Lettre Vernimmen Numero 123

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    LA LETTRE VERNIMMEN.NET :

    LA LETTRE VERNIMMEN.NET

    N 123 Avril 2014

    par Pascal Quiry

    et Yann Le Fur

    * * *

    ACTUALIT : MOOC Analyse financire

    Vous avez t plus de 10 000 lautomne dernier suivre sur 5 semaines le premier MOOC (Massive Open Online Course) en franais consacr lanalyse financire, anim par lun de nous deux sur la plateforme First Business MOOC.

    Une seconde dition commence partir du 30 avril pour une dure de 4 semaines de cours suivies de 2 semaines de prparation lexamen final qui, si les rsultats sont la hauteur de vos espoirs, vous permettra de recevoir une Attestation de Russite, comme pour 850 personnes en dcembre dernier. La dure de la phase dexamen a t allonge 2 semaines vous laissant plus de temps pour bien le prparer et assimiler le contenu du cours qui prend la forme de 18 vidos dune dizaine de minutes chacune, de quiz, dun cas fil rouge et de forums de discussion que nous animons, sans oublier 5 sessions en direct o nous rpondons aux questions des participants.

    Si vous voulez apprendre ou vous remettre niveau en analyse financire, lun des deux piliers de la finance dentreprise, lire autrement les chapitres 9 15 du Vernimmen 2014, ce MOOC qui se termine le 8 juin est fait pour vous. Pour le dcouvrir plus en dtail et vous inscrire, cliquez sur ce lien.

    ACTUALIT MOOC Analyse financire

    Ble III

    1

    2-7

    GRAPHIQUE DU MOIS Pourcentage des salaris couverts par une reprsentation dans les conseils d'administration des grandes entreprises europennes

    7-8

    RECHERCHE Linfluence de la situation des prteurs sur la svrit des covenants des contrats de prts

    8-10

    QUESTION ET RPONSE Pourquoi ne pas prendre la valeur des capitaux propres et non leur montant comptable pour calculer leur rentabilit ?

    10-11

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    N 123 Avril 2014

    par Pascal Quiry

    et Yann Le Fur

    ACTUALIT : Ble III

    Il y a bien longtemps que nous voulions crire un article sur ce sujet afin de vous prsenter factuellement les principales contraintes prudentielles qui sappliquent aux banques ou vont sappliquer elles (Ble III). Mais la gestation de ces nouvelles rgles a t longue, de nombreuses reprises le projet a t modifi et amend. Il semble aujourdhui, presque 5 ans aprs le sommet du G20 de Pittsburgh qui donna limpulsion premire, que le cadre rglementaire futur soit stabilis dans ses grandes lignes et que nous puissions le dcrire sans trop risquer de devoir faire un amendement majeur dans trois mois.

    Le comit de Ble a t cr en 1974 par les banques centrales des 10 principaux pays du monde occidental de lpoque suite la faillite dune banque allemande moyenne, la banque Herstatt, qui, du fait de ses activits hypertrophies sur le march des changes, en particulier avec des banques amricaines, entrana une paralysie temporaire du systme interbancaire amricain. Le nom de comit de Ble vient du fait quil est hberg par la Banque des rglements internationaux (BRI), base dans la ville suisse.

    Ses trois objectifs taient de renforcer la scurit des systmes bancaires, dtablir des standards minimaux en matire de contrle prudentiel des banques et de promouvoir une harmonisation des conditions de concurrence entre les grandes banques. sa cration, le comit de Ble est une instance de recommandations qui nacquirent de force lgale que si elles sont adoptes et transposes par les tats dans leurs rglementations nationales.

    En 1988, un accord est trouv on lappelle Ble I qui impose aux banques de disposer dun minimum de 8 de capitaux propres chaque fois quelles accordent 100 de crdits une entreprise. Cest le ratio Cooke, du nom du premier prsident du comit de Ble. Pour calculer ce ratio, les crdits taient pondrs 0 % pour des risques souverains OCDE, 10 % pour certaines entits du secteur public, 20 % pour les prts des banques OCDE ou les prts court terme pour des banques non OCDE et 100 % pour les autres, en particuliers les entreprises.

    Les capitaux propres rglementaires requis sont assez loin de la dfinition stricte que nous leur donnons1. Ble I distingue en effet un core capital (Tier 1), compos du capital social et des rserves, qui doit reprsenter au moins 50 % des capitaux propres rglementaires ; et cette premire moiti peut tre compose son tour de jusqu 50 % dactions de prfrence. Les autres 50 % de capitaux propres rglementaires, appels Tier 2, peuvent eux aussi se rpartir en deux catgories : des instruments perptuels (Upper Tier 2) et des instruments avec une chance (Lower Tier 2). Dans le cas extrme, les vrais capitaux propres ne peuvent constituer que le quart des capitaux propres rglementaires et donc 2 % des encours pondrs de crdit. Cest avec cette structure financire que RBS a t autoris reprendre sa part dABN Amro lautomne 2007 et cest sans surprise que celle-ci ne la pas beaucoup aid affronter la tempte qui dj menaait.

    1 Dans le chapitre 36 du Vernimmen 2014.

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    Le goodwill et les participations dans dautres institutions financires sont dduits dans le calcul des capitaux propres rglementaires.

    Au total, le ratio Cooke est simple mais fruste : il ne sintresse qu la solvabilit dune banque, laissant de ct dautres sources de fragilit comme la liquidit, les risques de marchs ou oprationnels. De surcrot, sa prise en compte du risque de crdit est simpliste et repose sur lappartenance de lemprunteur des catgories institutionnelles.

    * * *

    Quelques annes plus tard, des faillites bancaires (Barings en 1995), des fraudes de traders (Dawa en 1995, Sumitomo en 1996) ou des faillites dtats (lArgentine en 2003) font prendre conscience des limites du ratio Cooke et de lexistence de risques oprationnels et de march quil ne couvre pas. Paralllement, les progrs de la technologie informatique permettent aux banques de mieux analyser les caractristiques de leurs actifs et de dvelopper des modles sophistiqus danalyse des risques comme la VaR (Value at Risk pour les activits de march2).

    Nat alors en 2004 Ble II, qui est appliqu principalement par les banques europennes (depuis 2008) et les japonaises (depuis 2007), mais pas par les banques amricaines, leur rgulateur considrant la vue des tudes dimpact que Ble II entranerait des baisses de capitaux propres rglementaires quil trouvait inopportunes.

    Ble II a pour objectifs principaux non daccrotre les capitaux propres rglementaires mais de les proportionner plus finement aux risques pris et de prendre en compte des risques laisss de ct par Ble I.

    Ble II se compose de 3 piliers :

    1/ Une exigence de capitaux propres affine et ne couvrant plus que le seul risque de crdit mais aussi le risque de march et les risques oprationnels. Le ratio McDonough succde au ratio Cooke. Il prvoit toujours un ratio de 8 % de capitaux propres rglementaires mais accepte une pondration plus fine en fonction du risque de crdit. Ce dernier est soit estim par les modles internes des banques les plus importantes (qui ont dmontr pouvoir dvelopper des mesures fiables sur une certaine priode de leurs risques de crdit) ou selon une approche standardise similaire Ble I pour les banques les moins importantes. Ainsi un crdit une entreprise pondr 100 % sous Ble I (et requrant donc 8 % de capitaux propres) peut ltre sous Ble II 20, 50, 100 ou 150 % selon son risque peru et les garanties prises, entranant un besoin en capitaux propres rglementaires de 1,6 % 12 % de son montant.

    Le risque de march est pris en compte travers une pondration forfaitaire des actifs ngocis sur un march selon leur type (approche standardise) ou selon les modles de type VaR pour les plus grandes banques.

    2 Pour plus de dtails sur la Value at Risk, voir le chapitre 54 du Vernimmen.

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    Le risque oprationnel recoupe les risques de fraudes, de dfaillance des systmes informatiques ou des modles utiliss, dincendies, etc. Difficiles mesurer, les capitaux propres rglementaires qui le couvrent sont le plus souvent estims forfaitairement 15 % des revenus annuels.

    2/ Le second pilier recoupe tous les risques qui ne sont pas traits par le prcdent : risque de mauvaise diversification du portefeuille de crdits, risque de surestimation des valeurs de rcupration, risque de gestion actif/passif, risque de liquidit, etc. Certains pays ont dcid daccrotre forfaitairement leurs exigences en capitaux propres rglementaires ce titre, comme le Royaume-Uni, dautres pas (France, Allemagne).

    3/ Le troisime pilier traite de la discipline que le march financier peut exercer sur les banques pour autant quelles communiquent aux investisseurs des informations pertinentes et en quantit. Il sagit donc ici essentiellement dune liste dinformations requises.

    Ble II ne modifie qu la marge la dfinition des capitaux propres rglementaires.

    Au total, Ble II marque un progrs puisque le montant des capitaux propres rglementaires est mieux li aux risques pris et puisque les risques de march et oprationnels sont intgrs au raisonnement. Mais ceci au prix dune complexit fortement accrue, avec un risque de liquidit qui est quasiment ignor ; et les vnements de 2008 vont vite dmontrer que le risque de march est sous-valu. Il est souvent apprci partir de modles reposant sur la loi normale qui sous-valuent la frquence des risques extrmes3.

    * * *

    La crise de 2008 a amen les rgulateurs bancaires prendre conscience que les banques taient trop endettes, avec des capitaux propres pour partie de mauvaise qualit, sans coussin de liquidit suffisant.

    Comme on la vu, le passage de Ble I Ble II sest fait en prcisant le mode de calcul des actifs moyens pondrs (AMP) sans changer la dfinition des capitaux propres. Le passage de Ble II Ble III sest fait loppos : le mode de calcul des AMP est peu affect mais la dfinition des capitaux propres rglementaires est fortement revue et ces derniers sont augments en proportion des AMP. Par ailleurs, de nouveaux ratios sont mis en place pour encadrer leffet de levier et rguler la liquidit des banques.

    Ble III rpartit dornavant les capitaux propres principalement en Common Equity Tier 1 (CET 1), qui comprend le capital social, les primes dmission, dapport ou de fusion et les rsultats reports. Les produits hybrides sont tolrs condition quils puissent tre utiliss dun point de vue comptable et juridique pour absorber des pertes sans devoir passer par le stade de la liquidation de la banque. De ce fait la plupart des quasi capitaux propres, qui

    3 Pour plus dtails, voir La Lettre Vernimmen.net no 122 de fvrier 2014.

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    navaient de capitaux propres que le nom et qui taient cependant accepts comme capitaux propres au sens de Ble II, ne sont plus compts comme capitaux propres rglementaires. La distinction entre Upper et Lower Tier 2 est abolie, et de facto lessentiel des capitaux propres des banques doit tre constitu de capitaux propres purs et durs (CET 1).

    Certes, au pied de la lettre, Ble III ne demande que 4,5 % de CET 1 minimum avec un Tier 1 de 6 % minimum (y compris CET 1) et donc un Tier 2 de 2 % sur un total de 8 % minimum des actifs moyens pondrs (AMP). Mais Ble III prvoit 3 coussins de capitaux propres supplmentaires exprims eux aussi en pourcentage des AMP.

    Le premier, obligatoire, est de 2,5 % et trouvera sappliquer progressivement entre dbut 2016 et fin 2018. Ds quune banque fonctionne avec un ratio de capitaux propres rglementaires qui tombe en dessous 8 % + 2,5 % = 10,5 % tout en restant au-dessus de 8 %, sa capacit verser des dividendes et des bonus (ce qui dans cette industrie est factuellement peru comme plus important que les dividendes) devient dpendante du rgulateur bancaire. Cest une contrainte et un stigmate potentiels qui expliquent que les banques qui se sentaient fragiles ont voulu montrer quelles taient de bons lves et ont devanc lappel. Les autres ont d suivre. Ce qui explique aujourdhui que la plupart des banques ont un CET 1 de lordre de 10 %, mme si la contrainte rglementaire ne joue qu partir de 2019.

    Le deuxime coussin de capitaux propres rglementaires est, lui, facultatif. Il est la main du rgulateur bancaire qui peut exiger que, durant les priodes de bonne conjoncture, les banques constituent un matelas supplmentaire de capitaux propres pouvant atteindre 2,5 % des AMP. Cette demande sera supprime ou allge durant les phases de mauvaise conjoncture dans lesquelles les profits bancaires risquent de baisser, voire de devenir des pertes. Cest clairement un outil contra cyclique puisque, notre lecteur la bien compris, le montant des crdits que les banques peuvent offrir dans lconomie est directement li au montant de leurs capitaux propres rglementaires. Ainsi en fvrier 2013, le rgulateur suisse a impos un coussin supplmentaire sur les crdits immobiliers sur lesquels il observait une surchauffe.

    Le troisime coussin de capitaux propres rglementaires ne concerne, lui, que les plus grandes banques, 29 Sifis (Systematically Important Financial Institutions) ce jour, qui devront constituer, de 2016 2018, un matelas supplmentaire compris entre 1 % et 3,5 % de leurs AMP : 2,5 % pour HSBC et JP Morgan ; 2 % pour Barclays, BNP Paribas, Citi, et Deutsche Bank ; 1,5 % pour Bank of America, Crdit Suisse, Goldman Sachs, Crdit Agricole, etc. ; 1 % pour Bank of China, Santander, BPCE, Socit Gnrale, etc. Les rgulateurs nationaux peuvent imposer leurs banques des matelas similaires mme si elles ne font pas partie du groupe des 29 Sifis. Cest ainsi que le Danemark a impos certaines de ses banques un coussin supplmentaire de 5 % des AMP.

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    Ble III durcit aussi les rgles de dductibilit des capitaux propres rglementaires : dornavant la plupart des actifs incorporels (logiciels, etc.) doivent tre dduits ; de mme pour les gains que les banques peuvent tirer de la valorisation en valeur de march de leurs dettes4.

    Au total les banques sont donc de facto requises davoir au minimum 10,5 % de leurs AMP en capitaux propres rglementaires dont au minimum 7 % en CET 1,5 % en capitaux propres Tier 1 et 2 % en Tier 2. La plupart couvrent lessentiel de leurs capitaux propres rglementaires en CET 1, cest--dire avec des vrais capitaux propres.

    Prenons lexemple de BNP Paribas, qui na jamais t une banque mal capitalise. Nous estimons ses AMP 2008 au sens de Ble III environ 820 Md pour des capitaux propres CET 1 2008 de 29 Md, soit un ratio de 3,5 %. En 2013 les AMP sont, au sens de Ble III, de 627 Md soit une baisse dun quart, pour des capitaux propres CET 1 de 65 Md (en hausse de 125 %), soit un ratio de 10,3 %. Dans ce cas, un euro dAMP ncessite donc environ 3 fois plus de capitaux propres rglementaires sous Ble III que sous Ble II (et dans ce cas, sans tenir compte de la surcharge Sifi qui ne sapplique qu partir de 2016).

    Voici pour les ratios de solvabilit.

    La complexit de la pondration des actifs des banques en fonction de la perception de leurs risques et lobservation de pratiques de pondration diffrentes de banques banques pour le mme actif ont nourri la suspicion, en particulier du rgulateur bancaire amricain, et lont conduit favoriser un ratio de solvabilit sur une base non pondre. Ble III la repris son compte sous forme dun ratio de levier qui se calcule comme le rapport des capitaux propres Tier 1 sur le total du bilan et du hors-bilan de la banque5. Celui-ci doit tre suprieur 3 % partir de 2018, mais il trouve dj sappliquer dans la pratique. Ainsi la Banque dAngleterre a contraint Barclays lt 2013 procder une augmentation de capital afin damliorer son ratio de levier.

    En raction la quasi absence de traitement du sujet crucial de la liquidit par Ble II, Ble III introduit deux ratios de liquidit. Le premier est un ratio de liquidit court terme (LCR, liquidity coverage ratio) qui vise permettre aux banques de rsister pendant au moins 30 jours des retraits massifs de dposants particuliers et entreprises grce un stock dactifs facilement cessibles et faiblement risqus. Le ratio se calcule donc comme la division du second par les premiers et doit tre dau moins 100 %. Les actifs pris en compte sont 60 % au moins des liquidits et des titres dtats et pour le solde des obligations dentreprises cotes au moins AA, voire des titres cots plus risqus pour 15 %.

    4 Pour plus de dtails, voir La Lettre Vernimmen.net no 80 doctobre 2009. 5 Il existe toujours une incertitude sur la faon de prendre en compte les drivs dans le hors bilan, savoir netts ou non.

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    Le second ratio de liquidit restreint la capacit des banques utiliser des ressources court terme (moins dun an) pour financer des engagements long terme (plus dun an), cest--dire limite leur capacit faire de la transformation qui est un de leurs fondements conomiques, mais aussi la principale source de leur dfaillance (Northern Rock, Dexia, etc.).

    Ce ratio, appel en anglais Net Stable Funding Ratio ou NSFR pour les intimes, se calcule comme le rapport des financements stables disponibles sur les besoins de financement stables et doit tre suprieur 100 %. Son mode de calcul est encore en discussion mais devrait tre le suivant dans ses grandes lignes.

    Font principalement partie des financements stables disponibles : lintgralit des capitaux propres rglementaires et des emprunts ou dpts plus dun an, 90 ou 95 % de dpts vue ou terme de moins dun an des particuliers et des PME, 50 % de dpts moins dun an des grandes entreprises, des tats et des entits publiques, et des prts interbancaires compris entre 6 mois et un an.

    Font principalement partie des besoins de financement stables : les immobilisations, les actifs donns en garantie, les prts aux banques plus dun an, les crdits avec des retards dchance ; 5 % des titres mis par un tat, une entit publique ou une banque centrale ; 15 % des obligations ou billets de trsorerie dentreprises nots au moins AA ; 50 % des prts moins dun an aux particuliers, aux entreprises, aux tats, aux entits publiques et banques centrales, des obligations ou billets de trsorerie dentreprises nots entre A+ et BBB, des obligations foncires notes au moins AA, des prts compris entre 6 mois et un an dautres banques ; 65 % des prts hypothcaires de plus dun an ; et 85 % des prts plus dun an aux entreprises ou aux particuliers.

    * * *

    Dune certaine faon, Ble III tmoigne du pragmatisme des banquiers centraux. Ils ont compris que beaucoup de banques taient devenues trop grosses6 pour que les tats aient les moyens financiers de les sauver lavenir, quelles seraient toujours en avance dune innovation par rapport eux et quil serait trs difficile de corriger leur culture trop porte la prise de risques en bonne priode conomique. dfaut, autant les doter fortement en capitaux propres afin de leur permettre dabsorber de lourdes pertes sans tomber en dtresse, et les corseter au niveau de la liquidit, seconde source habituelle de leur dfaillance. Lavenir dira si les rubans du corset ont t serrs au bon niveau pour viter la survenance de crises systmiques.

    * * *

    GRAPHIQUE DU MOIS : Pourcentage des salaris couverts par une reprsentation dans les conseils d'administration des grandes entreprises europennes

    6 Souvent dailleurs parce quelles ont rachet en 2008-2009 dautres banques afin de leur viter la faillite ou la liquidation (Fortis, Lehman, Bear Stearns, etc.).

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    Si vous croyez que lEurope se divise entre le Nord et le Sud ou entre la zone euro et le reste, il va falloir que vous rvisiez vos connaissances. En fait, elle se divise entre les pays o les salaris sont trs rarement reprsents au conseil dadministration et ceux o ils sont trs souvent reprsents au conseil dadministration.

    en est mme caricatural car lcart entre la Grce, dernier pays du premier bloc, et la France, premier du second bloc, atteint 30 points soit quasiment la moyenne europenne de 36 % qui, au cas particulier, ne veut rien dire.

    Source : Fdration europenne de lactionnariat salari, 2013.

    * * *

    RECHERCHE : Linfluence de la situation des prteurs sur la svrit des covenants des contrats de prts

    avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur Paris Dauphine

    Ltude scientifique des contrats de prt ncessite de prendre en compte dautres lments que le seul taux dintrt. Larticle prsent le mois dernier7 montrait notamment limpact positif dun march de CDS sur les lments non-prix des contrats (clauses et garanties). De mme, larticle que nous prsentons ce mois-ci8 sintresse aux dterminants de ces lments non-prix. Un chercheur de Yale montre que les banques renforcent les clauses des prts

    7 Que vous trouverez au bout de ce lien. 8 J. MURFIN (2012), The supply-side determinants of loan contract strictness, Journal of Finance, vol. 67, no 5, pages 1565 1601.

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    (les fameux covenants9) quelles accordent lorsquelles subissent par ailleurs des dfauts de paiement.

    La plupart des tudes portant sur la conception des contrats de prt se focalisent sur les caractristiques de lemprunteur. Lorsque la probabilit de dfaut dun emprunteur est leve, les prts quil obtient sont non seulement plus chers mais contiennent aussi des clauses plus strictes10. Notre article montre que les dterminants de ces clauses se situent galement du ct de loffre : caractristiques de lemprunteur quivalentes, les prts accords par les banques qui ont rcemment subi un dfaut sont plus svres.

    Pour mesurer cela, lauteur a dabord construit une mesure de la svrit des clauses dans les contrats de prt. Ces clauses consistent donner la possibilit au prteur dexiger le remboursement immdiat ou la rengociation du prt ds lors que certains seuils (niveau de cash flow, ratios dendettement) sont franchis. Sans rentrer dans les dtails de la formule, larticle considre les contrats comme plus svres lorsque la probabilit de dclenchement de lune quelconque de ces clauses augmente.

    Utilisant cette mesure, lauteur montre que les banques rdigent des contrats plus svres aprs avoir subi un dfaut dans leur portefeuille de prts. Cet effet reste valable lorsque le dfaut a eu lieu dans un autre secteur et une autre zone gographique que le prt considr. Lauteur en dduit que ce dfaut ne constitue pas un signal sur la qualit de lemprunteur, mais une information pour le prteur sur sa propre capacit valuer les risques. La banque qui subit un dfaut prend conscience de ses limites dans la slection des entreprises quelle finance ; cette incertitude accrue se traduit par des exigences renforces en matire de clauses contractuelles. Bien entendu, la survenue dun dfaut se traduit par une diminution des capitaux propres de la banque qui, elle aussi, conduit resserrer les conditions. Mais lauteur montre que la prise en compte de cet effet ne supprime pas leffet informationnel.

    conomiquement, leffet est trs significatif. Ltude conomtrique porte sur 2 642 contrats de prt (syndiqus et bilatraux) dentreprises amricaines non financires auprs de banques entre 1984 et 2008. Une augmentation du nombre de dfauts dans le portefeuille de prts dune banque de 2,7 (soit un cart-type) a le mme impact sur la svrit des clauses quune dgradation dun cran du rating de lemprunteur par Standard & Poors. Ce rsultat est intressant car il va lencontre de lintuition selon laquelle les caractristiques des contrats de prt ne dpendraient que des qualits de lemprunteur.

    Enfin, lauteur se demande ce qui pousse les emprunteurs accepter ces contrats plus svres. Des tudes prcdentes ont montr que les entreprises taient souvent mieux servies en matire de prts par un petit groupe de banques sur des relations de long terme que par un march concurrentiel ouvert de prteurs. Les entreprises acceptent de conserver leurs prteurs historiques mme lorsque ces derniers renforcent les conditions de prts.

    9 Voir le chapitre 43 du Vernimmen 2014. 10 Voir par exemple C. DEMIROGLU et C.M. JAMES (2010), The information content of bank loan covenants, Review of Financial Studies, vol. 23, pages 3700 3737.

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    Ltude montre toutefois que les entreprises dpendantes dun petit nombre de prteurs sont davantage sensibles une dgradation du portefeuille de prts de leurs banques partenaires que les autres. Ainsi, il y a pour les entreprises un compromis trouver entre des relations troites prteur-emprunteur (afin de rduire les asymtries dinformation) et des relations plus indpendantes (afin de ne pas tre victime dune dgradation de la situation des banques partenaires). Une nouvelle illustration de la difficult dchapper cette loi qui veut quon ne peut avoir au mme moment le beurre et largent du beurre . . .

    * * *

    QUESTION ET RPONSE : Pourquoi ne pas prendre la valeur des capitaux propres et non leur montant comptable pour calculer leur rentabilit ?

    Parce quil ne faut pas mlanger les choux et les carottes !

    La rentabilit des capitaux propres est une faon de mesurer la performance de lentreprise. Soit cette rentabilit est comptable, soit elle est financire.

    Si elle est comptable, on rapporte le rsultat net de lentreprise qui revient ses actionnaires (libre eux de le distribuer sous forme de dividendes ou de le rinvestir dans lentreprise) aux capitaux propres de lentreprise qui ont t apports par les actionnaires, ou laisss disposition sous forme de rsultats nets passs non distribus en dividendes. On rpond ainsi la question : de combien cette entreprise, sur un exercice donn, a-t-elle fait fructifi les fonds que je lui ai confis ? Mais cette rentabilit comptable, calcule sur un an, est assez thorique pour lactionnaire car il ne la touche rellement que si, la fin de la priode, on liquide lentreprise sans cot, ce qui est heureusement rarement fait.

    Elle nest cependant pas sans intrt car, compare la rentabilit exige par lactionnaire, elle permet de mesurer la valeur cre ou dtruite sur lanne11.

    Pour pallier son caractre un peu thorique, on peut calculer son pendant financier qui ne prend en compte que des flux de trsorerie effectivement dcaisss ou encaisss, sur une priode donne, pas ncessairement lanne mais la priode de dtention de laction par linvestisseur. Cest le taux de capitalisation qui permet dgaler la valeur initiale de laction et celles des dividendes ventuels verss dans lintervalle la valeur actuelle de laction. Cest le TRI (taux de rentabilit interne) en matire de choix dinvestissement que lon appelle TSR (total shareholder return12) au cas particulier. Il rpond la question : de quel taux de rentabilit sur ma priode de dtention ai-je effectivement bnfici ?

    Taux de rentabilit comptable et TSR divergent le plus souvent. Ainsi en 2013, le SBF 120 a progress de lordre de 20 % de dividendes rinvestis contre environ 15 % pour la rentabilit

    11 Pour plus de dtails, voir le chapitre 31 du Vernimmen 2014. 12 Pour plus de dtails, voir le chapitre 31 du Vernimmen 2014.

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    comptable des capitaux propres. Mais il a chut de 15 % en 2011, alors que les rentabilits comptables des capitaux propres taient largement positives. Sur longue priode, voire trs longue priode, les deux doivent converger.

    Ramener le rsultat net, agrgat comptable, la valeur des capitaux propres et non au montant comptable des capitaux propres dans un effort improbable de synthse na donc pas de sens. Dans limmense majorit des cas lactionnaire ne touche pas le rsultat net. Il ny a donc pas lieu de le rapporter la valeur actuelle de son investissement qui est la valeur des capitaux propres. Tout au plus ce qui sera mesur par ce ratio, cest linverse du PER (valeur des capitaux propres / rsultat net), mais cela nous fait une belle jambe !

    * * * Au sommaire de la Vernimmen.com Newsletter davril 2014

    NEWS: Four mistakes to be avoided at all costs when financing a start-up THIS MONTH'S GRAPH: Employees representation on board of directors RESEARCH: Credit crisis or demand shock Q&A: How should investment subsidies be treated in financial analysis?

    Pour la consulter : www.vernimmen.com

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