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Field Actions Science Reports The journal of eld actions Special Issue 9 | 2014 Haïti : Innovations locales, clés pour un développement durable et inclusif L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l'utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI) Haiti’s digital education experiment: interactive whiteboards in the classroom La experimentación de la EDUCACIÓN DIGITAL EN HAITÍ con la utilización de la Pizarra Digital Interactiva (PDI) Josette Bruffaerts-Thomas and Jean-Claude Bruffaerts Electronic version URL: http://journals.openedition.org/factsreports/2826 ISSN: 1867-8521 Publisher Institut Veolia Electronic reference Josette Bruffaerts-Thomas and Jean-Claude Bruffaerts, « L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l'utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI) », Field Actions Science Reports [Online], Special Issue 9 | 2014, Online since 27 December 2013, connection on 30 April 2019. URL : http:// journals.openedition.org/factsreports/2826 Creative Commons Attribution 3.0 License

L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

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Page 1: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

Field Actions Science ReportsThe journal of field actions

Special Issue 9 | 2014Haïti : Innovations locales, clés pour undéveloppement durable et inclusif

L’expérimentation de l’éducation numerique enHaïti avec l'utilisation du Tableau NumériqueInteractif (TNI)Haiti’s digital education experiment: interactive whiteboards in the classroom

La experimentación de la EDUCACIÓN DIGITAL EN HAITÍ con la utilización de la

Pizarra Digital Interactiva (PDI)

Josette Bruffaerts-Thomas and Jean-Claude Bruffaerts

Electronic versionURL: http://journals.openedition.org/factsreports/2826ISSN: 1867-8521

PublisherInstitut Veolia

Electronic referenceJosette Bruffaerts-Thomas and Jean-Claude Bruffaerts, « L’expérimentation de l’éducation numeriqueen Haïti avec l'utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI) », Field Actions Science Reports [Online],Special Issue 9 | 2014, Online since 27 December 2013, connection on 30 April 2019. URL : http://journals.openedition.org/factsreports/2826

Creative Commons Attribution 3.0 License

Page 2: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec

l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

Josette Bruffaerts-Thomas1 et Jean-Claude Bruffaerts2

1Présidente d’Haïti Futur

[email protected]

2Conseiller technique d’Haïti Futur

Résumé. Dans un contexte de forte pression démographique, de niveau d’investissement inadéquat, du pro-

blème de choix de la langue d’enseignement, de déicience en enseignants qualiiés, le système éducatif haïtien ne parvient pas à répondre à la demande éducative. Face à ce constat, depuis août 2010, l’association Haïti

Futur a lancé un programme d’enseignement numérique axé sur l’utilisation du tableau numérique interactif

(TNI), la création de cours numériques interactifs pour les 3 premières années de l’enseignement primaire et la

formation pédagogique des enseignants en vue de répondre à cette problématique. Ce programme appuyé sur l’expérience Sankoré(1), a été mené avec Haïti Futur, le Ministère de l’Education Nationale haïtien et l’appui

de la Fondation de France.

Trois années d’expérimentation permettent aujourd’hui d’avoir du recul. Il apparait que le principal atout du

TNI est de modiier en profondeur la pédagogie et de passer d’un mode d’enseignement traditionnel basé sur le rabâchage à un mode d’enseignement basé sur l’observation, la compréhension et l’action de l’élève.

Un tel programme nécessite un accompagnement rigoureux et continu des enseignants, y compris dans leur classe et de mettre à leur disposition les cours numériques correspondant au programme oficiel. Les aspects logistiques, maintenance du matériel et électriication des écoles ne doivent pas non plus être négligés.

De 2010 à 2013, Haïti Futur a pu installer une centaine de TNI dans les écoles publiques et privées et des

centres de formation d’enseignants. Grâce au gouvernement français, Haïti dispose aujourd’hui de 700 TNI qui

commencent à être déployés grâce à l’aide de nombreux partenaires.

Cette expérimentation a démarré comme un projet en 2010, elle est en passe de devenir un programme minis-

tériel en 2013. Ce programme vise à devenir un élément majeur de « politique nationale de l’éducation » ain de pouvoir réconcilier les objectifs actuels de massiication de l’éducation (programme PSUGO(2)) et ceux de qualité de l’enseignement primaire.

Mots clés. Haïti, Education, Numérique, Tableau Numérique Interactif, TNI, Formation, Sankoré, Haïti Futur

© Auteur(s) 2013

Les textes sont disponibles sous licence Creative Commonshttp://factsreports.revues.org/2826

Publié le 27 décembre 2013

1. Le contexte de l’expérimentation

1.1 La situation de l’éducation après le

tremblement de terre du 12 Janvier 2010

La question essentielle de l’éducation avait déjà don-

né lieu en 2010 à un rapport « Pour un pacte national

sur l’éducation en Haïti »(3). Le constat en était sévère, citons l’avant-propos :

Le pays a donc choisi de ne pas investir dans l’édu-

cation alors que la pression démographique (3.5% en

2010, parmi les plus élevés de la Région) ne fait

qu’accroitre davantage la demande de ressources pour

le secteur éducatif. Comment s’étonner dès lors que Figure 1. Classe faite avec l’aide du TNI

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J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

2 Field Actions Science Reports

pour l’année 2008, par exemple, le pays comportait 2 793 829 Haïtiennes et Haïtiens (soit 38.8% de la population totale) qui

n’ont jamais fréquenté une salle de classe ? Que l’Etat ne

possède que 8% des écoles fondamentales et que 82% des

enfants inscrits à l’école fondamentale se trouvent dans un

établissement privé ? Que 56% de ces écoles fonctionnent

dans des structures non prévues à cet effet (maisons d’habita-

tion, églises et tonnelles) ? Que 91% de ces écoles se trouvant en milieu rural fonctionnent sans électricité ? Que 65%

d’entre elles fonctionnent sans eau courante ? Que sur 100

élèves qui rentrent en 1ère année fondamentale seulement 29 d’entre eux parviendront au secondaire ? Que seulement

1.7% des enfants handicapés d’âge scolaire ont la chance de

fréquenter une école ? Ce pattern peut-il changer ? Une rup-

ture est-elle possible ?

D’autres chiffres complètent ce dramatique constat :

• 40% de la population haïtienne a moins de 15 ans (3,6

Millions)

• Environ 375 000 enfants entre 6 et 11 ans (soit un tiers

de ce groupe d’âge) ne sont pas scolarisés.

• Les classes sont surchargées avec des effectifs allant de 50 à 80 élèves.

Depuis le tremblement de terre, la moitié des écoles (de 10

000 à 12 000) ont été détruites ou sont réputées dangereuses

et environ 38 000 élèves et 1 300 enseignants sur 20 000 des

écoles publiques sont décédés lors du séisme.

Tout ceci se déroule dans un contexte démographique galo-

pant. La population est passée de 3.2 millions d’habitants en 1950 à un peu plus de 10 millions en 2013. Elle devrait dé-

passer les 16 millions en 2050. (4)

1.2 L’aspect linguistique : le français et le créole

Dans les six années du primaire, le français et le créole consti-

tuent oficiellement les deux langues d’enseignement à éga-

lité, théoriquement du moins. L’objectif national restant pour le moment d’avoir des enfants bilingues maitrisant de ma-

nière opérationnelle le créole et le français à la sortie du

primaire(5).

Dans la capitale, l’enseignement se fait surtout en français;

dans les petites villes et les villages de province, il se fait en

créole; dans les écoles des milieux favorisés de la capitale, on

n’enseigne qu’en français. Les manuels scolaires sont presque tous rédigés en français, à l’exception des grammaires du

créole. Durant le secondaire, le français bénéicie de sept ou huit heures d’enseignement, contre une seule pour le créole.

1.3 La situation des enseignants

Il faut aussi souligner la très dificile situation des ensei-gnants, qui n’est pas nouvelle. Avant le 12 janvier 2010, il y avait environ 20 000 enseignants dans les écoles publiques du

pays, dont 7 000 à Port-au-Prince. Ils étaient déjà trop peu nombreux et la disparition de 1300 d’entre eux n’a fait qu’ag-

graver la situation. Il est indiscutable qu’il y a et qu’il y aura pénurie d’enseignants au moins pour les cinq à dix années à

venir, tant dans les écoles publiques que privées.

Malgré des salaires souvent faibles et irréguliers, problème

qui pourrait certainement être traité à travers une meilleure décentralisation et une iscalité locale mieux adaptée, la ma-

jorité des enseignants en poste font toujours preuve d’une

exceptionnelle bonne volonté. Ils sont demandeurs de ren-

forcement de leurs compétences mais ont souvent des difi-

cultés lorsque la mise en œuvre de leur formation engendre

une augmentation de leur volume de travail. En effet, ain d’améliorer leurs revenus, ils cumulent souvent plusieurs

emplois.

Or, sur les 60 000 enseignants de l’Ecole Fondamentale,

près de 80% n’ont pas reçu de formation initiale de base.

Environ 40% de ces 80% n’ont pas le niveau de 9ème année

du Fondamental (équivalent de la 4ème secondaire). Seuls

5% ont une formation universitaire, 10% ont fait une

école normale et 6% sont détenteurs d’un certiicat d’ap-

titude à l’enseignement. (6)

2. La hiérarchisation des enjeux

L’enjeu national majeur est de dispenser une éducation de qualité pour tous dans un contexte particulièrement dificile après le séisme du 12 janvier 2010. La situation oblige donc à faire des choix stratégiques clairs et argumentés pour hié-

rarchiser les enjeux sous-jacents qui permettront de réaliser

cet enjeu global.

Tout système d’éducation est composé de multiples seg-

ments qui doivent se compléter de manière cohérente. Mais

le premier est d’avoir des enseignants bien formés, disposant

d’outils de travail adéquats.

Les responsables de l’expérimentation ont donc naturelle-

ment considéré que c’est d’abord à ce premier enjeu qu’il

fallait répondre. Ceci ne diminue en rien l’importance des

autres enjeux du système, qu’il s’agisse d’un niveau de rému-

nération correcte des enseignants pour pouvoir les idéliser, de l’amélioration des locaux, de la mise en place effective

des équipements de classe, de garantir la nutrition et la santé

des élèves etc. Mais avec ses moyens limités, pour être efi-

cace, l’expérimentation devait limiter son champ d’interven-

tion au premier des enjeux, le renforcement de la compétence

et de l’eficacité des enseignants.

3. La stratégie d’intervention

Depuis sa création en 1994, l’association Haïti Futur soutient des projets éducatifs en Haïti. (7) Le séisme de 2010 a réinter-rogé le sens de l’action de l’association et son ampleur. Les enseignants et Directeurs d’école ont fait part de leur de-

mande principale : « aidez-nous à faire cours à des classes

surchargées et avec un niveau de préparation des enseignants

insufisants » (8). Face à cette demande, l’association a intégré

les données sociologiques, économiques et politiques du

contexte, hiérarchisé les enjeux, déini une stratégie. Une veille technologique a permis d’observer comment d’autres

pays abordaient des problèmes similaires. Cela a permis de mieux déinir les objectifs à atteindre et les actions à mener dans le cadre d’une planiication à trois ans.

Cette planiication s’est articulée autour de quatre éléments :

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3www.factsreports.org

• La création et/ou adaptation de contenus visant la mise en œuvre des programmes oficiels du Ministère de l’Education Nationale (MENFP).

• La formation des enseignants, prenant systématique-

ment en compte au départ leur niveau actuel de compé-

tences et des ressources budgétaires très limitées.

• La qualité et le coût des équipements indispensables aux enseignants pour une pédagogie eficace.

• La construction de partenariats politiques, opération-

nels et inanciers indispensables à l’eficience et à la durabilité du système.

4. Les hypothèses techniques après l’étude

du terrain

Les retours d›expérience sur le terrain, conirmés par un voyage-bilan post-séisme du 21 avril au 1er mai 2010, furent les suivants :

• Le besoin prioritairement exprimé porte sur l’accompa-

gnement pédagogique et l’accès à des contenus maîtri-

sés par le corps enseignant. En ce sens les encyclopé-

dies fournies avec les ordinateurs des laboratoires

informatiques étaient le plus souvent mal utilisées ou

inadéquates. Il y avait une forte demande de soutien pédagogique dans tous les établissements visités.

• Les connexions Internet en milieu rural restent limitées en Haïti et ne peuvent pas être le support quotidien de l’enseignant en classes primaires.

• La mise à disposition d’ordinateurs - même dans des salles conçues à cette in - ne peut jamais répondre tota-

lement aux besoins quantitatifs: les élèves se retrouvent

à 3 ou 4 par ordinateur, ce qui diminue considérable-

ment l’eficacité des séances de travail et le potentiel apport de l’informatique.

C’est pourquoi le soutien d’Haïti Futur pour les années

à venir sera principalement axé sur la formation péda-

gogique des enseignants. En effet, les premières ana-

lyses du travail déjà réalisées sur le terrain par diffé-

rentes organisations faisaient la démonstration que la

numérisation des cours, si prometteuse, ne pouvait être envisagée sans de nouvelles méthodes pédagogiques,

basées essentiellement sur la modernité des outils et la

valorisation de l’expérience des enseignants dans un

réseau d’échanges.

• L’interrogation sur les moyens matériels à mettre en œuvre a permis de conirmer que la numérisation ne peut - à court et moyen terme - être envisagée comme la simple mise à disposition d’un ordinateur par élève(9), à la fois trop coûteuse et inadaptée à la demande quan-

titative. D’autres démarches étaient donc recherchées -

toutes aussi modernes mais moins coûteuses et plus

adaptées aux réalités du terrain.

• Mais, y compris avec des choix techniques plus simples et plus adaptés, il s’agit d’assurer une maintenance

technique de proximité : maintenance informatique

pour l’ordinateur de la classe et maintenance technique

pour le vidéoprojecteur interactif (choix technique ina-

lement retenu).

• L’importance à donner au contenu pédagogique est ap-

parue comme évidente mais à mettre en place en étroite

collaboration avec les enseignants et conformément

aux programmes du Ministère de l’Education Nationale,

donc disponibles en créole et en français.

• La nécessité de mettre en réseau les différents projets pour favoriser les échanges et l’accessibilité aux conte-

nus ainsi que pour mutualiser les retours d’expérience

était considérée comme importante par les praticiens

sur le terrain.

Ces premières analyses et les recherches menées par la veille technique et scientiique ont amené Haïti Futur à se rapprocher de la DIENA (Délégation – française –

Interministérielle à l’Education Numérique en Afrique) via

son programme SANKORE. Haïti Futur a identiié ce programme comme étant le plus

adapté à ses préoccupations pour l’expérimentation en Haïti.

Il permet de fonctionner avec les réalités du terrain : des

classes surchargées dépassant souvent les 60 élèves et des

enseignants peu formés.

5. Les objectifs programmatiques

L’objectif général du programme était de réaliser une expé-

rience pilote sur 3 ans ain de pouvoir évaluer l’intérêt et les performances du Tableau Numérique Interactif (TNI) en

classes primaires avec la perspective de pouvoir étendre ce

programme à plus grande échelle si les résultats s’avéraient

probants.

Pour cela, les sous objectifs ont été ixés.

• équiper 60 écoles primaires en TNI en ayant un échan-

tillon représentatif des situations du pays.

• développer des cours numériques conformes au pro-

gramme oficiel du Ministère de l’Education Nationale haïtien pour les 3 premières années du primaire, ceci en

mettant en place un processus de transfert de compé-

tences d’une société française spécialisée en éducation

numérique à des équipes de professionnels haïtiens.

• former les instituteurs - utilisateurs directement dans la

salle de classe où ils enseignent.

• être capable d’évaluer les résultats de ce programme en comparaison avec l’enseignement traditionnel

6. Les partenaires de ce programme

6.1 Partenariat inancier avec la Fondation

de France

Les fonds propres de l’association Haïti Futur étaient insufi-

sants pour entreprendre un programme d’une telle envergure.

Il fallait obtenir un soutien d’un bailleur inancier qui accepte une prise de risque sur un programme où les innovations

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J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

4 Field Actions Science Reports

techniques et sociales jouent un rôle important.

Il fallait également que le bailleur accepte d’investir sur

des enjeux à long terme alors que les urgences liées à l’après-

séisme étaient omniprésentes.

La Fondation de France a accepté de soutenir inancière-

ment Haïti Futur en mesurant l’importance de l’éducation et

également en évaluant l’association sur sa pratique durant ses

16 années d’existence.

Le mode de fonctionnement de la Fondation de France s’est avéré eficace. Une totale liberté dans les choix opéra-

tionnels ou leur réadaptation était accordée à Haïti Futur. De

nombreuses missions d’évaluation sur le terrain ainsi qu’un

contrôle inancier par un grand cabinet d’audit garantissaient à la Fondation de France la bonne affectation des fonds.

Ce type de inancement n’est pas courant. Il est souvent plus facile de trouver un micro-inancement pour une opéra-

tion ponctuelle bien déinie ou un inancement très important pour un programme national. Un inancement intermédiaire pour une démarche expérimentale est plus dificile à obtenir.

Tester, explorer, évaluer une nouvelle méthode d’enseigne-

ment avant de l’envisager à une échelle plus importante est

pourtant indispensable..

6.2 Partenariat avec les institutions nationales

en charge de l’éducation

Suite aux premières explications apportées par Haïti Futur, le

Ministère de l’Education Nationale et de la Formation

Professionnelle (MENFP) s’est montré très intéressé par

l’appui que peut apporter l’éducation numérique pour diffu-

ser un enseignement de qualité au plus grand nombre.

Haïti Futur a volontairement établi des relations avec le

Ministère également au niveau de la Direction de l’enseigne-

ment fondamental, niveau plus opérationnel et moins poli-

tique de la hiérarchie, ce qui garantit une permanence et une

continuité dans l’expérimentation.

Le Directeur de l’Ecole Fondamentale au Ministère a déci-dé de suivre et de participer à cette expérience qui, pendant

les 3 premières années, est dirigée par l’association Haïti

Futur. Sa décision était principalement motivée par l’objectif

d’être en capacité d’en assurer le déploiement national si les évaluations s’avéraient positives.

L’Ecole Fondamentale d’Application et Centre d’Appui Pédagogique (EFACAP) de Mersan (école d’application du

Ministère qui supervise 26 écoles du district scolaire Camp-

Perrin / Maniche) a donc été choisie comme un lieu privilé-

gié d’expérimentation.

Parallèlement, l’Université Publique des Cayes et son dé-

partement « Sciences de l’éducation » ont été contactés par

Haïti Futur pour accompagner la démarche (création de

contenus pédagogiques, formation des enseignants et évalua-

tion du programme).

6.3 Partenariat avec le programme SANKORE

de la DIENA en France

Suite aux résultats de sa veille technologique, Haïti Futur a

construit un partenariat avec le programme SANKORE ain de faire bénéicier à l’expérimentation d›un savoir-faire déjà

en cours d’élaboration dans les pays d’Afrique et de l’Océan Indien. La DIENA s’est engagée à soutenir Haïti Futur par

des dons de matériel en allant jusqu’à faire entrer Haïti dans

les pays bénéiciaires du programme, ce qui n’était pas prévu à l’origine.

Figure 2. Site internet du programme Sankoré

Haïti Futur s’est cependant distingué du programme

SANKORE sur plusieurs points :

• En réservant la fabrication des cours numériques à des

professionnels en France et en Haïti

• En s’écartant de l’approche exclusive de « gouverne-

ment à gouvernement » et en ouvrant le partenariat aux

secteurs public, privé et associatif.

• En faisant de la formation des enseignants une priorité

• En organisant des échanges de bonnes pratiques entre

les écoles tous les deux mois

6.4 Partenariat avec Paraschool et des experts

indépendants

Paraschool est une société française spécialisée dans l’édition

de contenus numériques. Elle rassemble des professionnels :

concepteurs pédagogiques, infographistes, informaticiens et

intégrateurs. Cette société s’est engagée auprès d’Haïti Futur

à travailler sur la fabrication des programmes numériques de

la 1ère année fondamentale en suivant le programme oficiel haïtien. Elle a organisé avec Haïti Futur le transfert de son

savoir-faire par la création et la formation d’une équipe de

professionnels haïtiens qui ont commencé à produire à partir

de 2012.

Des missions d’experts sur place (4 par an) sont complé-

tées par un suivi à distance grâce à la mise en place d’outils

de travail collaboratif entre Haïti et la France.

6.5 Partenariat avec un éditeur haïtien

Haïti Futur a aussi construit un partenariat avec les éditions

Page 6: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

5www.factsreports.org

KOPIVIT (Librairie de l’Action sociale) qui se sont engagées à mettre leurs ouvrages scolaires à disposition de l’expéri-

mentation pour faciliter la création de contenus numériques

sans droits d’auteur. Les éditions KOPIVIT publient en deux langues (français et créole) et sont reconnues comme très

actives dans la promotion de la langue créole. Dans ce cadre,

le Ministère s’est également engagé à mettre à disposition ses

publications (dont celles de l’ex-IPN, Institut Pédagogique

National).

7. Le calendrier du programme sur trois ans

Voici le calendrier de travail qui a été conçu au démarrage de l’expérimentation :

Août 2010 à Août 2011 :

Renforcement des partenariats (Ministère de l’Education en

Haïti, SANKORE-DIENA, KOPIVIT)

Création des contenus numériques pour la 1ère année de

l’école fondamentale avec Paraschool

Identiication des écoles démarrant l’expérimentation, in-

stallation des équipements et formation des enseignants

Septembre 2011 :

Démarrage de l’enseignement numérique dans au moins 12

écoles pour la 1ère année de l’école fondamentale

Octobre 2011 :

Démarrage de l’équipe de fabrication de contenus numéri-

ques en Haïti (en partenariat avec Paraschool)

Octobre 2011 – Août 2012 :

Fabrication des leçons numériques de la 2ème année de

l’école fondamentale

Elargissement de l’expérimentation : identiication des écoles, installation des équipements et formation des

enseignants

Expérimentation de production électrique photovoltaïque pour les écoles rurales

Septembre 2012 :

Elargissement de l’expérimentation à 30 classes (1ère et 2ème année fondamentale)

Octobre 2012 – Août 2013 :

Fabrication des leçons numériques de la 3ème année de l’école fondamentale

Septembre 2013 :

Elargissement de l’expérimentation à 60 classes (1ère, 2ème et 3ème année de l’école fondamentale

Ce programme initial a été revu à la hausse pour le nombre

d’écoles impliquées avec l’expédition par la France au

MENFP de vidéoprojecteurs interactifs supplémentaires en

mars 2012 et juillet 2013.

Le MENFP envisage d’élargir le déploiement aux instituts publics de formation professionnelle, aux universités pu-

bliques de province (Cap Haïtien, Gonaïves, Jacmel, Les Cayes) et à l’enseignement secondaire.

Par ailleurs, le programme a été primé en septembre 2012

au challenge mondial « All children reading » de l’USAID à

Washington pour la création de cours numériques pour TNI

en créole et ce parmi 450 programmes de 75 pays différents. Ce projet est mené grâce à une collaboration entre Haïti futur,

l’ESIH et Fière Haïti. Cette reconnaissance aura probable-

ment un effet accélérateur sur le développement ultérieur du

programme.

8. Les enseignements de l’expérimentation

L’expérimentation des trois premières années est terminée et il est possible de mesurer les écarts entre les objectifs initiaux

et les réalisations.

8.1 Réalisation des objectifs opérationnels

8.1.1 Equiper les écoles

L’équipement devait se faire de façon progressive: 12 au moins la première année, 30 à l’issue de la 2ème année et 60 à

l’issue de la 3ème année. Ceci devait donner le temps de for-

mer des installateurs et surtout des techniciens chargés de la

maintenance (1 par zone). Le plan d’installation prévoyait de le faire par grappes successives : zone de Port-au-Prince,

zone des Cayes, zone de Jacmel, zone de Jérémie.

Figure 3. Cours numérique dans une école sous tente après le

séisme à La Montagne de Jacmel (OPADEL – Planète Ur-gence)

Dans la pratique, ces objectifs ont été largement dépassés

grâce notamment au gouvernement français qui a fait 3 dota-

tions successives de TNI : 30 à Haïti Futur en 2011, 180 en

mars 2012 et 496 en juillet 2013 au Ministère de l’éducation Haïtien. Haïti Futur a donc étendu son rôle et dépasser ses

objectifs d’installations de 60 TNI pour aider d’autres parte-

naires à déployer leurs TNI (Eglise Episcopale Anglicane, bureaux diocésains catholiques de l’Ouest et du Sud, Fondation Comp Haiti, ADEMA, Campus de Limonade etc.)

Les sollicitations diverses ont amené également à s’éloi-gner du plan initial, ce qui a compliqué les aspects

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J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

6 Field Actions Science Reports

logistiques. Haïti Futur est intervenu dans la zone de Péligre

et Mirebalais à la demande de l’association Zanmi Lasante et de l’EFACAP de Mirebalais. Le programme est actuellement aussi présent de façon signiicative dans le Nord, le Nord-Est et le Nord-Ouest.

Pour garantir une bonne validité de l’expérimentation dans

une perspective d’extension nationale, il est apparu que le

choix des écoles devait aussi permettre une bonne représenta-

tion de la situation nationale : écoles publiques et privées,

écoles urbaines et rurales, écoles laïques et confessionnelles,

écoles électriiées et non électriiées avant l’expérimentation, écoles normales, etc.

En septembre 2013, l’essentiel des 2 premières dotations

(30 et 180 TNI) a été déployé, pour les 3/4 directement dans des écoles publiques et privées, pour le 1/4 restant directe-

ment dans des universités (Universités publiques des Cayes et du Cap-Haitien , Ecole normale supérieure, Université

Quisqueya, Faculté de linguistique appliquée, ESIH, Campus de Limonade, rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti) ou dans des centres permettant l’accueil de stagiaires (MENFP,

KOPIVIT, Fondation Culture Création, GRESADD aux Cayes, Institut de Formation des maitres de Milot, CFEF de Martissant, etc).

8.1.2 Création des cours numériques en Haïti

C’est l’objectif qui s’est avéré le plus dificile et qui a deman-

dé le plus d’efforts. Ce sont de nouveaux métiers qu’il faut

développer en Haïti : concepteurs pédagogiques numériques,

graphistes, intégrateurs informatiques. Le programme a fait appel au départ à la société Paraschool du groupe EDITIS

(Nathan-Bordas) pour développer les cours de la 1ère année du

primaire et transférer leurs compétences en Haïti. Ceci né-

cessite 4 à 5 missions par an en Haïti de professionnels de

l’édition numérique et un suivi régulier à distance.

Actuellement les cours de sciences expérimentales, français

et mathématiques de 1ère AF ont été développés en France.

Les cours de créole 1ère AF, les traductions en créole de

sciences expérimentales 1ère AF et mathématiques 1ère AF, les

cours de sciences sociales en français de 1ère AF sont en cours

de développement en Haïti dans le cadre du transfert de

compétences.

Deux équipes de professionnels en édition numérique sco-

laire sont constituées : une à Port-au-Prince sur la production

en créole et une dans le Nord sur le Campus de limonade de

l’Université d’Etat d’Haïti. Une seule équipe était prévue ini-

tialement mais cela s’est avéré insufisant compte tenu de l’importance des travaux à réaliser. La création d’une troi-sième équipe dans le Sud, en collaboration avec l’UPSAC

reste d’actualité mais est encore au stade préliminaire.

La constitution de ces équipes de professionnels aguerris demandera probablement plus de temps que prévu notam-

ment pour l’équipe du Nord qui a démarré plus tardivement

et pour l’équipe du Sud où tout reste à faire. La création de cours numériques pour les 3 premières années du fondamen-

tal demandera probablement 5 ans au lieu des 3 ans initiale-

ment prévus.

Il faut noter que cette démarche, certes complexe, permet-

tra à terme de développer tous les cours en deux langues

(français et créole) en Haïti. Ce qui, il faut le rappeler, est

l’objectif oficiel du Ministère de l’éducation nationale et qui est un objectif partagé par Haïti Futur.

8.1.3 Former les enseignants dans leur classe

Dans chaque zone, un conseiller pédagogique accompagne

les enseignants dans leurs cours. Au-delà de la maitrise

technique du matériel et du contenu des cours, l’enjeu est

de passer d’une pédagogie frontale (basée sur la répétition

et le rabâchage collectif) à un enseignement basé sur l’ob-

servation, le questionnement, la rélexion et l’action des élèves.

Ce sont plus de 300 enseignants qui ont été formés à

l’usage du TNI. Au-delà de la formation initiale, cette for-

mation se complète par un accompagnement dans la salle

de classe, en situation réelle avec les élèves par un conseil-

ler pédagogique.

Sans cette formation, l’enseignant a tendance à répliquer

ses habitudes antérieures : faire répéter collectivement ce

qui est écrit au tableau, donner directement les réponses

sans interroger la classe etc.

Ce point est primordial. L’expérimentation a démontré que la première année, un conseiller pédagogique ne peut

pas suivre plus de 5 équipements dans des écoles proches

les unes des autres. Très vite, il détectera les enseignants

ou les cadres de l’école capables de reprendre progressive-

ment son rôle de formateur d’enseignants.

8.1.4 Evaluer

L’hétérogénéité des écoles et de l’échantillon rend com-

plexe l’évaluation. La jeunesse du programme donne éga-

lement peu de recul pour faire des évaluations quantita-

tives. Pour aborder ce sujet, Haïti Futur a établi des

partenariats avec des Universités : l’Université publique

des Cayes (UPSAC), l’Université privée Quisqueya, l’Université d’Etat (UEH et sa faculté de linguistique ap-

pliquée), l’Ecole normale supérieure et l’école supérieure

d’informatique haïtienne (l’ESIH).

Les universités vont mettre des étudiants à disposition (mémoires de in d’études) ain d’évaluer l’impact du TNI sur l’enseignement. Pour l’Université Quisqueya, cela concerne spéciiquement l’école rurale de Fonds Jean Noël. Pour l’UPSAC, cela concernera les écoles de la ré-

gion des Cayes. Pour l’ESIH, cela concernera spéciique-

ment les cours en langue créole dans 6 écoles autour de la

capitale.

Par ailleurs, les résultats seront suivis sur des réseaux

d’écoles homogènes (par exemple les 14 écoles des sœurs

de la Charité dont 2 écoles sont équipées et pourront être comparées aux écoles non équipées).

Le programme d’évaluation demande à être renforcé par l’intervention de spécialistes de l’évaluation en éducation.

La rapidité de la mise en œuvre de l’expérimentation, l’hé-

térogénéité des situations et le manque de moyens inan-

ciers ont été des freins qu’il faut aujourd’hui dépasser si

nous voulons aborder la phase ultérieure de

généralisation.

Page 8: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

7www.factsreports.org

8.2 Autres enseignements de l’expérimentation

8.2.1 Concernant les compétences et la gestion des

ressources humaines

Le pilotage d’un tel programme demande des ressources hu-

maines adéquates en quantité et en qualité. Avec cette expéri-

mentation, le programme a pu mesurer les dégâts provoqués

par la fuite des cerveaux. 82% des étudiants haïtiens qualiiés quittent le pays(10). C’est le taux le plus élevé des PMA.

Recruter un cadre qualiié et chevronné est extrêmement coû-

teux. Le programme en a fait l’expérience avec le recrute-

ment du responsable local du programme. Malgré un salaire

de 2000 dollars mensuels, cela n’a pas empêché qu’il soit débauché 8 mois plus tard par une organisation internationale

avec un salaire multiplié par 2,5.

Le programme a aujourd’hui baissé ses exigences de recru-

tement en termes de niveau académique en mettant plutôt

l’accent sur le potentiel d’apprentissage, la motivation et

l’éthique.

Ceci permet d’avoir des salaires plus en phase avec le mar-

ché du travail national, hors organisation internationale, pour

une future extension du programme. Cela exige un effort de

formation continue des cadres recrutés dont il faut intégrer

dès le départ les coûts et la planiication de la mise en œuvre comme une condition préalable au démarrage.

8.2.2 Concernant l’accueil du programme par les

enseignants

Dans la phase actuelle du programme, les écoles qui ont

adopté le TNI sont des écoles « volontaires » ayant souhaité adhérer à l’expérimentation. Cette situation est extrêmement favorable car les Directeurs d’écoles sont iers d’y participer, abordent les dificultés de façon positive et transmettent leur état d’esprit aux enseignants. Dans les écoles privées, le TNI

est un élément « Marketing » de valorisation.

Le deuxième élément favorable, qui n’est pas spéciique à l’expérimentation, est l’engouement des élèves partagé par

les parents d’élèves.

La position des enseignants est plus hétérogène, car ce sont eux qui subissent les plus importants changements:

• Modiication radicale du mode d’enseignement, pas-

sage d’un enseignement magistral et directif basé sur la

répétition à un enseignement basé sur le questionne-

ment, l’observation et l’interaction des élèves avec le

tableau.

• Surplus de travail la première année car il faut décou-

vrir l’équipement, les nouveaux cours et les exercices

associés.

Bien qu’un guide du maitre leur permette d’aborder ces

questions avec une certaine sécurité, des efforts de leur part

sont nécessaires.

Or le métier d’enseignant en Haïti est très mal rémunéré (la plupart des enseignants de l’école fondamentale perçoivent

un salaire mensuel de 2500 à 7000 gourdes, soit 60 à 160 $/

mois). L’enseignant est souvent obligé d’avoir plusieurs acti-vités en dehors de son métier pour survivre et pouvoir

lui-même inancer la scolarité de ses propres enfants. Il a donc peu ou pas de temps pour préparer ses cours. Une partie

des enseignants n’a jamais manipulé un ordinateur et éprouve

un certain stress avec son installation en salle de classe car il

le fait face à l’ensemble de ses élèves.

L’accompagnement intensif des enseignants la première année est un élément essentiel pour réussir. Impliquer dès le

démarrage plusieurs enseignants de la même école pour qu’ils puissent échanger et s’épauler est également un facteur

de réussite.

Une fois la phase d’appropriation du matériel et des cours

acquise, les enseignants reconnaissent unanimement l’intérêt du TNI sur la qualité des cours, l’attention des enfants et leur

rapidité d’assimilation. Nous avons relevé 1 seul cas de rejet :

un enseignant qui effectuait sa dernière année, avant son dé-

part à la retraite, ne voulait pas investir sur cette nouvelle

pédagogie.

8.2.3 Concernant les coûts du programme

8.2.3.1 Le coût d’équipement par classe

• Un vidéoprojecteur interactif : $ 2 100

• La durée de vie de la lampe est de 4000h ce qui avec un usage intensif (4h / jour) devrait donner environ 6 an-

nées d’utilisation car le nombre de jours de classe par

an est assez faible (150j / an). Le coût de remplacement de la lampe est de l’ordre de $ 150.

• Un ordinateur portable : $ 600

• Un tableau blanc : $ 100 (fabriqué localement, une

feuille de formica collée sur une feuille de

contreplaqué).

Total équipement : $ 2 800 qui pourra desservir au mini-

mum 2 classes de 50 élèves.

8.2.3.2 Les coûts de suivi technique 

et pédagogiques

Un technicien peut assurer l’installation puis le suivi tech-

nique de 5 classes la première année et d’environ 10 classes

la deuxième année si celles-ci sont regroupées géographique-

ment. Sa formation est essentiellement informatique : charge-

ment des programmes, traitement des virus dans les ordina-

teurs, réglage des appareils. En province, son salaire est de

l’ordre de $ 4000.00/an.

Un conseiller pédagogique peut suivre 5 écoles utilisant le

TNI. Son rôle est de participer aux cours ain d’accompagner l’enseignant dans sa pratique quotidienne. Il organise des ré-

visions d’enseignants pendant les vacances scolaires pour la

préparation des cours. Le salaire annuel de ce conseiller est de l’ordre de $ 2400 à $ 6000 suivant son expérience et la

zone géographique.

A partir de la 2e année, les coûts diminuent car il n’y a pas de frais d’installation et les suivis technique et pédagogique

peuvent être réduits car l’expérience a été transmise auprès de référents dans les écoles.

Après deux ans d’expérimentation, dans

Page 9: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

8 Field Actions Science Reports

une première analyse qui méritera d’être afinée au fur et à mesure de l’extension, on peut estimer que l’ensemble de

ces coûts d’accompagnement technique et pédagogique avoi-

sinent $ 800 / an par équipement à partir de la 2ème année.

8.2.3.3 Les coûts de maintenance

• La durée de vie du vidéoprojecteur est aujourd’hui in-

connue car les installations les plus anciennes n’ont que

3 ans (ce matériel étant très récent, il n’y a pas encore de référence de durabilité sur le marché). Considérons

que le matériel a une durée de vie moyenne de 8 ans car il est assez robuste et peut facilement être réparé si on dispose de stocks de pièces de rechange et de techni-

ciens formés à la réparation.

• La durée de vie du stylet est estimée à 2 ans ($ 75 par stylet).

Avoir un atelier de réparation du matériel vidéo-projecteur

interactif en Haïti s’avère aujourd’hui indispensable. Avec un

parc de 700 TNI, il serait trop coûteux de faire réparer les

appareils aux Etats-Unis ou en France.

Un partenariat avec le constructeur EPSON est en cours ain d’avoir à disposition en Haïti les pièces de rechange et les guides et DVD de réparation.

D’autre part, 50 équipements (soit 5 par département géo-

graphique) sont dédiés au remplacement des appareils en

panne ain que ceux-ci soient échangés très rapidement et ensuite réparés dans l’atelier central (qui reste à créer).

8.2.3.4 Total des coûts d’achat de suivi et de

maintenance

Tableau 1. Total des coûts d’achat de suivi et de maintenance

(en dollar US)

Année 1 Année 2 à 8 (Coût par année)

Coût achat équipement $2 800 -

Installation suivi technique et pédagogique $1 600 $800

Pièces de rechange / maintenance - $100

Total $4 400 $900

Le coût total sur 8 ans ($ 4400 + 7X $ 900) s’élève à $ 10 700 soit une moyenne annuelle de $ 1 340.

Un équipement pouvant desservir au minimum 2 classes de

50 élèves, le coût annuel par élève est de l’ordre de $ 13.40.

Pour le moment, ce coût n’inclut pas la fourniture d’électri-

cité (réseau, génératrice ou panneaux solaires) qui est décrit

ci-dessous si l’école n’est pas préalablement électriiée

8.2.3.5 Le coût de l’électriication solaire

Une installation solaire pilote a été testée à Port-au-Prince.

Elle a été réalisée avec 6 panneaux de 120 W, soit 720 W. Elle

s’avère un peu surdimensionnée pour un équipement mais

elle permet l’électriication de plusieurs salles de classe et du bureau du directeur. Le coût total de l’installation (câblage,

batteries, main d’œuvre et transport) s’est élevé à $6 200.

Figure 4. Installation d’électriication solaire-pilote à l’école Nationale de la République du Paraguay

Ce coût peut être supérieur pour les zones reculées pour lesquelles les frais de transport seront élevés. Il semble égale-

ment important de provisionner un changement de batteries

au terme des 4 à 5 premières années d’utilisation ain que l’installation soit opérationnelle pour une période de 8 à 10

ans. Tout cela amène le coût d’électriication solaire en mi-lieu rural à une somme proche de $ 8 000.

8.2.3.6 Les coûts de pilotage du programme

Ces coûts sont actuellement couverts par des entreprises fran-

çaises qui assurent un mécénat de compétences ou du temps

de bénévoles mis à disposition de l’association (équivalent à

300 jours de travail par an pour des cadres avec des compé-

tences de gestion de projet, de pédagogie et de gestion logis-

tique et informatique). Les sociétés françaises, SECAFI-ALPHA et le groupe Moniteur, ont assuré ces mécénats de compétence de 2010 à 2012.

Pour l’avenir, le ministère haïtien de l’éducation (MENFP)

compte actuellement du personnel qui pourrait être réaffecté sur ce programme à condition qu’il soit formé: Unité TICE

du MENFP, la centaine de conseillers pédagogiques attachés

aux 38 EFACAP, les conseillers pédagogiques des directions

départementales.

8.2.3.7 Des coûts exceptionnels

Les coûts d’investissement dans la formation des spécialistes nationaux pour la création des cours numériques sont égale-

ment à prendre en compte.

En première année de l’école primaire (1ère année de l’école

fondamentale), cinq matières sont enseignées : le créole, le

français, les mathématiques, les sciences expérimentales et

les sciences sociales.

Le développement des cours lorsqu’il est fait en France revient à environ 65 000$ par matière soit 325 000$ pour un

niveau complet. La fabrication en Haïti permettra de réduire sensiblement ces coûts lorsque les équipes de professionnels

auront été formées. Cependant ces coûts de formation des

professionnels haïtiens doivent être considérés comme des coûts d’investissement exceptionnels dans la constitution du

Page 10: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

9www.factsreports.org

capital humain. Les deux équipes haïtiennes bénéicient d’un appui technique renforcé. Celle du campus de Limonade de l’Université d’Etat a à sa disposition un volontaire de solida-

rité internationale français présent pour 2 ans.

8.2.4 Concernant la question « l’éducation numérique

avec le TNI est-elle économiquement justi-

iée ? »

Pour évaluer la rentabilité d’un investissement éducatif, il

faut faire face aux coûts, mettre en regard les proits en termes de développement économique et humain. Il faudrait mettre

en regard de l’investissement « TNI » les coûts ou les déicits de revenus que génère la situation actuelle qui se caractérise

par une insufisance d’investissements éducatifs et une situa-

tion de paupérisation pour la majorité et d’exode pour une

grande partie des élites intellectuelles. Cette comparaison

macro-économique n’est malheureusement pas à notre

portée.

La seule comparaison qui nous soit aujourd’hui possible est celle avec d’autres formes d’éducation numérique actuel-

lement proposées en Haïti mais qui ne concernent qu’une très

petite minorité de la population.

Actuellement, les alternatives au TNI sont l’équipement

des élèves en ordinateurs portables (programme « One laptop per child »(9)) ou/et l’enseignement à distance s’appuyant également sur des ordinateurs individuels (Programme

RETEL). (11)

Sachant que les coûts de création de cours ou du pilotage

sont relativement proches, la comparaison va se jouer essen-

tiellement sur les coûts d’équipements et de maintenance.

Si un équipement laptop revient à $200 avec une durée de

vie de 4 à 5 ans, les coûts d’équipement sont de l’ordre de

$45/an/enfant.

Un équipement TNI desservant 2 classes de 50 élèves sur

une durée de 8 ans donne $ 3.5/an/enfant.

Le rapport de coût sur l’équipement matériel seul est extrê-

mement favorable pour le TNI (rapport de 1 à 13).

Sur la question des retombées pédagogiques, il est pro-

bable qu’elles ne seront pas du même ordre. Le TNI étant un outil collectif, il fait progresser l’ensemble de la classe de

façon homogène. L’équipement informatique individuel se traduit par une progression plus individualisée qui dépend du

milieu social. L’enfant qui dispose de l’électricité et dont l’entourage l’incite et le forme à l’utilisation peut progresser

très vite. Par contre, l’enfant d’un milieu défavorisé (Camp,

bidonville, habitat populaire) ne dispose ni d’électricité, ni

d’internet, ni de sécurité pour amener l’ordinateur chez lui,

ni de stimulus familial.

Sur la question de l’électriication, les besoins en puissance sont environ 6 fois moins importants pour un équipement

TNI collectif comparé aux besoins d’une salle équipée de 30

postes informatiques.

8.2.5 Les coûts d’une éducation numérique générali-

sée avec le TNI sont-ils supportables par l’Etat ?

Les comparaisons précédentes ne sont pas satisfaisantes car portant sur deux systèmes n’ayant pas les mêmes objectifs et

ne visant pas la même population, le TNI s’adresse à toute la population scolaire et le laptop individuel à une minorité fa-

vorisée. Les deux systèmes ne sont, de ce fait, pas exclusifs.La vraie question est celle-ci : un pays tel qu’Haïti qui s’est

donné un devoir constitutionnel d’accès à une éducation de

qualité pour tous, peut-il y répondre ?Ceci demanderait des analyses plus approfondies et plus

ines intégrant les potentiels apports de l’Etat, des collectivi-tés décentralisée, des familles, de la diaspora, et des bailleurs

de fonds internationaux.

Seules quelques pistes de rélexion peuvent être évoquées à ce stade:

• La faible part du budget national consacrée à l’éduca-

tion par l’Etat est-elle à même de transformer le pays en « pays émergent » pour la prochaine génération ? Des réallocations des ressources étatiques ne sont-elles pas

nécessaires ?

• La contribution des familles est actuellement majori-taire car 90% des écoles sont privées et généralement payantes. Les résultats de ces efforts sont décevants pour un grand nombre d’enfants. Un enseignement plus

coûteux mais plus court et plus eficace ne serait-il pas un meilleur investissement pour ces familles ? Mais

comment mobiliser sur un temps plus court des res-

sources inancières aujourd’hui diluées sur un grand nombre d’années d’études médiocres et souvent

inachevées ?

• Des budgets très importants dédiés à l’éducation par les

bailleurs de fonds internationaux (Banque

Interaméricaine de développement, Union Européenne,

Banque Mondiale) ne sont pas utilisés et pourraient

l’être dans le cadre de sollicitations gouvernementales répondant aux conditions de ces organismes.

L’éducation étant une condition nécessaire (probable-

ment pas sufisante) au développement, l’Etat a-t-il d’autre choix que d’investir massivement dans l’éduca-

tion de sa jeunesse ?

8.2.6 Concernant la mobilisation des partenariats

Les partenariats mobilisés se sont avérés fructueux. En associant dès le départ les responsables nationaux de

l’éducation nationale, le programme s’est ouvert une porte

sur une potentielle extension nationale, et il est en passe de

devenir un des outils de la mise en œuvre de la politique na-

tionale de l’éducation pour tous. Cette démarche a aussi, à la

demande du Ministère, orienté les premiers contenus sur les

matières scientiiques. Ceci s’est avéré un choix judicieux vis-à-vis des enseignants et des élèves.

Les partenariats techniques avec l’ESIH et la Fondation Fière Haïti se sont révélés également pertinents pour la créa-

tion d’une équipe de professionnels pour la fabrication des

contenus pédagogiques numériques en Haïti.

L’USAID en primant le programme de création de conte-

nus numériques en créole au consortium Haïti Futur/ESIH/

Fondation Fière Haïti lors de la cérémonie du 7 septembre

2012 à Washington dans le cadre du challenge « All Children

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J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

10 Field Actions Science Reports

Reading », a donné les moyens de fonctionner sur la création de cours en créole et pour les traductions en créole des cours

de mathématiques et de sciences.

L’appui de l’Ambassade de France et du programme SANKORE a été précieux pour la dotation des équipements, des logiciels de création de cours et la mise à disposition de 4

volontaires en 2013.

La Fondation de France, qui nous a accompagnés au dé-

marrage et a renouvelé son appui pour les 2ème et 3ème année,

s’est avérée un partenaire inancier adapté pour le lancement du programme. Son mode de inancement davantage orienté sur les résultats nous a autorisés à réadapter nos modalités

d’intervention au fur et à mesure de l’avancée du

programme.

Pour ce qui concerne les partenariats avec les universi-

taires, il est encore trop tôt pour en mesurer l’impact mais les

attentes sont importantes : le campus de Limonade pour la formation de 200 enseignants par an au TNI, la faculté de

linguistique appliquée pour l’aide à l’enseignement du créole,

l’UPSAC des Cayes pour la création de contenus numériques et l’université Quisqueya pour le suivi et l’évaluation d’une école en milieu rural.

D’autres partenariats restent à bâtir notamment ceux qui

permettront la mutualisation des moyens avec d’autres pro-

grammes de formation des enseignants : le programme

TEH(12) (télé-enseignement en Haïti), le programme « Main à

la pâte » de DEFI(13) et le programme IFADEM (14)

8.2.7 Concernant le fait que l’éducation numérique

entraine un bouleversement de l’édition « pa-

pier » classique qui soulève des inquiétudes

L’éducation numérique bouleverse le marché traditionnel de ventes de livres scolaires sous copy-right (permettant aux auteurs de toucher des droits d’auteur). Les éditeurs reçoivent par ailleurs des commandes d’ouvrages subventionnés

chaque année, commandes qui participent grandement à leur

équilibre inancier.Dans un premier temps, l’éducation numérique bouscule

ce modèle. Ces contenus numériques sont développés en

open-source et ne génèrent plus de droit d’auteurs a posteriori

mais sont uniquement rémunérés à la fabrication. Ceci per-

met un accès gratuit aux cours numériques pour tous.

L’éducation numérique fait donc craindre aux éditeurs la disparition du livre.

En fait, l’expérimentation a démontré que l’éducation nu-

mérique modiie la nature des ouvrages demandés mais gé-

nère de nouveaux types d’impression (cahiers d’exercices pour l’élève, guides du maitre, etc.). Cependant, cette phase

n’est que balbutiante et provoque encore de l’inquiétude chez

les éditeurs - imprimeurs.

Un éditeur scolaire haïtien a, malgré tout, décidé d’accom-

pagner le programme ain d’apporter son savoir-faire, mais également évaluer comment un éditeur classique peut bascu-

ler sur ce nouveau modèle économique.

C’est un élément important qui doit être traité avec la plus grande attention sous peine de générer une réaction négative

à l’extension du programme par les éditeurs craignant de

perdre leurs sources traditionnelles de revenus.

Les études sur l’impact du numérique en classe sont balbu-

tiantes et portent plus sur l’impact des écrans (tablettes,

Ipads) que sur celui du TNI. (15)

Il ressort qu’il est probable que le numérique et l’écran fa-

cilitent la compréhension mais que le livre reste supérieur

pour la mémorisation. La cohabitation de l’écran en classe et du livre de travail à la maison sera probablement la combinai-

son la plus eficace.

8.2.8 Concernant l’évolution continue des outils

informatiques

Les cours numériques nécessitent :

• Un ordinateur et son système d’exploitation,

• Un logiciel pour créer les cours et les projeter

• Un vidéo-projecteur interactif

En trois ans d’expérience, le programme a dû répondre aux

évolutions suivantes :

• Utilisation de 2 systèmes d’exploitation (Windows et Linux 10.4.)

• Evolution continue du logiciel de création de cours,

passage de Sankoré 1.3 à Sankoré 1.4 et aujourd’hui à

Sankoré 2.10.

• Des vidéo-projecteurs de marque Epson qui en sont à

leur 3ème génération (EB 445, EB 455 et aujourd’hui

EB 485)

Chaque fois qu’une évolution se produit, il va de soi que

la compatibilité cours / ordinateur / vidéo-projecteur est re-

mise en question et nécessite des travaux de réadaptation,

de formation, de réinstallation, de gestion de pièces de re-

change, etc.,

Si durant la phase pilote, nous avons expérimenté ces

évolutions en nous y adaptant, il faut dans la phase d’exten-

sion nationale simpliier et stabiliser certains choix :

• Choix d’un seul système d’exploitation. Le don de li-cences par la société Microsoft nous a permis de faire

choix de Windows

• Choix d’un seul modèle de vidéoprojecteur pour sim-

pliier la gestion des pièces de rechange

• Choix d’une version du logiciel SANKORE. Celui-ci vient d’être adopté par le Ministère de l’éducation nationale français comme outil de production de

contenus pédagogiques pour les enseignants français.

Ceci assurera la pérennité du logiciel et surtout le par-

tage de ressources avec la communauté des ensei-

gnants francophones. Nous suivrons de ce fait les évo-

lutions de la version qui sera retenue pour les

enseignants français.

Nous prévoyons cependant l’ajout de certaines fonction-

nalités au logiciel avec l’appui de l’ESIH en Haïti et d’ex-

perts informatiques de l’association.

Page 12: L’expérimentation de l’éducation numerique en Haïti avec l

J.Bruffaerts-Thomas et al : L’expérimentation de l’éducation numérique en Haïti avec l’utilisation du Tableau Numérique Interactif (TNI)

11www.factsreports.org

8.2.9. Concernant l’insufisance d’infrastructures

Cette question a été abordée dès le démarrage de l’expéri-

mentation car sinon la facilité aurait poussé à se limiter à des

écoles déjà pourvues d’électricité et faciles d’accès.

L’expérimentation n’aurait alors plus été pertinente pour envisager une extension du programme dans des conditions

plus défavorables que celles testées.

C’est pourquoi, dans le panel des installations réalisées,

des écoles ont été choisies pour leur dificulté en accès à l’électricité, leur accès routier dificile, la méconnaissance totale de l’informatique par les enseignants, l’absence de lo-

caux adéquats, etc.

Ceci a obligé le programme à rechercher et formaliser des

appuis externes pour compenser le manque d’autonomie des

écoles sur les points suivants, tous inancés par le programme expérimental :

• aide à l’installation et la maintenance des équipements

par un technicien mobile,

• fourniture d’électricité (petite génératrice, installation

solaire ou batteries et onduleur sur un réseau électrique

aléatoire),

• accompagnement pédagogique régulier des enseignants

par un conseiller pédagogique payé par le programme,

• rencontres régulières de partage d’expérience entre les

écoles.

Ces éléments mis en place durant l’expérimentation ont

permis de vériier la liste des critères indispensables pour la faisabilité réaliste d’une extension du programme à un plus

grand nombre d’écoles y compris pour celles se trouvant dans des conditions dificiles.

La fourniture d’électricité reste un enjeu majeur car plus de 90% des écoles rurales en sont dépourvues. Le vidéoprojec-

teur retenu est peu gourmand en électricité (350W), ceci per-

met d’envisager des solutions de fourniture d’électricité par

panneaux solaires. Le prix du « watt solaire » a chuté drasti-quement sur les 10 dernières années et est aujourd’hui très

compétitif par rapport au courant du réseau tout en étant plus

iable. Une société haïtienne, ENERSA, s’est également spé-

cialisée dans la fabrication de panneaux solaires à partir de

cellules de silicium assemblées, encapsulées et montées sur

des panneaux. Ce procédé s’avère iable et compétitif par rap-

port aux fabrications manufacturières chinoises et mérite

d’être encouragé à plus grande échelle. ESF (Electricien Sans Frontières) assiste actuellement le

ministère, Haïti Futur et notre partenaire haitien, la Fondation

Comp Haiti, sur la recherche de fonds pour un projet d’élec-

triication de 1 000 écoles réparties sur l’ensemble du terri-toire et appelées à intégrer le programme TNI.

8.2.10 Concernant le bilinguisme

Oficiellement la langue d’enseignement des deux premières années du primaire est le créole, car c’est dans la langue ma-

ternelle que l’apprentissage est le plus eficace et le plus ra-

pide. Pourtant les parents des enfants de toutes conditions

sociales s’opposent à ce choix et privilégient le français car

ils savent que, pour le moment, la promotion sociale ne se fait

que par une bonne maîtrise du français (et probablement de

l’anglais et l’espagnol dans un avenir très proche).

La pratique du créole dans les écoles est actuellement des plus diverses, le français est souvent privilégié même si les enseignants ne le maîtrisent pas.

Le programme a décidé de produire tous les cours en 2 versions (français et créole)

Le programme préconise cependant l’usage de la version créole en premier lieu pour la compréhension, suivi très rapi-

dement de la version française pour l’acquisition du vocabu-

laire. L’usage du vidéoprojecteur est un élément revalorisant pour l’utilisation du créole en classe. Il exige une rigueur ac-

crue dans l’utilisation de la langue.

Les partenariats construits avec un éditeur scolaire spécia-

lisé dans le créole et la Faculté de linguistique appliquée de

Port-au-Prince ont permis de répondre positivement à cette

exigence.

Nous escomptons que le programme TNI bilingue fasse la

démonstration que l’enseignement en créole n’est pas une

perte de temps mais un accélérateur de l’apprentissage y compris pour une bonne acquisition du français durant le cur-

sus primaire.

9. Premières conclusions et perspectives

• Le bénéice politique de l’investissement sur l’éduca-

tion numérique est évident. C’est une innovation tech-

nologique visible dans la salle de classe. Elle place

Haïti dans la modernité à égalité avec les pays les plus avancés. C’est un programme de ce point de vue très

valorisant. Il peut toucher l’ensemble de la population

par une politique de mutualisation des équipements

notamment dans les sections rurales. Une proposition

du MENFP d’installer un TNI dans les 500 sections

communales (la plus petite division administrative qui

couvre tout le territoire, essentiellement le monde rural)

permettant de faire bénéicier l’ensemble de la popula-

tion de ces équipements (écoles, alphabétisation,

séances culturelles et éducation, etc.) est en cours de

rélexion.

• Le TNI est une des réponses techniques et pédago-

giques aux dificultés rencontrées pour dispenser un enseignement de qualité pour tous mais la volonté poli-

tique d’investir ce domaine est une condition néces-

saire et incontournable de réussite. L’investissement nécessaire est important et devra être une priorité natio-

nale qualitative. Une meilleure utilisation de l’aide in-

ternationale et des fonds de la diaspora, ainsi qu’ une

mutualisation des programmes concourant aux mêmes objectifs, sont des marges de manœuvre immédiate-

ment atteignables.

• Ce programme en cours d’expérimentation peut appor-

ter des éléments quantiiés pour faciliter les décisions politiques à venir. Le programme TNI doit, de ce fait, se renforcer sur son volet évaluation.

• En Haïti, ce programme a pu progresser positivement

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12 Field Actions Science Reports

car dès le départ il a été entrepris sur la base d’une coo-

pération des secteurs public - privé et associatif. Ce

triptyque permet de conserver une continuité d’action et d’assurer une souplesse d’exécution tout en jouant

un rôle de renforcement institutionnel. La collaboration entre les 3 parties est assurée par le rôle de coordination

d’Haïti Futur. Ce mode de travail demande plus d’ef-

forts car chaque partie a ses préoccupations et ses

contraintes. Il permet cependant d’éviter les travers

évoqués dans le récent documentaire de Raoul Peck (16).

• Le TNI dans l’enseignement primaire trouve naturelle-

ment son prolongement dans l’enseignement secon-

daire, l’enseignement professionnel (y compris agri-cole), l’enseignement supérieur. Le MENFP a décidé qu’une partie des 496 TNI arrivés en juillet 2013 se-

raient dévolus à ces secteurs.

• L’année 2014 va être consacrée au déploiement des 496 TNI fraichement arrivés. Il faudra prendre en compte

les éléments suivants :

• Viser un déploiement dans chacun des 10 départements du pays. L’extension nationale pourra se faire ultérieu-

rement en « tache d’huile » à partir des 10 grappes dé-

partementales installées.

Les 38 EFACAP réparties dans les 10 départements pour-raient être les structures permettant cette phase. Chaque EFACAP supervise 20 à 30 écoles de son environnement.

Figure 5. Carte de la situation géographique des EFACAP et

de leur équipement en TNI

Chaque EFACAP équipée d’un TNI pourrait encadrer le

déploiement de 10 TNI dans ses écoles afiliées. Ceci permet-trait un déploiement d’environ 400 équipements dans l’en-

semble du pays, piloté par des institutions publiques mais bénéiciant à des écoles publiques et privées afiliées.

• Eviter de faire un programme unique, inancièrement appuyé par un seul bailleur de fonds mais plutôt viser à négocier avec chacun des bailleurs de fonds ou opéra-

teur intéressé par l’éducation primaire pour qu’il s’im-

plique formellement dans une zone géographique ou

dans une partie technique du programme qui doit avant

tout se construire comme un programme haïtien.

• Assurer la construction d’un programme avant tout na-

tional, articulé sur une forte décentralisation au niveau

des départements.

• Aborder le problème de la revalorisation de la fonction

enseignante y compris et surtout en terme de salaire correct et régulier. Ceci pourrait se faire de façon ciblée

ain que cette revalorisation se fasse sur la compétence réelle et validée des enseignants. Des formations à

l’usage du TNI, comme elles vont se faire au campus de

Limonade, permettraient de conforter et valider les compétences des enseignants et de les récompenser

inancièrement.

C’est une piste qui peut s’accompagner d’un renforcement

du rôle des communes dans l’enseignement primaire (s’il

s’accompagne d’une iscalité décentralisée au niveau des communes qui leur permettrait de jouer un rôle dans ce do-

maine, de nombreux maires plaident aujourd’hui dans ce

sens).

• Développer des échanges internationaux sur les pro-

ductions de cours numériques et bénéicier des ensei-gnements d’autres pays dans le développement de l’éducation numérique.

Il y a actuellement une accélération de l’éducation par le numérique pour des raisons d’évolution technique, d’intérêt pédagogique mais également pour des raisons économiques.

Ce mouvement va encore s’accélérer. Haïti a la chance d’être un pays pionnier dans le domaine. Il peut également partager son expérience avec d’autres pays du Sud.

Acronymes et sigles

ADEMA : Ansanm pou yon Demen Miyò an Ayiti (dans le Nord Ouest)

CFEF : Centre de formation des Enseignants du

Fondamental (Martissant)

DIENA : Délégation Interministérielle à l’Education

Numérique en Afrique (Paris)

EFACAP : Ecole Fondamentale et Centre d’Application

Pédagogique

ESF : Electriciens Sans Frontières

ESIH : Ecole Supérieure d’Infotronique d’Haïti

(Port-au-Prince)

GRESSADD : Groupe de Recherches et de Services en

Appui au Développement Durable (aux

Cayes)IFADEM : Initiative Francophone pour la Formation à

distance des Maitres

IPN : Institut Pédagogique National

MENFP : Ministère de l’Education Nationale et de la

Formation Professionnelle (Haïti)

PMA : Pays les Moins Avancés PSUGO : Programme de Scolarisation Universelle

Gratuite et ObligatoireTEH: Télé-enseignement en Haïti

TICE : Technologie de l’Information et de la

Communication pour l’Education

TNI : Tableau Numérique Interactif

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13www.factsreports.org

UEH : Université d’Etat d’Haïti

UPSAC : Université Publique du Sud aux CayesUSAID: United States Agency for International

Development

Références bibliographiques

(1) http://sankore.org et http://open-sankore.org

(2) MENFP (2012), Programme de scolarisation universelle

gratuite et obligatoire – http://eduhaiti.gouv.ht/psugo_bref.

html

(3) Groupe de travail sur l’Education et la Formation (2010),

Pour un Pacte National pour l’Education en Haïti, Rapport au

Président de la République.

(4) IHSI / CELALE / CEPAL (2008), Estimations et projections de la population totale, urbaine, rurale et économiquement

active, mai 2008.

(5) Loi du 18 Septembre 1979 sur la reforme éducative et décret du 30 mars 1982 sur la place du créole et du français dans l’enseignement fondamental.

(6) Groupe de Travail sur l’Education et la Formation (2010),

Pour un Pacte National pour l’Education en Haïti, Rapport au

Président de la République.

(7) Voir site www.haïti-futur.com, blog education-haiti.blogspot.com / facebook/Haiti-futur pour les détails de l’activité de

l’association.

(8) Haïti Futur (2010), Compte-rendu mission Avril 2010,

Rencontre avec les enseignants de Fonds Jean Noël.

(9) OLPC Haïti (2013) http://wiki.laptop.org/go/OLPC_Haiti

(10) CNUCED, (2007), Rapport sur les pays les moins avancés, p. 163

(11) Entreprises Deschamps-Frisch S.A (2013), Présentation du

projet RETEL.(12) TEH (2013) « Evaluation du programme TEH : des résultats

encourageants »

http://.programme-tech.com/2013/07/10/evaluation-du-pro-

gramme.tech-des-resultats-encourageants

(13) Rivière Lionel (2009), « En Haïti mettre la Main à la Pâte, ça marche ! » http://blogdei.org/index.php?tag/ha%c3%AFti

(14) Gaboton Josette, Despover Christian, Jarousse Jean Pierre

(2013), Rapport de mission en République d’Haïti, Suivi-

évaluation de l’Initiative francophone pour la formation à

distance des maîtres (IFADEM).

www.ifadem.org/2013/07/15/ifadem-haiti(15) Rock Margareth (2012) “The future of Education: Tablets Vs

textbooks”.

http://mashable.com/author/mobiledia

(16) Peck Raoul (2013), Documentaire télévisé « Assistance

Mortelle », Velvet Film; une coproduction de Arte France, RTBF et Entre chien et loup.