art des bruits » à la musique mixte…1

1 D’après : ROBERT Martial, Ivo malec et son studio instrumental, L'Harmattan, collection : Univers musical, 2005, page 155-158 et : http://www.elektrophonie.org/elektro2002/acousmatique.htm

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Une écoute

1964 : Violostries (vl. + bande magnétique), B. Parmegiani https://www.youtube.com/watch?v=XNwnAIwHglI

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Version plus détaillée

En 2012, le musicologue Jean-Christophe Branger a découvert une partition du poème symphonique Visions (1891) de Jules Massenet, comportant des portées destinées à être jouées par un Electrophone accompagnant un orchestre symphonique, ce qui pourrait en faire la première pièce mixte jamais écrite, près de soixante ans avant la naissance de la musique concrète ! Cette pièce n’avait jamais été jouée en concert avec ce dispositif, probablement en raison d’une trop forte instabilité du dispositif technique à l’époque. Une version mixte interactive de la pièce a été créée par l’orchestre symphonique Loire-Saint- Etienne le 4 décembre 2012 (réalisation L. Pottier).2

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525000830/f71.image.r=massenet%20visions

2 Laurent Pottier, « Les musiques mixtes temps réel : pour une interprétation du son électronique en concert », Soixante ans de musiques mixtes, Marc Battier - OMF MINT, Nov 2012, Paris, France. hal-01312708 "

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J'aurais tendance à penser qu'il s'agit simplement d'une tentative d'intégration d'un instrument électrique dans l'orchestre, donc d'une simple évolution de l'organologie. Exemple : Arthur Honegger, Darius Milhaud, André Jolivet, Olivier Messiaen ou encore Charles Koechlin ont écrit dans les années 1930 ou 40 des musiques pour ondes Martenot. Mais ces compositeurs ou ces compositions ne font pas partie des musiques mixtes. Je pense que la musique mixte ne peut exister qu'après 1948 ; après que Pierre Schaeffer ait mis en évidence l'existence de deux mondes sonores. Et que la musique mixte relève de l'intention de composer avec ces 2 mondes sonores.

Dans un article paru dans la revue Contrechamps3, Philippe Manoury résume la problématique fondamentale de ses travaux dans le domaine de la musique interactive par cette phrase : « intégrer dans un même discours, deux mondes qui, auparavant, communiquaient de façon plus parallèle que conjointe : la musique instrumentale et la musique électroacoustique ». La musique mixte est donc issue de la cohabitation entre une musique de support, la bande magnétique par exemple, et des interprètes présents sur scène. « La musique mixte naît véritablement en 1951, avec l’opéra concret Orphée de Pierre Schaeffer pour voix de femme et musique concrète sur support. Malgré l’aspect novateur de la confrontation entre deux mondes complètement différents, celui de la voix lyrique chantée en direct et celui de la musique concrète, l’assistance ne retient que la difficulté de faire accompagner une soprano par une musique de bruits. L’année suivante, la première version de Musica su due dimensioni de Bruno Maderna, œuvre pour flûte, piano et bande, est créée à Darmstadt par le flûtiste Severino Gazzeoni. Cette œuvre est révisée en 1958 pour flûte et bande et, cette fois, les deux éléments dialoguent. Elle fait entendre pour la première fois un instrument soliste alternant avec une musique préenregistrée. En 1954,

3 MANOURY Philippe, « La note et le son : carnet de bord », revue Contrechamps, n°11, p. 151, Paris, 1990

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Déserts d’Edgard Varèse4 explore la dimension orchestrale de ce dialogue, mais toujours en juxtaposant les sections dévolues à l’orchestre et celles réservées à l’électroacoustique. Jamais l’orchestre ne joue en même temps que la bande. Ces quelques exemples révèlent déjà la complexité d’un genre qui évoluera avec les progrès technologiques. »5 Depuis les années 1950, les expériences de musiques mixtes se multiplient et forment un répertoire d’une très grande richesse mettant en présence les instruments ou la voix, en soliste ou en ensemble, et les nombreux outils de la lutherie électronique ou informatique. Après s’être accaparé les outils et les techniques du studio, les compositeurs ont le souhait de ré-introduire la notion d’interprète, la notion de « performance scénique », la notion de risque et de magie liée à la fabrication en direct de la musique.

4 Pierre Boulez, Carter/Varèse, Sony, CD, SMK 68334, 1995 5 Source : BOSSIS Bruno, http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=26603&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

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C-­‐ Définition  de  la  musique  mixte  

Dans la littérature

Les musiques mixtes (selon CD-ROM du GRM6) MIXTE (musique) : œuvres qui superposent une ou plusieurs parties, instrumentales ou vocales, exécutées sur scène à une musique sur support. De même qu’il y a des concertos pour piano et orchestre, de même il existe des œuvres pour piano et bande magnétique – et il n’est pas rare qu’elles soient plus ou moins concertantes. […] elles explorent une problématique spécifique, celle de la confrontation d’un temps fixé et du jeu souple du musicien qui lui répond.

Les musiques mixtes (selon Bruno Giner7) MIXTE (musique) : Terme employé pour désigner une musique dont une partie est réalisée en studio, puis fixée sur un support, et dont l'autre partie est jouée en direct par un ou plusieurs instruments acoustiques. La notion de mixité découle du mélange, au sein d'une même œuvre, de sources sonores d'origines différentes.

Les musiques mixtes ou live (selon Pierre Couprié8) Il existe donc, dans cette catégorie, trois possibilités. II.3.1. Les musiques de type "instrument et bande" II.3.2. Les musiques avec transformations en direct II.3.3. La composition en direct 6 CD-ROM « La musique électroacoustique », INA-GRM, éd. Hyptique, 2000. 7 GINER Bruno, Aide-mémoire, exemples et définitions, MUSIQUE CONTEMPORAINE : le second vingtième siècle, éd. Durand, 2000 (nouvelle édition) 8 d’après Couprié Pierre, DEA de musicologie sous la direction de Jean-Yves Bosseur : La terminologie du genre électroacoustique, Université de Paris-Sorbonne, 1998

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Figure 2 : classification (selon P. Couprié) de type « arbre généalogique ». P. Couprié introduit ici la notion de parenté (esthétique ou technologique)

ainsi qu’une organisation temporelle chronologique

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ROBERT Martial, Ivo malec et son studio instrumental, L'Harmattan, collection : Univers musical, 2005.

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Une situation complexe Lire les pages 1 et 2 de :

Les musiques mixtes temps réel : pour une interprétation du son électronique en concert Laurent Pottier https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01312708/document

Les musiques mixtes ou live (selon B. Merlier) Remarques : - les définitions précédentes parlent d’instruments ou de dispositifs, de matériaux sonores, de relations temporelles… - elles mélangent les aspects poïétiques et perceptifs (la cause et l’effet) ! « comment le son est fabriqué » et « ce que l’auditeur entend ». Il n’est jamais dit – mais il semble évident – que musique électroacoustique s’oppose à musique instrumentale. Or, en musique instrumentale, le terme instrumental désigne manifestement la cause (et non pas l’effet perçu). Alors, qu’en musique électroacoustique, comme on ne sait pas toujours bien comment les sons sont fabriqués, électroacoustique me semble plutôt désigner l’effet perçu. Alors, dans quelle catégorie place-t-on un joueur d’échantillonneur (ou même un guitariste électrique). saxo + guit. electrique : on parlera d’un duo instrumental toute la musique se fabrique en temps réel saxo + échantillonneur : duo instrumental ? (car il y a 2

interprètes) toute la musique se fabrique en temps réel

saxo + bande : musique mixte l’électroacoustique a été conçue en studio =

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temps différé saxo + échantillonneur avec beaucoup de RAM et jouant exactement ce qui se trouve sur la bande :

- pour l’écoute : c’est mixte - pour la vue ou l’aspect poïétique : c’est aussi un duo instrumental

idem (temps différé), mais elle est déclenchée en direct par un instrumentiste

échantillonneur solo jouant des « morceaux de sons » (samples) pré-enregistrés

idem idem

guitariste (jouant Marcel Dadi) avec 3 pédales d’effet…

instrumentiste qui gagne sa croûte dans les couloirs du métro

guitariste (jouant du Stockhausen) avec 3 pédales d’effet…

live electronic music (musique mixte)

le même guitariste se produit le soir dans les milieux « branchés »

un groupe de jazz (cb, batt, g.e., saxo, sampler)

quintette de jazz électro-jazz

Que ressort-il de ce tableau ? La définition de musique mixte doit aussi prendre en compte le contexte musical : - musique populaire ou musique classique On ne peut pas se baser uniquement sur la perception ; On ne peut pas se baser uniquement sur l’instrument (ou l’absence d’instrument) On ne peut pas se baser uniquement sur le temps différé - le temps réel Il semblerait que les musiques populaires aient digérées sans problème la question de l’électroacoustique, alors que les musiques savantes en font une rubrique à part.

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Proposition de B. Merlier La définition usuelle est : dialogue entre un instrument acoustique et un support électroacoustique (musique pour instrument et bande) Elle ne recouvre pas toutes les situations. Il faut prendre en compte la production et la perception. émetteur -> musique électroacoustique -> récepteur Il faut ajouter : mélange de son acoustique et de son électroacoustique. BM propose aussi : usage simultané d’un (ou plusieurs) instruments de musique et d’une machine ou bien utilisation d’une machine (temps différée) dans un contexte temps réel Il faut aussi distinguer si le contexte est purement technologique ou esthétique ; s’il y a une “intention de faire de la musique mixte ou pas”

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Critères Termes à définir

Date Lieu Inventeur Définition Caractéristiques Usage Temporalité Production ≭ reproduction instrument ≭ machine

Musique mixte imprécis 1 exemple fin XIXe s.

monde multiple complexe

instrument + machine ? × produire du son acoustique + du son électroacoustique × entendre du son acoustique + son électroacoustique

<- organologique <- poïétique <- perceptif

technologique ou esthétique, selon les cas ou les auteurs

souvent : mélange de temps différé + temps réel

souvent : son produit + son reproduit

Musique pour instrument et bande magnétique (puis CD, puis ordi)

à partir de 1951 1952 1954

monde multiple Respighi Maderna Varèse

Au départ (avant 1965), la musique mixte était uniquement : instrument + musique de support

sous rubrique de mixte l’écoute ne change pas ; le mode de production diffère

technologique ou esthétique, selon les cas ou les auteurs

mélange de temps différé + temps réel

son produit + son reproduit ère du magnétophone

Live electronic Music

> 1965 ? monde Stockhausen

Après 1965, la technologie permet de faire du direct. musique mixte ou musique électroacoustique totalement en direct

sous rubrique de mixte (suite) l’écoute ne change pas ; le mode de production diffère

prouesse technologique (mais souvent d’une esthétique particulière)

tout en temps réel

tout produit ère de la machine d’effet

Musique interactive

> 1978 uniquement centres de recherche prestigieux

USA puis IRCAM au début des années 1980

Après 1978, la technologie permet de donner un peu d’intelligence à l’ordinateur le suiveur de partition simule un duo entre l’humain et l’ordinateur (machine)

sous rubrique de mixte (suite et fin?) l’écoute ne change pas ; le mode de production diffère

temps réel tout produit ère de l’ordinateur

Instrument augmenté Musique électroacoustique pilotée par des capteurs

> 1990 monde multiple Dans les années 1990-95, la technologie offre de nombreux capteurs gestuels, donc une nouvelle approche : inventer de nouveaux instruments de musique

Hypothèse de BM : donner aux machines le statut d’instrument

organologie électronique ou informatique

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Les musiques mixtes dans lʼordre chronologique Il faut relier certaines sous catégories à la dimension : histoire de la technologie L’ambiguïté ci-dessous (instruments électroniques / en bleu) est levée si l’on utilise les critères : machine ≠ instrument et musique mixte = instrument + machine. invention technologique : électricité et électronique dates : fin du XIXe s à nos jours  invention d’instruments électroniques ou de l’amplification (organologie) Ils ne sont pas mixtes, puisque purement électriques ; ce sont des instruments En revanche, leur usage au sein d’un ensemble peut être mixte ; mais dans ce cas, il n’y a pas d’intention esthétique ou mixte.

invention technologique : enregistrement audio dates : fin du XIXe s à nos joursMusique mixte = Musique pour instrument et musique enregistrée (disque, bande magnétique, puis CD, puis ordi) (pratique musicale) (nouvelle esthétique ?)

invention technologique : amplification, synthétiseurs, machines d’effet dates : années 1965 à nos jours Live electronic Music (pratique musicale touchant à l’interprétation et à la composition) (nouvelle esthétique ?)

progression exponentielle = de plus en plus rapide

invention technologique : ordinateur, informatique musicale dates : années 1980 à nos jours (MAO) Musique interactive (pratique musicale touchant à la composition) (nouvelle esthétique ?)

invention : ordinateur rapides + capteurs pas chers et performants dates : années 1995 à nos jours instruments augmentés (nouveaux instruments) méta instruments, hyper instruments (nouvelle esthétique !)

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Analyse 1) L’invention de nouveaux instruments de musique à la fin du XIXe siècle respecte le répertoire musical en vigueur et l’usage de la partition comme vecteur de transmission. Ce respect garantit le succès des instruments et leur insertion dans le paysage musical. Donc pas de nouveauté en matière d’interprétation ou de composition. (hormis le thérémin). Pas ou peu de nouveauté en ce qui concerne le répertoire. La partition reste en usage. 2) L’enregistrement est utilisé pour inventer une nouvelle forme de musique réalisée à partir de collages, de manipulations du support ou de la matière sonore, réalisée directement par le compositeur. Donc plus d’interprète et composition par collage. Plus d’instrument, plus de partition. Répertoire totalement neuf, inouï. Une éventuelle partition peut être réalisée par un musicologue a postériori de l’œuvre, donc une partition descriptive (et non plus prescriptive). 3) Musique mixte de type instrument + musique enregistrée (instrument + machine / son produit + son reproduit) L’interprète joue à peu près comme d’habitude = pas ou peu de changement. Hormis la contrainte temporelle liée au déroulement fixe du support. La façon de composer est duale : partition + manipulations en studio. Problème de partition pour l’électroacoustique, mais on peut dessiner ce qui se trouve sur le support. La partition se trouve alors être prescriptive (pour l’interprète) et descriptive (pour l’électroacoustique). Le discours musical se renouvelle. Le compositeur demande à l’interprète d’explorer de nouveaux modes de jeux. Remarque : ce dispositif (instrument + bande) est utilisé dans tous les studios d’enregistrement de musique populaire. Remarque : ce dispositif est aussi utilisé dans les orgues électroniques avec accompagnement automatique. Banalité : en musique savante, un tel dispositif ne permet pas de jouer Bach, Mozart ou les Beatles. Donc nouveau répertoire. 4) Musique mixte de type instrument(s) + dispositif en direct / live electronic music (instrument + machine, mais son produit + son produit) L’interprète joue à peu près comme d’habitude = pas ou peu de changement. Plus de contrainte temporelle liée au support. Sauf que très souvent, il doit régler et manipuler le dispositif en direct. La façon de composer est duale : partition + manipulations en direct. Problème de partition pour l’électroacoustique : il faut noter une sorte de tablature des gestes de manipulation des machines. La partition redevient prescriptive (pour l’interprète) et prescriptive (pour l’électroacoustique). Le discours musical se renouvelle. Le compositeur demande à l’interprète d’explorer de nouveaux modes de jeux et de faire des tâches supplémentaires para-instrumentales. 5) Musique mixte de type instrument(s) + ordinateur en direct / musique interactive (instrument + machine, mais son produit + son produit)

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L’interprète joue à peu près comme d’habitude = pas ou peu de changement. L’ordinateur est censé rendre la production de la partie électroacoustique autonome et assure une synchronisation instrument-machine fluide. Plus de contrainte temporelle de synchronisation, plus de manipulations paramusicales durant le concert. L’ordinateur est censé se comporter comme un interprète autonome et intelligent. La façon de composer est « triale » : partition + description de la partie électro + programme informatique “comportemental”. La partition se trouve alors être prescriptive (pour l’interprète), descriptive (pour l’électroacoustique) et prescriptive (pour la programmation informatique).Mais la programmation informatique sort totalement du champ musical. Le discours musical se renouvelle. Le compositeur demande à l’interprète d’explorer de nouveaux modes de jeux et de faire des tâches supplémentaires para-instrumentales. Parallèlement à la musique savante, on voit apparaître des variantes de ces dispositifs à usage grand public, notamment pour l’apprentissage de la musique. 6) Intermède sur la MAO Musique Assistée par Ordinateur Cette pratique grand public utilise les mêmes outils (ou des versions simplifiées) que les deux rubriques ci-dessus (instrument + support ou instrument + ordinateur). Le séquenceur MIDI ou audionumérique répond au même paradigme que celui du magnétophone : fixation de la musique sur un support. En MIDI, c’est le geste instrumental qui est fixé sur le support (avant la production sonore). Ce procédé rend le geste indépendant de la production du son. En audio, la similitude avec le magnétophone est flagrante. Les outils sont conçus (bridés) pour s’adapter aux musiques populaires ou aux musiques savantes instrumentales les plus classiques. Il n’y a aucune intention (aucune facilité offerte) de renouveler le langage musical. 7) Etat des lieux en 2019 Les expériences 3, 4, 5 sont lourdes, contraignantes. Les progrès sont peu rapides. En mixte 3 (instrument + support), la contrainte temporelle est inhérente au procédé et elle bride la liberté d’interprétation. Le logiciel Live Ableton offre une parade / un subterfuge efficace : découper les enregistrements en petites tranches (clips) et les déclencher à volonté de façon très souple. Il est possible d’étirer les clips, de les boucler, de les enchainer, de les synchroniser, de les faire se tuiler… L’enregistrement a fait prendre conscience du principe de continuité de la matière sonore. En écoutant le son enregistré, Pierre Schaeffer comprend que le son est un événement temporel. A l’opposé des abstractions discrètes (discontinues) de la musique instrumentale, la musique concrète est un art de composer avec des événements vivants ou avec des matériaux continus. Live Ableton réintroduit de façon fort judicieuse une dose de discontinuité ou de segmentation facilitant la préhension et la manipulation des objets sonores. C’est une synthèse assez harmonieuse des deux mondes : instrumental et électroacoustique de support.

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Le mixte 4 (instrument + dispositif) reste compliqué à mettre en œuvre, parce qu’une machine à son ne possède pas l’ergonomie et la convivialité d’un instrument de musique. Des pratiques grand public apparaissent tout de même par l’usage de pédales multieffets : looper, harmoniser… Le cout est raisonnable et l’ergonomie permet aux interprètes de se débrouiller seul sur scène. Max/MSP ou Pure Data permettent aux compositeurs-aventuriers d’expérimenter par eux-mêmes. PSoft est un logiciel fermé simulant le fonctionnement de la Lexicon XXX, célèbre machine d’effet des années 1980. Alexander Mihalic est soucieux de la pérennité Le mixte 5 (instrument + ordinateur intelligent) reste à ce jour dans les laboratoires de recherche. Certains compositeurs s’y essaient par le biais de résidences de création dans des centres de recherche en informatique musicale. La définition de musique mixte est un sujet complexe. De nombreux musicologues se servent de ce terme pour asseoir le genre esthétique auquel ils appartiennent (GRM ou IRCAM), donc faire passer des idées non neutres. Il y a aussi un gros enjeu : qui a inventé la musique mixte ? Quelle date ?

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D-­‐ Les  sous-­‐genres  ou  variantes  de  la  musique  mixte  

1) Les musiques de type "instrument et bande" Dans les œuvres pour instrument(s) et bande(s), la musique composée dans le studio et inscrite sur la bande est diffusée sans qu’il y ait possibilité d’intervenir sur le déroulement temporel. Le musicien doit donc suivre la bande. C’est un jeu difficile pour l’instrumentiste, mais c’est une technique très souvent employée car très sûre. Toutefois, une deuxième possibilité est aussi assez couramment employée depuis quelques années grâce aux progrès du stockage numérique des sons : c’est le jeu en direct des sons à diffuser. Un musicien "joue la partie de la bande" le plus souvent sur un clavier relié à un échantillonneur ou à un système informatique. Cette pratique permet au(x) musicien(s) acoustique(s) de dialoguer avec un véritable autre musicien pouvant réagir sur le déroulement du temps en fonction de son jeu. Cette pratique est couramment employée dans les concerts de l'Ensemble Intercontemporain et de l'I.R.C.A.M. lorsqu'il y a plusieurs musiciens acoustiques sur scène. Le musicien qui réalise la partie de clavier servant à déclencher des sons suit le chef d'orchestre ou les autres musiciens. (Couprié)

2) Les musiques avec transformations en direct Le ou les instrumentistes jouent et leur son est capté puis transformé et rediffusé en temps réel ou différé dans la salle. À l'heure actuelle, bien souvent les compositeurs emploient soit des systèmes simples (boites d’effets), soit des systèmes complexes réservés à un petit nombre ayant accès à des équipements informatiques sophistiqués. Nous avons aussi trouvé le terme "musique interactives". Pour qu'il y ait interactivité entre un musicien et un système de production sonore (informatique) il doit y avoir un véritable échange entre les deux. Le musicien envoie ses instructions au système, ce dernier réagit en fonction d'un jeu programmé et/ou aléatoire. L'interactivité réside aussi dans le fait que le système peut prendre des initiatives (de types aléatoires) et ainsi contraindre le musicien à le suivre.

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3) La musique électroacoustique en direct, live electronic music (dʼaprès B. Giner9) instrument(s) acoustique(s) + un dispositif électronique Dès les années 1970, la technologie permet de manipuler et transformer le son en temps réel et non plus par des manipulations temps différé en studio. Des machines d’effet, échantillonneurs et synthétiseurs peuvent être facilement actionnés par des instrumentistes et mélangés toujours en temps réel à d'autres sources sonores (bande magnétique, instruments, voix ... ). instrument(s) acoustique(s) + un dispositif électronique alternance de sons de synthèse et de sons directs amplifiés ou retravaillés au moment de l’exécution. Musique électroacoustique jouée par des musiciens sur scène, qui improvisent ou interprètent des œuvres écrites, avec des synthétiseurs, des systèmes d’amplification, des échantillonneurs, des magnétophones, des tourne-disques, etc. Pour cette raison, cette musique est aussi appelée musique électro-instrumentale. Le son des instruments acoustiques est d'ailleurs parfois capté par des microphones et traité en temps réel au moyen de divers processeurs. Ces musiques tentent ainsi de recréer, par le geste et la personnalité des interprètes, la spontanéité du concert instrumental. Elles tentent aussi d’introduire lors du concert des sons électroacoustiques générés en direct à la différence des musiques sur bande fabriquées en temps différé en studio Travail en direct sur le timbre ou la structure notion de temps réel Aujourd'hui on ne parle plus de Live electronic mais de musique interactive, jeu de temps réel entre un musicien et un dispositif informatique ou un système MIDI.

9 GINER Bruno, Aide-mémoire, exemples et définitions, MUSIQUE CONTEMPORAINE : le second vingtième siècle, éd. Durand, 2000 (nouvelle édition)

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Quelques œuvres avec transformations par dispositif électronique en direct 1966 Solo (un instrument + dispositif), K. Stockhausen

1968 Entretiens solitaires (récitants, ens. inst., bande magn. + dispositif), W. Kaegi

1970 Concerto Milieu – Divin (orch + dispositif), J.-E. Marie

1973 « N » (flûte + dispositif). P. Méfano

Prolifération III (cl., ctb., 8 inst. + 2 dispositifs), F. Vandenbogaerde

1974 Chroma (orgue, orch. + dispositif), Y. Hôller

1978 Violin control (violon + dispositif), T. Kessler

Treize couleurs du soleil couchant (5 inst. + dispositif), T. Murail

1983 Olos (sax. ténor + dispositif), M. Decoust

1984 Wildiife (ens. inst. + dispositif), N. Osborne

Fragments (2 hrp., sax. + dispositif), A. Bon

1985 Exultitudes (sax. basse + dispositif), G. Racot

1986 Madona of winter and spring (orch. + dispositif), J. Harvey

1987 Caminantes Ayacucho (contralto, fl. basse, orch., chœur + dispositif), L. Nono

Nymphea (quatuor à cordes + dispositif), K. Saariaho

La complainte du Bossué (Contrebasse + dispositif), A. Savouret

1988 Répons (ens.instr. + dispositif) P. Boulez

1989 La partition du ciel et de l’enfer (fl., 2 pnos MIDI, orch. + disp), P. Manoury

1990 Perseo e Andromeda (voix, bande magn. + dispositif), S. Sciarino

1992 Lichtung (7 instr + dispositif), E. Nunez

Saxo Sonnerie (sax., bande magnétique + dispositif), S. de Laubier

Syrcus (percussion + dispositif), D. Teruggi

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1993 Rhizomes (2 pianos, 2 perc. + dispositif), M. Jarrell

1994 Points vacillants (tuba + dispositif), J.-L. Agobet

1995 Cristal sur bruit (guitare MIDI + dispositif), F. Faber

Mettalics (Trompette + dispositif), Y. Maresz

1997 Anthèmes 2 (violon + dispositif), P. Boulez

4) La musique interactive Dialogue entre un (des) instrumentiste(s) et un dispositif électroacoustique piloté par ordinateur. Il se pose donc le problème du dialogue homme-machine, de la relation temporelle entre l’homme et l’ordinateur. On a en général recours à un logiciel de suivi de partition = l’ordinateur « espionne » ce que fait l’instrumentiste. En ce qui concerne le suivi de la partition, trois possibilités sont offertes au compositeur : a) un technicien derrière l'écran de l'ordinateur ou des modules d'effets déclenche les programmes de transformations en suivant le musicien, b) le musicien déclenche lui-même les programmes d'effets à l'aide d'un système MIDI(20). Il agit à l'aide d'interfaces MIDI simples (pédales, "joystick", etc.) ou complexes (instruments MIDI ou "MIDIfiés"), c) Un système de suivi audio du jeu de l'instrumentiste est utilisé. Il doit pouvoir reconnaître n'importe quel élément (suite de hauteurs, dynamiques, densité des événements, etc.) pouvant servir de "balise" à l'ordinateur afin que celui-ci déclenche seul les programmes. Souvent un technicien suit la partition et se tient près à intervenir si l'informatique se perd. Cette technique est d'un emploi assez rare car elle est très peu sûr et très complexe à mettre en œuvre.

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Les principes

Les outils : Max/MSP

Pascal : Chant dʼAubes (musique interactive)

Risset : Duo pour un pianiste (musique interactive)

Merlier : « Les couleurs du vent » (musique interactive ?)

Au delà de la musique interactive

5) La composition en direct Les différentes parties de l’œuvre sont stockées sur un support (sons analogique ou numérique, fichiers M.I.D.I., fichiers informatiques, etc.), produites par jeu (sur un clavier M.I.D.I., sur un fichier informatique, par la manipulation de bande magnétique, sur des ondes captées en direct, sur des effets de larsen et feedback, etc.) puis assemblées par mixages et/ou montages au moment du concert en temps réel ou différé. Ces techniques ont été très employées par de nombreux ensembles d'improvisation électroacoustique depuis Cage ou Stockhausen jusqu'à aujourd'hui.

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E-­‐ Exemples   Voir Agrèg. /VI-InstrBande

Passages, de Jean-Claude Risset Pièce mixte pour flûte et bande synthétisée par ordinateur Commande du Laboratoire d’informatique musicale de la biennale de Venise, à l’occasion des ICMC de Venise, 1982. Durée : 13’57 Editeur : Salabert & CD Wergo (1988 : réf 2013-50)

Le Dialogue de lʼombre double (1985), de Pierre Boulez De très nombreuses pièces favorisent le rapprochement entre la bande et l’interprétation en direct par un partage de sonorités identiques. Souvent, les instruments ou la voix présents sur scène ont d’abord enregistré le matériau nécessaire à l’élaboration de la bande. En 1978 York Höller prépare la bande de Arcus - pour 17 instruments et bande10. Il fait enregistrer 41 fragments musicaux par les interprètes de l’Ensemble Intercontemporain qui doivent créer l’œuvre. Il est aisé de citer quelques pièces utilisant un procédé similaire : Archipelago pour orchestre et bande11 de Roger Reynolds en 1983, Aulodie12 pour hautbois ou saxophone soprano ou clarinette en mib et bande de François-Bernard Mâche la même année, Voilements13 pour saxophone et bande de Jean-Claude Risset en 1987, La lontananza nostalgica utopica futura14 pour violon solo et huit bandes magnétiques de Luigi Nono en 1988. 10 Arcus, York Höller, Erato, ERA 2292-45409-2, 1984 11 Arnaud Petit et al. / Création Ircam : Les Années 80, Ircam, épuisé 12 F.-B. Mâche, Erato MFA, 2292-45826-2, 1993 13 Sax-computer, MFA, INA C 2000, 1990 14 Nono, La lontananza nostalgica utopica futura, Montaigne, 782004, 1992

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Figure 1 : Extrait de la partition de Pierre Boulez :

« le dialogue de l’ombre double »

Système 1 : clarinette réelle ; systèmes 2 et 3 : clarinette double (enregistrée) assortie des indications de mise en espace.

La superposition ne dure pas plus d’une mesure.

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Pierre Boulez poussera ce choix encore plus loin avec le dialogue de l’ombre double (1985). Il juxtapose la clarinette jouée en directe avec cette même clarinette enregistrée au préalable par l’instrumentiste lui-même. Les deux parties (temps réel et temps différé) sont écrites de façon traditionnelle ; le langage post-sériel n’a rien à voir avec le langage électroacoustique. La partie enregistrée ne subit aucune transformation hormis sa spatialisation en direct sur 6 haut-parleurs. Le choix de timbres issus de la même source est la garantie d’une certaine cohérence : cohérence perceptive pour l’auditeur, mais aussi cohérence esthétique pour le compositeur. Ce choix est assez typique de l’école française, issue de la musique concrète, habituée de faire naître le discours à partir du matériau. Dans d’autres pays, les compositeurs explorent d’autres voies, ayant recours aux synthétiseurs ou à l’usage de machines de transformation sur scène. Les progrès de la lutherie électronique (dans les années 70), puis informatique (dans les années 80) vont signer la disparition de la bande magnétique au profit de supports permettant des manipulations plus souples ou plus rapides. Vers la fin des années 80, l’arrivée des échantillonneurs résout le problème de la fixité temporelle.

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M42, de Bertrand Merlier Pièce pour violoncelle et bande magnétique, écrite en 1991

a) Biographie Etudes scientifiques (docteur-ingénieur en électronique INPG) et musicales (composition électroacoustique avec Denis Dufour au CRR de Lyon). Travaille au GRAME, IRCAM, ACROE… entre 1980 et 1993

b) Description – Première écoute durée : 13’57 (en 2 mouvements) travail du timbre et des modes de jeux instrumentaux interactions entre le soliste et la bande : imitations (timbres et morphologie) recherche de fusion allant jusqu’à l’ambiguïté, travail foisonnant sur le timbre

c) La partition Le temps est noté de façon en notation proportionnelle. La partition comporte une « ligne temporelle » (en temps absolu) qui correspond au défilement fixe de la bande et des sons électroacoustiques. L’instrumentiste dispose de repères temporels « évidents », repérables au chronomètre, mais aussi à l’oreille. Repères flous et distants : tentative de rendre une certaine liberté à l’instrumentiste.

d) La réalisation technique La bande a été réalisée au GRM (transformations du son avec SYTER) et mixée au GRAME. M42 n’utilise que des sons de violoncelle.

e) Relation entre lʼinstrument et lʼordinateur La relation entre l’instrument et l’ordinateur est plutôt de type musique de chambre (et non pas concerto avec flûte soliste). ou même plutôt « instrument prolongé »

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Le titre « nébuleuse M42 » se réfère à la forme globale et au micro événements de timbre de l’œuvre, aux divers « univers sonores » créés par les transformations. - travail sur les hauteurs assez réduit et au second plan ; - travail sur le timbre (dans la bande) et sur les modes de jeu instrumentaux ; - travail sur la morphologie et les nuances ; D’une certaine façon, M42 est une expérience d’identité. Le violoncelle imite la bande ; la bande imite le violoncelle ;

g) Analyse de la partition

La composition Exploration systématique du son

Prise de son en studiodu genre "impro"

Matériaux sonores Bande

transformations composition

Écriture instrumentale

imitations

partition

calage temporel

Les transformations sont faites avec SYTER. Transformations qui n’existent que sur cette machine. Temps différé en studio = sophistication

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La prise de son est considérée comme un germe = source d’inspiration = matériau qui est développé = transformé et utilisé pour l’écriture. La bande est fabriquée en premier (en studio), puis la partie instrumentale.

L’écriture y-a-t-il une mélodie ? oui, mais pas mélodie de notes mélodie de timbres y-a-t-il un usage de l’harmonie ? non y-a-t-il polyphonie ? parfois oui, parfois non parfois 2 voies, parfois instrument augmenté Il s’agit d’une étude de timbres et étude d’énergie ou de morphologie : Ostinato persistant du Sol III (corde à vide) + glissendi, bariolages, modes de jeu - peu de hauteurs notées, - courbes, - beaucoup d’indications de mode de jeux - pas mal de nuances Volonté évidente d’imitation / d’ambiguité sur les hauteurs, les timbres, la morphologie

La métamorphose timbrale Les transformations électroacoustiques créent du timbre à partir du timbre. A B B’ B” etc. C D

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L’idée n’est pas neuve, mais elle est ici appliquée exclusivement au timbre. En musique instr., le timbre repose sur la mélodie ou l’harmonie. Ici, le timbre est seul ou repose sur l’énergie. L’orchestration est une addition de timbres En électroacoustique, transformations complexes, transmutations plusieurs niveaux successifs de transformation On peut facilement perdre le lien avec l’original. Mon idée était de plus : générer l’écriture instrumentale à partir du timbre. (écriture) transformations jeu instrum. timbre de timbre écriture

Une relation temporelle astucieuse… J’ai voulu éviter : « La bande tourne et le musicien suit… » Pas de tempo, notation proportionnelle en minutes-secondes. Pas ou peu d’indication de synchronisation verticale : bande – instrument. Le musicien a une large marge d’interprétation (surtout temporelle). a) le flou temporel est possible (et même difficile à repérer…) b) l’écriture en imitation est une sorte de « chausson » pour l’instrumentiste : cela de cale assez facilement.

Problème de notation Notation descriptive de la bande : dessins, courbes, texte

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Partition prescriptive pour l’instrumentiste Noter le geste, noter le résultat sonore entendu (à entendre)

Le rôle musical de la bande La bande joue un rôle d’accompagnateur ou d’orchestre ? mélange intime des matériaux rôle de soliste de l’instr

h) Conclusion Travail du timbre et des modes de jeu instrumentaux à la façon « musique concrète ». Une maîtrise du timbre à l’opposé de Risset : Travail purement intuitif et empirique L’écriture instrumentale fluctue au gré des événements de la bande. Une maîtrise raffinée du timbre. De nombreux procédés d’écriture du timbre : glissandi de hauteurs batteries, vibrato, trilles travail sur l’archet, l’attaque, le tenu des sons

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F-­‐ Conclusion  esthétique  sur  la  mixité  :  opposition,  juxtaposition  ou  dialogue  ?  Les relations entre le matériau électroacoustique et le jeu instrumental en direct peuvent être de nature très diverses : dialogue, duo intime, alternance, juxtaposition, imitation, accompagnement ou… conflit. En efft, les débuts de ces relations ont été relativement délicats : Varèse évite le dialogue et préfère la juxtaposition. La partition de Déserts est composée en 1950-1952 alors que la bande magnétique est réalisée en 1953-1954. Pendant le concert, l’électroacoustique n’intervient que lorsque l’orchestre se tait. Dans son ouvrage Ivo malec et son studio instrumental15, Martial Robert décrit les difficultés qu’ont les compositeurs du GRM au début des années 60 afin de trouver le dialogue juste entre instruments et haut-parleurs. De nombreux compositeurs sont insatisfaits, de nombreuses œuvres sont révisées, voire abandonnées. La cohabitation entre sons réels et artificiels, entre instrument et dispositif électroacoustique, entre liberté d’expression et sons fixés, entre élasticité temporelle et fixité temporelle questionne et pose problèmes. Ces différences fondamentales avec les duos de chambre ou des concertos traditionnels gênent bon nombre de compositeurs à la recherche d’une fusion des deux éléments. Et d’une synchronicité temporelle. 15 op. cit. pages 155-158.

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Conclusion : musiques mixtes, musiques interactives Dans un article paru dans la revue Contrechamps (« la note et le son : carnet de bord », n°11, p. 151, Paris, 1990), Philippe Manoury résume la problématique fondamentale de ses travaux dans le domaine de la musique interactive par cette phrase : « intégrer dans un même discours, deux mondes qui, auparavant, communiquaient de façon plus parallèle que conjointe : la musique instrumentale et la musique électroacoustique ».

note ≠ son absence de notation ou notation inadéquate nouvelles relations temporelles : temps réel ≠ temps différé instrument ≠ outil (logiciel ou magnéto) interprète ≠ pas d’interprète introduction de la technologie nouveaux procédés d’écriture / complexification de l’écriture discret ≠ continu travail du timbre de la structure grammaire différente logiques différentes

a) Travail sur le timbre ; musique de notes ≠ musique de sons Dans les siècles passés, le timbre était un paramètre du son négligé, car il appartenait au domaine de la lutherie et non pas à celui de l’interprétation. Jusqu’au milieu du XVIIIe s., la plupart des partitions n’ont pas d’indication de nuances, de timbre, ni même d’orchestration ! Vers 1750, sous l'impulsion de Johann Stamitz à la cour de Mannheim, l'orchestration tend à devenir un critère important de la composition pour orchestre. [= rôle accru des timbres (collectifs et/ou individuels), apparition des nuances…]

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1843 : Traité d’orchestration de Berlioz Debussy Fin XIXe s et XXe s, travail du timbre dans l’écriture instrumentale. klangfarben melodie : concept défini par Schönberg en 1911 dans son traité d’harmonie. 1909 : 5 pièces pour orchestre op. 16 un seul accord de 5 sons est répété en variant constamment l’orchestration. Seconde moitié du XXe s., les procédés électroacoustiques offrent des possibilités infinies de travail du timbre Le timbre entre pleinement dans la composition.

b) Introduction de la technologie du XXe s. dans la musique D’abord, en studio et en temps différé dans les années 1950 musique concrète on parle de transformation du son musique electroac Puis, en direct dans les années 70-80 live electronic introduction de machines : synthétiseurs, échantillonneurs, machines d’effet… introduction d’ordinateurs on parle de lutherie électronique ou de lutherie informatique La lutherie est un travail « temps différé » et préalable à la composition ou à l’interprétation.

c) Vers de nouveaux instruments… Le travail du timbre est complexe et long à mettre en œuvre. La connexion de capteurs de toutes sortes sur les ordinateurs permet de fabriquer de nouveaux instruments de musique qui exploitent ainsi les nouvelles possibilité de travail du timbre : à la façon d’un interprète. data glove, EEG, Eyecon...

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d) Temps réel – Temps différé

En musique instrumentale, Le temps différé, c’est le temps de l’écriture et de la partition Le temps réel, c’est le temps de l’interprétation.

En musique électroacoustique de studio, Le temps différé, c’est le temps de la prise de sons et des manipulations = de l’écriture. La fixation sur un support anile le temps réel et les risques liés à l’interprétation. Premier bouleversement.

En musique électroacoustique mixte ou live, Mélange antinomique des deux temps Contraintes : - soit l’instrumentiste subit des contraintes temporelles au profit de la bande - soit l’écriture électroacoustique subit des contraintes à cause du temps réel.

En musique interactive, L’ordinateur offre une puissance et une rapidité de calcul qui va encore bouleverser cette distinction. Il devient possible de condenser le temps de l’écriture (élaboration des idées musicales, calcul des notes ou des sons, transformations des notes ou des sons…) en une durée infinitésimale : inférieure à la milliseconde, donc négligeable à l’échelle du temps de l’interprétation. Le résultat doit être produit dans le temps de l’interprétation En fait, c’est l’ordinateur qui fait prendre conscience des notions de temps réel et de temps différé. Les nouveaux outils informatiques doivent permettre de renouveler le langage ou les pratiques musicales, tout en préservant la liberté de l’interprète, tout spécifiquement, la liberté temporelle.

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h) Pérennité des œuvres Les œuvres se trouvent étroitement liées à la technologie : logiciels, matériels… Malheureusement, notre société occidentale devient un monde du jetable : kleenex, rasoir jetable…

j) Problème de partition difficile de réaliser et de vendre des partitions autonomes. - partition + bande nécessité d’ajouter un CD - musique interactive partition + logiciel informatique + assistant !

k) nouvelles relations humaines compositeur – interprète – programmeur informatique – technicien

k) Relations avec le public - incompréhension du langage - absence totale de démarche pédagogique - élitisme (ou parisianisme) latent ; - concurrence déloyale : Boulez <-> Star Ac - système de commande d’état et de prime à la création SACEM qui rémunèrent et valorisent outre mesure les créations au détriment de la constitution d’un répertoire.

Page 40: Lesmusiquesmixtes$ - Freentemusique.free.fr/agregation/LesMusiquesMixtes.pdf7 GINER Bruno, Aide-mémoire, exemples et définitions, MUSIQUE CONTEMPORAINE : le second vingtième siècle,

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6) Exemples sonores LANDOWSKI Marcel, Concerto pour ondes Martenot, 1954. STOCKHAUSEN Karlheinz, Kontakte, pour piano, percussion et bande magnétique, 1960. https://www.youtube.com/watch?v=yk_tsjYY_xM STOCKHAUSEN Karlheinz, Microphonie I, pour tam et dispositif d’amplification, 1964. STOCKHAUSEN Karlheinz, Solo, pour flûte et réinjection sur bande magnétique, 1966. RISSET Jean-Claude, Passages, pour flûte et bande synthétisée par ordinateur, 1982. HARVEY Jonathan, Bhakti, œuvre en 12 mouvements pour 15 instruments et bande, 1982. SAVOURET Alain, Le bal des étrilles, pour hautbois (ou flûte) et bande magnétique, 1984. BOULEZ Pierre, Dialogue de l’Ombre double, pour clarinette et son double sur bande, 1985. MANOURY Philippe, Jupiter, pour flûte et électronique,1986. TERRUGI Daniel (GRM), Xatis, pour saxophones et machine de transformation du son SYTER, 1988. ORLAREY Yann (GRAME), Voie de sable, pour clarinette et dispositif interactif, 1989. CAGE John, Imaginary Landscape n°3, 1951. MURAIL Tristan, Allégories, pour petit ens. mixte (vents et cordes) et dispositif électronique, 1990. MERLIER Bertrand, Nébuleuses, 1990-91 op. 10a pour violoncelle et bande magnétique. durée : 15'00 mn

réalisées sur SYTER et dans les studios du GRM et du GRAME. M42 : Grande Nébuleuse d'Orion 7'40 PASCAL Robert, Chant d’aubes, pour violoncelle et dispositif interactif, 1991. MERLIER Bertrand, Les couleurs du vent ,1996-97 op. 21abc - pour saxophones alto & sopr. échantillonneur en direct

et dispositif électroacoustique interactif joué en direct sur scène : la production des sons (sur 4 voies) et la mise en espace (sur 8 voies) sont contrôlées en direct par “un gant de données” ou d’autres capteurs. (voir vidéo de démonstration) Voir http://tc2.free.fr/CDV/ suite en 10 mouvements (d'après un texte d’Alomée PLANEL) durée : 60 mn