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www.neur-one.fr [email protected] 1 10/12/2010 L’ETAT DE CONSCIENCE (1) DE LA VIGILANCE ACTIVE A L'INTENTION PUIS LE DESIR I. BASE COMPORTEMENTALE DE L'ETAT DE CONSCIENCE Traditionnellement, la psychophysiologie occidentale reconnaît deux états de conscience propre à tous les individus : le sommeil d'une part, considéré comme une période de repos, l'état de veille, d'autre part, qui correspond classiquement à la période pendant laquelle l'organisme est éveillé. À propos de cette dernière, on parle aussi de vigilance active, de conscience ordinaire ou encore de conscience de « surface ». Le changement d'état le plus marquant dans nos expériences quotidiennes est le retour à la conscience ordinaire qui marque le réveil après le sommeil. L'état de conscience est un état qui, dans ses plus subtils retranchements, ne peut être apprécié qu'introspectivement ; il constitue certainement le fait essentiel caractérisant l'existence humaine. On a souvent tenté de l'interpréter en termes physiologiques et psychologiques ; certaines de ces interprétations sont en flagrante contradiction avec d'autres et l'ensemble de ce domaine de recherches est encore en gestation. La physiologie peut contribuer à la discussion en spécifiant, du point de vue des sciences naturelles, les conditions limites dans lesquelles l'état de conscience semble maintenu. Le terme de conscience ordinaire est à l'évidence très vague et difficile à définir du point de vue neurobiologique, en raison de la polysémie de ce mot en langue française. Toutefois on admet généralement qui contient deux concepts : celui de niveau de conscience ou d'éveil apprécié par l'observation du comportement du sujet : l’"arousal" des Anglo-Saxons ; celui du contenu de la conscience, beaucoup plus subjectif, et que l'on ne peut apprécier ou évaluer qu'à partir d'indices indirects comme le langage par exemple... :l’"awareness" des Anglo-Saxons. La conscience ordinaire ou de surface correspond à une activation de tout l'organisme qui lui permet de capter, de sélectionner et de traiter les informations venant du monde extérieur et de l'organisme lui-même, d'en garder certaines en mémoire, de réagir à d'autres par des comportements appropriés, selon les expériences ou les apprentissages antérieurs. L'état d'éveil est donc celui de l'adaptation à la réalité de l'organisme avec son environnement. Cet état de conscience normale et idéale se traduit essentiellement pour chaque individu par sa capacité de décoder et de répondre efficacement aux stimulations de l'environnement d'une manière telle qu'elle est acceptée par la plupart des membres du groupe social d'appartenance. En effet, la manière dont nous prenons conscience à la fois de notre monde intérieur et du monde extérieur est largement « imprégnée » des habitudes culturelles du groupe social dans lequel nous nous identifions. Par ailleurs elle se transforme au cours du temps, à la fois à long terme avec l'âge, et à très court terme, le long d'une même journée. Le décodage des événements sera très différent selon par exemple que l'on est détendu ou anxieux, excité ou proche de l'endormissement, jeune et inexpérimenté ou âgé et connaisseur... C'est pendant les périodes de veille que s'expriment nos comportements ; en d'autres termes, la première étape du déroulement d'un comportement n'est permise que s'il y a activation de l'organisme telle qu'elle résulte de la confrontation des conditions internes de l'individu avec celles des situations présentes dans l'environnement. Cette confrontation donne naissance à l'attention puis l'intention, toutes deux à l'origine de la motivation. De l'activation de notre organisme dépend donc la motivation et les deux processus qui la sous-tendent, la perception, (l'attention) et l'orientation de notre action (l'intention). Sans la motivation, toute perception devient inutile. C'est le cas pour les individus en état de méditation profonde, dans le coma ou ayant atteint le seuil de la mort. D'un autre côte, sans la perception et la conscience que nous avons de la réalité extérieure (l'attention), nous serions dans l'incapacité d'orienter les comportements susceptibles de satisfaire nos besoins d'êtres vivant en interaction constante avec le monde (l'intention). L'introduction du concept d'attention en neurologie s'est faite relativement récemment, a la lumière d'un certain nombre d'observations où des troubles comportementaux consécutifs a des lésions cérébrales suggéraient l'existence d'un système neuronal susceptible de sous-tendre les phénomènes dits attentionnels. Toutefois, il peut paraître hasardeux de suggérer qu'une fonction, jusqu'alors exclusivement explorée par les méthodes et les concepts de la psychologie, puisse être approchée d'un point de vue anatomique comme liée au fonctionnement de structures nerveuses propres et individualisables. Vers le milieu des années 50, Hebb a introduit à l’usage des psychologues le terme d’activation aspécifique pour désigner le phénomène général qui fournit «l’énergie nécessaire au comportement sans diriger ce dernier». C’est le désir dépourvu de toute spécificité considéré comme le fondement de la spontanéité. Mais pour que ce désir ou cette motivation s'exprime pleinement, il faut qu'il soit porte a un niveau optimal (au-delà duquel il devient néfaste). Il a montre en effet que le niveau de performance augmente avec le niveau d'activation de l'organisme et que le meilleur ajustement de cette performance que permet la vigilance de l'organisme risque de se détériorer a partir d'un certain point si l'activation de l'individu se trouve augmentée de façon trop importante (fig. 1). Trop d’activation est néfaste à l’action. Hebb a défini un niveau optimal d’activation au-delà duquel la performance décroît. Ce peut être le cas après une motivation trop forte ou une grave perturbation émotionnelle. L'étudiant qui doit à tout prix réussir un examen risque de perdre la concentration nécessaire à la compréhension des questions. Le sportif qui met fin a sa liaison amoureuse risque, pour sa part, de perdre tout intérêt pour le match qu’il va disputer.

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L’ETAT DE CONSCIENCE (1)

DE LA VIGILANCE ACTIVE A L'INTENTION PUIS LE DESIR

I. BASE COMPORTEMENTALE DE L'ETAT DE CONSCIENCE

Traditionnellement, la psychophysiologie occidentale reconnaît deux états de conscience propre à tous les individus : le sommeil d'une

part, considéré comme une période de repos, l'état de veille, d'autre part, qui correspond classiquement à la période pendant laquelle l'organisme

est éveillé. À propos de cette dernière, on parle aussi de vigilance active, de conscience ordinaire ou encore de conscience de « surface ».

Le changement d'état le plus marquant dans nos expériences quotidiennes est le retour à la conscience ordinaire qui marque le réveil après le sommeil. L'état de conscience est un état qui, dans ses plus subtils retranchements, ne peut être apprécié qu'introspectivement ; il

constitue certainement le fait essentiel caractérisant l'existence humaine. On a souvent tenté de l'interpréter en termes physiologiques et

psychologiques ; certaines de ces interprétations sont en flagrante contradiction avec d'autres et l'ensemble de ce domaine de recherches est

encore en gestation. La physiologie peut contribuer à la discussion en spécifiant, du point de vue des sciences naturelles, les conditions limites dans lesquelles l'état de conscience semble maintenu.

Le terme de conscience ordinaire est à l'évidence très vague et difficile à définir du point de vue neurobiologique, en raison de

la polysémie de ce mot en langue française. Toutefois on admet généralement qui contient deux concepts :

celui de niveau de conscience ou d'éveil apprécié par l'observation du comportement du sujet : l’"arousal" des

Anglo-Saxons ;

celui du contenu de la conscience, beaucoup plus subjectif, et que l'on ne peut apprécier ou évaluer qu'à partir

d'indices indirects comme le langage par exemple... :l’"awareness" des Anglo-Saxons.

La conscience ordinaire ou de surface correspond à une activation de tout l'organisme qui lui permet de capter, de sélectionner et de traiter les informations venant du monde extérieur et de l'organisme lui-même, d'en garder certaines en mémoire, de réagir à d'autres par des

comportements appropriés, selon les expériences ou les apprentissages antérieurs. L'état d'éveil est donc celui de l'adaptation à la réalité de

l'organisme avec son environnement. Cet état de conscience normale et idéale se traduit essentiellement pour chaque individu par sa capacité de

décoder et de répondre efficacement aux stimulations de l'environnement d'une manière telle qu'elle est acceptée par la plupart des membres du groupe social d'appartenance. En effet, la manière dont nous prenons conscience à la fois de notre monde intérieur et du monde extérieur est

largement « imprégnée » des habitudes culturelles du groupe social dans lequel nous nous identifions. Par ailleurs elle se transforme au cours du

temps, à la fois à long terme avec l'âge, et à très court terme, le long d'une même journée. Le décodage des événements sera très différent selon

par exemple que l'on est détendu ou anxieux, excité ou proche de l'endormissement, jeune et inexpérimenté ou âgé et connaisseur...

C'est pendant les périodes de veille que s'expriment nos comportements ; en d'autres termes, la première étape du déroulement d'un

comportement n'est permise que s'il y a activation de l'organisme telle qu'elle résulte de la confrontation des conditions internes de l'individu

avec celles des situations présentes dans l'environnement. Cette confrontation donne naissance à l'attention puis l'intention, toutes deux à

l'origine de la motivation.

De l'activation de notre organisme dépend donc la motivation et les deux processus qui la sous-tendent, la perception,

(l'attention) et l'orientation de notre action (l'intention). Sans la motivation, toute perception devient inutile. C'est le cas pour les individus

en état de méditation profonde, dans le coma ou ayant atteint le seuil de la mort. D'un autre côte, sans la perception et la conscience que nous

avons de la réalité extérieure (l'attention), nous serions dans l'incapacité d'orienter les comportements susceptibles de satisfaire nos besoins d'êtres vivant en interaction constante avec le monde (l'intention).

L'introduction du concept d'attention en neurologie s'est faite relativement récemment, a la lumière d'un certain nombre d'observations

où des troubles comportementaux consécutifs a des lésions cérébrales suggéraient l'existence d'un système neuronal susceptible de sous-tendre

les phénomènes dits attentionnels. Toutefois, il peut paraître hasardeux de suggérer qu'une fonction, jusqu'alors exclusivement explorée par les méthodes et les concepts de la psychologie, puisse être approchée d'un point de vue anatomique comme liée au fonctionnement de structures

nerveuses propres et individualisables.

Vers le milieu des années 50, Hebb a introduit à l’usage des psychologues le terme d’activation aspécifique pour désigner le

phénomène général qui fournit «l’énergie nécessaire au comportement sans diriger ce dernier». C’est le désir dépourvu de toute spécificité considéré comme le fondement de la spontanéité. Mais pour que ce désir ou cette motivation s'exprime pleinement, il faut qu'il soit porte a un

niveau optimal (au-delà duquel il devient néfaste). Il a montre en effet que le niveau de performance augmente avec le niveau d'activation de

l'organisme et que le meilleur ajustement de cette performance que permet la vigilance de l'organisme risque de se détériorer a partir d'un certain point si l'activation de l'individu se trouve augmentée de façon trop importante (fig. 1). Trop d’activation est néfaste à l’action. Hebb a défini un

niveau optimal d’activation au-delà duquel la performance décroît. Ce peut être le cas après une motivation trop forte ou une grave

perturbation émotionnelle. L'étudiant qui doit à tout prix réussir un examen risque de perdre la concentration nécessaire à la compréhension des

questions. Le sportif qui met fin a sa liaison amoureuse risque, pour sa part, de perdre tout intérêt pour le match qu’il va disputer.

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Fig. 1 - La conscience de surface: les réactions aux stimuli dépendent du niveau de vigilance du sujet. Celui-ci est capable de comportements d'autant plus efficaces que son état d'éveil n'est ni trop faible ni trop élevé. Quand le niveau d'éveil est trop bas, ou au contraire trop élevé, le niveau de performance devient médiocre (endormissement ou désorganisation complète des comportements). D'après Hebb PO, in "A Textbook of Psychology", Philadelphia, Bounders, 1966.

En définissant le concept d'activation, Hebb a également introduit la notion de "niveau optimal" de performance. La courbe des

performances comportementales d'un sujet en fonction de son niveau d'activation (représentée par exemple par la fréquence cardiaque) dessine

une courbe en cloche. Ainsi s'explique l'effet paradoxal des tranquillisants qui, par exemple, chez un chauffeur très excité, améliorent les qualités

de sa conduite alors que chez un sujet normal ils provoquent une diminution dangereuse des réflexes. On verra plus loin que le niveau

d'activation défini par Hebb correspond à "l'état central fluctuant" défini par Vincent (Biologie des passions, éd. Odile Jacob, Paris,

1986). L'état central fluctuant

La source du désir réside-t-elle dans l'état interne? Celui-ci crée la tendance ou drive par un écart à la norme définissant les conditions

d'équilibre du milieu. Mais un organisme vivant est en état de déséquilibre permanent et il est plus vrai de parler d'un état central fluctuant

que d'une constance du milieu intérieur Nous définirons les trois dimensions - corporelle. extracorporelle et temporelle de l'état central

fluctuant qui représentent l'être vivant dans sa globalité.

Le désir et l'état interne

Espace du désir - espace du dedans, dirait Michaux -, le dedans ce sont les poumons qui respirent, le coeur qui bat et les vaisseaux plus ou

moins gonflés de sang qui charrient hormones et principes actifs - milieu intérieur dont la constance constitue, nous l'avons vu, le dogme

fondateur. L'homéostasie assure cette constance, et certains comportements figurent au rang de ses mécanismes (boire, manger). Mais

l'espace du dedans, c'est aussi la connaissance subjective que j'ai de mon état interne - ce que mon cerveau sait de mon corps. Faim, soif et,

plus généralement, plaisir ou aversion sont des désignations particulières de cet état. Le langage n'offre à l'homme qu'un médiocre avantage

sur l'animal dans la connaissance de son état interne: Jch weiss nicht was soll es bedeuten dass ich so traurig bin. L'abondance des mots n'a

d'égale que leur imprécision pour désigner ce qui n'est, finalement, que la rencontre de notre imaginaire avec l'état de nos viscères. Mais,

chez l'animal, ces données ne peuvent être appréciées de nous qu'indirectement. La combinaison de manifestations somatiques et viscérales

peut être toutefois caractéristique de l'état: accélération ou ralentissement du coeur et de la respiration, variations de la pression artérielle

et de la circulation cutanée, changement de la température du corps ou de certaines des parties, posture et mouvements de la face (mimique)

ou de portions du corps (cou, queue, oreilles, etc.). L'animal capable de comportements désirants offre donc, malgré tout, un répertoire

considérable de signes qui traduisent son état interne et les supports biologiques de son désir. Un langage sans parole auquel l'homme a

parfois recours lorsqu'il s'agit de connaître l'état interne de l'autre. Après tout, est-il meilleur moyen pour l'amante de s'assurer du désir de

l'amant que de constater l'état de son pénis? L'érection l'emporte en précision sur le discours. Voilà, vous exclamez-vous, une façon bien

triviale de traiter le désir de l'homme I On vous l'accorde: la condition est suffisante, elle n'est pas nécessaire. Il existe des formes du désir

amoureux que ne désigne pas le plus infime mouvement du corps.

L'ordre homéostasique

Selon la théorie de l'homéostasie, l'animal est une représentation stable du monde qui l'entoure. Le désir est la réponse à une rupture de cet

équilibre, une expression de la force élastique qui tend à ramener l'organisme à son niveau normal. L'état interne est le lieu où s'exprime ce

désir sous la forme d'un drive. Celui-ci n'est pas le stimulus qui enclenche la réponse comportementale, mais la force interne qui la sous-

tend. Ce n'est pas la vision d'un objet qui provoque le désir, mais un état interne particulier qui rend cet objet désirable et lui confère valeur

de stimulus. Ainsi n'est-ce pas la présence de nourriture qui pousse l'animal à manger, mais son état interne, identifié subjectivement comme

faim. Autant dire tout de suite que nous ne pouvons accepter le caractère abusif d'une telle proposition. Un mets particulièrement

appétissant suffit, dans bien des cas, à déclencher un comportement alimentaire. Chez l'amant, la vision de l'objet de son coeur suffit à

aiguillonner son ardeur sans que l'état de ses hormones ou l'acidité de son sang soient en cause. Ce qui est sans doute vrai, c'est que le

stimulus qui provoque le désir n'a acquis son pouvoir que parce qu'il a été associé dans le passé à un état interne qui lui a conféré sa

valence particulière.

Le drive naît donc d'un écart par rapport à la norme, et celle-ci s'exprime au sein du milieu intérieur défini par ses constantes; mais le

concept d'homéostasie s'applique également au milieu extérieur sous forme d'une homéostasie affective et relationnelle. Un écart entre l'état

du monde et la représentation normale que s'en fait le sujet engendre aussi un drive et un comportement tendant à réduire cet écart:

comportement qui ramène l'individu égaré au sein du troupeau, ou qui efface les différences qui pourraient le faire rejeter. Le drive serait

donc lié au déficit en général perte en matières énergétiques pour la faim, en eau pour la soif, en sels minéraux, en chaleur... ou en

échanges relationnels. Tout comportement qui tend à réduire le déficit a une probabilité accrue de se produire - on dit qu'il est renforcé - et

c'est sa répétition qui permet l'apprentissage. Il n'est pas dans notre propos de discuter si les associations se produisent sur le versant des

sorties (renforcement par les réponses) ou sur le versant des entrées (stimuli associés par conditionnement classique). Ce sont là arguties de

spécialistes dont l'intérêt n'est pas négligeable, mais dont la complexité est réservée au milieu fermé des pratiquants. Pour un biologiste,

l'avantage du concept de drive est d'attirer l'attention sur ce qui se passe entre le stimulus et l'acte, et d'ouvrir la boîte noire où se

consomment les associations, autrement dit, le cerveau. Le drive a permis d'introduire entre les stimuli et les réponses comportementales des

variables mesurables, depuis les taux sanguins du sucre, des acides aminés et des hormones jusqu'aux données physicochimiques les plus

diverses; le problème, pour le physiologiste, n'étant plus d'établir la réalité opérationnelle du drive mais de lui donner un support

anatomique avec les risques qu'une telle quête entraîne et dont témoigne la floraison de «centres » de la faim, de la soif et d'autres drives

aux quatre coins de l'hypothalamus et du cerveau. Dans sa simplicité, la théorie du drive est cependant efficace. Un animal privé de

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nourriture franchit plus vite les obstacles, apprend plus rapidement à déjouer les pièges et à accomplir les gestes qui lui donneront de la

nourriture. Son drive, dira-t-on, est à la mesure de sa privation de nourriture et de l'état interne qui en résulte. Réciproquement, devant des

performances accrues, on pourra inférer de son état de faim. Un avantage du drive qu'il convient enfin de signaler est qu'il évite de faire la

distinction entre l'acquis et l'inné. Qu'un comportement relève d'un apprentissage ou d'un programme central, sa survenue n'en dépendra

pas moins d'un état interne particulier qui définira le drive.

Il n'empêche que vouloir expliquer tout comportement dans le cadre du drive serait à la fois naïf et malhonnête. Le concept,

répétons-le, n'a qu'une valeur opérationnelle. Si le désir sexuel naissait du besoin, serait-il nécessaire de se répandre en publicités de toutes

sortes et d'associer les dessous affriolants à des cascades de néon pour offrir aux mâles désœuvrés la pâture de quelques enjôleuses aux

formes gouleyantes. Dans ce domaine, l'imaginaire est une composante refusée à l'animal. Mais même chez ce dernier, et pour des

comportements typiquement homéostasiques comme boire et manger, un drive, dans son acception classique, n'est pas toujours à l'origine

de l'action. L'horaire peut être, par exemple, un facteur déterminant qui ne tient aucun compte de l'état interne de l'animal dans le

déclenchement de ses repas. La faim qui pousse un rat à parcourir un labyrinthe pour obtenir de la nourriture aura-t-elle cessé depuis

longtemps que l'animal continuera ses parcours. Une transfusion de sang d'un animal rassasié à un animal affamé qui appuie sur un levier

pour obtenir des boulettes d'aliment fait cesser le comportement alimentaire, sans pour autant dissuader l'animal d'appuyer sur son levier.

Alors, besoin de l'acte pour l'acte ou spontanéité que n'explique aucune finalité homéostasique?

On ne peut ignorer, chez l'homme et chez l'animal, l'existence de véritables actes gratuits où le comportement apparaît dépourvu

de finalité apparente. L'oie cendrée se nourrit normalement en filtrant la vase prélevée dans son bec pour en tirer ses aliments; une oie

nourrie à satiété de graines continue sur le rivage à filtrer la vase à vide; elle mange alors pour filtrer et ne filtre plus pour manger. Un

nouveau-né nourri par un biberon trop facile à sucer libère ensuite une réserve de mouvements de succion pratiqués à vide ou sur des objets

de remplacement. Le comportement sexuel de l'animal ou de l'homme offre aussi de nombreux exemples d'activité à vide, et chacun de nous

pourra en retrouver un exemple dans son journal intime ou dans la vie des animaux. Tout se passe donc comme si, à côté des comportements

qui naissent d'un besoin ou d'une finalité connus, il existait un véritable besoin de comportement, une pression interne qui pousse certaines

séquences motrices à s'extérioriser en dehors de tout contexte significatif.

L'inconstance du milieu intérieur

De l'inconstance comme une vertu. Nous disons que le désir naît de l'inconstance et qu'il n'est pas d'apprentissage possible, donc

d'ouverture sur le monde, sans un désir qui lui soit associé. Le désir, tel qu'il nous apparaît maintenant, est donc le contraire du drive, triste

surveillant général de la morale homéostasique. Ce n'est pas offenser la mémoire de Claude Bernard d'avancer que la constance du milieu

intérieur; qui a permis à la physiologie de se constituer comme science, n'est peut-être plus aujourd'hui qu'un concept fossile, encombrant et

dépourvu de valeur heuristique. N. H. Spector parle d'un état central fluctuant défini par deux propositions: « l~ Tout organisme vivant, de

la naissance à la mort, est en état de non-équilibre. 2~ La réaction d'un organisme à un stimulus est dépendant de et modulé par [...] un état

central défini comme la condition réactive totale à un moment donné d'un neurone, d'un ensemble fonctionnel de cellules, d'un élément

subcellulaire à l'intérieur du système nerveux ou de ce dernier considéré comme un tout. » Cet état central est, par définition, fluctuant ;

sans cesse il change avec l'heure du jour, le jour de l'année, les années qui font vieillir et les milliers de remous que sont les événements de

la vie quotidienne. Il est, à la fois, le tout et la partie des ensembles et sous-ensembles qui le constituent Ce qui change est cela même qui

assurait classiquement la constance du milieu intérieur: les matériaux et les gaz transportés par le sang, les hormones, les ions, l'acidité, la

température, les anticorps, microbes et toxines, l'état de nutrition des cellules, organes et tissus, mais aussi les informations qui inondent le

cerveau, la position du corps dans l'espace, les souvenirs qui resurgissent et le temps qui dépose ses sédiments. Tout un infini de données en

mouvement qui font que le sujet ver de terre ou militaire, ne sera à aucun moment le même que l'instant d'avant.

L'état central - représentation du monde - est une projection fusionnée de trois dimensions: corporelle, extracorporelle et

temporelle. La dimension corporelle est définie par les données physicochimiques du milieu interne (milieu intérieur et milieu cérébral),

auxquelles se superpose l'état des pièces, muscles, tissus et organes qui composent l'organisme. La dimension extracorporelle se déploie

dans la représentation que l'individu a du monde, à la fois espace sensoriel reçu par les organes des sens et espace du mouvement perçu par

des récepteurs spécialisés qui indiquent la position des différents segments des membres, l'état de tension des muscles, l'angle des

articulations, etc. La dimension temporelle, enfin, est occupée par tes traces accumulées au cours du développement de l'individu de la

naissance à la mort. Elle relève soit du déterminisme génétique qui met en place les programmes centraux, ordonne la maturation et le

vieillissement, soit de la contingence historique qui intègre les événements de l'existence, en bref, tout ce qui contribue au devenir du sujet.

Trois dimensions, donc, pour un être unique et dont l'état central conditionne la présence au monde - réactivité globale -,

confondant la représentation et l'action. L'état central prend on compte les entrées et les sorties, c'est-à-dire la perception, dont il gouverne

l'aspect sélectif, et l'action, qu'il dirige vers son but, avec, pour attributs du désir: l'attention et l'intention la première désigne sa liaison à

l'objet choisi, la seconde son attachement au but à atteindre. L'attention est à la perception ce que l'intention est à l'action.

Pour matérialiser cet état central, nous ferons appel au « cerveau flou», somme des humeurs, hormones et médiateurs à

l'œuvre dans le système nerveux. Veut-on d'autres métaphores? Ce sera l'arbre aux rameaux innombrables des neurones à amines

biogènes, une végétation inconnue d'où s'écoulent les neuropeptides, ou encore l'arrangement à la fois confus et précis des synapses comme

une tapisserie de mille fleurs. L'état central est à la fois l'arbre et la forêt. Plutôt que d'en défricher le foisonnement, nous essaierons de le

représenter à partir d'un seul de ses éléments, le système dopaminergique, le mieux connu des systèmes de neurotransmission dans le

cerveau.

Voir le chapitre « les neuromodulateurs ».

Ainsi parmi les divers états de conscience qui constituent la toile de fond de notre vie mentale (cognitive et comportementale), l'état

de vigilance active, propre à la conscience de surface, assure le lien de l'individu avec le monde extérieur en intégrant a tout moment les

données qui en proviennent. Ce décodage de la réalité ne s'effectue cependant pas au hasard. L'attention que nous portons aux choses ou à

certains événements peut, bien sûr, dépendre des caractéristiques mêmes de ceux-ci. Mais, le plus souvent, elle répond à un besoin de «faire» quelque chose. Ce besoin peut parfois être lis à la survie; nous sélectionnons alors les informations susceptibles de déboucher sur l'apaisement de

la faim, de la soif ou sur l'évitement d'un danger. Quelquefois, il s'agit d'occuper le temps et notre attention se porte alors sur les stimulations de

l'environnement les plus susceptibles de répondre à cette motivation. La plupart du temps néanmoins, nous orientons nos comportements en

fonction des perceptions qui nous feront mener a bien un projet en cours, ou planifié a plus ou moins long terme.

Ici, comme souvent en neurologie et en neuropsychologie, nos connaissances du substrat neurobiologique de ces fonctions résultent

principalement de l'observation d'états pathologiques où elles ont été perturbées par des lésions cérébrales. On applique à ces états le terme

générique de comas (voir ci-dessous). Dans ce chapitre, nous allons donc nous livrer a l'exploration de cette dimension de notre vie psychique,

en tentant de comprendre les mécanismes a la base de nos motivations, de notre attention, ainsi que de la manière dont elles s'expriment en fonction des données du monde extérieur, c'est a dire notre intention.

Voici quelques-uns des faits de comportement humain et animal qui peuvent être pris comme indication de l'état de conscience :

attention et capacité à diriger l'attention sur un but ;

création d'abstractions et familiarité avec la manipulation d'idées abstraites ; capacité de les exprimer par des mots ou d'autres symboles ;

capacité d'estimer longtemps à l'avance la signification d'un acte, et, par ce moyen, établir des projets et des plans ;

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auto-connaissance et reconnaissance des autres individus ;

capacité esthétique et présence de valeurs éthiques. A noter que le sommeil (qu'il soit à ondes lentes –SOL- ou paradoxal –SP-) n'est pas déclenché comme l'a suggéré, au

XIXème siècle, le psychologue William James, par une réduction de nos capacités perceptives. Bien au contraire, on

admet aujourd'hui que le sommeil et la veille sont provoques par l'activation de centres nerveux spécifiques.

Ces caractéristiques n'ont pas, et de loin, la même importance en tant que critères, et certaines sont d'abord ou seulement l'apanage de l'homme (par exemple le langage articulé). Mais si on les accepte - au moins provisoirement -comme caractéristiques du comportement

conscient, elles impliquent - et c'est très intéressant -que l'état de conscience existe aussi bien chez les animaux on humains que chez l'homme.

Aucun animal ne manifeste toutes les caractéristiques ci-dessus. Toutefois, il ne fait pas de doute que les vertébrés supérieurs (oiseaux,

mammifères), avec leurs systèmes nerveux hautement différenciés, puissent révéler quelques-unes ou beaucoup de ces caractéristiques. Chez les animaux à système nerveux plus simple, de tels comportements sont rares ou n'existent pas. L'état de conscience, même défini par de tels critères

de comportement, se trouve nécessairement associé à des structures nerveuses. Il n'est pas difficile d'imaginer alors, en complément, que le règne

animal puisse présenter des degrés divers et des formes différentes d'états de conscience, parmi lesquels celui qui nous caractérise est la forme la

plus développée. Cette forme constitue un saut phylogénétique essentiel requis par l'adaptation optimale à l'environnement, puisque même les combinaisons complexes de réflexes simples qui sont le fait de beaucoup d'organismes, ne pouvaient suffire à donner à l'état de conscience son

rôle fondamental et général de chef d'orchestre des comportements.

II. DEFINITION DE L'ATTENTION

Ici encore, les définitions et les concepts feront appel, plutôt qu'à la théorie psychologique classique, à l'observation d'états mentaux particuliers survenant à la suite de lésions cérébrales et où la perturbation semble toucher sélectivement le domaine attentionnel. A cet égard, on

peut dans un premier temps considérer l'attention comme une fonction cérébrale dont le but est de sélectionner parmi le flot des stimulations

sensorielles qui parviennent simultanément et de manière incessante au cerveau, celles qui sont utiles, pertinentes, a la réalisation d'une activité

motrice ou mentale. L'attention apparaît donc comme une propriété sensorielle supra-modale du cerveau. Ainsi considéré, le concept d'attention se situe à l'intersection de certains autres comme la vigilance, la concentration, la motivation, l'orientation, l'exploration, et ses frontières avec

l'éveil et la conscience envisagés dans les paragraphes précédents ne sont certes pas très nettes. Toutefois, un certain nombre d'études

expérimentales et surtout cliniques justifient une conception uniciste des phénomènes attentionnels, tout en conservant la distinction

classiquement proposée entre une fonction tonique ou de base, responsable d'un éveil général (« arousal ») des fonctions mentales et habituellement rattachée au fonctionnement du système réticulaire ascendant, et une fonction phasique ou vectorielle, capable de contrôler

l'efficacité d'un processus cérébral spécifique ("attention sélective"), et mise en relation avec des circuits neuronaux corticaux. Les

comportements attentionnels quels qu'il soient (par exemple se concentrer sur l'écran d'un radar, ou sur une épreuve de calcul mental, ou sur une

sensation viscérale interne) utilisent certes l'une des deux composantes de façon préférentielle mais nécessitent une activité optimale des deux, la perturbation d'un des 2 systèmes étant susceptible d'altérer a divers degrés la réalisation de la tâche.

Ainsi le niveau et la qualité de l'activation dépendent de 3 sources indissociables:

des niveaux de conscience et d'éveil dans lequel se trouve le cerveau. Une information offre peu d'utilité lorsque

l'organisme n'est pas dans un stat d'éveil, un stat de vigilance, un stat de conscience suffisant pour être en stat de l'intégrer. Cet éveil est notamment lis aux cycles naturels de veille-sommeil. Il peut être modifié par la méditation ou

altéré par l'usage de certaines drogues;

de la perception que nous avons du monde et qui nous est fournie par l'interprétation des informations captées par nos

récepteurs. Il est à noter que nous sommes également sensibles a certaines informations de notre monde intérieur, aux images mentales et aux souvenirs conservés en mémoire;

des besoins innés et des motivations acquises au cours de l'existence qui guident la recherche et le choix de notre

"manière de vivre".

III. TROUBLES DE LA CONSCIENCE AUTRES QUE LE COMA

1. Mutisme abiétique

On comprend sous ce terme divers états pathologiques où la vigilance elle-même paraît intacte mais où la communication avec

l'environnement est abolie ou sérieusement entravée. Ces états sont lies a des lésions intéressant de façon bilatérale les régions médianes du

télencéphale lésions bilatérales des noyaux médians du thalamus, lésions des parois du 3ème ventricule, lésions de la région septale, lésions de la face interne des 2 lobes frontaux. Le tableau clinique, très difficile à appréhender, est dans tous les cas caractérisé par une absence de toute

tentative de communication. Le sujet, les yeux ouverts, ne répond a aucune stimulation sensorielle. Seule la douleur peut donner une réaction,

toutefois non dirigée vers sa source. Il peut parfois donner l'impression de suivre du regard un visage ou une lumière, mais le regard se perd

rapidement dans des mouvements d'errance sans but apparent. Dans certains cas, toute motricité est abolie et le sujet est réellement mutique (c'est le cas, par exemple, de certaines lésions frontales bilatérales) dans d'autres, des mouvements spontanés dénués de propos existent, parfois

accompagnes de gémissements incompréhensibles (les lésions sont alors situées plus bas, dans le thalamus ou l'hypothalamus médian). Ces états,

qui ne sont ni paralysie, ni coma, semblent correspondre a une perturbation généralisée de l'activité corticale, comme en témoigne l'habituelle

altération diffuse des traces EEG, ou plus particulièrement des systèmes dopaminergiques corticaux.

2. Etats confusionnels

Ils se rencontrent surtout lors de perturbations métaboliques ou toxiques, modifiant de façon globale le fonctionnement cortical.

Ici également, le trouble ne concerne pas le niveau de conscience mais son contenu. Les sujets sont éveilles, bien que parfois en prise a des hallucinations quasi oniriques, mais la communication est encore très compromise; ils ne répondent pas a l'interlocuteur ou, a un moindre

degré, font de multiples digressions dans leurs réponses. Lorsque l'on par vient toutefois a obtenir une "canalisation", même brève, du sujet, on

peut noter qu'il est grossièrement désorienté dans le temps et dans l'espace, ne connaissant ni la date, ni le lieu où il se trouve. De même, il paraît

atteint de troubles profonds de la mémoire. Bien que la littérature anglo-saxonne fasse référence a de tels états en tant que "trouble ou obscurcissement de la conscience", il semble plus adéquat de les inclure dans le cadre des troubles de l'attention.

3. Autres troubles: aphasie de Wernicke et syndrome de négligence contra -latérale

Certains ont propose de considérer comme troubles de la conscience tous les états neurologiques où, après une lésion diffuse ou focale

du cerveau, les sujets perdent la conscience de leur propre trouble. L'inclusion a ce titre, par exemple, de certains états aphasiques (aphasie de

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Wernicke, voir cours "langage"), de même que de nombreuses conséquences de lésions hémisphériques droites (voir cours "attention intention")

relèvent d'un élargissement excessif du concept de conscience risquant, au moins du point de vue neurobiologique, de rendre la terminologie plus confuse plut6t que de l'expliciter.

En 1941, le neurologue britannique WR Brain publia les cas d'une série de patients porteurs de lésions unilatérales du lobe pariétal

s'accompagnant difficultés perceptives plus ou moins prononcées. Voici la description que fait Brain des cas les plus graves: "Trois patients

présentaient une forme tout à fait différente de désorientation spatiale. Quoique leur mémoire des lieux fût intacte, de même que leur capacité de décrire des itinéraires familiers, ils se perdaient cependant chez eux, en allant d'une pièce à l'autre, commettant toujours la même erreur de

tourner à droite au lieu de tourner à gauche ou de prendre la porte de droite au lieu de celle de gauche. Dans chaque cas, il y avait une lésion

massive de la région pariéto~occipitale droite et l'on suggère que telle était la cause de l'inattention ou de la négligence à l'égard de la moitie

gauche de l'espace externe". WR. Brain, 1941, (Brain, 64, p. 257)

À partir de ces observations et d'autopsies ultérieures, Brain résuma ainsi les caractéristiques de ce syndrome: "Le patient qui se trouve

ainsi prive des sensations qui lui sont nécessaires pour construire un schéma de son corps, peut réagir à la situation de différentes façons. Il

peut se souvenir que ses membres de gauche sont toujours là ou bien il peut les oublier régulièrement jusqu'à ce qu'on lui rappelle leur

présence. Il peut avoir l'illusion qu'ils sont absents, c'est-à-dire avoir l'impression qu'ils sont absents tout en sachant qu'ils sont là; il peut croire qu'ils sont absents mais se rendre à l'évidence et se laisser convaincre du contraire; ou bien, enfin, sa croyance en leur absence peut être

réfractaire à toute logique et à l'évidence du contraire et constituer ainsi une illusion Son état [est] ainsi comparable à une amnésie pour la

moitie gauche du corps.."

On considère cette description comme le premier compte-rendu complet du lien entre les lésions du lobe pariétal et les déficits de la perception et de l'attention. Beaucoup d'autres patients ont été étudiés depuis les travaux d'avant-garde de Brain et l'on désigne aujourd'hui les

troubles qu'ils présentent sous le nom de syndrome de négligence controlatérale.

La caractéristique de la négligence controlatérale est l'incapacité de percevoir son corps ou les objets de l'espace en relation avec le

corps et d'y prêter attention en dépit d'une acuité visuelle, d'une sensibilité somatique et d'aptitudes motrices intactes. C'est ainsi que les personnes atteintes de ces troubles n'arrivent ni a signaler les stimuli présentes du c6te du corps (ou de l'espace visuel) oppose a la lésion

cérébrale, ni a y répondre ni a s'orienter vers eux. Ils peuvent également présenter des difficultés à exécuter des tâches motrices complexes du

c6te négligé, par exemple pour s'habiller, aller prendre des objets, écrire, dessiner et, a un degré moindre, pour s'orienter vers des sons. La

négligence peut se manifester par des troubles aussi légers qu'un manque temporaire d'attention, se dissipant à mesure que le malade récupère, ou par une dénégation permanente et totale de tout le c6te oppose à la lésion. Comme l'avait déjà fait remarquer Brain, les patients peuvent

même refuser de reconnaître que les membres du c6te négligé sont bien à eux.

Depuis la description originale de la négligence controlatérale et des ses relations avec le lobe pariétal, on a généralement admis que le

cortex pariétal, et plus particulièrement le lobe pariétal inferieur, est la région corticale dont dépend essentiellement l'attention.

Ainsi, les patients présentant une lésion unilatérale du cerveau se comportent comme s'ils ignoraient les événements survenant dans la

moitie opposée de l'espace extra-personnel. Ce syndrome, dit aussi d'hem négligence, peut se manifester de façon plus ou moins intense. Dans sa

forme complète, généralement liée a une lésion hémisphérique droite, le sujet semble «oublier» ou négliger tout ce qui concerne la moitie

gauche de l'espace il ne mangera, par exemple, que la nourriture située sans la partie droite de son plateau ou son assiette, ne lira que la moitie droite d'un texte, dont la compréhension en sera par là-même compromise. Dans une épreuve consistant à décrire une scène représentée sur un

dessin, il ne décrira que la partie droite de la scène. Si on lui demande d'écrire ou de copier un dessin, il n'utilisera que la moitie droite de la

feuille et ne copiera que la partie droite du modèle. Bien entendu, le sujet ne présente aucun trouble perceptif, en particulier, il n'existe pas

d'amputation du champ visuel (hémianopsie). Ce syndrome d'hémi-négligence est actuellement interprète comme une perturbation des processus attentionnels.

Les syndromes (ou états) confusionnels cites plus haut sont considérés comme des perturbations attentionnelles. Ici, hormis un état de

vigilance fluctuant, le sujet a perdu une partie de ses capacités à se concentrer, à maintenir une suite cohérente à ses idées et donc à ses paroles; il

apparaît hautement destructible(1) et semble avoir perdu toutes possibilités de se repérer dans le temps et dans l'espace. Les épreuves dites de contrôle mental (par exemple donner les mois de l'année à l'envers), lorsqu'elles peuvent être pratiquées, montrent que le sujet ne peut inhiber la

tendance à donner la séquence dans l'ordre habituel, ce qui traduit une impossibilité de se concentrer sur un acte programme. En bref, le sujet

confus semble avoir perdu la capacité d'inhiber les stimuli parasites internes ou externes, ce qui rend impossible l'exécution d'une tâche suivie,

même simple.

(1) Ce terme est l'un des nombreux néologismes qu'a créés la neurologie. Il s'oppose à l'adjectif distrait; est destructible un sujet dont

l'attention pourra être attirée de façon excessive par des stimuli extérieurs même minimes. Le distrait, au contraire, est souvent à ce point

absorbé par ses pensées qu'il ne « fera pas attention » à ce qui se passe autour de lui.

Le syndrome de négligence controlatérale est spécifiquement associe aux atteintes du lobe pariétal de l'hémisphère droit. On estime

que l'inégalité du partage de cette fonction cognitive particulière entre les deux hémisphères est due au fait que le cortex pariétal droit intervient

à la fois dans l'attention aux moities droite et gauche du corps et de l'espace péri personnel, tandis que l'hémisphère gauche ne prend en charge

que la moitie droite De la sorte, les lésions du lobe pariétal gauche tendent à être compensées par l'hémisphère droit intact. En revanche, quand

c'est le lobe pariétal droit qui est atteint, l'hémisphère gauche est incapable de compenser le déficit d'attention au côté gauche.

IV. BASE NEURONALE DE L'ETAT DE CONSCIENCE CHEZ L'HOMME

Dès qu'on évoque les phénomènes de conscience chez l'homme, on ne peut que se livrer à des évaluations approximatives en ce qui

concerne leur support fonctionnel, autrement dit en ce qui concerne l'activité neuronale qui les sous-tend. Par exemple, de ce point de vue purement neuronal, nous savons que la conscience est associée à l'EEG de veille, désynchronisé. Une activité neuronale trop faible, comme celle

qui caractérise l'anesthésie ou le coma, aussi bien qu'une activité neuronale excessive comme celle qui caractérise la crise épileptique ou

l'électrochoc, sont incompatibles avec l'état de conscience. Il apparaît également clairement que l'état de conscience n'est possible que si les

structures corticales et sous-corticales peuvent interagir : chacun de ces niveaux, seul, est incapable de maintenir l'état conscient.

Récemment, et comme résultat parallèle d'une opération cérébrale nécessaire (transsection de corps calleux qui supprime les fibres

commissurales liant les deux hémisphères), les patients humains à hémisphères séparés (« split brain ») ont permis d'éclairer la compréhension

des bases neuronales de la conscience. Chez ces patients, et à cause des nombreuses voies ascendantes et descendantes qui se croisent dans

l'encéphale (figure 2), la moitié gauche de celui-ci fournit l'innervation sensorielle et motrice correspondant surtout à la moitié droite du corps

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alors que la moitié droite de l'encéphale est « responsable » de la partie gauche du corps. Le croisement particulier des voies optiques au chiasma

assure de même la projection de la moitié droite du champ visuel dans l'hémisphère gauche et vice versa (figure 2 A). Enfin, disons que les voies auditives centrales sont pour partie croisées et pour partie directes, de telle sorte que chaque hémisphère reçoit simultanément des afférences

ipsilatérales et controlatérales.

Figure 2 - Connexions somatosensorielles motrices, visuelles et auditives chez des patients à hémisphères séparés. A - coupe horizontale ; B - coupe frontale. L'hémisphère gauche n'a de connexions somatosensorielles (afférentes) et motrices (efférentes) qu'avec la moitié droite du corps et vice versa. La moitié droite du champ visuel de chaque œil se projette sur le cortex visuel de l'hémisphère gauche et vice versa. Chaque oreille, par contre, est en connexion avec le cortex des deux hémisphères, même chez les patients à hémisphères séparés

La période postopératoire chez des patients à hémisphères séparés reflète ces dispositions anatomiques d'une manière très subtile mais

très révélatrice. Lorsqu'ils vaquent à leurs occupations habituelles, ces patients ne montrent pratiquement pas de modifications de comportement

et leurs capacités intellectuelles n'ont apparemment pas changé. Au plus peut-on remarquer une diminution de l'activité spontanée du côté gauche chez les droitiers, et une réduction ou une absence de réponses aux stimuli présentés à gauche (par exemple en cas de rencontre avec le

coin d'une table). Mais les tests établis spécialement pour ces malades, particulièrement ceux schématisés sur la figure 3, révèlent des différences

considérables dans les capacités ou les répertoires des deux moitiés de l'encéphale. Ces dispositifs expérimentaux permettent à l'observateur de

présenter, de façon séparée, des signaux visuels (flashs de lumière, texte) à la moitié droite ou à la moitié gauche du champ visuel, de telle sorte qu'ils parviennent seulement à l'hémisphère gauche ou à l'hémisphère droit, l'autre ignorant la stimulation. De plus, on peut utiliser soit la main

gauche soit la main droite, sans intervention du contrôle visuel pour identifier des objets par palpation ou pour des essais d'écriture. Dans ce cas

également (figure 3) chacune des mains ne se trouve en connexions sensorielles et motrices qu'avec l'hémisphère contralatéral. Les résultats les

plus importants de ces expériences sont les suivants.

Si les objets ne sont vus que par la moitié droite du champ visuel, le patient « split brain » peut les nommer (par exemple, clé, crayon)

ou les prendre avec la main droite parmi d'autres. Si des mots apparaissent dans le champ visuel droit, le patient peut les lire à haute voix, les

écrire ou prendre l'objet correspondant (avec sa main droite, toujours). Si les objets sont tenus dans la main droite, les mêmes résultats

s'observent : le patient peut les nommer ou écrire leur nom. Autrement dit, le patient se comporte dans cette situation expérimentale comme un sujet normal. Si maintenant les objets sont présentés dans la moitié gauche du champ visuel, le patient à hémisphères séparés ne peut pas les

nommer. Il est capable de les sélectionner parmi d'autres objets et de les prendre avec sa main gauche si on le lui demande. Mais même après ce

mouvement, il reste incapable de nommer les divers objets. Il ne le peut pas davantage lorsqu'il tient l'objet dans sa main gauche. Si des mots

apparaissent sur un écran dans le champ visuel gauche, le patient ne peut pas les lire à haute voix, mais si le mot se réfère à un objet d'usage courant, il peut sélectionner et prendre cet objet avec sa main gauche (figure 3). Lorsqu'il a ainsi pris l'objet, il ne peut le nommer. Dans une telle

situation expérimentale, le patient peut effectuer certaines tâches complexes mais il ne peut pas exprimer verbale ment ce qu'il fait ; il ne peut

pas non plus l'écrire, même si on le lui demande. Autrement dit, le patient se comporte comme si les tâches exécutées avec son hémisphère droit

n'étaient jamais intervenues.

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On peut conclure de tout ceci que les performances de l'hémisphère gauche ne peuvent pas se distinguer de celles qui caractérisent

l'encéphale intact, aussi bien du point de vue subjectif du patient que du point de vue de son comportement courant observable et de ses réponses dans une situation expérimentale. Cela est particulièrement vrai pour la conscience introspective du patient et pour tout ce qu'il peut en dire.

L'hémisphère gauche, lié aux structures sous-corticales correspondantes, doit être considéré comme le substrat neuronal fondamental de l'état de

conscience propre à l'homme ainsi que des capacités linguistiques correspondantes. Ces conclusions s'appliquent aussi à l'encéphale dans son

intégrité anatomique.

L'hémisphère droit isolé du gauche ne peut plus assumer l'expression verbale ou écrite. Le patient n'est absolument pas conscient des

phénomènes sensoriels, intégrateurs et moteurs qui occupent son organisme. Quand on le sépare de l'hémisphère gauche, l'hémisphère droit

mène une vie indépendante, que le patient ne connaît qu'indirectement par l'intermédiaire des voies sensorielles de l'hémisphère gauche.

Comparativement, la performance de l'hémisphère droit est remarquable : il possède une mémoire, il peut reconnaître des formes visuelles et tactiles ; il est capable d'abstraction et peut comprendre le langage dans une certaine mesure (les commandes verbales sont exécutées et les mots

simples sont lus : figure 3. A beaucoup d'égard, l'hémisphère droit surpasse le gauche - par exemple pour ce qui concerne la compréhension

musicale et la capacité à utiliser des concepts spatiaux. Ces possibilités du seul hémisphère droit sont, prises ensemble, certainement meilleures

que celles des encéphales d'autres animaux, même des singes anthropoïdes (du chimpanzé par exemple). Revenant à notre question préliminaire sur la conscience chez les animaux supérieurs, nous dirons que la conscience de l'hémisphère droit isolé, mesurée par la liste des comportements

dont il assume l'exécution, est hautement développée. Mais il manque de la capacité à s'exprimer par le langage et, à ce titre, il n'est pas plus apte

que l'encéphale dés animaux à communiquer directement ses faits de conscience.

L'expérience suivante ajoute un élément supplémentaire à l'état de conscience lié à l'hémisphère droit. Les patients à hémisphères séparés disent tous qu'ils ne rêvent plus après l'opération. Effectivement, l'EEG de sommeil de leur hémisphère gauche ne montre plus de phases

de sommeil REM, mais leur hémisphère droit continue d'en présenter de manière typique. On peut alors penser que leur hémisphère droit rêve

mais qu'ils n'en savent rien. Il n'est pas impossible que l'hémisphère droit soit le substrat de l'activité onirique et soit le support neuronal de ce

que Freud a nommé l'inconscient. Il représenterait alors une des nombreuses formes de l'état de conscience tel qu'on l'a défini au début de ce chapitre.

Figure 3 - Dispositif expérimental utilisé par Sperry et ses collaborateurs pour pratiquer des examens sur des patients à hémisphères séparés. Le patient est assis devant un écran sur lequel des dessins ou des mots apparaissent, soit dans le champ visuel droit, soit dans le champ visuel gauche, soit simultanément dans les deux. Le patient doit fixer un repère au milieu de l'écran. Les stimuli visuels sont présentés de façon brève (0,1 seconde) et on veille à ce que la direction du regard ne change pas, afin d'être certain de la stimulation d'un seul champ visuel. Le patient peut manipuler divers objets sous l'écran en dehors d'un contrôle visuel ; ces manipulations sont filmées. Des signaux auditifs sont présentés au moyen des écouteurs ; l'expérimentateur peut aussi les entendre

V. ASPECTS NEUROPHYSIOLOGIQUES DU LANGAGE

Les observations des patients à hémisphères séparés révèlent que les régions cérébrales nécessaires à l'expression linguistique et

responsables de ces capacités appartiennent à l'hémisphère gauche. Cette corrélation avait déjà été établie après observation clinique de sujets porteurs de lésions cérébrales. Pour cette raison, l'hémisphère gauche a été nommé hémisphère dominant. Mais puisque, à certains égards,

l'hémisphère droit est capable de surpasser le gauche, il serait plus correct de parler de complémentarité des spécialisations des deux hémisphères

; le gauche serait, en général, l'hémisphère dominant pour ce qui concerne le langage.

Dans le cortex de l'hémisphère gauche, certaines régions jouent un rôle particulièrement important dans le langage ; on peut les délimiter et parler ainsi d'aires du langage. Dans la figure 5 A, elles sont désignées comme aire frontale, aire temporale et aire tertiaire. Une

propriété commune à toutes ces aires est que leur stimulation par voie électrique (réalisée sur des patients volontaires, sous anesthésie locale

pendant des opérations chirurgicales nécessaires) produit une perte du langage (aphasie) pendant toute la durée de l'excitation ; le patient ne peut

pas compenser cette perte. Autrement dit, jamais la stimulation électrique de ces aires ne conduit à l'émission de mots ou de phrases.

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Figure 3 - Comportement d'un patient à hémisphères séparés pendant un test présenté par Sperry et ses collaborateurs. Le patient annonce (par l'intermédiaire de son hémisphère gauche qui commande la parole) qu'il a vu apparaître le mot « anneau » dans son champ visuel droit. Il nie avoir vu le mot « clé » dans son champ visuel gauche ; il ne peut pas non plus nommer les objets qu'il manipule avec sa main gauche. Pourtant, il est capable d'utiliser cette main gauche pour sélectionner l'objet convenable bien qu'il dise ne pas le connaître. Si on lui demande le nom de l'objet qu'il a choisi, son hémisphère qui parle répond « anneau ».

L'aire frontale du langage est également nommée aire de Broca. Il y a un siècle environ, Broca montra que des lésions affectant cette

région entraînent une perte de la faculté de langage, avec dépression de la capacité de parler : la compréhension du langage est maintenue, mais

la personne en cause ne dit presque plus rien spontanément et ne peut prononcer avec difficulté que quelques phrases, lorsqu'on le lui demande.

Ge type d'incapacité se nomme aphasie motrice. Les muscles de la phonation ne sont pourtant pas paralysés, puisqu'ils peuvent servir dans l'accomplissement d'autres fonctions (manger, boire, avaler).

L'aire temporale du langage se nomme aussi aire de Wernicke parce que Wernicke (à peu près à la même époque que Broca) a observé

une grave perturbation de la compréhension ou de l'aspect de réception du langage, lorsque cette région est lésée. Cette incapacité porte le nom

d'aphasie sensorielle. Les lésions à ce niveau produisent une incapacité plus profonde et plus prolongée (souvent permanente) que les lésions au niveau des régions frontale et tertiaire. Cette dernière région a été découverte par Penfield et ses collaborateurs pendant les expériences de

stimulation auxquelles nous avons fait allusion plus haut et qui produisent des aphasies à court terme.

Les fonctions, d'abord attribuées par Broca et Wernicke aux aires qu'ils ont découvertes, se sont révélées comme des simplifications

excessives qui ne sont valables qu'en première approximation. Les perturbations des performances d'expression (côté moteur) et de réception (côté sensoriel) linguistiques, comme les capacités qui leur sont associées (par exemple l'écriture, la lecture et le calcul), ne se manifestent

presque jamais de manière rigide, stéréotypée, mais présentent généralement des combinaisons multiples d'éléments divers. Ainsi, toute tentative

de localisation cérébrale précise des diverses formes d'aphasie est une tâche pratique que les neurophysiologistes et psychiatres modernes

considèrent comme impossible. Nous ne donnerons donc ci-dessous qu'une brève description de ce qu'on peut savoir à l'heure actuelle.

VI. DEVELOPPEMENT INDIVIDUEL ET AIRES DU LANGAGE

Lorsque l'enfant a appris à parler, la destruction accidentelle de l'aire du langage de l'hémisphère gauche produit une perte totale de la

parole. Mais un an plus tard, l'enfant commence de nouveau à parler ; cette capacité est représentée alors dans les régions correspondantes de

l'hémisphère droit (cf. figure 5). Ce transfert de la dominance du langage de l'hémisphère gauche au droit est l'une des capacités les plus étonnantes de l'encéphale ; il illustre la plasticité cérébrale, sa possibilité d'ajustement après lésion structurale.

Le transfert de la dominance pour le langage, de l'hémisphère gauche au droit, n'est possible que pendant une période limitée qui

s'étend jusqu'à l'âge de huit ou dix ans au plus. A cet âge, la possibilité d'établissement des mécanismes du langage dans l'un ou l'autre des

hémisphères selon les circonstances, est perdue probablement pour deux raisons : d'abord la formation de schèmes neuronaux fondamentaux nécessaires à la parole (utilisés aussi par l'individu qui apprend une autre langue que sa langue maternelle) n'est plus possible. Ensuite, les

régions correspondantes de l'hémisphère qui n'est pas dominant normalement pour la parole, sont alors prises par d'autres tâches, en particulier

les tâches d'orientation spatiale, y compris le positionnement du corps lui-même dans son environnement.

Cette plasticité du cerveau illustrée par l'exemple précédent s'accompagne de désavantages. Des patients qui ont subi des lésions de l'hémisphère gauche dans l'enfance et dont l'hémisphère droit assume le contrôle du langage ne sont pas seulement moins habiles que la

moyenne dans l'usage de la parole, mais paraissent aussi moins doués au plan général.

Les lésions subies par les aires pariétale et temporale droites (celles qui correspondent aux aires du langage sur l'hémisphère gauche :

comparez A et B dans la figure 4) s'accompagnent d'anomalies de l'orientation spatiale dénommées agnosie spatiale. Les symptômes sont divers. Par exemple, de tels patients peuvent se perdre même dans des environnements familiers, ou bien ils se trouvent incapables de dessiner en

perspective des objets aussi simples que des cubes.

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Figure 5 - Aires du langage (en rouge) dans l'hémisphère (gauche) dominant pour le langage (A), et aires correspondantes (anatomiquement) dans l'hémisphère non dominant pour le langage (B). Ces aires ont été localisées par stimulation directe du cortex de patients adultes par Penfield et ses collaborateurs. Le contrôle des muscles vocaux est assuré par les deux côtés de l'encéphale dans les circonvolutions frontales ascendantes. En opposition avec le contrôle cortical du reste du corps, les parties droite et gauche de la musculature sont contrôlées bilatéralement. (D'après Penfield et Roberts.)

VII. LES SYSTEMES ACTIVATEURS

4. Rôle de la substance réticulée dans le niveau d'activation

L'activation psychologique constitue le prolongement de l'activation physiologique. Elle dépend du décodage qui est fait de la réalité

extérieure en fonction du niveau d'éveil ou de l'état de conscience de la personne ainsi que de ses besoins, de ses goûts, de ses intérêts et de ses projets. De même qu'un caillou brillant trouve sur un chemin ne signifie pas la même chose pour le géologue que pour le promeneur, un plat de

nourriture n'évoque pas la même attitude chez un individu qui a faim et chez celui qui est rassasie.

Le concept d’activation est inséparable de la mise en évidence à la même époque du rôle de la substance réticulée. Ce concept selon

lequel l'activation ne résulterait pas -comme on pourrait le penser intuitivement- d'une réduction des capacités perceptives, mais au contraire de l'activation de centre nerveux spécifiques, a pour la première fois été suggérée par Magoun et Moruzzi, en 1949 après avoir stimule

électriquement la formation réticulaire du tronc cérébral.

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Ainsi l'activation physiologique a son foyer dans les centres situes à la base du cerveau. Ces centres abritent les mécanismes de l'éveil.

C'est également à cet endroit que les informations en provenance des mondes extérieur et intérieur de l'individu sont centralisées et triées avant d'être acheminées par le biais de la formation réticulée, vers le cortex, lorsqu'elles son jugées suffisamment importantes. L'activation des centres

supérieurs qui en résulte permet ainsi à l'organisme de demeurer vigilant et attentif aux messages de l'environnement, assurant le maintien de son

équilibre tant biologique que psychologique. Dans la mesure où la stimulation électrique de la substance réticulée produit un état de vigilance et

d'éveil, on l'a appelé le système réticulaire activateur (figures 6 et 7).

La formation réticulée forme un manchon cellulaire autour du 4ème ventricule et de l'aqueduc de Sylvius, qui occupe, de la moelle

cervicale au diencéphale, l'espace laisse libre situe entre les grandes voies ascendantes et descendantes et les noyaux des nerfs crâniens. Elle est

parsemée de nombreux noyaux dont le locus niger, le noyau rouge, le corps de Luys sont les plus importants. A l'étage diencéphalique, elle

pénètre dans l'hypothalamus et dans le thalamus (substance réticulaire thalamique).

Figure 6 - Distribution diffuse des projections de la formation réticulaire sur l'écorce cérébrale Une voie sensorielle spécifique (la voie somesthésique) est indiquée en flèches ponctuées

Fig,7 – Activation corticale (attention) par la substance réticulée

Une voie sensorielle spécifique (la voie somesthésique) est indiquée en flèches ponctuées (schéma supérieur). A, La formation réticulaire activatrice ascendante et ses projections corticales, via les noyaux intralaminaires du thalamus. B, Le réseau neuronal implique dans les processus attentionnels. C, L'aire pariétale postérieure PG du singe et ses connexions cortico-corticales. Des études anatomiques récentes, utilisant le transport de la peroxydase, ont montre l'importance de cette petite aire, étroitement connectée avec diverses régions également impliquées dans la régulation des processus d'attention sélective (points noirs). Les principales connexions de l'aire PG se font ainsi avec le cortex préfrontal, le sillon temporal supérieur et, sur la face interne (non représentée), avec le cortex cingulaire. Toutes ces structures formeraient un réseau cortical spécialisé dans les processus d'attention sélective (d'après Mesulam, 1983)

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En conclusion, vers la substance réticulée converge le flux des stimulations venues des espaces corporels et extracorporels. Il en résulte

une activation qui est répercutée à l’ensemble des structures cérébrales par des voies ascendantes. L’éveil et le comportement -présence au monde du sujet- dépendent donc de l’activité de la substance réticulée, véritable source de la spontanéité. Plus il y a de stimulations qui

parviennent à la réticulée, plus le sujet est éveille et plus il est ouvert au monde, donc stimule, sorte de réaction en chaîne qui se déroulera à

l’envers au moment de l’endormissement, résultat d’un désamorçage progressif de la source d’activation. Les comportements sont multiples

mais l’activation de la réticulée serait unique et la source générale du véritable désir comportemental.

Le système réticulé activateur est indispensable aux processus attentionnels. Son action aurait pour but de contrôler:

le niveau de vigilance par son rôle dans l'alternance veille-sommeil (tableau 1 et fig. 8);

de régler un «tonus» attentionnel même lorsque l'état d'éveil reste constant.

Tableau 1 – Mécanismes cellulaires de l'alternance veille- sommeil,

Fig. 8 - Les systèmes de contrôle de la veille et du sommeil par le tronc cérébral.

Divers noyaux du tronc cérébral utilisant plusieurs neurotransmetteurs spécifiques déterminant le niveau de vigilance sur un continuum qui va du sommeil profond au plus haut degré de la veille attentive. Ces noyaux comprennent les noyaux cholinergiques de la jonction pont-mésencéphale, le locus coeruleus et les noyaux du raphé. Ils ont tous des connexions étendues dans le sens aussi bien ascendant que descendant, ce qui explique la multiplicité de leurs effets.

Ce tonus pourrait titre détermine par l'activité:

des neurones cholinergiques de la formation réticulée ponto-mésencéphalique, projetant,

par l'intermédiaire du thalamus, sur le cortex cérébral. Le rôle de l'acétylcholine à cet égard est confirme par la survenue

possible de troubles de type confusionnel chez les sujets prenant des médicaments dits anti cholinergiques, dont l'action s'oppose à celle de l'acétylcholine cérébrale. Toutefois, l'activité de ces neurones n'est pas le seul mécanisme cellulaire

responsable de la veille;

des systèmes noradrénergiques du locus coeruleus et des neurones sérotoninergiques des

noyaux du raphé sont aussi impliqués dans la régulation de l'attention puisque les produits, comme l'amphétamine, qui augmentent l'activité centrale de la noradrénaline ont la propriété d'augmenter les capacités de concentration.

L'attention et l'intention sont deux attributs du désir c'est à dire qu'ils sont initiateurs et orientent un comportement désirant. La

transmission d'une telle information, aussi large, se fait par l'intermédiaire de neurones présentant un réseau d'axones particulièrement étendu.

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Il fut un temps où les neurophysiologistes s'employaient à découvrir pour chaque fonction du corps et de l'esprit une localisation

cérébrale. L'essor de la neuropharmacologie a détrôné le lieu au profit de la substance. A un centralisme anatomique a succède un centralisme biochimique.

VIII. LES NEUROMODULATEURS

Il existe dans le cerveau plusieurs regroupements de ce type de neurones, utilisant chacun un neurotransmetteur particulier, et formant

un réseau de connexions très étendu, de caractère diffus. Au lieu de transmettre les détails des informations sensorielles, ces neurones ont souvent des fonctions de régulation: ils modulent l'activité de grandes populations de neurones (dans le cortex cérébral, le thalamus et la moëlle

épinière) impliquées dans des actions plus spécialisées, pour les rendre plus ou moins excitables, ou encore pour que leur activité soit plus ou

moins synchronisée, etc. Globalement ces neurones modulateurs (ou régulateurs) sont un peu comparables aux boutons de réglage du volume,

des aigus et des basses, d'un appareil de radio: leur manipulation ne change pas le lyrisme ou la mélodie d'un chant mais améliore considérablement son écoute: ce sont les systèmes modulateurs diffus du cerveau impliqués dans l'attention (et l'intention). Ces différents

systèmes jouent un rôle essentiel dans certains aspects du contrôle moteur, de la mémoire, de l'humeur, de la motivation ou encore du

métabolisme. Enfin, les systèmes modulateurs sont affectes par de nombreuses drogues psychotropes dont ils sont la cible, et de ce fait au moins,

ils occupent une place de choix dans les théories actuelles sur les bases biologiques de certains troubles psychiatriques.

Organisation anatomo-fonct ionnel le des systèmes modulateurs diffus

Les différents types de systèmes modulateurs diffus présentent des structures et des fonctions différentes, mais ils ont aussi des

caractéristiques communes:

Typiquement, chaque système est constitue d'un petit ensemble de neurones (quelques milliers); Les corps cellulaires des neurones des systèmes diffus sont localises pour presque leur totalité au niveau du tronc

cérébral;

Chaque neurone en influence beaucoup d'autres car son axone "très branche" peut titre en contact avec plus de 100 000

neurones post-synaptiques distribues dans tout le cerveau; Les contacts synaptiques établis par nombre de ces systèmes semblent destines à libérer les molécules de transmetteur

dans le milieu extracellulaire pour qu'elles puissent diffuser au contact de nombreux neurones, plutôt que d'agir dans le

voisinage de la fente de la synaptique. Ainsi ces contacts synaptiques ne présentent-ils pas, dans leur vaste majorité, des

profils ultra structuraux de synapses classiques.

Les principaux systèmes modulateurs du cerveau sont associes aux neurotransmetteurs suivants: la noradrénaline (NA), la sérotonine

(5-HT), la dopamine (DA) ou l'acétylcholine (Ach). Tous ces neurotransmetteurs, au niveau cérébral, activent pour l'essentiel des récepteurs

métabotropiques spécifiques (couples aux protéines G).

Le rôle exact de ces systèmes sur le comportement n'est aujourd'hui encore pas connu avec précision. Seules quelques généralités peuvent être avancées les concernant.

Voies chol inergiques du cerveau antérieur basal et du tronc cérébral (fig . 9).

L'acétylcholine est le neurotransmetteur reconnu de la jonction neuromusculaire, des synapses dans les ganglions autonomes et les

synapses postganglionnaires du système parasympathique. Mais il existe aussi des neurones cholinergiques au niveau du cerveau, dans le striatum et le cortex par exemple, où ils sont principalement présents sous la forme d'interneurones. De plus, il existe dans le cerveau deux

systèmes cholinergiques modulateurs diffus majeurs dont l'un d'eux représente le complexe du cerveau antérieur basal. Le terme de "complexe"

est utilise parce que les neurones cholinergiques sont disséminés dans plusieurs noyaux au coeur du télencéphale, dans la partie médiane et

ventrale par rapport aux ganglions de la base. Les plus connus sont les noyaux médians du septum qui envoient des fibres cholinergiques vers l'hippocampe (voie septo-hippocampique) et le noyau basal de Meynert qui est à l'origine de la plus grande partie de l'innervation cholinergique

du néocortex. La fonction des cellules du complexe du cerveau antérieur basal reste pratiquement inconnue.

Elles sont les premières à disparaître dans la maladie d'Alzheimer. Comme dans le cas des systèmes noradrénergique et

sérotoninergiques, il semble que le système cholinergique soit implique aussi dans la régulation de l'excitabilité du cerveau en général durant l'éveil cortical et les cycles veille-sommeil. Le complexe de la base du cerveau pourrait aussi jouer un rôle particulier dans

l'apprentissage et la mémorisation.

Fig. 9 – Principales composantes des systèmes cholinergiques centraux.

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Les noyaux du septum médian et le noyau basal de Meynert innervent très largement l'hippocampe et le cortex cérébral. Le complexe pontomesencephalotegmental projette vers le thalamus et une partie du cerveau antérieur. l'un d'eux représente le complexe du cerveau antérieur basal. Le terme de "complexe" est utilise car les neurones cholinergiques sont dissémines dans plusieurs noyaux au cœur du télencéphale, dans la partie médiane et ventrale, par apport aux ganglions de la base. Les plus connus sont les noyaux médians du septum qui envoient des fibres cholinergiques vers l'hippocampe (voie septohipcampique) et le noyau basal de Meynert qui est à l'origine de la plus grande partie de l'innervation cholinergique du néocortex. La fonction des cellules du complexe du cerveau antérieur basal reste pratiquement inconnue. Cependant, cette région fait l'objet de nombreuses études depuis que l'on a découvert que ces cellules sont parmi les premières à disparaître dans la maladie d'Alzheimer, qui se caractérise par la détérioration progressive et profonde des fonctions cognitives (toutefois, dans la maladie Alzheimer, les dégénérescences neuronales sont largement disséminées, notamment au niveau du cortex et de l'hippocampe, et aucun lien n'a pu titre établi entre maladie et les neurones cholinergiques). Comme dans le cas des systèmes noradrénergique et sérotoninergiques, il semble que le système cholinergique soit implique aussi dans la régulation de l'excitabilité du cerveau en général durant .l'éveil cortical et les cycles veille-sommeil. Le complexe de la base du cerveau pourrait aussi jouer un rôle particulier dans l'apprentissage et la mémorisation,.

le second système cholinergique diffus porte le nom de complexe cholinergique pontomesencephalotegmental. Il se compose de cellules du pont et du tegmentum mésencéphalique utilisant l'acétylcholine comme neurotransmetteur. Ce système influence principalement le thalamus dorsal, où, avec les systèmes. noradrénergique et sérotoninergiques, il régule l'excitabilité des relais sensoriels spécifiques. Ces cellules se projettent aussi vers le télencéphale, établissant ainsi un lien cholinergique entre le tronc cérébral et les complexes du cerveau antérieur basal.

Neurones noradrénergiques du locus cœruleus (figure 10)

La noradrénaline est un neurotransmetteur du système nerveux autonome périphérique, mais elle se trouve aussi localisée dans

une petite structure du pont, le locus coeruleus Chez l'homme, il contient environ 12 000 neurones et il y a un locus coerule us de chaque

côté du pont. Les axones issus de ces neurones forment plusieurs faisceaux, puis se dispersent et innervent presque chaque partie du cerveau: le cortex cérébral, le thalamus, l'hypothalamus, le bulbe olfactif, le cervelet, le mésencéphale et la moëlle épinière. Le locus

coeruleus a certainement les connexions parmi les plus diffuses du cerveau, si l'on considère qu'un seul de ses neurones peut présenter

jusqu'à 250 000 synapses et qu'un même axone peut par ses différentes branches se projeter à la fois sur le cortex cérébral et sur le cortex

cérébelleux.

Le locus coeruleus est impliqué dans les processus attentionnels, l'éveil et les cycles veille-sommeil ainsi que dans l'apprentissage et la

mémoire, l'anxiété, la douleur, l'humeur et le métabolisme du cerveau. Mais on ne connaît en réalité rien de précis. Pour mieux comprendre ses

fonctions véritables, il faut tenter de déterminer ce qui active réellement les neurones noradrénergiques: les enregistrements pratiques sur le rat et

le singe éveilles montrent que ce sont les stimulus sensoriels indolores , nouveaux et inconnus qui activent le plus les neurones du locus coeruleus, lorsque l'animal se trouve dans son milieu naturel. Ces stimulus sont moins marquants quand l'animal est en train de digérer ou tout

simplement immobile et moins vigilant. Le locus coeruleus pourrait ainsi contribuer à un éveil général du cerveau, face à des évènements

marquants. Comme par ailleurs, il a été démontre que la noradrénaline accroît les réponses des neurones du cortex cérébral aux stimulus

sensoriels marquants, la fonction du locus coeruleus est sans doute d'augmenter la sensibilité du cerveau à ce qui se passe dans l'environnement du sujet en accélérant le traitement de l'information par les systèmes moteur et sensoriel spécifiques et en les rendant plus performants.

Figure 10 – Principales composantes des systèmes noradrénergiques centraux.

Noyaux séro toninerg iques du raphé ( f igure 11)

Des groupes de neurones contenant de la sérotonine sont localises dans les noyaux du raphé, situes de chaque côte de la ligne

médiane du tronc cérébral. Ils se projettent sur différentes régions du cerveau.

Comme les neurones du locus coeruleus, c'est durant l'éveil que les neurones des noyaux du raphé sont les plus actifs. Les noyaux du raphé sont inactifs durant le sommeil. Le locus coeruleus et les noyaux du raphé s'intègrent dans le concept de système réticulaire

activateur ascendant qui implique le rôle de la formation réticulée du tronc cérébral dans les processus lies à l'éveil du cerveau et qui

maintient la vigilance.

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Les neurones sérotoninergiques du raphé jouent aussi un rôle dans la régulation de l'humeur et de certains types de

comportements émotionnels.

Figure 11 – Système sérotoninergique.

Neurones dopaminergiques de la substance noire et du tegmentum més encéphalique (figure 12)

Bien que les neurones à dopamine soient disperses dans tout le SNC, deux groupes présentent les caractéristiques des systèmes

modulateurs diffus:

- l'un d'eux a son origine dans la substance noire, dans le mésencéphale. Ces neurones se projettent sur le striatum (noyau

caudé et putamen) où ils facilitent l'initiation des mouvements volontaires (la dégénérescence des neurones à dopamine de la substance noire est responsable de l'apparition de la maladie de Parkinson). Cela ne signifie pas que l'on connaisse

parfaitement le rôle de la dopamine dans le contrôle moteur, mais on sait qu'elle facilite le déclenchement des réponses

motrices à partir de stimulus environnementaux.

- l'autre dans le tegmentum mésencéphalique ventral. Les neurones de ce groupe vont innerver une zone bien définie du télencéphale, comprenant le cortex frontal et certaines parties du système limbique. Cette projection du mésencéphale est

connue sous le terme de système dopaminergique mesocorticolimbique. Différentes fonctions ont été attribuées à cette

projection complexe. Ainsi, il est évident qu'elle est impliquée dans un système de "récompense" qui apprécie la valeur

de certains comportements adaptatifs ou les "renforce" (par exemple la recherche d'un partenaire). La récompense accompagnant l'activation de ce système peut être une sensation de plaisir. Si on leur en donne la possibilité, les rats

cherchent à stimuler électriquement cette voie nerveuse.

Figure 12 – Les systèmes dopaminergiques.

IX. ROLE DU CORTEX CEREBRAL ET DU THALAMUS

On vient de voir que l'un des composants essentiels du système réticulé activateur est constitué par un groupe de noyaux

cholinergiques situés à la jonction du pont et du mésencéphale. Un grand nombre de neurones de ces noyaux présentent une fréquence de

décharge élevée durant la veille et le SP; à l'inverse ils sont au repos durant le SOL. En outre, quand on les stimule, les neurones de ces

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noyaux cholinergiques provoquent la désynchronisation de l'EEG (l'activité EEG passe d’une trace d'ondes synchronisées de haute

amplitude à des ondes désynchronisées, de plus haute fréquence et de faible amplitude). Toutes ces observations suggèrent que l'activité des cellules cholinergiques du système réticulaire activateur est un facteur déterminant de la veille et du SP et que leur inactivité est

importante pour la production du SOL. Toutefois, l'activité de ces neurones n'est pas le seul mécanisme cellulaire responsable de la veille.

Des neurones noradrénergiques du locus coeruleus et des neurones sérotoninergiques des noyaux du raphé sont aussi impliqués. Comme le

résume le tableau 1, l'augmentation de l'activité de ces cellules est également en relation avec la veille et sa réduction, avec l'apparition du sommeil. De toute évidence, les effets sur l'état mental s'exercent dans une large mesure en modulant la rythmicité des interactions entre le

thalamus et le cortex.

L'activité de ces divers systèmes ascendants diminue à la fois les décharges rythmiques des neurones des noyaux thalamiques et

l'activité synchronisée qui en dépend au niveau des neurones corticaux.

Le thalamus joue en premier lieu un rôle de relais entre la formation réticulaire et le cortex. Les fibres réticulaires aboutissent au

niveau des noyaux intralaminaires du thalamus qui à leur tour projettent de manière diffuse sur le cortex cérébral. On peut résumer ses

interactions extraordinairement complexes de la façon suivante :

Le contrôle du sommeil et de la veille dépend d'une modulation du thalamus et du cortex par le tronc cérébral. C'est cette boucle thalamo-corticale qui dans les conditions normales sous-tend les signes EEG des fonctions mentales le long d'un

continuum allant du sommeil profond à un état d'alerte élevée. Les éléments majeurs du système modulateur du tronc

cérébral sont les noyaux cholinergiques de la jonction pont-mesencephale, les cellules noradrénergiques du locus

coeruleus au niveau du pont, les noyaux sérotoninergiques du raphé. Tous ces noyaux se caractérisent par des projections vers le cortex et vers le thalamus où s'exercent leurs effets directs et indirects sur les fonctions corticales.

La majeure partie du cerveau humain est dévolue à des tâches qui dépassent le codage des sensations primaires ou la commande des

actes moteurs. Les aires associatives des lobes pariétaux, temporaux et frontaux représentent à peu près 75% de la totalité du tissu

cérébral et prennent en charge les fonctions cognitives, c'est à dire le traitement des informations effectuées entre les entrées sensorielles

et les sorties motrices. Littéralement ces fonctions cognitives désignent les processus par lesquels il nous est permis de connaître le

monde.

=> L'apport de l'imagerie médicale

Cette façon de voir est étayée par l'apport de techniques d'imagerie, telles que la tomographie par émission de positons (TEP), utilisée

au cours de tâches spécifiques d'attention chez des sujets normaux. Ainsi, le débit sanguin augmente dans le cortex pariétal droit durant des

tâches exigeant une attention sélective à des stimuli visuels présents dans le champ visuel gauche pour distinguer leur forme, leur couleur ou leur vitesse. Si la même tâche est à exécuter dans le champ visuel droit, il y a activation conjointe des cortex pariétaux droit et gauche. De plus, si l'on

demande aux sujets de garder un haut niveau de vigilance, on observe, en plus de l'augmentation d'activités du cortex pariétal droit, une

augmentation dans le cortex frontal droit. Ces recherches laissent envisager que d'autres régions que le lobe pariétal contribuent dans une

certaine mesure aux comportements d'attention et peut-être aux syndromes de négligence. En tout état de cause, les cartes métaboliques confirment le fait que la négligence controlatérale provient typiquement d'une lésion pariétale droite et corroborent l'hypothèse d'une certaine

spécialisation hémisphérique pour l'attention, au même titre que pour un certain nombre d'autres fonctions cognitives .

En conclusion, depuis une vingtaine d'années, l'apport des techniques d’imagerie cérébrale utilisées au cours de tâches spécifiques

d'attention chez des sujets normaux a révélé que le syndrome d'héminégligence peut provenir de lésions siégeant dans une des trois régions corticales suivantes:

Le gyrus angulaire du lobe pariétal;

Le gyrus cingulaire du lobe pariétal;

Le cortex frontal prémoteur.

Ces 3 régions représentent donc des centres cruciaux d'un réseau cortical considéré comme le substrat anatomique des processus

attentionnels. Chez l'homme, ce réseau est organisé de manière asymétrique entre les hémisphères puisque, contrairement au singe, le syndrome

d'héminégligence survient presque exclusivement après une lésion droite, ce qui traduit une dominance de l'hémisphère droit dans l'attention

=> Les apports de l'électrophysiologie: les "neurones attentionnels" du cortex pariétal

La complexité des fonctions cognitives et la difficulté de procéder, chez l'homme, à des études au niveau cellulaire a rendu

difficile l'analyse des mécanismes mis en œuvre par les aires corticales associatives de l'homme. Néanmoins, on a pu réaliser un certain nombre d'observations instructives sur des primates infra-humains et particulièrement sur le singe macaque (rhésus). Ces animaux ont des

aptitudes cognitives qui font intervenir les cortex pariétaux, frontaux et temporaux et qui, a bien des égards, sont semblables a celles de

l'homme. Il est possible de réaliser, chez le singe éveillé, des enregistrements électrophysiologiques de neurones isolés, au cours de divers

comportements; on peut dès lors examiner les réponses physiologiques de cellules individuelles des cortex associatifs pendant l'exécution de tâches cognitives. Des études de ce genre portant sur le cortex pariétal ont tiré bénéfice du fait que les mouvements oculaires sont

d'excellents indicateurs des comportements attentifs des primates. On peut ainsi utiliser la fixation des yeux sur une cible intéressante pour

identifier, dans ce territoire cortical, les neurones sensibles à l'attention.

Ces travaux ont essentiellement été pratiqués chez le singe et se sont centrés sur une aire du lobule pariétal inférieur du singe dite aire PG (gyrus angulaire). Tout d'abord, des enregistrements cellulaires unitaires ont montré que les cellules de l'aire PG répondent a des évènements

sensoriels, mais sans spécificité pour une modalité donnée. En outre, cette réponse n'a lieu que si l'évènement a une signification en termes de

motivation (par exemple la vue d'un aliment chez un animal a jeun). Enfin, il existe une composante motrice au rôle de ces cellules dans la

mesure où leur activité précède toujours un mouvement destiné à atteindre la cible («reaching»).

Les réseaux de l'at tent ion

Ces données, de même que celles obtenues plus récemment à l'aide de la caméra à positons (TEP), ont amené M. Posner à proposer

une formulation originale des rapports entre attention et cerveau, et, plus hypothétiquement, entre attention et conscience. Pour cet auteur, les 3 régions cérébrales impliquées dans les processus attentionnels ont chacune un rôle distinct:

Le "réseau attentionnel postérieur", qui comprend les aires pariétales postérieures (gyrus angulaire), les noyaux

réticulaires et pulvinarien du thalamus, et des parties du colliculus supérieur, est essentiellement un réseau d'

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«orientation», permet- tant de diriger l'attention vers les endroits pertinents, comme lors de la recherche visuelle. Il

permettrait également, tel un zoom, de sélectionner l'échelle pertinente pour examiner l'influx visuel; Le "réseau attentionnel antérieur" comprend essentiellement le gyrus cingulaire antérieur et l'aire promotrice. Ces deux

aires adjacentes sont activées lors de situations impliquant la détection d'évènements. Une des situations, quelque peu

artificielle, où ce système serait particulièrement sollicité, est le test de Stroop, très largement utilisé en clinique

neuropsychologique, qui consiste à imposer au sujet une consigne conflictuelle (en l'occurrence dénommer la couleur de mots imprimés dans des couleurs différentes, par exemple ('BLEU' écrit en vert, 'JAUNE' script en rouge);

Enfin, un troisième réseau dit "de vigilance" se situe dans la partie latérale du lobe frontal droit et son activité serait issue

des voies noradrénergiques originaires du locus coeruleus. Le type de tâche impliquant l'utilisation de ce système est

typiquement la situation où le sujet doit porter son attention vers une source de signaux en même temps qu'il attend l'apparition d'une cible peu fréquente. Il existerait une relation inverse entre l'activité dans le réseau antérieur et dans le

réseau de vigilance. En effet, une tâche au cours de laquelle le sujet doit attendre des signaux de faible probabilité

implique une suspension de toute autre activité attentionnelle, ce qui est possible grâce à l'action inhibitrice du système

de vigilance sur le système attentionnel antérieur, action démontrée par les études en TEP.

Ces relations complexes entre les divers réseaux attentionnels pose la question passionnante, mais bien loin d'être résolue, des liens

entre attention et conscience. La situation de la « cocktail party » est souvent prise comme exemple des caractéristiques de l'attention humaine.

Dans cette situation, lors qu'on discute avec quelqu'un, il est plus difficile de suivre une conversation en raison d'un « parasitage » provenant des

conversations voisines. Toutefois, les mécanismes de l'attention sélective permettent d'ignorer ce que disent les autres. Pour tant, on peut avoir conscience de bribes du contenu.

Des données anatomiques sont venues confirmer ces données fonctionnelles en montrant que l'aire PG reçoit des afférences provenant

exclusivement d'aires associatives polymodales, elles mêmes en connexion avec les aires associatives unimodales, et de structures limbiques, en

particulier le gyrus cingulaire. L'aire PG apparaît donc comme une région fonctionnellement et anatomiquement unique recevant des systèmes sensoriels une information déjà traitée et ne comportant plus la connotation de sa modalité d'origine, d'où le terme d'aire supramodale qui lui est

attribué. Elle reçoit en outre une information motivationnelle par ses afférences limbiques et une activation réticulaire par le système formation

réticulaire - noyaux intra-laminaires du thalamus. L'aire PG se projette ensuite elle-même sur un certain nombre de structures, en particulier la

partie du cortex frontal (champ frontal oculaire) contrôlant la motricité oculaire et le colliculus supérieur, également implique dans l'activité oculomotrice. Ces connexions efférentes de l'aire PG suggèrent qu'elle possède un rôle déterminant dans la modulation de l'exploration visuelle,

des comportements d'orientation de la tête et des yeux et probablement aussi des comportements de « reaching » manuel.

Comas et pertes de connaissance

Hormis l'état de sommeil, la perte de la faculté d'interagir avec l'environnement est considérée comme un trouble de conscience. L'expression «perdre conscience» ou «perdre connaissance» fait référence a une perturbation, en général brutale, du contact avec

l'environnement. La circonstance la plus fréquente en est le "malaise vaso-vagal" ou état syncopal, banal évanouissement, où le sujet décrit une

sensation de "tête vide" ou de vertige, parfois accompagnée d'une expérience corporelle de type "vide épigastrique" ou "sueurs". La cause en est

habituellement une chute de la tension artérielle systémique, souvent due à une fragilité des systèmes neurovégétatifs régulateurs de la circulation sanguine qui provoque, a la suite d'une stimulation douloureuse ou émotionnelle, une baisse du débit sanguin cérébral diminuant

temporairement l'irrigation de structures nécessaires au maintien de la conscience. Plus rarement, une syncope de ce type peut être due à un

trouble cardiaque primitif. Très habituellement, le sujet reprend conscience dans les quelques minutes suivantes, ce qui traduit la normalisation

de son débit sanguin.

Le coma est une circonstance beaucoup plus dramatique en raison de son caractère souvent persistant voire irréversible et de la gravite

des lésions cérébrales qui en sont responsables. On distingue le coma de la "stupeur", qui en constitue une forme atténuée en individualisant 3

principales causes de comas:

o ceux dus a une lésion de structures du tronc cérébral critiques dans la fonction d'éveil;

o ceux dus a une lésion des hémisphères cérébraux;

o ceux dus a un trouble métabolique, comme l'hypoglycémie, qui déprime de façon globale la fonctioncérébrale.

Plus généralement, on distingue plusieurs grades de coma depuis la simple obnubilation, où le sujet présente une tendance

àl'endormissement, proche de la somnolence des hypersomniaques, jusqu'au coma profond où les stimulations, même les plus intenses (comme

celles qui provoquent normalement une douleur violente), ne modifient pas l'état de conscience (a en juger; du moins, par les réponses du sujet). L'étude de la topographie des lésions responsables de ces états est donc la source principale de nos connaissances de 1' «anatomie de la

conscience».

=> Rôle de la formation réticulée, du thalamus et de l'hypothalamus

Les lésions responsables de perte de conscience sont celles intéressant une aire mésencéphalodiencéphalique du cerveau allant depuis

la partie supérieure du pont jusqu'à la partie basale du télencéphale. Une région critique, cependant, est la partie moyenne du mésencephale, au

niveau des tubercules quadrijumeaux, région où une lésion, même de petite taille, est susceptible de provoquer un coma. Depuis la fin des années 40, en particulier grâce aux travaux de Magoun et Moruzzi, l'on connaît le rôle déterminant de la formation réticulée paramédiane dans l'éveil

cortical. La formation réticulée, qui s'étale de la partie rostrale du pont à la région paramédiane du mesencephale, se prolonge au-dessus sous la

forme de 2 voies, l'une pénétrant dans le thalamus, plus précisément dans sa substance centrale dite "noyaux intra-laminaires", l'autre parcourant

l'hypothalamus latéral.

Le rôle des noyaux intra-laminaires du thalamus est suspecté de longue date, comme étant l'intermédiaire indispensable aux

projections issues de la formation réticulée et projetant de façon diffuse sur le cortex cérébral (projections dites non-spécifiques, par

opposition a la projection d'autres noyaux thalamiques ou extra-thalamiques sur des régions spécifiques du cortex). La stimulation de

cette région du thalamus est ainsi capable de provoquer une activité recrutant tout le cortex à l'électro-encéphalogramme, ce qui confirme le rôle de ces fibres de passage dans l'éveil cortical.

En fait, plus souvent que des lésions thalamiques, des lésions de l'hypothalamus postérieur, respectant le tronc cérébral et le thalamus,

semblent, elles, susceptibles de provoquer le coma, ce qui suggère l'importance, encore mal connue, de cette zone dans l'éveil et la vigilance.

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=> Rôle de régions plus caudales du tronc cérébral

Le rôle de régions plus caudales du tronc cérébral est moins clair. Le fait que ces régions contiennent des structures vitales,

indispensables à la régulation de fonctions tels que la respiration, le rythme cardiaque, la tension artérielle, explique que des lésions situées à ce

niveau compromettent à court terme la survie du patient. Toutefois, l'observation de sujets survivant à de telles lésions montre que la conscience elle-même peut être totalement préservée. Tel est le cas de certains états consécutifs à des lésions gravissimes de la partie basse du pont

(hémorragie ou ramollissement protubérantiels) où le sujet présente tous les signes extérieurs de coma (absence de mouvements spontanés des

membres ou du visage, aucun signe de communication avec l'extérieur) mais l'EEG montre un tracé compatible avec un état de veille normale

(désynchronisation), parfois partiellement réactif aux stimulations, parfois réactif réalisant un rythme alpha permanent ou "alpha coma". En fait, tout porte à croire que, dans ces circonstances particulièrement dramatiques, la conscience de ces sujets est strictement normale mais qu'ils sont

seulement privés de tous moyens de l'exprimer (états dits de déafférentation ou "locked-in syndrome"). Fait intéressant, ces sujets semblent

souvent totalement privés de sommeil (asomnie), ce qui corrobore les données de l'expérimentation animale suggérant un centre dans le tronc

cérébral caudal (noyaux du raphé et noyau du faisceau solitaire) responsable de la production active du sommeil.

=> Troubles de la conscience autres que le coma

Hormis lors de lésions, seules envisagées jusqu'ici, de parties basales du cerveau, des perturbations de certains aspects de la conscience peuvent se rencontrer lors de lésions cérébrales plus diffuses ou touchant des structures plus proches du néocortex.

X. LES THEORIES DE LA MOTIVATION

"Bien avant que les psychologues ne tentent d'expliquer le pourquoi de nos actes de façon scientifique, le langage courant avait

développé un nombre important de termes désignant les divers aspects ainsi que les nuances intervenant dans l'expression de la motivation. À partir des définitions comme celles que fournit un dictionnaire, il est possible d'évaluer a quelle dimension les différents termes font référence et,

partant, de les utiliser a bon escient.

Il existe tout d'abord des termes généraux.

La motivation est l'ensemble des facteurs qui déterminent le comportement. Ce concept rend compte de la relation entre un acte et les raisons qui l'expliquent ou le justifient.

L'envie est associée au fait qu'un besoin est ressenti, qu'il soit d'ordre biologique et lié à la survie de l'organisme, ou d'ordre purement

intellectuel ou esthétique.

Le motif est la raison qu'un organisme a d'agir. En général, le motif est d'ordre intellectuel.

Le mobile constitue la raison ou le but pour lequel un acte a été effectué. Il ne peut donc être identifié qu'après la manifestation du

comportement.

Certains termes font référence plus directement aux aspects physiologiques de la motivation.

Le besoin constitue un état de manque, une insuffisance ou l'absence d'un élément nécessaire à l'équilibre de l'organisme. Bien qu'il s'agisse le plus souvent d'une nécessité d'ordre biologique, ce terme peut également désigner une exigence. La tendance est ce qui amène

l'individu à être ou à se comporter d'une façon déterminée (ce mot traduit, en français, le terme drive utilise par les Anglo-Saxons).

La pulsion fait intervenir une dimension dynamique pour traduire certaines tendances instinctives ou innées, déclenchées après

l'apparition du besoin, qui «poussent» l'individu à agir.

Quant à l'attirance, elle laisse sous-entendre l'existence d'un incitateur; En ce sens, elle rend compte d'une force qui attire vers

quelqu'un ou vers quelque chose.

La dimension cognitive de la motivation n'est pas non plus oubliée. Les termes qui s'y rapportent mettent l'accent sur l'aspect raisonné

ou réfléchi de certains comportements.

Le désir constitue la prise de conscience d'une tendance vers un objet connu ou imaginaire Dans un sens plus restrictif, il compose la

base normale du comportement sexuel.

L'aspiration consiste en un élan, un mouvement vers un but donne, qui est le plus souvent d'un niveau élevé.

L'inclinaison fait intervenir la dimension affective. Il s'agit du goût pour un objet ou pour une fin donnée. L'intention concerne le fait de simplement se proposer ou de se fixer un certain but." (Les fondements de la Psychologie, Godefroid, éd. Vigot, 1993).

Il faut distinguer les motivations primaires, ou pulsions biologiques, nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme, des besoins

n'ayant plus que de lointains rapports avec la survie. Trois tentatives d'explication les plus appropriées a la majorité des comportements humains.

1) La théorie des pulsions biologiques

La faim, la soif, le besoin d'oxygène ou le contrôle de la température du corps sont des besoins primaires dont la satisfaction est

essentielle à la survie de tous les animaux. Tout déséquilibre en sucre, en eau, en oxygène ou en un quelconque élément de base nécessaire à

l'organisme entraîne automatiquement un état de besoin et l'apparition d'une pulsion biologique qui "pousse" l'individu à combler ce besoin .

L’état pulsionnel primaire va alors engendrer une série d’activités coordonnées en vue du rétablissement de l’équilibre.

On appelle homéostasie cet état d’équilibre dans lequel se trouve l’organisme en l’absence de tout besoin à satisfaire. Un

comportement homéostasique est donc un comportement visant à réduire un état pulsionnel en satisfaisant le besoin qui l’a provoqué.

La théorie des pulsions constitue donc une théorie de la motivation simple et directe permettant de justifier la façon dont les besoins

biologiques sont satisfaits. Elle est cependant loin d’expliquer tous les types de motivations humaines. Comment comprendre par exemple qu’une personne même rassasiée se laisse encore tenter par un morceau de gâteau alléchant, ou qu’elle continue a boire, au cours d’une soirée,

bien qu’elle ait depuis longtemps étanché sa soif. Il semble évident que, dans certains cas, la stimulation générée par certains objets du monde

environnant tient un rôle d’incitateur qui peut être aussi important que l’état pulsionnel lui-même.

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2) La théorie de l’activation optimale

Cette théorie postule que l’organisme tenterait de maintenir constant un niveau optimal d’activation.

Ce niveau ne correspondrait pas à zéro (comme c’est le cas dans la théorie pulsionnelle) mais serait relatif à l’état physiologique d’une

personne donnée à un moment donné. Certains individus auraient ainsi besoin d’une quantité plus importante de stimulations que d’autres qui

n’en toléreraient qu’un nombre réduit. Ce besoin de stimulation varierait également avec l’état de conscience de la personne.

3) Les théories cognitives de la motivation ; le désir

Les deux théories précédentes sont considérées comme trop grossières pour expliquer la diversité des comportements humains. En

effet la plupart du temps nous sommes toujours en train de faire quelque chose et la plupart du temps nous avons choisi de le faire. Même si,

quand on étudie les comportements, on parle de motivation, ce terme est peut-être valable pour le rat de laboratoire qui passe sa vie

"professionnelle" a appuyer sur des leviers et a franchir des labyrinthes, mais il est impropre à désigner les conduites de l’animal et celles de l’homme dans leur milieu naturel respectif. C’est pourquoi, concernant l’espèce humaine, on préfère parler de "désir" plutôt que de "motivation"

pour designer l'état sous-jacent aux passions ("comportement désirant est préféré à "comportement élémentaire" ou "passion" pour les

comportements alimentaire, dipsique, et sexuel). Tandis que la motivation suppose l'acte, le désir désigne un état interne, une tendance vécue par

le sujet sans le conduire nécessairement a l'action. Le désir se situe entre la jouissance et le besoin, le profit et la perte. La satisfaction d'un besoin conduit au renforcement, base des théories de l'apprentissage.

Le désir est d'abord un désir de récompense. Une forme de récompense est l'obtention d'un plaisir. Le désir serait donc défini par le but

à atteindre et justifie par la récompense, profit ou plaisir, obtenue (voir plus loin la théorie hédoniste). Les fonctions cognitives de l’homme lui

permettent d’anticiper sur le plaisir lie à la satisfaction d’un désir et de différencier le désir de l’instinct. Le désir serait donc défini par le but à atteindre et justifié par la récompense, profit ou plaisir, obtenue. Le physiologiste pourrait mesurer l’intensité du désir par celle de l’acte qui le

sanctionne.

Pour le psychophysiologiste, le terme de motivation évoque deux notions complémentaires :

celle de motilité ou motricité, c'est-à-dire de production d’une énergie plus ou moins spécifique nécessaire au déclenchement et à l'entretien d’une séquence de comportement ;

Celle de motif d’action qui englobe à la fois-les processus par lesquels une signification motivante ou démotivante

(respectivement appétitive ou aversive) est conféré à tel stimulus-et ce grâce auquel cette signification sera ensuite

évaluée par référence aux traces laissées par l’expérience passée (mémorisée).

Une autre composante du désir est le besoin. Le besoin est ressenti comme une situation intolérable qu'il faut faire cesser. Cet état

interne que les psychologues appellent motivation provoque une tendance impérieuse (drive) à réaliser l'acte qui le soulagera. Mais plus que le

besoin, c'est peut-être le manque, anticipation ou simulation du besoin, il est à l'oeuvre dans le désir et le place dans la durée. L'animal privé de

nourriture pendant plusieurs heures se met en quête d'aliments susceptibles de soulager l'état désagréable (aversif) développé en lui par le jeûne; bien plus il apprend rapidement tout comportement capable de lui fournir l'aliment qui l'apaise. Lorsque l'animal mange, la tendance de faim se

trouve réduite, ce qui réduit le besoin de nourriture. Les actes qui rendent la nourriture accessible sont renforcés, c'est à dire qu'ils sont plus

susceptibles à se produire dans des situations semblables au cours de la privation de nourriture. L'école behavioriste américaine a largement

développé cette théorie (reduction drive theory ou réduction de tendance) qui lie l'apprentissage aux besoins. Un besoin est défini comme suit : "Quand un des produits ou une des conditions nécessaires à la survie de l'individu ou de l'espèce sont manquants, ou quand ils s'écartent

naturellement d'un optimum, on dit qu'il existe un besoin primaire". Cette théorie de l'école behavioriste - souvent dénigrée-a le mérite de relier

les actions à l'état interne du sujet.

Pour l'école freudienne, le désir ne serait qu'une réactivation mnésique d'une perception anticipative d'un plaisir déjà vécu. Ce serait le cas pour le désir sexuel. C'est le besoin qui serait imaginé et non son assouvissement qui serait a l'origine du désir amoureux: ce besoin n'est

qu'une réactivation incessante du désir à travers la perte simulée de l'objet aimé. Mais pas plus qu'un jeûne sexuel prolongé ne peut être tenu

pour responsable d'une passion amoureuse, une chute des matières énergétiques disponibles dans le sang ne suffit à expliquer que l'individu

passe a table; un signal visuel ou olfactif ou simplement une habitude horaire peuvent réactualiser un déficit primaire virtuel ou déclencher le désir. Mais le désir n'est pas non plus que cela, une attente du plaisir. Il n'aurait sinon aucune raison de cesser, et le caractère événementiel d'un

comportement ne pourrait s'expliquer.

En résumé, un état motivationnel représente une forme d’activation comportementale qui est fonction de l’état présent et passe d’un

individu : son action est ainsi tendue vers un objet-but signifiant qui le satisfait. Cependant en cas d’inadéquation entre le but recherché (la satisfaction d’un désir) et le résultat (le plaisir) ou encore si les exigences de la situation dépassent les potentialités du sujet, une émotion

ressentie positivement ou négativement peut surgir comme si une énergie se diffusait dans l’organisme troublant ainsi aussi bien les régulations

organiques que l’idéation (= enchaînement des idées) du sujet.

Le concept de motivation -que l’on parle de ressort interne, d’impulsion ou de raison d’agir en un mot du « pourquoi ? » du

comportement- est une notion malaisée à cerner en raison du poids particulier que l’on accorde aux différents facteurs énergisants le

comportement (le moteur), mais aussi en raison des significations fort diverses qui sont données (le motif) :

Pour les béhavioristes, tout comportement est conditionné exclusivement par ses conséquences renforçantes et il n’est

pas nécessaire de connaître les mécanismes cérébraux pour prévoir un comportement donné. Pour eux, l’étude des motivations est plutôt celle des stimulations sensorielles motivantes sans aucun recours à la physiologie ;

Pour les existentialistes ou phénoménologues, les motivations sont chargées d’intentionnalité à ce point subtil qu’elles

échappent presque par définition à l'analyse du biologiste ; Quant aux neurophysiologistes, ils s’élèvent contre ces deux façons d’évacuer le cerveau de l’étude des motivations et le

restituent dans un schéma stimulus-organisme-réponse. En effet, ce n’est pas parce que l’on peut prévoir le

comportement d’un animal soumis à une stimulation sensorielle donnée que l’on a compris les mécanismes cérébraux qui

permettent à l’individu de réagir de la sorte. Le neurophysiologiste s’efforce de définir l’état de motivation comme la probabilité de réponse à une stimulation en tenant compte de l’état physiologique du cerveau à ce moment là.

Sur le plan de la psychologie, deux théories s’efforcent actuellement d’expliquer comment les motivations déclenchent le

comportement :

la théorie homéostasique, héritée de la position des philosophes stoïciens, renvoie à la « drive reduction theory » des Anglo-Saxons. Elle soutient, comme par exemple dans la faim, que le besoin déclencherait un état de motivation qui fait

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apparaître un comportement consommatoire réduisant ce besoin et rétablissant un état neutre de non-besoin ou de satiété.

Dans un tel contexte, le processus homéostasique est analysable en termes de systèmes de contrôle, dans un dispositif utilisant une valeur de référence pour enclencher ou débrancher le comportement motive. Or cette théorie basée

uniquement sur la réduction des besoins ne suffit pas à expliquer un comportement motivé impliquant aussi une

dimension de plaisir/déplaisir;

la théorie hédonistique, inspirée de la philosophie épicurienne, soutient que le comportement serait déterminé par la recherche du plaisir. Cette théorie s’appuie sur la mise en évidence récente dans le système nerveux central d’un système

évaluatif de renforcement positif-négatif.

L’intérêt de ces deux positions théoriques -qui, loin de s’exclure, devraient contribuer à une explication globale de la motivation- sera

apprécié par l'étude de divers comportements motivés : les comportements d’autostimulation, alimentaire, dipsique et sexuel, dans lesquels les composantes homéostatiques et hédonistiques apparaîtront plus clairement, s’exerçant en outre dans une dialectique continue entre inné et

acquis. D’ailleurs, la manière dont justement interagissent nature et culture chez l’être vivant constitue un des nœuds de la problématique

contemporaine en biologie. Au stade actuel des connaissances, on peut admettre que ce qui est déterminé génétiquement dans un comportement

répondant à un besoin inné, c’est avant tout une certaine probabilité d’apparition des apprentissages auxquels l’être vivant peut être soumis avec succès.

En fin sur le plan de la neurophysiologie, le comportement motivé résulterait de trois ensembles de processus ayant des effets

énergisants complémentaires :

une augmentation générale de la réactivité du système nerveux central, par le jeu d’interactions entre l’hypothalamus latéral et la formation réticulée sous-tendant l’attention vigile ;

une facilitation sélective de la transmission sensorielle, entre autres olfactive, telles que certaines stimulations

«adéquates» (nourriture, partenaire sexuel) sont privilégiées selon le niveau de besoin ;

une modulation plus ou moins spécifique des effets renforçant (positifs ou négatifs) du stimulus suivant l’état du milieu intérieur, ce qui induit chez le sujet humain des phénomènes d’alliesthesie (modifications ou altérations des sensations).