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Tous droits réservés © Association Lurelu, 2010 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 15 juin 2022 18:20 Lurelu La seule revue québécoise exclusivement consacrée à la littérature pour la jeunesse L’illustration du livre pour enfants : courants et tendances Francine Sarrasin Volume 32, numéro 3, hiver 2010 URI : https://id.erudit.org/iderudit/60864ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association Lurelu ISSN 0705-6567 (imprimé) 1923-2330 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Sarrasin, F. (2010). L’illustration du livre pour enfants : courants et tendances. Lurelu, 32(3), 85–88.

L’illustration du livre pour enfants : courants et tendances

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Tous droits réservés © Association Lurelu, 2010 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 15 juin 2022 18:20

LureluLa seule revue québécoise exclusivement consacrée à la littérature pour la jeunesse

L’illustration du livre pour enfants : courants et tendancesFrancine Sarrasin

Volume 32, numéro 3, hiver 2010

URI : https://id.erudit.org/iderudit/60864ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Association Lurelu

ISSN0705-6567 (imprimé)1923-2330 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleSarrasin, F. (2010). L’illustration du livre pour enfants : courants et tendances. Lurelu, 32(3), 85–88.

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le récit il n’est nommé. C’est l’image qui lenomme. La formulation presque abstraite dudessin atteint l’essentiel : on est dans l’ordrede l’évocation beaucoup plus que dans la des-cription des faits. Le cercle rouge peut fairepenser à du sang et à la mort, à cette réalitéde la guerre transposée en images… L’icono-graphie actuelle des albums pour enfants estaussi pénétrée de cette vision et de l’inten-tion de ne pas exclure l’enfant du monde danslequel il vit et qu’il fréquente par les médiasélectroniques, entre autres.

S’il est question de guerre, de bombarde-ments, de peur et de mort, dans L’Étoile deSarajevo écrit par Jacques Pasquet3, PierrePratt garde sa façon toute personnelle dedessiner les visages qui sont schématisés àl’extrême. Le dessin s’inscrit dans la conti-nuité du style de l’illustrateur, il s’adapte aussibien au sujet de l’ouvrage.

Les deux visages sont tendus vers le hautà droite, devant un ciel rosi d’espoir et peut-être aussi de bombardements. L’axe donnéà ce double regard impose sa force aux per-sonnages tout en atténuant la pente du pay-sage, derrière. Le vieillard et la fillette sem-blent réunis dans la confiance de leurcheminement vers l’étoile qui a, il faut en con-venir, une certaine parenté avec l’étoile deBethléem… Plus réalistes que l’ensemble dudécor, les deux protagonistes, plantés droitdans la page, donnent prise au regard pen-dant que la guerre autour se définit de façon

presque abstraite. Et c’est de façon aussi abs-traite que l’histoire se termine… sans direvraiment la mort…

Le pouvoir de l’évocation atteint son pa-roxysme dans le travail de Janice Nadeaupour le récit de Marie-Francine Hébert, Nulpoisson où aller (2003). Une guerre à peineprofilée dans les mots et les silences du texte,une guerre sourde que l’image pressent. Lecaractère délicat du dessin, le chromatismesubtil des formes, l’exploitation du blanc dela page sont comme autant de silences par-semés, de soubresauts d’isolement et depeine. Un sujet difficile pour quiconque s’yplonge, un sujet qui donne des frissons. S’ilest vrai que l’œuvre d’art n’existe que dansson rapport avec quelqu’un, potentiel desti-nataire enfant ou adulte, cet album se laisseprendre à petites doses, par l’un et l’autre,en lecture doucement partagée.

Dans la nomenclature des sujets diffici-les, la perte d’une maman comporte son lotde gravité qui alourdit le deuil de la fillettedans Ma maman du photomaton, signé GuyNadon et Manon Gauthier (2006). Il faut sa-voir gré à l’auteur de ne pas dire cette mortsuicidaire, de laisser la peine s’installer sansles mots. Il faut aussi voir, dans cette pagecouverture, le rouge dominant, couleurchaude, de rapprochement. On nous mon-tre, en gros plan, maman et fillette colléesl’une contre l’autre avec de bien faibles sou-rires. L’aquarelle de la robe excède le tracé

L ’ I L L U S T R A T I O N

L’illustration du livrepour enfants :courants et tendancesFrancine Sarrasin

Donnant suite à une récente communicationpour l’AIIQ1, ma chronique fait état de certai-nes tendances actuelles de l’illustration dulivre pour enfants et propose une réflexionsur des choix thématiques parfois forts etaudacieux, parfois imbus d’un caractère pu-rement ludique.

Certes, devant l’illustration, il y a le plaisirtrès personnel de contempler, d’aimer ou dene pas aimer, plaisir qui est justifié par l’émo-tion : s’il n’a rien de scientifique, ce premierélan permet au moins de développer la cul-ture du regard. Cela vaut autant pour l’en-fant que pour l’adulte. À mon avis, plus onvoit, plus on reconnait formes et couleurs etplus on avance dans l’appréhension de quel-que chose de neuf. Pour des sujets sérieuxcomme la guerre, la maladie, la mort, le sui-cide, le travail des enfants, la séparation, lasolitude… que sera donc l’illustration? À quoil’œil doit-il s’exercer? De nos jours, si elle estfréquente un peu partout, la violence affichéefroidement semble exclue des pratiques d’il-lustration destinées aux enfants. On privilé-giera la suggestion à la représentation litté-rale : ce qui n’est pas montré prend alors uneimportance accrue.

Des sujets graves pour les enfants

Avec Koletaille2 (2002), il faut voir comment,dans les mots de Sylvie Pinsonneault, l’illus-trateur Lino évoque la guerre. Si le ton est lé-ger et presque anodin, avec son cercle rougebarbouillé comme un graffiti, l’image dit autrechose. Elle fait penser à une cible avec le motdu titre un peu penché, comme le sont aussiles indications des auteurs de l’ouvrage. Lecercle rouge clôture une forme ronde sur la-quelle sont dessinés, dans de petits rectan-gles blancs, un char d’assaut et un person-nage. Ces dessins placés à la verticale croisentle titre Koletaille et font penser à une croix. Lemot «Koletaille» isole ou réunit les deux.

L’histoire du char d’assaut est racontée parles dessins qui ressemblent à ceux d’un en-fant. Allusion à la guerre, à la mort, aux hor-reurs vues de façon presque objective du pointde vue du «char d’assaut». Cet étrange per-sonnage raconte son histoire et nulle part dans

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de la ligne et brouille la netteté de la présence,comme une prémonition, alors que les tachessur les joues des personnages soulignent debien petits yeux, un peu tristes. La captationde cette photo de photomaton arrête le tempsde la vie et perpétue, pour la fillette, le sou-venir d’un joyeux moment de rapproche-ment. Placée en page couverture, l’illustra-tion voudrait peut-être atténuer la réalitédouloureuse de l’absence définitive et de lasolitude qu’ainsi elle engendre.

Un sourire, pour faire changement

Croque de Thomas Fersen et Manon Gauthier(2007) fait le pont entre les thèmes difficilesde la mort et quelque chose d’ironique, dedérisoire. Après le caractère sérieux du deuil,le croquemort fait diversion. Nous sommesdevant un album dont le destinataire n’est pasclairement défini : les allusions du texte à labière, par exemple, tournent le commentairevers l’adulte et vers celui qui a connu les en-terrements traditionnels avec prêtre en sou-tane, goupillon, eau bénite, etc. Le contenuimagé de la page couverture semble s’amu-ser des allusions du texte. Un croquemort quimange pour quatre est montré en frise, qua-druplé. Quatre bonshommes posent le mêmegeste. La chevelure désordonnée se découpesur un fond blanc d’un papier apparemmentdécoupé et collé ici. On n’a pas besoin de ca-cher le travail effectué : mieux, on le montre!Cette incursion dans la démarche de créationouvre le propos sur une dimension autre.L’œuvre livre plus que le seul contenu repré-senté. Elle permet un contact privilégié avecle cheminement de l’artiste. Car l’illustrationest aussi la résultante d’un exercice techniquede dessin, de peinture et, comme c’est le casici, de collage. La mort peut exploiter avec jus-tesse la rupture des formes. Le collage pro-pose ainsi un changement de registre, unefaçon de voir décomposée, complexe.

Quelques morceaux de plaisir

La page couverture de Recette d’éléphant àla sauce vieux pneu (2002, texte de CaroleTremblay) déborde de couleurs et de formes.

Le joyeux travail de Virginie Egger fait-il par-tie des nouvelles tendances? Le lecteur pren-dra plaisir à reconnaitre des formes connues,des morceaux de formes, et le fait de les voirassemblées de façon parfois saugrenue ap-porte quelque chose d’agréable à la lecturede l’image. Un plaisir gratuit. Une autre di-mension de l’iconographie des albums pourenfants.

Même si la représentation est loin d’êtrefidèle, les formes étant à peine esquisséeset anachroniques : bouche trop grande, coutrop mince, doigts très longs…, l’essentielde cette page de Bonne nuit, Gabou! (2002,texte de Carole Tremblay) est sauvegardé :la tendresse du geste avant d’aller dormir.Dans les illustrations de Céline Malépart,aucune ligne contour, des formes découpéespresque au couteau, dans la couleur, et cegrand visage de fausse sorcière, changée enmère… Ce qui attachait tout à l’heure l’en-fant à son lit attache maintenant la mère àl’enfant dans de mobiles entrelacs. On estloin des représentations parfumées à l’eaude rose! La mère excédée des réclamationsde sa fille l’a presque clouée à son lit! Pro-blème que plusieurs mères ont peut-êtredéjà vécu et qu’illustre ici un dessin fort,sans complaisance.

Les formes sont pleines et s’articulentdans la couleur comme c’est aussi le cas

pour l’album de Johanne Gagné et Rogé,Les Vacances du Petit Chaperon rouge(2004). Une histoire amusante, qui supposeque l’enfant connait la vraie histoire, lui don-nant le crédit d’un peu de culture. Le desti-nataire est donc pris pour quelqu’un d’im-portant, qui sait comprendre de quoi il s’agit.Le personnage de la fillette Chaperon rougebouge comme une marionnette. Sous le pin-ceau de Rogé, les formes sont stylisées, lacouleur est appliquée en plein, presque enaplat, ce qui confère un peu d’irréel à la sé-quence. À sa façon, cette page couverturerésume l’histoire. Le jeu de rôles y est évo-qué avec subtilité par le masque museauque porte le Chaperon rouge. L’histoire ra-conte en effet que les personnages de l’his-toire changent de rôle afin de contrer l’en-nui. Observons que le Chaperon rougepointe le pied dans l’ombre du loup etqu’elle est tournée vers le titre de l’album.Les médaillons du bas présentent les per-sonnages de l’histoire, tels que transforméspar le jeu.

Sur la page couverture de Gratien Gratton,prince de la grattouille3 (texte de DominiqueDemers), Fil et Julie mettent en scène unpersonnage agité, presque suspendu dans levide et qui se contorsionne devant nous. Latête est immensément grossie, et sa cou-ronne aussi. Il est étonnant que le visage dece personnage torturé soit traité de façon…

(Suite et fin en page 88)

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…aussi impassible : un vrai masque de bois,sculpté, lisse. Seuls les yeux et le fil de labouche expriment ce désarroi dans lequelle prince se trouve. Le dragon montré en piè-ces détachées (tête, corps, queue) est bienimpuissant à soulager son maitre. Ce genred’illustration relève à la fois de la figurationet de la stylisation. À ce titre, il rejoint direc-tement l’enfant. Les excès d’attitude chez ceprince qui se gratte ne peuvent qu’entrete-nir l’amusement.

•Devant l’illustration actuelle, devant cetteœuvre d’art qui accompagne un texte, il y adonc plaisir à regarder, plaisir gratuit et rem-pli d’émotion, même pour les sujets gravesau contenu imagé difficile d’accès et exi-geant. Le plaisir est alors celui d’être à la hau-teur, celui d’accueillir l’image et le texte, sansarrière-pensée, dans la sensibilité d’une ré-flexion toujours plus fructueuse.

Notes

1. Association des illustrateurs et illustratrices duQuébec.

2. Sauf mention contraire, les albums traités danscette chronique ont paru aux Éditions Les 400coups (coll. «Carré blanc» pour Koletaille et Mamaman..., «Grimace» pour Bonne nuit... et Lesvacances..., «Les grands albums» pour Nul pois-son..., «Carrément petit» pour Recette d’éléphant...).

3. Éditions Dominique et compagnie, 2008.

L’illustration(Suite et fin de la page 86)

…mis à son cursus la fréquentation du théâ-tre pour tous les élèves, lesquels assistentà au moins deux représentations par an, etce pendant tout leur passage au primaire.Un pas vers la fréquentation obligatoire1

demandée à présent par tout le milieu, tantpar les artistes que par les diffuseurs. «Ilfaut convaincre les bailleurs de fonds de lavaleur économique et sociale de notre tra-vail; nous demandons un soutien de l’or-dre de douze-millions de dollars, ce quin’est pas démesuré. Il faut aider ces gensqui commencent à avoir la langue à terre— la préoccupation de la relève, chez lesdiffuseurs comme chez les artistes estd’ailleurs à l’ordre du jour —, qui sont d’ex-traordinaires gestionnaires et qui déploienténormément d’énergie en ces temps decrise économique», conclut Manon Morin,qui demeure optimiste, mais constate queles acquis sont toujours fragiles.

Note

1. Voir à ce sujet mon article dans Lurelu, prin-temps-été 2008, vol. 31, n° 1, p. 92-93.

Théâtre(Suite et fin de la page 84)

www.boutondoracadie .com

COMPTINES BLEUEStexte de DANIELLE ROBICHAUDillustrations de CHRISTIAN MERCIER

Les comptines de ce recueil, tant originales que traditionnelles, veulent initier les tout petits au plaisir de jouer avec les mots. Elles offrent aussi aux parents l’occasion de faire découvrir à leur enfant le sens du rythme et de la musicalité.

PETITE ANGÉLIQUEtexte et illustrations de PAUL ROUX

De tous les grands bouleversements qui peuvent agiter une vie, la naissance est sansconteste le plus intense. Avec tendresse et poésie, l’album Petite Angélique évoque ce merveilleux chemin par lequel nous passons tous, cette étape de notre existence où tout reste à découvrir et à apprendre.

NOUVEAUTÉS

24 p. / 978-2-923518-51-0 / 8,95$32 p. / 978-2-923518-61-9 / 9,95$

L’atelier, Bouge de là.