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413 ( N o 55 ) LETTRE PASTORALE Sl'U I,K PURGATOIRE NOS TRKS Cil ERS FRKKKS, L'an 1949 aura vu l'arrivée (1rs Religieuses Auxiliatri- ces du Purgatoire dans notre chère ville de Granhy. Aussi, quel ne fut pas notre bonheur d'aller bénir, en octobre der- nier, la veille de notre départ pour Rome, la première pierre du couvent destiné aux filles dévouées d'Eugénie de Sinek. en religion^ Mère Marie de la Providence. Cette Congréga- tion, bientôt centenaire et pleine de mérites, a pris nais- sance à Paris en 1856; elle a pour buts le culte à la Provi- dence et la dévotion envers les morts. Dans la vie de la fondatrice que nous venons de lire, pendant notre voyage AD LIMINA, tout est lumière, droi- ture, générosité, patience et simplicité. Dès son enfance eï sans qu'elle ait connu de deuil dans sa famille, Marie d • Smet eut toujours une dévotion extraordinaire pour le* âmes du purgatoire; c'est ainsi qu'au son du glas des tré- passés, elle interrompait tout, devenait grave durant quel- ques secondes et priait pour les âmes du purgatoire. Un jour même, elle s'arrêta au milieu de ses jeux d'enfant et dit à ses compagnes: "Savez-vous à quoi je pense? si l'une de nos amies était dans une prison de feu et qu'il nous fut possible de l'en faire sortir en disant un mot, comme nous le ferions vile!" Kl ses compagnes de se demander où elle voulait en venir. "Voilà pourtant ce qu'est le purgatoire, répondit-elle, les âmes y sont dans une prison de feu. I.e bon Dieu qui les tient enfermées ne demande de non- Mmdctncntx tir» Krtf/itrs rte Sftint-lfwcinthe. Vohtme XXII.

Lettre pastorale sur le purgatoire - liberius.net · Au jour du Seigneur, c'est-à-dire au jour de la tribulatio terre, n sur la ou au jour du jugement particulier après la mort,

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( N o 55 )

L E T T R E P A S T O R A L E

Sl'U

I , K P U R G A T O I R E

NOS TRKS Ci l ERS FRKKKS,

L ' a n 1949 aura vu l 'arr ivée (1rs Re l ig ieuses A u x i l i a t r i -

ces du Pu rga to i r e dans notre chère v i l le de G r a n h y . A u s s i ,

quel ne fut pas notre b o n h e u r d 'a l ler bénir , en octobre der­

nier, l a ve i l le de notre dépar t pou r R o m e , la p remière pierre

du couvent dest iné aux filles dévouées d ' E u g é n i e de Sinek.

en re l ig ion^ M è r e M a r i e de la P r o v i d e n c e . Ce t t e Congréga ­

tion, bientôt centenaire et p l e ine de méri tes , a pris nais­

sance à Pa r i s en 1856; e l le a pour buts l e cu l te à la P rov i ­

dence et la dévot ion envers les mor ts .

D a n s la vie de la fonda t r i ce que nous venons de l i re ,

pendant notre voyage A D L I M I N A , tout est lumière , droi­

ture, générosité, pa t ience et s impl ic i té . Dès son enfance eï

sans qu 'e l l e ait connu de deu i l dans sa f ami l l e , Mar ie d •

Smet eut toujours une dévot ion ex t raord ina i re pour le*

âmes du pu rga to i r e ; c'est a insi qu 'au son du glas des tré­

passés, el le in terrompai t tout, devenai t grave durant quel­

ques secondes et priai t pour les âmes du purgatoi re . U n

jour m ê m e , el le s'arrêta au m i l i e u de ses j e u x d'enfant et

dit à ses c o m p a g n e s : "Savez-vous à quo i j e pense? si l 'une

de nos amies était dans une prison de feu et q u ' i l nous fut

possible de l'en faire sortir en disant un mot , c o m m e nous

le ferions v i l e ! " K l ses c o m p a g n e s de se demande r o ù el le

voulait en venir . " V o i l à pourtant ce qu'est le purgatoire ,

répondit-elle, les âmes y sont dans une prison de feu. I.e

bon D i e u qui les tient enfermées ne demande de non-

Mmdctncntx tir» Krtf/itrs rte Sftint-lfwcinthe. Vohtme XXII.

bsl
http://www.liberius.net
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qu ' une pr ière pour leur ouvr i r , et cette prière, nous ne la

«lirions pas?" ' ( C e l l e qu i vécut son n o m , de M a r i e René

B a z i n , 17 ss .) .

N . T . C . F . . dan? l ' in tent ion avouée que vous pensiez fré­

q u e m m e n t aux âmes du purga to i re et que vous pr i iez pour

e l les , nous voulons considérer dans eette lettre pastorale (F)

In doctrine de F Eglise sur le purgato i re avee ses fondement*

dan? rKe r i t u r e Sa in t e et dans la T r a d i t i o n , avee aussi se*

a rguments de convenance et ses raisons théologiques . Nous

examine rons en second l ieu { J l > / V / f i f des âmes du purga*

toire% et nous verrons c o m b i e n elles souffrent d'être retar­

dées dans la vision béat i f ique et aussi ee q i f e l l e s ont à en­

durer de eette espèce de para lys ie qui les empêche de

s 'aider e l les-mêmes et que Ton appe l le la pe ine d u sens;

plus lo in , nous serons heureux de constater, ne fut-ce qu'en

passant, la pa ix qui règne dans ces Ames saintes, sûres de

leur salut et confirmées en grâce.

En f in , dans une dernière part ie , ( I I I * nous vous rap­

pel lerons votre devoir de charité envers ces âmes chères à

D i e u , et si d ignes de vos sympa th ies et de vos suffrages.

T

D O C T R I N E D E 1 / E G L I S E S U R L E P U R G A T O I R E

S e l o n la doct r ine de l 'Eg l i s e , le purga to i re est l'état et

l 'endroit où se trouvent les âmes des justes qui sont moîU

-an* avoir exp ié la pe ine tempore l le due soit aux péehé*

\ é n i e l s non remis , soil aux péchés mortels ou véniels reiui*

mai-* non expiés .

C e s âmes en état de grâce at tendent leur entrée au ciel

mais el les doivent demeure r au purgato i re tant que la jus­

tice d iv ine ne sera pas p le inement satisfaite. E l l e s acquiè­

rent progressivement ce droit d 'enlrée au c ie l , non certes,

par mér i te personnel ou satisfaction proprement dite, l.1

temps du méri te étant pa*sé. mais par l 'acceptat ion volon-

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taire de leur souffrance. T o u t e f o i s , l eur pe ine peu t l e u r

être remise grâce aux suffrages des vivants et sur tout grâce

aux méri tes des messes q u i peuven t l eu r être app l iquées .

C e s âmes souffrent l a pe ine d u f e u : te l est l ' enseigne­

ment de l ' E g l i s e dans les conc i les de L y o n ( 2 è m e ) , . d e

Trente et de F l o r e n c e .

Q u i n e voi t , i c i , c o m m e cette doct r ine de l ' E g l i s e s 'op­

pose aux e r r e m s protestantes , pa r t i cu l i è rement à cel les d e

Luther. C e l u i - c i en effet, c o m m e n ç a , en 1517, pa r n i e r l a

valeur des indu lgences , d 'où sa pré tent ion qu 'e l les ne pou­

vaient aucunemen t remet t re l a pe ine d u c a u x p é c h é s ; p l u s

tard, i l a l la j u s q u ' à d i re q u e l ' ex is tence du purga to i re n e

peut se p rouver pa r l ' E c r i t u r e Sa in te . L ' o r i g i n e de ces né­

gations se t rouve dans l ' avancé f o n d a m e n t a l de l a doc t r ine

protestante, à savoir que la fo i seule jus t i f ie , et donc , q u e

les bonnes oeuvres sont inu t i l es et m ê m e q u e la sainte me&dc

doit être abrogée , n 'é tant pas u n v ra i sacrifice. Q u i n e vo i t

que c'est du m ê m e c o u p n ie r r ad i ca l emen t toute v i e répa­

ratrice et toute ver tu sat isfactoire , c o m m e si les souffrances

des justes étaient une in ju re a u Chr i s t R é d e m p t e u r et à sa

souveraine sat isfact ion sur l a c ro ix d u G o l g o t h a .

L u t h e r ne vi t , n i ne compr i t que D i e u , cause p r emiè re

universelle, pût laisser ag i r les causes secondes. N o u s savons

bien pour tant que , lo in d ' exc lu re nos méri tes satisfactoires,

ceux d u Chr i s t nous inci tent et nous a ident à t rava i l l e r

avec L u i , pour L u i et en L u i , au salut des âmes . S a i n t P a u l ,

en effet, n'a-t-il pas écr i t : " P o r t e z l e f a rdeau les uns des

autres et vous accompl i r ez la pa ro le d u C h r i s t ? " ( G a i . V I ,

2) ; et p lus lo in , n 'ajoute-t-i l p a s : " M a i n t e n a n t , j e suis r em­

pli de j o i e en souffrant p o u r vous , et ce qu i m a n q u e a u x

souffrances du Chr i s t , j e le complè t e dans m a c h a i r p o u r

son corps q u i est l ' E g l i s e ? " Cer t e s , i l n e m a n q u e r i en a u x

souffrances m ê m e s d û Chr i s t , m a i s i l l eu r reste toutefois à

être app l iquées aux âmes .

L e conc i l e de T r e n t e c o n d a m n e encore l 'erreur de c e u x

qui affirment q u ' i l ne demeure a u c u n e ob l iga t ion de sub i r

une pe ine t empore l l e pou r les restes d u péché , n i en c e

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m o n d e , ni en l 'autre, et i l rappor te les paroles de l'Esprit-

S a i n t à son a p p u i : " R a p p e l l e - t o i que tu es tombé , repens-

toi , et re tourne à tes premières oeuvres" ( A p o e . I I , 5 ) . "La

tristesse selon D i e u p rodui t un repent i r sa lu ta i re ' 9 ( I I Cor,

X I I , 10) . "Fa i t e s p é n i t e n c e " ( M a t h . I I I , 2 ; I V , 17) . "Faite*

d e dignes fruits de p é n i t e n c e " ( M a t h . 111, 8 ) . O r , si cette

répara t ion ou sat isfaction n'est pas a c c o m p l i e ici-bas, il

f aud ra b ien , conclu t le conc i l e de T ren te , subi r la peins

sat isfaetoire au purga to i re .

A . L ' E X I S T E N C E D U P U R G A T O I R E D A N S L A

S A I N T E E C R I T U R E

O n lit dans l ' A n c i e n Tes tament , au L i v r e I I des Ma*

c h a b é e s ( X I I , 43-46), que J u d a s IVlacbabéc fit une collecte

de d e u x m i l l e d r achmes q u ' i l envoya à J é r u s a l e m pour y

f a i r e cé lébrer u n "sacrif ice e x p i a t o i r e . . . pou r les m o r t s . . .

q u i s 'étaient endormis pieusement..., pou r qu ' i ls soient

dé l ivrés de leurs p é c h é s " ; et i l a joutai t en conc lus ion : "C'est

u n e pensée sainte et sa luta i re de pr ier pour les défunts".

O n croyai t donc en Israël que les jus tes après leur mort

peuven t être aidés pa r les prières et les sacrifices des vi»

vants . O r , saint T h o m a s observe ( I V Sent , , d. 21, q. 1, a. I l ,

q u e l 'on ne doit pr ier n i p o u r les saints du c ie l , n i pour les

d a m n é s de l 'enfer , mais pour les âmes des justes du pur»

ga to i re qu i exp ien t dans les flammes leur dette à la justice

d i v i n e .

D e son côté . le N o u v e a u Tes tament nous apporte de*

preuves ina t taquables de l 'exis tence du purgatoire . C'est

d ' abord saint M a t t h i e u qui aff irme que " c e l u i qui aurt

pa r l é contre le Sa in t Espri t n 'ob t iendra son pardon, ni en

c e m o n d e , n i en l ' au t re" ; ces paroles donnent à entendre

c l a i r emen t que cer tains péchés peuvent être remis après la

m o r t ; i l ne peut toutefois être quest ion i c i , évidemment , de

péchés morte ls j a m a i s pardonnes , mais de péchés véniel**

o u encore de péchés mor te l s déjà remis , ma i s non expiés.

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A u reste, ce texte s ' i l l umine par ce lu i de saint P a u l

{I Cor . , I I I , 10-15), o ù p lus ieurs Pères de l ' E g l i s e c o m m e

Origène, saint Bas i l e , saint C y r i l l e de J é r u s a l e m , saint J é ­

rôme, saint A m b r o i s e , saint A u g u s t i n et saint G r é g o i r e

voient une a l lus ion mani fes te au feu du purga to i re : " V o u *

ctcs le t emple de D i e u fondé sur le C h r i s t J é s u s . . . s ' i l est

construit avec de l 'or et de l 'argent , avec des pierres pré­

cieuses, du bois , du fo in , de l 'é toupe, l 'oeuvre de c h a c u n

sera manifes te , car le Se igneu r , en son j o u r , la fera con­

naître; e l le sera révélée dans le feu qu i prouvera ce que

vaut l 'oeuvre de c h a c u n . S i le t rava i l construi t résiste, l 'ou­

vrier recevra sa récompense , mais si son oeuvre est consu­

mée (pa r t i e l l emen t ) , i l perdra (pour autant ) sa récom­

pense; i l sera toutefois sauvé, mais en passant par le f e u ' \

L e fidèle sera donc sauvé s'il reste un i au Chr i s t , fon­

dement de rédif iec , et le sera m ê m e si des ma té r i aux fragi­

les comme le bois , le fo in , l ' é toupe sont dévorés par le feu.

Le bois, le fo in , l ' é toupe peuven t représenter i c i les bonno>

oeuvres faites par van i té , l e b i e n a c c o m p l i pour se faire

valoir, au moins par t ie l l ement , l ' oppos i t ion a u x adversaires

plus qu ' au m a l , la défense de soi -même plus que de la

vérité.

Dans Fédifice spi r i tuel construi t sur l e Chr i s t , on com­

pare donc, nous dit saint T h o m a s , les bonnes oeuvres à For ,

à l'argent, a u x pierres préc ieuses ; les péchés véniels sont,

de leur côté , c o m m e le bo i s , le fo in , l a pa i l l e . A u j o u r du

Seigneur, c'est-à-dire au j o u r de la t r ibu la t ion sur la terre,

ou au j o u r d u jugement par t i cu l ie r après la mort , le S r i -

gneur juge ra de la va leur de nos oeuvres d 'après ce qui en

restera de bon .

L a doct r ine ca tho l ique sur le purga to i re t rouve donc,

on le voit, un sol ide a p p u i dans ce texte de saint P a u l . R e ­

tenez, N . T . C . F . , q u ' i l y a des péchés , pas assez graves certes

pour fermer le c ie l , n i pou r ouvr i r l 'enfer , et q u i doivent

etre expiés -*oit ici-bas, soit au purga to i re , par u n chât i -

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mont p ropor t ionné . T e l l e est aussi la conc lus ion commune

de commenta t eu r s des Ec r i t u r e s saintes et des PèVès de

l ' E g l i s e .

B . L ' E X I S T E N C E D U P U R G A T O I R E S E L O N

L A T R A D I T I O N

L e d e u x i è m e fondemen t de la c royance au purgatoire,

N . T . C . F . , se t rouve dans l a T r a d i t i o n .

E l l e s 'affirme p lus o u m o i n s imp l i c i t emen t durant le»

qua t re p remiers siècles de l ' E g l i s e par la p ra t ique univer­

sel le de prières et de sacrifices offerts pou r les défunts.

T e r t u l l i e n nous pa r l e , en effet, d 'offrandes faites pour

les défunts a u p remie r anniversa i re après la mort . Saint

E p h r e m , saint C y r i l l e d ' A l e x a n d r i e , saint E p i p h a n e et saint

J e a n C h r y s o s t o m e cro ien t a u secours des prières aux inten­

t ions des défunts.

L e s inscr ip t ions des ca t acombes romaines qne nous

avons relues avec émo t ion , e n ces derniers temps, viennent

confirmer* de l eu r côté , l a c royance universe l le aux souf*

frances du purga to i re et au sou lagement que la prière peut

l eu r appor t e r ; on y l i t souvent , entre autres, cette tou­

chan te s u p p l i c a t i o n : " Q u e D i e u donne l u m i è r e et rafraî­

chissement à ton espri t" .

Aprè s le q u a t r i è m e s ièc le , les Pères de l ' E g l i s e parlent

exp l i c i t emen t du purga to i re et de la pe ine du feu qiï 'y su­

bissent les âmes des justes pour leurs fautes insuffisamment

expiées sur terre. I l s p roc l amen t très net tement les quatre

véri tés fondamenta le s re lat ives au purga to i re , à savoir:

après la mor t , i l n'est p l u s poss ible de mér i te r ou de dé­

m é r i t e r : le purga to i re exis te et les âmes des justes qui ont

encore q u e l q u e chose à e x p i e r y subissent des peines tem­

pore l l e s ; ces m ê m e s âmes peuvent être soulagées par le*

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prières des vivants et, spéc ia lement , pa r le saint sacrifice de

la messe; enfin, le pu rga to i r e prendra fin au j o u r du j u g e ­

ment universel .

P l u s tard, les conci les de L y o n , de F l o r e n c e et de

Trente proposeront déf in i t ivement la doct r ine de l ' E g l i s e sur

le purgatoi re .

I c i , nous ne pouvons nous e m p ê c h e r d ' admire r le pro­

cédé ord ina i re , très sage, su iv i par l ' E g l i s e , q u i fai t passer

d'un concept confus à une idée dis t incte de la doct r ine .

Ainsi les saints de tous les t emps et b e a u c o u p de fidèles de

tous les âges, sans avoi r e u toujours une idée très net te

d'une si be l l e doc t r ine , e n o n t toutefois v é c u e n p ro fondeur

les ineffables réal i tés , et i ls e n ont aussi a c c o m p l i les b ien­

faisantes réali tés. I l s n 'ont certes pas toujours eu l ' avantage

de se consacrer à l 'é tude q u i donne des idées l imp ides sur

la donnée révélée, ma i s , après avoi r méd i t é dans leur â m e ,

ils ont ressenti p ro fondémen t dans l eu r coeur les idées de

péché, de pe ine due au p é c h é , de repent i r , de sat isfact ion

complète, de j u g e m e n t et de pu rga to i r e ; et vo i l à p o u r q u o i

ils ont toujours pr ié avec tant de ferveur p o u r l e soulage­

ment des âmes d u purga to i r e , et c'est à l a m ê m e fin q u ' i U

ont offert de si durs sacr i f ices; nous avons l à u n e x e m p l e

de la science des saints, l a p l u s impor tan te , ce l le q u i comp te

pour Téterni té .

A leur e x e m p l e , soyez prêts à souffrir i c i -bas ; adonnez-

vous à une prière fidèle, af in d 'obteni r vous-mêmes la v ie

éternelle sans passer par l e f e u d u purga to i re , o u du mo ins ,

afin d 'en abréger les peines terribles. A cet effet, rappelez-

vous souvent q u e la souffrance d u purga to i re dépasse en

cruauté tout ce q u i peut se t rouver de p lus p é n i b l e sur l a

terre.

Arguments de convenance et raisons théologiques

E t vo ic i que ma in tenan t , N . T . C . F . , les raisons de con*

venaiice v iennent écla i rer l a doct r ine de l ' E g l i s e sur le pur­

gatoire. Ce l l e s -c i ne reposent q u e sur les lumiè res de la

raison: les raisons théo log iques , el les, t i rent leur force pro-

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hante du rayonnement de la révé la t ion d iv ine . L'argument

de convenance , accessible m ê m e aux incrédules , fait penser

à l ' ac t ion de ceux q u i regardera ient une verr ière de cathé­

dra le , de l ' extér ieur , i ls n ' y verraient que les grandes lignes

«les personnages qu i y sont pe in t s ; l ' a rgument théologique,

au cont ra i re , permet de voi r , de l ' in tér ieur de l 'égl ise , dans

une lumière convenab le , j u s q u ' a u x détai ls de la peinture;

vo i r de l ' extér ieur , c'est considérer u n point de doctrine

sous le seul phare de la r a i son ; voi r de l ' intér ieur , c'est con­

temple r sous la l u m i è r e sereine de la f o i : sub sprrio aefer-

nitatis.

L a raison peut donc t rouver e l le -même des mot i fs de

convenance p o u r cro i re à l ' exis tence d u pu rga to i r e : or, ses

p r i n c i p a u x mot i f s sont la jus t i ce et la sagesse de D i e u , de

m ê m e que le beso in de conso la t ion pour les survivants et

pour les trépassés.

E t d ' abord , la jus t ice lésée demande une réparation,

ma i s cette répara t ion , si e l le n'est pas fa î te pendan t la vie,

doit l 'être après la mort . P a r contre , on l ' admet facilement,

eette répara t ion doit être, p o u r ce lu i qui est mort dans l'in­

jus t ice sans repent i r , tout autre que pour le jus te qu i est

décédé avant d 'avoir eu le temps de payer toute sa dette

due au péché . I l doit donc exister u n endroi t où Ton expie

ce q u i m a n q u e à la j u s t i c e ; et ce l ieu , c'est le purgatoire;

tout c o m m e i l existe u n endroi t qu 'on appe l l e l 'enfer et qui

est dest iné à c e u x q u i sont mor ts dans l ' impén i t ence finale.

D e p lus , N . T . C . F . , le d o g m e du purga to i re est p le in de

sagesse et de consola t ions . I I nous donne , en effet, une haute

idée de la sainteté de D i e u , car r ien de soui l lé , r ien de con­

taminé ne peut demeure r devant l u i ; le d o g m e du purga­

toire fortifie d o n c en nous le sens de la jus t ice en mani­

festant le désordre souvent insoupçonné des fautes véniel les

et i l nous fait penser à le cor r iger dès ici-bas.

En f in , la c royance au purga to i re appor te de précieuses

consola t ions à ceux que la mort a séparés pour un temps,

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mais que cont inuent d 'un i r toutefois les re la t ions de prie*

res, l ' app l ica t ion des indu lgences et l e par tage des mér i tes

satisfactoires, surtout ceux d e l a messe.

A la vér i té , nous en t revoyons ic i u n aspect fort conso­

lant de la c o m m u n i o n des saints , et nous t rouvons dans ce t

heureux c o m m e r c e avec les âmes ce q u ' i l faut pour adoù 1-

rir la dou leur de la sépara t ion et pou r ca lmer , en m ê m e

temps, la souffrance des trépassés.

L e d o g m e d u purga to i re a donc son fondement dans

l 'Ecriture Sa in t e et dans la T r a d i t i o n , mais i l peut a u s i

ne déduire des vérités révélées p lus généra les ; c'est ce q u e

l'on appe l l e : les raisons théo log iques .

O r , saint T h o m a s ( C o m m e n t , des Sentences , L . I V , dist.

21 et suivantes) donne p lus ieurs raisons théo log iques dè

l'existence du purga to i re .

L a jus t i ce d iv ine ex ige sa t i s fac t ion ; or, i l peut ar r iver

que la mor t surprenne u n ju s t e à q u i i l reste encore à ex­

pier des pe ines tempore l les o n des péchés véniels n o n r e m i s ;

ce sont des retardataires , o u encore des débi teurs d ' inté­

rêts, le cap i t a l étant soldé. L a jus t i ce d iv ine a t rouvé l e

moyen de les purif ier de ces taches en les faisant passer

par le feu d u pu rga to i r e ; p a r cette pe ine t empore l l e , i l»

peuvent donc remet t re les restes d u péché .

Ce t te raison théo log ique , fondée sur la nécessité de la

satisfaction, est démonst ra t ive , et e l le ru ine , à e l le seu le ,

dans son fondement , la p ré ten t ion protestante qu i n ie l ' ex is ­

tence d u purgato i re .

Ce t t e raison t h é o l o g i q u e est, en effet, appuyée sur p lu ­

sieurs aff i rmations de l ' E c r i t u r e sainte .

N e lit-on pas, en effet, au l iv re de l a Sagesse ( L 1 ) , q u e

"Dieu retira A d a m de son p é c h é " , ma i s q u e le p r emie r

homme dut néanmoins con t inue r à "cu l t ive r la terre à l à

sueur de son f ront" ( G e n . , I I I , 17 ) ; ne l i t-on pas encore ,

cette fois au l iv re des N o m b r e s ( X X , 11) , que M o ï s e , e n

punition d 'une faute pour tant pa rdonnée , n 'entra pas dans

la terre p romise ; enfin, D a v i d , repentant et pa rdonné , fut

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toutefois pun i de son adul tè re par la mort de son fils (H

R o i s , X I I , 1 4 ) : le pa rdon de la faute n ' en lève donc pas né*

cessa i remcnt toute la pe ine tempore l le q u i l u i est due.

N o t r e S e i g n e u r l u i -même , et les apôtres à sa suite, ont

tou jours p rêché la nécessité de la péni tence et des oeuvre*

sat isfactoires pour exp ie r fies péchés déjà remis . Saint Paul»

e n par t i cu l ie r , ne nous parle-t-il pas de " fa t igues , de veille*

et de j e û n e s " ? ( I I C o r . , V ) toutes choses que l 'Egl ise qua»

l i f ie de d ignes fruits de péni tence , selon l 'expression de saint

J e a n - B a p t i s t e ( M a t h . , I I I , 8 l .

D e p lus , l 'Ec r i t u re Sa in t e redit assez souvent que Tau*

m ô n e efface la pe ine due au p é c h é ; or, ces oeuvres satis­

factoires sont en m ê m e temps mér i to i res ; el les présupposent

d o n c l 'état de grâce, i .e . la rémission des péchés chei

c e l u i (1) qui les accompl i t ( I . C o r . , X I I I , 3 ) ; i l ne suffit

d o n c pas de se repent i r et de cesser de pécher , mais i l faut

encore accepter vo lon ta i rement une pe ine compensatrice

q u i a p o u r effet de ré tab l i r l 'ordre de la jus t i ce violée.

M a i s , ob jec ten t les protestants , l e Chr i s t Rédempteur i

satisfait s u r a b o n d a m m e n t pour toutes nos fau tes : et alori*

qu 'es t - i l besoin de r épa ra t i on? L a réponse traditionnelle et

ob j ec t i ve est b ien c o n n u e : les méri tes satisfactoires du

C h r i s t sont certes suffisants en eux-mêmes pou r racheter

l ' h u m a n i t é ent ière , ma i s , pou r deveni r efficaces dans 1«

âmes , i l faut de toute nécessité qu ' i l s leur soient appliqués*

le réservoir des grâces rédemptr ices est sans aucun doute

su rabondan t , ma i s si ses e a u x ne parv iennent pas aux âuics

c o m m e n t pourront-el les être lavées, fortifiées et sauvées•

L e s méri tes du Chr i s t doivent donc être app l iqués aux amw

p a r les c a n a u x de la grâce que sont les sacrements, et en

par t i cu l i e r , pa r le sacrement de péni tence dont fait partie

(1) U n pécheur pent-il mériter pour le* âmes du purgatoire? L'ctst de grâce, nécessaire pour mériter pour soi-même, ne Test ptt, du moins de façon certaine, pour mériter pour les âmes du pur* gatoire; le canon 923, par. I , l'insinue, et la Congrégation foi Indulgences n'a pa< voulu dirimer la controverse à ce sujet.

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la sat isfaction. A u reste, la cause p remière d u salut , le Chr i s t ,

loin de rendre inut i les les causes secondes, leur donne l eu r

efficacité et l eu r d ign i t é souvera ines .

L e s taches ou les restes d u péché doivent donc être

purifiés, soit ici-bas, pa r u n e exp i a t i on mér i to i re , soit a u

purgatoire p a r - u n e souffrance sans p a r e i l l e ; a ins i purif iées,

ces âmes pourront , un j o u r , être admises à la v is ion des

b ienheureux au c ie l .

Souha i tons , N . T . C . F . , q u e vous compren iez toutes ces

vérités et que vous en profi t iez pour le p lus g rand b i en de*

âmes d u purga to i re , et p o u r votre condu i t e personnel le .

I I

L ' E T A T D E S A M E S D U P U R G A T O I R E

N . T . C . F . , nous venons de voi r q u e le purga to i re exis te ,

et que la doct r ine de l ' E g l i s e , sur ce poin t , est fondée soli­

dement sur l 'Ec r i t u re a ins i q u e sur des raisons théo log iques

et sur des a rguments de c o n v e n a n c e : i l n ' en faut pas p lus

pûur affermir not re c royance au purga to i re .

L e m o m e n t est ma in t enan t venu* N . T . C . F , , de considé­

rer l 'état des âmes retenues dans les flammes du purga to i re .

N o u s pouvons caractér iser b r ièvement l a c o n d i t i o n de

ces pauvres â m e s : ce sont des retardataires, o u si vous le

voulez, ce sont des paralytiques; toutefois , nous nous em­

pressons d 'a jouter , p o u r t radu i re l eu r sent iment p rédomi ­

nant de conf i ance : e l les sont cer ta ines de l eu r salut , p lus

que ce la , e l les sont conf i rmées en grâce .

E t d ' abord , les âmes d u purga to i re souffrent d'être

retardées, à la por te d u c i e l , de la jou i ssance de la v is ion

béatifique. C e retard cons t i tue une pe ine très c rue l le pour

ces âmes séparées de leur corps , car el les ont ent revu en

quelque sorte le b o n h e u r d u c i e l , au m o m e n t de leur j u g e ­

ment.

E t cette sépara t ion a b e a u être provisoi re , e l le est

quand m ê m e le p r inc ipa l de leur tourment . N 'es t - i l pas

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vrai , on effet, q u ' o n souffre d 'autant p lus de la pr ivat ion

d 'un b ien q u ' o n le désire p lus a r d e m m e n t : or, l ' âme du

jus te a un désir très intense de posséder D i e u . D e , p l u s , ce

désir de D i e u n'est p lus re tenu, nous venons de le d i re , par

le po ids d u corps , n i par les occupa t ions et les distractions

de la terre. L e t emps serait no rma lemen t venu pour elles

de j o u i r de D i e u , et le progrès dans la vertu aurai t d û les

préparer ici-bas à ce b o n h e u r de là -haut : et vo i l à que ce

retard m a l h e u r e u x les fait souffrir au m i l i e u des flammes.

Cons ta tez vous-mêmes c o m m e n t , ici-bas. l 'at tente d 'une per*

sonne a imée peut causer d ' inqu ié tudes «le toutes sortes, sur­

tout si u n retard p ro longé laisse deviner un m a l h e u r ; ima­

ginez encore ce q u e la f a i m et surtout la soif peuvent faire

souffrir au soldat blessé o u au pr isonnier e x t é n u é ; d'au»

tant p lus que . dans Tordre spi r i tue l , la f a i m et la soif de

D i e u deviennent des tourments sans compara i son pour

l ' âme re tenue dans le feu du purgato i re .

C e s âmes saintes ressentent, pa r a i l leurs , et combien

v ivement , l eu r pauvre té et l eur impuissance . V o u s aurez

ainsi compr i s , q u e l q u e peu d u moins , ce suppl ice de Tan*

taie a u q u e l e l les sont soumises : être tout près de la source

d u b o n h e u r et ne pas p o u v o i r y é tancher sa soif ; être, en

q u e l q u e sorte, ba l lo t tées entre la j o i e du cie l ent revu et la

pe ine du feu v e n g e u r ; ne se passe-t-il pas en el les que lque

chose q u i fait penser au p h é n o m è n e b ien c o n n u du flux et

du reflux de la m e r q u i tantôt s 'avance, tantôt se recule ,

sans a t te indre le n iveau supér ieur dés i ré : d 'une part , elles

sont for tement at t irées vers D i e u , et d 'autre part , e l les en

restent é lo ignées , retenues qu 'e l les sont par des l iens qui

sont les restes du péché .

N o u s pouvons m ê m e a jouter que cette pe ine , causée

par l 'a t tente du c i e l , est p lus douloureuse dans son genre

que les peines tempore l les d ' ic i -bas . c o m m e le p rouve la

raison appuyée sur la fo i , et c o m m e le conf i rme la Tradi--

t ion de l 'Eg l i s e . E n f i n , nous pouvons croire que le purgo^

toire est m o i n s d u r o u p lus court pour les âmes q u i n'ont

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péché q u e pa r fa ib lesse ; m a i s c o m b i e n i l doit être dur o u

long pou r les âmes q u i ont p é c h é e n p l e ine l umiè re et q u i

ont ainsi n é g l i g é ou gaspi l lé à l ongueu r de mois et d 'années

les fruits de la R é d e m p t i o n .

Tou te fo i s , cette p r iva t ion de D i e u est adouc ie et sou­

lagée g randement p a r l a b i enheureuse espérance de possé­

der D i e u u n j o u r ; de l à j a i l l i t cette j o i e i nd i c ib l e q u i va

en s 'accroissant à mesure q u e s 'approche la fin de l ' ex i l .

N o u s en conc luons , N . T . C . F . , que les âmes du purga­

toire fo rment v ra imen t l ' E g l i s e souffrante, et nous proc la­

mons qu 'e l les mér i tent b i e n toutes nos sympath ies .

L e s âmes d u purga to i re souffrent aussi la pe ine d u

sens, qui n'est autre q u e ce l l e d u f e u ; et ce feu en est u n

réel, se lon r ense ignemen t d u conc i l e de F l o r e n c e , et m ê m e

très p robab lemen t , i l s 'agit ic i d 'un feu corpore l , c o m m e

celui de l 'enfer . C 'es t , croi t -on, u n e substance corpore l le ,

produi te par des v ibra t ions mol l écu la i r e s et q u i donne la

sensation d 'une b r û l u r e ; et c e f eu ag i t sur l ' â m e , n o n certes

par sa p ropre ver tu , m a i s c o m m e u n ins t rument de la jus ­

tice d iv ine , u n peu c o m m e l ' eau d u b a p t ê m e produi t , sous

l ' influence d iv ine , la grâce dans l ' â m e d u bapt isé . C e feu

vengeur reste toutefois mys té r i eux dans son m o d e d 'agir .

E t saint T h o m a s , dans sa c la r té gén ia le , l u i a t t r ibue l'effet

d'un l i en q u i e m p ê c h e l ' â m e d 'agi r c o m m e e l l e le voudra i t ,

et q u i l u i inf l ige e n m ê m e t emps l ' h u m i l i a t i o n de dépendre

jusque l à d 'une créature ma té r i e l l e (Con t r a G e n t e s , L . I V ,

c. 90 ) ; cette souffrance n 'est pas sans ana log ie avec ce l le

qu 'endure le pa ra ly t i que q u i ne peut , dans son corps , exé­

cuter les mouvemen t s q u e sa tête c o m m a n d e . Tou te fo i s ,

ces peines purif ient la v o l o n t é de tout égo ïsme et la débar­

rassent d e toute recherche d ' e l l e -même.

Q u e si l ' on nous d e m a n d e main tenan t o ù se t rouve

localisé l e purga to i re , nous devons avouer que la Révé l a ­

tion n'est pas suff isamment exp l i c i t e sur ce point précis

pour q u e nous e n ar r iv ions à une dé te rmina t ion cer ta ine .

C'est d u reste u n point tout à fait secondaire .

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P a r a i l leurs , nous pouvons aff irmer q u e les souffrances

d u purga to i re d iminuen t à mesure q u e disparaî t l a peine

due au p é c h é ; ma i s nous pouvons croi re aussi qu 'e l les peu­

vent augmen te r selon Yintensité et l ' a rdeur d u désir de

vo i r D i e u , u n peu connue la f a im d i m i n u e en mangeant ,

et c o m m e la soif devient insuppor tab le e n se prolongeant .

N o u s savons encore , par p lus ieurs déc lara t ions de l 'Egl ise ,

que le purga to i re existera j u s q u ' a u j u g e m e n t généra l , alors

q u e le n o m b r e des élus sera complé té . M a i s si l ' on veut

savoir que l l e est la durée des peines d u purga to i re pour

une âme en par t i cu l ie r , i l faut se contenter de la réponse

de saint T h o m a s ( I V Sentences , d. 21, q. 1, a. 3 ) , à savoir;

q u e la pe ine durera p lus long temps o u sera p lus intense

selon q u e l ' ex igera l ' e x p i a t i o n : car , selon le D o c t e u r Angé­

l i q u e , la durée de la pe ine est p ropor t ionne l l e à la profon-

deur (Tenracinement de la faute , tandis que la rigueur de

la pe ine correspondra à la gravité de la f a u t e ; a ins i donc,

i l peut fort b i e n arr iver q u ' u n e â m e demeure p lus long­

temps dans les flammes et y soit m o i n s tourmentée , alors

q u ' u n e aut re pour ra y rester mo ins long temps , ma i s y être

p lus in tensément t o u r m e n t é e ; u n peu c o m m e le prisonnier

à long t e rme et l e c o n d a m n é à une mor t p rocha ine .

Et si Ton insiste, c o m m e cela se fait parfois , pour es­

sayer d 'en conc lu re que la durée des souffrances ne doit

pas être longue , pu i sque les suffrages de l 'Eg l i s e sont si effi­

caces , on va m ê m e , dans ce d o m a i n e , j u s q u ' à pré tendre que

les âmes ne devraient a insi demeure r dans le f eu d u pur­

gatoire p lus de d i x o u de vingt ans . q u e l 'on sache bien

q u e les théo log iens en généra l se p rononcen t pou r une très

longue durée , et repoussent presque unan imen t l 'opinion

rappor tée p récédemment , e n laissant en tendre q u ' i l est pos­

sible qu ' une â m e se convert isse à l 'ar t icle de la mort , sans

avo i r pu exp ie r une vie de désordres, et qu ' e l l e reste très

long temps au purga to i re , trois, qua t re siècles et m ê m e plus,

selon cer ta ines révéla t ions .

E n pra t ique , retenons. N . T . C . F . , c o m b i e n il est pru­

dent de toujours pr ie r p o u r les âme* d u pu rga to i r e ; rete-

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lions encore c o m b i e n i l serait c rue l de "'"cesser t rop tôt" "de

les secour i r , sous pré tex te q u e c e u x q u i nous ont qu i t tés

étaient d u si bon monde; avec u n e te l le témér i té , on n 'ar­

riverait qu ' à les laisser se débat t re encore l ong temps dans

cet é tang de f eu qu'est l e pu rga to i r e , alors que nous avons

à notre d isposi t ion les m o y e n s de les en sortir.

Empressons-nous ma in t enan t de d i re q u e les âmes d u

purgatoire sont assurées de leur salut, a u m o m e n t de l e u r

jugement pa r t i cu l i e r : i c i , que l l e faveur ins igne et q u e l l e

source de conso la t ion ! S u r la terre, n u l ne peut , sans u n e

révélat ion par t icu l iè re , être sûr de son sa lu t ; nous en cu l ­

tivons certes la fe rme espérance , basée sur la puissance et

la misér icorde de D i e u ; m a i s nous n ' avons que l 'espérance

du coureur t endan t vers l e b u t : tandis que les âmes d u

purgatoire ont la cer t i tude d u te rme a u q u e l el les arr ive­

ront sûrement , après une at tente p lus ou m o i n s l ongue dans

cet endroi t de souffrance o ù el les a iment D i e u sans le vo i r .

D e p lus , ces saintes âmes sont confirmées en grâce, c'est-

à-dire que , fixées dans l e b i e n , el les ne peuvent p lus p é c h e r ;

et ce p r iv i l ège , ob tenu avant la v is ion béat i f ique, e l les l e

doivent à u n e protec t ion spécia le de D i e u , selon Sua rez .

Auss i l eu r p a i x est-elle ina l t é rab le , et n u l l e ne peut lu i ê tre

supérieure, s inon cel le des saints du c ie l . D e p lus , l eu r b o n ­

heur a u g m e n t e à mesure o ù disparaî t de leur â m e la rou i l l e

du péché .

M a i s ce q u i est encore p lus b e a u dans ces âmes , c'est

l 'offrande généreuse de leurs souffrances en s igne d 'adora­

t ion de D i e u et de soumiss ion à sa vo lon té d iv ine ( S . T h o ­

mas , S u p p l . D u Purga to i r e , a. 4. 7. 8.) . C e s âmes appréc ien t

m i e u x que j a m a i s la va leur inf in ie de la r édempt ion , c e l l e

de la messe et ce l le des sac rement s ; e l les es t iment profon­

dément le trésor qu'est la possession de D i e u , et c'est avec

des désirs très ardents qu ' e l l e s a t tendent les b ienfa i ts inap­

préciables d 'une messe cé lébrée p o u r e l les , pa r e x e m p l e , à

l 'occasion de l ' anniversa i re de l eu r mor t , de leur naissance ,

o u encore au j o u r d 'une fête de f a m i l l e ou de paroisse. E n

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conséquence , c o m m e i ls sont b i en inspirés c e u x q u i offrent

a ins i a u x âmes de leurs parents ou amis défunts le cadeau

d 'une messe, le b ienfa i t d 'une pr iè re et la r ichesse des in­

du lgences .

D e tout ce que nous venons d 'exposer , N . T . C . F . , voua

pourrez conc lu re avee nous qu ' au purga to i re i l n 'y a ni

anxié té , ni horreur , ni i m p a t i e n c e : ma i s , au contrai re , unr*

pa ix ina l t é rab le et une vo lon té de p lus e n p l u s t endue vers .

D i e u : vo i l à le côté consolant et n o b l e de la v ie des âmes

au purga to i re .

R e t e n e z b ien toutefois , N . T . C . F . , que la v i e de ces âmes

compor te des souffrances i n d i c i b l e s ; faites m i e u x : soulagez-

les pa r des prières f réquentes , des c h e m i n s de c ro ix affec­

tueux , des messes nombreuses et des c o m m u n i o n s ferventes.

Par-dessus tout, et m a l g r é tout, v ivez vous-mêmes en pro­

gressant n o r m a l e m e n t dans les voies de la sainteté , comme

vous devez le faire tous les jours de votre v i e ; a insi vous

p la i rez à D i e u et vous ferez avec mér i te votre purgato i re sur

la t e r re : en conséquence , vous n 'aurez pas à être purifiés

après votre mor t dans les f l ammes du pu rga to i r e : ce q u i est

u n tourment te r r ib le dont nous avons une pâ le image, en

regardant ce q u i se passe dans les hauts - fourneaux de nos

usines o ù Ton sépare de ses scories l 'or de nos mines . C'est

à pe ine si Ton peut s ' approcher à q u e l q u e d is tance de ces

foyers de combus t ion , d 'une intensi té insoupçonnée de la

p lupar t des gens. E n f i n , descendez pendant votre vie au

purga to i re , pa r la réf lexion, et vous n 'aurez pas à y séjour­

ner après votre mort .

I I I

N O T R E D E V O I R E N V E R S L E S A M E S D U

P U R G A T O I R E

N . T . C . F . , notre devo i r envers les âmes d u purgatoire

consiste, en un mot , à leur être cha r i t ab le . T o u s les fidèles,

unis dans la char i té du C h r i s t , ne sont-ils pas les membres

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d'un seul corps , le C h r i s t ? O r , dans u n organ isme b i e n

constitué, c h a q u e m e m b r e doi t a ider son semblab le . N o u s

devons donc a imer les âmes d u purga to i re , ce q u i veut d i re

que nous devons les secourir , d 'autant p lus qu 'e l les ne peu­

vent pas le faire par e l les-mêmes. E n les a idant , nous som­

mes sûrs qu 'e l les seront dél ivrées , et r ien ne sera perdu il»

ce q u e nous aurons fait pou r el les .

A u reste, pouvons-nous faire une ac t ion p lus ag réab le

à D i e u que de lu i donner des âmes q u ' i l a t t i re à lu i et q u i

sont faites pou r l u i ; et pouvons-nous faire à ces mêmes âmes

un don plus p réc ieux que de les a ider à entrer dans la

bienheureuse é te rn i té? Rappe lons -nous encore , pour nou*

encourager à la générosité envers ces saintes âmes , que dans

la mesure o ù s 'accroît not re char i té pour el les , s 'accroît

aussi sûrement , b ien qu ' acc iden te l l emen t , la j o i e de No t re

Seigneur , de sa sainte M è r e et de tous les saints.

L e s moyens d 'exercer cette char i té sont vos prières,

vos oeuvres satisfactoires. vos aumônes , le ga in des indu l ­

gences, et, par-dessus tout, l 'offrande d u saint sacrifice d»*

la messe. L ' E g l i s e vous e n donne l ' e x e m p l e , e l le q u i vous

rappelle si fidèlement, à la messe, le souvenir émouvan t

de vos chers défunts , e l le q u i ouvre si l a rgement le trésor

des méri tes d u Chr i s t et des saints, e l le q u i vous permet de

prendre dans la réserve de ses indu lgences cel les q u i peu­

vent s ' appl iquer à vos chers disparus . U s e z donc f réquem­

ment de ces moyens de sou lagement et de salut.

I c i , vous pouvez sans dou te vous demande r que l est sur

les âmes d u purga to i re l 'effet sat isfactoire de la messe ;

retenez ce que saint T h o m a s , sur la fin de sa v i e , enseigne

à ce sujet ( S o m m e , I I I , q. 79, a. 5 ) : " B i e n que l 'offrande

du saint sacrifice, di t - i l , suffise, par sa va l eu r propre , à effa­

cer toute la pe ine due a u p é c h é , e l l e n 'a d'effet toutefois

que dans la mesure de la dévo t ion de ceux q u i offrent la

messe et de ceux pour q u i e l l e est offerte". E t eette mesure

de dévot ion , en ce q u i regarde les âmes du purgato i re , c*t

celle qu 'e l les avaient à l ' heure de l eu r mort . Sa in t T h o m a s

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J V met 4onr pa* d 'autre l i m i t e aux effet* satisiactoires de

la m****'. E t , «if m+m+ q u ' u n e *enie m e « ^ parois*iaIe offerte

p o u r tous le? fidèle* d 'une paroisse nombreuse est, on l'ad*

met généra lement , aussi avantageuse pou r c h a c u n , selon le

degré de dévo t ion , que s ' il s'agissait de que lques rares fidè­

les assistant à l eu r p ropre messe paro iss ia le ; a insi l a partie

sat isfactoire de la messe profite à toutes les âmes du pur­

gato i re , dans l a mesure d e leur dévot ion , qu ' e l l e s soient

l ég ion ou peu nombreuses . L e solei l n 'éclaire-t- i l pas, suc

l a p lace p u b l i q u e , aussi b i e n m i l l e personnes q u ' u n e seule?

P a r l a sainte messe, fai tes donc descendre sur les âmes

d u purga to i re les flots d u S a n g très p réc ieux de N o t r e Sei­

gneur , et hâ tez ainsi le j o u r de la dé l iv rance de ces amies

de D i e u . E n conséquence , fai te* souvent cé lébrer l a messe

p o u r les âmes d u purga to i r e , par t icu l iè rement pou r les plus

a b a n d o n n é e s : assurez à vos défunts les messes l i turgiques

d u sept ième, d u d i x i è m e , d u t rent ième j o u r s et des anni­

versaires de la mor t . E t si vous ne pouvez pas faire dire

b i e n des messes p o u r vos défunts , faites-en dire au moins

quelques-unes , assurés q u e vous n e pouvez fa i re m i e u x pour

el les . C e q u e , d u m o i n s , vous ne nég l ige rez pas de faire pour

e l les , ce sera d'assister souvent à la messe. E n cer tains jours

de fê te , de leur fête à e l l es , gagnez pou r e l les les indulgen­

ces si précieuses mises à leur disposi t ion p a r l a .sainte

E g l i s e ; puisez-y a b o n d a m m e n t ; la char i té vous e n fai t un

devoir .

A i d e z encore ces pauvres âmes par vos actes de vertu

q u o t i d i e n n e ; à leur in ten t ion , m u l t i p l i e z les signes de croix,

les invoca t ions , les a u m ô n e s et les actes d ' a m o u r et de sou­

miss ion à la vo lon té de D i e u . E t de grâce , ne croyez pas

fac i l ement à la br ièveté du séjour des âmes au purgatoire ,

ne cessez pas , après le p r e m i e r mo i s , de p r ie r pou r vos dé­

funts. A cet effet, pensez souvent à ces saintes âmes q u i sont

crucif iées dans les flammes depuis long temps peut-être, et

qu i ne compten t q u e sur vous p o u r être soulagées et sau­

vées. E n espri t met tez-vous parfois à l eu r p l ace , et vous

Page 19: Lettre pastorale sur le purgatoire - liberius.net · Au jour du Seigneur, c'est-à-dire au jour de la tribulatio terre, n sur la ou au jour du jugement particulier après la mort,

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entrerez faci lement dans les disposit ions d*amc voulues pour

les prendre en que lque sorte par la m a i n et les sortir rapi­

dement de l ' ab îme , c o m m e Ton fait sans hési ter pour ce lu i

qui va se noyer . Q u e l b o n h e u r pour vous de penser q u *

vous avez int rodui t b ien des âmes dans le l ieu de lumière

et de rafraîchissement qu'est le c ie l .

D e m ê m e , c o m m e el les sont bien inspirées les âmes

qui, sur le consei l de leur confesseur, font l 'acte hé ro ïqu :

pour les Ames du purga to i re . R e m a r q u o n s toutefois que c l

acte n'est pas un voeu , m a i s une promesse d ' abandonner à

la Sainte V i e r g e tout ce q u i est c o m m u n i c a h l e aux ânn ~

dans nos oeuvres et dans nos prières, afin que M a r i e le*

distribue à sa volonté .

Soyez donc , N . T . C . F . , c o m m e le S a m a r i t a i n de l ' E v a n ­

gile, remplis de misér icorde pour les âmes d u pu rga to i r e ;

secourez-les par tous les moyens à votre d ispos i t ion; et

fasse le c ie l qu 'un j o u r s ' app l ique pour vous la parole exal ­

tante du S a u v e u r : " B i e n h e u r e u x les misér icord ieux , car

ils obt iendront misé r icorde" . E t , en te rminant , nous vous

souhaitons à tous d 'obtenir , pa r votre tendre dévot ion a u *

âmes du purgato i re , la misér icorde des misér icordes : Ici

grâce d 'une bonne mort et d 'une dé l ivrance rap ide , si vous

en avez besoin.

Sera la présente lettre pastorale lue et pub l i ée au prône

en toutes les églises paroissiales et en chap i t r e dans le*

communautés rel igieuses, le p remie r d i m a n c h e après sa

réception.

D o n n é à S a i n t - H y a c i n t h e , sous Notre seing et le contre­

seing de N o t r e chance l ie r , le* d ix -hu i t i ème jour d 'octobre de

Tannée sainte mi l neuf cent c inquan te .

t A R T H U R ,

E v é q u e de S a i n t - H y a c i n t h e .

P a r mandemen t de S o n E x c e l l e n c e .

Victor Quintal / ' . / > . . V.G.,

chance l ie r .