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LETTRE A M. REINAUD, MEMBRE DE L'INSTITUT, SUR UNE CONTREMARQUE EN CARACTÈRES ARMÉNIENS FRAPPÉE SUR UNE MONNAIE DE DICRAN IV, ET SUR UNE PIÈCE INÉDITE D'OCHIN Author(s): Victor Langlois Source: Revue Archéologique, 8e Année, No. 1 (15 AVRIL AU 15 SEPTEMBRE 1851), pp. 225-232 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41746035 . Accessed: 20/05/2014 13:37 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.146 on Tue, 20 May 2014 13:37:06 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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LETTRE A M. REINAUD, MEMBRE DE L'INSTITUT, SUR UNE CONTREMARQUE ENCARACTÈRES ARMÉNIENS FRAPPÉE SUR UNE MONNAIE DE DICRAN IV, ET SUR UNE PIÈCEINÉDITE D'OCHINAuthor(s): Victor LangloisSource: Revue Archéologique, 8e Année, No. 1 (15 AVRIL AU 15 SEPTEMBRE 1851), pp. 225-232Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41746035 .

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LETTRE A M. REINAUD . MEMBRE DE L'INSTITUT,

SUR

UflîE CONTREMARQUE EN CARACTÈRES ARMÉNIENS

FRAPPÉE SÛR UNE MONNAIE DE DICRAN IV, ET SUR UNE PIÈCE INÉDITE d'ochin.

Monsieur ,

Au temps des Croisades, le numéraire était fort rare en Occident et en Orient, aussi les barons chrétiens, les princes arabes et les rois de la petite Arménie, s'étaient vus obligés de battre monnaie à tout prix pour subvenir aux besoins de la guerre et à la solde de leurs troupes.

Les chroniqueurs français , arabes et arméniens sont tous d'ac- cord sur ce point, que la monnaie d'Occident avait cours chez les infidèles, et que réciproquement les pièces d'or et d'argent arabes et arméniennes étaient reçues par les Francs.

C'est ce que prouvent les monnaies à légendes arabes frap- pées par les Croisés à Tyr, à Acre et à Tripoli, dont le souvenir nous a été conservé par les historiens. Ils racontent en effet qu'à l'arrivée de saint Louis en Palestine , le légat Odon qui l'accompa- gnait, excommunia au nom d'Innocent IV, ceux qui les avaient fait frapper (1). Ces monnaies étaient destinées à avoir cours parmi les Francs et les infidèles , de même que les monnaies arabes frap- pées par les évèques de Maguelone et d'Agde (2) , par Alphonse , comte de Poitiers , frère de saint Louis (3) et par le roi de Castille, Alphonse VIII (4).

(1) Raynaldi, ad ann. 1253, art. 52. - Le Nain de Tillemont, Vie de saint Louis, t. IV, p. 401. (2) Lelewel, Mém. du moyen âge, 1. 1, p. 212.- Tillemont, t. IV, p. 400 et 401. (3) Ibid., p. 212. - Registre de la chancellerie d'Alphonse, comte de Poitiers.

Archives nationales, J, 319, 4. (4) Lelewel, partie III , p. 9, - Memorias de la Real Acad. de la Historia,

VIU. la

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226 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. Ce cours des monnaies arabes et franques dans les deux camps, est

une preuve évidente de l'exagération des historiens des Croisades, lorsqu'ils énumèrent les sommes immenses destinées à la rançon de tel ou tel prisonnier, ou au rachat de telle ou telle ville. Il est vrai de dire que la valeur de chacune des monnaies dont les noms sont mentionnés par les chroniqueurs est loin d'être déterminée, et même ils confondent ensemble les pièces des différents métaux ; en Armé- nie > par exemple, il y avait des tahégans d'or et d'argent (l) , et l'on serait encore à se demander desquels Matthieu d'Édesse (2) a voulu parler, quand il nous dit : « Que Boëmond fut racheté des mains de « Danischmend au prix de cent mille tahégans , » si l'on ne savait par Ibn-Alatir (3) que ce fut moyennant de lor que ce prince par- vint à se délivrer des fers des musulmans.

Quoi qu'il en soit du témoignage des chroniqueurs , on est auto- risé à penser que le numéraire était rare en Orient au temps des Croisades. On doit dire cependant qu'à des intervalles de peu de durée, après une victoire remportée , une ville prise d'assaut , des prison- niers échangés, l'argent ait abondé dans un camp; les trésors im- menses rapportés de Palestine en Europe par les Templiers en seraient une preuve suffisante ; mais généralement le numéraire était fort rare à cette époque , comme nous essayerons de le prouver tout à l'heure à l'aide des monuments.

Il ne rentre pas dans le cadre de cette lettre , d'examiner quel était à peu près la fortune des deux camps au temps des guerres et de la conquête de la Terre Sainte; ce que nous nous bornerons à faire, ce sera de donner quelques raisons sur la pénurie du numéraire en Ar- ménie, avant de passer à l'examen d'une pièce fort curieuse qui viendra à l'appui des faits que nous allons avancer.

La petite Arménie, à l'époque des Croisades, était un modeste royaume compris dans la partie de l'Asie Mineure connue sous le

t. IV. Cf. Marina, Ensayo sobre el progreso de las linguas. Madrid, 1805, in-4°, t. IV. - Adler, Mus. cuf. Borgian. - B. de Khœne , Zeitschrift für Münz . Berlin, in-8, 1845. - Revue Archèolog., 1850. Cf. Longpérier, Programme de son ouvrage sur les monnaies arabes d'Espagne. - Revue IVumismat ., 1850 , p. 452.

(1) P. Aucher, Traité des poids et des mesures des anciens (en Arm.), p. 71-74. - Notices et extraits des manuscrits , t. IX, p. 310. - Extr . de la chr. de Matthieu d'Édesse, par Ch. de Cirbied. - Dulaurier, Récit de la première croi- sade par Matthieu d'Edesse, p. 88-89, note I , du ch. xxvin.

(2) Ch. XXVIII, p. 31. Ed. Dulaurier. (3) Reinaud, Extr, des Hist, arabes , p. 17.

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LETTRE A M. REINAUD. 227 nom de Cilicie , entouré presque de tous côtés par des peuples enva- hisseurs. L'Arménie était donc dans les circonstances les plus défa-

vorables ; placée entre les deux armées des Francs et des infidèles , sans cesse harcelée par les uns , dévastée par les autres, elle luttait par force , mais sans espoir de conserver son indépendance et ďas- surer son industrie (1). C'étaient tantôt, les Turks seldjoucides ďlconium quila soumettaient au tribut (2), tantôt les Khans mon- gols qui la rançonnaient (3) ; l'Arménie avait encore à lutter contre les vexations et les empiétements des princes ďAntioche (4) et les invasions du sultan d'Égypte (5). Ainsi les avantages que lui procu- raient ses entrepôts, ses caravanes et son commerce (6) se trouvaient anéantis. Gènes et Venise contribuaient encore à la ruine de l'in- dustrie arménienne en obtenant des rois de la Cilicie des privilèges nombreux arrachés pièce à pièce, plutôt par la force que par la persuasion (7).

La misère était grande surtout au XIVe siècle sous les règnes des quatre derniers monarques issus de la noble famille de Lusignan ; le thachavor Léon V (8) dernier rejeton de la maison des Roupé- niens , qui les avait précédés sur le trône, avait envoyé des ambas-

(1) St. Martin, Mém . sur V Arménie , 1. 1. - Art de vérifier les dales. Cf. Rois d'Arménie .

(2) St. Martin, t. I, p. 198. (3) Marco Paulo, liv- 1, ch. ii, p. aio. - De Guignes , msi. aes Huns, t. ni ,

n. 246. - St. Martin, t. I, p. 395-398. (4) Guillaume de Tyr. - - Art de vérifier les dates , 1. cit. - Saulcy, Num . des

Croisades . Cf. Princes d'Antioche, p. 3. (5) Bosio, t. II, liv. II, p. 75. - Remaud, fragments aes nisior. arabes , sur

l'Bist. des Croisades , p. 425, et Géogr. d'Aboulfeda, introd., p. 7 et 33. (6) Bibl. de l'Ecole des Chartes , t. VI , p. 308. Cf. L. de Mas-Latrie, RelaU

politiq. et commerciales de l'Asie Mineure avec les Cypriotes. (7) Sanud . seer. fid. Crucis , liv. I, p. I, ch. i. - Jyot. et extr. aes man., t. XI.

Cf. les décrets des rois arméniens en faveur des Génois , publiées par S. de Saey et St. Martin.

(8) P. Tchamtsiam {Hist, ď Armenie ), ne commençant la sene aes rois a Arme- nie qu'à Léon II, rappelle Léon IV.

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228 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. sadeurs au roi de France Philippe de Valois, pour exposer sa détresse, et il avait obtenu de son très-cher cousin , dix mille florins d'or de Florence , pour estre convertis en la garde de ses châteaux et pays d'Arménie (1).

Dans une telle situation , tout argent était de bon aloi , l'antique monnaie sassanide , celle des Archagouni de l'Arménie, et celle des Romains , revirent la lumière, et pour leur donner une valeur de circonstance , pour en faire une monnaie de nécessité , on les sur-

frappa d'une contremarque. En cela, les rois de l'Arménie ne fai- saient que copier les Arabes qui frappaient d'un poinçon toutes les monnaies qui leur tombaient sous la main ; nous trouvons ainsi des pièces grecques sur lesquelles le nom du prince Ortokhide Fakr- Eddin a été appliqué (2) , une monnaie anonyme des empereurs français de Constantinople portant en creux le nom de Dieu (3), une pièce de Héthum II et de Kai-Khosrou avec la même contre- marque (4), une autre médaille arménienne de Léon V, sur laquelle on a imprimé le mot JJJlt , le roi (5), enfin une monnaie d'Alexis Comnène, empereur de Constantinople surfrappée de deux mots arabes (6), etc.

A l'exemple des princes arabes que nous venons de citer, un roi arménien résolut de rendre une valeur à une monnaie qui n'en avait plus depuis longtemps , et il y fit frapper une contremarque en ca- ractères mesrobiens, en usage à cette époque sur les monnaies de la Cilicie; la pièce avait à peu près le même poids que le Tang , ( q,uiüi j-, ou q-ufuli ) , petite monnaie de cuivre dont nous avons quelques exemples, et qui était fort en usage dans le commerce au temps des Croisades, puisque les Arabes la connaissaient sous le nom de

(7) , et que les marchands génois et vénitiens l'acceptaient dans leurs comptoirs de l'Arménie.

(1) Art de vérifier les dates. Cf. Rois d'Arménie, Léon V. - Mon Essai sur les monnaies arméniennes de la dynastie de Roupène , p. 35. (2) Marsden, Numismata orientalia , t. I. Cf. Orlhokides , Fakr-Eddin. (3) Saulcy , Mém. des Croisades , pl. XIII, n° 5. - Marchant , Lettres sur la

Num., nouv. éd. Cf. Lettre XXIX, et mes annotations. (4) Mon Essai sur les monnaies roupén., pl. II, n°l, et Revue Arch,, vir année. (5) Krafft , Rupen. Münzen, p. 14. - Mon Essai , p. 36. (6) Mém. de la Soc. arch. de SI. JPétersb., t. IV, p. 15, pl. IV, n° 3. (7) Cf. Meninski. Lex. arab.pers. turk., t. II. - Le Danak vient du persan

viUlà, qui signifie poids de trois karats ousiliques en usage en Asie et en Egypte ; c'est le diminutif de , grmulum , grain, espèce de légume.

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LETTRE A M. REINAUD. 229

Celle pièce dont voici la description a été publiée par l'abbé Ses- tini (1) et Mionnet (2), mais sans la contremarque qui me îa fait signaler aujourd'hui ; elle est de cuivre et appartient au règne du roi archagouni Dieran IV ( Tigrane ), qui était contemporain de l'empe- reur Auguste (3). Voy. le dessin, p. 227.

Tête jeune du roi, ceinte du diadème et couverte de la tiare ar- ménienne à gauche. En contremarque

BACIAenC. AHerAAOY. TirPANOY. OIAGAAHN- - Ar- ménien avec le costume du pays debout à droite , tenant la haste , míçq., et un arc, tnqb'rßi.

Nous n'avons point à nous arrêter sur la pièce en elle-même, qui a été suffisamment étudiée et expliquée par les savants que je viens de citer, nous nous occuperons seulement de la contremarque armé- nienne qui est imprimée sur le droit. Cette contremarque qui est fort lisible est écrite en lettres majuscules , appelées (4), et nous offrent l'adjectif » ion (monnaie de bon aloi). On trouve, en effet, des exemples fréquents de ce moten plusieurs lan-

gues sur les monnaies, où il occupe la place d'une légende, ou bien encore où il est employé comme contremarque. En voici quelques exemples : sous forme de légende, l'adjectif 6on se lit sur une pièce bilingue (5) appartenant à une classe de monuments qui prouvent avec quel soin les princes de l'islamisme savaient ménager les peu- ples qu'ils avaient conquis. Cette pièce qui est imitée des monnaies anonymes de l'empereur Héraclius à la légende ev toutm vtxa , date des premiers temps de l'hégyre ; elle porte au droit un buste impé- rial de face , tenant le globe crucigère , à droite le mot KAAON (bon) et à gauche (à Emèse ); au revers un grand jU, avec le mot £;UeCHC, traduction du mot arabe du droit, et , rendu par xaÀov , comme on peut aisément s'en convaincre. Sur une

M Descr. du Mus. Hedervar II, p. 380. n° 1, pl. 19, fig. 15. (2) Descr. des méd. grecques , suppl., p. 726. (3) Moïse de Khorène , trad, par Levaillantde Florival , 1. 1 et II. » (4) Bellaud, Essai sur la langue arm ., p. 15. (5) Castiglioni, Mus . cuf. de Turin, pl. XIV, fig. 10, pl. XV, fig. 4 et 5. - •

Journal Asiat., 1839. Cf. Saulcy, Lettres à M. Reinaud, sur la Num. orient. Lettre II, p. 433 et IV, p. 486. - Marchant, ouvr, cité. Lettre I, annotée par A. de Longpérier, p. 12, pl. I, n° 4.

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230 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. monnaie de cuivre de l'empereur Isaac I Comnène (1), nous trou- vons un synonyme du mot contremarqué. Cette pièce porte, au droit une inscription invocative quadrilinéaire surmontée d'une petite croix :

CeP. CYN eprei. ba CIAC!- AA eneo.

En haut et au bas de l'inscription , on voit deux contremarques , dont l'une est illisible , et l'autre mieux conservée , permet de lire le mot ( qui peat passer), du verbe radical jl»- , passer. Cette

pièce vient d'être publiée tout récemment par M. Sabatier dans les Mémoires de la Socie'té ď archéologie de Saint Péter sbourg (2).

Vous me pardonnerez, Monsieur, de m'être éloigné un peu de mon sujet auquel je m'empresse de revenir, pour essayer de donner une date à la monnaie qui nous occupe. Tout d'abord il faut avouer que la paléographie numismatique arménienne , ne peut nous four- nir aucun renseignement sur ce point , puisque les lettres , n'ont point subi de variations dans leur forme sous les règnes des tha- chavors de la dynastie de Roupène (3). Les caractères de la contre- marque qui nous occupe sont en tout semblables à ceux des mon- naies roupéniennes; ainsi, nous pouvons assurer que notre pièce a été surfrappée sous un des rois de la IVe dynastie, et cela avec d'au- tant plus de certitude, que les caractères arméniens , gravés sur une monnaie de Goric ( Gourgen), prince arménien de Somkheth, de la famille de Bagratounians (4), sont d'un tout autre caractère annon-

(1) Revue Num., 1836. Cf. Saulcy, pl. Y, 2. - Marchant, ouvr. cité, Lettre II et mes annotations , p. 25, 26. -'Sabatier, Iconographie de cinq mille méd. Cf. Méd . Byz.

(2) T. IV, p. 15, pl. IV, n° 3. (3) L'alphabet arménien fut inventé par St. Mesrob, avec l'aide de Ruphanus,

cénobite de Samos, au Ve siècle de l'ère chrétienne ( Moïse de Khor., trad. Lev. de Floriv., t. II, liv. III, ch. xlvii, p. 117 etch, lui, p. 137). Avant eux on se ser- vait de caractères grecs, pelhvi ou syriaques (Suk. de Somai, Quadro della litt . arm.). Une autre version qui a moins d'autorité , nous a été conservée par Apol- lonius de Thyane ( liv. II, ch. n ). Et captam aliquando panther am in Pamphy- lia, cum torque , quem circa collum g e stabat. Aureus autem erat Ule, arme- niisque inscriptus litter is, hoc sensu: HEX. ARS ACES . DEO. JYYSAEO. Regnabat nempe temporibus illis in Armenia Arsaces.

(4) Brosset, Monogr . des Monnaies arm., p. 52 , pl. I, n° l. - Mon Essai sur les Monn. arm., p. 7.

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LETTRE A M. REINAUD. 231

çant un époque antérieure à celle des monnaies frappées dans l'ate- lier de Sis.

C'est donc sous un prince roupénien que notre pièce a été remise en circulation, probablement au XIVe siècle, dans un moment d'af- freuse misère , comme au temps de Léon V, qui implorait les secours d'un roi de France , ou bien sous le règne de l'un de ces princes de la royale maison de Lusignan , dont le dernier quitta volontairement la couronne, pour chercher en Europe des secours contre les infi- dèles qui ne cessaient d'attaquer et de ravager la petite Ar- ménie (1).

Permettez-moi , Monsieur, de joindre à ma lettre, la description d'une autre pièce inédite de cuivre du règne d'Ochin, dont on n'avait signalé jusqu'à présent que des monnaies d'argent (2); ce sera un complément à mon travail (3). Cette pièce est de petite dimension et assez mal conservée, néanmoins elle permet de lire entièrement le nom d'Ochin. En voici la description :

+ VJvC [fdhuMif.ujt.nfi] - O chin y roi des Arméniens. - Le roi assis sur un trône tenant un sceptre fleurdelisé et une croix.

^ - puMíjijupú '/*] |]]m . - Frappe dans lei ville

de Sis. - Croix.

Cette pièce est fort intéressante, puisqu'elle nous fait connaître

(l) Reinaud, Géog. d'Aboulfcda, introd., p.7 et 33. - Cf. La vie de Léon Vh Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, t. XII, 2e partie, p. 148. Mémoire de St. Martin. (2) Brosset, Hist, du B. Emp. de Leo eau, i. '' , p. aiu. - ia. inunuyr. ws

monn. Roup n° 17. - Krafft , Rup. Münzen , p. 21 , pl. I, 53, 55. - Mon Es- sai, p. 33, 34; pl. III, 4, 5.

(3) Depuis que mon travail sur les monnaies ae ia aynasne ae nvuptne a paru, j'ai rencontré la description d'une monnaie inédite de Constantin (2e livr , p. 14), que M. Brosset a donnée dans un de ses rapports sur un Voyage archéologique en Arménie et en Géorgie . Comme l'auteur n'en donne pas le dessin , je me content® de la signaler.

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232 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. une monnaie d'un poids et d'un modale inférieurs, au «linnet au

q-uñiq i , ce qui nous donne à penser qu'il y avait en Arménie d'autres

pièces de cuivre d'une valeur moindre que celle des deux espèces de monnaies que je viens d'indiquer, et dont il n'est point fait men- tion , que je sache , dans les auteurs.

Il me reste maintenant , Monsieur, à vous remercier de l'obli- geance extrême que vous avez mise à m'aider de vos lumières, toutes les fois que j'ai eu recours à votre critique éclairée et à votre iné- puisable érudition.

Veuillez agréer, etc.

Victor Langlois.

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