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1 MTD & SG JM AM © IEP Toulouse 2017-2018 Licence 1 ère année IEP1A Droit institutionnel de l’Union européenne Cours magistral du professeur M. TOUZEIL-DIVINA Équipe pédagogique : Caroline BRETON et Natacha ESTEVES Séance 9 : La fonction publique européenne Figure 1 : Un député européen en pleine séance de travail ! Vocabulaire Office européen de sélection du personnel - Fonctionnaires européens (administrateurs, assistants, assistants-secrétaires) bureaucratie Principe de loyauté. Documents 1. Règlement n° 31 (C.E.E) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Extraits). 2. Cinq questions à Maros SEFCOVIC, Vice-président de la Commission européenne chargé des Relations interinstitutionnelles et de l'Administration, in Études européennes : la revue permanente des professionnels de l'Europe, 2014 (Extraits). 3. MAGGI-GERMAIN Nicole, « Les fonctionnaires communautaires et la fabrication de l’intérêt général », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, 2004, p. 531. 4. HERNU Rémy, « Le devoir de loyauté du fonctionnaire des Communautés européennes », RTD Eur., 2002, p. 685. 5. CASSAGNABÈRE Hervé, « La fonction publique de l’Union européenne », AJDA, 2014, p. 776. Indications bibliographiques MAROS SEFCOVIC, Conférence-débat : « La fonction publique européenne : mythes, réalités et perspectives », Vidéo de l’intervention disponible sur : [http://www.etudes- europeennes.eu/a-la-une/conference-debat-l-la-fonction- publique-europeenne- mythes- realites-et-perspectives-r-3.html].

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MTD & SG – JM – AM ©

IEP Toulouse 2017-2018

Licence 1ère

année – IEP1A

Droit institutionnel de l’Union européenne

Cours magistral du professeur M. TOUZEIL-DIVINA

Équipe pédagogique :

Caroline BRETON et Natacha ESTEVES

Séance 9 : La fonction publique européenne

Figure 1 : Un député européen en pleine séance de travail !

Vocabulaire

Office européen de sélection du personnel - Fonctionnaires européens (administrateurs,

assistants, assistants-secrétaires) – bureaucratie – Principe de loyauté.

Documents

1. Règlement n° 31 (C.E.E) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime

applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la

Communauté européenne de l'énergie atomique (Extraits).

2. Cinq questions à Maros SEFCOVIC, Vice-président de la Commission européenne

chargé des Relations interinstitutionnelles et de l'Administration, in Études européennes :

la revue permanente des professionnels de l'Europe, 2014 (Extraits). 3. MAGGI-GERMAIN Nicole, « Les fonctionnaires communautaires et la fabrication de

l’intérêt général », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, 2004, p. 531.

4. HERNU Rémy, « Le devoir de loyauté du fonctionnaire des Communautés

européennes », RTD Eur., 2002, p. 685.

5. CASSAGNABÈRE Hervé, « La fonction publique de l’Union européenne », AJDA,

2014, p. 776.

Indications bibliographiques

❖MAROS SEFCOVIC, Conférence-débat : « La fonction publique européenne : mythes,

réalités et perspectives », Vidéo de l’intervention disponible sur : [http://www.etudes-

europeennes.eu/a-la-une/conference-debat-l-la-fonction- publique-europeenne- mythes-

realites-et-perspectives-r-3.html].

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MTD & SG – JM – AM ©

❖Article sur la réforme de la fonction publique européenne, paru sur le site de la Fondation

iFRAP THINK TANK dédié à l'analyse des politiques publiques, laboratoire d'idées

innovantes, disponible sur [http://www.ifrap.org/europe-et-international/fonctionnaires-

europeens-le-cocktail-de-reformes].

❖CONRAD Y., Les professionnels de l'Europe à Bruxelles : la fonction publique européenne

18 p., in « Bruxelles l'Européenne : regards croisés sur une région capitale », Université

catholique de Louvain, 2001.

❖FEUGIER J.-L., PRADINES M.-H., la function publique européenne en perspective, La

documentation française, coll. Réflexe Europe, 2015, disponible sur :

[HTTP://WWW.PAPPASLAW.EU/PDF/2010_11_15_CST-FR.PDF].

❖Site officiel de l’EPSO : [http://europa.eu/epso/index_fr.html].

❖Site du secrétariat généraldes affaires étrangères :

[http://www.sgae.gouv.fr/site/sgae/SGAE/Emplois-et-carrieres/Concours- europeens].

❖Site de l’ENA : [http://www.ena.fr/Concours-Prepas-Concours/Europe-preparer- les-

concours].

Document 1

Règlement n° 31 (C.E.E) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime

applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la

Communauté européenne de l'énergie atomique (Extraits).

TITRE PREMIER : DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier

Le présent statut s'applique aux fonctionnaires des Communautés.

Article premier bis

1. Est fonctionnaire des Communautés au sens du présent statut toute personne qui a été

nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d'une des

institutions des Communautés par un acte écrit de l'autorité investie du pouvoir de nomination

de cette institution.

2. La définition figurant au paragraphe 1 s'applique également aux personnes nommées

par les organismes communautaires (ci-après dénommés «agences») auxquels le présent statut

s'applique en vertu des actes qui les établissent. Les références faites aux institutions dans le

présent statut s'entendent également comme faites aux agences, sauf disposition contraire du

présent statut.

Article 5

1. Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des

fonctions auxquelles ils correspondent, en un groupe de fonctions des administrateurs (ci-

après dénommés «AD») et un groupe de fonctions des assistants (ci-après dénommés «AST»).

2. Le groupe de fonctions AD comporte douze grades correspondant à des fonctions de

direction, de conception et d'étude ainsi qu'à des fonctions linguistiques ou scientifiques. Le

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groupe de fonctions AST comporte onze grades correspondant à des fonctions d'application,

de nature technique et d'exécution.

3. Toute nomination à un emploi de fonctionnaire requiert, au minimum:

a) pour le groupe de fonctions AST:

i) un niveau d'enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou

ii) un niveau d’enseignement sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement

supérieur et une experience professionnelle appropriée de trois années au moins, ou

iii) lorsque l'intérêt du service le justifie, une formation professionnelle ou une expérience

professionnelle de niveau équivalent;

b) pour les grades 5 et 6 du groupe de fonctions AD :

i) un niveau d'enseignement correspondant à un cycle complet d'études universitaires de

trois années au moins sanctionné par un diplôme, ou

ii) lorsque l'intérêt du service le justifie, une formation professionnelle de niveau

équivalent;

c) pour les grades 7 à 16 du groupe de fonctions AD:

i) un niveau d'enseignement correspondant à un cycle complet d'études universitaires

sanctionné par un diplôme lorsque la durée normale desdites études est de quatre années ou

plus, ou

ii) un niveau d'enseignement correspondant à un cycle complet d'études universitaires

sanctionné par un diplôme et une expérience professionnelle appropriée d'une année au moins

lorsque la durée normale desdites études est de trois années au moins, ou

iii) lorsque l'intérêt du service le justifie, une formation professionnelle de niveau

équivalent.

4. Un tableau descriptif des différents emplois-types figure à l'annexe I, section A. Sur la

base de ce tableau, chaque institution arrête, après avis du comité du statut, la description des

fonctions et attributions associées à chaque emploi type.

5. Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des

conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière.

Document 2

Cinq questions à Maros SEFCOVIC, Vice-président de la Commission européenne

chargé des Relations interinstitutionnelles et de l'Administration, in Études

européennes : la revue permanente des professionnels de l'Europe, 2014 (Extraits).

Avant de présenter mon parcours, je voudrais dire quelques mots sur mon role aujourd’hui au

sein de la Commission, en tant que Vice-président chargé des relations interinstitutionnelles et

de l’administration.

Comme son nom l’indique, mon portefeuille comporte un double volet, un volet

interinstitutionnel, essentiellement tourné vers l’extérieur, et un volet administration, plus

interne, mais essentiel puisqu’il s’agit de « faire tourner la machine », tant sur le plan du

personnel que sur un plan logistique, et de s’assurer que la Commission dispose des moyens

nécessaires pour mener à bien les missions et les tâches conférées par les Traités. Le volet

administration de mon portefeuille est principalement consacré à la fonction publique

européenne et plus particulièrement au personnel de la Commission, à son cadre statutaire,

son développement, ses conditions de travail... Depuis le début de mon mandat, je m’emploie

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MTD & SG – JM – AM ©

à défendre la fonction publique européenne car je suis convaincu de sa plus-value dans

l’avancée des dossiers européens. Son rôle premier est en effet d'être au service des

institutions et de représenter, en leur nom, les intérêts de l'Union.

La politique agricole commune, les fonds structurels, le marché unique, les traités, les

élargissements ou les récentes évolutions de la gouvernance économique n'existeraient

probablement pas sans le travail, l'expertise et la ténacité des fonctionnaires européens.

Quels enseignements retirez-vous du fait d'avoir évolué dans un cadre européen ?

Je crois qu'il est difficile de trouver au sein de l'Union européenne un environnement

professionnel aussi riche, avec une aussi grande diversité culturelle et linguistique. Servir les

institutions européennes n'offre pas seulement l'opportunité de travailler avec des

représentants des 28 pays membres, mais aussi avec des personnes fortement motivées par

leurs tâches et dont le niveau d'éducation et les qualifications professionnelles sont très élevés.

Les réseaux sont également extrêmement importants. Si dans la diplomatie nationale, il peut

s'avérer suffisant de connaître une centaine de personnes, ici ce n'est pas le cas. La

problématique européenne amène à être en contact avec un grand nombre d'interlocuteurs,

qu'il s'agisse des représentants du Parlement européen, des parlements nationaux, des

délégations nationales des États membres, mais aussi des pays tiers et de la société civile. Il

est dès lors indispensable de créer ce réseau de relations professionnelles, qui sont autant de

relais dans les discussions sur les politiques européennes et de jalons dans les négociations sur

les propositions de la Commission. Malgré les critiques des eurosceptiques contre l'Union

européenne et la culture européenne, c'est ici que l'on peut vraiment ressentir que l'on forme

une grande famille européenne et que nous appartenons tous à cette famille (…)

Quel regard portez-vous sur le fonctionnement actuel du milieu européen ?

(…) Il y a selon moi un décalage fort entre la perception du grand public et la réalité. L’Union

européenne est souvent présentée, de façon erronée, comme une grande machine

bureaucratique qui coûte trop cher au contribuable européen. Ce n'est pas tout à fait vrai. Si on

y regarde de plus près, il est difficile de trouver un service public dont les dépenses

administratives, les salaires, les pensions, la gestion des bâtiments, etc. représente moins de 6

% du budget total. Le reste – 94 % du budget européen donc – est consacré aux politiques

européennes destinées à apporter de la croissance et des emplois, dont bénéficient les 28 États

membres, les régions, les communes, les agriculteurs, les entreprises et bien sûr in fine les 500

millions de citoyens européens. Si l'on prend la Commission européenne par exemple, elle

emploie 33 000 personnes. A titre de comparaison, la France compte plus de 2 millions de

fonctionnaires d'État dans ses ministères. L'État fédéral allemand emploie environ 560 000

agents. Avec 1850 fonctionnaires le ministère fédéral des Finances allemand est plus grand

que les trois directions financières de la Commission réunies (ECFIN, TAXUD et BUDG),

qui totalisent 1490 fonctionnaires. Le FMI quant à lui emploie 2500 personnes. Bien sûr, les

fonctions ne sont pas toujours comparables. Il est tout de même important de rappeler que l'on

demande toujours plus à la fonction publique européenne. Par exemple, chaque fois que le

Conseil demande à la Commission de proposer une nouvelle agence, que les Traités sont

revus ou qu'un nouvel État membre rejoint l'Union, souvent avec une nouvelle langue

officielle, cela signifie plus de travail. (…)

(…) C'est la raison pour laquelle j'ai du mal à comprendre et à accepter les critiques adressées

à la fonction publique européenne. Comme toutes les fonctions publiques nationales, nous

devons bien sûr réduire les coûts de fonctionnement, accroître l'efficacité, ce qui va de pair

avec un allègement et une simplification des tâches administratives. C'est le sens de la

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MTD & SG – JM – AM ©

réforme Kinnock de 2004, adoptée bien avant la crise pour préparer les élargissements de

2004 et 2007, et de la réforme décidée en juillet dernier, qui apportent des économies

significatives

Figure 2 : Le salaire des hauts fonctionnaires européens.

Figure 3 : Catégories et grades de la fonction publique européenne.

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Document 3

MAGGI-GERMAIN Nicole, « Les fonctionnaires communautaires et la fabrication de

l’intérêt général », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, 2004, p. 531.

Si l'ouverture des marchés à la concurrence, et plus particulièrement le démantèlement des

services publics industriels et commerciaux réalisé sous la pression de la construction

communautaire, conduisent à « moins d'État », l'interventionnisme juridique communautaire

s'est corrélativement accru : la déréglementation des anciens monopoles nationaux a généré et

continue de générer de nombreux textes tels que directives et règlements mais aussi arrêts de

la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Le constat n'est paradoxal qu'en

apparence : l'ouverture à la concurrence des services publics a en effet servi à légitimer un

transfert de compétences des États membres vers la Communauté européenne. Cette «

dépossession » des États membres anime, tout en la renforçant, la construction politique de

l'Union européenne.

Elle s'appuie d'ailleurs sur la présence d'une fonction publique européenne substantielle, qui

constitue en quelque sorte l'assise des institutions communautaires. Il existe en effet un

personnel au service des Communautés européennes et régi, de ce fait, par un statut juridique

particulier. L'importance de cette fonction publique peut, entre autres, se mesurer à l'aune de

l'important contentieux issu du corpus de normes juridiques qui leur est applicable. Il existe

ainsi un recueil des arrêts de tribunal de première instance des Communautés européennes

(TPICE) spécifique au contentieux de la fonction publique communautaire ; le site Internet de

la CJCE comporte une rubrique consacrée aux fonctionnaires et un Bulletin mensuel du

personnel des Communautés permet d'informer les personnels.

Cette fonction publique communautaire est soumise à un statut du personnel, acte unilatéral,

élaboré par la Communauté européenne. La relation de travail, qui se caractérise ainsi par

l'existence d'un lien statutaire noué entre le fonctionnaire et son institution d'appartenance (à

la différence du lien contractuel des agents temporaires), produit certains effets juridiques

devant notamment permettre de garantir l'indépendance du fonctionnaire. Une telle acception

de la relation de travail, que l'on pourrait qualifier d'« administrativiste », c'est-à-dire très

proche de la logique juridique portée, en France, par le droit administratif, permet aussi de

renforcer, au plan juridique, l'intervention des pouvoirs publics. Les fonctionnaires

communautaires interviennent à l'appui de la construction de la Communauté européenne, ils

en sont l'un des « bras armés ». En dotant ses agents d'un statut comportant des règles

spécifiques, l'Union européenne établit un lien entre statut d'emploi et intérêt général

communautaire [...]

La qualité de fonctionnaire

Le Statut définit le fonctionnaire communautaire par référence au lien d'emploi. Selon l'article

1er, « Est fonctionnaire des Communautés au sens du présent statut toute personne qui a été

nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d'une des

institutions des Communautés par un acte écrit de l'autorité investie du pouvoir de nomination

de cette institution ». Deux conditions sont donc requises : avoir été nommé par l'autorité

compétente dans un emploi permanent d'une des institutions des Communautés. La

nomination conditionne l'application du statut. Elle trouve nécessairement son origine

dans un acte unilatéral de

l'autorité investie du pouvoir de nomination. On peut y voir une sorte d'investiture de la

puissance publique. D'autre part, c'est la nature juridique de l'emploi occupé qui confère la

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qualité de fonctionnaire. La condition posée du caractère permanent de l'emploi occupé étaye

l'idée de transcendance, médiatisée par le statut, attachée aux Communautés. La permanence

de l'emploi permet de renforcer la continuité de l'institution : c'est ce qui justifie d'ailleurs la

possibilité de recourir pendant de longues durées (trois ans) au service d'agents auxiliaires. Ce

lien d'emploi se double d'un lien institutionnel : la personne intègre la fonction publique

communautaire par l'occupation d'un emploi permanent au sein d'une des institutions des

Communautés. Le contentieux en la matière est abondant, mais la jurisprudence de la Cour de

justice des Communautés européennes (CJCE) comme du tribunal de première instance des

Communautés européennes (TPICE) est constante : la qualité de fonctionnaire est

indissociable de l'appartenance à une institution des Communautés. La nature juridique de

l'emploi occupé est donc intimement liée à la nature juridique de l'organisme employeur. Les

juridictions communautaires se réfèrent, pour établir une distinction, au critère de l'application

d'un droit national. C'est ainsi que l'Association européenne pour la coopération, association

internationale régie par le droit belge, « ...ne peut, quelles que soient les relations qu'elle

entretient avec la Commission, être assimilée à une entité administrative de celle-ci »1. La

filiation juridique avec les Communautés européennes se trouve par conséquent établie dès

lorsque l'organisme en question est, au plan juridique, indépendant du droit d'un État membre.

Le lien statutaire, et non contractuel, qui unit le fonctionnaire aux Communautés. permet donc

de renforcer l'indépendance de l'Union européenne par rapport à un État membre [...]

Une garantie juridique d’indpendance des fonctionnaires à l’égard des États membres

L'article 11 du Statut pose en principe que « le fonctionnaire doit s'acquitter de ses fonctions

et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts des Communautés, sans solliciter

ni accepter d'instruction d'aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure

à son institution ». Bien que ressortissant d'un État membre, le fonctionnaire acquiert, en

intégrant le Statut, une indépendance, notamment économique, à l'égard de son pays (ou de

tout autre institution extérieure). Cette « indépendance dans l'exercice de ses fonctions » (Art.

12 al. 2 du statut). Se manifeste de plusieurs façons. Par le biais des privilèges et immunités

reconnus. Aux fonctionnaires communautaires qui, selon le TPICE « [...] visent à éviter

qu'une entrave soit apportée au fonctionnement et à l'indépendance des Communautés », mais

aussi par certaines conditions liées au comportement du fonctionnaire. Il est, d'une part, tenu

d'une obligation d'abstention : il ne peut accepter d'instruction que de son institution de

rattachement. Il obéit, d'autre part, à un principe d'action : le fonctionnaire doit s'acquitter de

ses fonctions et régler sa conduite en tenant compte des seuls intérêts des Communautés. Le

champ d'application de la règle est très large : ce n'est pas seulement la vie professionnelle qui

est visée mais tous les actes de la vie, le texte faisant référence à la « conduite » du

fonctionnaire. Il ne peut, par exemple, exercer d'activité extérieure, rémunérée ou non, ou bien

remplir un mandat en dehors des Communautés sans en avoir demandé au préalable

l'autorisation. Celle-ci sera refusée « [...] si l'activité ou le mandat sont de nature à nuire à

l'indépendance du fonctionnaire ou à porter préjudice à l'activité des Communautés » (Art.

12 al. 3) [...]

Le lien statutaire permet donc de faire peser sur le fonctionnaire communautaire des devoirs

(son indépendance vis-à-vis des États par exemple) qui transcendent les frontières vie

professionnelle/vie privée.

1 CJCE, 13 décembre 1989, Augustin Oyowe et Amadou Traore contre Commission des Communautés

européennes, aff. n° C-100/88.

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MTD & SG – JM – AM ©

Le Statut des fonctionnaires renforce la « fabrication » de cet intérêt général communautaire.

D'abord en prévoyant, s'agissant du régime juridique applicable à la relation de travail, la mise

à l'écart du droit national. L'article 11, 1er alinéa dispose en effet que « le fonctionnaire doit

s'acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts des

Communautés, sans solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement, autorité,

organisation ou personne extérieure à son institution ». Le droit communautaire est donc

d'application exclusive. Il vise à extraire les fonctionnaires de leur régime juridique national

afin de leur appliquer des règles spécifiques servant les intérêts des Communautés. Les

privilèges et immunités sont ainsi consentis aux fonctionnaires dans « l'intérêt exclusif des

Communautés », en l'espèce, la garantie de l'indépendance des Communautés. S'ils ne

peuvent être invoqués dans des relations juridiques privées avec d'autres particuliers (le droit

national ayant alors vocation à s'appliquer), c'est à la condition que « [...] l'institution

considère qu'il n'est pas contraire aux intérêts de la Communauté de ne pas invoquer

ses privilèges et immunités »2. L'État se trouve de jure exclu de la relation de travail. Le

Statut et les règles de droit qu'ils comportent transcendent les droits nationaux. L'article 7

prévoit ainsi que « l'autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de

nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité,

chaque fonctionnaire à un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son

grade ».

C'est la même logique qui prévaut à l'article 4 selon lequel « toute nomination ou promotion

ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d'un emploi dans les conditions prévues

au présent statut ». L'article 27, 3e alinéa du chapitre Ier relatif au recrutement précise, pour

sa part, que « aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d'un État membre

déterminé ».

Dans le même temps, l'intérêt général va servir à légitimer un encadrement des droits

fondamentaux des fonctionnaires. Le TPICE a ainsi pu décider, dans l'affaire Connolly, que «

l'exercice de droits fondamentaux tels que le droit de propriété peut être soumis à des

restrictions, à condition que celles-ci répondent à des objectifs d'intérêt général poursuivis par

la Communauté et ne constituent pas une intervention démesurée et intolérable portant

atteinte à la substance même des droits garantis »3. Il résulte en effet d'une jurisprudence

constante que les droits fondamentaux ne constituent pas des prérogatives absolues, mais

peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des

objectifs d'intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention

démesurée et intolérable dans une société démocratique, qui porterait atteinte à la substance

même des droits protégés. L'intérêt général peut donc justifier une restriction à l'exercice d'un

droit, qualifié par les juridictions de fondamental, tel que le droit d'expression (au travers de la

publication d'un ouvrage). Le Statut participe ainsi à la fabrication d'un intérêt général des

Communautés distinct de l'intérêt des États membres de l'Union européenne ; il en constitue

l'un des médiateurs juridiques dont l'intérêt du service constitue la déclinaison.

Document 4

HERNU Rémy, « Le devoir de loyauté du fonctionnaire des Communautés

européennes », RTD Eur., 2002, p. 685.

L'affaire Connolly a donné l'occasion à la Cour de justice des Communautés européennes de

rendre un arrêt important en matière d'obligations professionnelles des fonctionnaires. Elle y

2 TPICE, 26 octobre 1993, Reinarz c. Commission.

3 TPICE, 19 mai 1999, Connolly c. Commission.

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MTD & SG – JM – AM ©

rappelle le caractère fondamental du devoir de loyauté vis-à-vis de l'autorité dont ils relèvent

et en précise les implications.

Bien que la fonction publique communautaire occupe une place assez négligeable dans l'étude

du droit des Communautés et de l'Union européenne, la question de la loyauté suscite l'intérêt

pour au moins deux raisons. Tout d'abord, elle est indissociable de la problématique générale

de l'intégration communautaire ; elle concerne en effet ceux qui y sont le plus étroitement

associés, c'est-à-dire les fonctionnaires et agents des Communautés. En outre, la loyauté a

récemment fait l'objet de nombreux développements jurisprudentiels et institutionnels. Ils

s'inscrivent principalement dans le contexte de la crise ayant affecté la Commission

européenne et dans celui de la réforme en cours de l'institution.

De manière générale, on peut considérer que le respect du devoir de loyauté est d'une

importance toute particulière compte tenu à la fois de la nature des missions des

Communautés et de l'Union et de la nécessité de protéger les intérêts d'une organisation en

phase de construction. Cette idée qui n'est pas nouvelle a vu ses termes remarquablement

énoncés par le professeur Bastid-Basdevant, dès 1931, en ce qui concerne la fonction publique

internationale. L'auteur estimait, en effet, que « les fonctionnaires internationaux, comme tous

les fonctionnaires, sont tenus sous le contrôle et la direction de leurs supérieurs hiérarchiques

d'accomplir une besogne de caractère administratif dans certaines conditions. Ils doivent y

consacrer toute leur activité professionnelle. C'est là le droit commun de la fonction publique,

sans plus. Mais à raison du fait qu'il s'agit de fonctionnaires internationaux, c'est-à-dire

chargés de satisfaire des intérêts publics internationaux, apparaît sous un nouvel aspect

l'obligation qui correspond à ce qui est en droit public interne, la loyauté à l'ordre de choses

établi, le civisme du fonctionnaire. Le fonctionnaire international, avons-nous dit, échappe au

cadre juridique étatique, il doit agir dans l'intérêt commun de plusieurs Etats et

indépendamment de ses liens d'allégeance avec l'un d'eux ».

La contrainte exercée sur le fonctionnaire international est plus forte que celle qui pèse sur

son homologue national. Cette différence peut être expliquée par la considération suivante :

dans le cadre de la fonction publique nationale, la loyauté sert un ordre des choses en principe

solidement établi, alors que dans celui de la fonction publique internationale, elle concerne un

ordre des choses plus fragile qu'il convient de protéger davantage. C'est dans cette perspective

que doit d'abord être envisagé le devoir de loyauté des fonctionnaires communautaires.

Dans l'ordre juridique communautaire, la loyauté est prescrite dans l'intérêt commun. L'agent

est recruté pour son service si bien que ses propres intérêts lui sont entièrement subordonnés.

Il est soumis à l'organisation, doit agir à la fois en toute indépendance par rapport aux intérêts

extérieurs à l'institution, surtout lorsqu'ils sont étatiques, et conformément à l'image de dignité

qu'« on est en droit d'attendre des membres d'une fonction publique internationale »4. Il s'agit

encore d'une question fondamentale de confiance que l'institution doit pourvoir placer dans le

chef du personnel qu'elle recrute. C'est précisément dans ce cadre que s'inscrit l'affaire

Connolly.

M. Connolly, chef de l'unité SME, politiques monétaires nationales et communautaires, était

poursuivi sur le plan disciplinaire pour avoir, sans autorisation, fait publier un ouvrage au titre

évocateur ; il dénonçait « The rotten heart of Europe. The dirty war for Europe's money ». Le

Tribunal de première instance, puis la Cour de justice5, accueillirent la légalité de la décision

4 TPI, 7 mars 1996, Williams c/ Cour des comptes des Communautés européennes, aff. T-146/94.

5 CJCE, 6 mars 2001, B. Connolly c/ Commission des Communautés européennes, aff. C-274/99 P.

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de révocation prononcée par l'autorité disciplinaire, au titre d'un manquement au « devoir

fondamental » de loyauté protégé par le statut de la fonction publique, notamment aux articles

11, 12 et 176.

Or, précisément, les dispositions statutaires ne font pas référence à une telle prescription de

comportement loyal. Il s'agit d'un devoir non écrit, dégagé par la Cour de justice de

l'économie de la réglementation applicable aux fonctionnaires des Communautés dans un

arrêt Capitaine c/ Commission de la CEEA du 9 juin 1964. La jurisprudence constitue, de ce

point de vue, une source particulièrement importante du droit de la fonction publique. La

lecture des arrêts relatifs au devoir de loyauté, compte tenu précisément de son absence de

détermination textuelle, ne manque pas de poser les questions de la définition de ce concept et

des sources d'inspiration du juge.

Il existe un rapport étroit entre les notions de loyauté et de légalité puisque, sur le plan

étymologique, le terme loyal dérive de la locution latine legalis qui signifie « conforme à la

loi ». La loyauté s'est toutefois progressivement détachée de la légalité pour être entendue

comme la « fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l'honneur et de la probité ».

Le terme revêt une connotation éthique évidente. La loyauté constitue principalement un

devoir moral qui impose à son débiteur un comportement constant dans ses engagements,

dévoué, exempt de toute trahison, fiable et conforme à la vérité, notions qui renvoient d'elles-

mêmes à celles de probité, d'intégrité, d'indépendance, de dignité ou encore de « droiture ».

Ainsi, la loyauté exige bien sûr de ne pas tromper, de ne pas mentir ; elle consiste surtout à «

adopter une attitude cohérente, une unité de comportement, qui permette à autrui de

déterminer avec confiance son propre comportement »7. Il résulte de cette proposition que la

loyauté est fondamentalement relative puisque c'est toujours à autrui qu'elle est due, en

l'occurrence aux institutions dont relève le fonctionnaire. Corrélativement, la relation qu'elle

implique rend particulièrement difficile toute tentative de définition qui puisse rendre compte

de manière satisfaisante de ses implications juridiques. C'est donc à l'oeuvre que le devoir de

loyauté peut et doit être envisagé.

En ce qui concerne la notion étudiée, il est communément admis, au sein des Etats membres

de l'Union européenne, que les fonctionnaires sont soumis à un devoir de loyauté vis-à-vis de

la Nation et des institutions ». Par ailleurs, il leur est imposé, sous des formes variées, une

obligation de réserve ayant pour effet de restreindre leur liberté d'expression.

La jurisprudence administrative française impose depuis longtemps aux fonctionnaires une

obligation de loyalisme à l'égard de la Nation8, ainsi qu'un devoir de réserve dans

l'extériorisation de leurs opinions9. Les agents publics bénéficient de la liberté d'expression en

tant qu'adversaires ou partisans du gouvernement ou du régime en place, mais à condition de

ne pas adopter une attitude anti-nationale et anti-républicaine et d'être modérés dans cette

expression.

6 Règlement n° 259/68 du Conseil du 29 févr. 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés

européennes. 7 AYNÈS (L.), “L'obligation de loyauté”, in L'obligation, Archives de philosophie du droit, 2000, t. 44, p. 195-

204, p. 197. 8 Voir par exemple : CE, 25 janvier 1935, Sieur Defrance, Rec. p. 105 (un fonctionnaire est sanctionné pour

avoir déclaré à l'occasion d'une réunion politique que « le drapeau rouge abattra l'ignoble drapeau tricolore »). 9 CE, 11 janvier 1935, Bouzanquet, Rec. p. 44.

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Dans l'arrêt Alfieri c/ Parlement européen du 14 décembre 1966, la Cour de justice a établi le

caractère « fondamental » du devoir de loyauté et de coopération applicable à tout

fonctionnaire vis-à-vis de l'autorité dont il relève. Son institution répond à la nécessité de

préserver l'activité des Communautés, en garantissant un lien de fonction publique à base

d'allégeance, de confiance, d'indépendance et d'intégrité. La loyauté constitue donc la pierre

angulaire du système d'obligations du fonctionnaire. Elle est la source d'obligations

professionnelles spécifiques. Il résulte par ailleurs de son caractère fondamental que le devoir

de loyauté s'étend à l'ensemble du personnel des Communautés, qu'il soit ou non en service. Il

s'agit d'une obligation de portée générale.

La loyauté est ainsi consubstantielle à la notion même de fonction publique communautaire.

La dignité conférée par son appartenance contribue à faire émerger un devoir particulièrement

exigeant de comportement loyal. Le devoir en cause est fondamental et tient un eplace

prépondérante dans le titre II du statut relatif aux droits et obligations du fonctionnaire ; il a

pour fonction la préservation de l'activité des Communautés et de l'Union. A cet égard, la

loyauté constitue une injonction tant négative que positive. Elle représente tout d'abord une

restriction nécessaire à la liberté d'expression du personnel des Communautés et a pour

première manifestation le respect d'une obligation de réserve. La loyauté impose ensuite un

devoir de comportement déontologiquement correct qui correspond à l'image de dignité que

les institutions sont en droit d'attendre des membres d'une fonction publique internationale.

Dès lors, à l'occasion de son contrôle, le juge doit trouver, dans chaque cas, un point

d'équilibre entre l'intérêt du service et l'exercice des libertés. Cet équilibre n'est pas un point

fixe, ce qui souligne la relativité de la notion étudiée. Il doit être apprécié compte tenu de tous

les éléments du contexte (le temps, le lieu, l'emploi du fonctionnaire, la place dans la

hiérarchie, etc.). L'analyse de la jurisprudence démontre que le devoir de loyauté, comme c'est

le cas dans les autres systèmes de fonction publique, est d'intensité variable.

Document 5

CASSAGNABÈRE Hervé, « La fonction publique de l’Union européenne », AJDA, 2014,

p. 776.

Déontologie et transparence

Le Parlement européen se montre d'une sensibilité particulière face aux affaires ou même aux

simples soupçons qui pourraient ternir l'image de la fonction publique européenne. Il a ainsi

demandé l'insertion dans le statut de diverses dispositions, renforçant celles introduites en

2004, destinées à prévenir les conflits d'intérêts, à interdire le lobbying de la part de

fonctionnaires en congé pour convenance personnelle ou d'anciens fonctionnaires, et à

protéger les fonctionnaires qui dénoncent des irrégularités. Cette modification vient à point

nommé, alors que le Médiateur de l'Union européenne a ouvert, en février 2013, une enquête

sur les carrières dites en « portes tournantes », c'est-à-dire « les allers et retours de

fonctionnaires entre le secteur public et le secteur privé dans des emplois étroitement

liés » (communiqué de presse n° 4/2013).

Les trois stades fondamentaux de la carrière font désormais l'objet de dispositions à caractère

déontologique.

Au state de l'entrée en service, l'article 11 du statut, qui visait à garantir l'indépendance des

fonctionnaires, est complété par une procédure d'examen individuel des conflits d'intérêts

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préalablement à tout recrutement. Avant chaque engagement, l'administration « examine si le

candidat a un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance ou tout autre

intérêt personnel ». Le futur collaborateur doit renseigner un formulaire spécial prévu à cet

effet. Il doit mentionner tout intérêt pertinent, même potentiel. Cette vérification sera faite de

nouveau pour le fonctionnaire de retour d'un congé de convenance personnelle.

Pendant l'exercice des fonctions, le statut renforce la protection des lanceurs d'alerte

(whistleblowers). Il est précisé que le fonctionnaire qui signale à ses supérieurs des ordres qui

lui paraissent entachés d'irrégularité ou dont il estime que l'exécution peut entraîner de graves

inconvénients « ne subit aucun préjudice à ce titre » (art. 21 bis nouveau du statut). Cette

nouvelle protection complète, à un niveau de conflit interne encore contenu, celles dont

bénéficie depuis 2004 le fonctionnaire en cas de désobéissance à un tel ordre (transposition en

droit de l'Union de la « théorie des baïonnettes intelligentes ») et de dénonciation des fraudes

ou abus, notamment à l'Office européen de lutte anti-fraude.

Après la cessation des fonctions, le statut renforce le « devoir d'honnêteté et de délicatesse,

quant à l'acceptation de certaines fonctions ou de certains avantages » déjà consacré (art. 16

du statut). Le fonctionnaire qui se propose d'exercer une activité professionnelle, même

bénévole, dans les deux années suivant la cessation de ses fonctions, est tenu de le déclarer à

son institution au moyen d'un formulaire spécifique. Ses activités au cours des trois ans

précédant sa sortie du service sont examinées, et l'administration peut interdire ou poser des

conditions à l'activité envisagée. La novation, intéressante, de 2014 concerne les personnels

d'encadrement supérieur (sorte d'équivalent, en France, des titulaires d'emplois à la discrétion

du gouvernement) : il leur est interdit pendant les douze mois suivant leur cessation de

fonctions d'entreprendre « une activité de lobbying » (sic) ou de « défense d'intérêts » vis-à-

vis du personnel de leur ancienne institution pour le compte de leur entreprise, de leurs clients

ou de leurs employeurs, concernant des questions relevant de leur compétence pendant leurs

trois dernières années de service. Chaque institution doit publier, annuellement, des

informations sur la mise en oeuvre de cette procédure, y compris une liste des cas examinés.

C'est, sur le principe, une louable foulée sur le chemin de l'impartialité objective. On

regrettera cependant la brièveté relative du délai de douze mois, le fruit sans doute d'un

compromis bancal, dont on doit s'attendre à ce qu'il soit prolongé un jour ou l'autre.

Néanmoins, la loi annoncée en France sur la déontologie des fonctionnaires dans le sillage de

la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique y trouvera sans doute une

source d'inspiration ou à tout le moins un terme de comparaison.

Enfin, également dans le sens de la transparence mais avant tout dans une optique égalisatrice,

la Cour de justice de l'Union européenne est désormais responsable de la tenue d'un registre

de toutes les mesures d'application ou d'adaptation du statut adoptées par les différentes

autorités investies du pouvoir de nomination. Chaque institution et agence, mais aussi chaque

Etat membre, aura un accès direct à ce registre. Pour mesurer toute la portée d'un tel outil,

transposons-le l'espace d'un instant en France : imaginons que le Conseil d'Etat soit

dépositaire de l'ensemble des statuts particuliers et régimes indemnitaires des trois fonctions

publiques ; songeons aux conséquences qu'aurait un tel droit de regard de corps, cadres

d'emplois, administrations qui s'estiment, à tort ou à raison, moins bien lotis, sur d'autres

qu'on dit sinon favorisés du moins peu transparents quant à leur régime indemnitaire...

En définitive, loin de signer la mise à bas du service public européen dénoncée par certaines

organisations syndicales, la place accordée à la performance et au mérite dans les réformes

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statutaires de 2004 et 2014 est peut-être la marque d'un pas supplémentaire de la construction

européenne vers un modèle d'inspiration fédérale.

Cette marque transparaît dans le simple fait que l'Union se soit dotée d'une fonction publique

qui lui est propre, et ne fonctionne pas avec des fonctionnaires détachés par les Etats

membres. Elle est accentuée par l'existence d'un cadre juridique écrit, le statut, et le choix du

système « de la carrière » de préférence à celui « de l'emploi » bien connu des pays de

l'Europe du Nord.

En se montrant particulièrement exigeante sur l'impératif de performance des « serviteurs de

l'Union », l'Europe a eu l'air de faire droit à court terme aux exigences financières des Etats.

Mais en réalité, elle vient de se donner une coloration encore moins intergouvernementale ou

confédérale : en effet, qu'est-ce que valoriser le mérite sinon faire reculer, dans le choix des

personnes qui oeuvrent au quotidien au bon fonctionnement de l'Union, la place des critères

politiques et géographiques dont on sait combien ils font la part belle aux Etats ?

Exercice à réaliser

À l’aide des documents de la plaquette ET de vos propres recherches,

vous disserterez sur le sujet suivant :

Le fonctionnaire européen au service de l'intérêt général ?