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Lettre de l’UMR Numéro 5 – nov. 2009 Editorial Le système d’information d’une équipe de recherches constitue un des éléments essentiels de son fonctionnement. C’est grâce à ce système que les chercheurs et les doctorants peuvent être informés sur les colloques, les publications, les appels à contribution, les possibilités de bourses et d’allocations. Il est souhaitable que par ce moyen chacun fasse profiter les autres des informations dont il dispose. Je me charge volontiers de les faire suivre à la liste de diffusion. Encore faut-il qu’elles soient envoyées sous une forme directement utilisable. Sommaire Editorial Vie du laboratoire Collaboration internationale Nouveaux arrivants Activités de recherche Colloques à venir Séminaires Colloques passés Thèses soutenues Publications Divers Appel à projet ANR Appel PEPS 2010 Quelques recommandations : - Quand vous envoyez ou faites suivre une information, mettez un titre clair, afin que chacun puisse savoir d’emblée si cette information peut l’intéresser. - Ne mélangez pas message privé et information à faire suivre à la liste de diffusion : cela oblige à un travail de tri qui fait perdre du temps (ou, pire : vous vous exposez à voir votre message privé envoyé à la liste de diffusion). - De même, inutile d’ajouter des formules telles que « prière de faire suivre » ou « peux-tu envoyer ceci à la liste de diffusion ». - Vérifiez que toutes les informations utiles se trouvent sur le message (date et lieu d’un colloque, par exemple). Responsable : Pierre-François Moreau Equipe éditoriale : Delphine Kolesnik et Valérie Beaugiraud - Si vous ne souhaitez pas qu’une information soit diffusée largement, par exemple parce qu’il s’agit d’un projet non encore achevé ou d’une invitation destinée à un nombre limité de personnes, précisez-le explicitement. - N’envoyez pas plusieurs fois la même information, du moins pas en même temps (mais si vous annoncez un colloque, vous pouvez l’annoncer un certain temps à l’avance, puis le rappeler quelques jours avant la date de l’ouverture). Merci de votre compréhension. . Pierre-François Moreau Lettre de l’UMR – n°5 – novembre 2009 p. 1

Lettre de l’UMRpensee-classique.ens-lyon.fr/IMG/pdf/Lettre_umr_n5_final.pdf · Lettre de l’UMR Numéro 5 – nov. 2009. Editorial . Le système d’information d’une équipe

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Lettre de l’UMR

Numéro 5 – nov. 2009

Editorial

Le système d’information d’une équipe de recherches constitue un des éléments essentiels de son fonctionnement. C’est grâce à ce système que les chercheurs et les doctorants peuvent être informés sur les colloques, les publications, les appels à contribution, les possibilités de bourses et d’allocations. Il est souhaitable que par ce moyen chacun fasse profiter les autres des informations dont il dispose. Je me charge volontiers de les faire suivre à la liste de diffusion. Encore faut-il qu’elles soient envoyées sous une forme directement utilisable.

Sommaire

Editorial

Vie du laboratoire Collaboration internationale Nouveaux arrivants

Activités de recherche Colloques à venir Séminaires Colloques passés Thèses soutenues

Publications

Divers Appel à projet ANR Appel PEPS 2010

Quelques recommandations : - Quand vous envoyez ou faites suivre une information, mettez un titre clair, afin que chacun puisse savoir d’emblée si cette information peut l’intéresser. - Ne mélangez pas message privé et information à faire suivre à la liste de diffusion : cela oblige à un travail de tri qui fait perdre du temps (ou, pire : vous vous exposez à voir votre message privé envoyé à la liste de diffusion). - De même, inutile d’ajouter des formules telles que « prière de faire suivre » ou « peux-tu envoyer ceci à la liste de diffusion ». - Vérifiez que toutes les informations utiles se trouvent sur le message (date et lieu d’un colloque, par exemple). Responsable : Pierre-François Moreau

Equipe éditoriale : Delphine Kolesnik et Valérie Beaugiraud - Si vous ne souhaitez pas qu’une information soit diffusée

largement, par exemple parce qu’il s’agit d’un projet non encore achevé ou d’une invitation destinée à un nombre limité de personnes, précisez-le explicitement. - N’envoyez pas plusieurs fois la même information, du moins pas en même temps (mais si vous annoncez un colloque, vous pouvez l’annoncer un certain temps à l’avance, puis le rappeler quelques jours avant la date de l’ouverture). Merci de votre compréhension. .

Pierre-François Moreau

Lettre de l’UMR – n°5 – novembre 2009 p. 1

Vie du laboratoire

Collaboration internationale Christian Leduc ([email protected]) est invité comme post-doctorant à l’ENS-LSH, du 1er octobre 2009 au 1er avril 2010, par Delphine Kolesnik, dans le cadre du CERPHI et de la convention entre l’ENS-LSH et l’UQAM. Docteur en philosophie de Montréal (Substance et individu dans la philosophie de la connaissance de Leibniz, sous la direction de François Duchesneau), il fut d’abord chargé de cours à l’Université de Montréal, à l’Université de Pennsylvanie et à l’UQAM (2006-2009), puis post-doctorant à l’Université Princeton (2007-2009) (Leibniz et le problème de la connaissance. Directeur : Daniel Garber). Durant son séjour à l’ENS-LSH, il proposera différentes interventions, dans le cadre de l’agrégation et de deux séminaires : « Idées et controverses de l’Humanisme aux Lumières » et « La réception matérialiste du cartésianisme ». Voici une sélection de ses travaux et publications : - Substance, individu et connaissance chez Leibniz, Montréal/Paris, Presses de l’Université de Montréal/Vrin, Collection Analytiques, à paraître 2009 - « Leibniz and Sensible Qualities » in British Journal for the History of Philosophy, à paraître 2010 - « Analyse, synthèse et intuition chez Lambert et Kant » in Kant avant la Critique de la raison pure, sous la direction de L. Langlois, Paris, Vrin, 2009 - « Le commentaire leibnizien du De veris principiis de Nizolius » in Studia Leibnitiana, 38/39/1, 2006/2007

Thomas Kisser professeur invité à l’ENS LSH (Munich), en novembre 2009 par Anne Sauvagnargues.

Nadia Plavinskaia de l’Institut d'histoire universelle (Académie des sciences de Russie) a été invitée par Catherine Volpilhac-Auger en octobre 2009.

John Christian Laursen, professeur de science politique à l’Université de Californie est invité pour le mois de décembre à l’ENS-LSH Lyon par Pierre-François Moreau et Nicole Gengoux où ses recherches porteront sur le Scepticisme et le Cynisme. Trois interventions sont prévues : celle aux journées d’étude du vendredi 4 décembre et du samedi 6 matin sur « le Theophrastus redivivus, entre la Renaissance et Les Lumières », une intervention le mardi 8 décembre au séminaire de Delphine Kolesnik sur la réception matérialisme de Descartes, et une autre le mercredi 9 décembre au séminaire de P. F Moreau sur le TRE de Spinoza. Laursen est un spécialiste de l’influence de l’ancien scepticisme et du cynisme à l’Age classique et dans la culture moderne européenne. Il a travaillé sur l’apport de ces deux écoles philosophiques antiques à la pensée politique, surtout dans le contexte de la première modernité, mais aussi aux XXe et XXIe siècles. Auteur de 1986 à 2008 de plus de 70 articles, de nombreuses éditions en collaboration avec les autres spécialistes du scepticisme (R. Popkin, G. Paganini etc.), il a écrit sur la tradition française (Montaigne, Bayle), allemande (Kant), anglaise (Hume), le Refuge protestant. Avec le scepticisme ou le cynisme, il aborde les thèmes de la tolérance, du cosmopolitisme, de la liberté de la presse, de la publicité des opinions, de l’Utopie. Il est amené à examiner non seulement le rapport au scepticisme de penseurs humanistes, mais aussi leur apport politique parfois moins connu ("Michel de Montaigne and the Politics of Skepticism” Historical Reflections/Réflexions historiques 16, 1989, 99-133). C’est aussi un érudit qui s’intéresse à la vie contemporaine : il s’interroge aussi bien sur le scepticisme d’un Pierre de valence (“Scepticisme et cynisme dans l’oeuvre de Pierre de Valence”, Philosophiques 35, 2008, 187-206) que sur l’utilité du scepticisme dans la vie politique actuelle (“Yes, Skeptics Can Live Their Skepticism and Cope with Tyranny as Well as Anyone” in J. Maia Neto and R. Popkin, eds., Skepticism in Renaissance and Post-Renaissance Thought (Amherst, N.Y.: Humanity Books / Books Series of the Journal of the History of Philosophy, 2004), 201-23).

Nouveaux arrivants Tristan Vigliano, maître de conférences en littérature française et histoire des idées à l’Université Lumière – Lyon 2 (Groupe Renaissance Âge Classique). Ses recherches portent sur la notion de juste milieu à la Renaissance, et plus précisément dans la première moitié du 16e siècle, chez des auteurs de

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langue française ou latine tels que Rabelais, Érasme et Marguerite de Navarre. Ce travail, qui a fait l’objet de sa thèse, vient de déboucher sur un livre : Humanisme et juste milieu au siècle de Rabelais. Il avait auparavant traduit le Grobianus (1549) : ce « petit cours de muflerie appliquée », du pasteur luthérien Friedrich Dedekind, parodie les traités de civilité dont Érasme a lancé la mode. Ses travaux principaux consistent actuellement dans le commentaire et l’édition du De disciplinis de Jean-Louis Vivès (1531), à la fois traité de réforme pédagogique et manifeste du combat humaniste contre la scolastique. Sylvain Cornic, maître de conférences en littérature française et techniques d’expression à l’Université Jean-Moulin Lyon 3 (I.U.T., département Carrières juridiques) a pour domaine de recherche le théâtre français du XVIIe siècle, l’opéra français sous l’Ancien Régime, Philippe Quinault, le droit et la littérature. Publications récentes : -L’Enchanteur désenchanté, Quinault et la naissance de l’opéra français (P.U.P.S., « Lettres françaises », 2009, 416 p.) -« Madame de Villedieu librettiste ? », Nathalie Grande et Edwige Keller-Rahbé (dir.), Madame de Villedieu et le théâtre (Biblio 17, 2009). Denis Kambouchner est en délégation pour une année dans le laboratoire. Professeur à l’Université Paris I, spécialiste internationalement reconnu de Descartes. Auteur de : L’Homme des passions. Commentaires sur Descartes, Paris, Albin-Michel, 1995, 2 vol.; Une école contre l’autre, Paris, PUF, 2000 ; Le Vocabulaire de Descartes (avec F. de Buzon), Paris, Ellipses, 2002 ; Les Méditations Métaphysiques de Descartes, vol. I (Introduction générale ; Méditation I), Paris, PUF, 2005 ; Descartes et la Philosophie morale, Hermann, 2008. Il a été responsable de plusieurs ouvrages collectifs : Notions de philosophie, Paris, Gallimard-Folio, 1995, 3 vol. ; (avec F. Jacquet-Francillon) : La crise de la culture scolaire : origines, interprétations, perspectives, Paris, PUF, 2005. Il dirige la nouvelle édition des Œuvres complètes de Descartes (Pléiade et Tel) avec Jean-Marie Beyssade. Le volume III (Discours de la Méthode et Essais) de l’édition Tel vient de paraître. Il co-dirige la collection “Travaux de philosophie” aux Editions Champion et anime avec André Charrak, Frédéric de Buzon et Martine Pécharman le “Séminaire Descartes”. Nouvelles recherches sur le cartésianisme et la philosophie moderne” (CHSPM/Centre d’études cartésiennes/Cerphi).

Activités de recherche

20 novembre 2009 : Journée d’étude, « XVIIe. Le siècle mystique ? », organisé par Anthony Feneuil, Pierre-François Moreau, Ghislain Waterlot.

20-21 novembre 2009 : Colloque, « Les discours sur l’égalité/inégalité des femmes et des hommes, de la Renaissance aux lendemains de la Révolution française : revisiter la ”querelle des femmes” », 2 : « De 1600 à 1750 ». Paris, dir. Eliane Viennot, en collaboration avec Danièle Haase-Dubosc et Nicole Pellegrin.

26-27 novembre 2009 : Colloque, « Etienne Dolet », organisé par Michèle Clément à l’université Lyon 2.

27 novembre 2009 : Journée d'étude, « Pour une théorie de la rencontre : philosophie de l'individuation et pratiques du hasard », organisée par Julie Henry, Igor Krtolica et Baptiste Morizot (CERPHI – UMR 5037), à l'ENS LSH.

27-28 novembre 2009 : Journées d'étude, « La Monodie du Psautier en vers français au XVIIe siècle », organisée par Marc Desmet, Institut Claude Longeon / CNRS UMR 5037.

2-4 décembre 2009 : Colloque, « Histoire et définitions de la philosophie sociale », MSH Grenoble (laboratoire Philosophie, langages et cognition, avec le soutien du CERPHI et de Triangle)

14-17 décembre 2009 : Colloque, « Calvin & Hobbes » Colloque de l’Institut Protestant de Théologie (IPT) et le Collège International de Philosophie.

15 décembre 2009 : Journée d’étude, « Expérimenter le religieux : le chercheur et le croyant », organisé par Anthony Feneuil, Pierre-François Moreau, Ghislain Waterlot dans le cadre de la collaboration CERPHI/IRSE.

14-16 janvier 2010 : Colloque, « Penser la guerre au XVIIe siècle », organisé par Ninon Grangé.

19 janvier 2010 : Journée d'étude, « Platon en Europe au XVIIIe siècle », organisée par PF Moreau et PM Morel.

28-29 Janvier 2010 : Colloque international, « Enjeux philosophiques des approches empiriques des religions ».

8-9 avril 2010 : Rencontre internationale, « Lecture du Contre Colotès de Plutarque », organisée par PM Morel, T Bénatouïl et V Laurand.

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14-16 avril 2010 : Colloque, « Débats et polémiques autour de l'Esprit des Lois », organisé par Catherine Volpilhac.

15-17 avril 2010 : Colloque international, « Les sources du protestantisme libéral. Philosophie, théologie, histoire et politique », organisé par Anthony Feneuil, Pierre-François Moreau, Ghislain Waterlot dans le cadre de la collaboration CERPHI/IRSE.

4-5 juin 2010 : Journées franco-italiennes du Groupe de recherches spinozistes (Chantal Jaquet/P.-F. Moreau)

Séminaire : Protection et surveillance du livre imprimé du XVIe au XVIIe siècle : pratiques du privilège et de l’approbation.

Séminaire : La fabrique des siècles (XVIIe-XVIIIe siècles) - Fénelon, Les Aventures de Télémaque, ill. pour une édition de 1785.

Séminaire : La réception matérialiste de Descartes.

Conférences de M. Thomas Kisser, professeur invité à l’ENS LSH (Munich), « Introduction à la théorie des systèmes et de la société de Niklas Luhmann. »

Séminaire : « Les représentations de la sexualité à l’âge classique », organisé par Delphine Kolesnik, Florence Lotterie, Michèle Rosellini, Anne Sauvagnargues.

Séminaire de recherche sur Spinoza : « La Cité du désir. Affects et politique chez Spinoza », coordonné par Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy (CERPHI/CHSPM).

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Colloques à venir

Journée d’étude, « XVIIe. Le siècle mystique ? » Responsables : Anthony Feneuil, Pierre-François Moreau, Ghislain Waterlot Vendredi 20 novembre 2009, à l’Institut Protestant de Théologie de Paris. 9 h 00 – 17 h 00

Intervenants : Laurence Devillairs (Institut catholique de Paris/ Centre Sèvres) : Une mystique claire et distincte Bernard Rordorf (U. Genève) et Ghislain Waterlot (U. Genève) : Fénelon et Mme Guyon Patrick Goujon (Centre Sèvres) : Surin, une jésuite mystique et écrivain ? Antoinette Gimaret (Paris III) : Les polémiques autour de Marie des Vallées, sainte, sorcière, simulatrice Anne-Marie Hubat-Blanc (Grenoble) : Réceptions françaises de Jean de la Croix Anne Lagny (Lille III) : Spener face à la mystique

Tout au long du XVIIe siècle et dans son prolongement, la profusion autant que l’audience des figures mystiques est frappante. L’interprétation d’une telle abondance, néanmoins, ne va pas de soi. Plutôt que d’un âge d’or de la mystique, hypothèse aussi bien d’un De Certeau que d’un Brémond, elle pourrait être le signe du manque de pertinence de la catégorie, regroupant des phénomènes trop différents. Qu’est-ce qui réunit Bérulle et Madame Guyon, François de Sales, Johann Arndt, Pascal et Spener ? S’agit-il d’une communauté d’influence, d’une unité thématique ou seulement de l’esprit du temps ? Autrement dit, y a-t-il une spécificité, par-delà les manières propres à ce siècle de pratiquer la religion, de la mystique du XVIIe ? En admettant qu’il y en ait une, son sens resterait à interroger. Son sens c’est-à-dire, aussi bien, son rapport au temporel. Car si la mystique, comme on peut le penser, comme certains des mystiques le disent, est une expérience de l’éternel, en quel sens pourrait-elle être la mystique d’un temps ? L’expression de « mystique du XVIIe » mérite d’être réfléchie, et la manière dont la mystique s’articule aux spécificités tant religieuses que profanes du Grand Siècle, examinée. Notre réflexion, alors, ne portera pas seulement sur cette période, mais sur toute mystique, et sur son rapport à l’époque dans laquelle elle émerge. Résolument tourné vers l’étude historique et littéraire de la mystique du XVIIe dans ses formes variées, ce colloque sera ainsi l’occasion d’interroger notre regard sur ces pratiques spirituelles, et l’intérêt qu’elles peuvent garder pour nous, du point de vue tant théologique que philosophique.

Colloque, « Les discours sur l’égalité/inégalité des femmes et des hommes, de la Renaissance aux lendemains de la Révolution française : revisiter la ”querelle des femmes” », 2 : « De 1600 à 1750 » Dir. Eliane Viennot, en collaboration avec Danièle Haase-Dubosc et Nicole Pellegrin. 20-21 novembre 2009, Paris

Programme : http://www.siefar.org/

Colloque international, « Etienne Dolet » En partenariat avec la Bibliothèque municipale de Lyon organisé par Michèle Clément, professeur à l’université Lyon 2 - UMR 5037, Institut d’Histoire de la pensée classique. 26 et 27 novembre 2009 à l’université Lyon 2

Programme : http://recherche.univ-lyon2.fr/grac/262-NOVEMBRE-2009-Etienne-Dolet.html

Journée d'étude, « Pour une théorie de la rencontre : philosophie de l'individuation et pratiques du hasard » Organisée par Julie Henry, Igor Krtolica et Baptiste Morizot (CERPHI – UMR 5037) 27 novembre 2009 à l'ENS LSH Contact : [email protected]

"Refusons de croire au destin comme aux coïncidences !". Partant de cette assertion, qui n'est encore qu'un projet, nous avons eu l'idée de tenter de produire un véritable concept de rencontre, qui impliquerait ainsi le rejet d’une telle alternative : soit l’accomplissement téléologique d’une fin prédéterminée, soit le pur désordre inintelligible. Il semble en effet que la possibilité de penser le devenir effectif des individus en dépende en ce qu'elle impose de dégager un ordre de relations qui ne soit pas déterminées à partir de pôles

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déjà constitués, mais pas non plus dissoutes dans un chaos. En deçà des sujets formés et au-delà d'une matière indifférenciée : le plan de l’individuation. Une rencontre ne se fait donc jamais entre individus, comme s'ils préexistaient à leur mise en relation ; en revanche, il n’y aurait pas de véritable rencontre s’il n’en découlait un processus d'individuation. Récuser les termes d’un tel choix, G. Deleuze l’avait par exemple entrepris pour son compte dans Logique du sens : « Ce qui est commun à la métaphysique et à la philosophie transcendantale, c’est d’abord cette alternative qu’elles nous imposent : ou bien un fond indifférencié, sans fond, non-être informe, abîme sans différences et sans propriétés – ou bien un Être souverainement individué, une Forme fortement personnalisée. Hors de cet Être ou de cette forme, vous n’aurez que le chaos ». Parvenir à penser la constitution de pôles dans le flux des rencontres sans pour autant les présupposer comme préexistant à ces relations, tel est le programme que nous assignons à notre colloque.

Programme 9h30 – 9h45 : Accueil des participants autour d'un petit-déjeuner 9h45 – 10h : Introduction de la journée 10h – 10h45 : Pascal Séverac, L'individuation selon Spinoza : entre essence et rencontres 10h45 – 11h30 : Jean-Hugues Barthélémy, Matérialisme de la rencontre et individuation du sens : l'unique point de rencontre entre Wittgenstein, Althusser et Simondon 11h30 – 12h : Discussion croisée 12h – 14h : Pause Déjeuner 14h – 14h45 : Ariel Suhamy, Une singularité sans exemple : le cas de l'amitié 14h45 – 15h30 : Julie Henry, Du sujet au devenir éthique : la temporalité des rencontres 15h30 – 16h : Discussion croisée 16h – 16h30 : Pause Café 16h30 – 17h15 : Baptiste Morizot, Rencontre et individuation chez Gilbert Simondon 17h15 – 18h : Guillaume Sibertin-Blanc, Rencontre des événements et transferts d'expérience 18h – 18h30 : Discussion croisée et clôture de la journée

Journées d'étude, « La Monodie du Psautier en vers français au XVIIe siècle » Organisée par Marc Desmet, Institut Claude Longeon / CNRS UMR 5037. 27-28 novembre 2009

Programme : http://icl.univ-st-etienne.fr

Colloque, « Histoire et définitions de la philosophie sociale », MSH Grenoble (laboratoire Philosophie, langages et cognition, avec le soutien du CERPHI et de Triangle) 2-4 décembre 2009

Programme : http://www.plc-grenoble2.fr/index.php?code=254

Colloque, « Calvin & Hobbes » Colloque de l’Institut Protestant de Théologie (IPT) et le Collège International de Philosophie. Faculté de Théologie protestante de Paris, Ecole normale supérieure de Lyon, Collège International de Philosophie, Olivier Abel, Pierre-François Moreau, Dominique Weber. 14-17 décembre 2009 à Institut Protestant de Théologie, Paris

Programme : http://www.calvin09.org/FR/-v-nements/-v-nements2.html?mod320_1_idcatsideback=169&mod320_1_startmonth=2&mod320_1_monthback=-1&mod320_1_idarticle=707&mod320_1_category=0

Colloque « Penser la guerre au XVIIe siècle. Philosophie pour une notion non philosophique : modèle, paradigme, métaphore, concept » 14, 15, 16 janvier 2010 à l’université Paris 8.

Ninon GRANGE. Pierre-François MOREAU Partenaires : ENS-LSH, Centre d’Étude d’Histoire de la Défense (Ministère de la Défense),

Direction des Archives du Ministère des Affaires étrangères

Comité d’organisation :

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Ninon Grangé (Université Paris 8), Cécile Nicco (Le Mans). Comité scientifique : Stéphane Douailler (Université Paris 8), Pierre-François Moreau (ENS-LSH), Jean Terrel (Université Bordeaux III). Problèmes de départ Le problème de départ, qui fait la trame de ce projet de colloque, est une présence-absence : la guerre, au XVIIème siècle, semble intuitivement constituer au moins un horizon, au plus un objet parmi d’autres très concrets dans la pensée du XVIIème siècle. Pour autant, à y regarder de près, c’est plutôt sa relative absence qui frappe le lecteur des philosophes de l’époque comme si la guerre, suffisamment présente dans la réalité, ne méritait pas mention et traitement véritables. La pensée politique lui confère apparemment une place d’évidence. Or en tant qu’expression réelle et évidente des relations entre États, la guerre joue nécessairement un rôle dans la pensée et dans l’élaboration des systèmes. C’est ce rôle que nous nous donnons pour objet d’investigation collective, afin de découvrir la place de la guerre dans la philosophie du XVIIème siècle : imprègne-t-elle la pensée politique sans pour autant figurer parmi ses concepts, ou bien constitue-t-elle un obstacle, une épreuve pour la pensée, de sorte qu’il faille la définir, la caractériser, en dessiner le rôle, bref revoir nos lectures avec ce nouvel angle d’attaque ? Dans un premier temps on peut établir une distinction entre les philosophes qui font place, d’une manière ou d’une autre, à la guerre (Hobbes, Spinoza), et ceux qui y font de rares allusions (Descartes). Au-delà de la raison de cette absence d’homogénéité là où, dans les corpus, il existe pourtant bien des convergences de thèmes ou des discussions de concepts, quand les philosophes se répondent les uns aux autres, c’est l’indice d’un objet philosophique, peut-être en formation, non immédiatement reconnu comme tel. À cet égard le siècle suivant élèvera beaucoup plus clairement la guerre au rang de concept dans une littérature centrée sur la recherche de la paix perpétuelle. Le rôle central de la philosophie de Hobbes au XVIIème siècle, philosophe scandaleux, discuté, haï et pourtant abondamment cité, ne nous retiendra pas seulement pour son originalité et ses ambiguïtés, qui ne sont plus à démontrer, mais aussi pour son rôle de témoin, de réactif quant à la place de la guerre dans la philosophie du XVIIème siècle en général (Bramhall, Filmer, Hyde…). Dans ce cas, par exemple, on peut avancer qu’il n’y a pas de rupture entre l’âge classique et les Lumières (cf. Locke, Rousseau). Il est difficile d’assigner un statut unique à la notion de guerre, nécessairement plus fluctuante dans sa définition que d’autres notions rapportées à un auteur précis : illustration chargée de rendre compte d’une théorie, paradigme, concept à part entière au même titre que les catégories classiques de la philosophie politique, instrument pour exprimer d’autres domaines, situation juridiquement formulable ? Le contexte de l’élaboration d’une pensée, d’un système, aura d’autant plus d’importance, et les noms de Bodin, Hobbes, Grotius, Pascal, ne sont pas les seuls à devoir être évoqués. La liste est ouverte, qui entend éclairer les différentes acceptions de la notion de guerre dans les systèmes philosophiques du XVIIème siècle, et qui prend en compte le fait que, pour être d’abord assez indéterminée, la place de la guerre peut avoir plusieurs dimensions en même temps, rien n’étant jamais fixé : dans un système, la guerre est bel et bien non systématique. Peut-on alors parler d’une pensée de la guerre ?

Objectifs La première volonté qui présidera à ces journées consistera dans la conservation des ambiguïtés et des polysémies de la guerre tout en cherchant à conjuguer, dans la mesure du possible, la recherche en histoire de la philosophie, pour éclairer sous un nouveau jour la philosophie classique, et la philosophie par concept, ce qui, dans l’hypothèse la plus optimiste, nous permettrait de dessiner une nouvelle histoire philosophique de la guerre. La deuxième volonté qui présidera à ces journées sera donc le souci de reprendre la réflexion à partir de la guerre comme nouveau filtre pour comprendre une pensée philosophique non homogène — la rupture avec un Moyen-Âge centré sur la guerre de siège et la théorie thomasienne de la guerre juste, la continuité ou non avec la pensée des Lumières —, voire les mécanismes empruntés par ces systèmes philosophiques : paradigme, instrument opératoire ou concept ? Le troisième axe de recherche en est une conséquence et consiste dans l’hétérogénéité entre histoire et philosophie. Le XVIIème siècle connaît des guerres multiples et diverses, guerres interétatiques,

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guerres civiles, traités, alliances aux implications parfois discordantes… Les tentatives pour limiter la guerre (juridiquement pour Grotius, stratégiquement pour certains généraux, politiquement pour Richelieu) voisinent avec des déchaînements sans limite (Louvois dans le Palatinat) ou avec des implosions intérieures (la guerre civile anglaise) qui ne semblent pas pensés d’emblée sur le même registre que ce qu’on appelle la guerre classique, si celle-ci a jamais existé en l’état. Pourtant les analyses érudites font place à l’impact de la guerre de Trente Ans et au traité de Westphalie au détriment d’autres événements. Il importera donc de revenir sur le lien entre le contexte historique visible, les événements violents passés sous silence et l’élaboration philosophique. L’effort portera sur l’éventuel lien entre contexte historique belliqueux, idéal de paix et de limitation et la construction de l’argumentation philosophique. De là pourra éventuellement être résolue l’alternative de la « guerre philosophique » entre illustration, image ou concept. Organisation des journées du colloque :

Par thème 1) La guerre : ordre naturel, désordre politique ? L’anthropologie politique et le système philosophique dans le siècle. 2) Passages : histoire, histoire de la philosophie, histoire de la notion « guerre ». 3) Littéralité ou métaphore, la guerre comme phénomène premier ou comme concept ultime ?

Par questionnement A) Quel est le cheminement qui va de la guerre comme simple écho problématique, historique, juridique dans la philosophie, à la guerre comme concept si du moins celui-ci existe ? B) Une partie de la réponse tiendrait au degré de littéralité qu’on accorde au mot « guerre » et à son degré métaphorique, susceptible d’opérer dans une pensée et qui va de la sémantique à la conceptualisation ; c’est une hypothèse. C) Par extension aux systèmes, quels sont les modèles auxquels on emprunte des instruments, des concepts pour penser un objet non philosophique comme la guerre : mathématique, physique, juridique, moral ? Ou au contraire, la guerre entraîne-t-elle son propre système de références qu’il faudra alors identifier ? Dans tous les cas on cherchera à prendre en compte toutes les formes de guerre, celle de l’état de nature, la guerre civile, la guerre de religion, la guerre interétatique, la guerre de conquête etc. Luc BOROT (Maison Française d’Oxford ) "Le concept de guerre et la réalité de la guerre chez Hobbes dans sa politique et ses histoires" On associe trop spontanément chez Hobbes le concept d'état de nature comme état de guerre, avec une théorie de la guerre, ce qui est absurde. Si l'on veut comprendre la fonction de la guerre dans sa théorie politique, c'est vers ses histoires qu'il faut se tourner (Thucydides et Béhémoth en particulier). À défaut d'un concept de la guerre précisément formulé, on pourra reconstituer sa théorie de la guerre et de la paix à partir de ses récits et analyses de guerres. Hélène Bouchilloux (Université Nancy2) "Pascal: une dialectique des figures de la guerre" On essaiera de montrer qu'il y a chez Pascal une pensée cohérente, et même systématique, de la guerre — cette notion permettant d'articuler plusieurs propositions inscrites dans des champs différents (anthropologie, politique, théologie). De la genèse de l'amour-propre, source de l'incommodité et de l'injustice du moi, jusqu'à l'intériorisation du conflit qu'implique la paix de l'âme chrétienne, en passant par les accommodements purement humains du social et du politique, on tentera d'exhiber l'économie proprement dialectique du discours pascalien sur cette notion tout à fait centrale. Alain BROSSAT (Université Paris 8) « La guerre sans l’Etat – l’hétérotopie Coxinga » En 1662, à l’issue d’un siège de dix mois de la place forte de Zelandia, un pirate, Coxinga, mit fin à la domination de la puissance coloniale hollandaise sur l’île de Taiwan. Fidèle à la dynastie Ming qui

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vient d’être abattue par les Mandchous, Coxinga se réclame de la puissance déchue, mais il agit pour son propre compte et par ses propres forces. Chef de guerre hors pair, mais aussi fin lettré, poète et musicien, il mobilise une armée de 25 000 hommes et oppose aux Hollandais une flotte de plusieurs centaines de jonques. Son habileté de stratège lui permet de compenser la supériorité en armements de son adversaire occidental (mousquets, canons). Diplomate retors, il conduit un jeu d’alliances subtiles et variables avec les différences puissances de la région, sans jamais aliéner son indépendance. Les Hollandais chassés, il établit une éphémère souveraineté sur l’île, qui ne survivra guère à sa mort, quelques mois après sa victoire sur les Hollandais. Avec « l’hétérotopie Coxinga », c’est toute l’analytique classique de la trilogie guerre-Etat-souveraineté qui peut être revisitée et réexaminée « en contrechamp ». Maria Luisa CAMARA GARCIA ( Universidad de Castilla-La Mancha) « La mémoire de Fray Bartolome de Las Casas (XVIe siecle) chez Francisco de Quevedo (XVIIe siecle): déplacement des enjeux sur la "guerra justa" » Fray B. de las Casas, qui s'érigéa en défenseur des Indiens lors de la Conquête de l' Amérique, justifiait la guèrre à juste titre défensive et cela lui a permis d'établir un critère pour régler les titres légitimes en les écartant des prétentions illégitimes. Un siècle après, Francisco de Quevedo, pris dans un affaire politique lors du Saqué de Vénice, évoque à son tour la mémoire du devancier dans un écrit de 1628 afin de s'en servir et justifier d'une accusation d'emprunt. Stéphane DOUAILLER (Université Paris 8) « La guerre classique et le meurtre démocratique » Dans Belone ou la pente de la guerre, Roger Caillois trouva, à la croisée de deux de ses interrogations concernant d'un côté une politique des meilleurs ordonnée à un idéal de prouesse et de combat loyal et d'un autre côté une politique technicienne et meurtrière mise en oeuvre par le mousquet, le fantassin et finalement le démocrate, la question de la guerre. La guerre, se faisant irrésistiblement absolue, dessine à ses yeux ce qui aurait été peut-être la plus profonde historicité de l'Etat moderne. On esquissera une comparaison entre l'économie de la violence qui soutient ces analyses et celle de quelques théories politiques classiques. Jérémie DUHAMEL (EHESS) « Vertus et temporalités de la guerre chez Hobbes » Nous nous proposons d’interroger, d’une part, la signification des références à la chance, au hasard et, plus généralement, au problème de la « computation du temps » dans la description que Hobbes propose du « temps de guerre » et, de l’autre, le rapport qui s’établit entre cette description et la présentation des différentes figures de la vertu. Hervé GUINERET (Université de Dijon) « Grotius et la guerre: de la justification a la justice » Cette intervention poursuit deux buts principaux. Tout d'abord, il s'agit de confronter le texte de Grotius à ce que le XVIII ème siècle en dit, en particulier Rousseau. De ce point de vue Grotius se contenterait de justifier le fait par le droit. On doit donc se demander ce qui justifie cette analyse ainsi que celle d'un Grotius qui fonde l'esclavage. Une réponse possible réside dans la méthode de Grotius, radicalement différente de la normativité rousseauiste. Du droit de la guerre et de la paix considère effectivement, en fonction de la réalité sociale et historique, la guerre comme un fait. Ce fait étant un fait, humain, il appelle le droit, autre signe de l'humanité. Dès lors, il ne faut pas hésiter à dire qu'un contre sens est commis. D'où le second axe de réflexion: quels sont exactement les rapports entre le fait et le droit? De ces rapports dépend, dans la liaison avec le conception de droit naturel,, la définition de la justice. Grotius vit dans un monde de violence et de guerre. Pour autant ce monde ne possède de sens que si nous parvenons à penser la justice. Cette dernière n'est pas un, idéal. Elle guide les actions des hommes. C'est ainsi que nous pouvons décider de la question de la guerre « juste » parce que la guerre n'est pas un simple fait, Toutes les guerres ne se valent pas. Ainsi, sans justifier les faits, Grotius tente de mettre en place une distinction précieuse pour penser les actions des hommes, Il est facile de critiquer toute

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guerre, d'affirmer que la guerre n'est jamais juste et toujours justifiée. Cependant cette solution ne saurait nous satisfaire car dans les guerres, et indépendamment des enjeux économiques, des conceptions du monde et de l'humanité se jouent. Jean-Vincent HOLEINDRE (EHESS-Centre Raymond Aron) « La ruse et la guerre au XVIIe siècle » Dans son Histoire de l’âge baroque en Italie, Benedetto Croce écrit à propos du XVIIe siècle européen que « la simulation et la dissimulation, la ruse et l’hypocrisie, étaient, en raison des conditions oppressives de la société de l’époque, un art très pratiqué, offrant matière aux innombrables traités de politique et de prudence ». Que l’on pense au Bréviaire des Politiciens de Mazarin (1684), à l’Homme de cour de Baltasar Gracian (1647) et à De la dissimulation honnête de Torquatto Accetto (1641). Dans ce contexte, la guerre constitue l’un des domaines d’action privilégiés de la ruse, nommée également « stratagème » ou « finesse ». La ruse de guerre est en effet l’un des moyens les plus subtils et efficaces de remporter la victoire militaire. Elle consiste à dissimuler ce qui est (par exemple par le camouflage) et de simuler ce qui n’est pas (notamment par le leurre), la combinaison des deux visant à tromper l’ennemi et ainsi à le surprendre. Au XVIIe siècle, de nombreux traités d’art militaire (pour la plupart oubliés) s’appuient sur les recueils de stratagèmes composés durant l’antiquité grecque et romaine, de Xénophon à Polyen en passant par Enée le tacticien, auteur d’un traité de la guerre de siège, à Frontin et Végèce, qui sont probablement les plus cités. Mais si la ruse est recommandable au plan stratégique, elle est controversée au plan moral et juridique. Des auteurs comme Grotius et Pufendorf, après Augustin et Thomas d’Aquin, se sont emparés du sujet du point de vue du jus in bello. La ruse comme moyen de faire la guerre est-elle permise ? D’un côté, la ruse semble préférable à la force « ouverte » dès lors qu’elle constitue une alternative au combat sanglant (elle permet d’éviter l’effusion de sang et préserve « l’humanité », dit Pufendorf). Mais la ruse de guerre devient une perfidie quand elle consiste à rompre les promesses faites sous la forme de traités ou de serments. Même à la guerre où la méfiance est de mise, la confiance joue un rôle non négligeable dans la limitation des hostilités. Le jusnaturalisme moderne opère ainsi une distinction entre les ruses de guerre (autorisées ou tolérées) et la perfidie (proscrite), notion qui nous vient des Romains, lesquels distinguaient la fides romaine et la perfidia punique (par exemple celle d’Hannibal). Cette distinction est fondamentale et continue d’ailleurs d’inspirer le droit international humanitaire (aussi bien la Haye que Genève). À partir des chapitres que Grotius et Pufendorf consacrent respectivement à la question de la ruse (Droit de la guerre et de la paix, 1625, Livre III, chap. I ; Devoirs de l’homme et du citoyen, 1673, Livre II, chap. XVI), nous nous interrogerons sur les critères qui permettent à ces deux auteurs de distinguer les ruses « de bonne guerre » et les perfidies condamnables. À travers ces auteurs se dessine une réflexion originale et pénétrante sur les conditions de la guerre limitée. Nicolas ISRAËL (Université Lyon 3) « La guerre parmi les populations au XVIIème siècle » Comme le souligne Rupert Smith, les armées occidentales se heurtent actuellement à l'émergence d'un nouveau paradigme. Le modèle de la guerre industrielle entre Etats-Nations se trouve contesté par un nouveau modèle : la guerre parmi les populations. Doit-on considérer que le paradigme de la guerre parmi les populations est radicalement original et sans précédent ou bien peut-on lui assigner des sources précises ? Alors même qu'un auteur comme Hobbes considère que les relations internationales constituent l'arène privilégiée d'un conflit armé entre Etats-gladiateurs, la persistance des guerres civiles achève de le convaincre que la société est davantage menacée par les ennemis intérieurs que par les adversaires extérieurs. La pensée de la guerre au XVIIème siècle nous invite-t-elle déjà à envisager les questions de défense à partir de l'épreuve de la guerre civile, sous l'angle privilégié de la sécurité, ou bien suppose-t-elle que les confrontations armées entre Etats souverains relèvent d'une sphère autonome et rationalisée ? Jacqueline LAGRÉE (Université de Rennes 1) « Guerre et Anthropologie dans le néostoïcisme. » La question de la guerre fait l’objet des deux derniers livres (2/6) des Politiques de Lipse parus en 1589 et constamment réédités jusqu’en 1675. Dans ces deux livres, Lipse examine la question de la prudence militaire, distinguée de la prudence civile, celle de la guerre juste, des vertus du prince et du

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soldat et consacre tout un livre, le dernier, à la guerre civile. L’insistance mise sur les vertus (tempérance, prudence, discipline) du Prince et du soldat semble devoir faire ranger ce livre dans la tradition des miroirs des Princes. On s’efforcera de montrer l’ancrage de ces positions politiques dans une anthropologie plutôt sombre et l’importance de l’horizon de la guerre civile pour expliquer tant l’organisation de l’Etat que l’insistance mise sur l’unité de religion. Catherine LARRÈRE (Université Paris 1) « Guerre privée et guerre publique dans le Droit de la guerre et de la paix de Grotius » « La guerre n’est pas une relation d’homme à homme mais une relation d’État à État » : cette définition de Rousseau peut paraître, sinon banale, du moins inévitable : c’est par là que Pierre Hassner commence un article consacré à la guerre et à la paix, pour bien cerner la définition de la guerre et en limiter les dérives métaphoriques. Nous savons cependant que cette définition de Rousseau est le résultat d’une critique très sévère de Hobbes, et conduit à une clarification, finalement tardive, d’une conception de la guerre qui peut intervenir aussi bien dans des relations interindividuelles (état de guerre) que dans des relations entre groupes sociaux (guerre civile) ou entre Etats. Elle marque aussi le moment où la guerre en action prend le pas sur l’état de guerre (ou guerre en puissance). C’est dans l’objectif de mieux comprendre les variations de l’extension du concept de guerre et d’interroger la relation entre ces variations et les théories de la souveraineté, que nous voudrions étudier la façon dont Grotius, au début du Droit de la Guerre et de la paix, distingue entre guerre privée et guerre publique. Cécile NICCO (Le Mans) « La guerre chez Spinoza : une réalité à rationaliser ? » Nous partirons de la critique que Foucault adresse à Hobbes dans Il faut défendre la société (cours du 4 février 1976) selon laquelle ce dernier aurait voulu éliminer la guerre comme réalité historique, comme élément de la genèse de la souveraineté. Dans cette perspective, la guerre doit être distinguée de l’état de guerre. Il s’agira dans un premier temps d’analyser la pertinence de cette lecture et de voir dans quelle mesure il n’est pas anodin que Foucault ne l’ait pas aussi attribué à Spinoza. Le Traité politique accorde en effet une place décisive à l’organisation concrète de l’armée (qui en fait partie ? pour combien de temps ? etc…) comme instrument du pouvoir. Deux Etats et deux individus à l’état de nature l’un par rapport à l’autre se distinguent en effet par la capacité des premiers à se garder eux-mêmes de l’oppression, justement par le passage par une guerre effective qui doit avoir une issue (TP, ch. 3, §11). Force est de constater néanmoins que ce point de vue conçoit la guerre dans ce qu’elle a de rationnalisable. C’est pourquoi , il faudra aussi interroger la menace intérieure et la réalité qu’est la guerre civile et le rapport que ces deux types de guerre entretiennent avec les passions d’une part (l’amour de la patrie des Hébreux est inséparable d’une haine des autres nations, cf. TTP, ch. XVII) et le droit d’autre part. Jean TERREL (Université Bordeaux III) Intitulé provisoire : Hobbes penseur de la guerre ? Il s'agit de commenter et de critiquer la réponse de Foucault à cette question dans le cours de 1976. Dominique WEBER (CPGE, lycée Jules Michelet, Vanves) « Les « batailles du Seigneur » des « saints » puritains anglais du XVIIe siècle : des guerres d’un nouveau genre ? » Les « saints » puritains anglais du XVIIe siècle, avant et pendant la guerre civile des années 1640-1660, ont-ils inventé une guerre d’un nouveau genre, promis à un important avenir, la « guerre révolutionnaire » ? Intégrant certains éléments de ce que l’historien Michael Roberts a appelé la « révolution militaire » des années 1560-1660 née avec l’apparition des États modernes et des Églises réformées, Michael Walzer a pu soutenir que la « New Model Army » d’Oliver Cromwell (1599-1648) fut l’expression d’une nouvelle conception militaire du monde, celle d’une guerre permanente menée au nom de Dieu et de sa gloire. S’il semble clair qu’un Nicolas Machiavel, qui voyait dans la religion chrétienne un puissant facteur de dissolution des valeurs martiales, était loin d’imaginer un guerrier

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chrétien du type du guerrier protestant, il s’agira toutefois de discuter et de problématiser les thèses de Walzer.

Journée d'études, « Platon en Europe au XVIIIe siècle » Organisée par PF Moreau et PM Morel 19 janvier 2010 à l’ENS LSH. La réception du platonisme, la perception du corpus originel, l'image de Socrate en France et en Europe au XVIIIe siècle.

Colloque international, « Enjeux philosophiques des approches empiriques des religions » 28-29 Janvier 2010, à l’amphithéâtre de l’ENS LSH. Dans le cadre de la convention de partenariat scientifique CERPHI/IRSE Programme : http://epaer.ens-lsh.fr/IMG/pdf/Depliant-4.pdf

Rencontre internationale, « Lecture du Contre Colotès de Plutarque » Organisé par PM Morel, T Bénatouïl et V Laurand. 8-9 avril 2010 Lecture d'un texte antiépicurien fondamental pour comprendre l'image d'Epicure et de l'épicurisme dans l'Antiquité et à l'Âge Classique.

Colloque international, « Les sources du protestantisme libéral. Philosophie, théologie, histoire et politique ». Organisation : Anthony Feneuil, Pierre-François Moreau, Ghislain Waterlot dans le cadre de la collaboration CERPHI/IRSE Du jeudi 15 au samedi 17 avril 2010 à l’Université de Genève

Les mouvements de pensée désignés par l’expression « protestantisme libéral » sont aujourd’hui bien étudiés. Le temps de la controverse avec la théologie dialectique passé, il devient possible de porter sur les formes nouvelles du protestantisme au 19ème siècle un regard serein et, néanmoins, non dépourvu de sens critique. Nous avons choisi d’envisager cette période de l’histoire du protestantisme par le biais de ses sources.

Ses sources, c’est-à-dire d’abord ses origines doctrinales, d’ailleurs sujettes à débat : où commence le protestantisme libéral ? Faut-il remonter jusqu’au 16ème siècle et à la réforme radicale, ou s’en tenir au 18ème siècle et aux pensées de Rousseau, Kant ou Lessing ? La solution économique n’épuise d’ailleurs pas les problèmes, mais ouvre au contraire la question du rapport exact des penseurs dits libéraux avec les penseurs du 18ème siècle : à quelles Lumières se rattachent-ils, et comment ? Y a-t-il, dans le rapport à ces doctrines antécédentes, un fil susceptible de lier Schleiermacher à Harnack en passant par Troeltsch et Sabatier ?

Il y aurait quelque naïveté à ne comprendre le protestantisme libéral qu’à partir du développement d’idées antécédentes : comme tout mouvement de pensée, il n’a été possible que par son inscription dans un contexte non seulement intellectuel, mais également politique et social. Interroger les sources du protestantisme libéral signifie donc aussi, et nécessairement, étudier la manière dont ses différents protagonistes ont pu être portés par certains courants sociaux, réagir dialectiquement à d’autres de ces courants, jusqu’à l’ultime retournement de la Première Guerre mondiale, dans lequel on a souvent vu une cause de leur perte de vitesse.

Ces deux perspectives ne sauraient néanmoins nous priver d’une troisième, plus particulièrement centrée sur l’étude des pensées libérales elles-mêmes. Car c’est peut-être l’une des caractéristiques spécifiques du protestantisme libéral que d’avoir voulu opérer justement un retour aux sources, en

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plusieurs sens bien distincts mais à articuler : retour au christianisme authentique, celui des premiers siècles et peut-être de la Réforme, au-delà des solidifications doctrinales ; retour rendu possible par la critique historique des sources, d’une part, et par l’exploration des sources spirituelles du christianisme d’autre part – d’où les études sur la mystique et le développement d’une psychologie de l’expérience religieuse.

Avec des communications de : Christian Berner, Marc Boss, Gilles Bourquin, Pierre-Yves Brandt, André Encrevé, André Gounelle, Anne-Laure Husser, Pierre Gisel, Karsten Lehmkühler, Nadine Manson, Denis Müller, Maria-Cristina Pitassi, Bernard Reymond, Ghislain Waterlot,…

Colloque international, « Élisabeth de Bohème face à Descartes : deux philosophes ? » dir. Delphine Kolesnik et Marie-Frédérique Pellegrin ([email protected] ; [email protected]) 21-22 Mai 2010, ENS-LSH, salle F 104.

En refusant d’associer ses propres lettres à la publication de celles de Descartes par Clerselier, Élisabeth de Bohème (1618-1680) ne s’est-elle pas elle-même placée au rang de simple faire-valoir du philosophe ? La publication complète, à la fin du XIXe siècle, de leur correspondance, qui s’étend de 1643 à 1649, aurait dû révéler l’importance intellectuelle de la princesse. Ce ne fut pas le cas. Or, non seulement Élisabeth répond à Descartes, mais elle pense avec lui et même souvent contre lui. Il faut donc réévaluer son rôle philosophique dans cet échange épistolaire qui fut certainement le plus riche et le plus intense de tous ceux entretenus par Descartes. C’est le portrait intellectuel de celle qui se présente à Descartes comme « ignorante et indocile » que nous entendons dresser, ce qui nécessite également de réinterroger sa place dans l’histoire du cartésianisme.

Outre le CERPHI (UMR 5037), organisateur du colloque, seront représentés, à cette occasion : le Centro Interdipartimentale di Studi su Descartes e il Seicento (Lecce), le Centre d’Etudes Cartésiennes (Paris-Sorbonne), le SSHRC (Social Science and Humanities Research Concil of Canada), le Leiden-Utrecht Research Institute of Philosophy, le Fonds voor de Letteren néerlandais, le centre Georges Chevrier (UMR 5605) et l’EA 2326 (Strasbourg). Intervenants et thèmes des communications : I. Agostini (U. Lecce) : Le mythe du cartésianisme d’Elisabeth G. Belgioioso (U. Lecce) : Descartes et Elisabeth : témoignages des contemporains et histoire des éditions E.J. Bos (U. Utrecht) : Les lettres mathématiques d’Elisabeth P. Guenancia (U. Dijon) : La compréhension de l’union de l’âme et du corps J. Holierhoek (Utrecht) : Etat des recherches actuelles sur la biographie d’Elisabeth D. Kambouchner (U. Paris I) : Le cas Elisabeth : générosité et mélancolie D. Kolesnik (ENS-LSH) : Elisabeth philosophe : un cartésianisme empirique ? E. Mehl (U. Strasbourg) : Elisabeth, dédicataire des Principia philosophiae M-F. Pellegrin (U. Lyon III) : Elisabeth « chef des cartésiennes » L. Shapiro (U. Vancouver), Descartes, Elisabeth and Moral Psychology of regret

Séminaires

Séminaire : « Protection et surveillance du livre imprimé du XVIe au XVIIe siècle : pratiques du privilège et de l’approbation. » Responsables : Edwige Keller-Rahbé ; Laurent Thirouin Horaire : le lundi de 14h à 16h ; 18 quai Claude-Bernard - salle de réunion.

Ce séminaire est ouvert aux doctorants autant qu’aux masters 2.

Le séminaire s’interrogera sur la protection et le contrôle du livre aux XVIe et XVIIe siècles, c’est-à-dire essentiellement le système des privilèges et approbations. A partir de questionnements qui retiennent l’attention des historiens du livre depuis longtemps – qui intervient dans le processus de demande et d’octroi des privilèges ? Quel est le rôle exact de la chancellerie et des divers secrétaires de chancellerie ? Quels sont les enjeux financiers et les dépenses impliquées ? Comment le système a-t-il évolué entre la période de l’humanisme et le siècle de Louis XIV ?–, il s’agira de progresser dans la compréhension de toutes les implications intellectuelles et littéraires de ce système de librairie, pour mettre en évidence les interactions entre histoire du livre et République des Lettres.

LUNDI 14/09 Entrée en matière : quelques études de cas XVIIe siècle

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(Edwige Keller-Rahbé ; Laurent Thirouin, GRAC) LUNDI 21/09 Entrée en matière : quelques études de cas XVIe siècle

(Michèle Clément ; Tristan Vigliano, GRAC) LUNDI 28/09 Introduction historique et théorique

(Edwige Keller-Rahbé, GRAC) LUNDI 5/10 Introduction historique et théorique (suite et fin)

LUNDI 12/10 Julie Menand (GRAC-BM Lyon) LUNDI 19/10 Edwige Keller-Rahbé (GRAC) : « Ces femmes de lettres qui prennent des privilèges en

leur nom : le cas de Mme de Villedieu » VACANCES DE LA TOUSSAINT

LUNDI 2/11 Charlotte Simonin : « Approbations et privilèges au féminin. Quelques exemples : Marianne Barbier, Mme du Boccage, Mme de Graffigny »

LUNDI 9/11 Julie Menand (GRAC-BM Lyon) LUNDI 16/11 Dominique Descotes (Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand)

et Marie Pérouse (Académie française, Dictionnaire) : Pascal et la question des privilèges

LUNDI 23/11 Tristan Vigliano (GRAC-CNRS) : « La traduction française de la Cité de Dieu par Gentian Hervet (1570), son privilège et ses liminaires »

LUNDI 30/11 Laurent Thirouin = date à préciser Molière ou Desprez et les productions « jansénistes »

LUNDI 7/12 Louise Katz (Centre Guillaume Budé, Paris IV-EPHE) : Sur les épîtres/préfaces au roi de Guillaume Budé et leurs enjeux politiques ; Stratégies préfacielles de Josse Bade

LUNDI 14/12 Nicolas Schapira (Université Marne-La-Vallée) : « Privilèges et approbations au XVIIe siècle »

LUNDI 21/12 Jean-Dominique Mellot (Bnf) : « Les autres modalités de contrôle de l’édition aux XVIe et XVIIe siècles »

LUNDI 4/01/2010 TRAVAUX D’ETUDIANTS ?

Séminaire : « La fabrique des siècles (XVIIe-XVIIIe siècles) - Fénelon, Les Aventures de Télémaque, ill. pour une édition de 1785 » Responsables : M. Rosellini et Fl. Lotterie Mercredi 9h-11h, salle F-001, ENS LSH

23/09 et 30/09 : Actes de naissance des « siècles » : frontières et bascules (la Querelle des Anciens et des Modernes et la « bataille philosophique » des années 1800). 07/10 et 14/10 : Un coup de boutoir théorique capital ? Autour de Michel Foucault. 21/10 et 4/11 : La reconstruction du « siècle » dans l'émergence de l'idée de "littérature nationale". 18/11 et 25/11 : Les siècles au miroir de l'institution scolaire, 19e-20e siècles : l'école, son idéologie et ses manuels. 02/12 et 09/12 : Actualité des objets et des débats de recherche : panorama.

Séminaire : « La réception matérialiste de Descartes » Organisé par Delphine Kolesnik et Julie Henry Les séances ont lieu le mardi de 10h à 13H, à l’ENS-LSH, les 29/09, 13/10, 03/11, 10/11, 17/11, 02/12 et 08/12.

En faisant de l'étendue une substance au même titre que la pensée et indépendante de cette dernière et en montrant qu'en physique, le mécanisme suffit à rendre compte des phénomènes et du vivant en termes d'étendue, de figure et de mouvement, Descartes a permis au matérialisme ultérieur de se constituer, non seulement contre lui, mais également à partir de lui. Notre séminaire entend interroger ce rapport polémique par le biais de trois perspectives : 1/ la récupération de Descartes par les matérialistes, c'est-à-dire la façon dont ces derniers se sont servis de son œuvre pour construire leur propre théorie ; 2/ la réception de Descartes comme un matérialiste potentiel ou convaincu, lecture qu’il a lui-même anticipée et contre laquelle il a toujours tenté de se prémunir de son vivant ; 3/ enfin (ce point étant étroitement corrélé au précédent) la construction, par Descartes, de figures matérialistes, valant comme autant de repoussoirs pour sa propre pensée mais servant ensuite de modèles à une certaine histoire des idées, plus influencée par la présentation cartésienne que par l’œuvre des penseurs concernés. On se demandera ainsi où se situe Descartes parmi ces interprétations opposées et ce que nous apprennent ces lectures contrastées de sa propre pensée. Le premier volet de ce séminaire (année 2009/2010) portera sur les discussions âpres que Descartes entretint avec avec Régius, Elisabeth, Hobbes, Gassendi, Arnauld, Morus et le groupe des VIe

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Objecteurs. Le second volet (année 2010/2011) s'intéressera à la postérité de ces discussions jusqu'à La Mettrie, D'Holbach et Diderot.

Séminaire Descartes : « Nouvelles recherches sur le cartésianisme et la philosophie moderne », organisé avec le concours du Centre d’Histoire des Systèmes de Pensée Modernes (Paris 1), du Centre d’Études Cartésiennes (Paris-Sorbonne), et du CERPHI (UMR 5037, CNRS/ENS-LSH) Responsables : Frédéric DE BUZON (Strasbourg), André CHARRAK (Paris 1), Denis KAMBOUCHNER (Paris 1), Martine PECHARMAN (CNRS) École Normale Supérieure - Département de philosophie, Paris

2009-2010 : Premier semestre

Samedi 7 novembre, 9 h 30 – 13 h, salle Celan Autour du livre de Daniel Garber : Leibniz : Body, Substance, Monad (Oxford University Press, 2009) Présentation : Arnaud PELLETIER (CNRS-Fondation Thiers) ; Discussion : Michel FICHANT (Paris-Sorbonne), Daniel GARBER (Princeton) ; Modérateur : André CHARRAK

Samedi 12 décembre, 9 h 30 – 13 h, salle Celan Qu’est-ce que la Géométrie de Descartes ? Autour de l’édition d’André Warusfel (Tel-Gallimard, 2009) Table-ronde avec la participation de Vincent JULLIEN (Nantes), Sébastien MARRONE (Paris 7), David RABOUIN (CNRS) et André WARUSFEL (IGEN) ; Modérateur : Frédéric DE BUZON

Samedi 16 janvier, 9 h 30 – 13 h, salle d’Histoire Autour du livre de Gianni Paganini : Skepsis. Le débat moderne sur le scepticisme (Vrin, 2008) Présentation : Élodie CASSAN (Ac. Créteil) Discussion : Jean-Robert ARMOGATHE (EPHE), Pierre-François MOREAU (ENS-LSH), Gianni PAGANINI (Vercelli) ; Modérateur : Denis KAMBOUCHNER

Cycle de matinées d’études : « Marges et extrémisme religieux : discours, pratiques et stigmatisations » Les mercredis 27 janvier, 10 février, 24 mars, 14 avril, 12 mai et 9 juin 2010 de 9h à 12h organisée par Chrystel Bernat (EPHE) et pour deux séances avec la collaboration de Frédéric Gabriel (UMR 5037) Lieu : École Pratique des Hautes Études, salle Dumézil

• 27 janvier 2010 : Exalter Dieu. Foi, fanatisme et zèle religieux. La séance entend interroger la notion de zèle en matière de foi (définition, manifestations), l’argument de fidélité à Dieu et de défense de la religion qu’elle sous-tend, ainsi que la diversité des tonalités et des engagements que recouvrent le redoublement de ferveur et la revendication d’exclusivité d’un dogme – exaltation, intolérance, violence. Comment, par quels procédés et à quels titres, est justifiée une cause, une croyance en une doctrine et une vérité unique ? Que dénonce-t-on dans les récriminations du zèle et du fanatisme religieux ? Participants : Luc RENAUT (EPHE) : « Zèle et marquage religieux : signation et sphragis spirituelle » (sous

réserve) ; Wissam AYACH (Université de Saint-Étienne) : « Zèle et milieux réguliers féminins aux XVIIe et XVIIIe siècles » ; Céline BORELLO (Université de Haute Alsace) : « Zèle(s) en concurrence : Dieu et le Roi dans les sermons protestants du XVIIIe siècle » ; Chrystel BERNAT (EPHE) : « Fidèles zélés : ardeur, accès, excès de Dieu au XVIIIe siècle »

• 10 février 2010 : L’offense. Manquer à Dieu, outrager Dieu. Séance organisée en collaboration avec Frédéric Gabriel. Le thème interroge ce qui, hors du dogme, continue parmi les chrétiens à faire offense à Dieu. À travers quelques exemples – nicodémisme, prophétisme et déviance spirituelle, tiédeur de la foi, violence et détournement de la parole de Dieu –, il s’agit d’analyser ce qui constitue, dans les systèmes de pensée des fidèles, effraction et insulte au divin, en interrogeant les voies de réparation, repentance et fonction du pardon. Participants : Andrea MARTIGNONI (Université de Paris IV) : « Langues fourchues et gestes iconoclastes. Les

outrages et leur répression en Italie à la fin du Moyen Age » ; Asma HILALI (Université de Halle) : « La falsification des textes religieux en islam : exemples du Coran et de la tradition prophétique (hadith) » ; Frédéric GABRIEL (CNRS) : « L’offense de la Lettre : Écriture, philologie et controverse dans l’Anacrise de Jacques Severt » ; Chrystel BERNAT (EPHE) : « Tièdes, nicodémites et apostats protestants sous la férule des prophètes, 1686-1705 » ; Claire REGGIO (EPHE) : [sur le pardon à l’époque moderne]

• 24 mars 2010 : Archéologie de la violence religieuse. Sources, définitions, justifications. Par archéologie de la violence religieuse, la réflexion propose d’analyser sources et approches méthodologiques de l’étude de la violence exercée au nom d’une croyance. La violence exercée au nom de Dieu se borne-t-elle à une agression physique ? Le débat s’axe autour d’une redéfinition de la violence au profit d’une acception large

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ouverte aux manifestations de violences idéelles, langagières et diffuses, placées au service d’une idéologie spirituelle. L’échange prévoit la présentation de corpus archivistiques et une analyse des justifications – ou de l’absence de justification – requises dans les pratiques de violence. Participants : Luc TRABICHET (Tours) : « La violence omniprésente et masquée. Une approche philosophique

de la notion de violence » ; Frédéric GABRIEL (CNRS) : « Unité, unicité, exclusivité monothéiste : remarques à partir de Jan Assmann » ; Chrystel BERNAT (EPHE) : « Violenter sans effusion de sang. Jalons pour une étude de la violence disséminée »

• 14 avril 2010 : Foi et ironie. Figures de dérision. Quels buts s’assigne ou atteint la dérision de l’adversaire confessionnel ? Par le biais de figures raillées – figure du démiurge chez les anti-gnostiques, du catholique idolâtre dans les représentations calvinistes, des monstres chez le jésuite Garasse – et l’approche de la satire classique, il s’agit d’analyser l’usage et la fonction de l’ironie, et les questions identitaires que suggèrent la déconsidération de l’autre, du déviant, de l’égaré, de l’hérétique, à partir duquel se distingue et se définit aussi l’auteur. Participants : Alexandre RENAUD (Université de Paris IV) : « Objets et fonctions de la dérision dans l’œuvre

de Prudence, polémiste et poète satirique » ; Pierre DESCOTES (ENS) : « L’ironie dans la Cité de Dieu de saint Augustin »; Frédéric GABRIEL (CNRS) : « Le jésuite Garasse et la figure des monstres » ; Chrystel BERNAT (EPHE) : « Papiste, Antéchrist et Grande prostituée dans la rhétorique calviniste : dénoncer l’erreur, railler la perversion, affirmer son dogme » ; Sébastien DROUIN (EPHE) : « Figures de l’antitrinitarisme chez les “Philosophes”. Être ou ne pas être socinien ? »

• 12 mai 2010 : Violences et discours. Revendiquer, témoigner, s’indigner. La réflexion porte ici sur les paroles et les mots qui animent, accompagnent, consignent ou dénoncent la violence. Une attention particulière sera accordée aux paroles de violence et à la violence déployée en paroles – jalonnée ou exercée aux chants des psaumes, entrecoupée d’imprécations bibliques, lardée de propos blasphématoires ou soutenue par l’évocation de Dieu. Ceci afin d’interroger ce qui est sollicité, référé dans la Bible. Quelles paroles et quels usages de la Parole de Dieu – et, à défaut, quels contournements – opèrent les acteurs de violences ? Participants : Michaël RIBREAU (Université Paris IV) : « Quand la Bible devient une arme : utilisation

polémique du texte sacré dans le Contre Julien de saint Augustin » ; Luc DAIREAUX (chercheur associé au CERHIO, Rennes) : « Ni foi, ni loi, ni roi ? Regards sur la violence anti-réformée : les dragonnades en Normandie, 1685-1686 » ; Chrystel BERNAT (EPHE) : « La hache, le psaume et le Pater. Sanctifier la violence, tuer à couvert de Dieu au XVIIIe siècle » ; Laetitia GONON (Université de Grenoble) : « Cadavres et blessures dans le fait divers au XIXe siècle. Du mélange des discours médicaux et journalistiques » ; Michel CHAUMONT (EHESS) : « Corps et esprits entre conviction, violence et douleur » (sous réserve)

• 9 juin 2010 : Croyance en errance. Séance organisée en collaboration avec Frédéric Gabriel. Le thème de l’errance sert ici à aborder les manifestations de foi vagabondes, itinérantes ou clandestines qui, sans attache – volontaire ou imposée – à un bâtiment ou à une ecclésiologie instituée, portent la Parole et servent une croyance (moines errants de l’Egypte copte, prophètes du Désert, fidèles sans pasteurs). Partant, il s’agira d’interroger la définition de l’Église, celle de la dévotion, de l’autorité et de la fidélité revendiquées, ainsi que les processus d’appropriation et les efforts de maintien ou de reconstitution d’une communauté de croyants. Participants : Marc MALEVEZ (Université de Louvain) : [sur les moines errants égyptiens] ; Camille de

VILLENEUVE (EPHE) : [sur les béguines] ; Xavier PAPAÏS (ENS) : « Errance et croyance selon Hume » ; Chrystel BERNAT (EPHE) : « Errer pour Dieu, errer avec Dieu : témoignages calvinistes au tournant du Grand Siècle » ; Amélie LECOQ (Université de Paris VII) : « Sortir de l’errance, entrer au Désert (1730-1787) »

Conférences de M. Thomas Kisser, professeur invité à l’ENS LSH (Munich), Cerphi, Sections Arts, Information et communication, Philosophie Introduction à la théorie des systèmes et de la société de Niklas Luhmann ENS LSH, les lundis 9, 16, 23, 30 novembre et le 7 décembre 2009 de 16 à 18h. Salle F 108

Thomas Kisser propose une introduction aux concepts fondamentaux de la théorie des systèmes et de la société de Niklas Luhmann, peu connue en France, même ses textes principaux sont en cours de traduction. Cette sociologie, articulée sur des concepts philosophiques comme l’identité, la différence, l’opération, l’observation ou encore la théorie elle-même, répond à cette question : qu’est-ce que la société, le fait fondamental du social. Pour Luhmann, la communication et la différenciation de la communication sont l´événement fondateur de la société et particulièrement de la modernité. Ainsi naissent, à titre de formes de communication autonomes, des systèmes et des medias spécifiques comme l´argent, le droit, l´amour, l’éducation, l´art, ou encore la politique auxquels nous participons tous.

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Le processus de la modernité consiste en cette différenciation, et Luhmann se propose de l’éclairer par une théorie des systèmes qui implique également une théorie sociologique de l´histoire de la philosophie. Cette histoire de la philosophie est intégrée dans le cadre général d'une histoire qui est essentiellement une histoire des medias de la diffusion: de la langue, de l'écriture, de l'imprimerie et de l'ordinateur. Ces medias forment les époques de l'histoire de l'humanité et donnent à notre vie leurs libertés comme leurs déterminations.

Titres des séances 1. Qu'est ce que la société ? Les concepts de communication et de medias de la diffusion : La langue, l'écriture, l'imprimerie et l'ordinateur. 2. La vie consiste en différences: les concepts d'opération et d'observation, du système et du sens, de l'identité et de la différence. 3. Quelques medias spécifiques de la communication: l'argent, la science, l'amour et l'art. (Luhmann et le concept de dispositif chez Foucault) 4. Politique. 5. Temporalisation: la dynamique de la modernité.

Enjeux philosophiques des approches empiriques de la religion (EPAER) (Responsable : A. Feneuil) Dans le cadre de la convention de partenariat scientifique CERPHI/IRSE

Programme Mardi 13 octobre 2009 : Qu’est-ce qu’une théologie philosophique ? Invité : Richard GLAUSER (Université de Neuchâtel)

Mardi 15 décembre 2009 : Expérimenter le religieux : le chercheur et le croyant Invité : André MARY (CNRS)

Mars 2010 : Le religieux entre institutions et expérimentations Invité : Frédéric PROT (Université de Bordeaux 3)

Séminaire : Les représentations de la sexualité à l’âge classique Responsables : Delphine Kolesnik, Florence Lotterie, Michèle Rosellini, Anne Sauvagnargues ENS-LSH, Lundi, 13h30-17h30 Sous formes de lectures et d’images croisées, nous souhaitons explorer sur un mode interdisciplinaire la question des sexualités en représentations à partir de l’âge classique. Ce séminaire confronte les textes littéraires, philosophiques, scientifiques (sciences de la vie, médecine), les productions plastiques, les discours à visée épistémologique, les statuts et les pratiques sociales de la sexualité. Chaque séance comportera un atelier de lecture.

25/01 : Introduction 08/02 : Spinoza/Foucault 22/02 : Sexes prescrits, sexes proscrits : séance « jeunes chercheurs » 08/03 : Les écritures genrées 22/03 : Représentations médicales du sexe : imaginaire et idéologie 12/04 : Les représentations du nu dans les collections du Musée des Beaux-Arts

Séminaire de recherche sur Spinoza (CERPHI C.H.S.P.M - 2009-2010) : « La cité du désir. Affects et politique chez Spinoza » Coordonné par Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy Les séances auront lieu le mercredi de 16h à 18h, à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, en salle Cavaillès, escalier C, 1er étage droite, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris

PREMIER SEMESTRE : -18 novembre : Chantal Jaquet : Le désir de vengeance comme fondement du corps politique. -16 décembre : Jean-Marie Vaysse : Crainte (metus) et peur (timor) chez Spinoza. Incidences politiques. -13 janvier : Nicolas Duvoux : La constitution affective du social. DEUXIEME SEMESTRE

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-24 Février : Pascal Sévérac : Raison et affects en politique : le cas de la promesse. -17 mars : Vicente Cortes : Comment penser la multitude ? -7 avril : Étienne Balibar : Les trois dieux de Spinoza. -5 mai : Alain Billecoq : Actualité de la pensée politique de Spinoza. -19 mai Christophe Miqueu : Le républicanisme de Spinoza ou le retour du désir de citoyenneté.

Colloques passés

« Asie : terre de mystique(s) ? » Vendredi 16 octobre 2009, à l’Institut Protestant de Théologie de Paris. 9 h 00 – 17 h 00 Responsables : Anthony Feneuil, Pierre-François Moreau, Ghislain Waterlot

Intervenants : Thierry-Marie Courau, o.p. (Institut catholique de Paris) : Un yogi tibétain est-il un mystique ? L’exemple de Milarepa (1040-1123) Dominique Trotignon (Université bouddhique européenne) : Theravada (la « Voie des Anciens ») : une élite sacrifiée ? Jérôme Ducor (Musée ethnologique de Genève, UBE) : La mystique asiatique : mythe ou réalité ? Xavier Gravend-Tirole (Université de Lausanne) : Abhishiktananda : mystique mystifié ? Ivan P. Kamenarovic (CREOPS) : Zhu Xi (1130-1200) : à la recherche d’une mystique confucianiste ? Michel Hulin (Université Paris IV) : De la gnose à la grâce dans le Shivaïsme du Cachemire.

Vue d’Europe ou d’Amérique, l’Asie est souvent considérée comme le haut lieu de la mystique, entendue comme travail de délivrance accompli sur soi-même et illumination ultime. Que ce soit l’identification de l’Âtman et du Brahman dans l’hindouisme, l’accès à l’Éveil dans les bouddhismes ou l’aptitude à atteindre l’état d’équilibre des énergies dans le taoïsme, c’est toujours une forme de régénération et de contact avec l’Absolu qui est considérée, même si cet Absolu n’a rien à voir avec un Dieu personnel.

On utilise donc couramment un même mot, « mystique », pour qualifier tant les expériences d’union avec le Dieu transcendant dans les trois grands monothéismes que les expériences de libération et de coïncidence avec ce que nous nommons l’Absolu dans les spiritualités orientales. Et il n’y a pas à juger a priori illégitime cette identité de dénomination. Mais elle est tout de même à interroger continuellement. Le contenu des mystiques, pratiquées dans des traditions si différentes que celles des religions monothéistes d’une part et celles des religions et spiritualités orientales d’autre part, ne diffère-t-il pas sensiblement ?

Pour répondre sérieusement à une telle question, il faut se mettre à l’écoute. Quelles sont les spécificités de la mystique dite « orientale » ? Quelles sont les formes qu’y prend l’ascétisme ? Comment le « sujet » se rapporte-t-il à lui-même ? Quelles sont en Asie les relations entre spiritualité et ritualisme ? Ou entre pratique individuelle et célébrations collectives ? Ou entre vécus mystiques et corps social ? Sont-ils bien intégrés ou seulement tolérés ? Sont-ils appelés à se diffuser ou sont-ils réservés à une élite ? Quel est le rapport de la réalisation mystique individuelle avec l’action dans les communautés humaines ? Telles sont les principales questions, mais non les seules, que nous souhaitons aborder et travailler dans le cadre de cette journée d’étude. Colloque, „Intensität und Stabilität in der Kunsttheorie von Luhmann und Deleuze. Intensité et stabilité dans la théorie de l’art de Luhmann et de Deleuze ». ENS LSH les 30, 31 octobre et 1er novembre 2009. Colloque international. 13 participants. 3 langues (allemand, français, anglais). Organisé avec Th. Kisser. Discours sur l’art et sur l’image [Bild und Kunstdiskurse] Resp. M. Coelen, K. Leonard, Th. Kisser, A. Sauvagnargues Il s’agit de mettre en contact l’histoire de l’art, la théorie des discours avec une archive textuelle déterminée et un corpus d’œuvres posant un problème muséologique défini. Ce réseau franco-allemand existe depuis 2006, et a successivement travaillé sur les figures de la souveraineté et la question du regard à partir des œuvres de Lacan, Deleuze et Agamben (en 2006-2008), sur la réflexivité de la matière, la question du pli et la fortune du baroque dans les textes de l’idéalisme allemand à Walter Benjamin (2008-2009). Nous nous proposons cette année d’explorer la sociologie contemporaine de l’art en Allemagne en la confrontant à la philosophie française de l’image, en poursuivant notre enquête sur le corpus baroque. Il s’agit de faire découvrir au public français l’œuvre du sociologue et théoricien des systèmes Luhmann, en la confrontant à celle de Deleuze – et en la plaçant dans le contexte de l’histoire de l’art, de la création et de la muséologie

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contemporaine. Cette enquête nous permettra de souligner les relations encore peu exploitées entre l’œuvre de Deleuze et celle de Luhmann. Nous visons en outre à faire travailler ensemble doctorants et chercheurs confirmés, pour faire circuler nos étudiants entre nos différentes universités et les initier à la recherche internationale.

Avec Marcus Coelen (Romanistique, Université de Munich), Thomas Kisser (professeur invité ENS LSH), Karin Leonard, historienne de l’art, Université d’Eichstätt, détachée à l’Institut allemand de Florence, Petr Rezvykh (Université de Moscou), Jean Clam, Professeur détaché à l’Institut Marc Bloch à Berlin, Hugues Rabault, Professeur de droit public à l'Université Paul Verlaine-Metz, Dr. Mathias Mühling, Vice-Director, Städtisches Museum Lenbachhaus München, Dr. Mario Grizelj, Institut für deutsche Philologie, Lehrstuhl für Neuere deutsche Literatur und Medien, Anne Sauvagnargues (ENS LSH). Ce colloque se poursuivra en février à Munich.

Colloque, « Hegel et les esquisses de système d’Iéna », organisé par Emmanuel Renault 13 novembre 2009, ENS LSH, Salle F 04.

Programme Matinée : Logique, métaphysique et Naturphilosophie présidé par Gilbert Gérard (Louvain)

Après midi : Philosophie de l’esprit, présidé par Jean-François Kervégan (Paris I)

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Thèses soutenues Myrtille Méricam-Bourdet, Écrire l'histoire : figures du pouvoir dans l'oeuvre historique de Voltaire, thèse soutenue le samedi 24 octobre 2009 à l’université de Lyon ; jury : C. Volpilhac-Auger, ENS LSH (directrice), P. Frantz, Université de Paris 4, O. Ferret, Université de Lyon 2, R. Minuti, Université de Florence, O. Penke, Université de Szeged. Nicolas Le Cadet, L’Évangélisme fictionnel : Les Livres rabelaisiens, le Cymbalum Mundi, L’Heptaméron (1532-1552), thèse soutenue le 11 septembre 2009 à l’Université Lumière-Lyon 2, devant un jury composé de Jean-Claude Arnould, Michèle Clément (directrice), Isabelle Garnier-Mathez, Mireille Huchon et André Tournon.

Le terme d’« évangélisme » n’existe pas au XVIe siècle, il est une construction théorique des historiens et est employé pour la première fois par P. Imbart de La Tour qui en fait le titre du troisième tome (L’Évangélisme, 1521-1538) de son ouvrage Les Origines de la Réforme publié en 1914. Conformément à l’étymologie, l’historien désignait ainsi des fidèles aux positions très variées mais unis par leur volonté d’une réforme douce et non schismatique de l’Église catholique, fondée sur l’imprégnation et la propagation de l’Évangile. De fait, le terme, quand il est rigoureusement circonscrit au champ des réformateurs modérés non schismatiques, s’avère fort précieux pour mieux cerner une spiritualité originale, située dans un entre-deux confessionnel, loin de Rome comme de Genève1. Les évangéliques français sont ces hommes et ces femmes qui se détachent de la théologie traditionnelle et de la Sorbonne sans pour autant penser en dehors de l’église catholique et rejoindre les protestants. Dans un contexte politique et religieux de plus en plus tendu, depuis l’expérience fondatrice du diocèse de Meaux entre 1518 et 1526 jusqu’au déclenchement des guerres de religion en 1562 qui mettent un terme au rêve d’une réformation en douceur de l’église2, les évangéliques se signalent par une « doctrine » spécifique – fondée sur une lecture assidue du texte sacré restitué dans sa pureté originelle – et par une éthique de la « vive foy ».

Les études consacrées à l’évangélisme français ont pris essentiellement trois directions. La première approche est scripturaire et consiste à scruter les idées religieuses de tel ou tel auteur, à isoler un certain nombre de citations ou de paraphrases bibliques caractéristiques de la sensibilité évangélique, afin de déterminer la substance d’une « doctrine » située dans un entre-deux confessionnel, loin de Rome comme de Genève. C’est la démarche qu’adopte M. A. Screech, notamment dans son ouvrage sur L’évangélisme de Rabelais. Aspects de la satire religieuse au XVIe siècle. La seconde approche, celle de C. Blum dans la deuxième partie (« La représentation évangélique de la mort (1511-1554) ») de son ouvrage sur La Représentation de la mort dans la littérature française de la Renaissance, cherche à observer la spiritualité évangélique à partir d’un thème clef et dans une perspective historique. Plus récemment, dans son ouvrage sur L’Épithète et la connivence, I. Garnier-Mathez adopte un troisième type d’approche de l’évangélisme, d’ordre linguistique. Il s’agit, à partir du fonctionnement de l’adjectif qualificatif, de mettre au jour l’existence d’une communauté de pensée et d’expression, d’une « connivence » à l’échelle d’un « groupe sans manifeste » : les évangéliques français.

Toutes ces approches se sont montrées productives, mais elles n’envisagent pas la spécificité des différents types d’imprimés évangéliques, et tout particulièrement le « trouble » que peut créer la médiation fictionnelle dans la présentation de ces idées et de ce langage partagés. Comment comprendre ce curieux recours à une médiation fictionnelle pour une spiritualité qui se définit précisément par le rapport immédiat qu’elle entretient au texte sacré ? Nous voulons montrer que l’évangélisme se dévoile aussi à travers une utilisation de la fiction qui lui est propre. Il s’agit d’étayer l’intuition de l’existence d’un « évangélisme fictionnel », c’est-à-dire de procédures fictionnelles communes à un corpus d’œuvres de fiction relevant de l’évangélisme, qui les différencient radicalement à la fois des productions dites « religieuses » de ce courant spirituel mais aussi des œuvres de fiction non évangéliques.

Pour mieux dessiner les contours de l’évangélisme fictionnel, c’est-à-dire d’un groupe d’œuvres spécifiques à l’intérieur du vaste ensemble des imprimés évangéliques, nous avons délimité un corpus délibérément non exhaustif mais représentatif, qui rassemble les quatre premiers Livres de Rabelais (1532-1552) marquant les frontières temporelles du corpus, les dialogues du Cymbalum Mundi attribués à Bonaventure des Périers (1537) et L’Heptaméron de Marguerite de Navarre (1558 et 1559, posthume)3. La cohérence du corpus retenu tient à un

1 WANEGFFELEN (Thierry), Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, Champion, 1997. 2 En 1534, l’affaire des Placards semble donner un sérieux coup d’arrêt à l’évangélisme. I. GARNIER-MATHEZ choisit d’ailleurs cette date comme terminus ad quem de son étude sur L’Épithète et la connivence : écriture concertée chez les Évangéliques français (1523-1534), Genève, Droz, 2005. Mais on peut estimer que le mouvement se poursuit au moins jusqu’à la date symbolique de l’ouverture du concile de Trente en 1545 et même encore après jusqu’aux environs de 1562, tant qu’un espoir de conciliation paraît encore possible et que la « crispation confessionnelle » ne semble pas inéluctable. 3 La Reine, qui meurt en 1549, commence à rédiger à partir de 1542 ou 1545 les dix récits du manuscrit bn fr. 1513.

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triple critère : un critère temporel – les œuvres sont écrites sur vingt années –, un critère générique – il ne s’agit que de récits et de dialogues, ce qui exclut donc le théâtre et la poésie – et enfin un critère de réception : l’ensemble des textes a suscité de vives querelles critiques qu’il apparaît pertinent de rapprocher et d’interpréter globalement à la lueur de l’hypothèse évangélique.

Rapprocher des œuvres si différentes semble audacieux. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que l’« univers fictif non narrativisé » du Cymbalum Mundi est très différent de « l’intrication de la narration et du dialogue »4 pratiquée chez Rabelais mais aussi dans le recueil de nouvelles de la Reine, avec l’alternance entre un dialogue encadrant et des récits. De même, les choix énonciatifs des Livres rabelaisiens et de L’Heptaméron ne sont pas comparables : Rabelais confère un rôle de premier plan au narrateur facétieux, son « masque comique », alors que la Reine opte pour un narrateur principal très discret, qui s’efface derrière dix narrateurs-devisants. Enfin, du point de vue des sources, la fiction d’influence lucianesque du Cymbalum Mundi se distingue radicalement des nouvelles de la Reine de Navarre qui puisent dans le patrimoine universel des contes et des récits, ainsi que dans une large tradition orale. Quant aux Livres rabelaisiens, s’ils bénéficient aussi largement de l’influence de Lucien, ils se nourrissent de bien d’autres sources à la fois populaires et savantes. Néanmoins, par delà des différences parfois très nettes, ces œuvres mettent en place certaines procédures fictionnelles communes, fruit d’une même spiritualité évangélique, qui leur confère un statut tout à fait à part au sein de la vaste production évangélique, tout en les distinguant par la même occasion des autres productions fictionnelles de l’époque.

La première partie de la thèse (« Des querelles herméneutiques révélatrices des tensions de l’évangélisme fictionnel ») propose de reconsidérer globalement la réception polyphonique et agonistique des différents textes du corpus à la lueur de l’hypothèse évangélique. Le conflit entre les partisans de l’ambiguïté et les partisans du « plus haut sens », qui taxent les premiers d’anachronisme, ne semble pas une fantaisie de la critique moderne, mais bien le fruit d’un trait déconcertant des fictions et de la spiritualité qui les informe, vouée à jongler entre le sentiment de la faillibilité de la parole humaine et l’espoir de son investissement heuristique. La conception ambivalente de la fiction, l’une qui semble bloquer le sens, et l’autre qui l’encourage au contraire, reflèterait ainsi les contradictions de l’évangélisme, partagé entre, d’un côté, un antidogmatisme puisé dans la Bible et notamment dans les Épîtres de saint Paul, dans la théologie du pseudo-Denys ou de Nicolas de Cues, mais aussi dans la philosophie sceptique, cynique ou dans la pensée de Lucien, et, d’un autre côté, un désir sans cesse renouvelé de prendre la parole pour enquêter, pour édifier les fidèles et même pour clouer au pilori les ennemis de l’évangélisme par une parole claire et cinglante

La deuxième partie (« La fiction comme mensonge : l’ouverture évangélique du sens ») fait le point sur la première de ces deux conceptions : dans une veine platonicienne, les œuvres du corpus s’appliquent à mettre en avant un médium fallacieux, non assertif, obstacle potentiel à la vérité évangélique. Dans les Livres rabelaisiens, le mensonge fictionnel est clairement revendiqué, à travers les fallacieuses allégations de véracité ou par la mise en abyme de la fiction dans de longues séquences métalittéraires. Il ne s’agit pas seulement de suggérer par antiphrase une lecture allégorique du texte et donc la vérité de la fiction : l’enveloppe mensongère ne s’efface pas si aisément et contribue à assigner au texte une dimension d’incertitude. De même, les « quatre Dialogues Poetiques, fort antiques, joyeux, et facétieux » du Cymbalum Mundi semblent bien se nourrir du mensonge fictionnel pour perturber la lisibilité du texte et décourager les prétentions dogmatiques et oraculaires de la parole humaine. Même dans L’Heptaméron, où les devisants et leurs modèles historiques cherchent à fuir « la beauté de rhetoricque » et prônent la véracité absolue des nouvelles, l’esthétique romanesque et l’illusion fictionnelle refont surface, comme pour mieux montrer que la transparence évangélique n’est qu’un horizon désigné par la Reine et n’exclut pas la permanence du mensonge fictionnel dans le monde des hommes, celui de l’affabulation et de la dissimulation.

La troisième partie (« La fiction comme enquête : l’évangélisme heuristique ») envisage avec Aristote la présence simultanée dans le corpus d’une tout autre conception de la fiction, celle d’un médium cognitif original qui permet de progresser dans la quête du sens. Cette fiction heuristique, pensée sur le double modèle inductif de la chasse ou de la divination5, requiert l’attention constante d’un lecteur qui reconstitue les signes divers et parfois contradictoires que lui offre la fiction. Aucune certitude n’est formulée dogmatiquement par l’auteur : le lecteur-chasseur doit faire face à une somme de vérités relatives, énoncées par des personnages parfois peu fiables, évoquées par la structure narrative ou suggérées par certains indices lexicaux. Le lecteur acquiert par là même un rôle très actif, qui pourrait bien se comprendre à la lueur de l’appel au libre examen présent dans nombre de textes pré-calviniens, incitant les clercs comme les laïcs de toutes les couches de la population « à porter un jugement personnel en se basant sur le seul texte de la Bible »6. Il importe cependant de souligner la spécificité heuristique du dispositif fictionnel mis en place dans le Cymbalum Mundi. Les quatre dialogues offrent en effet très peu de prise au lecteur en quête d’indices, et les valeurs évangéliques qui y sont défendues nous semblent se formuler a contrario, selon une pratique systématique du contre-exemple. Tout se passe

4 MOUNIER (Pascale), Le Roman humaniste : un genre novateur français 1532-1564, Paris, Champion, 2007, p. 284. 5 Terence CAVE, dans Recognitions : A Study in Poetics, Oxford, Clarendon Press, 1988, « Signs of recognition », p. 242-255, emprunte ce double paradigme à l’historien Carlo GINZBURG. 6 KEMP (William), « L'Épigraphe Lisez et puis jugez : Le Libre Examen dans la Réforme française avant 1540 », dans Le Livre évangélique en français avant Calvin : études originales, publications d’inédits, catalogues d’éditions anciennes, éd. J.-F. Gilmont et W. Kemp, Turnhout, Brepols, 2004, p. 241-273.

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comme si la « doctrine évangélique » n’apparaissait qu’à rebours, dépouillée de sa substance, « travestie » par une humanité dévoyée.

La quatrième partie entend aller plus loin et souligne que ces deux conceptions de la fiction – l’une qui met en cause sa propre crédibilité, et l’autre qui renoue avec le sens et invite le lecteur à participer à la quête de la vérité – ne sont pas seulement juxtaposées mais bien superposées dans les mêmes segments textuels, de manière à en brouiller les enjeux. Le dispositif fictionnel paraît en effet se plier à des exigences contradictoires et formuler simultanément un refus d’affirmer et une volonté d’approfondir voire de diffuser la doctrine évangélique. Les « tensions de la fiction » deviennent alors « torsions de la fiction », métaphore mécanique susceptible d’une double interprétation, le complément du nom devant s’entendre au sens objectif – les torsions que subit une fiction tout à la fois mensongère et heuristique – mais aussi au sens subjectif – les torsions que provoque la fiction aux dépens des données doctrinales. Il nous semble que ces torsions de la fiction s’observent de manière frappante à travers le dédoublement de l’énonciation dans le Cymbalum Mundi, très visible lorsque les personnages prononcent des « juremens ». C’est que derrière Thomas Du Clevier et sa traduction plaisante, il faut toujours supposer une autre voix et donc une autre « intention » peut-être bien plus « pernicieuse » et militante. À moins que ce soit le contraire : on ne sait au juste si le traducteur a édulcoré le texte ou au contraire s’il en a renforcé les traits polémiques. Toujours est-il que le Cymbalum Mundi met en place un dispositif énonciatif et fictionnel complexe en mesure de suggérer la présence simultanée des deux voix spécifiques de l’évangélisme, la voix de la suspension humble et comique, et la voix didactique et indignée du polémiste. Les « juremens » sont en quelque sorte la respiration de ce langage de « l’entre-deux », qui tire simultanément la fiction du côté de la pure fantaisie et du côté du sens spirituel.

De manière peut-être encore plus marquée que pour le Cymbalum Mundi, la fiction rabelaisienne semble partagée entre le refus d’une posture doctorale, qui repose sur une mise en avant du caractère mensonger de l’invention narrative, et la volonté d’exprimer des convictions militantes, à travers un déchiffrement allégorique et polémique des « mythologies Pantagruelicques ». L’étude des passages satiriques peut servir de point d’ancrage pour mesurer ce phénomène. Ils sont en effet le lieu même où s’exprime dans toute sa virulence une fiction accusatrice et polémique qui consiste à mettre en scène des personnages imaginaires afin de démystifier des référents bien réels. Que ce soit sur les questions politique, épistémologique, judiciaire ou encore religieuse, Rabelais agonistès ne semble pas cultiver l’ambiguïté, mais accuse avec fermeté et mordant les ennemis de l’évangélisme, en réorganisant le réel et en le subordonnant aux lois de la fiction. En même temps, le procédé qui consiste à renverser les hiérarchies réelles nous semble nourrir une autre conception de la fiction, bien plus corrosive. Il ne s’agit plus seulement de stigmatiser des cibles identifiées, dans une veine militante, mais d’accentuer le caractère fantaisiste, déréglé et autonome du monde fictionnel, de manière à remettre en cause, par contraste, les mécanismes de fonctionnement du monde réel. Le texte rabelaisien, par sa manière de substituer le mensonge fictionnel aux règles de la réalité, nous semble en effet égratigner au passage les notions même de savoir, d’Histoire et de justice humaine. Ainsi, alors qu’une cible univoque semble souvent aisée à identifier, certains indices laissent penser que la fiction cherche aussi à exprimer un véritable « scepticisme chrétien », rencontre du scepticisme antique et de l’anti-intellectualisme paulinien, que les sources cyniques et lucianesques de Rabelais n’ont pu que conforter. Ni totalement ambiguë ni totalement univoque, la satire rabelaisienne nous paraît emblématique des torsions de la fiction, tiraillée entre des exigences évangéliques contradictoires, entre une volonté de mener une guerre contre les ennemis de la « vive foy » et un dessein sceptique plus général. Le phénomène de « torsion », que subit le dispositif fictionnel et qu’il provoque en retour sur les données doctrinales, semble pouvoir s’observer enfin à travers les citations bibliques de L’Heptaméron. Celles-ci diffusent en effet une « pasture spirituelle » propre à illustrer les principaux points doctrinaux de la spiritualité évangélique mais sur fond de dialogues mondains qui en brouillent la signification. Les citations bibliques ne constituent pas un îlot d’unanimité dans l’archipel polyphonique des récits et des devis : loin de faire résonner une voix consensuelle sur laquelle tout le monde pourrait se mettre d’accord, elles condensent au contraire toutes les contradictions de l’évangélisme, tiraillé entre son militantisme et sa conscience aiguë de la faillibilité de la parole humaine.

Notre enquête nous amène ainsi à minimiser deux interprétations de la fiction qui ne nous paraissent pas fonctionner pleinement dans le corpus, et surtout qui tendent à réduire l’originalité et la spécificité du médium fictionnel chez les évangéliques. Il s’agit, tout d’abord, de l’interprétation de la fiction comme voile plaisant appelé à être soulevé par un déchiffrement allégorique univoque. M. Jeanneret a déjà montré comment l’allégorie est en partie démantelée à la Renaissance, notamment chez les évangéliques pour qui « la signification de la Bible ne peut être ni totalisée ni épuisée »7. La noix textuelle ne peut être entièrement cassée, car l’entendement humain n’est pas infini, et le lecteur se retrouve devant les fictions humaines comme l’exégète devant le texte Biblique « infrangible sans la grâce »8. De fait, la lecture allégorique sous sa forme systématique apparaît inadaptée aux œuvres du corpus, car le mensonge fictionnel y est constamment mis en avant, rendant impossible son complet effacement derrière un « plus hault sens » univoque. Une autre interprétation de la fiction dans le corpus nous semble aussi devoir être écartée ou en tout cas largement relativisée : celle de la

7 JEANNERET (Michel), « L’exégèse à la Renaissance », dans Le défi des signes : Rabelais et la crise de l’interprétation à la Renaissance, Orléans, Paradigme, 1994, p. 26. 8 MARGUERITE DE NAVARRE, Œuvres complètes t. IX., La Complainte pour un détenu prisonnier et les Chansons spirituelles, éd. M. Clément, Paris, Champion, 2001, p. 31.

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fiction comme moyen de contourner la censure, pour des auteurs en butte à l’hostilité des deux orthodoxies catholique et protestante. La complexité des œuvres, leur caractère énigmatique et voilé, ne résultent pas d’une pure stratégie de contournement. Sans être totalement exclue, cette hypothèse nous semble en effet compromise par la présence dans tous les textes de passages où les positions des auteurs se formulent clairement, sans ambiguïté. On voit mal pourquoi ils crypteraient parfois leur message au point de le rendre méconnaissable, alors qu’à d’autres reprises le risque de la censure ne semble pas du tout les préoccuper. Le caractère voilé de la fiction sert moins d’instrument de protection que de manière de tempérer l’assertivité du discours. La fiction permet de formuler des vérités « par un miroir, obscurément »9, sans certitude et sans outrepasser les capacités de l’entendement humain. Elle est le « nouveau langage » des évangéliques, ni sceptique ni dogmatique, mais « Tous les deux ensemblement » et « Ne l’un ne l’aultre », en mesure de rendre compte d’un Divin à la fois inexprimable et « omninommable ».

Le médium fictionnel n’est donc pour les évangéliques ni un simple contenant appelé à être déchiré ni une contrainte imposée par une époque troublée. Il apparaît au contraire comme un choix original et parfaitement concerté. Au-delà du refus du dogmatisme des orthodoxies concurrentes et d’une leçon de lucidité critique pour le lecteur confronté ouvertement à un médium mensonger, la fiction se présente aussi comme le support d’une herméneutique fondamentalement optimiste, pleinement adaptée à l’approche non doctrinale et en même temps heuristique et militante de l’évangélisme. Le dernier mot des textes n’est pas la suspension du sens et la condamnation d’une recherche qui dépasse les possibilités de l’esprit humain : des îlots de sens se constituent aussi dans la fiction, même s’ils apparaissent sans garantie et de biais, comme dans les songes qui, selon Héraclite, n’exposent pas l’avenir mais en donnent « signification et indice » (TL XIII, 389). La fiction suscite ce que Rabelais appelle le « bon espoir » qui est moins désir et insatisfaction qu’« espérance », vertu théologale cautionnée dans le Prologue du Tiers Livre par l’image d’un tonneau désigné comme « inexpuisible ».

Nicolas Le Cadet

Publications

Le Français préclassique, n° 12, Champion, 2009. Préface. Michèle Clément : « La bêtise : définition en guise d’introduction ». Marie-Luce Honeste : « Schéma cognitif et conceptuel du mot bêtise à la renaissance et à l’âge classique ». Daniel Régnier-Roux – Henriette Pommier : Image de la bêtise aux XVIe et XVIIe siècles : « Retour de bestise, a raison […] » (Barthelemy Aneau). Sylvia Giocanti : « Montaigne et la bêtise ». Denis Reynaud : « Le jeu de la bête ». Marthe Paquant : « Quelques notes lexicologiques sur le vocabulaire de Maistre Chevalet, La Vie de sainct Christofle, ca 1516 ». Volker Mecking : « Le premier traité de pédiatrie en français (1565) : étude lexicologique ». Volker Mecking-Marthe Paquant : Comptes rendus.

Tristan Vigliano, Humanisme et juste milieu au siècle de Rabelais. Essai de critique illusoire, Paris, Les Belles Lettres, « Le miroir des humanistes » (vol. 10), 2009, 744 p.

Texte 4ème de couverture : On appelle juste milieu l’espace qui sépare le manque du trop-plein. Exemple canonique : le courage est un juste milieu, puisqu’il s’intercale entre la lâcheté et la témérité. C’est cette notion capitale, théorisée par Aristote, que ce livre se propose de décrire, en étudiant ses implications sur l’éthique de la Renaissance. Quelles sont les représentations du juste milieu au XVI

e siècle ? Qu’ont-elles à nous apprendre sur la pensée des humanistes ? Deux postures se dessinent. D’un côté, ceux qui croient à la possibilité de trouver une moyenne « précieuse comme l’or ». De l’autre, ceux qui mettent à mal cette doctrine, sans craindre de critiquer les auteurs que l’on enseigne dans les Écoles. Mais parmi ces derniers, certains nous appellent à une quête étrange, illusoire : cherchons le juste milieu, semblent-ils dire... parce qu’il n’existe pas !

Nicolas Sténon, Discours sur l'anatomie du cerveau (1669), Classiques Garnier, présenté et annoté par Raphaële Andrault, 2009.

Dans le Discours sur l’anatomie du cerveau publié à Paris en 1669, Sténon évalue les connaissances les plus débattues de son temps. Il y critique notamment les systèmes de Descartes et de Willis qui instrumentalisent l’anatomie au profit de spéculations sur le « siège de l’âme ». Cet ouvrage n’a jamais bénéficié en France d’édition commentée, ni d’étude prenant en compte à la fois sa dimension scientifique et ses enjeux philosophiques. L’histoire de sa réception montre pourtant comment le texte a d’abord été utilisé de manière polémique contre le cartésianisme, puis lu comme un manifeste permettant de conduire rigoureusement l’analyse de « la machine du corps humain ».

Anne Sauvagnargues, L’empirisme transcendantal, Paris, PUF, coll. « philosophie d’aujourd’hui », novembre 2009.

9 1 Co 13.12.

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Blaise Pascal, Antoine Arnauld, François de Nonancourt, Géométries de Port-Royal, édition critique par Dominique Descotes, Paris, Champion, 2009.

Les Nouveaux éléments de géométrie d’Antoine Arnauld sont nés de sa rencontre avec Pascal, et de leur rivalité amicale pour composer un manuel à l’usage des Petites écoles. Arnauld écrivit deux versions de ses Nouveaux éléments, la première en 1667, la seconde, entièrement remaniée dans ses principes, seize ans plus tard, alors qu’il était exilé et fugitif. L’occasion de cet étrange bouleversement fut la rencontre avec le janséniste gantois François de Nonancourt, personnage aussi original que l’Euclides logisticus qu’il avait composé. Avec le fragment subsistant de l’Introduction à la géométrie de Pascal, nous publions pour la première fois les deux versions des Nouveaux éléments, de manière à permettre au lecteur de suivre le cheminement de la pensée d’Arnauld, et pour la première fois aussi le texte de l’Euclides logisticus avec sa traduction. Ces « géométries de Port-Royal » ont en commun de chercher l’invention dans différentes modes de retour aux fondements : elles sont de ce point de vue le complément naturel de la Logique, des Pensées de Pascal et des Essais de morale de Nicole. Aussi ont-elles exercé une influence profonde dans la philosophie et la pédagogie des mathématiques en France. Et elles sont aujourd’hui la meilleure voie d’accès à la pensée des grands savants de l’époque classique.

Montaigne, Les Essais (en collaboration avec D. Reguig-Naya et A. Tarrête), nouvelle édition de l’Exemplaire de Bordeaux, Paris, coll. « Folio classique » (n° 4893-4894-4895), Gallimard, 2009, 3 volumes, 2182 p. Gabriel Naudé, Traité sur l’éducation humaniste (1632-1633). Œuvres complètes, V. Traduit, annoté et commenté par Pascale Hummel, Paris, Editions Gallimard, 2009.

Si le Syntagma de studio liberali de Gabriel Naudé est par l’intention un traité de pédagogie, il est dans le fond une somme de réflexions sur l’art de chercher la vérité et, en tant que tel, dessine un projet philosophique aboutissant à une sorte d’éclectisme naturaliste. De nombreux adversaires menacent celui qui essaie d’acquérir une bona mens. Comment dépasser les notions communes et s’élever à la pleine liberté de l’intelligence ? La réponse, multiple, fait tout l’intérêt du Traité sur l’éducation humaniste. Atypique et inclassable, cet ouvrage mérite le détour pour ses imperfections mêmes et sa singularité proprement sui generis. Gabriel Naudé (1600-1653), connu pour avoir été le bibliothécaire du cardinal de Bagni en Italie et du cardinal Mazarin en France, fait partie du groupe des « libertins érudits » mis en lumière par René Pintard en 1943. Il est aussi l’auteur d’une œuvre originale et diversifiée qui intéresse l’ensemble du premier XVIIe siècle, tant Naudé était lié à un grand nombre d’acteurs importants de la République des lettres. Il n’a jamais bénéficié pourtant d’une édition critique intégrale. C’est cette lacune que vient combler un groupe de travail international réuni au sein de l’Institut d’histoire de la pensée classique du CNRS (UMR 5037, ENS-LSH, Lyon), qui publiera sur dix ans une quinzaine de volumes.

Divers

Appel à projet ANR Les appels à projets ANR 2010 pour les programmes "Blanc" et "Jeunes chercheuses et jeunes chercheurs" sont ouverts. La date de clôture est fixée au 12 janvier 2010. Les formulaires seront disponibles à compter du 16 novembre prochain. Le texte des appels à projets est à télécharger via le lien ci-dessous : http://www.agence-nationale-recherche.fr/AAPProjetsOuverts  

Appel PEPS 2010 " Projets Exploratoires / Premier Soutien" L’INstitut des Sciences Humaines et Sociales (INSHS) lance à partir du 19 octobre le nouvel appel ouvert à Projet Exploratoire/Premier Soutien (PEPS) pour l’année 2010. Vous pouvez vous porter candidat dès à présent, cela jusqu’au 30 avril 2010 inclus. http://www.cnrs.fr/inshs/recherche/peps/PEPS.htm