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1 Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne MEMOIRE PROFESSIONNEL HISTOIRE GEOGRAPHIE Présenté par : BELLO DE WOLF Erika « L’apprentissage du temps en histoire pour des élèves de sixième et de cinquième. » Directeur du mémoire : THIVILLIERS Jacques Année 2004/2005 Dossier n°0364307L

MEMOIRE PROFESSIONNEL HISTOIRE GEOGRAPHIE · qui permettrait de justifier l’essence même de la discipline historique ? L’enjeu consiste à faire appréhender aux élèves, de

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Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne

MEMOIRE PROFESSIONNEL

HISTOIRE GEOGRAPHIE

Présenté par : BELLO DE WOLF Erika

« L’apprentissage du temps en histoire pour des élèves de sixième et de cinquième. »

Directeur du mémoire : THIVILLIERS Jacques

Année 2004/2005 Dossier n°0364307L

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Bibliographie :

Madeleine MICHAUX, Enseigner l’histoire au collège, Armand Colin, Paris, 1997.

Les jeunes et l’histoire, identité, valeurs, conscience historique, Enquête européenne « Youth and History », Nicole TUTIAUX-GUILLON et Marie-José MOUSSEAU (dir.), INRP, Paris, 1998. Nicole LAUTIER, A la rencontre de l’histoire, Presse universitaire du Septentrion, 1997. Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Editions du Seuil, Collection Point Histoire, 1996. Construire l’histoire, J. LEDUC, V. MARCOS ALVAREZ, J. LE PELLEC (dir.), Collections didactiques Bertrand Lacoste, CRDP Midi-Pyrénées, 1994. D’après O. BELBEOCH, C. LOUDENOT, N. du SAUSSOIS, Vivre l’espace et construire le temps, Editions Magnard, 1994.

Remerciements : Je tiens à remercier tout particulièrement mon conseiller pédagogique, M.

BALMONT qui a su, avec patience, m’aiguiller dans mon analyse de pratique et m’aider à progresser dans mon apprentissage pédagogique.

Je remercie également mes élèves de sixième et de cinquième qui se sont, pour la plupart, prêtés avec enthousiasme aux « expérimentations » nécessaires à la réalisation de ce mémoire professionnel.

J’adresse aussi ma reconnaissance à mon directeur de mémoire, M. THIVILLIERS qui a suivi mon cheminement dans l’élaboration de cette étude et qui a su me guider lorsque mes idées méritaient d’être davantage étayées sur certains points.

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me pose la question, je sais ;

si quelqu’un me pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus. » Saint Augustin, Confessions, Bibliothèque augustine, réédition, 1962.

Introduction

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« L’apprentissage du temps en histoire pour des élèves de 6° et de 5° »… Ce sujet de mémoire professionnel m’est venu à l’idée dès le début de l’année scolaire. Le temps est l’élément primordial et inhérent à cette discipline, tout comme l’espace l’est à la géographie. Or, j’ai pu constater très tôt que les élèves avaient beaucoup de mal à se situer dans le temps et donc à saisir l’intérêt, la cohérence et l’unité de cette matière scolaire qui est l’histoire.

Les expériences que j’ai pu mettre en place à cet égard ont confirmé cette

difficulté pour eux d’acquérir des repères historiques nets, d’avoir une perspective globale sur l’évolution du temps… Cette difficulté tient notamment au fait que le temps soit une notion, du domaine de l’abstraction. Notons par ailleurs que même les adultes, et parmi eux les enseignants en histoire, peuvent être confrontés à cette difficulté de mettre en perspective le temps historique, de se l’imaginer et de se l’approprier… Car la dimension temporelle en histoire nous dépasse, notamment lorsqu’il s’agit du temps long, celui des civilisations qui transcende notre vécu personnel, lié à notre vie ici et maintenant au sein d’un contexte qui nous est familier. L’échelle temporelle de la longue durée est intellectuellement difficilement tangible. Ce manque de recul dans l’appropriation du temps étant relative et relativisée parce que normal pour des élèves de cet âge (entre 10 et 13 ans), peut toutefois aboutir chez certains à un désintérêt pour la discipline qui conduit ainsi à un second écueil, celui d’un manque de compréhension concernant le sens de ce qu ‘ils doivent apprendre (A quoi sert-il de revenir sur le passé après tout ?).

Le défi pédagogique est par conséquent double : il consiste ici à donner du

sens au temps afin que les élèves puissent saisir de façon plus directe l’intérêt de cette matière. Comment faire acquérir progressivement une notion complexe, qui permettrait de justifier l’essence même de la discipline historique ? L’enjeu consiste à faire appréhender aux élèves, de la manière la plus prégnante possible, l’utilité de cette matière consistant à leur donner des clés de compréhension de leur présent. L’apprentissage du temps s’avère indispensable, en vue de leur faire saisir, qu’acquérir une intelligence du monde actuel, passe par l’étude des sociétés passées. En tant qu’enseignants, et qui plus est en histoire-géographie, nous en sommes foncièrement convaincus… Reste à convaincre nos élèves de ce principe : le temps est un outil nécessaire pour comprendre le monde d’aujourd’hui et ainsi participer à son évolution positive en tant que citoyen conscient et agissant…, l’histoire n’étant, par ailleurs, qu’une des potentialités pour structurer le temps.

Ce mémoire a donc pour objectif de rendre compte d’une expérience qui est

la mienne en tant qu’ « apprenti professeur » dans le cadre de deux classes, de deux niveaux différents (5° et 6°) au collège d’Etang-sur-Arroux, établissement plutôt calme et sans problème particulier.

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Notre propos aura donc pour objet, dans la première partie, d’établir, à travers des descriptions rigoureuses de situations vécues avec les élèves, un diagnostique du niveau de maîtrise notionnel et méthodologique du temps. Ce diagnostique est le fruit d’observations en cours avec mes élèves et de celles effectuées dans les classes de collègues d’histoire-géographie. Dans une seconde partie, nous nourrirons ce constat par des apports théoriques, à la fois d’un point de vue historiographique et épistémologique pour l’enseignant, et d’un point de vue psychologique et pédagogique pour ce qui est du développement de l’enfant et du préadolescent dans les différents stades d’apprentissage du temps. Cette réflexion théorique nous permettra de mettre en place des hypothèses d’action sur les objectifs à atteindre quant au niveau d’apprentissage conceptuel. Nous nous attacherons donc à mettre en œuvre ces hypothèses d’action dans une troisième partie qui s’appuiera sur les résultats aux solutions proposées, destinées à donner du sens au temps.

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Sommaire I. Observation, description, diagnostique… : Comment

les élèves perçoivent-ils le temps en histoire ?

1. Un projet pédagogique : ce qui est censé être acquis ou en voie d’acquisition……………………………………………………………………………………………..p.

2. La réalité : heurts et malheurs de la chronologie

en 6°………………………p.

3. Les représentations du temps chez des élèves de 5°…………………………p.

II. Le temps en histoire : entre épistémologie et

pédagogie

1. Histoire et historiographie…………………………………………………………………….p.

2. L’intelligibilité du temps n’est pas innée…

………………………………………….p.

3. Une mise au point « psycho-pédagogique » sur les perceptions du temps en histoire………………………………………………………………………………………p.

III. Mise en pratique des hypothèses d’action :

quelques pistes pour donner du sens au temps

1. Le recours à l’actualité en 6°…………………………………………………………………p.

2. Face à des résultats mitigés : la nécessité de

boucler la boucle……….p. 3. Une expérience positive avec les 5° : quand la

géographie vient en aide à l’histoire… …………………………………………………………………………………………….p.

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I. Observation, description, diagnostique… : Comment les élèves perçoivent-ils le temps en histoire ?

1. Un projet pédagogique : ce qui est censé être acquis ou en voie d’acquisition

Si l’on prend les programmes du lycée, on constate que les périodes

historiques choisies visent clairement à la compréhension du monde contemporain : « Les programmes de lycée ont pour finalité la connaissance et la compréhension par les élèves du monde contemporain ; ils prennent en compte le fait que les élèves issus du collège ont déjà parcouru à grands traits la trame générale de l’histoire »1. Que ce soit le programme de seconde focalisé sur une histoire générale mais discontinue privilégiant « l’étude de quelques moments historiques qui sont des jalons importants dans l’élaboration de la civilisation contemporaine et qui constituent souvent des ruptures majeures », ou que ce soit les programmes de Première et de Terminale nettement en rapport avec des périodes proches (à partir des années 1950 environ jusqu’à nos jours avec l’histoire dite du temps présent), l’enseignant n’a pas à justifier son propos puisque le lien avec le monde actuel est quasiment intrinsèque au programme.

Mais tout reste à faire au collège où l’histoire semble beaucoup moins

intéressante du fait qu’elle apparaisse parfois comme une accumulation de connaissances factuelles, dont l’enjeu est d’établir un socle commun de connaissances générales. Ce fondement, considéré comme un préalable, doit permettre par la suite (notamment au lycée) de réfléchir plus facilement et de façon plus approfondie à l’histoire contemporaine. Le temps historique semble alors beaucoup plus dilué, lointain et insaisissable pour certains élèves du collège.

Ainsi, le programme de sixième est largement consacré au monde antique

(L’Egypte, le peuple de la Bible, les Hébreux, la Grèce, Rome, les débuts du christianisme). L’intérêt réside dans une approche qui se veut patrimoniale avec la Grèce et Rome ainsi que dans l’ « approche historique des religions juive et chrétienne. »2. L’apprentissage du temps consiste à « acquérir les repères chronologiques fondamentaux » : ces repères ne doivent pas être seulement des dates mais sont porteurs de sens car ils sont associés aux documents historiques, « le but étant de construire progressivement les bases d’une culture historique ». L’ apprentissage du temps doit se faire à travers plusieurs entrées ; en effet, les repères chronologiques peuvent être « représentatifs d’une période ; un moment de rupture ; la longue durée d’une civilisation étudiée dans

1 Programmes des lycées histoire et géographie, le B.O n°6, 29 août 2002. 2 Programme de la classe de 6°, Ministère de l’éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, décembre 1995.

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sa continuité ; une génération ou un siècle ; des épisodes historiques ; des événements fondateurs ou symboliques »3. On constate alors aisément que l’apprentissage du temps doit se faire à l’aide d’une chronologie très épurée, surtout pas étouffante mais devant prendre en considération différentes approches qui puissent sensibiliser l’élève au temps long, celui des civilisations et de la « longue durée », fidèle à l’historien Fernand BRAUDEL. Il convient également d’aborder le temps par le biais d’ événements et de dates constitutifs d’une mémoire et d’un patrimoine commun que l’enseignant est chargé de transmettre… La date est à intégrer dans un contexte élargi, celui de l’événement tel qu’il s’est produit et les traces qu’il a laissées jusqu’à aujourd’hui.

Quant au programme de 5°, on retrouve sensiblement les mêmes principes

pédagogiques mais l’approche temporelle est différente : « Le champ chronologique, s’il est moins étendu qu’en 6°, couvre cependant un millénaire environ en 5°.(…) Il est organisé en 5° , autour de trois temps forts envisagés de manière souple comme des observatoires privilégiés qui permettent de caractériser les différentes périodes du Moyen-age et les débuts des temps modernes : le monde au IX° siècle, le XIII° et le XIV° siècle en Occident. Le premier temps permet une confrontation des trois grandes civilisations (Byzance, l’Islam et l’Occident chrétien). Le deuxième doit être conçu comme une approche des caractères essentiels de l’Occident médiéval. Le troisième permet de comprendre les bouleversements du XVI° siècle. »4. Ainsi, le découpage chronologique diffère et l’on peut constater également que, malgré la même volonté d’éviter l’écueil de l’exhaustivité des dates, les repères chronologiques sont beaucoup plus précis et pointus, comme en témoignent ces quelques exemples de dates repère à faire acquérir5 :

L’empire byzantin : rupture avec Rome en 1054 ; fin de l’Empire byzantin en 1453 ;

Le monde musulman : l’hégire en 622 ; L’Empire carolingien : baptême de Clovis en 496 ; couronnement de

Charlemagne en 800 ; partage de Verdun en 843 ; L’Eglise : la première croisade en 1095 ; Le royaume de France (X°-XV° siècles) : avènement d’Hugues Capet

en 987 ; Humanisme, Renaissance, Réformes : les thèses de Luther en 1517 ; Le royaume de France au XVI° siècle : l’ordonnance de Villers-

Cotterêts en 1539 ; l’édit de Nantes en 1598.

3 Voir annexe n°1 qui développe toutes ces idées sur les repères chronologiques en 6° (Accompagnements de programme). 4 Programme du cycle central, Ministère de l’éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, CNDP, 1997. 5 D’après les Instructions Officielles qui retiennent une dizaine d’événements clés.

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Il convient de préciser que cet enrichissement en dates (qui reste toutefois raisonnable pour la mémorisation des élèves), tient au fait que la recherche historique accroît ses connaissances au fur et à mesure que l’on avance dans le temps et que l’on progresse dans le champ scientifique (pour les époques les plus anciennes, la datation est souvent difficile). De plus, certaines dates participent à l’édification de la mémoire nationale dans un processus de participation à la construction de la nation auquel nous devons, en accord avec le programme d’Education Civique, initier les élèves …

En outre, certaines dates édifiées comme des jalons temporels

inébranlables, constituent en fait un leurre événementiel à l’instar du schisme de 1054 qui ne fut pas vécu par les contemporains comme une véritable rupture avec Rome. Malgré l’importance du conflit théologique entre les évêques, le clivage cultuel sera ressenti comme tel par les croyants à partir des croisades et du pillage de Constantinople en 1204. Aussi, une approche trop approximative et emblématique des dates peut déboucher sur un contresens d’interprétation.

Les Instructions Officielles sont donc claires quant aux repères temporels

à faire acquérir aux élèves. Malgré parfois leur datation approximative, les dates définies comme des dates clés constituent des références civiques et culturelles communes, c’est-à-dire qu’elles font partie du patrimoine commun de l’humanité ou de la mémoire nationale. Pour prendre tout leur sens aux yeux de l’élève, elles doivent être contextualisées au moyen de documents. En effet, si l’on travaille le temps historique d’une manière purement méthodologique, les résultats s’avèrent peu probants…

2. La réalité : heurts et malheurs de la chronologie

en 6° Commençons avec ma classe de 6° composée de 20 élèves (7 filles et 13

garçons) qui sont majoritairement travailleurs, sérieux et qui sont tous calmes et plus ou moins attentifs en classe. Mon conseiller pédagogique m ‘avait recommandée en début d’année scolaire de commencer par de la géographie avec des 6°. Considérée souvent comme une matière plus ludique et peut-être plus facile, il s ‘agissait de les rassurer, le temps d’établir une relation de confiance entre les élèves et moi-même.

Au bout d’environ un mois de géographie, il convenait de débuter le

programme d’histoire… Mais comment l’aborder ? Je me suis penchée dans un premier temps sur les Instructions Officielles concernant les orientations générales de l’école primaire (cycle 3)6.

6 Ce qui doit avoir été amorcé avec les élèves sortis de l’école primaire figure en annexe 2.

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Bien que les Instructions Officielles relatives au collège stipulent qu’il est inutile de passer du temps sur la méthodologie du temps, je décidai de consacrer une heure sur la chronologie (« Comment se repérer dans le temps ? ») afin de réinvestir en douceur les connaissances du primaire et de vérifier sur quel niveau d’échelle celles-ci étaient acquises.

Nous avons commencé par des idées simples, telles que : « Une chronologie

sert à dater et à ordonner les événements ». Je leur ai distribué une fiche d’activité sur laquelle j’avais préalablement construit une frise chronologique s’étendant sur un temps très long (10 000 av. J-C à 2000 aujourd’hui). En effet, le but était de leur donner une perspective temporelle large. Ils devaient dans un premier temps faire correspondre un nombre d’années à son substantif (100 ans = un siècle, etc), exercice auquel ils se sont prêtés avec facilité. Ils ont ensuite dû placer la naissance de Jésus Christ sur la frise chronologique. La placer leur sembla aisé, mais comprendre qu’il s’agissait d’un simple repère culturel (qui plus est erroné, ce que j’ai vaguement précisé) et pas partagé par toutes les civilisations le fut moins. J’avais également placé sur la frise quelques dates auxquelles ils devaient faire correspondre le siècle et cela fut beaucoup plus hasardeux, même en leur donnant la formule mathématique, automatique (pour ceux qui ne comprennent pas le mécanisme) et donc commode qui consiste à rajouter 1 pour trouver le siècle. De plus, j’ai fait l’erreur de mélanger des dates transitoires (1500, 500), pour lesquelles cette astuce ne fonctionne pas avec des dates où cette méthode marche (750, 2004). En voulant être simple, j’ai quelque peu brouillé certains esprits, bien que d’autres aient compris mon erreur avant moi. C’est ainsi que Matthieu m’a gentiment fait remarquer ma maladresse pédagogique: « Madame, mon instituteur nous avait appris que quand c’est par exemple 1500, c’est pas encore le XVI° siècle, mais encore le XV° car on a pas commencé la première année ». Il avait totalement raison, si bien que j’ai ensuite perdu beaucoup de temps à expliquer cela à l’ensemble de la classe, sans obtenir un ensemble de visages alertes. Cette vision du temps mesurable, quelque peu mathématique et mécanique, paraissait trop compliquée à saisir pour un certain nombre d’entre eux. Néanmoins, situer ces dates avant ou après J-C ne sembla pas leur poser trop de soucis. Ils ont ensuite dû placer les deux dates importantes du premier chapitre d’histoire : l’apparition de l’agriculture vers 8000 av. J-C et l’invention de l’écriture vers 3000 av. J-C. Cela parut également assez facile et j’en profitai pour leur expliquer qu’il s’agit de temps fort anciens sur lesquels il manque beaucoup d’informations pour l’historien, ce qui explique que la datation soit très approximative.

Les difficultés sont réapparues lorsque j’ai souhaité passer à la

périodisation, à l’aide de frises chronologiques présentes dans leur manuel7. Les questions étaient les suivantes : « Quand commence l’histoire ? », « De quand à

7 Hatier, Collection Martin Ivernel, Paris, Avril 2000, p. 8.

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quand dure chaque période historique ? : l’Antiquité, le Moyen-Age, l’époque moderne, l’époque contemporaine ». Les réponses furent assez rapides, mais je me suis vite rendu compte qu’il s ‘agissait d’un simple repérage sans véritable redynamisation des dates repères de l’école primaire. En effet, le repérage, d’un point de vue strictement méthodologique, semblait réussi, alors que les dates en tant que bornes symboliques et ruptures dans l’évolution historique n’étaient absolument pas prises en compte par les élèves ; certains semblaient même découvrir quelques grandes dates de l’histoire de l’humanité.

Enfin, la mise en activité s’acheva avec un exercice pratique de coloriage :

« Reportez sur votre frise chronologique ces grandes périodes historiques en les coloriant »…Exercice que j’ai pu juger très vite inutile (malgré mon souci de les familiariser avec l’élaboration d’une légende) et qui finissait par embrouiller complètement certains élèves, étant donné que la frise distribuée comportait déjà quelques dates et devenait par conséquent trop surchargée.

Le bilan de cette séance fut très instructif pour moi. En effet, si cette

heure de cours ne fut pas catastrophique (les élèves ont participé, ont essayé de comprendre…), elle fut presque inutile pour eux. L’apprentissage du temps est quelque chose qui se fait sur le long terme et qui ne se résout pas en une séance de travaux pratiques sur une frise chronologique. J’aurais pu n’y passer qu’une petite demie heure en rappelant des repères fondamentaux : avant et après J-C, quelques règles simples de la chronologie, les chiffres et les nombres romains à connaître… Cette fiche méthodologique aurait pu être simplement lue et questionnée, puis être collée au début du cahier afin de servir d’outil tout au cours de l’année, tel un apprentissage progressif dans la durée.

Mon conseiller pédagogique est venu observer mon cours lors de cette

séance et nous avons ainsi pu en discuter lors de notre entretien hebdomadaire. Suite à cette conversation, je compris que ma tentative d’assimilation des différentes périodes historiques par les élèves s’était avérée inefficace : inefficace sur le plan pédagogique car les élèves ne perçoivent pas forcément les ruptures et n’ont pas les bagages intellectuels (notamment historiographiques) suffisants pour comprendre ce que signifie réellement le mot « Moyen-Age ». Ce terme péjoratif, synonyme d’ « obscurantisme », fut une idée véhiculée dès le XV° siècle et à partir de laquelle s’est forgé petit à petit le concept de « Renaissance ». De même, l’inefficacité s’avère également sur le plan scientifique, dans la mesure où cet échelonnage du temps historique (typiquement français) est le fruit de débats d’historiens liés à leur conception du temps à certaines époques. Ces périodes offrent une part d’arbitraire, car en histoire, il n’y a pas de rupture absolue et beaucoup de phénomènes qui s ‘épanouissent ensuite sont en préfiguration dans la période antérieure.

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Suite à cette séance peu satisfaisante en terme d’efficacité directe pour les élèves, je décidai de ne pas les évaluer dans l’immédiat et uniquement sur cette séance sur la chronologie. Il s’agissait plutôt de dissoudre cette vérification des compétences tout au long de l’année sur le programme d’histoire. Par exemple, j’ai pris le soin, dans une évaluation concernant le monde grec (effectuée le 24/01/05), d’introduire une question de chronologie. Voici les consignes de l’exercice : « Mettez une croix dans la bonne case (vrai ou faux). Si c’est faux, rectifiez en donnant la bonne réponse en dessous ». Voici une de ces affirmations : « L’Iliade et L’Odyssée sont deux poèmes écrits au VIII° siècle après J-C, probablement par Homère ». 14 élèves sur 20 ont coché vrai, soit par faute d’inattention parce qu’ils auraient mal lu ou lu trop rapidement la phrase, soit car le « après J-C » ne les a pas choqués. Mais, sur les 6 élèves restants, seulement trois ont donné la bonne réponse, les 3 autres n’ayant rien mis ou ayant spéculé sur l’auteur des poèmes ou encore sur les poèmes eux-mêmes. Ainsi, une règle qui peut paraître parfaitement assimilée et maîtrisée (le avant ou après J-C) ne l’est plus, dès lors qu’elle doit s’intégrer à un contexte en s’appliquant à un exemple historique précis.

3. Les représentations du temps chez des élèves de

5° En ce qui concerne les 5° (une classe de 25 élèves : 10 filles et 15 garçons),

j’ai commencé le programme par de l’histoire. Pensant (naïvement, puisque j’étais à ce moment-là novice en la matière) qu’il s’agissait de révisions pour eux, j’ai introduit ce début d’année par un simple rappel des différentes périodes de l’histoire afin qu’ils puissent se situer en continuité avec le programme de 6° : après avoir étudié l’Antiquité en 6°, cette année scolaire serait essentiellement consacrée à ce que l’on appelle le « Moyen-Age ». Il s’agissait donc d’indiquer sur une frise chronologique les différentes périodes de l’histoire et de colorier celle qui serait étudiée au courant de cette année en n’oubliant pas de faire une petite légende.

Je crois qu’en 5°, ce recours à la périodisation, bien que le découpage soit

arbitraire et critiquable à plusieurs titres (comme il a été expliqué antérieurement), a une utilité pédagogique. En effet, si les élèves entendent vaguement parler d’Antiquité, de Moyen-Age… depuis l’école primaire, il est sans doute inutile de vouloir absolument poser ces jalons théoriques dès la 6°. En revanche, le faire en 5° peut apporter une cohérence au programme d’ensemble du collège, à condition de revenir, en chaque début d’année et en rapport avec l’année précédente, sur cette mise en situation diachronique. Bien entendu, mes élèves de 5° qui avaient travaillé sur ces différentes périodes en 6°, n’avaient que de vagues souvenirs, non des appellations des périodes mais plutôt des dates qui marquent officiellement, consensuellement et symboliquement les ruptures.

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Le résultat fut donc mitigé, l’objectif étant d’y revenir régulièrement en cours d’année…

C’est donc ce que j’ai fait, dans le cadre d’un travail à faire à la maison la semaine précédant les vacances de février afin de savoir où ils en étaient à mi parcours de cette année scolaire. Ce devoir s’intitule « L’histoire : pourquoi remonter dans le temps ? » ; il figure en annexe 3 et repose sur la perception du temps historique en général. Pour l’élaborer, je me suis inspirée d’une étude européenne8 fondée sur un certain nombre de sondages desquels j’ai prélevé quelques idées pour faire une enquête adaptée à mon sujet et à ma classe. L’enquête qui m’a servi de base va, de fait, plus loin en cherchant des explications sociologiques aux différentes perceptions de l’histoire par les élèves (contexte social et familial, conditions culturelles et religieuses…). Bien entendu, mon propos étant limité par les moyens et mes compétences en sociologie, j’ai travaillé pour ma part la question de manière plus modeste, c’est-à-dire à partir d’un panel réduit (une classe) où l’hétérogénéité sociale et culturelle n’est pas très représentative. Néanmoins, cette prospection faite sur des élèves que je commence à bien connaître m’a révélé des données intéressantes.

Faisons un bref bilan. Tous les documents qui aident à sa compréhension

figurent en annexe 3 : 1/ J’ai classé par groupes, les mots qui viennent le plus rapidement à l’esprit

des élèves lorsqu’ils pensent au mot « histoire ». Ces mots ne sont pas toujours liés au champ lexical du temps9. Si l’ensemble des termes touche en effet au vocabulaire relatif à la périodisation ou au fait de se situer dans le temps, on trouve également des mots liés à la notion de civilisation (histoire du monde, religion, culture…) ou à l’imaginaire reflétant certaines représentations des élèves. Car le but est bien de savoir s’ils associent spontanément cette matière scolaire à son essence temporelle : « L’histoire est la science des hommes dans le temps » disait Marc BLOCH10. Or, les mots ou expressions qui correspondent au temps sont soit des périodes choisies, soit des termes en rapport avec un passé qui semble pour la plupart révolu, voire passéiste (« les ancêtres », « avant notre ère », « il y a longtemps »…). En aucun cas, les élèves n’ont associé histoire avec la compréhension du temps présent (même si j’ai pu trouver l’expression « dans le temps »).

2/ Concernant la période charnière qui marque le passage de la Préhistoire à

l’histoire, vue en 6° (1° chapitre d’histoire) avec l’apparition de l’écriture, seuls 8

8 Les jeunes et l’histoire ; Identités, valeurs et conscience historique. Enquête européenne « Youth and History », N.TUTIAUX-GUILLON, M.J. MOUSSEAU, INRP, Paris, 1998. 9 Voir, pour cela, le tableau de synthèse (Annexe 3, document 2). 10 M. BLOCH, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Editions Armand Colin, nouv.éd., 1997, coll. « Références », p.84.

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élèves sur 24 semblent s’en souvenir.1110 n’ont pas répondu et les autres associent les débuts de l’histoire avec la naissance de l’ère chrétienne ou encore avec la naissance de l’agriculture. Un élève a même proposé la révolution, ce qui suppose qu’il considère tout ce qu’il a fait en 6° et tout ce qu’il est en train de faire en 5° comme autre chose que de l’histoire ! Cela peut laisser perplexe…mais traduit, là encore, une représentation mentale de l’histoire qui est particulière.

3/ Il s’agissait ensuite de choisir une période étudiée en 6° ou en 5° et de

donner son opinion (« J’ai aimé/adoré/détesté étudier cette période »). Ce qui est intéressant ici, c’est d’observer ce à quoi l’élève associe la notion de période, même si dans cette question, le terme était posé au sens large. La majeure partie de ces élèves l’associent à une civilisation qui est l’Egypte. Une seconde majorité se dégage en l'adjoignant à un empire (quel qu’il soit). Les élèves devaient ensuite justifier leur opinion (qui a été uniquement positive). 10 élèves sur 24 ne donnaient pas de raison ou une explications vague (« Parce que j’aime bien cette période »…Oui, mais pourquoi ?). Les autres (6 élèves) soulignent surtout leur goût pour les croyances, la religion, la mythologie. D’autres enfin (5 élèves) se démarquent par une curiosité intellectuelle qui est celle d’apprendre des choses nouvelles, qu’ils ne connaissent pas ou qui sont différentes. Un élève a spécifié « Ca permet de voir le début de ce qu’on a maintenant ». Ces pistes sont intéressantes dans la mesure où elles permettent de cerner les différentes entrées possibles qui s’offrent à l’enseignant souhaitant faire ressentir aux élèves le lien entre les sociétés passées et le monde d’aujourd’hui.

4/ J’ai souhaité savoir également leur préférence en matière d’échelle

temporelle. Pour cela, je leur ai proposé six échelles spatiales allant de l’échelle mondiale à leur cellule familiale propre. Une idée essentielle se dégage de cette expérimentation : aucun élève n’a choisi l’histoire de France comme espace géographique qu’il prendrait le plus de plaisir à apprendre, seulement deux élèves ont choisi l’histoire de l’Europe.12La majorité s’est plutôt prononcée pour l’histoire des plus grandes civilisations du monde. Ces résultats suggèrent que le sentiment identitaire européen ne semble pas encore prévaloir pour cette génération.

5/ Ensuite, j’ai voulu savoir à quoi ils associent le mot histoire, en leur

proposant plusieurs voies reflétant des perceptions variées de l’évolution du temps historique.13Une grande majorité d’entre eux ont une vision optimiste du temps historique car ils l’assimilent aux rencontres entre des cultures et des civilisations différentes ou encore au progrès. La plupart des élèves qui le combinent avec un enchaînement rébarbatif d’événements et de dates sont des

11 Voir le diagramme circulaire (Annexe 3, document 3). 12 Voir le diagramme circulaire (Annexe 3, document 4). 13 Voir le graphique en bâtons (Annexe 3, document 5).

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élèves en difficulté pour qui l’histoire serait une matière scolaire redondante. Si l’on poursuit, l’exercice suivant nous apprend que pour 22 élèves, l’histoire permet de comprendre le passé et pour 6 élèves, le présent (aucun pour le futur : l’histoire ne serait donc pas une discipline prospectiviste). 5 élèves ont ainsi répondu à la fois le passé et le présent, ce qui suppose qu’ils font probablement un lien entre les deux. On peut noter toutefois qu’aucun des 5 élèves ayant associé l’histoire au mot progrès ne suit son raisonnement en affirmant que l’histoire permet de comprendre le futur ; ce qui implique que, selon eux, l’histoire ne servirait pas de leçon pour un avenir meilleur. Cette remarque conforterait l’idée d’une vision à la fois cyclique du temps et nostalgique du passé (du genre : « c’était mieux avant »).

6/ Un des derniers exercices reposait sur la chronologie : « Situe ces

repères chronologiques (au nombre de huit) vus ensemble depuis le début de l’année sur cette frise chronologique ». Ma démarche était la suivante : les élèves devaient donc placer, du moins approximativement, un personnage historique, un événement et des périodes pour ensuite corriger leurs erreurs. Mais peu d’élèves ont réellement joué le jeu, notamment en raison d’une erreur de ma part : la consigne de correction apparaît trop tard, si bien que certains élèves ont mis directement au propre l’ensemble des dates. Il ressort néanmoins quelques idées de cet exercice pratique consistant à vérifier leurs connaissances accumulées depuis le début de l’année. Tout d’abord, 5 élèves seulement ont délimité les périodes de façon claire, 2 ont construit une légende, ce qui est plutôt positif en terme d’organisation de la frise et de réinvestissement de méthodes utilisées essentiellement en géographie. Cependant, au moins 5 élèves ont placé ces repères chronologiques en indiquant aucune date, sans compter ceux qui n’en mettent qu’une ou deux. Par ailleurs, j’ai pu remarquer que deux élèves ayant un bon, voire un très bon niveau en histoire, n’ont su placer que très peu d’éléments sur leur frise, sachant qu’une majorité de ceux-ci étaient corrigés et donc mal placés. Ainsi, si les dates importantes sont mémorisées le temps d’un chapitre et de son contrôle, elles semblent s’évaporer doucement mais sûrement au cours de l’année scolaire.

7/ La dernière étape de cette expérimentation allait droit au but : « A quoi

cela sert de remonter dans le temps ? ». Beaucoup d’élèves n’ont pas établi de véritable lien avec l’expression clé « remonter dans le temps ». Ils ont confondu avec « A quoi sert-il de faire de l’histoire ?». Or, bien que les deux questions soient du même registre, j’attendais de la part des élèves qu’ils aboutissent à la conclusion finale : cela sert à comprendre le présent, ce qui se passe aujourd’hui. Seulement un élève a répondu dans ce sens.14Quand bien même ces réponses ne correspondent pas à mes attentes, certaines d’entre elles n’en demeurent pas moins pertinentes (« Ca sert à expliquer le passé que nous n’avons pas pu

14 Voir le tableau récapitulatif (Annexe 3, document 6).

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vivre »…) et toutes nous renseignent sur le travail qui est à faire pour ajuster le lien avec une matière qui n’est vécue qu’à travers cette unique représentation (remonter dans le temps sert à étudier le passé) par les élèves au lieu d’être vécue comme une discipline qui permettrait d’approfondir et de comprendre l’actualité du monde. J’observe, en revanche, qu’ils sont avides de cette intelligence du monde d’aujourd’hui, comme en témoignent les termes employés : comprendre (employé pas moins de 8 fois), savoir, connaître, se rappeler, apprendre, expliquer, repenser, imaginer…

Je n’ai pas exploré ici toutes les réponses des élèves (exemple de l’exercice

4), faute de temps et de place. De plus, en dépit de leur apport général, elles ne sont pas toujours en lien direct avec notre propos. Mais, ce test qui mériterait quelques améliorations, nous renseigne sur les perceptions du temps par des élèves de 5° ainsi que sur leurs attentes et leur besoins pour saisir la notion temporelle.

Pour cela, on peut prendre appui sur le vécu et les représentations des

élèves mais aussi sur certains apports théoriques émanant à la fois des historiens et des psychopédagogues.

II. Le temps en histoire : entre épistémologie et pédagogie

1. Histoire et historiographie…

Notre rôle d’enseignant est celui de transmettre les savoirs d’une matière

scientifique. C’est pourquoi, il est indispensable de rappeler les apports théoriques sur la notion de temps dans le cadre de la discipline historique.

Il convient à ce titre de citer à nouveau un éminent historien, Marc BLOCH

qui résume l’essence même de notre discipline en une phrase : « L’histoire est la science des hommes dans le temps. »15Le temps historique est à la fois fait de simultanéité et de continuité, de courte et de longue durée, d’irréversibilité et de rupture, tel un rythme dynamique. C’est cette évolution humaine à travers le temps qui est difficilement palpable. Mais c’est aussi cette dimension diachronique qui fait de l’histoire une discipline singulière au sein de l’ensemble des sciences humaines, par rapport à la sociologie par exemple. A cet égard, l’ethnologue Claude LEVI-STRAUSS explique très bien qu’il n’ y a pas d’histoire sans dates :

15 M. BLOCH, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Editions Armand Colin, nouv.éd., 1997, coll. « Références », p.84.

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« Il n’y a pas d’histoire sans dates ; pour s’en convaincre, il suffit de

considérer comment un élève parvient à apprendre l’histoire : il la réduit à un corps décharné dont les dates forment le squelette. Non sans raison, on a réagi contre cette méthode desséchante, mais en tombant souvent dans l’excès inverse. Si les dates ne sont pas toute l’histoire, ni le plus intéressant dans l’histoire, elles sont ce à défaut de quoi l’histoire elle-même s’évanouirait, puisque toute son originalité et sa spécificité sont dans l’appréhension du rapport de l’avant et de l’après, qui serait voué à se dissoudre si, au moins virtuellement, ses termes ne pouvaient être datés. Or, le codage chronologique dissimule une nature beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine, quant on conçoit les dates de l’histoire sous la forme d’une simple série linéaire. »

La pensée sauvage, p.342. Le temps justifie l’histoire en même temps qu’il la caractérise en étant son

fondement même. Si ce temps est perçu différemment par les élèves, c’est aussi parce qu’il a sa propre histoire et que les perceptions du temps ont été variables à travers les âges. Tout d’abord, le temps a toujours été vécu socialement. Ce temps social est celui des collectivités publiques, des sociétés, des Etats et enfin des civilisations : « C’est un temps qui sert de repère commun aux membres d’un groupe (…) Le temps de l’histoire n’est pas une unité de mesure : l’historien ne se sert pas du temps pour mesurer les règnes et les comparer entre eux, cela n’aurait aucun sens. Le temps de l’histoire est en quelque sorte incorporé aux questions, aux documents, aux faits ; il est la substance même de l’histoire.»16.

Le temps fut d’abord vécu de manière cyclique par les Japonais, les Chinois,

l’Empire byzantin et bien entendu déjà par les Romains qui dataient par référence aux magistratures ainsi qu’ au début du règne des empereurs.

Dans le cadre de notre civilisation, dite « judéo-chrétienne », le temps a

connu une unification avec l’ère chrétienne, ce qui suggère que la remarque de certains élèves pour qui l’histoire commence avec la naissance de Jésus-Christ, ne soit pas insignifiante pour ce qui est du sens que certains élèves donnent au temps historique. Cet événement fondateur a permis, en effet, d’unifier le temps. Il favorise une mise en ordre, celle de « ranger les faits et les événements de manière cohérente et commune ». Pour situer un événement dans le temps, il faut le dater, et le calendrier circulaire n’y suffit pas. Pendant tout

16 Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Editions du Seuil, Collection Point Histoire, 1996.

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l’empire romain, le point de départ de la datation est la fondation de Rome (753 av.J-C), mais le plus souvent, on écrit plutôt : « l’année du consulat de … » ou « la seconde année du règne d’Hadrien… », etc. Cet usage se maintient jusqu’au V° siècle, malgré la christianisation. Ce n’est qu’au VI° siècle que le moine Denys le Petit propose d’utiliser l’ère de l’Incarnation. Au début du VIII° siècle, l’idée est reprise par Bède le Vénérable. Il faut attendre le IX° siècle et même le X° siècle pour que la nouvelle datation se répande. Elle ne devient fréquente qu’à partir du XI° siècle, mais l’usage de la datation par règnes ou pontificats perdure. Au Moyen-Age central, les gens ordinaires vivaient ainsi au rythme des travaux des champs et au rythme liturgique entonné par le son des cloches des églises. J’ai d’ailleurs évoqué cet aspect de l’histoire du temps avec mes élèves de 5° dans le chapitre sur « L’Eglise dans l’Occident chrétien ». Nous avons étudié le tympan de l’église Sainte-Foy de Conques qui montre qu’à l’époque, entre le Christ et le Jugement dernier, le temps des hommes était celui de l’attente du retour de Dieu. Cette mise en abîme consistant à étudier la perception humaine du temps dans le temps est une démarche qui a plu aux élèves car elle leur permet de rencontrer et de comprendre l’autre dans le passé, de partager son quotidien, de pénétrer dans les mentalités et dans un temps vécu autrement pour se « se mettre dans la peau des hommes du passé », comme ils disent.

Mais il convient de préciser que cette unification temporelle à travers la

religion a été différente pour d’autres civilisations dont les repères sont distincts, comme l’atteste le cas du monde musulman dont le calendrier lunaire débute ,par rapport à nos repères, en 622 avec l’Hégire. A cela, s’ajoutent les dissemblances entre les calendriers julien (chez les Russes, par exemple…) et grégorien.

Par la suite, en Occident, les humanistes de la Renaissance opèrent un

découpage de l’histoire en trois époques : entre l’Antiquité et le temps où ils vivaient s’étendait une période intermédiaire caractérisée par l’obscurantisme moyenâgeux. « Le retour aux sources est un dépassement ; ce qui était cercle devient spirale ascendante » nous précise Antoine PROST.

A cette conception cyclique du temps succéda, furtivement, en France, la

laïcisation du temps par les révolutionnaires qui ont tenté de faire du début de la république l’événement fondateur d’une ère nouvelle, supplantant la naissance du Christ.

Le XIX° siècle fut celui du temps ascendant et on peut imaginer que les tragédies du XX° siècle auraient pu faire vaciller cette vision positive du temps. Mais, il n’en est rien d’après des études qui démontrent que la foi au progrès subsiste. Cette idée se trouve corroborée par notre état des lieux fait en 5°

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dans la première partie de notre propos : « Ce temps ascendant, créateur de nouveautés et de surprises, est celui dans lequel se meut notre société. »17

Si le temps est vécu par les hommes du moment, il est ensuite construit par

les historiens ; c’est ce que l’on appelle la périodisation sur laquelle je souhaiterais revenir en citant tout d’abord Antoine PROST : « Faire de l’histoire n’est jamais raconter ses souvenirs, ni tenter de pallier l’absence de souvenirs par l’imagination. C’est construire un objet scientifique, l’ « historiser », comme disent nos collègues allemands, et l’historiser d’abord en construisant sa structure temporelle, distanciée, manipulable, puisque la dimension diachronique est le propre de l’histoire dans le champ de l’ensemble des sciences sociales. C’est dire que le temps n’est pas donné à l’historien comme temps déjà-là, préexistant à sa recherche. Il est construit par un travail propre au métier d’historien. »

Le travail de l’historien consiste préalablement à ranger les événements

dans un ordre logique et donc chronologique qui n’est pas toujours évident en raison de la simultanéité. Antoine Prost explique qu’ensuite, par une nécessité méthodologique, l’historien se doit de périodiser : « A un premier niveau, c’est une nécessité pratique : on ne peut embrasser la totalité sans la diviser. De même que la géographie découpe l’espace en régions pour pouvoir l’analyser, l’histoire découpe le temps en périodes. (…) L’historien doit trouver les articulations pertinentes pour découper l’histoire en périodes, c’est-à-dire substituer à la continuité insaisissable du temps une structure signifiante. (…) L’action de périodiser est unanimement légitime et aucun historien ne peut s’en passer. Mais le résultat semble pour le moins suspect. La période prend l’allure d’un cadre arbitraire et contraignant, d’un carcan qui déforme la réalité. C’est qu’une fois l’objet historique « période » construit, il fonctionne inévitablement de façon autonome. L’enseignement contribue à ce durcissement, à cette pétrification des périodes historiques : l’exposé didactique vise la clarté et la simplicité, il donne aux périodes une sorte d’évidence qu’elles ne comportent pas.»

On cerne bien ici les limites et les avantages de la périodisation qui apparaît

peut-être comme un mal nécessaire. Il suffit d’en avoir conscience et de dépasser ces inconvénients en parcourant l’histoire en tous sens et en élargissant toujours les perspectives temporelles de manière élastique.

L’historiographie a également ouvert les portes de la pluralité des temps. Le

temps serait pluridimensionnel comme Fernand BRAUDEL l’a très bien mis en lumière dans une œuvre majeure, sa thèse sur La Méditerranée et le monde

17 Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Editions du Seuil, Collection Point Histoire, 1996. Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Editions du Seuil, Collection Point Histoire, 1996.

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méditerranéen à l’époque de Philippe II datant de 1949. Il distingue trois temps étagés : un temps long, celui des structures géographiques et matérielles, un temps intermédiaire, celui des cycles économiques, de la conjoncture, et le temps court du politique, celui de l’événement.18 L’enjeu est ici de distinguer, dans l’espace-temps de l’histoire, un temps géographique, un temps social et un temps individuel.

Le temps, en tant qu’objet d’histoire, a donné naissance, d’après Kristoph

POMIAN, à quatre façons de penser le temps historique : la chronographie qui enregistre des faits « extraordinaires » (comme la bataille de Marignan), la chronométrie qui mesure des temps courts et cycliques (à l’aide de sabliers, horloges ou calendriers), la chronologie qui délimite des périodes plus longues et linéaires, et enfin la chronosophie qui donne du sens au temps (un peu comme la philosophie du temps).19

Nous avons vu que l’approche temporelle avec les élèves n’est pas des plus aisée, même lorsque l’on essaie de représenter le temps à l’aide de ce que l’on appelle une frise chronologique. La chronologie, si elle apparaît comme une commodité pédagogique en tant qu’outil de mémorisation visuelle, pose néanmoins un problème. Avec cette figure, le temps est spatialisé : il a un début et une fin hypothétique matérialisés par une flèche. Cette construction imagée, bien qu’intéressante sur le plan cognitif, est-elle si évidente ? Si nous mesurons souvent le temps au moyen de l’espace, la frise chronologique est-elle pour autant une figure appropriée ? Le principe est celui d’atteindre l’abstrait par le concret. En effet, cette flèche est un moyen de matérialiser spatialement l’abstrait par le concret, visuellement palpable. Cet exercice, dans le meilleur des cas, est un moyen de résumer la leçon en visualisant des durées différentes, en plaçant des événements les uns par rapport aux autres, en faisant de la synchronie et de la diachronie. Pour remplir la fonction qui est assignée à la chronologie, permettre une appréhension du temps, il faut que l’élève en prenne en charge lui-même la construction avec des éléments épars, qu’il choisisse le mode de représentation graphique, qu’il s’entraîne à résumer en quelques phrases ce qu’il a tenté de figurer. Assortir ce graphique d’un titre et d’une légende explicative permettrait de passer de la frise constat à la frise problématisée.

D’un autre côté, on ne peut pas, dans le même temps, prôner l’apprentissage

des différentes temporalités et se contenter de figer sous forme de croquis ce que l’écrit dirait peut-être mieux. C’est pourquoi, j’ai décidé de procéder différemment en terme d’expérimentation. Afin de faire sentir aux élèves la mesure du temps, il convient d’envisager une hypothèse d’action qui n’aurait pas pour socle la chronologie, et ce, en vue de mettre en œuvre un passage brusque

18 Voir et lire, pour le plaisir, l’extrait de son introduction en annexe 4. 19 K. POMIAN, L’ordre du temps, Gallimard, 1984.

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mais saisissant entre le sujet abordé en histoire, tel qu’il est aujourd’hui et ce même thème tel qu’il était à la période à étudier. Cela permettrait de faire comprendre dans quelle mesure il est nécessaire de remonter le fil du temps et par conséquent de justifier ce « flashback » inhérent à la discipline historique pour comprendre une situation actuelle. Mais cette expérimentation doit également reposer sur l’étape du développement psychologique de l’enfant correspondante.

2. L’intelligibilité du temps n’est pas innée… Dans notre première grande partie, nous nous sommes attachés à dresser

un état des lieux sur la perception du temps en histoire pour des élèves de 6° et de 5°. Ce constat fait, il serait désormais intéressant de se pencher sur les raisons psychologiques expliquant certaines de ces conceptions du temps historique : quel processus mental amène les élèves à telle ou telle vision du temps historique ?

Mes élèves sont encore jeunes, ils ont entre 10 et 13 ans ; ce sont donc

encore des enfants ou déjà des préadolescents pour qui l’apprentissage du temps, en tant que concept de la longue durée, est en lente construction.

Le temps historique est un apprentissage qui nécessite un effort

d’abstraction dans le cadre d’un processus cognitif. L’enfant apprend à apprécier le temps mais aussi à la construire. Au départ, il ne distingue ni temps, ni lieu, c’est ce que l’on appelle le syncrétisme, autrement dit, l’état premier, global et confus de la connaissance du temps. Jean PIAGET dit à cet égard : « L’enfant devenant capable d’évoquer des souvenirs non liés à la perception directe parvient par cela même à les situer dans un temps qui englobe toute l’histoire de son univers. ». De ce temps subjectif et flou, l’enfant repère et maîtrise rapidement l’avant, le pendant et l’après. En prenant conscience du temps de sa vie, il prend conscience de son identité. Ainsi, à une échelle personnelle, on voit déjà que le temps permet de se repérer et ,par la même, de se construire. Aussi, il s’agit de faire implicitement comprendre que ce qui est vrai sur le plan individuel l’est aussi sur le plan collectif avec l’histoire, dans la mesure où la prise en compte du passé social autorise la mise en perspective d’une histoire des civilisations. L’apprentissage du temps s’intègre aux différentes étapes du développement cognitif dans le cadre d’un processus continuel d’évolution. PIAGET distingue ainsi trois stades de développement de l’intelligence : l’intelligence sensori-motrice (2 à 3 ans) ; l’intelligence opératoire concrète (2-3 à 11-12 ans, ce qui inclut les élèves de 6°) ; l’intelligence formelle qui débute vers 11-12 ans (ce qui inclut les élèves de 5°). On remarque, par ce biais, que l’intelligence du temps sera différente suivant l’âge et qu’il faut adapter les savoirs au développement cognitif de l’enfant.

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De fait, le temps n’est pas quelque chose d’inné chez l’enfant, qui apprend en grandissant à se repérer dans le temps. De quelle manière se fait cette construction conceptuelle ? Le temps, avant d’être étudié par l’enfant, est vécu. Il comprend au fur et à mesure à distinguer son temps propre de celui du temps social auquel l’histoire donne une dimension supérieure. Le passage entre les deux peut être résumé schématiquement :

« LA CONSTRUCTION DE LA NOTION DE TEMPS »20 :

LE DONNE INDIVIDUEL LE DONNE EXTERIEUR

TEMPS BIOLOGIQUE BIOLOGIE

TEMPS PHYSIOLOGIQUE UNIVERS RYTHMIQUE HORLOGE BIOLOGIQUE

TEMPS SOCIAL

TEMPS CALENDAIRE

TEMPS DES SOCIETES TEMPS DES STRUCTURES

L’enfant doit apprendre à structurer le temps. A travers les affichages de

la vie quotidienne (le tableau des âges), du temps qui passe (la semaine, le mois, l’année) et la mesure métrique du temps, il visualise et concrétise l'imperceptible. A ce titre, les objectifs de progression des cycle 2 et 3 sont les suivants : - Se situer dans le temps proche et commencer à repérer des déroulements chronologiques différents - Se situer dans les événements de la vie quotidienne les uns par rapport aux autres - Exprimer le temps - Se situer dans le passé proche et progressivement dans un passé et un futur plus lointains - Passer du temps perçu au temps vécu

C’est seulement en parallèle de cet apprentissage progressif que l’école

primaire peut permettre à l’enfant d’acquérir quelques instruments de mesure du temps historique, instruments personnels avec la succession des générations dans laquelle il s’insère, instruments plus généraux et objectifs avec la notion de calendrier. Ainsi, sous le double effet de sa propre maturation et de l’éducation

20 D’après O. BELBEOCH, C. LOUDENOT, N. du SAUSSOIS, Vivre l’espace et construire le temps, Editions Magnard, 1994.

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reçue, l’enfant cesse progressivement de vivre le temps sans le percevoir, pour prendre conscience que le temps existe hors de lui. Ses premières représentations intellectuelles du temps permettent l’appréhension du temps social, étape nécessaire sur la route du temps historique. L’appropriation des deux processus cognitifs est lente : passer du temps vécu au temps perçu ; puis du temps perçu au temps conçu. Cela se produit tout au long du primaire et cette sensibilisation à la mise en perspective du temps historique s’acquiert parallèlement à l’école, auprès de la famille ou des médias. Par conséquent, vers 10 ans, la plupart des enfants maîtrisent ces compétences : le sens et la mesure de la durée ; la distinction des moments différents (avec la distinction entre le présent, le futur et l’avenir) et enfin les relations temporelles (succession/simultanéité ; antériorité/postérité). Mais l’expérience, et notamment celle évoquée antérieurement, démontre que la réalisation de ces objectifs reste parfois théorique et rares sont les élèves capables de pratiquer un va-et-vient entre les différentes temporalités. De toute façon, les concepts se construisent de façon spiralaire et les notions sont récurrentes. A chaque étape de son développement, l’enfant doit être confronté à des compréhensions successives de plus en plus fines et approfondies du temps de l’histoire. Si l’apprentissage du temps historique est inscrit dans la continuité, qu’en est-il ensuite au collège lorsque l’élève continue à évoluer et passe de l’état d’enfant à celui de préadolescent ?

3. Une mise au point « psycho-pédagogique » sur

les perceptions du temps en histoire Nous avons pu remarquer, dans notre première partie consacrée aux

représentations du temps par les élèves, que la plupart d’entre eux ont une conception positive de l’évolution temporelle, car ils la déclinent majoritairement par le progrès ou par les échanges entre les différentes cultures. D’après une étude sur laquelle s’appuie Nicole LAUTIER21, il apparaît également que les adolescents accompagnent très souvent leur discours d’un geste de la main simulant une pente, une courbe, une ondulation ou des escaliers pour appuyer leur conception de l’évolution historique. Voici ce qui l’en ressort :

Les représentations du temps de l’histoire :

21 Nicole LAUTIER, A la rencontre de l’histoire, Presse universitaire du Septentrion, 1997.

11.6 % 17.4 % 5.4 % 24.5 % 14.9 % 14.5 % 11.6 %

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Bilan :

Le trait plat régulier, pouvant faire penser à une « histoire immobile », sans grand changement ne suscite que peu d’inspiration ;

A l’opposé, les tenants d’un progrès régulier, net, ne sont que 11.6 % et ce sont des collégiens ;

L’idée d’une histoire sinusoïdale, avec des périodes plus prestigieuses ou plus réussies que d’autres est relativement répandue ;

Ce sont les différentes formes d’un progrès irrégulier, marqué par des ruptures, des stagnations ou des discontinuités qui suscitent les représentations les plus nombreuses : 24,5 % représentent des escaliers auxquels il faut ajouter une grande partie des 14.5 % exprimant des figures librement dessinées.

Il ressort également que la compréhension de l’histoire par les élèves se

fait à travers la narration. Tout en sachant que les personnages et les événements sont vrais, les élèves se reformulent leur leçon en racontant. De fait, « les élèves manifestent ainsi le besoin de distinguer le « thème », « le sujet principal », les personnages ou les quasi personnages de l’intrigue, de distinguer les motifs pour comprendre, c’est-à-dire, pour pouvoir se « refigurer » - pour reprendre les termes de Ricoeur - facilement le cours des événements »22. Les élèves entrent en contact avec les hommes du passé par l’intermédiaire d’une logique qui est celle d’un récit, mais d’un récit vrai et non fictif, ce qui le rend dès lors encore plus vivant et prégnant.

Nicole LAUTIER poursuit son analyse en essayant d’expliquer pourquoi une

catégorie d’élèves se distingue en considérant l’histoire comme une « matière inutile ». Environ 30 % des élèves verraient dans la discipline historique une simple matière scolaire, or il ne s’agit nullement des « mauvais élèves » (« ceux que les résultats scolaires placent dans une situation de refus ou d’évitement de la discipline ».) En fait, soit les élèves se sentent pleinement concernés par le passé des hommes et entretiennent ce que l’on appelle une représentation interne de l’histoire, soit, dans le cas inverse du désintéressement total, ils ont un rapport externe à l’histoire. Pourquoi ?… Le clivage passe en fait par le rapport –privé ou non - que chaque individu entretient avec elle : « La capacité à penser l’histoire comme un tout –tout ce qui s’est passé ; tout ce qui concerne la vie des hommes- s’accompagne de la perception de sa propre participation – c’est un tout dont je fais partie -. Mais certains se perçoivent mieux que d’autres dans ce tout. » Finalement, pouvoir penser l’histoire implique une capacité à se penser

22 Nicole LAUTIER, A la rencontre de l’histoire, Presse universitaire du Septentrion, 1997.

Autrement : dessinez-la Sous aucune forme

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dans l’histoire. Cette capacité, PIAGET l’appelle la décentration, c’est-à-dire celle de pouvoir se penser dans une relation de réciprocité aux autres. Bien que les élèves soient désormais de grands enfants ou des préadolescents ne présentant plus les traits de l’égocentrisme (pour PIAGET, il s’agit de la tendance à tout ramener à son point de vue), il en reste quelques traces, et ce, jusqu’en Troisième (« Ca sert à rien l’histoire ; puisque c’est passé… c’est passé ! »).

Plus nombreux semblent être les élèves qui passent de l’égocentrisme à la

réciprocité. Cette transition se fait de façon graduelle : après l’égocentrisme, les hommes de l’histoire permettent un phénomène d’identification qui passe par la Mêmeté (c’est-à-dire l’imitation), puis par l’altérité (une plus grande capacité de décentration). Aussi, le groupe des « externes » ne se caractérise ni par l’âge, ni par le milieu, ni enfin par les résultats scolaires mais réellement par les traits constitutifs de cette « socialisation progressive d’une pensée individuelle »23. On peut ainsi représenter, en parallèle, sur un axe le mode de pensée et le rapport à l’histoire et plus implicitement au temps :

Rapport à l’histoire

« EXTERNE » MEMETE ALTERITE « INTERNE »

Mode de pensée

EGOCENTRISME DECENTRATION « La représentation « externe » de l’histoire sera alors caractérisée par

l’incapacité ou la difficulté à envisager la relation personnelle à l’histoire passée ou en train de se faire, l’absence de perception de liens généalogiques ou de liens de parenté. »24

En outre, si pour les élèves l’histoire s’est passée, ils semblent avoir moins conscience qu’elle est également en train de se faire et qu’ils en sont les acteurs. Ici, réside l’enjeu de l’éducation civique censée les sensibiliser à l’histoire du temps présent jouée par eux-même. Je retrouve donc perpétuellement mon idée initiale qui est celle de focaliser les hypothèses d’action sur ce défi-là : rendre plus concret le passé des hommes aux élèves en les raccrochant à leur propre présent… un présent qu’ils peuvent comprendre à la lumière de l’histoire qui les a précédés.

23 D’après PIAGET (1926, 1951, 1976). 24 Nicole LAUTIER, A la rencontre de l’histoire, Presse universitaire du Septentrion, 1997.

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III. Mise en pratique des hypothèses d’action : quelques pistes pour donner du sens au temps

Après avoir fait un état des lieux et envisagé, à travers certaines

réflexions théoriques, des hypothèses d’action, il s’agit à présent de passer à l’expérimentation. J’ai choisi différentes pistes d’expérimentation suivant mes deux classes et chacune d’entre elles a fonctionné différemment…

1. Le recours à l’actualité en 6°

En souhaitant débuter le second chapitre de sixième en histoire, j’ai

rencontré des difficultés à savoir comment introduire ce chapitre qui m’a semblé d’emblée épineux, et ce, pour plusieurs raisons. Il traite une période très longue, qualifiée par les Instructions Officielles25de « temps de la Bible, 2°-1° millénaire av.J-C) », c’est à dire qu’il faut ici aborder avec les élèves un temps qui est intemporel, et pour cette raison approximatif, voire fictif et apparenté au temps littéraire, presque assimilable à celui du conte. Les données historiques fiables en la matière sont pauvres. A ce titre, j’ai distribué à mes élèves, au cours de la seconde séance, un travail à faire à la maison qui consistait, à partir d’extraits bibliques, à retracer l’histoire du peuple de la Bible, non par un résumé, mais par une frise chronologique26. Or, cette approche, hormis les limites de la frise chronologique en général et que nous avons déjà évoquées, semble être un leurre car elle ne repose pas sur des certitudes scientifiquement prouvées mais sur un texte fondateur qui me semble surtout intéressant par sa lecture religieuse (la naissance de la première religion monothéiste). Ne me sentant donc pas en adéquation avec une démarche véritablement historique, je pense que c’est une expérience que je ne réitérerai plus. De fait, les événements ne sont pas tous avérés sur une échelle du temps précise, ce qui arrive d’ailleurs fréquemment en histoire ancienne et ce qui ne constitue pas un problème en soi, si on ne l’aborde pas de la manière dont je l’ai fait…

Le problème était donc pour moi de justifier l’étude de la Bible, un

document ambigu, d’une part en articulant le propos autour de l’enjeu essentiel, mon fil directeur étant « Que nous apprend la Bible sur l’histoire et la religion des Hébreux ? » ; et d’autre part, en leur présentant cette religion monothéiste ancienne, telle qu’elle est aujourd’hui. Pour cela, j’ai souhaité avoir recours à l’actualité en utilisant un nouveau support, celui de la caricature. J’ai trouvé à cet effet une caricature de PLANTU représentant les accords de paix entre

25 Voir annexe 5. 26 Voir annexe 6.

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Juifs et Palestiniens en septembre 1993.27J’ai soumis cette idée à mon conseiller pédagogique qui à voulu également expérimenter cette approche temporelle du sujet. L’objectif était de débuter la leçon par la présentation de ce document et leur montrer qu’il est ensuite nécessaire de remonter dans le temps pour pouvoir comprendre les enjeux présents… Projet ambitieux et téméraire mais qui a cependant débouché sur une réflexion intéressante avec mon conseiller pédagogique.

Nous avions donc convenu ensemble de la démarche pédagogique à suivre et

je suis allée observer son cours à cette occasion (le 7/12/04). Il commence par interroger les élèves sur leurs représentations : « La Bible, c’est quoi ? ». Suite à quelques réponses des élèves, il résume à l’oral qu’il s ‘agit effectivement, comme venait de le proposer un élève, d’un livre religieux. Il précise ensuite, afin que les choses soient claires dès le départ, que ce livre est un mélange d’histoire et de religion. Certains semblent perplexes mais il les rassure en leur disant qu’ils vont comprendre au fur et à mesure. Il écrit ensuite le titre du chapitre au tableau : « LES HEBREUX : LE PEUPLE DE LA BIBLE ». L’incompréhension du titre est presque immédiate. En réponse à l’interrogation d’un élève, un autre élève demande la parole et lui répond : « Ils ont mis leur histoire dans un livre ». Le professeur décompose ensuite le titre : qui ? = un peuple que l’on appelle les Hébreux ; quand ? = dans l’Antiquité ; quoi ? = un livre qui raconte leur histoire.

Après avoir brièvement présenté le sujet sous forme de cours dialogué, le

professeur passe ensuite à l’étape suivante : la caricature qu’il projette au rétroprojecteur. En même temps, il demande aux élèves ce qu’est une caricature… « C’est une exagération » répond un élève. En observant plus attentivement le document, les rires ne se font pas attendre. On cherche ensuite l’auteur (PLANTU, un dessinateur humoristique), le journal (Le Monde) et le but de l’auteur (« un humour inspiré d’une réalité, l’actualité ; le but étant de faire passer un message par le rire »). Après avoir présenté le document, le professeur interroge sa classe sur le contenu. Voici un bref résumé de ce cours dialogué :

- Le professeur : « Qui sont les personnages représentés sur ce document ? »

- Un élève : « A gauche, c’est Yasser Arafat. » - Un autre élève : « Mais il est mort Yasser Arafat ! » - Le professeur : « Oui, il est mort le 11 novembre. C’était qui ? » - Un élève : « Le chef des Palestiniens. » - Le professeur : « Comment sont habillés ces deux personnages ? » - Un élève : « Yasser Arafat, il a un châle (le keffieh) et le soldat, il a

l’étoile de David. Il est juif.»

27 Voir annexe 7 (document 1).

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Le professeur rebondit sur cet aspect essentiel, celui de l’appartenance religieuse à travers ce signe qui rappelle un personnage de la Bible, David, un des rois d’Israël dont la classe sera amenée à reparler plus tard. Cela permet d’alimenter un certain suspense. Précisons néanmoins que cette figure composée de deux triangles équilatéraux imbriqués pour former une étoile à six branches, n’apparaît qu’au Moyen-Age. On l’appelle aussi bouclier de David ou sceau de Salomon. Cette identification religieuse, bien qu’étant anachronique pour ce qui est de l’étude du peuple hébreu au temps de la Bible, permet justement, au niveau de la sixième, d’associer un symbole religieux encore d’actualité avec sa lente construction en tant que signe religieux distinctif. Cela peut être précisé à l’oral afin d’éviter toute méprise scientifique.

Les élèves ont eu par la suite à localiser le sujet à l’aide d’un planisphère

mural. Cartographier permet ici de situer un territoire qui fut le berceau d’une religion nouvelle et qui est aujourd’hui un enjeu territorial faisant l’objet d’une guerre depuis plus de cinquante ans.

Les élèves se montrent extrêmement intéressés, certains se sentent en

effet très concernés par un sujet dont ils doivent entendre parler dans les médias. Ils essaient ensuite de décrypter ce que représente la colombe :

- Un élève : « la colombe blanche, c’est la paix. Mais les deux bonhommes n’arrivent pas à se serrer la main. »

- Le professeur : « Pourquoi essaient-ils de faire la paix ? » - Un élève : « Parce que c’est la guerre et deux personnages les en

empêchent ». L’enseignant explique ensuite que les juifs sont un peuple qui représente un

pays et les musulmans sont un autre peuple qui représente un pays qui essaie d’exister. Le problème est celui de la possession d’un seul et même pays. C’est une histoire de terre, explique-t-il. Il demande ensuite : « Pourquoi commence-t-on par cela pour faire un chapitre d’histoire ? ». Alors que la majorité des élèves n’a cessé de participer jusqu’à présent, certains rencontrent à ce moment-là des difficultés à expliquer la démarche de leur professeur. Il les aide en expliquant que les juifs et les Hébreux sont un et même peuple et il ajoute : « Pour comprendre un problème aujourd’hui, on a besoin de remonter dans le temps en s’aidant d’un document qui est la Bible, en apprenant et en comprenant les rituels religieux, les déplacements de population à travers les différents territoires… Pour comprendre l’actualité, il faut faire de l’histoire. ». Il en vient enfin, en concertation avec la classe, à trois fils directeur : Comment les Hébreux se sont-ils réunis autour d’une religion nouvelle appelée aujourd’hui le judaïsme ?; Où se sont-ils installés ?; Israël est aujourd’hui un Etat. Mais qu’est-ce qu’ Israël dans l’Antiquité ?.

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Bien entendu, je n’ai restitué que partiellement les éléments de cette séance qui a encore duré environ 15 minutes. J’ai été très étonnée par l’attitude extrêmement motivée des élèves qui ont eu l’air d’apprécier de travailler sur un nouveau type de document (un dessin, pour eux) reflétant leur réalité, ce qu’ils entendent au quotidien et ce fut l’occasion pour eux de repositionner certaines idées : la guerre en Irak n’a rien à voir avec la guerre israélo-palestinienne… Ils se sont donc montrés avides de comprendre et ont sans doute réalisé, pour certains, que pour comprendre, il faut connaître. Le temps peut être mis en perspective si un réel contenu lui donne de l’épaisseur. J’ai tenté à mon tour d’expérimenter cet abord temporel original et périlleux, mais l’expérience fut toute différente. Comme tous les lundis, mon conseiller pédagogique vînt observer le cours. Ce second regard, extérieur et ayant du recul, me permit d’avoir une analyse davantage approfondie sur ma pratique.

Ayant pu constater l’enthousiasme de ces élèves, je décidai de motiver mes

élèves, de tempérament peu agité et agitateur, mais également moins dynamiques en cours, en les surprenant. C’est ainsi que j’ai mis en pratique une technique qu’il m’a été donné d’observer au cours d’un stage (« Animation, dynamisation et tenue de la classe »). J’ai donc installé le transparent de la caricature avant qu’ils n’entrent en classe afin de créer un effet de surprise et d’attirer rapidement leur attention. Ce fut le cas, la séance put rapidement commencer. Les élèves se sont installés et je leur ai demandé d’observer ce document : « Que voyez-vous ? ». Ils ont commencé par répondre comme la classe précédente, mise à part une élève qui a amalgamé dans un premier temps le personnage juif avec un Américain. Là encore, la confusion entre le conflit irakien et le conflit israélo-palestinien est notoire. A nous, en tant que professeur d’ histoire-géographie de préciser les choses, notamment à travers la localisation ayant pour support un planisphère (une belle et récente carte murale, ou projetée au retro/vidéo-projecteur par exemple). Par ailleurs, ma question de départ était trop vaste et il était nécessaire que je cible le propos sur la démarche préalable : la nature du document afin d’aboutir avec les élèves à l’idée qu’il est question d’une représentation simplifiée et simplificatrice de la réalité. Les élèves perçoivent rapidement que ce document vise une déformation et une exagération de la situation. Je leur explique qu’un tel document a pour intérêt de grossir le trait avec humour pour faire passer un message… Reste à décoder ce message en décryptant les différents symboles.

C’est pourquoi, j’ai guidé leur intérêt vers la description des personnages.

Leur identification fut rapide et plusieurs élèves ont repéré l’étoile juive. L’un d’entre eux a même mis en exergue le drapeau israélien sur la manche du soldat juif. Je n’ai malheureusement pas suffisamment exploité cette intervention pertinente qui m’aurait permis de faire le lien avec Israël aujourd’hui. Un élève a trouvé la symbolique de la colombe et la plupart savait que la paix était un véritable enjeu pour ce territoire en guerre. En revanche, il fallait éclairer les

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facteurs du conflit. Certains ont signalé le rôle de la religion. Je leur ai expliqué qu’il y avait deux peuples culturellement très différents, notamment par leur religion, leur langue et leur histoire et qu’ils voulaient chacun posséder le même territoire. J’ai également essayé de leur expliquer simplement et très brièvement d’où était venue l’idée de créer un Etat pour les Juifs (le génocide et la sortie de guerre) tout en leur indiquant que le problème sous-jacent réside dans le fait que les Palestiniens vivent là, eux aussi, depuis fort longtemps et qu’ils ont le même désir d’ être réunis et organisés en Etat. Ce cours dialogué a duré environ 20 minutes, suite auquel j’ai posé cette question : « A votre avis, pourquoi ai-je commencé mon cours par ça ? ». Bien entendu, les élèves n’ont pas vraiment su quoi répondre puisque je n’avais pas encore donné le thème général de la leçon. Ma question apparaissait à juste titre inopinée. J’ai donc donné le titre du chapitre en reprenant ce que mon collègue avait fait auparavant avec sa classe.

Finalement, ils n’ont pas fait ce lien entre le temps présent et le temps

passé, et c’est plutôt moi qui ai dû les y amener. J’ai réalisé assez vite que j’avais échoué et que le message n’était pas bien passé. Que s’est-il passé ? Mes objectifs didactiques étaient clairs : les savoirs contenaient la religion juive, l’étoile de David, Israël, les Hébreux et la Bible (élément que j’ai développé dans la seconde partie de ma séance). Les savoir-faire reposaient sur l’observation, la description et l’amortissement d’une interprétation d’un nouveau support documentaire qui est la caricature ; et le plus important avait pour objectif de savoir faire le lien entre un fait d’actualité et la trame historique pour le comprendre. La situation d’apprentissage était fondée sur le cours dialogué. J’aurais pu les faire écrire mais le but n’était pas de passer trop de temps sur l’introduction à un cours dont le temps imparti est déjà limité. Un des problèmes majeurs résidait sans doute dans mes consignes. Mon entretien avec mon conseiller pédagogique a confirmé cette impression générale de flou. Les élèves ne sont pas véritablement parvenus à comprendre où je voulais en venir, car mes questions n’étaient pas assez ciblées. Moi, je savais où je voulais les emmener, j’avais tellement travaillé sur cette introduction de chapitre que j’en connaissais les réponses presque par cœur alors que les élèves découvraient. Aussi, la trame n’est pas apparue nette et perceptible par les élèves. Leur mise en activité reposait sur l’écoute mais, d’après mon conseiller pédagogique, j’ai voulu expliquer trop de choses en trop peu de temps. Pour simplifier davantage mes explications, j’aurais pu mettre au tableau quelques idées simples :

2 peuples différents

MAIS 1 seul territoire : la Palestine - 2 religions différentes - 2 histoires particulières

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J’ai omis d’apporter un troisième fait et qui est sans doute le plus important : les extrémistes religieux que l’on voit s’évertuant à empêcher les protagonistes de se serrer la main. Cela aurait permis de faire rapidement la distinction entre religion et fanatisme. Pour terminer, j’ai fait une ultime erreur en commençant directement mon étude de document. J’aurais dû rassurer les élèves en leur donnant le titre général, comme l’a fait mon collègue. Cependant, la démarche aurait été alors inverse et serait allée, en ce sens, à l'opposé de mon expérimentation puisque je n’aurais pas réellement débuté le cours avec l’actualité. Mais cette approche pédagogique aurait été plus claire pour les élèves. Je suis donc restée sur une impression d’expérience inachevée, et pour eux et pour moi-même. J’ai donc essayé d’y revenir autrement et cette fois, en fin de chapitre.

2. Face à des résultats mitigés : la nécessité de boucler la boucle

Afin de « boucler la boucle », après avoir terminé le chapitre et fait

l ‘évaluation, je leur ai préparé un travail à faire à la maison intitulé : « Faisons un bilan de la leçon ensemble : à quoi sert l’histoire ? »28. De cette manière, j’ai souhaité donner une cohérence à ma pratique et analyser ce qui restait de cette expérience. Faisons le point sur cette nouvelle expérimentation. Les élèves ont tous compris que l’actuel Israël existait déjà au temps des Hébreux et qu’il est question du même territoire avec la même localisation géographique. La moitié des élèves (sur un total de 20 élèves) a su lire le premier document qui présente le plan de l’actuelle Jérusalem en me disant qu’il y a aujourd’hui trois types de population qui y vivent (les juifs, les musulmans et les chrétiens) ; les autres ont regardé partiellement ou pas du tout le document en ne donnant qu’une ou deux réponse(s) sur les trois requises. Le lien temporel présent dans la question « Ces populations existaient-elles toutes au temps des Hébreux ?», a été fait par 7 élèves alors que pour quatre, aucune d’entre elles n’existait encore…même pas le peuple hébreux ; pour deux élèves, elles existaient déjà toutes. Ils ont tous su identifier les deux protagonistes en les qualifiant (Palestine et Israël) et en indiquant leurs attributs (le keffieh et l’étoile de David). A la question « Ont-ils la même religion ? », un élève a fait un savoureux mais inquiétant mélange d’actualité et de cours, je cite « Les Israëliques sont juifs et les islamiques sont musulmans ». Le vocabulaire est donc à étoffer et à expliciter, notamment en ce qui concerne le monde musulman étudié en 5°.

Certaines des réponses à la question suivante m’ont interpellée : « A l’aide

de tes connaissances, peux-tu dire pourquoi les juifs veulent vivre sur ce territoire. » 12 élèves ont évoqué la Bible selon laquelle Dieu aurait promis cette terre au peuple hébreux. Mais trois élèves ont donné les réponses suivantes :

28 Voir annexe 7 (document 2).

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- « Ils veulent que leur territoire soit mieux que la Palestine, plus riche et plus grand. Ils veulent qu’ils dominent. »

- « Les Juifs veulent aller sur le territoire des Palestiniens. Les Juifs veulent prendre leur territoire pour que tout le monde ait la même religion. »

- « Car ils désirent dominer la totalité des nations de celui-ci. » Dès lors, se pose la question de ma responsabilité d’enseignant, un devoir

d’ordre éthique. Le message de départ serait-il si mal passé qu’il aurait été mal interprété ? En voulant expérimenter l’apprentissage du temps, aurais-je mal choisi mon sujet historique en guise de support ? En effet, le sujet d’actualité sélectionné est un sujet parfois polémique et le traiter comme prélude à un cours sur les Hébreux aurait pu également déboucher sur des réactions inverses me reprochant de justifier les revendications israéliennes par l’argument ‘‘pseudo’’ -historique. Il est évident que je n’aurais jamais choisi un tel fait d’actualité avec une classe brassant des origines culturelles très variées ou dans un collège où ce cosmopolitisme est difficilement vécu. Avec cette classe, je savais que je ne prenais pas de tels risques. Et la démarche avait également un intérêt civique, celui de montrer que la terre n’appartient à personne en particulier, quelque soit sa religion et qu’il est nécessaire de soutenir un processus de paix pour une guerre qui dure depuis trop longtemps.

Les réponses aux deux dernières questions de l’exercice m’ont néanmoins

rassurée. Pour ce qui est du rapport entre l’étude de ces documents traitant d’une situation ayant lieu au présent et le chapitre sur le peuple hébreux, une grande majorité a fait le lien essentiel : la religion. Ils ont compris que la religion a beaucoup d’impact dans l’histoire des peuples et dans l’évolution des mentalités. Enfin, la dernière question allait, comme pour les cinquièmes précédemment, droit au but : « A quoi cela sert-il de remonter dans le temps ? »29. Ainsi, la moitié d’entre eux n’a fait aucun lien entre le passé et le présent, contrairement à la seconde moitié qui a établi ce lien.

Deux choses demeurent toutefois gênantes. D’une part, le risque

téléologique ou finaliste qui donne à l’histoire un sens et un projet : le présent trouve sa signification dans la perspective d’un futur déterminé. Trois élèves au moins semblent l’avoir compris ainsi, comme l’attestent ces réponses :

- « Mieux comprendre pourquoi on en est là (exemple : pourquoi ils se font la guerre depuis plus de 50 ans) ».

- « Apprendre comment cette guerre est arrivée ». - « Savoir pourquoi ils se font la guerre ».

L’écueil que la discipline historique cherche à éviter est celui de « chercher

dans l’après la raison de l’avant . Ce qui se passe après ne peut être cause de se

29 Toutes les réponses figurent en annexe 7 (document 3).

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qui s’est produit avant.»30. Ce saut dans le temps qui balaye 3000 ans d’histoire (entre le premier millénaire av. J-C et aujourd’hui) n’est-il pas sans danger en ce qui concerne la véritable démarche historienne ? Cette action pédagogique ne visait pas à trouver les explications de l’histoire du peuple hébreu dans l’actualité, et d’ailleurs l’inverse non plus. Le faisceau de facteurs et de faits qui donne au conflit israélo-palestinien toute son ampleur ne se résume donc pas uniquement par le parcours cultuel et spatial du peuple hébreu. Car l’histoire des deux peuples ainsi que des enjeux géopolitiques et éthiques post-deuxième guerre mondiale sont à mettre en lumière. Mais peut-on le faire avec une classe de 6° ? C’est impossible, tout reste à leur faire apprendre. Et tout en ayant conscience des limites de cette expérimentation que j’ai essayé d ‘évoquer, je crois aussi que ce type de démarche parvient tout de même à les sensibiliser sur l’évolution du temps historique en constatant que tout est lié et qu’ appréhender le monde actuel ne peut se faire sans un retour sur le passé. Précisons que l’objectif primordial est clairement délimité : faire saisir aux élèves la profondeur du temps historique en leur faisant sentir que l’histoire est continue et que les faits présents sont inéluctablement liés aux faits passés. Preuve en est que pour certains élèves, le message d’intérêt historique voire civique est passé : « Savoir ce que nos ancêtres ont vécu dans le passé et pour voir aujourd’hui les avantages et les inconvénients qu’il y a dans notre vie par rapport à la leur » ; « Voir l’évolution dans les différentes religions » ; « Connaître l’origine pour éviter de faire les mêmes erreurs ».

Les expériences sur le temps menées avec ma classe de 6° furent donc

tortueuses mais enrichissantes sur le plan didactique. L’expérimentation mise en place avec les 5° fut, malgré un sujet tout autant polémique, moins difficile à mener à son terme pédagogique.

3. Une expérience positive avec les 5° : quand la géographie vient en aide à l’histoire…

Avec ma classe de 5°, l’objectif pédagogique demeure identique :

raccrocher les élèves au passé historique en ayant recours à l’actualité ; faire comprendre l’intérêt d’une discipline qui prétend étudier les sociétés passées en se fondant, comme point de départ, sur l’histoire du temps présent. Il est question de montrer, dès le début du chapitre, l’importance de remonter dans le temps pour comprendre la situation présente.

Pour cela, j’ai choisi un chapitre qui me tient particulièrement à cœur : « Le

monde musulman ». Cette partie du programme m’est chère car elle prétend 30 Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, p. 111-112, Editions du Seuil, Collection Point Histoire, 1996.

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mettre en lumière l’histoire d’un peuple et d’une religion sur lesquels les enfants ont aujourd’hui bons nombres d ‘a priori, parfois dangereux pour la préservation de la bonne entente entre les différentes communautés religieuses et culturelles qui cohabitent en France. L’islam est devenue la deuxième religion en France (et la deuxième dans le monde) et sa connaissance est très souvent faussée par l’image qu’en donnent les divers extrémismes et quelques fois les médias. Donner de l’islam une présentation plus sereine et plus équilibrée est un axe essentiel. Le défi consiste ainsi à faire ressentir à ces élèves de 5° l’enjeu civique, selon lequel mieux se connaître lorsque l’on est distinct sur le plan religieux et culturel, c’est mieux s’accepter sans avoir peur de la différence ; c’est ce qui permet ensuite de coexister, pour vivre dans la tolérance, et dans l’échange culturel qui est si fructueux pour soi et pour les autres.

L’apprentissage du temps s’accommode bien avec cette démarche éthique.

J’ai donc consacré cette première séance sur le chapitre par une mise au point de vocabulaire à travers une analyse cartographique. J’ai tout d’abord donné aux élèves le thème général de la leçon (« LE MONDE MUSULMAN ») et je leur ai expliqué que cette première heure serait vouée au monde musulman tel qu’il est aujourd’hui, d’où le fil directeur de la leçon rapidement trouvé par un élève : « Qu’est-ce que le monde musulman aujourd’hui ? ». J’ai ensuite projeté le premier document, il s’agit d’une carte représentant la communauté musulmane dans le monde d’aujourd’hui31. Cette représentation cartographique nous renseigne sur la répartition mondiale des musulmans grâce à deux indications : la population musulmane en pourcentage de la population totale par pays sous forme de plages colorées, et la population musulmane en millions d’habitants sous forme de figurés ponctuels. J’ai volontairement simplifié les choses en expliquant à la classe que les régions vertes étaient les pays où il y a une forte proportion de musulmans et que les points, suivant leur grosseur, montrait cette importance en nombre. J’ai délibérément choisi, à ce moment-là (je le ferais sûrement autrement aujourd’hui) de procéder sous forme de cours dialogué pour ensuite mettre par écrit le fruit de notre réflexion orale par un cours magistral. Mes questions étaient de cet ordre : « Dans quelles régions du monde se trouvent actuellement les musulmans ? ». Il convenait dans un premier temps de démonter leurs préjugés fondés sur l’idée que les musulmans ne sont présents qu’en Afrique ou au Moyen-Orient. Certains élèves ont pu constater avec étonnement que la partie sud de l’Afrique était minoritairement musulmane alors qu’il y a aussi des musulmans (et non des islamistes, comme ils disaient souvent au début) en Russie et en Indonésie. Cette mise en activité du savoir-faire « localiser » nous prit déjà un certain temps puisque les élèves prenaient plaisir à feuilleter leur manuel pour donner le nom exacte de certains Etats d’Afrique ou du Moyen-Orient. Cette activité d’identification des pays nous a permis de situer le berceau de l’islam, l’Arabie, d’où la question notoire : « Mais madame, c’est pour

31 Voir annexe 8 (document 1).

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ça que l’on traite les musulmans d’Arabes ?». J’en ai profité pour rebondir immédiatement sur cette affirmation erronée mais largement répandue qui assimile Arabes et musulmans en leur soumettant une autre carte, celle de la répartition des Arabes dans le monde.32

En superposant les cartes, les élèves ont pu constater que la répartition des

musulmans ne correspond pas automatiquement à celle des Arabes. Ces observations géographiques leur permirent d’aiguiser leur réflexion en se posant plusieurs questions auxquelles je répondais au fur et à mesure : « Mais c’est quoi alors un Arabe madame ? » ; « A partir de quelle racine est construit ce mot ? » lui demandai-je afin de lui faire trouver une partie de la réponse. Il répondit avec facilité : « Ca vient d’Arabie », région que nous venions de situer. J’expliquai donc que les Arabes représentaient un peuple venu d’Arabie qui s’est ensuite dispersé mais qui a gardé une langue, une culture et des racines historiques et géographiques communes. Un autre élève rétorqua, après avoir demandé la parole : « Mais beaucoup d’Arabes sont musulmans ? » ; « Absolument, lui dis-je, c’est totalement vrai, mais crois-tu que tous les musulmans soient Arabes ? ». Cette question le déstabilisa mais aiguilla d’autres élèves vers une idée fondamentale : tous les musulmans ne sont pas arabes, comme l’atteste l’exemple de l’Indonésie qui représente la plus importante communauté musulmane au monde avec 174 millions de musulmans. Les élèves purent trouver cette information sur la carte précédente en citant également l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan comme pays contenant une forte proportion de musulmans.

Cet effort de localisation leur a donc ouvert des portes inconnues

jusqu’alors, étant donné qu’ils se sont posé des tas de questions en se montrant très dynamiques lors de cette heure de cours. Après cette phase où l’action des élèves reposait sur la participation orale et l’écoute, nous avons mis par écrit toutes ces idées, et ce, sous forme de définitions. Voici la trace écrite :

« - L’islam est la deuxième religion en France et dans le monde. Le pays comptant le plus grand

nombre de musulmans est l’Indonésie. - Il ne faut pas confondre :

• Musulmans : ce sont les croyants de l’islam • Arabes : à l’origine, ils viennent d’Arabie. Ils ont progressivement formé une

nation, c’est-à-dire un peuple avec une langue, une culture et une histoire commune. - 95 % des Arabes sont aujourd’hui musulmans mais ils ne représentent que 20 % du total des

musulmans. - Islam : c’est une religion née en Arabie avec Mahomet. Elle signifie en arabe « soumission à

Allah ». Ses croyants s’appellent les musulmans. C’est la troisième religion monothéiste après le judaïsme et le christianisme. »

Je n’ai pas manqué de leur signaler, à l’oral (et ce, à plusieurs reprises au

cours de la leçon), la distinction entre islam et islamisme en leur expliquant que 32 Voie annexe 8, (document 2).

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le second terme renvoie à une lecture extrémiste, radicale et intolérante par rapport à tous ceux qui ne sont pas musulmans. Cette mise au point de vocabulaire nous a ainsi permis de faire un état des lieux actuel de la question en suscitant des questionnements et en avivant leur curiosité concernant la leçon, tant et si bien que le fil directeur du chapitre fut trouvé avec aisance : « Comment est née l’islam ? Pourquoi et comment cette religion s’est-elle diffusée ? ».

Je suis aujourd’hui satisfaite de cette séance, à la fois en matière de

contenu et en ce qui concerne l’approche temporelle de ce chapitre d’histoire. Il me semble que je suis parvenue à leur démontrer, grâce au support cartographique, l’intérêt de remonter dans le temps. En constatant l’importance spatiale de cette religion et par le biais de leurs préjugés fondés sur ce qu’ils peuvent entendre dans leur entourage familial, social (les médias)…, certains élèves ont pu percevoir le poids des mots, l’importance du vocabulaire érigé au fil du temps. Certains ont alors saisi la portée d’une étude historique et temporelle mettant en évidence des processus lents à émerger, plus ou moins rapides à se développer et aboutissant à la situation contemporaine. Cette entrée pédagogique dans le temps est applicable à tous les chapitres focalisés sur le fait religieux (Les Hébreux en 6°…).

Néanmoins, avec le recul, je crois que le contenu didactique aurait pu être

plus constructif sur le plan des savoir-faire des élèves. En effet, j’aurai pu, dans la seconde partie de la séance faire rédiger un résumé aux élèves, après avoir noté au fur et à mesure les mots clés au tableau. Les élèves auraient ainsi fait un effort de mémorisation supplémentaire et auraient eu l’occasion de réinvestir le vocabulaire de manière autonome en travaillant l’expression écrite.

La chronologie n’est donc pas la seule représentation spatiale du temps et

je me suis attachée au cours du chapitre à faire comparer aux élèves les représentations cartographiques : mettre en relation l’expansion musulmane du VII°-VIII° siècles avec la carte actuelle33. Cette approche cartographique du temps permet de révéler, très au-delà du noyau initial conquis par les Arabes, l’expansion de l’islam après l ‘an mil sous l’impulsion de peuples nouveaux : Turcs, Indiens, Africains… La géographie est donc un bon moyen pour faire accéder les élèves à la complexité du monde actuel ; en goûtant à l’évolution spatiale, ils sont initiés aux enjeux géopolitiques et à toutes les questions qui en découlent mais qui trouvent la plupart de leurs réponses dans une analyse et une compréhension du passé.

33 Voir Annexe 8 (document 1).

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Pour conclure… L’élaboration de ce mémoire m’a été instructive à plusieurs titres : elle m’a

permis de me rendre compte de l’impasse des jeunes élèves du collège à se représenter concrètement ce qui n’est pas sensoriellement perceptible mais seulement intellectuellement pensable. Ceci permet alors à l’enseignant d’être plus tolérant et compréhensif sur les erreurs que nos élèves sont naturellement amenés à faire. En établissant un diagnostique du niveau de maîtrise de la notion temporelle, et en nourrissant notre réflexion théorique à travers divers points de vue (épistémologique, psychologique et didactique), nous avons pu fixer de nouveaux objectifs à atteindre, peut-être moins ambitieux qu’au départ mais plus opérationnels.

Du fait que le temps soit abstrait, il est difficile pour l ‘élève d’en saisir

directement la profondeur. L’apprentissage du temps s’inscrit donc dans une progression notionnelle et méthodologique. C’est dans le cadre d’une dynamique des apprentissages qu’il s’insère et se construit en tant que notion pour l’élève. En effet, cet objet de pensée abstraite qui est le temps n’est pas donné mais il s’acquiert grâce à des méthodes d’apprentissage variées et adaptées aux stades successifs du développement intellectuel de l’enfant ou du préadolescent, adulte en devenir. Aussi, il convient de chercher des niveaux variables, en adéquation avec l’âge des élèves, leurs intérêts, leurs possibilités intellectuelles.

En outre, l’élève apprend, à condition de trouver du sens dans les situations

d’apprentissage, d’acquérir une habilité personnelle pour apprendre, d’analyser sa stratégie, de s’assurer qu’il a compris et maîtrisé. Il faut donner les moyens à l’élève de penser le temps en lui permettant de l’humaniser à travers un récit vivant, voire théâtralisé, piste d’étude qui pourrait faire l’objet d’un sujet de mémoire à elle seule. Nous avons plutôt opté pour une étude temporelle ancrée, de prime abord, dans le présent de l’élève, un fait d’actualité qui puisse lui parler. Le temps historique, établi en tant que lien entre quelque chose de « vécu » dans la société et les éléments passés, tel le fil d’Ariane qui permet de remonter le temps pour le comprendre, peut alors devenir pensable et intellectuellement représentable, même s’il reste encore difficile à mettre en perspective. Bien entendu, cette approche ne constitue pas la panacée et nous avons même pu en cerner rapidement les écueils, voire les limites.

Outre la chronologie, d’autres éléments du programme, tels certains

documents à valeur patrimoniale mais aussi ceux que nous avons expérimenté, les cartes, permettent de superposer de nouvelles échelles temporelles au temps long des civilisations. Il est donc possible de faire travailler les élèves sur la durée, notion fondatrice et exigeante du temps historique. Le temps s’inscrit dans une progression conceptuelle, c’est pourquoi sa mise en perspective se fait

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tout au long de l’année scolaire et durant les autres cycles du collèges, au fur et à mesure du traitement de chaque thème d’étude. Et cet apprentissage n’a pas à se confiner dans une méthodologie exclusive. Savoir et savoir-faire doivent demeurer parfaitement intégrés. La nécessité de remonter le temps devient une évidence à partir du moment où l’élève a compris en quoi cela lui est directement profitable, notamment pour acquérir une intelligibilité du monde actuel. Et comme le temps est inhérent à la discipline historique, si l’élève parvient à palper le concept temporel, il sait pourquoi il est fondamental de faire de l’histoire…

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Annexe 1: Extrait de l’accompagnement des programmes de 6°, CNDP, 1996.

« Les quinze repères chronologiques proposés sont porteurs de sens, ils

sont en même temps des repères culturels et doivent être enseignés comme tels :

- Ils peuvent être représentatifs d’une période, traduisant par exemple un moment d’apogée (Athènes au V° siècle avant J-C, le haut Empire romain au II°siècle ap.J-C) ;

- Ils peuvent concerner un moment de rupture ; ils annoncent dans ce cas, un changement de période et sont révélateurs du principe de découpage du temps historique (néolithique, chute de l’Empire romain).

Ces repères chronologiques s’intègrent également dans des temporalités

diverses qu’ils permettent de mettre en évidence : - longue durée d’une civilisation étudiée dans sa continuité

(l’Egypte antique, le temps de la Bible) ; - génération ou siècle (la Grèce au VIII° siècle av. J-C, Rome au II°

siècle ap. J-C) ; - épisodes historiques (épopée d’Alexandre, vie de Jésus) ; - événements fondateurs (naissance de Rome, conversion de

Constantin) ou symboliques (Marathon, Alésia). Ainsi, c’est en rencontrant ces repères, tout au long de l’année, que l’on peut

conduire l’apprentissage des temps historiques. Les séances préalables, dites de méthodologie, consacrées aux subdivisions du temps sont donc à proscrire.

Quels qu’ils soient, les repères chronologiques expriment des faits de

civilisation, ils doivent donc être systématiquement associés aux documents.(…) Ces repères chronologiques, enfin, permettent de mesurer les ambitions du

programme. La civilisation égyptienne, par exemple, doit être abordée comme un ensemble, comme « le temps d’une civilisation ». Cela exclut tout autre exigence chronologique. De même pour l’histoire des Hébreux. (…) »

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Annexe 2 : Les instruction officielles concernant les orientations générales et le programme d’histoire en école primaire (cycle 3) :

Extraits sur les orientations générales : « Le programme d’histoire, tout en maintenant fermement le déroulement chronologique et en continuant à réserver une place prépondérante à l’histoire du territoire français, insère plus fortement celui-ci dans une approche européenne et parfois même mondiale (…). Les maîtres n’oublieront pas cependant l’histoire régionale et locale.(…) Le programme ne se limite pas à la seule histoire politique.(…) Il s’agit en effet de fournir aux élèves un cadre chronologique élémentaire leur permettant de situer un choix restreint d’événements, créations, inventions, personnages majeurs, et groupes significatifs au sein de quelques grandes époques dont ont s’attachera à faire ressortir le sens global (…). L’objectif est de s’assurer que les élèves auront acquis, à la fin du cycle 3, une première notion de la succession et des caractéristiques, souvent contrastées, de ces grandes époques, en commençant à construire, dans ce contexte, quelques relations de causalité.(…) Les élèves entrant en 6° devraient donc disposer des références de base leur permettant de s’orienter dans des enchaînements plus complexes de faits historiques et de civilisation. (…) D’entrée de jeu, le maître rappellera que le calendrier est une convention fondée sur un événement d’origine différente selon les cultures. (…) L’élève doit mémoriser une vingtaine de dates, en expliciter le sens et les remettre dans une perspective historique fondée sur la continuité. (…) Le seul moyen de préparer l’élève à son entrée au collège est de lui faire comprendre, dès l ‘école primaire, la spécificité de l’histoire, une « connaissance par traces », en donnant à ce terme le sens que lui donne l’histoire. (…) Il doit être capable d’identifier ces traces que l’historien appelle sources ou documents. »

Parmi les compétences et évaluations : « savoir caractériser les périodes historiques,(…) connaître quelques unes des dates (par exemple celles qui ont été retenues pour délimiter une période), (…). En fin de cycle, les élèves doivent être capables de distinguer les grandes périodes historiques, pouvoir les situer chronologiquement, commencer à mettre en valeur pour chacune d’entre elles les principales formes de pouvoir, les groupes sociaux, et quelques productions techniques et artistiques ».

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Annexe 3, document 2:

Grands groupes Expressions correspondantes • La périodisation

- Grandes périodes historiques - Le Moyen-Age - L’Egypte ce choix précis - Les croisades traduit probablement un goût pour ces chapitres en particulier

• La notion de civilisation

- Civilisation - Histoire du monde - Religion - Notre culture - La vie

• L’imaginaire - Chevalier - Aventures

• Se situer dans le temps

- Hier - Le passé (revenu 6 fois) - La vie avant - Les ancêtres - Ce qui s’est passé avant notre ère - Dans le temps - Les choses qui se sont passées il y a longtemps

• Goût en tant que matière scolaire

- Matière que j’aime

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Annexe 3, document 3 :

Pour ces élèves de 5°, l'histoire commence avec...

Naissance de J-C8%

Apparition de l'écriture33%

Naissance de l'agriculture8%

Naissance de l'écriture et de l'agriculture

4%

La révolution4%

Néant43%

Naissance de J-CApparition de l'écritureNaissance de l'agricultureNaissance de l'écriture et de l'agricultureLa révolutionNéant

Annexe 3, document 4 :

Différentes échelles de préférence

2 élèves: L'histoire de l'Europe

0 élève:L'histoire de France6 élèves: L'histoire de ta région

6 élèves: L'histoire de ton village

10 élèves: L'histoire des plus grandes civilisations du monde

5 élèves: L'histoire de ta famille

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Annexe 3, document 5 :

0

2

4

6

8

10

12

14

16

Nombre d'élèves

Progrès Conflits Aventures Dates Rencontres Mémoire

Pour les élèves, l'histoire serait synonyme de ...

entre des culturesdifférentes

et événementset anecdotesoppositionsguerres

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Annexe 3, document 6 :

Synthèse des réponses sous forme de tableau et répondant à la consigne suivante: « En une phrase, explique à quoi cela sert de remonter dans le temps » :

N.B : 5 élèves n’ont pas répondu. Le passé proche ou lointain

« Mieux comprendre ses origines. » « Connaître ce qu’ont fait nos ancêtres. » « Comprendre ce qui s’est passé dans

l’Antiquité. » « Il faut connaître ce qui s’est passé avant

nous. Il ne faut pas rester qu’au présent. » « Expliquer le passé que nous n’avons pas

pu vivre. » « Repenser,apprendre, imaginer, comprendre

des choses sur l’histoire ancienne. »

Curiosité concernant la façon dont vivait l’autre

avant, la vie des gens, leur quotidien

« Comprendre leur vie à leur époque. » « Savoir qui était là avant nous et savoir

comment ils faisaient pour vivre. » « Savoir où et comment vivaient les

hommes. » « Connaître comment étaient nos ancêtres et

qui étaient-ils et quand. »

La notion de civilisation, avec l’idée de rencontres et d’échanges.

« Savoir l’histoire de l’humanité. » « Savoir notre histoire et l’histoire des

autres pays. » « Connaître des civilisations passées. » « Savoir ce qui s’est passé dans le monde. » « Mieux comprendre les peuples, les

civilisations, les religions. »

Le lien passé/présent « Mieux comprendre notre situation

aujourd’hui et mieux comprendre la mentalité des gens. »

L’intérêt pour

les grandes figures de l’histoire

« Connaître les personnages qui ont fait des choses importantes et qui ont peut-être un peu changé la vie des hommes à leur époque. »

Vision dynamique du temps

historique

« Mieux comprendre l’évolution. »

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Annexe 4 : Les trois temps, selon Fernand BRAUDEL…

« Ce livre se divise en trois parties, chacune étant en soi un essai

d’explication. La première met en cause une histoire quasi immobile, celle de l’homme dans

ses rapports avec le milieu qui l’entoure ; une histoire lente à couler et à se transformer, faite bien souvent de retours insistants, de cycles sans fin recommencés. Je n’ai pas voulu négliger cette histoire-là, presque hors du temps, au contact des choses inanimées, ni me contenter, à son sujet, de ces traditionnelles introductions géographiques à l’histoire.(…)

Au-dessus de cette histoire immobile, une histoire lentement rythmée, on

dirait volontiers, si l’expression n’avait été détournée de son sens plein, une histoire sociale, celle des groupes et des groupements. Comment ces vagues de fond soulèvent-elles l’ensemble de la vie méditerranéenne ? Voilà ce que je me suis demandé dans la seconde partie de mon livre, en étudiant successivement les économies et les Etats, les sociétés, les civilisations, en essayant enfin, pour mieux éclairer ma conception de l’histoire, de montrer comment toutes ces forces de profondeur sont à l’œuvre dans le domaine complexe de la guerre. Car la guerre, nous le savons, n’est pas un pur domaine de responsabilités individuelles.

Troisième partie enfin, celle de l’histoire traditionnelle, si l’on veut de

l’histoire à la dimension non de l’homme, mais de l’individu, l’histoire événementielle de François SIMIAND : une agitation de surface, les vagues que les marées soulèvent sur leur puissant mouvement. Une histoire à oscillations brèves, rapides, nerveuses. Ultra-sensible par définition, le moindre pas met en alerte tous ses instruments de mesure. Mais telle quelle, c’est la plus passionnante, la plus riche en humanité, la plus dangereuse aussi. Méfions-nous de cette histoire brûlante encore, telle que les contemporains l’ont sentie, décrite, vécue, au rythme de leur vie, brève comme la notre. Elle a les dimensions de leur colère, de leurs rêves et de leurs illusions… »

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, 1949

(date de parution), Préface, p.11-12.

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Annexe 5 : Les instruction officielles en 6° concernant le chapitre sur les Hébreux.

« LE PEUPLE DE LA BIBLE : LES HEBREUX (3 à 4 heures) : L’étude des Hébreux est

abordée à partir de la Bible, document historique majeur et livre fondateur de la première religion monothéiste de l’Antiquité, et des sources archéologiques.

- Carte : le croissant fertile - Repères chronologiques : le temps de la Bible (2°-1° millénaire avant J-C) - Documents : extraits de la Bible. Le temple de Jérusalem. »34

« C’est évidemment à cause de leur apport dans le domaine religieux que les Hébreux

figurent dans le programme, à la différence de nombre de petits peuples de l’Antiquité. Il ne s’agit donc pas en trois à quatre heures, de surcharger et disperser l’étude en tentant de présenter les différents aspects de la civilisation du peuple hébreu (économie, société, etc.). C’est le fait religieux qui est central : il s’agit de présenter la première religion monothéiste de l’Antiquité ; le contraste s’impose avec le polythéisme des peuples voisins, notamment celui de l’Egypte, que les élèves viennent d’étudier. Les caractères essentiels de la religion des Hébreux sont à souligner : le lien entre l’histoire concrète d’un peuple et la transcendance se manifestent dans l’épisode de la sortie d’Egypte ; le Décalogue, en relation avec le monothéisme, place au centre de la loi l’appel à la conscience morale, constitutif de la religion ; plus tard le prophétisme, dans un autre style, fait écho à cet appel.

L’étude est abordée à partir de la Bible. Comme pour toutes les autres rubriques du

programme, la démarche ne peut être que celle de l’historien, et son esprit celui de la laïcité, respectueuse de la conscience et des convictions diverses des élèves.

La Bible est envisagée ici comme un document historique à un double titre : c’est un

témoignage parmi d’autres sur l’histoire des Hébreux (à mettre en relation avec d’autres sources, notamment archéologiques) ; et surtout elle nous renseigne sur leurs croyances, leur vision du monde. Il n’est pas souhaitable, au niveau de la 6°, d’égarer les élèves dans le labyrinthe des divers documents de base (yahviste, élohiste, deutéronomique, sacerdotal) que les spécialistes s’attachent à distinguer, avec leurs différences et leurs influences, dans la rédaction de la Bible. Il suffit de leur faire comprendre que la Bible est un recueil de traditions orales mises par écrit, de textes et de livres de natures fort diverses, rédigés et rassemblés au long d’une histoire millénaire.

En revanche, il est indispensable de leur présenter un certain nombre d’épisodes et de

personnages (Abraham, Moïse et David par exemple) dont la valeur patrimoniale dans la culture occidentale est évidente et dont l’ignorance prive les élèves de références lorsqu’ils abordent, en classe pendant toute leur scolarité ou hors de la classe, des œuvres littéraires et artistiques de toutes les époques. Cette présentation peut être assurée par la lecture guidée, à la maison ou au C.D.I, de passage de la Bible, par l’étude de plus courts extraits en classe, par le récit bref et vivant fait par le professeur, etc. »35

34 Programme de la classe de 6°, Ministère de l’éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, décembre 1995. 35 Accompagnement de programme de 6°, CNDP, Collection collège, 1996.

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Annexe 7, document 3 : Pourquoi est-il utile de remonter dans le temps ?

- « Connaître nos ancêtres et donc notre histoire ». - « Connaître l’histoire des pays et les problèmes qu’ils ont connus ». - « Mieux comprendre pourquoi on en est là (exemple : pourquoi ils se

font la guerre depuis plus de 50 ans) ». - « Elle nous renseigne sur d’autres peuples et sur ce qui s’est passé

dans l’histoire ». - « Cela sert à expliquer pourquoi les peuples depuis si longtemps se

disputent le territoire de Jérusalem ». - « Nous expliquer ce qui s’est passé avant et comment les gens

vivaient ». - « Apprendre comment cette guerre est arrivée ». - « Savoir ce que nos ancêtres ont vécu dans le passé et pour voir

aujourd’hui les avantages et les inconvénients qu’il y a dans notre vie par rapport à la leur ».

- « Comprendre l’explication de ce conflit qui dure toujours et qui n’a pas trouvé de solution ».

- « Comprendre ce qui s’est passé dans le temps ». - « Connaître l’origine pour éviter de faire les mêmes erreurs ». - « Expliquer la vie des peuples d’autrefois et leur religion ». - « Voir l’évolution dans les différentes religions ». - « Savoir pourquoi ils se font la guerre ». - « Savoir plus sur ce qui s’est passé et apprendre plus sur nos

ancêtres ». - « Savoir au temps où Jésus est né».

- Néant : 5 élèves.

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Annexe 8, document 1 : Repères cartographiques, « L’Histoire », n°260, décembre 2001, Dossier sur l’islam, p.37.

Annexe 8, document 2 : « L’histoire », n°272, Janvier 2003, Numéro spécial : Les Arabes, p. 68.

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Le temps est l’essence même de la discipline historique, et pourtant, les élèves ont parfois du mal à se représenter et à manier cette notion. Comment rendre concret un passé parfois insaisissable ? En prenant en compte leurs représentations liées à leur développement en tant que préadolescents, l’on peut essayer de donner du sens au temps en établissant un lien direct entre le passé des hommes et leur présent…

Mots clés : Temps historique Représentations et perceptions Apprentissage notionnel et méthodologique Intelligibilité (du temps) Lien avec le présent

Collège d’Etang-sur-Arroux Niveaux sixième et cinquième

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