Upload
pierre-carriere
View
214
Download
1
Embed Size (px)
Citation preview
EHESS
L'insertion dans le milieu rural languedocien des agriculteurs rapatriés d'Afrique du NordAuthor(s): Pierre CarrièreSource: Études rurales, No. 52 (Oct. - Dec., 1973), pp. 57-79Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20120456 .
Accessed: 25/06/2014 00:21
Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp
.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].
.
EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Études rurales.
http://www.jstor.org
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
PIERRE CARRI?RE
L'insertion dans le milieu rural languedocien
des agriculteurs rapatri?s d'Afrique du Nord
La dislocation de l'empire colonial fran?ais au lendemain de la Deuxi?me
Guerre Mondiale a provoqu? le repli vers la m?tropole de toute une soci?t?
coloniale, donnant naissance ? l'un des plus prodigieux d?placements de
capitaux et d'hommes que la France ait connus au cours de son histoire.
D'ordre politique dans ses motivations, ce reflux, qui est ? mi-chemin entre
la migration volontaire et le d?placement forc?, a entra?n?, dans des
circonstances souvent dramatiques, le d?part pr?cipit? et sans espoir de retour d'une population compl?te,
toutes classes d'?ges et
cat?gories profes sionnelles m?l?es, emportant, ? d?faut des biens meubles et immeubles
auxquels il fallait renoncer, le souvenir d'une terre que ces
migrants avaient
cru devoir leur appartenir ? jamais, en m?me temps que le savoir-faire et l'esprit d'entreprise des pionniers que la plupart avaient ?t?. En dix
ann?es, la France a d? ainsi accueillir sur son sol plus de 1 500 000 personnes revenues, pour la plupart, de l'Afrique du Nord, l'Alg?rie ayant, ? elle seule, vu partir, surtout entre mai et ao?t 1962, pr?s d'un million de ses habitants
d'origine europ?enne. B?n?ficiant d'une aide dispens?e par la puissance publique
? que ses
attributaires estim?rent d'autant plus insuffisante qu'elle fut parfois fort
maladroitement allou?e ?, ces Rapatri?s s'install?rent parmi
une popula
tion m?tropolitaine beaucoup plus d?concert?e par ce r?sultat, inattendu
pour elle, de la d?colonisation, qu'hostile ou, au contraire, secourable ? ces
nouveaux venus. Ceux-ci se fix?rent de pr?f?rence dans la France du Midi, alors m?me que la plupart des offres d'emploi ?manaient de la France du
Nord et de l'Est, tant ils ?taient sensibles ? l'attrait d'un cadre de vie
semblable ? celui qu'il leur avait fallu quitter, mais aussi parce qu'il ?tait
plus facile, pour eux, de se loger dans ces r?gions d'?migration chronique et dont beaucoup se d?peuplaient. La persistance de liens familiaux unissant ceux des colons qui descendaient de cultivateurs languedociens conduits,
jadis, en Afrique du Nord par la crise phyllox?rique, ? leurs parents rest?s au pays, l'habitude prise
au Maghreb, souvent, d'envoyer les grands enfants
terminer leurs ?tudes ? Montpellier, la possibilit? offerte, aussi, de parti
ciper ? l' uvre d'am?nagement entreprise
en Languedoc-Roussillon
au
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
58 P. CARRI?RE
d?but des ann?es 60, ? la diligence de la puissance publique, ont fait de
cette R?gion de programme une terre d'accueil privil?gi?e pour les Rapa tri?s. Ainsi, sur les 928 620 Rapatri?s d'Alg?rie entr?s en France entre les recensements de 1962 et 1968, qui seuls, parmi ces migrants, ont pu ?tre
recens?s, et qui repr?sentent 1,9 % de la population fran?aise de 1968, 84 748 se sont ?tablis en Languedoc-Roussillon, de pr?f?rence dans l'H?rault
(39 988, soit 7,2 % de la population du d?partement), le Gard (18 655 et 3,9 %) et les Pyr?n?es-Orientales (16 198 et 5,7 %), plut?t que dans
l'Aude (9 140 et 3,2 %) ou la Loz?re (767 et 0,1 %). Parmi ce groupe imposant de Rapatri?s d'Alg?rie install?s en Languedoc
Roussillon entre 1962 et 1968 ne figuraient en 1968 que 26 620 actifs, tant il y avait parmi eux de jeunes (34,8 % avaient moins de 24 ans) mais
aussi de personnes ?g?es (18,3 % de plus de 65 ans). Ces actifs peu nom
breux ? ils ne repr?sentent que 31,2 % de l'effectif total des migrants
quand la population fran?aise, en son entier, compte alors, en son sein,
40,8% d'actifs ? appartiennent, dans la proportion de 40%, ? l'ensemble
form? par les membres des professions lib?rales, les cadres moyens et
sup?rieurs et les employ?s, tandis que les ouvriers et le personnel de service, un peu plus nombreux, constituent 42 % d'un groupe d'actifs dont 12 % des
membres sont des patrons de l'industrie et du commerce. C'est dire que
les cultivateurs ne forment, parmi eux, qu'une minorit? : 1 672 actifs
agricoles revenant d'Alg?rie se sont ?tablis en Languedoc-Roussillon entre 1962 et 1968, ce qui ne repr?sente gu?re plus de 1 % des actifs agri coles pr?sents dans la r?gion en 1968 et l'on compte, parmi eux, 1 008 chefs
d'exploitation et 664 salari?s agricoles. Peu nombreux, d?munis de tout, ceux de ces
agriculteurs qui ont choisi de poursuivre
en Languedoc
Roussillon l'exercice de leur m?tier n'en ont pas moins eu sur l'?volution
de l'agriculture de notre r?gion une influence d?cisive dont il nous faut, maintenant, ?valuer la port?e.
Les agriculteurs rapatri?s d'Afrique du Nord
en Languedoc-Roussillon
Le repli vers la m?tropole de la soci?t? coloniale n'a d'abord concern?, de 1954 ? 1961, qu'une minorit? de personnes bien inform?es qui surent
? temps r?aliser leur capital et, rentr?es au
pays, n'eurent aucun mal
? r?ussir leur installation. Celles qui se fix?rent au sol en Languedoc Roussillon le firent ? titre individuel, le plus souvent ? l'int?rieur de la zone que la puissance publique ?quipait pour l'irrigation en Costi?re
gardoise o?, disposant de capitaux, elles firent uvre novatrice, au m?me
titre que ces agriculteurs d'?lite, migrants fortun?s venus d'autres r?gions fran?aises pour cr?er l? une agriculture de type industriel [5], sans qu'il y ait
ici rien de sp?cifique de cette migration de masse qu'a ?t? le rapatriement.
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 59
Les sources et la m?thode de V?tude
Ce dernier s'est d?roul? dans des circonstances si dramatiques que l'administration, parant au
plus press?, n'a gu?re eu le temps d'en assurer
le contr?le ni m?me de dresser la simple statistique des entr?es. Aussi les
renseignements sont-ils rares concernant les voies suivies par les immi
grants durant les premi?res semaines de leur retour en m?tropole,
ou m?me
relatifs ? la mani?re dont ceux-ci per?urent les premiers secours et allo
cations attribu?s par la puissance publique ? ceux qui rentr?rent apr?s le 10 mars 1962, lorsque l'exode devint massif.
Les formalit?s ne commenc?rent vraiment pour les Rapatri?s que
lorsqu'ils sollicit?rent l'octroi par les pouvoirs publics d'une aide ? la
r?installation, les dossiers qu'ils durent alors constituer ?tant, pour le
chercheur, une source pr?cieuse de renseignements. Par le vote de la loi du 26 d?cembre 1961 et la publication du d?cret du 10 mars 1962 puis, surtout, de l'arr?t? du 8 juin 1962, les pouvoirs publics d?cid?rent d'accorder une aide aux
agriculteurs rapatri?s d?sireux de reprendre en
m?tropole l'exercice de leur m?tier. Le l?gislateur avait exclu du b?n?fice de l'aide publique ceux des anciens colons qui disposaient des sommes n?cessaires ? leur r?installation, soit qu'ils aient per?u des indemnit?s de
dommages de guerre, de spoliation, d'?viction ou de rachat, soit qu'ils aient vendu tout ou partie de leurs biens outre-mer et transf?r? les capitaux correspondants hors du territoire de d?part. De ce fait, tous les agriculteurs rentr?s en m?tropole avant mars 1961 ne b?n?fici?rent d'aucune aide
publique, sauf exception, ?chappant ainsi ? l'enqu?te, d?s lors que celle-ci se fonde sur l'exploitation de documents administratifs.
Pour obtenir l'aide publique, les Rapatri?s durent, au pr?alable, faire reconna?tre leur qualit? d'exploitants agricoles et
acqu?rir ainsi leur
statut de ee migrant ?. D?s lors, ils pouvaient pr?tendre ? une aide dont les modalit?s d'attribution et le montant vari?rent selon l'organisme public charg? d'en assurer la r?partition. Install? par l'Association nationale de
migration et d'?tablissement rural (ANMER), l'agriculteur rapatri? b?n? ficia d'une subvention de reclassement dont le montant fut fix? ? 20 000 F dans les d?partements de l'H?rault et des Pyr?n?es-Orientales, les plus dens?ment peupl?s, ? 30 000 F dans les d?partements de l'Aude et du Gard et ? 50 000 F dans le d?partement de la Loz?re o? l'on souhaitait attirer de nombreux exploitants. Ils re?urent aussi des pr?ts sp?ciaux ? long terme, attribu?s par les caisses du Cr?dit agricole, d'un montant maximum de 170 000 F, remboursables en trente ans, avec diff?r? d'amortissement de cinq ans et portant un taux d'int?r?t de 2 %. Les pr?ts ? moyen terme consentis pour faire face aux frais d'?quipement et de mise en valeur
portaient un int?r?t de 3 %. S'il eut recours, pour s'installer, ? une Soci?t?
d'am?nagement foncier et d'?tablissement rural (SAFER) ou ? une Soci?t?
d'am?nagement r?gional (SAR), l'agriculteur rapatri? per?ut une subven tion pour reclassement de 50 000 F au maximum, tandis que le montant
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
60 P. CARRI?RE
des pr?ts ? long terme fut port? ? 200 000 F au maximum, l'ensemble des
pr?ts et subventions accord?s ? chacun ne pouvant d?passer 250 000 F,
quand la limite sup?rieure ?tait de 220 000 F dans le cas pr?c?dent : il ?tait
donc avantageux pour un Rapatri? d?sireux de s'?tablir en Languedoc Roussillon de faire appel aux services d'une soci?t? d'am?nagement. Ceux
des Rapatri?s qui ne purent obtenir la qualit? de ee migrants ? eurent droit, de leur c?t?, ? l'attribution d'un pr?t de 100 000 F au maximum, rembour
sable en vingt ans avec un diff?r? d'amortissement de trois ans, et portant un taux d'int?r?t de 3 %. Ils purent aussi obtenir du Cr?dit agricole des
pr?ts ordinaires, ? moyen terme, portant int?r?t de 5,25 %. Dans tous les cas, les agriculteurs rapatri?s b?n?ficiant de pr?ts et
subventions de reclassement s'engag?rent ? assurer
personnellement la
direction de leur exploitation, les groupements d'entreprises n'?tant
autoris?s que dans le cas o? chacun des chefs d'exploitation, et il ne pou vait y en avoir plus de six dans chaque cas, s'engageait ? participer en
personne au travail en commun. En outre, chaque candidat ? l'installation
devait apporter, subvention de reclassement comprise, au moins 20 % du
capital d'installation. On comprend d?s lors pourquoi quelques-uns seule
ment des agriculteurs rapatri?s, la minorit?, purent acqu?rir une exploi tation dans notre r?gion, les plus ?g?s ou les plus d?munis de ces migrants se voyant contraints de changer d'activit?.
Ainsi, 906 chefs d'exploitation seulement re?urent du minist?re de
l'Agriculture l'autorisation de s'?tablir en Languedoc-Roussillon en b?n?
ficiant de l'aide publique pr?vue par le l?gislateur. Ce sont les dossiers ayant servi ? justifier l'attribution de cette aide qui, conserv?s par les soins des
Associations d?partementales pour l'am?lioration des structures des
exploitations agricoles (ADAS E A) de chacun des d?partements de notre
r?gion, ont fourni la mati?re de cette enqu?te. Les renseignements obtenus
relatifs ? la personne du chef d'exploitation, ? l'exploitation abandonn?e
par celui-ci outre-mer, l'exploitation reprise dans la r?gion, l'aide financi?re
demand?e et obtenue, ont ?t? compl?t?s par une enqu?te directe conduite
aupr?s de 98 chefs d'exploitation repr?sentatifs des diff?rentes cat?gories
d'agriculteurs rapatri?s [1]. Ce faisant, il est clair que l'enqu?te ne porte que sur ceux des agri
culteurs repli?s qui ont ?t? consid?r?s par l'administration comme des
Rapatri?s, et non sur l'ensemble des cultivateurs de l'ancien empire colonial
install?s dans notre r?gion, et qui seraient, selon les autorit?s de la R?gion, deux fois plus nombreux que les premiers. Faute de documents, il n'est
donc possible d'?tudier qu'une partie de l'aide que l'agriculture de notre
r?gion a re?ue du fait du repli de la soci?t? coloniale vers la m?tropole.
Les biens fonciers abandonn?s en Afrique du Nord
Tels qu'ils apparaissent d'apr?s leurs dossiers de reclassement, la plupart des chefs d'exploitation ayant obtenu une aide ? la r?installation : 822
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 61
sur 906 viennent d'Alg?rie, alors que les agriculteurs originaires du Maroc ne sont que 47 et que 37 de ces cultivateurs ont quitt? la Tunisie (cf. Fig. 1).
Les exploitations qu'ils sont d? abandonner au Maghreb, de superficie tr?s variable, mais beaucoup plus vastes que celles du Languedoc, puisque leur superficie moyenne atteignait 120 ha en Alg?rie et 160 ha au Maroc, ?taient particuli?rement nombreuses dans les plaines c?ti?res humides :
Mitidja, plaines d'Oran, de Skikda, d'Annaba, dont les sols fertiles se pr? taient au
d?veloppement des cultures mara?ch?res intensives, ainsi que
6
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
62 P. CARRI?RE
de l'agrumiculture, dont les produits ?taient destin?s aux march?s urbains tout proches ou ? l'exportation. Les cultivateurs d'origine europ?enne avaient aussi introduit ces m?mes cultures intensives sur les exploitations
qu'ils avaient am?nag?es au long des principales vall?es irrigu?es : celle de
l'oued Ch?lif en Alg?rie, de la Medjerda et du Mell?gue en Tunisie, de l'oued
Sebou au Maroc. Glacis d'?rosion et coteaux bordant ces plaines portaient
de grandes exploitations viticoles, particuli?rement nombreuses dans les
r?gions de Mascara, M?d?a, Sidi-bel-Abb?s, justement c?l?bres pour la
qualit? du vin qui y ?tait produit. Plus rares ?taient les colons install?s sur les hautes plaines int?rieures, cultivant les c?r?ales et ?levant du b?tail aux environs de Tiaret, S?tif, Constantine ou dans le Maroc int?rieur.
Les petites exploitations n'?taient pas rares parmi les entreprises aban
donn?es par les 906 migrants, puisque 9,2 % d'entre elles, situ?es ? l'int?
rieur des ceintures mara?ch?res p?ri-urbaines ou dans les zones les mieux
irrigu?es, comptaient moins de 10 ha chacune. Les exploitations de 10
? 50 ha, qui repr?sentaient 28,4 % des exploitations recens?es, ?taient
consacr?es aux vergers et au vignoble. Sur les exploitations cultivant
entre 50 et 500 ha, de loin les plus nombreuses : 53,4 % de ces entreprises
disposaient de cette surface, la vigne se m?lait aux c?r?ales, tandis que la
culture des c?r?ales associ?e ? l'?levage ovin ou, plus rarement, bovin,
triomphait sur les terres de 9 % des exploitations disposant chacune de plus de 500 ha de terres cultiv?es.
La plupart des chefs d'exploitation ?taient int?gralement propri?taires du sol qu'ils cultivaient et qu'ils avaient re?u en h?ritage ou acquis sur
un march? foncier rest? longtemps tr?s ouvert. Pourtant, 8 % des chefs
d'exploitation dirigeaient des entreprises agricoles d?tenues en m?tayage et 8,2 % ?taient des fermiers. Enfin, 5,3 % des chefs d'exploitation g?raient des entreprises appartenant ? des soci?t?s familiales, bancaires ou indus
trielles, voire au domaine public.
Les hommes
Si l'on en juge d'apr?s la consonance de leur nom de famille, 73,7 % de
ces chefs d'exploitation install?s en Languedoc-Roussillon descendent
d'?migrants fran?ais, tandis que 12,6 % d'entre eux, venus avant tout
d'Oranie, sont d'origine espagnole, les descendants d'Italiens, arriv?s de
l'Est alg?rien ou de Tunisie, formant 12,5 % d'un groupe o? se trouvent
aussi 1,2 % d'autochtones francis?s.
Au moment de leur installation en Languedoc-Roussillon, ces chefs
d'exploitation sont, dans leur majorit?, tr?s jeunes : 31,8 % d'entre eux
ont moins de 35 ans, la plupart (51,7 %) ayant entre 35 et 55 ans, si bien
que ceux qui ont plus de 55 ans ne repr?sentent que 16,5 % des chefs
d'exploitation rapatri?s quand on compte plus de 50 % de chefs d'exploi tation de plus de 55 ans en Languedoc-Roussillon au m?me moment.
Si les agriculteurs rapatri?s sont aussi jeunes, c'est que ceux d'entre
eux qui avaient atteint un
?ge avanc? n'ont pas voulu ou pu courir le
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 63
risque inh?rent ? une r?installation, d'autant que toute avance de fonds leur a ?t? refus?e et que le remboursement des pr?ts consentis aux autres
devait ?tre assur? avant que les b?n?ficiaires n'atteignent l'?ge de 70 ans.
En outre, bien des jeunes rapatri?s sollicit?rent l'octroi d'une aide ? la r?installation sur des exploitations qui furent, en fait, regroup?es avec
celles de fr?res ou de parents dans des ensembles dirig?s par le plus ?g? des membres de ces associations familiales, si bien que le groupe des chefs d'exploitation rapatri?s d'Alg?rie est moins jeune qu'il ne para?t ? premi?re
vue.
Les familles de ces cultivateurs rapatri?s n'?taient, au moment de
leur installation, gu?re plus nombreuses que celles des agriculteurs de la
r?gion : 18 % de ces chefs d'exploitation repli?s n'?taient pas mari?s ou
n'avaient pas d'enfants, tandis que les p?res d'un enfant repr?sentaient 18 % de leur groupe, ceux de deux enfants 35 %, ceux de trois enfants 20 %. En revanche, leur niveau de formation ?tait de toute ?vidence sup?rieur ? celui des chefs d'exploitation d?j? en place lors de l'arriv?e des Rapa tri?s. Ainsi 46 % seulement de ces Rapatri?s n'avaient fr?quent? que des ?tablissements d'enseignement primaire, tandis que 41 % ?taient entr?s dans le cycle secondaire et 13 % avaient re?u un
enseignement sup?rieur,
agronomique le plus souvent. Or, selon les r?sultats de l'Enqu?te sur la structure des exploitations agricoles de 1967, il s'av?re que 89 % des
exploitants du Languedoc-Roussillon n'avaient re?u, ? cette date, qu'une
formation primaire, 9 % une formation secondaire et 2 % une formation
sup?rieure. Nul doute que, de ce fait, les agriculteurs rapatri?s n'aient ?t? particuli?rement aptes ? faire uvre novatrice et pr?ts ? introduire sur leurs exploitations nouvelles des syst?mes de cultures tr?s intensifs.
LES EXPLOITATIONS DES AGRICULTEURS RAPATRI?S
La recherche de forts rendements et d'une productivit? du travail ?lev?e
s'imposait ? eux d'autant plus imp?rativement que les exploitations qu'ils venaient
d'acqu?rir ?taient beaucoup moins vastes que celles qu'ils avaient
d? abandonner outre-mer.
Caract?res g?n?raux
C'est que la d?couverte d'une exploitation libre ? la vente fut une entre
prise longue et co?teuse pour les Rapatri?s. Les terres vacantes ne man
quaient pas mais elles se trouvaient surtout dans les r?gions agricoles les
plus d?favoris?es, si bien que la concurrence fut vive entre acqu?reurs dans les bons pays. Aussi, le prix de la terre ne cessa-t-il d'augmenter, gagnant entre 200 et 250 % de 1960 ? 1966 dans le Gard et l'H?rault o? se pressaient les candidats, la hausse restant inf?rieure ? 200 % dans les
Pyr?n?es-Orientales, l'Aude et la Loz?re. Il fallut, pour mod?rer cette
flamb?e du prix de la terre, donner aux SAFER les moyens d'action n?ces
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
&.Jk
rfr&?
.? .Jilt'*
* * .*%*
^JNSfi
ear
3K?* i; 7? <
? *#**:
is??
-.?. : "* " ' "' -' ? ..
" ^ JSTSfre? ?+^SSSr**^"^5^^^^
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
12 3 4
15 30 45 60 Km.
1111
Chefs d'exploitation rapatri?s
1 2 4
5 10 20
5 10 20 40
Limites
7 Commune 8 D?partement 9 Fronti?re
Fig. 2. ? R?partition g?ographique des chefs
d'exploitation agricoles rapatri?s d'Afrique du Nord en Languedoc-RoussiDon
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
66 P. CARRI?RE
saires pour cr?er des exploitations destin?es aux Rapatri?s. En d?pit de cette aide, les Rapatri?s durent patienter de longs mois avant d'obtenir
le droit de s'installer sur une exploitation : dans notre r?gion 38 % furent r?install?s au cours de la premi?re ann?e de leur s?jour en m?tropole, 45 % durant la deuxi?me, 11,5 % durant la troisi?me et les autres au long de la quatri?me ann?e. Encore fallait-il ne pas craindre de courir les bureaux et de contracter de lourds engagements financiers, et devait-on disposer de 20 % du prix d'achat de l'exploitation convoit?e, toutes exigences qui ?cart?rent de la comp?tition pour le sol de nombreux agriculteurs rapatri?s.
Dans la proportion de 80 %, les agriculteurs rapatri?s install?s en
Languedoc-Roussillon ont acquis leur exploitation sur le march? foncier, la SAFER n'ayant pu mettre ? la disposition des autres que 185 exploita tions am?nag?es par ses soins. La part relative prise par chacun de ces deux
modes d'achat varie de d?partement ? d?partement selon la plus ou moins
grande ouverture du march? foncier et en fonction du degr? d'activit? de
la SAFER contrainte, par ses statuts, d'intervenir en priorit? dans les secteurs o? d'importants investissements publics ?taient en cours et ceux-ci
concernaient avant tout la moiti? orientale de la plaine littorale. Ainsi
67 exploitations seulement qui ne rassemblaient que 599 ha furent acquises par les Rapatri?s dans le d?partement des Pyr?n?es-Orientales, dont
47 obtenues par l'interm?diaire de la SAFER qui en dota 13 de serres.
La pression sur la terre ?tait ici trop forte pour qu'une place notable soit
laiss?e aux Rapatri?s, d'autant que la SAFER n'avait pu obtenir dans ce
d?partement l'octroi du droit de pr?emption. Au contraire, dans l'Aude, de nombreuses exploitations ?taient en vente, la plupart situ?es en dehors du domaine viticole, si bien que les Rapatri?s n'eurent gu?re besoin de recourir aux services de la SAFER : pour 292 installations portant sur
14 610 ha, la SAFER n'est intervenue que dans 29 cas.
Bien que la SAFER ait proc?d? ? 41 installations de Rapatri?s dans
l'H?rault et ? 68 dans le Gard, la plupart des nouveaux venus dans ces deux
d?partements achet?rent leur exploitation sur un march? foncier relati
vement ouvert, si bien qu'au total 286 Rapatri?s contr?lant ensemble
7 400 ha prirent la t?te d'une exploitation dans l'H?rault, imit?s par 259 de
leurs coll?gues dans le Gard qui y acquirent 6 421 ha. Au total, la superficie moyenne des 906 exploitations obtenues par les
Rapatri?s s'?tablit ? 32,04 ha, alors que la superficie moyenne des exploi tations autochtones n'?tait que de 11,4 ha en 1963. Toujours sup?rieure ? celle des exploitations autochtones, la surface des exploitations acquises par les Rapatri?s varie de d?partement ? d?partement : 8,9 ha contre 7,2 dans les Pyr?n?es-Orientales, 24,8 ha contre 11,3 dans le Gard, 25,9 ha contre 7,3 dans l'H?rault et 50,2 ha contre 13,1 dans l'Aude.
Conduites en faire-valoir direct, ces exploitations qui repr?sentent moins de 1 % des exploitations du Languedoc-Roussillon mais disposent de 2,6 % de la superficie agricole utile de cette r?gion, se pr?tent ? l'adoption de syst?mes de cultures fort variables d'une r?gion agricole ? l'autre, et que les dossiers d'installation nous permettent de reconstituer (cf. Fig. 2 et 3).
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 67
Les Rapatri?s dans la plaine littorale
Plus de la moiti? des agriculteurs rapatri?s, 469 sur 906, encourag?s en
cela par les Soci?t?s d'am?nagement qui les aid?rent ? s'installer, se sont
?tablis sur 7 055 ha dans la plaine littorale o? ils allaient pouvoir pratiquer des cultures famili?res : viticulture, mara?chage de plein champ, ou adopter, quand ils disposaient de peu de terres, des cultures ? technologie plus avanc?e qu'ils contribu?rent ? introduire ou ? propager dans notre r?gion :
arboriculture fruiti?re et cultures sous serres.
C'est dans la plaine du Roussillon qu'ils eurent le plus de difficult?s
? se faire une place parmi la foule des petits exploitants autochtones qui
s'y disputent un sol rare et fort cher. Les 58 agriculteurs rapatri?s qui s'y sont install?s ne poss?dent que 263 ha, c'est-?-dire moins de 1 % de la SAU
de la plaine. Ils ne sont que tr?s rarement parvenus dans les 19 communes
o? ils se trouvent, ? s'assurer le contr?le de 2 % de la SAU communale, tant la superficie de leurs exploitations est r?duite : la superficie moyenne de ces derni?res n'est que de 4,5 ha, quand celle de l'ensemble des exploi tations de la plaine roussillonnaise est de 4,7 ha. C'est bien pourquoi les
agriculteurs rapatri?s pratiquent peu la viticulture, ne consacrant ? la
vigne que 32 % de leurs terres, quand, dans l'ensemble de la plaine, les
ceps occupent 66 % de la surface cultiv?e. Sur une seule exploitation, g?r?e en commun par trois fr?res rapatri?s d'Alg?rie, la vigne occupe la
majeure partie du sol, mais c'est que la place
ne manque pas ici par excep
tion : 56 ha situ?s, de plus, dans l'aire d'appellation ? vins de Rivesaltes ?.
Tous les autres agriculteurs rapatri?s sont, avant tout, des arboriculteurs
? les vergers occupent 39 % de leurs terres mais seulement 5 % de celle
de la plaine dans son ensemble ? et des mara?chers qui, souvent, poss?dent
des serres : 14 exploitations en sont dot?es et consacrent 28 % de leur
superficie cultiv?e aux l?gumes quand ceux-ci n'occupent que 8 % de celle de toute la plaine. Bien qu'anciens viticulteurs, les agriculteurs rapatri?s ont donc adopt? des syst?mes de culture plus intensifs que ceux pratiqu?s par leurs coll?gues autochtones, et s'ils sont parvenus sans
peine ? ma?triser
ces techniques nouvelles qu'il leur a fallu mettre en uvre, ils ont, en
revanche, beaucoup de difficult?s pour ?quilibrer une gestion grev?e par de lourdes d?penses d'installation, alors m?me que les prix des fruits et
l?gumes livr?s sur le march? sont plus sensibles aux variations de la
conjoncture que ne l'?tait le cours du vin.
Comme la pression fonci?re ?tait moins vive dans les parties audoise et h?raultaise de la plaine littorale que dans sa section roussillonnaise, 276 agriculteurs rapatri?s, c'est-?-dire 32 % des rapatri?s install?s en
Languedoc-Roussillon, s'y sont ?tablis dans 61 communes. Les 62 chefs
d'exploitation rapatri?s du Narbonnais poss?dent ensemble 1 144 ha, ce qui
repr?sente une superficie moyenne d'exploitation de 18,4 ha, ?gale ? celle de l'exploitation ce de r?f?rence ? de la plaine viticole ? 2 UTH, tandis que dans la plaine h?raultaise 214 rapatri?s cultivent 3 043 ha, c'est dire que
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
68 P. CARRI?RE
chacun y dispose, en moyenne, de 14,2 ha, alors que la superficie moyenne de l'exploitation autochtone n'est que de 5,7 ha en 1962.
Aussi les agriculteurs rapatri?s font-ils ? la vigne meilleur accueil encore que leurs coll?gues autochtones, lui laissant 63 % du sol dans le
Narbonnais et 82 % dans la plaine h?raultaise, quand ceux-ci ne lui
accordent, respectivement, que 60 et 70 % de leur surface cultiv?e. La
vigne occupe plus de 50 % de la surface cultiv?e sur 192 exploitations appartenant ? des Rapatri?s, sur lesquelles elle est conduite soit en mono
culture (136 exploitations), soit en association avec l'arboriculture (41 exploi tations), le mara?chage (10 exploitations) ou la polyculture (5 exploitations).
La premi?re place revient aux cultures ? fort produit brut ? l'hectare
dans 84 exploitations, dont 10 sont conduites en monoculture arboricole, tandis que 46 associent vergers et cultures mara?ch?res ou vignobles, 10 le mara?chage et la viticulture, 18 ?tant sp?cialis?es dans la culture sous
serre de l?gumes ou de fleurs : la n?cessit?, ici aussi, a transform? les
agriculteurs rapatri?s en novateurs.
Mais c'est sans aucun doute dans la plaine littorale gardoise que les
agriculteurs ont fait le mieux la preuve de leur aptitude ? l'innovation en
adoptant rapidement la pratique de l'agriculture irrigu?e que l'action des
soci?t?s d'am?nagement rendait possible. Ici, 135 agriculteurs rapatri?s se sont install?s dans 22 communes, Beaucaire, Bellegarde et Saint-Gilles
ayant accueilli 65 d'entre eux. Ensemble, ces rapatri?s disposent de 3 043 ha, ce qui repr?sente 4,7 % de la superficie cultiv?e dans cette r?gion agricole, pourcentage qui n'est atteint nulle part ailleurs en Languedoc-Roussillon. C'est que les exploitations acquises
sont non seulement nombreuses mais
vastes, la plupart (93, dont 50 cr??es par la SAFER) disposant de 20 ? 50 ha de terres cultivables.
L'arboriculture irrigu?e de type industriel y tient, de loin, la premi?re
place dans le syst?me de cultures, puisque les vergers se voient r?server
pr?s de 40 % de la superficie cultiv?e par les Rapatri?s, quand ils n'occupent que 4 % de la superficie de la plaine gardoise dans son ensemble. Rares sont les exploitations
sans verger : 17 sont conduites en monoculture arbo
ricole, 52 associent arboriculture et viticulture, 21 l'arboriculture et le
mara?chage, 15 l'arboriculture et la polyculture. Pommiers, p?chers et,
plus rarement, abricotiers forment ici de beaux vergers dont les fruits
sont, pour une part, livr?s ? l'?tat frais, et pour l'autre transform?s par
l'entreprise Conserves-Gard dont les Rapatri?s ont ?t? parmi les premiers actionnaires.
Sur les exploitations de ceux-ci, la vigne n'occupe que 32 % des terres
cultiv?es, alors que les ceps sont pr?sents sur 46 % des sols de la plaine
gardoise. Mais la vigne est, chez les Rapatri?s, mieux conduite que chez
les autochtones, les c?pages recommand?s et la taille haute ayant rapi
dement pris, chez ceux-l?, la place des plants traditionnels et de la taille
basse que ceux-ci conservent.
Parmi les autres cultures associ?es ? la vigne et aux vergers auxquelles
les agriculteurs rapatri?s r?servent 24 % des superficies qu'ils poss?dent, les
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 69
cultures mara?ch?res de plein champ occupent souvent la premi?re place.
Cependant, 3 exploitants install?s dans la commune de Vauvert sur de vastes
exploitations cr??es apr?s dess?chement des marais et disposant
chacun, respectivement, de 117, 100 et 70 ha, s?ment le bl?, le seigle, le
ma?s et les plantes fourrag?res n?cessaires ? l'alimentation du troupeau
qu'ils entretiennent aux fins de production de viande.
Les Rapatri?s dans les plaines et sur les collines int?rieures
La petite r?gion agricole de la vall?e du Rh?ne, au relief d?j? vallonn? et o? l'arboriculture est une pratique d?j? ancienne ? les vergers y
occupent 11 % de la surface cultiv?e au moment o? s'y installent les
Rapatri?s ? n'a accueilli que 48 de ces derniers ?tablis dans 12 communes.
La taille moyenne de leurs exploitations, ?gale ? 17,8 ha, reste de beaucoup
sup?rieure ? celle de l'exploitation moyenne autochtone, ceci en raison surtout de l'action de la SAFER qui a ?tabli 17 de ces migrants.
L'arboriculture fruiti?re n'est, ici, pratiqu?e que sur 34 % de la super ficie cultiv?e par les Rapatri?s car l'irrigation n'est possible que dans la
basse vall?e du Gardon, ainsi que sur les terroirs occupant l'extr?mit?
septentrionale de la Costi?re gardoise, rattach?s arbitrairement ? cette
r?gion agricole. En revanche, la vigne joue ici le premier r?le, occupant 54 % des surfaces poss?d?es par les Rapatri?s
: c'est que leurs terres se trouvent
dans une aire d'appellation d'origine contr?l?e (Lirac, Tavel). Non loin de l?, dans les r?gions agricoles dites ? des Garrigues et des
Soubergues gardoises et h?raultaises ?, les Rapatri?s ont ?tabli 139 exploi tations disposant, ensemble, de 7 024 ha de terres, soit un peu moins
de 2 % de la superficie agricole de ces r?gions, dont les sols cultivables sont consacr?s, traditionnellement, partie ? la vigne, partie ? la poly culture.
La plupart des Rapatri?s, soit 66 exploitants, sont install?s, ? proximit? imm?diate de la plaine littorale, dans 29 communes des Garrigues gar doises, sur 2 514 ha. L'arboriculture, ? laquelle ces cultivateurs con
sacrent 41 % de leur surface cultiv?e, tient la premi?re place ici encore car
l'irrigation reste
possible, mais la vigne vient au second rang dans le
syst?me de culture, occupant 31 % de la surface utilis?e. Les c?r?ales et
les plantes fourrag?res se
partagent le reste des parcelles, la r?colte servant
? l'alimentation d'ovins qui utilisent les terres vacantes en qualit? de
parcours pastoraux ou, plus rarement, de bovins engraiss?s ? l'?table.
L'arboriculture est, par contre, pratiquement absente des Soubergues, celles-ci se trouvant en dehors de la zone am?nag?e pour l'irrigation. Aussi les 56 chefs d'exploitation rapatri?s install?s dans les Soubergues de
l'H?rault sur 3 536 ha n'utilisent-ils que 2 360 ha consacr?s, dans la propor tion de 44 %, ? la vigne. Rares sont les exploitations
? on en compte 9 dis
posant chacune de 5 ? 15 ha ? consacr?es ? la monoculture de la vigne, la
plupart associant ? un petit vignoble la pratique d'une polyculture ? domi nante c?r?ali?re.
7
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
70 P. CARRI?RE
Cette m?me association s'est impos?e ? la plupart des Rapatri?s ?tablis
dans la r?gion agricole dite ? r?gion viticole de l'Aude ? o? 86 chefs d'exploi tation, install?s dans 29 communes, disposent de 4 587 ha dont 3 500 ha
cultiv?s, soit un peu moins de 2 % de la superficie agricole utile de cette
r?gion. Comme la plupart de ces cultivateurs ont d? s'?tablir en dehors de
la r?gion viticole dont les terres changent peu de mains, la vigne tient dans
leur exploitation moins de place (39 % du sol cultiv?) qu'elle ne le fait dans
l'ensemble de la r?gion (50 %). En revanche, les vergers, encore refus?s par la plupart des agriculteurs autochtones ? ils n'occupent que 0,5 % de leurs
exploitations ? sont adopt?s par les agriculteurs rapatri?s d?s qu'il leur
est possible d'irriguer en pr?levant de l'eau dans les rivi?res ou dans la
nappe phr?atique, si bien que 7 % des terres poss?d?es par les Rapatri?s leur sont consacr?s.
Les Rapatri?s et les terroirs de la bordure montagneuse
Alors que les plaines et les collines int?rieures ont accueilli 273 chefs
d'exploitation rapatri?s disposant, ensemble, de 12 467 ha, 164 exploita tions seulement qui ne rassemblent que 9 508 ha ont ?t? acquises par ces
migrants ? la surface des plateaux qui entourent la plaine ou au fond des
vall?es montagnardes des Pyr?n?es-Orientales et du sud du Massif Central.
Les terroirs audois du Pays de Sault, du Raz?s, du Lauragais et de la
Montagne Noire ont accueilli 142 agriculteurs rapatri?s qui y poss?dent 8 880 ha, dont 1 500 seulement peuvent ?tre mis en culture, les autres ?tant
occup?s par des bois ou des landes. Dans la proportion des trois quarts, ces
exploitations disposent de plus de 50 ha chacune et leurs responsables y ont
am?nag? de vastes parcelles de culture o? alternent bl? dur, bl? tendre,
orge, avoine, sorgho, colza et tournesol, l'?levage ?tant ici toujours associ?
? la culture proprement dite. Rares sont les exploitations appartenant aux
Rapatri?s et situ?es sur les terroirs cultivables les plus ?lev?s de notre
r?gion : une seule dans les Causses, 6 dans les C?vennes, 3 en Margeride Aubrac : les Rapatri?s ont donc ?t? peu sensibles ? l'invitation qui leur
?tait faite par les pouvoirs publics de s'?tablir dans celles des r?gions
agricoles que les cultivateurs autochtones abandonnent le plus volontiers.
Les Rapatri?s et l'agriculture du Languedoc-Roussillon
Lourdement endett?s par les investissements fonciers et mobiliers qu'il leur a fallu effectuer, mais vivant avec l'esp?rance d'obtenir des pouvoirs
publics une juste indemnit? pour les d?dommager des biens abandonn?s
outre-mer, les agriculteurs rapatri?s ont d?, sur leurs exploitations jug?es
trop exigu?s au regard des habitudes pass?es, s'ing?nier ? atteindre des
produits bruts ?lev?s ? l'hectare, pratiquant par n?cessit?, mais aussi par
go?t et esprit d'initiative, les formes les plus modernes d'agriculture. Bien
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 71
s?r, l'agriculture d'entreprise n'a pu triompher que chez ceux de ces culti
vateurs qui disposaient, ? d?faut de capitaux personnels presque toujours absents, de la meilleure formation et de l'esprit pionnier le mieux ancr?, si
bien qu'? c?t? de brillantes r?ussites il y eut aussi des exp?riences sans
gloire, voire m?me des ?checs. Pourtant, les Rapatri?s, bien que peu nom
breux, n'en ont pas moins particip? de mani?re d?cisive ? la modernisation
de l'agriculture languedocienne [3] et une enqu?te conduite aupr?s de
98 chefs d'exploitation, venant compl?ter l'examen des dossiers d'installa
tion, permet de d?finir les principaux aspects de la part qu'ils y ont prise.
Les Rapatri?s et la viticulture
Forts de l'exp?rience acquise, la plupart des chefs d'exploitation rapa tri?s sont rest?s viticulteurs et cultivent ensemble, au moment de leur
installation, 6 272 ha de vigne, ce qui repr?sente 1,4 % de la surface du
vignoble languedocien. La vigne occupe donc 21,6 % des terres cultiv?es
par les Rapatri?s, alors que le vignoble est pr?sent sur 28,6 % de la surface
agricole utile de la r?gion (39,5 % de celle-ci s'il n'est tenu compte que des quatre d?partements viticoles, Loz?re non comprise).
Si la r?gle est, pour ces viticulteurs rapatri?s, la mise en culture d'exploi tations familiales dont la gestion ne se distingue gu?re de celle adopt?e sur
les entreprises autochtones de m?me superficie, quelques Rapatri?s en
revanche dirigent des exploitations viticoles de grande superficie sur
lesquelles ils mettent en uvre des techniques tr?s ?volu?es. Certains ont
constitu? des grands domaines pour le compte de soci?t?s familiales ? ainsi telle exploitation de 300 ha, dont 125 ha de vigne, situ?e sur la commune
de Bellegarde et appartenant en commun ? douze chefs de famille appa rent?s qui ont acquis douze lots aupr?s de la SAFER dont ils ont confi?
la gestion ? l'un d'eux agissant comme g?rant de la soci?t? familiale ainsi
form?e, ou encore ce domaine de 85 ha situ? ? Aum?s, hier mal cultiv? et
convoit? par la SAFER, acquis par cinq fr?res et g?r? par l'un d'eux qui y a
plant? 60 ha d'un vignoble de qualit?. Dans d'autres cas, la grande exploi tation r?sulte de la fusion volontaire d'entreprises appartenant ? des
exploitants apparent?s les uns aux autres et qui les cultivent en commun :
ainsi l'exploitation viticole de 48 ha sise ? Vauvert et mise en valeur par trois fr?res associ?s dans un GAEC de fait. D'autres, enfin, ont acquis ? bon compte de grands domaines incultes situ?s en garrigue et y ont, apr?s d?frichement, cr?? de toutes pi?ces un vignoble : c'est le cas de ces 70 ha de
vigne, am?nag?s en terrasses par un
exploitant rentr? du Maroc et gagn?s
ce ? force de machine ? sur les calcaires marneux de la commune de Combail laux livr?s jusque-l? au ch?ne kerm?s.
Ces grands exploitants, mais aussi la plupart des autres que la SAFER aida de son mieux, ont remodel? le parcellaire de leur exploitation, cr?ant
des unit?s de culture suffisamment vastes pour permettre l'utilisation des
machines agricoles. Presque toujours, les plantations sont r?alis?es avec
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
&.Jk
rfr&?
.? .Jilt'*
* * .*%*
^JNSfi
ear
3K?* i; 7? <
? *#**:
is??
-.?. : "* " ' "' -' ? ..
" ^ JSTSfre? ?+^SSSr**^"^5^^^^
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
SAU Rapatrie
SAU communale
nombre de communes
par cat?gorie
li -10 -15 -20 -25 -30 -?0 %
superficie poss?d?e par cat?gorie
Limites
1 Commune 2 D?partement 3 Fronti?re
Fig. 3. ? Implantation des agriculteurs
rapatri?s dans les communes du Languedoc Roussillon
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
74 P. CARRI?RE
?cartement de 2,25 ? 3 m?tres entre les rangs, avec utilisation de plants recommand?s choisis ce greff?s-soud?s ? et plant?s sous film plastique noir, afin de supprimer les travaux de d?sherbage entre les souches. Conduites sur fil de fer, ces vignes hautes ?tablies souvent, par la force des choses, en
terroirs de coteaux servent ? la production de vins de qualit? que les grands
exploitants pr?parent dans leurs propres caves qu'ils ont su ?quiper au mieux.
Les grands exploitants rapatri?s ont ?t? les pionniers de cette r?novation
du vignoble languedocien que les techniciens pr?conisaient depuis longtemps sans
grand succ?s aupr?s des agriculteurs autochtones. Participant volon
tiers aux travaux des CETA viticoles, substituant le capital au travail, confiant la tenue de la comptabilit? de leur exploitation aux Centres de
gestion, commercialisant eux-m?mes leur r?colte, ils ont cr?? une forme
d'agriculture familiale ?volu?e qui est d?j? une agriculture d'entreprise dont les agents mettent en uvre des techniques de production tr?s
avanc?es et n'h?sitent pas ? traiter avec les repr?sentants du commerce
int?gr? pour ?couler leurs produits.
Les Rapatri?s et Varboriculture
Ceux des agriculteurs rapatri?s qui ont pu constituer de
grands vergers en Languedoc ont pris l'initiative de progr?s techniques encore plus r?vo lutionnaires pour notre r?gion que ceux apparus dans la conduite du
vignoble. Encore que certains d'entre eux aient eu l'occasion de pratiquer
l'agrumiculture au
Maghreb, les agriculteurs rapatri?s n'en ignoraient pas moins les techniques de l'arboriculture temp?r?e. Ils les assimil?rent tr?s
vite, sur le tas en quelque sorte, se tenant inform?s des actions de vulga
risation et d?veloppement organis?es par les pouvoirs publics ou les orga nisations professionnelles agricoles. Aussi, d?s leur installation, annonc?rent ils leur intention de cultiver 2 881 ha de vergers, entendant ainsi r?server
? ces derniers pr?s de 10 % de leurs terres, alors m?me que les vergers
n'occupaient gu?re que 2 % de la superficie agricole du Languedoc-Roussil lon en 1963 et 3,3 % en 1968. S'il leur fut difficile de s'?tablir dans les r?gions d'arboriculture irrigu?e traditionnelle, sises dans la plaine du Roussillon, ils purent participer de mani?re d?cisive ? la cr?ation d'une arboriculture industrielle d'abord dans les zones ?quip?es pour l'irrigation par aspersion dans la Costi?re gardoise [6], ensuite sur les terres vacantes de la basse vall?e de l'Aude o? ils ont cr?? les premiers vergers modernes.
Quelques-uns des agriculteurs rapatri?s ont acquis des vergers en pleine production qu'ils ont agrandis ou am?lior?s par la suite, mais la plupart ont cr?? leurs propres vergers sur des exploitations de faible superficie
auxquelles l'arboriculture intensive offrait la possibilit? d'obtenir un produit brut agricole ?lev?, en p?riode de bonne conjoncture au moins. Les plus favoris?s furent ceux qui purent acqu?rir des exploitations cr??es par la SAFER dans la zone d'action de la Compagnie d'am?nagement du
Bas-Rh?ne-Languedoc et b?n?fici?rent, de ce fait, de subventions publiques
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 75
pour frais de mise en valeur [2], Certains parvinrent ? cr?er des vergers tr?s vastes, soit par cumul d'exploitations achet?es ? la SAFER par deux
conjoints ou par de proches parents ? telle cette exploitation de 50 ha
acquise par deux fr?res et leurs ?pouses en
quatre lots ce administratifs ? et
situ?e sur la commune de Marsillargues ?, soit par plantation de terres en friche acquises ? bon compte. Irrigu?s par aspersion, tous ces vergers b?n?ficient de fa?ons culturales conduites de mani?re rationnelle. Si le
pommier est pr?sent partout, il ne l'emporte r?ellement sur les autres
fruitiers que dans l'Aude et se trouve ailleurs toujours associ? au p?cher surtout et, plus rarement, au
poirier et au cerisier. Dans leur d?sir d'?taler
sur la plus longue p?riode possible les op?rations de cueillette, les Rapatri?s n'ont pas craint d'introduire dans leurs vergers apr?s les avoir acclimat?es,
outre les vari?t?s am?ricaines, des esp?ces exotiques : p?chers n?o-z?landais,
pruniers japonais. En outre, ils ont, d?s le d?but de leur conversion ? l'arbo
riculture, apport? une grande attention ? la commercialisation de leurs
produits qu'une seule coop?rative, la puissante Coop?rative agricole du
Lauragais, acceptait de mettre en march? ? l'?tat frais. Apr?s avoir cherch?
? se doter de leurs propres chambres froides, ainsi que de petites stations
personnelles de conditionnement, ils en sont bient?t venus ? se grouper entre voisins ? et cela leur ?tait facile lorsqu'ils avaient ?t? install?s par la SAFER sur des lots contigus
? pour cr?er des stations fruiti?res collec
tives qui, bient?t ouvertes aux agriculteurs autochtones, furent confi?es
en gestion ? des Soci?t?s d'int?r?t collectif agricole. Ayant ainsi contribu? de mani?re d?cisive ? la concentration de l'offre des produits agricoles que la concentration de la demande sur les march?s de consommation rendait
souhaitable, les Rapatri?s ont aussi accept? de passer des contrats de livrai son avec les conserveries coop?ratives
ou priv?es pr?sentes dans la r?gion.
Les Rapatri?s et les autres sp?culations agricoles
Si, en mati?re d'arboriculture, les Rapatri?s ont souvent agi de la m?me mani?re que les autres novateurs venus, depuis diff?rentes r?gions arbo
ricoles fran?aises, cr?er, comme eux en Languedoc-Roussillon, des vergers,
ceux-l? s'entraidant davantage que ceux-ci, en mati?re d'agriculture de
serre ou de cr?ation d'?levages industriels, ils ont ?t? longtemps les seuls
pionniers.
Ce sont des agriculteurs rapatri?s qui ont pris l'initiative de cr?er une
agriculture de serre en Languedoc-Roussillon [4]. Ecart?s de la C?te
d'Azur par la chert? des terrains, install?s par la SAFER sur des lots
exigus, d'anciens mara?chers maghr?bins ont pris le risque de pratiquer la
culture de l?gumes, puis de fleurs, sous serre chauff?e. Dans cette entre
prise, ils firent ?talage de leur virtuosit? technique, optant pour l'ins
tallation de serres de verre, qu'ils dot?rent de chauffage ? circula
tion d'eau chaude ou d'huile, cultivant des plantes d?licates sur des sols
artificiels, se risquant m?me ? la pratique de la culture sans sol. D?sireux de se
pr?ter main-forte les uns les autres pour r?ussir, ils adopt?rent tant?t
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
76 P. CARRI?RE
la formule d'une association de fait, telle celle qui unit les six serristes rapa tri?s de Z?ralda ? Maurin, tant?t celle du GAEC retenue par quatre serristes de Corneilha del Vercol, se contentant parfois de cr?er une coop? rative de vente commune ? plusieurs exploitations serricoles rest?es
ind?pendantes les unes des autres. Encore peu nombreux, ces agriculteurs
tr?s sp?cialis?s parviennent ? commercialiser leur production en emprun tant des circuits courts qui les mettent en rapport soit avec les d?tail
lants de la r?gion, soit avec les centrales d'achat du grand commerce
int?gr? fran?ais. C'est aussi le d?sir d'accro?tre la valeur ajout?e aux produits de l'exploi
tation qui a pouss? plusieurs polyculteurs rapatri?s ? s'adonner aux formes
modernes de l'?levage. Ceux des Rapatri?s qui, dans le Lauragais ou le
Raz?s, ont opt? pour l'?levage laitier, ont introduit la race hollandaise
et conduisent leur ?levage en stabulation libre. Le lait produit ? raison de
4 000 litres par t?te et par an dans les meilleurs ?levages est confi? ? des
coop?ratives de ramassage, parmi lesquelles la Coop?rative du Lauragais tient la premi?re place. Ce sont les Rapatri?s qui ont, dans la m?me r?gion,
entrepris les premiers l'?levage de ce veaux de batterie ?. Les veaux, de race
normande ou hollandaise, leur sont livr?s ? l'?ge de 8-10 jours par des
naisseurs du nord de la France. Elev?s au lait en poudre en ?table obscure, les veaux sont revendus ? 3 mois, au poids moyen de 140 kg, et leur viande
est commercialis?e sur le march? national ou international par des SICA
aquitaines. D'autres agriculteurs rapatri?s s'adonnent ? l'?levage d'embouche de
bovins sur prairies irrigu?es dans des exploitations de la plaine gardoise. Ces pionniers d'un ?levage nouveau b?n?ficient de l'aide technique accord?e
par les soci?t?s d'am?nagement qui souhaiteraient voir se d?velopper une
semblable sp?culation grosse consommatrice d'eau, fournissant un produit
assur? d'une vente facile et laissant aux agriculteurs
un sous-produit, le
fumier organique, indispensable au maintien de la fertilit? des sols irrigu?s. Les formes les plus ?volu?es de cet ?levage triomphent soit dans des ?tables
collectives communes ? plusieurs exploitations, soit dans de grands domaines acquis par des Rapatri?s fortun?s. L'un d'eux, repli? du Maroc, a ainsi investi 3 000 000 F dans une exploitation de 117 ha am?nag?e dans
une portion du marais dess?ch? de Vauvert, les travaux d'assainissement
ayant ? eux seuls immobilis? 1 170 000 F. Cet exploitant cultive 25 ha de
sorgho, 38 ha d'orge, 54 ha de bl? et, tandis que le bl? est livr? ? une coop? rative de ramassage ou c?d? conform?ment ? un contrat ? une maison
sp?cialis?e dans le commerce des semences, l'orge et le sorgho servent
? l'alimentation du b?tail. C'est que l'exploitant engraisse ? l'?table chaque ann?e deux cents jeunes veaux achet?s en bas ?ge ? des naisseurs du Massif
Central. Les animaux sont ensuite vendus ? la SICA ce Cheville langonaise ?
alors qu'ils ont atteint le poids de 500 ? 600 kg. Il faut, pour y parvenir,
ajouter aux c?r?ales produites sur l'exploitation des aliments industriels
acquis sur le march? par l'interm?diaire du groupement de producteurs
auquel adh?re l'exploitant.
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 77
*
Pour faire face ? leurs engagements financiers, les agriculteurs rapatri?s,
?chappant ? toute contrainte du milieu, ont ?t? les plus efficaces des novateurs dans une r?gion dont l'agriculture commen?ait ? se moderniser sous l'influence de l'?volution des march?s, mais aussi des actions d'am?na
gement entreprises ? la diligence de la puissance publique. Ayant acquis
aupr?s des soci?t?s d'am?nagement ou, le plus souvent, sur le march?
foncier des exploitations plus vastes, en moyenne, que celles de leurs
coll?gues autochtones, sans parvenir cependant, sauf exception, ? constituer
de grands domaines, ils en ont remodel? le parcellaire et introduit des
m?thodes de travail rationnelles pour conduire des cultures assurant un fort
produit brut ? l'hectare. Bien arm?s par la formation scolaire qu'ils avaient
re?ue et l'exp?rience acquise au Maghreb, ils parvinrent ? ma?triser rapi dement, avec le concours des sp?cialistes du d?veloppement agricole, des
techniques ?volu?es qui ne leur ?taient pas famili?res : irrigation par
aspersion, cultures sous serres, arboriculture de pointe, ?levage industriel.
Excellents gestionnaires, ils surent aussi rompre avec les m?thodes tradi tionnelles utilis?es pour la commercialisation des produits agricoles et
participer activement ? la cr?ation de circuits commerciaux nouveaux.
D'abord d?concert?s par tant d'audace, les agriculteurs autochtones qui furent un temps les t?moins sceptiques de l'installation des Rapatri?s n'allaient pas tarder ? adopter, ? leur tour, des innovations qui r?ussissaient
? leurs propagateurs.
Ceux-ci ont-ils su pour autant se fondre dans la soci?t? rurale langue docienne ? La m?fiance manifest?e, au d?but, par les agriculteurs locaux envers ces nouveaux venus n'a pas tard? ? se
dissiper au fur et ? mesure
de l'?tablissement de relations de travail mettant en contact les d?tenteurs des traditions locales et ces techniciens de l'agriculture venus d'ailleurs, les
jeunes se liant plus facilement que les vieux. Tr?s rapidement, ceux des
Rapatri?s qui s'install?rent modestement au sein de communaut?s villa
geoises vivantes y furent adopt?s, d'autant plus vite que, recourant aux
m?thodes culturales locales, ils ne purent faire preuve de capacit? d'inno vation. Install?s sur des exploitations plus vastes, les vrais novateurs,
tout en exer?ant une influence certaine sur les techniques culturales
pratiqu?es par les agriculteurs locaux, ne s'en distinguent pas moins de
ces derniers, qui en sont quelque peu jaloux, par leur mode de vie. C'est
que ces moyens et grands exploitants rapatri?s n'habitent pas au
village, mais vivent sur leurs exploitations dans des demeures confortables ou m?me
luxueuses. Les ouvriers permanents, peu nombreux, tout comme les
ouvriers saisonniers que l'on recrute souvent au Maghreb,
sont log?s
? proximit? imm?diate de l'habitation du chef d'exploitation, si bien que de v?ritables hameaux se constituent ainsi, dont certains peuvent abriter
jusqu'? cent personnes en p?riode de grands travaux d?s lors que l'exploi tation appartient
en commun ? plusieurs cultivateurs. Vivant ? l'?cart de
8
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
78 P. CARRI?RE
la communaut? villageoise, ces chefs d'entreprise
se rendent souvent
? la ville, non seulement pour y traiter de la gestion de leur exploitation, mais aussi pour y prendre des loisirs. L'ouverture d'esprit dont ils t?moi
gnent par l? les a conduits aussi ? donner leur adh?sion aux Centres de
gestion, ainsi qu'aux diff?rentes institutions de d?veloppement agricole, tout comme ? exercer des responsabilit?s dans les organismes collectifs de
commercialisation des produits agricoles et jusque dans les conseils d'admi
nistration des Caisses de Cr?dit agricole ou m?me des Soci?t?s d'am?na
gement. Si la plupart de ces exploitants militent dans les Comit?s de d?fense
des agriculteurs rapatri?s qui ont rejoint la FNSEA, rares sont ceux qui
participent ? la vie politique active ou ont fait acte de candidature ? l'exer
cice d'une fonction municipale. C'est que demeure pendante pour eux la redoutable question de leur
endettement. Pour s'installer en Languedoc-Roussillon,
ces agriculteurs
ont, en moyenne, contract? chacun 250 000 F de dettes qu'ils pensaient
pouvoir ?teindre rapidement puisque la loi du 26 d?cembre 1961 annon?ait le vote d'une loi nouvelle fixant ce le montant et les modalit?s d'une indem
nisation en cas de spoliation et de perte d?finitivement ?tablie des biens ?
outre-mer. La plupart de ceux-ci ont ?t? nationalis?s depuis sans que leurs
anciens propri?taires aient ?t? indemnis?s. Aussi ces derniers n'ont-ils cess?
d'exercer une pression
sur les pouvoirs publics fran?ais pour obtenir d'eux
d'abord, le 31 mars 1970, la suspension provisoire des obligations contrac
t?es aupr?s des organismes de cr?dit ayant pass? des conventions avec
l'?tat, puis, le 15 juillet 1970, le vote d'une loi d'indemnisation. Rejet?e
par la plupart des Rapatri?s qui la trouvaient trop peu g?n?reuse, cette loi
n'avait pas ?t? mise en application
au moment de notre enqu?te du prin
temps 1971, si bien que l'avenir des exploitations appartenant ? ceux-ci
restait encore incertain. Pourtant, ? cette date, ces exploitations avaient
bien support? l'?preuve du temps puisque sur les 906 entreprises cr??es, 17 seulement avaient ?t? revendues et 9 se trouvaient en vente ? il est
vrai que la loi met de nombreux obstacles aux transactions portant sur
des exploitations aussi lourdement endett?es ?, tandis que leurs propri?
taires avaient renonc? ? exploiter dix d'entre elles et que douze avaient
cess? d'exister, leur tenancier ayant demand? et obtenu l'octroi de l'indem
nit? viag?re de d?part. L'opinion unanime ?tait, parmi les exploitants
rapatri?s, qu'avec une bonne indemnisation la r?ussite d'une entreprise
importante pour la modernisation de l'agriculture du Languedoc-Roussillon ?tait assur?e.
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
LES RAPATRI?S EN LANGUEDOC 79
BIBLIOGRAPHIE
La source principale des renseignements recueillis provient de l'examen des dossiers d'installa
tion des agriculteurs rapatri?s conserv?s par les services des ADASEA qui ont bien voulu
nous les communiquer. Des ?tudiants de ma?trise travaillant sous la direction de M. le Professeur
Le Coz et de l'auteur ont visit? les exploitations des Rapatri?s et consign? leurs comptes rendus
dans:
[1] C?r? (D.), Noguera (M.) & Planch?n (R.), ? Les agriculteurs rapatri?s d'Afrique du Nord en Languedoc-Roussillon ?, Universit? Paul Val?ry, Montpellier, 1971, 2 vol. multigr.
La modernisation de l'agriculture languedocienne ? laquelle les Rapatri?s ont intimement
particip? est ?voqu?e de mani?re plus pr?cise dans :
[2] Carri?re (P.), ? L'action fonci?re de la Compagnie d'am?nagement de la r?gion du Bas
Rh?ne et du Languedoc ?, Bulletin de VAssociation des g?ographes fran?ais, Paris, 1966,
pp. 32-51.
[3] Carri?re (P.), ? Agriculture et croissance ?conomique en Languedoc-Roussillon ?, Bulletin
de la Soci?t? languedocienne de g?ographie, Montpellier, 1969, pp. 285-324.
[4] Ballester-Bascoul (S.), Carri?re (P.) & Mourot (E.), ?
L'agriculture de serre en Lan
guedoc oriental ?, Bulletin de la Soci?t? languedocienne de g?ographie, Montpellier, 1970,
pp. 293-313.
[5] Lacombe (P.), ? Les strat?gies d'adaptation des exploitants agricoles ? la croissance ?cono
mique, application au Languedoc-Roussillon contemporain ?, Facult? de Droit, Montpellier, 1972, 2 vol., 515 p. multigr.
[6] Lacombe (P.) & Vergnes (A.), ? La croissance des exploitations agricoles par modification
de leur syst?me de culture dans le d?partement du Gard ?, INRA, Montpellier, 1970, 2 vol., 220 p. multigr.
This content downloaded from 62.122.78.91 on Wed, 25 Jun 2014 00:21:42 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions