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6 La Veille - n°1 - Juillet 2007 Il n’est pas toujours bien assimi- lé que l’intervention volontaire d’un tiers en cours d’opérations d’expertise doit préalablement être validée judiciairement. Par hypothèse bien évidemment, ce tiers n’a pas été partie à la procé- dure initiale, à l’origine de la mise en place de la mesure. Il conviendra alors que cet interve- nant volontaire, sollicite - le plus souvent par voie de référé - que les opérations lui soient ren- dues communes et se poursui- vent à son contradictoire. Il faut cependant garder en mémoi- re qu’une telle validation d’interven- tion volontaire n’est jamais acquise, quand bien même un parfait consensus devait accueillir la démarche de ce tiers parmi les par- ties d’ores et déjà en la cause… Une ordonnance très récente de notre Juridiction grassoise est venue rappeler que cet intervenant volontaire était tenu de (forte- ment…) motiver et justifier son inté- rêt à obtenir cette extension des opérations à son contradictoire. Dans cette espèce les faits étaient les suivants : Un immeuble présentant un vice caché, entre-temps révélé, fait l’objet d’une expertise judiciaire à l’initiative de l’un des copropriétaires, lequel subit un préjudice du chef de ce désordre dans ses parties privatives (…mauvais esprit s’abstenir … !). Pour préserver l’anonymat du dos- sier et respecter le principe de confidentialité, il ne sera pas révélé ici la nature du vice en question, lequel restera livré à votre - sans nul doute fertile - imagination… A l’issue du premier accédit, la mise en cause d’un tiers profes- sionnel va apparaître indispen- sable. Elle est alors obtenue quelques temps plus tard en référé, à la requête du syndicat des copro- priétaires, et ce malgré l’opposition et la résistance farouches de cet intervenant forcé. Les investigations de l’expert reprennent au contradictoire de cette nouvelle partie. Se trouve alors également présent à cette occasion un autre copropriétaire, dont le lot est visiblement atteint par le désordre litigieux. Ce lot est loué, et le locataire de ce copropriétaire subit lui aussi un grave préjudice. Il formule à ce sujet auprès de son bailleur de nombreuses doléances relatives à ce trouble de jouissan- ce. Ce tiers copropriétaire décide donc d’intervenir aux opérations en cours pour faire acter ses observa- tions et, le cas échéant, voir chiffrer son préjudice par l’expert. Il saisit alors le Juge des Référés pour obtenir la validation nécessai- re, ci-dessus évoquée. L’ensemble des parties, dont le syndicat des copropriétaires, se contente de for- muler les protestations et réserves d’usage, puisque cette démarche paraît à tous non seulement logique, mais souhaitable… En effet, ce tiers avait également occupé la fonction de syndic béné- vole de l’immeuble, préalablement à la mise en place de l’actuelle ges- tion professionnelle. Le désordre, dont l’origine s’est révélée très ancienne, pouvait en ce cas provenir d’un défaut d’entre- tien de l’immeuble, antérieur à la nomination du présent gestionnai- re. Dès lors la copropriété avait tout intérêt à appeler ou voir intervenir en la cause son précédent syndic, lequel avait peut-être été négli- gent… De fait, sa responsabilité était effectivement susceptible d’être engagée. Hélas, l’intervenant volontaire - tout comme le syndicat … - vont apprendre à leurs dépens que ce qui va sans le dire va encore mieux en le disant. Le magistrat des référés va refuser l’accès de ce tiers aux opérations en cours, aux motifs, en substance : - que la mission de l’expert ne com- prend pas l’examen de son lot, mais celui de l’appartement du demandeur initial et des parties communes de la copropriété, - que le candidat intervenant ne verse aucun constat d’huissier attestant de désordres affectant son lot, - que l’expert ne peut en tout état de cause examiner le lot du requérant sans que son locataire soit attrait à la procédure, L’intervention volontaire en cours d’expertise judiciaire : de l’art de faire compliqué quand on voudrait faire simple… De nos tribunaux

L'intervention volontaire en cours d'expertise judiciaire - de l'art de faire complique quand ou voudrait faire simple... (juillet 2007)

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Il n’est pas toujours bien assimilé que l’intervention volontaire d’un tiers en cours d’opérations d’expertise doit préalablement être validée judiciairement, dans l'hypothèse où, bien évidemment, ce tiers n’a pas été partie à la procédure initiale. Il conviendra que cet intervenant volontaire sollicite, le plus souvent par voie de refere, que les operations lui soient rendues communes et se poursuivent a son contradictoire.

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La Veille - n°1 - Juillet 2007

Il n’est pas toujours bien assimi-lé que l’intervention volontaired’un tiers en cours d’opérationsd’expertise doit préalablementêtre validée judiciairement. Parhypothèse bien évidemment, cetiers n’a pas été partie à la procé-dure initiale, à l’origine de lamise en place de la mesure. Ilconviendra alors que cet interve-nant volontaire, sollicite - le plussouvent par voie de référé - queles opérations lui soient ren-dues communes et se poursui-vent à son contradictoire.

Il faut cependant garder en mémoi-re qu’une telle validation d’interven-tion volontaire n’est jamais acquise,quand bien même un parfaitconsensus devait accueillir ladémarche de ce tiers parmi les par-ties d’ores et déjà en la cause…

Une ordonnance très récente denotre Juridiction grassoise estvenue rappeler que cet intervenantvolontaire était tenu de (forte-ment…) motiver et justifier son inté-rêt à obtenir cette extension desopérations à son contradictoire.

Dans cette espèce les faits étaientles suivants :

Un immeuble présentant un vicecaché, entre-temps révélé, fait l’objetd’une expertise judiciaire à l’initiativede l’un des copropriétaires, lequelsubit un préjudice du chef de cedésordre dans ses parties privatives(…mauvais esprit s’abstenir … !).

Pour préserver l’anonymat du dos-sier et respecter le principe deconfidentialité, il ne sera pas révélé

ici la nature du vice en question,lequel restera livré à votre - sans nuldoute fertile - imagination…

A l’issue du premier accédit, lamise en cause d’un tiers profes-sionnel va apparaître indispen-sable. Elle est alors obtenuequelques temps plus tard en référé,à la requête du syndicat des copro-priétaires, et ce malgré l’oppositionet la résistance farouches de cetintervenant forcé.

Les investigations de l’expertreprennent au contradictoire decette nouvelle partie. Se trouvealors également présent à cetteoccasion un autre copropriétaire,dont le lot est visiblement atteint parle désordre litigieux. Ce lot est loué,et le locataire de ce copropriétairesubit lui aussi un grave préjudice. Ilformule à ce sujet auprès de sonbailleur de nombreuses doléancesrelatives à ce trouble de jouissan-ce. Ce tiers copropriétaire décidedonc d’intervenir aux opérations encours pour faire acter ses observa-tions et, le cas échéant, voir chiffrerson préjudice par l’expert.

Il saisit alors le Juge des Référéspour obtenir la validation nécessai-re, ci-dessus évoquée. L’ensembledes parties, dont le syndicat descopropriétaires, se contente de for-muler les protestations et réservesd’usage, puisque cette démarcheparaît à tous non seulementlogique, mais souhaitable…

En effet, ce tiers avait égalementoccupé la fonction de syndic béné-vole de l’immeuble, préalablementà la mise en place de l’actuelle ges-tion professionnelle.

Le désordre, dont l’origine s’estrévélée très ancienne, pouvait ence cas provenir d’un défaut d’entre-tien de l’immeuble, antérieur à lanomination du présent gestionnai-re. Dès lors la copropriété avait toutintérêt à appeler ou voir interveniren la cause son précédent syndic,lequel avait peut-être été négli-gent… De fait, sa responsabilitéétait effectivement susceptibled’être engagée.

Hélas, l’intervenant volontaire - toutcomme le syndicat … - vontapprendre à leurs dépens que cequi va sans le dire va encore mieuxen le disant.

Le magistrat des référés va refuserl’accès de ce tiers aux opérations encours, aux motifs, en substance :

- que la mission de l’expert ne com-prend pas l’examen de son lot,mais celui de l’appartement dudemandeur initial et des partiescommunes de la copropriété,

- que le candidat intervenant neverse aucun constat d’huissierattestant de désordres affectantson lot,

- que l’expert ne peut en tout étatde cause examiner le lot durequérant sans que son locatairesoit attrait à la procédure,

L’intervention volontaire encours d’expertise judiciaire :de l’art de faire compliqué quandon voudrait faire simple…

De nos tribunaux

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La Veille - n°1 - Juillet 2007

… qu’en l’absence de ces élé-ments, il convient de débouter M…de sa demande.

Quelle n’a pas été la surprise et ladéception du requérant, mais éga-lement du syndicat (…et de leursconseils …) !

Il est bien sûr toujours plus facile derefaire l’histoire après-coup… Si l’on rembobine le film procédu-ral, l’on se dit que la copropriété

aurait pu développer son propreintérêt à voir attraire cette partie enla cause. Cet intérêt étant en effetindépendant, il constituait un motif -peut être pas suffisant, mais sup-plémentaire - d’emporter la convic-tion du Juge.

En l’espèce, compte-tenu duconsensus avéré entre les parties(… à l’inverse de la première miseen cause judiciaire, sus-évo-quée…) il aurait pu paraître incon-

gru que la copropriété, outre sonacquiescement, formule et étaied’emblée une demande reconven-tionnelle en intervention forcée.

Et pourtant !

Dans ces cas de figure, rappelons-nous alors avec vigilance qu’abon-dance de biens ne nuit pas…

Agnès PROTONAvocat au Barreau de Grasse

La Cour d’appel d’Aix en Provencevient de confirmer (21 mai 2007) unexcellent et courageux jugement duConseil de Prud’hommes de Grasse(ler juillet 2005),dans une affaire oùun ingénieur est condamné, au pro-fit de son ancien employeur,au paie-ment d’une somme assez importan-te pour faits de concurrence déloya-le, avec exécution provisoire. LaCour d’appel lui donnera donc rai-son sur toute la ligne.

Il n’est pas si fréquent que cettejuridiction sociale prononce unecondamnation du salarié ; elle lefait cependant lorsque les circons-tances le justifient. Le salarié invo-quait la nullité de la clause de nonconcurrence ; elle est cependanttenue pour valable dès lors qu’elleest justifiée par les intérêts légi-times de l’entreprise ; qu’en effet lepréjudice susceptible d’être subipar l’entreprise était réel eu égardau savoir faire acquis par le salarié,

aux connaissances stratégiquesauxquelles il avait pu avoir accès,et aux liens privilégiés qu’il avait punouer avec la clientèle. La clauseétant de surcroît limitée dans letemps et dans l’espace, et com-portant une contrepartie financière,elle est licite. Quant à la violationde la clause, elle caractérisée parles circonstances - et les motifs -que l’intéressé a participé à lacréation et au développement dela société X, dont l’activité est iden-tique à celle de la société Y (sonancien employeur), à savoir l’étudeet le développement … (d’un cer-tain type de solutions informa-tiques et techniques). Le jugementajoute que la société Y a effective-ment subi un préjudice, qu’elle anotamment perdu l’un de ses prin-cipaux clients, démarché par lasociété X avec l’aide de l’intéressé,et qu’il y a lieu de condamner cedernier à payer la somme de30.000 euros en réparation du pré-judice subi. Une dernière précisionest apportée par la Cour : la ruptu-re du préavis pour manquement àl’obligation générale de nonconcurrence justifie l’extinction del’obligation de l’employeur de ver-ser la contrepartie pécuniaire, lesalarié demeurant quant à lui tenudu respect de la clause contrac-tuelle de non concurrence prenanteffet à cette date et qui a précisé-ment pour objet de garantir lasociété contre la poursuite des

actes de concurrence qu’elle vientde sanctionner. Une telle décision,rendue dans une espèce où l’en-treprise avait pris soin de recueillird’utiles éléments de preuve, estentièrement justifiée dans le casconsidéré, c'est-à-dire sur planmicro-juridique ou micro-écono-mique ; mais elle est égalementjudicieuse sur un plan macro-éco-nomique, celui de la protection desentreprises du secteur technolo-gique de la zone d’activité deSophia-Antipolis et des trente milleemplois qui y sont rattachés.Dernier élément de conclusion :nous ne saurions jamais tropconseiller à nos clients entreprisesla prudence et la protection contreles risques, assez divers, d’atteinteà l’intégrité de leur savoir faire et àleur «secrets de fabrique», notionconnotée XIXème siècle, mais quidemeure par ailleurs d’une totaleactualité pénale et judiciaire.

Une (très) brève :

Dans un jugement du 15 mars 2007,le Tribunal de commerce de Niceaccorde une indemnité de 120.000(cent vingt mille) euros en applicationde l’article 700 du NCPC. Bravo !Une telle décision entretient etréactive corrélativement le débatsur la taxation des honorairesd’avocats.

L’ingénieur indélicat, la concurrence déloyale,le Conseil de Prud’hommes et …le pôle de compétitivité de Sophia-Antipolis

Dominique VIDALAvocat au Barreau de Grasse