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Avec ses 6 mètres de côté, c'est probablement la plus grande du monde : l'imprimante 3D de la société britannique D-shape peut produire des objets de grande dimension tel qu'un récif en pierre artificielle pour protéger les côtes de l'action des vagues L'impression3D révolutionne l'industrie partir d'un simple fichier informatique, ces machines permettent à n'importe qui, particulier, artisan, industriel..., de créer un objet sur mesure, unique ou en petite série. Un nouveau mode de production souple et réactif. Par Olivier Hertel LA KSI' LA FOIS SI'KC- TACULAIRE ET Elle montre Emma, une petite Américaine de 4 ans harna chée dans un impressionnant exo- squelette en plastique fabriqué sur mesure par un hôpital de Wilming- ton Et ce grâce à une imprimante 3D de la société Stra- tasys. La mécanique parfaite de la prothèse pallie les raideurs arti culaires et l'atrophie des muscles dues à l'arthrogrypose, une mala die rare qui affecte Emma. Sans l'exosquelette, ses bras resteraient ballants le long du corps. Une belle histoire qui illustre le potentiel de l'impression 3D :la fabrication rapide et à la demande d'objets, des plus simples aux plus com plexes, du sur- mesure, à l'unité ou par milliers (/ire l'encadré p. 82). Et cette technique n'a rien d'un gad get Certains, comme Chris Ander- son. ancien rédacteur en chef de la revue Wired (]), y voit même les prémices d'une nouvelle révolu tion technologique dont l'impact sera majeur sur l'économie mon diale : la fin de la standardisation imposée, la relocalisation des pro ductions et la relance à très grande échelle du tissu industriel local. Avec les dernières évolutions, les machines s'ouvrent en effet à tous les matériaux, semblant ne Tous droits de reproduction réservés Date : 01/05/2013 Pays : FRANCE Page(s) : 80-83 Rubrique : HIGH-TECH Technologie Diffusion : 277796 Périodicité : Mensuel Surface : 338 % Sculpteo

L'impression3D - Sculpteo · 2013-06-06 · squelette en plastique fabriqué sur mesure par un hôpital deWilming-ton É-U. Et ce grâce àune imprimante 3D de la société Stra-tasys

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Page 1: L'impression3D - Sculpteo · 2013-06-06 · squelette en plastique fabriqué sur mesure par un hôpital deWilming-ton É-U. Et ce grâce àune imprimante 3D de la société Stra-tasys

Avec ses 6 mètres de côté, c'est probablement la plus grande du monde : l'imprimante 3D de la société britannique D-shape peutproduire des objets de grande dimension tel qu'un récif en pierre artificielle pour protéger les côtes de l'action des vagues

L'impression3Drévolutionnel'industrie

À partir d'un simple fichier informatique, ces machines permettent à n'importe qui, particulier, artisan, industriel...,de créer un objet sur mesure, unique ou en petite série. Un nouveau mode de production souple et réactif.

Par Olivier Hertel

LA VIDÉOKSI'

À LA FOIS SI'KC-

TACULAIRE ET ÉMOUVANTE.

Elle montre Emma, unepetite Américaine de 4 ans harnachée dans un impressionnant exo-squelette en plastique fabriqué surmesure par un hôpital de Wilming-ton É-U. Et ce grâce à uneimprimante 3D de la société Stra-tasys. La mécanique parfaite de laprothèse pallie les raideurs articulaires et l'atrophie des muscles

dues à l'arthrogrypose, une maladie rare qui affecte Emma. Sansl'exosquelette, ses bras resteraientballants le long du corps. Une bellehistoire qui illustre le potentielde l'impression 3D :la fabricationrapide et à la demande d'objets,des plus simples aux plus complexes, du sur- mesure, à l'unité oupar milliers (/ire l'encadré p. 82). Etcette technique n'a rien d'un gadget Certains, comme Chris Ander-

son. ancien rédacteur en chef de larevue Wired (]), y voit même lesprémices d'une nouvelle révolution technologique dont l'impactsera majeur sur l'économie mondiale : la fin de la standardisationimposée, la relocalisation des productions et la relance à très grandeéchelle du tissu industriel local.Avec les dernières évolutions,les machines s'ouvrent en effet àtous les matériaux, semblant ne

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HIGH-TECHTechnologie

Un exosquelette fabriqué sur mesure en impression 3D permet à une petite Américaine de 4 ans de compenser l'athrophie des musclesde ses membres supérieurs. Les exosquelettes classiques en métal ne sont pas adaptés à sa taille.

plus avoir de limites : des plastiques classiques comme l'ABS(acrylonitrile butadiène styrène),des bioplastiques comme le PLA(polyacide lactique), du polystyrène, des mousses, mais aussi desrésines, du bois, de la céramique,des métaux et autres produitssinguliers comme... les cellules.L'équipe de Pau) Calvert, dudépartement matériaux et textiles de l'université du Massachusetts (États-Unis) travaille eneffet sur la fabrication d'organes àpartir d'imprimantes à jet de cellules vivantes. Ambition : maîtriser le « bioprinting» pour réparerle corps humain en imprimant ducartilage ou d'autres tissus, mêmes'il est encore trop tôt pour parlerde création d'organes complexes.Une approche explorée aussi parle Cornell Creative MachinesLab, un laboratoire de l'université Cornell (État de New York),mais qui a développé en parallèle... une imprimante àgâteaux !Les débuts de la « gastronomienumérique » en quelque sorte (2).Quant à Enrico Dini, l'exubé

rant patron de la société de BTPMonolite, installée à Londres, il aconçu D-shape, une imprimante3D géante avec laquelle il ambitionne d'être le premier à imprimer une maison à partir de sableet d'un liant, ingrédients de based'une véritable pierre synthétique. Plus fort encore :avec l'ESA(Agencespatiale européenne) et lecabinet d'architectes Foster +Partners, iltravaille sur un concept debase lunaire imprimée àpartir desmatériaux trouvés sur place. Degrandes pièces peuvent en effetêtre conçues par les imprimantesde dernière génération : les ateliers du Centre français du développement rapide de produits enEurope (Cirtes) ont ainsi réalisé en2012des statues de taillehumaine,comme celle de Coco Chanelenvoyée au Japon pour l'ouverture d'une boutique de la marque

LE + NUMERIQUEDémonstrations et explications en vidéo del'impression d'un objet en direct par Romain Pouzol,de la start-up CKAB sur sciencesetavenir.fr

de luxe. « Ces pièces ont étéfaitespar stratoconception : les couchessont réalisées directement dans lematériau en plaque par la machine,puis assembléespar empilement.Iln'y a doncpas de limiteen hauteur»,explique Claude Barlier, directeurgénéral du Cirtes et directeur del'Institut supérieur d'ingénierie dela conception (Insic). « Nous disposonsd'une machinedestéréolitho-graphie qui nouspermetdéfaire despiècesde 1,5m de long.Nous l'avonsutiliséepourfabriquer un tableaudeborddevoituremontésur leprototyped'un constructeur», affirme de soncôté Quentin Kiener, le présidentfondateur de la société 3D Prod.Ces projets reposent sur lesmêmes bases technologiques.Tout commence par la conception numérique de l'objet. Deslogiciels gratuits comme Sketch-up permettent de modéliser enligne, d'autres, réservés aux professionnels, comme Catia, aidentà concevoir un modèle 3D de lapièce à réaliser. « Ce modèle estensuite converti en STL. unformatuniverselqui réalise un maillagede l

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HIGH-TECH

Technologie

Six techniques pour imprimer en 3DToutes procèdent couche par couche. Elles peuvent être utilisées pour faire des maquettes ou des prototypes fonctionnels (prototypage

rapide) ou des moules (outillage rapide) qui serviront à la fabrication de pièces en grande série.

Le fil fonduProcédé Un fil de plastique thermosensible passe à l'intérieur d'une busechauffante afin de le liquéfier. Cettedernière se déplace dans le plan etdépose le fil qui durcit au contact dusupport ou de la couche précédente.

Matériaux L'ABS, un polymèrethermoplastique présentant uneassez bonne résistance mécanique.Le PLA (acide polylactique), unbioplastique à base d'amidon demaïs, moins résistant que l'ABS.

Le PVA (alcool polyvinylique),un plastique soluble dans l'eau.Il peut être utilisé pour soutenirla structure d'un objet pendantl'impression. Il est ensuite éliminéen trempant l'objet dans l'eau.

1. Le modèle 3D à imprimera été téléchargé sur un site

de partage

2. Le logiciel de la machineproduit le fichier STL oùsera déposée la matière.

3. Le tranchage virtueldécrit toutes les couchesdéposées à l'impression.

4. Dix heures auront éténécessaires pour imprimerce Yoda de 10 cm environ.

« Sciences et Avenir » a imprimé en fil fondu un maître Yoda,personnage de La Guerre des étoiles, avec une MakerBot Replicator 2.

Jet de matièreProcédé Les buses projettentune colle qui lie les grains d'unepoudre. L'intérêt est de pouvoirprojeter différents matériauxou couleurs, ce qui permet decréer des objets aux multiplespropriétés mécaniques.Comme une brosse à dentsà manche dur, revêtementsouple en surface et poilstrès souples.Matériaux Le liant,généralement une résinephotosensible, est durciepar une lampe UV couchepar couche. Elle peut êtremélangée à toutes sortes dematériaux présentables sousforme de poudre.

Frittage laser de poudreProcédé Un laser fait fondrela poudre couche par couche.En refroidissant, elle se solidifie.Une nouvelle couche depoudre est ensuite déposéepar-dessus. Il est aussi possible

de mélanger à la poudredes particules d'autresmatériaux (verre, céramique,aluminium, carbone).La poudre sert alors de liant.Il est même possible de réaliserun alliage métallique à based'Inox (60 X) et de bronze(40 X). Les particules d'Inoxsont alors liées par une poudrede polyamide. L'objet obtenuest ensuite posé sur des cubesde bronze puis passé au four.Le polyamide part en fuméealors que le bronze comble lesespaces laissés videsen montant par capillarité.Matériaux Résine polyamide,élastomère, acier inoxydable,bronze.

Fusion de poudreProcédé Un matériau présentésous forme de poudre estfondu par un laser ou unfaisceau d'électrons de fortepuissance (1 à 3,5 kW).Matériaux Métaux sous formes

de poudre, notamment dutitane, des alliages de titane,de chrome et de cobalt...

StéréolithographieProcédé Un bac est rempli dematière liquide, généralementune résine photosensible, quidurcit sous l'action d'un laserHeCd (hélium-cadmium)ou argon ionisés (Ar-i-).Un ascenseur immergé dansle bac pousse un plateau quise positionne sous la surfacene laissant dépasserqu'une fine couche de résine.Le laser dessine sur la résineles contours de la premièrecouche de l'objet. Cet apportd'énergie durcit le matériaupar polymérisation. Une foisla couche terminée, un racleurégalise la surface. Puisl'ascenseur descend le plateaupour la deuxième couche. Etainsi de suite. Quand l'objet estterminé, il est passé au four afinde parfaire la polymérisation.

Les températures dépendrontdes matériaux utilisés.Matériaux Résines époxidesphotosensibles, aux propriétésproches de celles des matièresplastiques.

StratoconceptionProcédé Cette technologie,inventée et brevetée parClaude Barlier, est développéeau Cirtes. Un robot découpeà très grande vitesse parlaser ou microfraisage rapide,des couches de matériaux,directement dans une plaque.Chaque couche est un morceaude l'objet en 3D. Elles sontensuite positionnées par insertsou pontets, voire imbriquéespuis assemblées par simpleemboîtement, collage oumême soudage.Matériaux Tous ceuxqui existent sous forme deplaques ou de feuilles :bois, plastique, acier graphite,plâtre, céramique...

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^ points contenant les instructions àenvoyerà la machine.Chaque pointreprésenteunepositionet lestrianglesindiquentdequelcôtéest la matière»,explique Claude Barlier. Puis lamachine opère un tranchage virtuel de l'objet, l'épaisseur de cestranches conditionnant la résolution. Plus elles sont fines, plus lesdétails sont correctement restitués. « La Replicator2 de Makerbotpeut déposerdescouchesde0,1mm»,précise Romain Pou/.ol, responsable commercial de CKAB,start-up parisienne qui distribue lesproduits de la marque. En strato-conception, on peut obtenir uneprécision de 0,02 mm, voire 0,01sur lesmétaux. Selon le procédé etla résolution choisis, la taille et lagéométrie de l'objet, l'imprimante3D peut alors mettre de quelquesminutes à plusieurs jours pourfabriquer l'objet. « Avec la Makerbot, il faut quinze minutes pourfaire uncubede 3 cm de côtéavec lameilleurerésolution.Pour une tasse,ilfaut compter deuxà trois heures»,indique Romain Pouzol.

Quelques minutes suffisentpour personnaliser un objetBien que la plupart des machinescoûtent entre 100 0 00 et800 000 ê, le marché s'ouvre deplus en plus aux particuliers. Lemouvement prend de l'ampleuravec la multiplication des FabLab,ces petits ateliers très équipés oùsont testées de nouvelles techniques (lire S. et A. n" 769, mars2011). Mais la véritable démocratisation vient de l'émergencede sociétés de services qui ontamplifié la vague « doityourself»(« fais-le toi-même »). En France,par exemple, la start-up Sculp-teo, créée en 2009 par ClémentMoreau, propose une foule demodèles 3D à personnaliser enligne grâce à une interface simple :chacun peut manipuler des formeset choisir la taille, l'épaisseur et lacouleur de l'objet avant de passercommande. Une opération qui neprend que quelques minutes.Il est aussi possible de fabriquerses propres réalisations ou des

Cette base lunaire serait imprimée en 3D, avec des matériaux disponibles sur place (vue d'artiste).

modèles téléchargeables sur dessites communautaires commeThingsiverse, qui a enregistré8,5 millions de téléchargementsde janvier à juillet 2012 en proposant des milliers de fichiersSTL gratuits. Une fois la commande passée, l'objet est fabriqué soit dans l'atelier de Sculptcoà Arreau (Hautes-Pyrénées), soitchez l'un de ses partenaires, puislivré dans la foulée. Une façonpour les inventeurs de contourner le principal obstacle qu'ils rencontraient jusque-là : convaincreles industriels de fabriquer leurcréation. Certains, comme CodyWilson, un étudiant texan, illustred'ailleurs tout le potentiel - et lesdérives —d'une telle émancipation : il réussi à fabriquer un fusild'assaut et a même obtenu unagrément des autorités.Ce marché pourrait atteindre3 milliards d'euros de chiffres d'affairesen 2016.Ainsi, l'été dernier,la société américaine Shapewaysa inauguré ses locaux à NewYorket présenté son concept, sorte demélange entre Facebook et Amazon. D'un côté, chaque « shaper »peut ouvrir sa propre boutique surle site pour vendre ses modèlesd'objets. De l'autre, une usine lesfabrique à la demande, les expédie et prélève une commission.Cette « place de marché » pro-

«L'essorva sefaireà partir decentresessaimesun peupartoutsur leterritoire »Cément MoreauFondateurde Sculpteo

pose déjà des milliers d'objets àfabriquer, loin des standardisations : bouchon d'appareil photo,tasses, bijoux, etc. La sociétéorganise aussi des rencontresmondiales (Shapeways WorldMeetup), notamment à Paris. Lebut :mettre en contact lespassionnés d'impression 3D et les inciterà contribuer sur le site. La sociétéprévoit de produire à terme 3 à5 millions d'objets par an.Chez Sculpteo, on imagine unestratégie assez similaire : « Nouspensons vraimentque le développementva sefaire par la multiplicationde centres deproductiondisséminésun peu partout sur le territoire, quipourront fabriquer un ou plusieurstypes d'objets, à l'unité oupar milliers, pour un marché relativementlocal», promet Clément Moreau.L'impression 3D dessine-t-il unnouvel avenir industriel ? « C'estune utopie!s'insurge ChristopherMims, journaliste à la revue duMIT. C'est ignorer la complexitédesprocessus industriels.» Le Président des États-Unis BarackObama, lui, veut y croire. Il aaffirmé lors de son discours surl'état de l'Union en 2013 vouloiren soutenir le potentiel en lançantdes centres pilotes dans le pays, m

(1) Auteur de Makers. EditionsPearson.(2) http://2doc.net/5leiv

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