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formation zoom 29 Actualités pharmaceutiques n° 504 Mars 2011 L’ halitose est le terme générique utilisé pour décrire toute odeur désagréable ou nau- séabonde émanant de la cavité buccale. La perception de l’haleine se fait principalement au cours de l’élocution, dans le cadre d’un examen médical ou buccodentaire et au cours des rapports sociaux. La prévalence est difficile à apprécier car de nombreu- ses personnes atteintes ne consultent pas, soit parce qu’elles n’en sont pas conscientes, soit parce qu’elles ne ressentent pas de gêne. Étiologie de l’halitose Les patients, et bon nombre de praticiens, pensent à tort que la mauvaise haleine est d’abord due à des processus pathologiques au niveau du tractus gastro- intestinal. L’halitose temporaire n’a généralement aucune signi- fication pathologique et peut avoir plusieurs causes. L’halitose alimentaire est en relation avec la consom- mation d’une nourriture épicée (curry…), certaines bois- sons comme l’alcool (éliminé en partie par les poumons) ou le café, certains aliments (ail, oignon…), etc. L’halitose, handicap social ou psychologique L’halitose, encore dénommée haleine fétide ou tout simplement “mauvaise haleine”, reste un problème de santé mineur. Bien que dans 85 % des cas, l’halitose soit d’origine buccodentaire, d’autres causes locorégionales et générales doivent être recherchées. En effet, elle peut indiquer des troubles médicaux plus sérieux et être à l’origine d’un réel handicap social. © Fotolia.com/Zimmytws

L’halitose, handicap social ou psychologique

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Actualités pharmaceutiques n° 504 Mars 2011

L’halitose est le terme générique utilisé pour décrire toute odeur désagréable ou nau-séabonde émanant de la cavité buccale.

La perception de l’haleine se fait principalement au cours de l’élocution, dans le cadre d’un examen médical ou buccodentaire et au cours des rapports sociaux.La prévalence est difficile à apprécier car de nombreu-ses personnes atteintes ne consultent pas, soit parce qu’elles n’en sont pas conscientes, soit parce qu’elles ne ressentent pas de gêne.

Étiologie de l’halitoseLes patients, et bon nombre de praticiens, pensent à tort que la mauvaise haleine est d’abord due à des processus pathologiques au niveau du tractus gastro-intestinal. L’halitose temporaire n’a généralement aucune signi-

fication pathologique et peut avoir plusieurs causes.L’halitose alimentaire est en relation avec la consom-mation d’une nourriture épicée (curry…), certaines bois-sons comme l’alcool (éliminé en partie par les poumons) ou le café, certains aliments (ail, oignon…), etc.

L’halitose, handicap social

ou psychologique

L’halitose, encore dénommée haleine fétide ou tout simplement “mauvaise haleine”,

reste un problème de santé mineur. Bien que dans 85 % des cas, l’halitose soit

d’origine buccodentaire, d’autres causes locorégionales et générales doivent être

recherchées. En effet, elle peut indiquer des troubles médicaux plus sérieux

et être à l’origine d’un réel handicap social.

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La consommation de tabac laisse également une odeur caractéristique car l’haleine du fumeur contient notamment des composants de la fumée de tabac qui s’étaient temporairement déposés dans la muqueuse des voies respiratoires supérieures et inférieures avant de se retrouver également dans l’air expiré. L’halitose peut également survenir à la suite d’un jeûne prolongé ou en cas de régime amaigrissant. Elle correspond alors à la consommation d’acides gras par l’organisme, libérant des produits volatiles qui seront éliminés du sang par la voie pulmonaire (acidocétose à odeur d’acétone) aux conditions d’anaérobiose (absence d’oxygène) du fait de la fermeture buccale.L’halitose matinale est due à une diminution du flux salivaire pendant la nuit (hyposialie). Les bactéries uti-lisent alors les résidus alimentaires non évacués par le brossage pour développer des composés volatiles sulfurés (CVS).Certains médicaments peuvent également provo-quer une halitose temporaire, soit par l’exhalation de leurs métabolites comme le sulfate de diméthyle, soit par une réduction du flux salivaire (hyposialie ou asialie) comme les médicaments anticholinergi-ques, les antidépresseurs, les neuroleptiques, les anti histaminiques H1, certains antihypertenseurs et les antiparkinsoniens. La radiothérapie cervico-faciale induit souvent une diminution, voire une absence de salive. Certaines chimiothérapies en oncologie peuvent entraîner une neutropénie à l’ori-gine d’ulcérations de la muqueuse buccale et de gingivites pouvant ainsi favoriser l’apparition d’une mauvaise haleine. L’halitose permanente (ou de plus longue durée)

provient le plus souvent de bactéries de la cavité bucca le produisant des composés volatiles soufrés.Toutes les infections de la bouche peuvent altérer l’haleine : gingivites, parodontites, candidoses, caries, aphtes ou ulcérations des muqueuses, inflamma-tions liées à l’éruption des dents de sagesse, abcès, couronnes, bridges, prothèses dentaires mal entre-tenues… Une extraction dentaire entraîne presque systématiquement une halitose liée aux phénomènes de cicatrisation pendant plusieurs jours. Enfin, il faut noter que plusieurs études ont démontré l’existence d’une corrélation entre la sévérité d’une affection parodontale et la concentration des composés vola-tiles sulfurés présents.Parmi les autres causes, il est possible de citer une mauvaise hygiène dentaire, l’accumulation de la plaque dentaire, la présence de caries, les ulcérations buccales et les débris alimentaires qui se logent entre les dents ou sous une prothèse.Le dos de la langue constitué de replis, de papilles et de crêtes retient aussi les résidus alimentaires et des

bactéries favorisant la formation d’un enduit lingual nauséabond (film blanc jaunâtre).L’halitose peut également avoir une étiologie non buccale. C’est ainsi que certaines pathologies de la sphère ORL peuvent provoquer une mauvaise haleine : amygdalite chronique, sinusite chronique, corps étrangers dans les voies nasales, rhinite chro-nique ou carcinome de l’oropharynx.Quelques causes digestives comme le reflux gastro-œsophagien, les diverticules œsophagiens, les ulcérations gastro-œsophagiennes, les troubles de la sécrétion de la bile, une insuffisance hépatique, une digestion difficile ou même une constipation sont également connues.D’autres pathologies plus générales peuvent égale-ment être en cause, notamment le diabète où l’haleine typique est chargée en acétone, l’insuffisance rénale (odeur ammoniacale), le carcinome pulmonaire ou certaines maladies hépatiques. De même, les mala-dies systémiques comme les leucémies, l’agra-nulocytose, le sida, la syphilis ou la diphtérie sont suscep ti bles de provoquer, entre autres, une gingivite ulcéro-nécrotique qui se manifeste par une haleine typiquement fétide.Enfin, l’âge du patient peut être un facteur aggravant. En effet, avec l’âge, l’haleine peut devenir plus désa-gréable, notamment en raison d’un terrain parodontal fragile. Par ailleurs, les variations hormonales de la femme enceinte peuvent provoquer des gingivites à l’origine d’une halitose que les reflux acides liés aux vomissements accentuent.

En cause, les gaz odorants CVS La mauvaise haleine d’origine buccale est principale-ment due à la présence de composés volatiles sulfurés malodorants (CSV). Il s’agit principalement du sulfu re d’hydrogène, du méthylmercaptan, du sulfure de dimé-thyle, du disulfure de diméthyle ou de diamines (putres-cine, cadavérine) qui sont formés par le métabolisme de certaines bactéries (essentiellement à Gram néga-tif) dont le substrat principal est constitué de protéi-nes contenant des acides aminés avec des groupes soufrés . Ces bactéries sont présentes dans la salive, la crevasse gingivale ou à la surface de la langue.La production et la libération des CVS semblent dépendre de plusieurs facteurs, notamment de la population bactérienne, des conditions physico-chimiques (pH salivaire) et des substrats du méta-bolisme bactérien présents dans la salive, le fluide gingival et, dans une moindre mesure, les aliments.Des études ont également démontré que le dos de la langue restait la source principale de production des CVS chez les populations en bonne comme en mauvaise santé parodontale.

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Enfin, il a été nettement établi que la production de CVS était nettement plus élevée en cas de maladie parodontale.

Diagnostic de l’halitoseDans les quatre heures qui précèdent une consultation d’halitose, le patient doit s’abstenir de manger des ali-ments à forte émanation (ail, oignon…), de toute prise de boissons alcoolisées et de tabac, de tout soin d’hy-giène buccale, comme les bains de bouche, ainsi que de soin cosmétique (parfum, shampooing).Le diagnostic doit débuter par un interrogatoire aussi détaillé que possible. Il s’appuiera tant sur les circons tan ces d’apparition de la pathologie que sur les conditions de vie et les habitudes du patient. Un examen clinique dentaire et parodontal, complété éventuellement de radiographie, mettra en évidence les niches bactériennes ou alimentaires, les inflam-mations, sources de saignements, ou les infections. L’évaluation organoleptique réalisée par le praticien ou le patient lui-même est la méthode de référence. Le diagnostic peut être complété par l’utilisation d’un halimètre, appareil qui évalue la quantité de CSV rejetés dans l’air expiré. Ce test ne donne aucune indication spécifique et qualitative sur les bactéries (valeur normale < 180 ppb). La chromatographie en phase gazeuse (en laboratoire) permet de mesurer la concentration des composés soufrés volatiles dans l’air expiré du patient. Mais cette méthode est assez longue et coûteuse.

Prise en charge de l’halitoseLa suppression des facteurs étiologiques doit résou-dre ou au moins améliorer la mauvaise haleine. Une mise en état de la cavité buccale avec assai-

nissement parodontal est nécessaire, ainsi que des visites régulières chez le dentiste afin de pratiquer un détartrage. Une bonne hygiène buccale est indispensable.

Elle est basée sur l’utilisation de bains de bouche antiseptiques (sans alcool de préférence) en garga-rismes qui agiront en contrôlant la prolifération des micro-organismes : chlorhexidine, hexetidine, chlo-rure ou citrate de zinc, chlorure de cétylpyridinium, l’eau oxygénée, le triclosan, les dérivés fluorés (Halita bain de bouche® ou dentifrice antiplaque, Paroex®, Meridol® contenant des dérivés fluorés, Pluivax® à base de chlorhexidine, d’extraits de thé vert, de persil , de réglisse et de propolis)… Les bains de bouche à base d’alcool doivent être proscrits car ils assèchent la bouche. L’utilisation prolongée de ces produits est susceptible d’entraîner des modifica-tions de la flore buccale responsables du dévelop-pement de mycoses.

Un nettoyage quotidien des espaces inter-dentaires à l’aide de brossettes ou de fil dentaire est très fortement conseillé. Un brossage biquotidien du dos de la langue à

l’aide d’une brosse ou d’un gratte-langue (Halita®, Gum®, Alibi®) permet d’éliminer l’enduit, parfois nauséa bond, qui s’y dépose. Des substances rafraîchissantes peuvent aussi

être utilisées comme des sprays buccaux (Ric-qles®, Fluocaril®, Halita®…), des chewing-gums, des feuilles parfumées à faire fondre sous la langue ou des pastilles sans sucre contenant du menthol, de l’eucalyptol, du clou de girofle ou du persil (Alibi®, Oropur®…). Ils permettent de combattre l’halitose de façon transitoire seulement mais leur durée d’action est limitée. Une hygiène quotidienne des dentiers et autres

appareils dentaires est indispensable (comprimés effervescents de désinfection Corega®, Steradent®, Fixodent®…). La consommation de café, d’alcool et de tabac

doit être évitée. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

[email protected]

Quelques conseils de préventionPour prévenir la mauvaise haleine, une bonne hygiène de vie s’impose.

Respecter une hygiène buccodentaire rigoureuse avec un brossage des dents

au moins deux fois par jour est primordial. Un brossage efficace doit durer environ

3 minutes. Il se fait de la racine jusqu’au bord de la dent. Le brossage du soir

est impératif et le patient ne doit ensuite plus manger ou boire (particulièrement

des aliments sucrés). En cas de traitement médicamenteux (sirop notamment), il faut

prévoir de le donner avant le brossage. Il est important de bien rincer la brosse à dents

après usage et celle-ci doit être changée tous les deux à trois mois. L’haleine du matin

se combat ainsi au coucher grâce à un brossage méticuleux et une bonne hydratation.

Le brossage peut être complété par l’utilisation de fil dentaire, de brossettes

interdentaires et de jets dentaires (qui éliminent, sous la pression de l’eau, les débris

non éliminés au brossage, coincés dans les espaces interdentaires).

Réduire la consommation d’alcool et de café, et supprimer le tabac.

Éviter les aliments qui favorisent une mauvaise haleine comme l’ail, l’oignon,

les épices, le fromage et les régimes riches en protéines (laitages, viandes…).

S’hydrater correctement, ce qui permet d’augmenter la production de salive.

Pour en savoir plusLang B, Filippi A. Mauvaise haleine ou halitose : étiologie et pathogenèse.

Rev Mens Suisse Odontostomatol 2004 ; 114, 10 : 1045-50.

Lang B, Filippi A. Mauvaise haleine : diagnostic et traitement.

Rev Mens Suisse Odontostomatol 2004 ; 114, 11: 1160-5.

Mariano Sanz et al. Les principes fondamentaux de l’halitose.

The Journal of Contemporary Dental Practice. 2001; 2, 4: 1-13.

Darnaud E. Le praticien, ses patients et... l’halitose. L’information

dentaire. 2005 ; 17 : 1023.

www.haleine-halitose.com

www.haleinefraiche.com/halitose/halitose.htm