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1 L’essence de l’espace en gestion. Une étude historique à partir du cas de l’organisation de la production comptable Pierre Labardin LOG (IAE Orléans) 13 Rue de Touraine 45430 Chécy [email protected] Cette communication s’intéresse aux sens que peut revêtir l’espace en gestion dans une perspective historique. En terme méthodologique, nous nous fondons pour cela sur l’archéologie des sciences humaines (Foucault [1990]). Notre terrain est constitué par un travail portant sur l’organisation de la production comptable du XVIII e siècle à la fin de l’Entre-deux-Guerres. Nous montrons dans le corps de l’article que deux conceptions de l’espace se succèdent : une qui assimile la proximité à l’efficacité (XVIII e et XIX e siècles), suivie d’une autre qui lie proximité et hiérarchie (XIX e et XX e siècles). Pour chacun de ces deux modèles, nous essayons de décrire la cohérence qui lui inhérente. Nous présentons ensuite ses fondements et ses limites. Cette interrogation historique poursuit deux buts : montrer que les sens que peuvent revêtir l’espace sont à la fois multiples et historiquement construits. D’autre part, il s’agit de confronter différentes conceptions de l’espace pour mieux s’interroger sur les usages qui peuvent en être effectués.

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L’essence de l’espace en gestion.

Une étude historique à partir du cas de

l’organisation de la production comptable

Pierre Labardin

LOG (IAE Orléans)

13 Rue de Touraine

45430 Chécy

[email protected]

Cette communication s’intéresse aux sens que peut revêtir l’espace en gestion dans une

perspective historique. En terme méthodologique, nous nous fondons pour cela sur

l’archéologie des sciences humaines (Foucault [1990]). Notre terrain est constitué par un

travail portant sur l’organisation de la production comptable du XVIIIe siècle à la fin de

l’Entre-deux-Guerres.

Nous montrons dans le corps de l’article que deux conceptions de l’espace se succèdent : une

qui assimile la proximité à l’efficacité (XVIIIe et XIXe siècles), suivie d’une autre qui lie

proximité et hiérarchie (XIXe et XXe siècles). Pour chacun de ces deux modèles, nous

essayons de décrire la cohérence qui lui inhérente. Nous présentons ensuite ses fondements et

ses limites.

Cette interrogation historique poursuit deux buts : montrer que les sens que peuvent revêtir

l’espace sont à la fois multiples et historiquement construits. D’autre part, il s’agit de

confronter différentes conceptions de l’espace pour mieux s’interroger sur les usages qui

peuvent en être effectués.

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L’essence de l’espace en gestion.

Une étude historique à partir du cas de

l’organisation de la production comptable

Que signifie « être proche de » ? A cette question, nous pouvons répondre de deux façons.

Nous pouvons d’abord chercher la définition de l’expression dans un dictionnaire. Mais nous

pouvons aussi nous interroger sur ce que signifie plus symboliquement la proximité :

pourquoi est-on proche de quelqu’un ? Inversement, que recherche-t-on quand on veut mettre

de la distance ? Cette dimension qui pourrait paraître importante est finalement assez peu

étudiée en tant que telle1.

Si l’on s’intéresse au sens du terme, nous retrouvons d’abord une signification purement

physique. Celui qui est proche est à côté, à proximité immédiate : c’est, par exemple, le

voisin. Mais, très souvent, la proximité prend un sens plus figuré : le Trésor de la langue

française définit ce sens comme le « caractère de rapprochement, d’affinité entre deux choses

abstraites, deux entités ». Les plans sur lesquels se joue la proximité paraissent en effet se

multiplier : l’espace physique certes, mais aussi l’espace relationnel, l’espace familial bref un

espace social2. Et, comme le rappelle à ce sujet Henri Lefebvre [2000] : « il n’y a pas un

espace social, mais plusieurs espaces sociaux, et même une multiplicité indéfinie dont le

terme « espace social » dénote l’ensemble non dénombrable » (p.103).

Ce sont justement les sens de ces espaces que nous voudrions interroger dans ce travail. Que

signifient concrètement les différentes formes de proximité ? Comment s’articule-t-elle à une

dimension managériale ? Pourquoi choisit-on à un moment donné de privilégier la proximité

ou la distance ? Une des façons de répondre à ces questions est de choisir une perspective

historique : en effet, quel meilleur moyen de compréhension que celui qui permet de voir

comment, progressivement, se sont construites les différentes dimensions de la proximité ? En

permettant des comparaisons plus aisées, l’histoire permet aussi d’évaluer plus facilement la

proximité.

1 La thèse de Sophie Renault [2001] ou l’ouvrage de Bellet et alii [1998] constituent quelques exceptions. L’apparition dans la littérature de la notion de communautés de pratique a contribué à mettre en lumière (au moins partiellement) cette thématique (Lave et Wenger [1991]). 2 Henri Lefebvre [2000] définit implicitement cette notion : « comment nommer la séparation qui maintient à distance, les uns hors les autres, les divers espaces : le physique, le mental, le social ? Distorsion ? Décalage ? Coupure ? Cassure ? Le nom importe peu. Ce qui compte, c’est la distance qui sépare l’espace idéal relevant des catégories mentales (logico-mathématiques), de l’espace réel, celui de la pratique sociale » (p.21).

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Il est évidemment impossible de faire une histoire globale de la proximité en sciences de

gestion : chaque thématique développe un rapport à l’espace spécifique qu’il est difficile

d’isoler. Par exemple, les dimensions à l’œuvre dans le choix d’un lieu (voir par exemple

Nikitin [1992] pour le cas de Decazeville) relève d’une tout autre logique que l’étude de

l’organisation de l’espace au sein de ce même lieu (voir par exemple Carmona et alii [2002]

pour le cas d’une manufacture de tabac en Espagne). Nous avons donc choisi de voir

comment la dimension spatiale pouvait prendre sens dans le cadre du management de la

production comptable3.

L’objectif de ce travail n’est pas de faire une généalogie (au sens foucaldien du terme) de ces

modes d’organisation, c’est-à-dire d’expliquer comment ils sont nés et ont disparu. Il s’agit

plutôt de faire une archéologie (au sens foucaldien du terme), c’est-à-dire de montrer la

cohérence managériale que peuvent recouvrir les deux conceptions de l’espace que nous

allons développer.

Pour asseoir notre travail, nous nous appuierons sur deux types de sources : pour la première

partie, nous utiliserons des travaux historiques qui ont analysé la vie du comptoir au XVIIIe

siècle4. Pour la seconde partie, nous nous fonderons sur des travaux historiques effectués aux

archives de Saint-Gobain et de Pont-à-Mousson.

Dans un premier temps, nous analyserons la première conception de la proximité qui nous

provient du XVIIIe siècle. Puis, nous montrerons comment une seconde conception de la

proximité a émergé à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle.

1. LA PROXIMITE COMME FORME D’EFFICACITE

La première proximité dont nous allons parler est celle héritée de l’économie de l’Ancien

Régime : celle-ci paraît alors le synonyme de l’efficacité5 alors que la distance sous

l’ensemble de ces formes renvoie à toute une série de risques et de dangers.

3 Il est délicat de parler ici de service comptable dans la mesure où ces derniers n’apparaissent que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. De plus, comme nous le montrerons, les services comptables sont, entre autres, caractérisés par une conception de l’espace très particulière. Pour ces raisons, il nous semble préférable d’utiliser l’expression d’organisation de la production comptable qui ne préjuge en rien de leurs modes d’organisation. 4 Les travaux portant sur l’organisation comptable au XVIII e siècle sont assez nombreux : qu’il s’agisse du commerce (Kaplan [1996], Maillard [2000]), du négoce (Taylor [1963], Cavignac [1967], Carrière [1973], Butel [1974], Lespagnol [1997], Meyer [1999]) ou de l’industrie (Chassagne [1971], Sergène [1972], Pris [1973], Woronoff [1984], Haudrère [2005]), la plupart des historiens s’intéressant à l’histoire du commerce et de l’industrie à cette époque nous fournissent des éléments factuels suffisamment précis pour esquisser cette histoire. 5 Le terme efficacité ne se retrouve évidemment pas historiquement. En l’utilisant ici, nous voulons simplement signifier l’adéquation entre l’objectif poursuivi et le résultat.

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Pour essayer de caractériser ce premier rapport à la distance, nous procèderons en trois

temps : nous préciserons d’abord la nature de ce rapport à l’espace en montrant son

adéquation avec les besoins d’une époque (1.1). Puis, nous nous intéresserons à ses

fondements (1.2). Dans un dernier temps, nous chercherons à montrer les limites de cette

modalité organisationnelle (1.3).

1.1. LA NATURE DE LA PROXIMITE -EFFICACITE

La proximité paraît être le mode courant de la gestion : on recrute qui on connaît, être proche

est synonyme de confiance. En un mot, le sens de la proximité paraît alors unilatéral. Plus

précisément, ce sens paraît alors se décliner selon cinq modalités qui, loin de s’exclure les

unes les autres, se complètent :

• la proximité physique : la première proximité est évidemment celle du quotidien, celle qui

consiste à travailler dans un même lieu, le comptoir, voire à vivre au même endroit. Ainsi,

Carrière [1973] nous indique que les commis étrangers étaient souvent logés chez leurs

patrons (p.720). A Lyon, Taylor [1963] insiste sur la proximité entre associés et employés

(p.53). Par ailleurs, une description du comptoir que nous propose Paul Butel [1974] à

Bordeaux6 et confirme cette idée de proximité physique :

« Autour du commissionnaire, les commis, juchés sur des tabourets de bois, travaillent à la grande

table, pourvue de plusieurs pupitres à une ou deux places sur lesquels ils peuvent commodément

disposer les livres où ils consignent les différentes opérations commerciales ou les registres de

correspondance » (p.164).

• la proximité hiérarchique : la deuxième proximité tient à la hiérarchie. Dans des

organisations importantes où la proximité physique n’est pas assurée comme Saint-Gobain, le

teneur de livres et le caissier sont directement rattachés aux associés (qui sont les vrais

décideurs) et n’ont pas de compte à rendre aux directeurs (Pris [1973], p.298). On retrouve

dans les plans d’archives des traces de ce changement : à la fin du XVIIIe siècle et au début du

XIX e siècle, l’espace comptable se réduit encore souvent à l’espace du caissier. La proximité

hiérarchique joue encore et sans surprise, l’emplacement du caissier est situé à proximité

immédiate des lieux de pouvoir (il jouxte les bureaux du directeur dans l’établissement de

Saint-Gobain ou celui des officiers dans celui de Tourlaville7).

• la proximité de travail : la troisième proximité tient au contenu même du travail. Le

travail est certes divisé puisque Carrière [1973] nous dit qu’à Marseille, « la comptabilité était

6 Carrière [1973] (p.721) fait une description proche pour le cas de Marseille.

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sans aucun doute confiée à un spécialiste : le teneur de livres » (p.730). Pour autant, cela ne

veut pas dire que le travail est systématiquement et précisément divisé comme le même auteur

l’indique plus loin :

« Le négociant, en général, comme le montre le comptoir de la maison Roux, participait directement

au travail journalier outre la responsabilité d’ensemble » (p.730)

• la proximité sociale : la proximité peut s’intégrer dans un rapport social qui va au-delà du

travail proprement dit. Elle paraît alors fondée sur une même origine sociale. Ainsi faut-il

comprendre le fait que les parents de Jean Maillefer8 l’envoient en apprentissage chez d’autres

marchands (p.8 et 11). Le teneur de livres est alors un futur marchand et son éducation se fait

directement par la pratique. Cavignac [1967] fait le même constat à Bordeaux et le

recrutement d’un commis à Tournemine-les-Angers peut achever de nous convaincre :

« Louis Paillet, négociant de Boulogne-sur-Mer, failli en 1760, s’engagea pour quatre ans

comme commis en août 1767 » (Chassagne [1971], p.268-269). Cette proximité sociale passe

aussi par des salaires relativement élevés (Carrière [1973], p.727-729, Cavignac [1967], p.38,

Butel [1974], p.168-169).

• la proximité familiale : une dernière modalité pour exprimer ce lien est évidemment le lien

familial. La femme peut évidemment tenir les livres comme l’atteste de nombreux travaux

historiques : ceux d’Adeline Daumard [1997] chez les petits commerçants parisiens au début

du XIXe siècle (p.265), mais aussi ceux de Lespagnol [1997] au XVIIIe siècle à Saint-Malo

(p.123), de Kaplan [1996] chez les boulangers parisiens (p.345) et de Maillard [2000] chez

leurs homologues tourangeaux (p.363). On pourrait ainsi multiplier les exemples où la femme

tient les livres. Parlons aussi des cas où ce sont les enfants : il peut assurer sa formation chez

un autre négociant, mais souvent il commence chez ses parents comme l’indiquent Lespagnol

[1997] à Saint-Malo (p.123) ou Carrière [1973] à Marseille (p.726). L’importance de ce lien

familial est même mentionné par Lespagnol [1997] pour qui la finalité du recours à la société,

c’est « avant tout d’assurer la continuité de la maison familiale » (p.122). Le cas de madame

de Maraise, épousée « « pour remédier à son insuffisance commerciale [NDLA : celle de

Maraise »], selon Oberkampf » (Chassagne [1981], p.10) apparaît même comme le cas

extrême de la proximité familiale.

Ces différentes formes de proximité paraissent se renvoyer les unes aux autres : le constat de

Denis Woronoff [1984] sur le cas de l’industrie sidérurgique confirme cette analyse :

7 Pièces Plan C7-1 et C7-2. Archives Saint-Gobain. Le Plan de Tourlaville n’est pas daté mais remonte à la fin du XVIII e ou au tout début du XIXe siècle. Celui de Saint-Gobain est daté de 1800. 8 Négociant rémois du XVIIe siècle dont les souvenirs sont publiés en 1890.

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« Le plus sûr ou le plus simple n’est-il pas de le chercher parmi ses proches ? Un fils d’abord […] Ce

peut être aussi un neveu […]. Proches encore, les directeurs issus de la région immédiate » (p.303).

Ces proximités renvoient aussi à des structures sociales qui les rendent possibles : ainsi, le

rôle de la famille est déterminant dans l’ensemble de l’organisation sociale. De même,

l’organisation sous forme de corporation facilite la proximité sociale : il suffit en effet de lire

les modalités d’admission dans la corporation des maîtres-écrivains pour s’assurer de

l’homogamie sociale que ne peut manquer de produire le règlement9.

1.2. LES FONDEMENTS DE LA PROXIMITE -EFFICACITE

Si la description de ce premier rapport à la proximité est assez simple, la compréhension de

ces fondements s’avère plus complexe. Face à cette multitude de comportements individuels,

il semble qu’une explication plus générale soit pertinente.

Une première explication réside probablement dans l’altérité perçue comme un danger :

« Derrière ces croyances légendaires ou ces exagérations affolantes, on devine la peur de l’autre,

c’est-à-dire de tout ce qui appartient à un univers différent du sien. Certes les aspects extraordinaires

qu’on prêtait aux pays lointains pouvaient aussi constituer un attrait puissant. […] Toutefois, pour la

masse des gens, le recul devant l’étranger sous toutes ces formes demeura longtemps encore l’attitude

la plus ordinaire. […] Même au moment où la Renaissance élargit les horizons de l’Occident – et

encore après – l’étranger apparaît à beaucoup de gens comme suspect et inquiétant. Il faudra du temps

pour s’habituer à lui » (Delumeau [2003], p.64-65).

Derrière ces peurs dont parle Delumeau, se construit une représentation de l’espace dans

l’ensemble de la société : l’autre représente l’inconnu, le danger, alors que celui qui est proche

représente au contraire une forme d’assurance contre ce danger. Ainsi, une multitude de

légendes existent présentant les pays lointains comme peuplés d’animaux fantastiques ou

d’êtres monstrueux (Delumeau [2003], p.64). Dans ces conditions, nous comprenons mieux

pourquoi la proximité s’associe si facilement à l’efficacité de la gestion.

Plus généralement, il semble que ce premier sens de la proximité renvoie à la façon dont la

connaissance de la Renaissance s’était structurée10. Foucault [1990] avait déjà remarqué dans

Les mots et les choses que « jusqu’à la fin du XVIe siècle, la ressemblance a joué un rôle

bâtisseur dans le savoir de la culture occidentale » (p.32). Il semble bien que les pratiques

d’organisation de la production comptable du XVIIIe siècle soient encore dans l’épistémé

précédant celle de l’âge classique si l’on utilise les catégories de Foucault.

9 La corporation existe à Paris depuis 1570 (Lemarchand [2001], p.102). Son règlement prévoit notamment un traitement différencié pour les enfants des membres de la corporation (qui n’ont pas à justifier de leur compétence) et les candidats ordinaires. 10 Sur ce point, l’âge classique qui se fonde sur la représentation ne paraît guère différer de son prédécesseur.

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• Les proximités physiques et hiérarchiques paraissent recouvrir la convenientia : elle

caractérise « les choses qui, approchant l’une de l’autre viennent à se jouxter ; […] le

voisinage n’est pas une relation extérieure entre les choses, mais le signe d’une parenté au

moins d’obscure » (p.33).

• La proximité sociale renverrait plutôt à l’aemulatio : elle a « quelque chose du reflet et du

miroir : par elle les choses dispersées à travers le monde se donnent réponse. […] Où est

la réalité, où est l’image projetée ? Souvent il n’est pas possible de le dire, car l’émulation

est une sorte de gémellité naturelle des choses » (p.34-35).

• La proximité familiale combine la convenientia et de l’aemulatio, ce qui caractérise

l’ analogie (p.37).

• Enfin, la proximité de travail paraît renvoyer aux sympathies : « là nul chemin n’est

déterminé à l’avance, nulle distance n’est supposée, nul enchaînement prescrit. La

sympathie joue à l’état libre dans les profondeurs du monde. » (p.38).

En un mot, les différentes proximités paraissent s’articuler à une conception du savoir hérité

de la Renaissance. Cette épistémé, comme celle de l’âge classique, n’ignore pas l’homme,

mais n’en fait pas un objet de savoir. L’homme existe, mais n’est pas pensé en tant que tel :

son comportement paraît relever de son propre choix. En terme de gestion, cela signifie que

l’on ne pense pas la relation salariale comme un rapport sur lequel on peut peser. Nous

pourrions dire que l’homme se résume dans un certain nombre de caractéristiques invariantes

dans le temps : cette conception implique alors de découvrir, avant l’embauche, si le futur

employé remplit ou non ses caractéristiques.

Dans ces conditions, la gestion en tant que telle n’a pas de sens : on ne peut pas peser sur les

individus en les transformant. Il faut donc s’assurer que l’individu conserve les

caractéristiques qui le désignent : il est donc indispensable de maintenir son statut social, son

salaire etc. C’est finalement ce que nous dit Jeannin [2002] :

« Au risque de forcer le trait, disons que l’essentiel du discernement consistait à embaucher un

comptable sûr et à le bien traiter » (p.335).

Dans cette épistémé, la proximité n’est finalement que l’expression de l’efficacité : elle n’est

qu’une traduction des modalités selon lesquelles les individus peuvent être sélectionnés.

Toutefois, cette proximité-efficacité n’a aucune visée transformative : l’efficacité de

l’individu lui préexiste.

La longévité de cette forme de proximité s’explique assez aisément : « la nouveauté était – et

est – une des catégories de l’autre » (Delumeau [2003], p.65). Autrement dit, la longévité de

cette conception de la proximité paraît inscrite dans ses caractéristiques mêmes.

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1.3. LES LIMITES DE LA PROXIMITE -EFFICACITE

Comme toute forme d’organisation, la proximité-efficacité à un certain nombre de faiblesses.

Nous en retiendrons trois.

La première est celle du nombre : quand les organisations grossissent pour prendre une

certaine taille, la relation de proximité devient difficile à mettre en place. Il faudrait pourtant

se garder de penser qu’elle est impossible. Que ce soit à Saint-Gobain11, dans l’industrie

sidérurgique (Woronoff [1984]), à la manufacture de Sèvre (Sergène [1972]) ou à la

Compagnie des Indes (Haudrère [2005]), une organisation s’est mise en place : elle repose sur

une imbrication entre les tâches productives et les tâches administratives. Chaque directeur ou

chaque responsable doit tenir les écritures comptables relatifs à sa spécialité. Le caissier ou

éventuellement un teneur de livres est ensuite chargé de centraliser ses écritures. Ce mode

d’organisation permet de limiter sensiblement le nombre de teneurs de livres. Au besoin, les

sociabilités négociantes sont utilisées pour trouver les teneurs de livres tant recherchés (Butel

[1974], p.169).

La deuxième faiblesse de cette conception de la proximité est le coût : on ne paye pas cher le

teneur de livres pour le motiver ou qu’il soit performant mais on le paye cher pour qu’il soit

ce qu’il doit être, à savoir quelqu’un de proche, donc quelqu’un de confiance. La conséquence

est immédiate :

« ces prix font reculer nombre de négociants » (Meyer [1999], p.130).

Pourtant, beaucoup cherchent à travailler dans ce fameux comptoir sans toujours y arriver

(Carrière [1973], p.718). Cela confirme bien l’idée que le montant du salaire n’exprime pas

d’abord une relation marchande, mais plutôt une relation sociale.

La dernière limite de la proximité tient dans la question de la compétence : en privilégiant une

logique fondée sur la proximité-efficacité, cette forme d’organisation tend à négliger la

question de la qualité du travail comptable effectuée. Il ne s’agit évidemment pas de dire que

la compétence n’a aucune importance, mais plutôt qu’elle se réduit à une relation où

l’expérience. Ainsi, quand Savary [1675] constate – déjà – l’augmentation du nombre de

faillites, il expose les causes suivantes :

« Premièrement, l’ignorance des négocians vient de ce que dans leur commencement ils manquent

d’instruction, n’ayans pas fait leur apprentissage chez d’habiles marchands, qui ayant toutes les

qualités requises pour bien montrer le commerce.

Secondement, de ce qu’ils n’ont pas servy assez long-temps les autres marchands, pour acquérir toute

l’expérience pour le bien conduit. » (p.33)

11 Pièce C4-2. Archives Saint-Gobain.

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Le savoir de gestion n’existe pas alors en tant que tel : l’expérience est ce qui fonde la

connaissance aux XVIIe et XVIIIe siècle. Celui qui sait, c’est encore celui qui pratique la

comptabilité au quotidien.

Il est évidemment difficile d’expliquer pourquoi à moment donné, cette première conception

de la proximité a disparu dans le courant du XIXe siècle. Evidemment, on voit bien que cette

conception de la proximité est difficilement compatible avec la grande entreprise. Pourtant, le

XVIII e siècle avait déjà résolu le problème : dans les rares grandes entreprises existantes, la

comptabilité était conçue comme une forme de responsabilité qui ne pouvait se dissocier des

responsabilités managériales. Une taille réduite et une forte proximité semblaient aller de pair.

Il semble donc difficile de savoir quel facteur détermine l’autre : le changement du sens de la

proximité ou l’augmentation de la taille.

Pour échapper à cette causalité circulaire, nous pouvons noter que le changement de sens de la

proximité s’accompagne d’une rupture dans les modalités du savoir de gestion : dans un

premier temps, le savoir de gestion est un reflet des pratiques. Dans un second temps, il

devient une série de règles qu’il faut suivre (pour les écoles de commerce, voir Maffre [1990],

p.407). Parallèlement, les fondements du savoir évoluent : jusqu’au XIXe siècle, le savoir

provient d’abord de la pratique12. Celui qui sait, c’est celui qui pratique, autrement dit là où il

y a une proximité forte entre le discours et la réalité. A partir du XIXe siècle et avec

l’émergence du scientisme, le savoir change de nature : il devient théorique et s’assimile à un

ensemble de règles établi par des théoriciens13. On peut penser que le changement conceptuel

de l’espace s’explique au moins partiellement par cette rupture dans le savoir : la proximité

efficacité s’accordait bien avec un savoir fondé sur la notion de proximité alors que la

hiérarchisation de l’espace correspond mieux à un savoir provenant d’une théorisation.

12 Si l’on reprend les auteurs comptables du XIXe siècle, on trouve les praticiens suivants : un auteur anonyme en 1805, Lorrimier en 1808, Rodrigues en 1810, Legret en 1811, Chalier en 1814, Gabiou en 1821, Godard en 1827, de la Tasse en 1839, Helfenbein en 1845, Avril en 1847, Lefour en 1853, Heudicourt en 1862, Royon en 1866, Pollet en 1873, Meifredy en 1883, Fontaine en 1884, Nagel en 1896, Gillet en 1899, Moutier en 1899 et Bourgeois en 1900. Nous avons retenu pour distinguer ces auteurs la qualité qui était mise en avant sous le titre : ainsi, Legret se présente comme un « ancien négociant ». Une lecture de la première page permet de se rendre compte que Legret assure aussi des cours. Néanmoins, la légitimité de son ouvrage paraît clairement issu de son ancienne activité de négoce, et non de son activité d’enseignant, du fait de l’importance accordée à la première fonction dans sa présentation. 13 Si l’on reprend les auteurs comptables du XIXe siècle, on trouve les enseignants suivants : Dezarnaud de Lezignan en 1825, Mezières en 1835, Trémery en 1838, Vannier en 1844, Bahier en 1850, Lagrue en 1851, Duprat en 1851, Monginot en 1854, Dolivet en 1859, Pigier en 1860, Barlet en 1861, Bernard en 1863, Dugué en 1864, Chevalier en 1867, Thénard en 1869, About en 1873, Barré en 1875, Londet en 1881, Richard en 1882, Bournot en 1884, Augier en 1886, Barillot en 1887, Léautey et Guilbault en 1889, Andoyer en 1896, Marchal en 1897 et Ruitre en 1900.

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2. LA HIERARCHISATION DE L’ESPACE

Ce second modèle propose une lecture radicalement différente des notions de proximité et de

distance : autant le premier n’utilisait que la proximité, autant le second utilise les deux. Pour

étayer notre discours, nous nous fonderons sur l’étude de l’organisation de l’espace à Pont-à-

Mousson dans l’Entre-deux-Guerres.

Comme dans la première partie, nous procèderons en trois temps : nous présenterons d’abord

la nature de ce rapport à l’espace (2.1). Ensuite, nous essaierons d’en comprendre les

fondements (2.2) et les limites (2.3).

2.1. LA NATURE DE LA HIERARCHISATION DE L ’ESPACE

Des cinq formes de proximité, il ne subsiste guère qu’une proximité physique dans ce modèle.

Même ce sens a partiellement changé. Dans le même temps, la distance a également vu son

sens se modifier.

La distance prend un nouveau sens, celui de la hiérarchie. Cela signifie que le lieu où le

supérieur travaille est bientôt isolé de celui du subalterne. Le but est de rendre les

communications plus difficiles pour les limiter : la précision croissante de la division de

l’espace semble donc accompagner la division du travail. Le bureau du chef comptable se

retrouve ainsi isolé de celui du reste des comptables.

De plus, la hiérarchie se marque symboliquement dans l’espace. Dans le modèle précédent, la

hiérarchie était indissociable de l’individu. Dans notre cas, au contraire, elle est liée à la

fonction exercée. On retrouve ce changement jusque dans les mots et leurs sens. Il n’y a pas

de chef comptable ou de teneur de livres en chef au XVIII e siècle : la hiérarchie était alors liée

à la personne. Désormais, la hiérarchie est liée à la fonction : chaque fonction comporte, outre

un ensemble de tâches à effectuer, une signification précise dans la hiérarchie.

A la fin du XIXe siècle, l’espace comptable ne se résume plus, loin s’en faut à celui du seul

caissier : l’espace comptable se compose d’un grand bureau ou de plusieurs petites unités. A

Pont-à-Mousson par exemple, voici comment l’espace comptable se structure en 1928 :

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Figure 1 – Plan du 2ème étage des nouveaux bureaux du siège (1928)14

Figure 2 – Conception des postes de travail dans les nouveaux bureaux (1928)15

Nous remarquons bien sur ces plans la séparation hiérarchique : le chef comptable dirige le

service depuis un bureau séparé. Les autres employés comptables sont placés dans un grand

bureau avec une surface très limitée : en 1924, avant cette réorganisation qui accentuera le

14 Pièce 36538. Archives Pont-à-Mousson. 15 Pièce 36538. Archives Pont-à-Mousson.

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phénomène, alors que les comptables disposent de 10 à 12 mètres carré de surface, le chef

comptable dispose de 19 mètres carré16.

Si la distance permet de marquer la hiérarchie, la proximité marque à l’inverse l’équivalence

dans la hiérarchie. Cette proximité est évidemment une question de distance, mais concerne

plus généralement les attributs liés à la fonction : la surface dont chacun dispose,

l’emplacement au sein du bureau sont autant de signes qui indiquent la position hiérarchique

de chacun et donc l’équivalence.

La figure 2 illustre parfaitement ce phénomène : on aperçoit ainsi cinq rangées de tables

minutieusement organisée. En haut, près des fenêtres, on trouve quatre tables qui se font face

deux à deux. Ces tables sont destinées aux comptables, essentiellement masculins. Au bout,

deux tables plus petites se faisant face sont installées pour les dactylographes (personnel

essentiellement féminin). Une dactylographe en chef est située perpendiculairement pour

surveiller les dactylographes. A l’inverse, les comptables restent dans l’axe de Léon Songeur,

leur supérieur hiérarchique immédiat. Non seulement chaque espace semble attribué à une

fonction plus qu’à un individu, mais en plus, les personnes exerçant les mêmes fonctions

paraissent interchangeables au sein de leur espace propre.

Plus généralement, la hiérarchie est marquée dans l’ensemble de l’espace de l’entreprise. Les

vestiaires sont ainsi séparés selon la hiérarchie :

« A chaque étage plusieurs vestiaires séparés seront mis à la disposition du personnel masculin et du

personnel féminin.

A l’exception des chefs et sous-chefs de services qui pourront avoir dans leur bureau individuel une

armoire-vestiaire spéciale, tous les autres membres du personnel seront tenus de déposer leurs

vêtements dans les vestiaires mis à leur disposition17 » (p.4-5)

Le constat est le même pour les escaliers :

« Aux heures d’entrée et de sortie, le Personnel féminin est prié d’utiliser uniquement l’escalier

intérieur central du bâtiment, situé au voisinage des vestiaires réservés aux Dames.

Aux mêmes heures, le Personnel masculin est, de son côté, prié d’utiliser uniquement l’escalier situé

à l’entrée rue de Toul (sauf aux jours et heures de distribution de l’Association d’achats en commun,

comme il sera indiqué au règlement spécial concernant ces distributions).

L’usage du grand escalier donnant sur le Square, est rigoureusement interdit , sauf pour MM. Les

Chefs et Sous-Chefs de Service appelés à se rendre à la Direction18. » (p.5-6)

16 Pièce 36549. Archives Pont-à-Mousson. 17 Règlement & Recommandations spéciales du 91 rue de Toul à Nancy (mai 1928). Pièce 57752. Archives Pont-à-Mousson. 18 Règlement & Recommandations spéciales du 91 rue de Toul à Nancy (p.5-6, mai 1928). Pièce 57752. Archives Pont-à-Mousson.

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Plus que la proximité, c’est la distance qui change de sens : au XVIIIe siècle, la distance

exprimait l’altérité, l’inconnu, le danger. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, la

distance exprime encore l’altérité, mais cette altérité s’incarne dans le visage de la hiérarchie.

La proximité hiérarchique se décline à partir de l’Entre-deux-Guerres en terme de

surveillance : les plans que nous avons reproduits le suggèrent, mais plusieurs rapports et

autres notes le confirment. La réorganisation des bureaux vise à mieux surveiller l’espace. La

figure 2 suggère l’importance du rôle de Léon Songeur dans le dispositif de surveillance. Les

cloisons sont en effet vitrées pour faciliter celle-ci. Et pour s’assurer de l’efficacité du

système, le règlement intérieur vient confirmer cette organisation :

« Tous les bureaux étant entourés de cloisons vitrées il est interdit de masquer les vitres des murs soit

par des meubles, soit par des cartes, tableaux, documents quelconques etc…

Les meubles classeurs et divers ne devront être mis en place qu’avec l’accord du Contrôleur des

Bureaux » (p.10)19

2.2. LES FONDEMENTS DE LA PROXIMITE -HIERARCHIE

La proximité-hiérarchie est sous-tendue par une nouvelle conception. Le premier modèle

impliquait une équivalence entre la proximité et l’efficacité. A l’inverse, le second repose sur

une autre conception de l’efficacité : cette dernière paraît résulter du travail de chacun. Celui-

ci prend donc un sens et une importance dans la pensée économique qu’il n’avait pas

auparavant (Foucault [1990], p.266). Les compétences du comptable ne sont pas innées :

elles peuvent s’acquérir et inversement se perdre. Dans cette perspective, un pouvoir, une

surveillance doivent assurer le contrôle de l’employé.

Si le travail devient l’élément central, il devient capital de l’intégrer dans d’autres dispositifs

permettant de s’assurer de son efficacité. Au niveau spatial, cela implique une redéfinition que

Foucault précise dans Surveiller et Punir. Les différentes étapes que nous allons maintenant

détailler affectent d’abord l’espace ouvrier dès le début du XIXe siècle (voir par exemple

Dewerpe et Gaulupeau [1990] p.46 et Le Goff [2004] p.43-44), puis l’espace comptable entre

la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle20 :

• La clôture : la clôture consiste à instaurer une séparation entre l’espace de travail et le

monde extérieur21. Elle consiste d’abord à séparer et isoler les bureaux de tout autre

19 Règlement & Recommandations spéciales du 91 rue de Toul à Nancy (mai 1928). Pièce 57752. Archives Pont-à-Mousson. 20 La distinction qui suit reprend explicitement celle de Foucault [1993] (p.166-175). 21 Cette isolation est acquise très tôt : à Saint-Gobain, dès les années 1870, le service comptable est isolé des autres services administratifs. Pièce Hist C-3/3-2 pour l’établissement de Montluçon et Pièce Plan 07 30 à 07 42 pour les autres glaceries. Archives Saint-Gobain.

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bâtiment. Il faut faire comprendre à l’employé que l’espace de travail se sépare du reste du

monde.

• Le quadrillage : un quadrillage se met en place dans les bureaux en séparant ce qui relève

de l’espace de travail proprement dit de l’espace commun.

• La fonctionnalisation des espaces : il s’agit d’attribuer une fonction à tous les lieux, y

compris ceux qui traditionnellement n’en avaient pas. Aucun espace ne doit être perdu.

Derrière cette volonté, on retrouve le poids du fonctionnalisme architectural22.

• Le rang : le rang n’est plus exprimé par la personnalité de chacun, mais au contraire par la

fonction. Chaque fonction se hiérarchise, entraînant la naissance du chef de comptabilité,

de l’aide-comptable etc.

La conséquence de cette nouvelle conceptualisation de l’espace est évidemment l’intégration

de la compatibilité dans de grands espaces, que l’on nommera rapidement les open space.

L’entreprise peut être grande, gigantesque parfois sans que cela ne pose soucis : la distance

n’exprime plus le risque mais une hiérarchie. Toutefois cette altérité est désormais maîtrisée,

puisqu’elle s’inscrit dans une division du travail et du temps qui recoupe celle de l’espace.

Cette nouvelle conception de l’espace accompagne donc la diffusion du modèle de la grande

entreprise et de ses structures.

Le modèle de la bureaucratie mécaniste décrit par Mintzberg [1978], illustre cette conception

de l’organisation spatiale. Il faudrait néanmoins se garder de rapprocher trop nettement nos

constats et ceux de Mintzberg : d’abord, les travaux ne portent pas sur la même période, les

nôtres étant antérieurs ; ensuite, du fait de la perspective du travail qui est assez différente :

nous ne cherchons qu’à caractériser une dimension de l’organisation, quand Mintzberg est

beaucoup plus complet. Enfin, la méthodologie est radicalement différente : Mintzberg

s’intéresse à l’ensemble des modes organisationnels à moment donné, quand nous ne nous

intéressons qu’à une dimension limitée, mais dans le cadre d’une évolution historique.

2.3. LES FAIBLESSES DE LA PROXIMITE HIERARCHIE

Une des premières faiblesses de l’organisation sous forme de grands services comptables est

assurément le coût total de fonctionnement du service. A Saint-Gobain où l’on peut suivre des

22 On peut donner la définition suivante du fonctionnalisme : « ce qui compte avant tout, c’est l’exacte adaptation d’un monument à sa fonction. Les formes doivent découler d’une logique de la construction et non d’une recherche de la pensée en soi » (Ragon [1991], p.177 à propos de la pensée de Durand, un des premiers fonctionnalistes français au début du XIXe siècle). Notons aussi que le fonctionnalisme provoquera une rupture entre les architectes, réputés pour faire du beau et les ingénieurs, réputés pour faire de l’utile. L’architecture fonctionnaliste appartient évidemment à cette seconde catégorie.

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séries longues sur le prix de revient, on voit ainsi le coût des services administratifs exploser à

la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire au moment où se mettent en place les grands services

comptables : entre 1863 et 1906, pendant que le chiffre d’affaires est multiplié par six, le coût

du personnel travaillant au siège est multiplié par douze23.

Cette forme d’organisation paraît également moins attractive que la première pour les

comptables. Autant la proximité efficacité pouvait attirer et garder le comptable en se fondant

sur son intérêt, autant la proximité hiérarchie se fonde sur un rapport plus contraignant. Dans

le premier modèle, l’existence d’un contrôle formel semblait superflue du fait des incitations.

A l’inverse, ce second modèle considère le comptable comme un employé relativement

ordinaire ; il rencontre beaucoup de difficultés à faire carrière hors de son milieu d’origine

(Zeldin [2002], p.163) et la division du travail rend les tâches plus répétitives.

D’un point de vue plus managérial, une des faiblesses les plus marquantes de ce modèle est

assurément la bureaucratisation qu’elle engendre. Les règlements que nous avons trouvés à

Pont-à-Mousson sont autant de signes du poids des règles que la direction entend faire peser

sur ses employés, même les plus importants24. L’organisation des bureaux sous la forme d’une

proximité-hiérarchie paraît correspondre aux souhaits de la direction générale dans l’Entre-

deux-Guerres25. Le regard porté a posteriori paraît nettement moins enthousiaste : en 1963

dans Le phénomène bureaucratique, Crozier s’intéresse au service comptable d’un grand

ministère dans les années 1950. Après avoir constaté l’absence de changements

organisationnels depuis trente-cinq ans (p.15), il dresse un constat relativement sévère sur

l’efficacité des grands services où le travail est parcellisé à l’extrême :

« Les résultats immédiats et apparents d'un tel système sont assez remarquables. Tant du point de vue

prix de revient que du point de vue qualité du service, il apparaît très efficace. Mais le jugement

devient tout de suite beaucoup plus nuancé, si l'on accepte de prendre un peu de recul. […] La

productivité de l'établissement parisien est relativement faible si on la compare à celle des

établissements provinciaux plus petits. […] La bonne productivité générale n'est acquise que grâce à

une forte pression exercée de haut en bas, ce qui signifie qu'elle se paie chèrement dans le domaine du

moral. » (p.23-24).

Autrement dit, cette organisation de l’espace qui devait être plus efficace et diminuer les prix

de revient est jugée avec beaucoup de scepticisme. C’est probablement sur ces faiblesses

23 Pièces 4B41 à 4B98. Archives Saint-Gobain. Les données sur le chiffre d’affaires sont tirées de Daviet [1983], tome V, p.1631, 1638 et 1639. 24 On voit ainsi le directeur Marcel Paul envoyer une note à l’employé responsable du matériel pour avoir ouvert son bureau à huit heures moins dix et non à huit heures moins le quart le 11 décembre 1934 (Pièce 41536. Archives Pont-à-Mousson). 25 Voir par exemple le Concours pour « rétablir le sens de l’économie et du prix de revient ». Pièce 63. Archives Pont-à-Mousson.

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qu’un troisième rapport à l’espace se construit aujourd’hui, l’externalisation de la fonction

comptable.

CONCLUSION

Dans ce travail, nous avons essayé de montrer comment l’espace de la fonction comptable

peut se penser de façon différente. Le moindre des résultats n’est évidemment pas que

l’espace n’ait pas un sens naturel ; au contraire, les significations de l’espace se sont

construites progressivement, changeant brusquement.

L’autre résultat que cet article met en lumière est l’opposition entre les conceptions de

l’espace : dans un premier temps, la distance signifie tellement l’altérité, l’inconnu et le risque

que l’époque semble rechercher partout la proximité. A l’inverse, la deuxième épistémé

accepte la distance pour en faire l’expression de la hiérarchie. La proximité prend alors un

sens hiérarchique très marqué.

Ces deux modèles caractérisent d’abord un rapport salarial ; si l’espace est une dimension de

ce rapport, il n’en demeure qu’une partie qui reste liée à l’organisation du travail et du temps.

Ce travail pourrait être prolongé par d’autres travaux historiques dans d’autres domaines :

comment les entreprises ont-elles géré l’espace entre différents sites industriels ? Quel rôle

l’espace a pu jouer dans la construction des rapports salariaux entre les ouvriers et leurs

patrons ? Nous pourrions ainsi multiplier les interrogations : elles témoignent de l’ampleur du

travail qu’il nous reste à accomplir pour mieux connaître et comprendre les sens que l’espace

peut revêtir en gestion.

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Sources primaires

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Archives Pont-à-Mousson :

Pièce 63 : direction général : Marcel Paul, comptabilité (1914-1931). Pièce 36 538 : secrétariat général : nouveaux bureaux (1928-1929). Pièce 36 549 : secrétariat général : documentations (1924-1925). Pièce 41 536 : direction générale : Marcel Paul (1911-1937). Pièce 57 572 : secrétariat général : André Grandpierre (1928-1938).

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