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Adrien Houngbedji Il n’y a de richesse que d’hommes

LIVRE - Il n'y a de richesse que d'hommes - Adrien Houngbedji -2005

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Adrien Houngbedji

Il n’y a de richesseque d’hommes

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ADRIEN HOUNGBÉDJI___________________________________________

Version n° 9

IL N’Y A

DE RICHESSE

QUE D’HOMMES

L’Archipel

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À mes parents.

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Avant-propos

De nombreux défis assaillent le Bénin. Considérables, ils exigent unefarouche participation de chacun de ses enfants.

Tout au long de sa vie tumultueuse, notre pays nous a parfois fait rêver.Le génie de son peuple et sa capacité à transcender les contradictions nousont souvent surpris.

Des moments de gloire, motifs de fierté légitime, ont jalonné notreHistoire. Ils auraient pu être les rampes de lancement de notredéveloppement.

Ma démarche, analytique et prospective, s’inscrit dans le cadre d’undevoir de mémoire. Elle invite citoyens ou dirigeants politiques à être plusexigeants pour créer les conditions propices à l’avènement du bien-être detous.

Deux rendez-vous historiques, survenus au cours des trente dernièresannées, nous ont fait espérer un changement qualitatif significatif dans lavie de nos populations en proie à une extrême pauvreté : la Révolution du26 octobre 1972 et la Conférence nationale des Forces vives de février1990. L’examen de ces deux événements majeurs permet de mieuxappréhender les rapports du peuple béninois à son destin, et les raisons dela spirale de défis et d’incertitudes découlant du mode de gouvernance dupays.

Mon propos n’est pas de refaire l’Histoire. Il est de faire le compte desréformes mises en œuvre aux plans politique, économique et social, depuistrente ans. Il est d’en faire le bilan, de mesurer leur impact sur la vie réellede nos populations, afin d’en tirer quelques leçons.

Car mon objectif est de partager la certitude que nous avons des raisonsd’espérer tant sont grandes les richesses de notre peuple.

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I.– Si c’était à refaire…

« Pour qui tend convenablementsa voile au souffle de la Terre,

un courant se décèle qui force à prendretoujours la plus haute mer ».

Pierre Teilhard de Chardin,Le Milieu divin (Éditions du Seuil).

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Deux événements majeurs ont marqué ma génération, celle dessexagénaires africains : l’accession aux indépendances et la confiscationdes libertés. Les hommes portés au pouvoir dans les années 60 n’ayantgénéralement pas perçu l’étroite relation entre l’État de droit et ledéveloppement ont trop souvent instauré des régimes autocratiques.

D’où l’engagement de certains d’entre nous dans une lutte périlleusepour que vive la liberté.

J’appartiens à ce groupe qui, malgré un contexte international de« guerre froide » favorable aux pouvoirs « forts », et au prix de duresépreuves – parfois vécues dans l’anonymat et l’indifférence – n’a jamaisrenié ses convictions de jeunesse ; assuré que les droits de l’Homme, laliberté, l’initiative privée et la solidarité sont inséparables du progrès. J’aipayé un lourd tribut. Mais je ne regrette rien. Non seulement le combatlivré, avec d’autres, fut profitable à notre pays, mais il prit fin sans drame àl’issue d’une Conférence nationale qui scella la réconciliation des Béninoiset fit du Bénin un modèle envié de démocratie.

Maintenir le cap est l’un des défis majeurs des prochaines décennies.

Aussi loin que je remonte dans mon enfance, j’ai toujours voulu servirmon pays. Mon père fut l’artisan obstiné de cette vocation, au point d’enfaire un sujet de constante préoccupation. Simple agent des douanes, il necomptait pas parmi l’élite du Dahomey. Il nourrissait pour son fils degrandes ambitions, non pas à la dimension des Lamine Guèye, Apithy,Houphouet Boigny et Senghor, héros politiques de son temps. Mais à la

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mesure des événements et des mutations dont il était le contemporain, et dela compréhension qu’il en avait.

En ces temps-là, l’indépendance n’était pas l’idée la mieux partagée.Aussi mon père ne pouvait-il imaginer que le Dahomey deviendrait bientôtun État souverain, libre de ses actes, maître de son destin. Pour lui, rien nesurpassait la fonction d’Administrateur des colonies. Son désir le plusardent était de me hisser à la hauteur d’un Félix Éboué1. Il admirait sonaptitude au commandement, son ardeur au combat, son dévouement à lapatrie.

Je dois l’admettre : j’ai été instruit, dès mon jeune âge, dans cette vision.

J’avais huit ou neuf ans lorsque mon père commença à m’inculquer lesens du service public. C’est quand j’entrepris mes études secondaires, queles notions dont il m’instruisait prirent leur sens véritable.

Le hasard fit, en effet, qu’au lycée Victor Ballot de Porto-Novo, oùj’étais admis et où toutes les classes sociales se trouvaient mêlées, jepartageais mon pupitre avec Catherine Bonfils, la fille du Gouverneur duDahomey. Nous avions onze ans. Je fus reçu, avec d’autres camarades declasse, dans le palais de son père où je jouais parfois le jeudi. J’étais tropjeune pour comprendre les réalités du pouvoir. Mais je découvris peu à peuce qui signifiait le service de l’État. Jusqu’à un mémorable 14 juillet où,assistant pour la première fois au défilé, je pris la résolution de suivre lavoie tracée par mon père.

Enfantillages ? Peut-être ! Mais les impressions d’enfance contribuentsouvent à forger le caractère des hommes. À partir de cet instant, jem’appliquai à découvrir que, derrière les signes extérieurs de l’appareild’État, se déployaient le caractère multiforme du pouvoir, la diversité etl’ampleur des tâches que remplissaient les représentants de l’administrationcoloniale, la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Bref,la grandeur du service public.

1 Né à Cayenne en 1884, mort au Caire en 1944, Félix Éboué a été le premier NoirGouverneur des colonies, d’abord à la Guadeloupe (1936) puis au Tchad (1938). Il s’estrallié aux Forces françaises libres dès 1940. Il est devenu alors Gouverneur général del’AEF.

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J’ai poursuivi mes études secondaires, illuminé par l’idée que je seraisun jour Administrateur des colonies. Mais, au moment où j’atteignais laclasse de seconde, la France, secouée par d’incessantes crisesgouvernementales, fit de nouveau appel au général de Gaulle. C’était en1958. Les discours prononcés par « l’homme de Brazzaville », l’adoptionde la Constitution de la Vème République, annoncèrent aux Africains queleurs pays pouvaient, s’ils le voulaient, revendiquer la pleine souveraineté,nationale et internationale.

À grandes causes petits effets ! Le vieux rêve de mon père qui servaitd’échafaudage à mon ambition s’écroula. Devenu bachelier alors que monpays accédait à l’indépendance, je choisis les études juridiques, car elles meparaissaient les mieux adaptées à ma nature profonde. Ainsi, à l’automne1961, je m’inscrivis au « Panthéon », siège de l’ancienne Faculté de Droitde Paris, et à l’École nationale de la France d’Outre-mer, avant d’intégrer,plus tard, l’École Nationale de la Magistrature.

Le Quartier latin, la montagne Sainte-Geneviève, l’Odéon, le Panthéon,le Jardin du Luxembourg, les bistrots où les jeunes de ma générationreconstruisaient le monde jusqu’à une heure avancée de la nuit, n’eurentbientôt plus de secrets pour moi. Époque bénie où mon unique souci étaitde réussir mes examens afin d’embrasser le métier de juriste, plus nobleque tout autre à mes yeux, car il consistait à défendre les faibles contre lesentreprises des forts.

Je sortis major de l’ENM, pourvu d’un doctorat d’État qui m’ouvrait laporte des carrières juridiques et bien décidé à rentrer au plus tôt dans monpays qui effectuait ses premiers pas d’État souverain.

Mon insertion dans la vie professionnelle fut tumultueuse, car lespremières fonctions auxquelles je fus nommé me placèrent aussitôt au cœurdu débat : cette lutte implacable que se livraient raison d’État et État dedroit, et dont l’issue était déterminante pour l’avenir de nos pays.

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État de droit ou raison d’État ?

Le 30 novembre 1967, j’arrivais à Cotonou rempli d’espoir et bercéd’illusion.

La réalité me rattrapa. Dix jours après mon retour au Bénin, un coupd’État militaire renversait le général Christophe Soglo, lui-même issu d’unputsch. À peine installé, le nouveau Gouvernement manifesta la volonté deremettre le pays à l’endroit, en déclarant la guerre à la corruption. Emportépar son élan, il prit la décision de créer un Tribunal militaire d’exceptionchargé de juger les actes de prévarication. Cette juridiction était composéed’un magistrat président, de huit officiers assesseurs et d’un magistratcommissaire du Gouvernement faisant office de ministère public. Lenouveau régime chercha un jeune pour assumer ces délicates fonctions. Jefus choisi.

J’avais 25 ans.

Dans le pays, la tension était à son comble. La vie quotidienne étaitrythmée par des arrestations sans nombre de hauts fonctionnaires,d’administrateurs et d’officiers. Impossible de dire si la volonté de nettoyerles écuries était le seul mobile, ou si des règlements de compte avaient prisle dessus. La campagne de moralisation de la vie publique lancée par leGouvernement semblait bénéficier de l’assentiment de la population.

Les deux premiers cas déférés furent instruits et jugés sans accroc et jepus soutenir l’accusation sans autre contrainte que ma conscience. Letroisième fut l’épreuve de vérité. Il s’agissait de juger l’intendant des

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Forces armées, le Commandant Chasme. Officier, il comparaissait devantses pairs. Garde des sceaux trois semaines auparavant, il avait lui-mêmesigné le décret de nomination des membres du Tribunal.

La seule et unique pièce de son dossier était une lettre du Gouvernementdemandant au ministère public de le faire comparaître. Mon embarras futd’autant plus grand que la procédure imposée était celle du flagrant délit. Jesollicitai des instructions écrites. Elles vinrent sans tarder. Je devaisrequérir vingt ans de réclusion contre le présumé coupable ! L’audition detémoins auquel je fis procéder publiquement pour étayer l’acte d’accusationfit apparaître qu’aucun acte de corruption n’était prouvé. Je fis suspendre laséance et informai le Gouvernement que je demanderais la relaxe. L’ordrede requérir 20 ans fut a confirmé ; Chasme devait être condamné au nom dela raison d’État.

Je décidai de ne pas céder ! Au nom de l’État de droit.

À la reprise de l’audience, je donnai lecture des instructions duGouvernement, et requis l’acquittement. La défense constituée par la quasi-totalité des avocats du Bénin et du Togo s’engouffra dans la brèche ! Aprèsune demi-heure de délibération, le Tribunal rendit son verdict : 20 ans deréclusion ! En sortant du prétoire, j’eus le sentiment du devoir accompli etla certitude que ma carrière, à peine commencée, venait de prendre fin. Madémission fut instantanée.

L’affaire fit grand bruit. L’opinion s’émut qu’un homme puisse êtrecondamné sans preuve. Le Gouvernement y perdit de son crédit, et lajuridiction de son prestige. D’autant plus qu’au lendemain de madémission, le président rendit lui-même son tablier. Le Tribunal fut aussitôtdissous, et les condamnés libérés.

Pour ma part, abandonnant la magistrature, je rejoignis le barreau pour yconduire une carrière d’avocat.

Que retenir de cette parenthèse ?

D’abord, que chaque fois que l’État choisit de s’écarter du chemin dudroit ou de tordre le cou à la loi, il « sort de la route ». Il devient un dangerpour la Nation. Cette épreuve m’a conforté dans l’idée que l’État de droit,

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la justice et les droits de l’Homme sont des valeurs sacrées qui doiventrester au cœur de la pensée et de l’action des dirigeants.

L’État de droit, dans l’acception la plus noble du concept, est et reste lemeilleur antidote contre les excès déstabilisateurs, le rempart contre lestentations autocratiques. Cette épreuve m’a confirmé dans le sentiment quele combat pour son triomphe exigeait de lourds sacrifices dans des pays enprise avec les luttes idéologiques, exposés à la guerre froide divisant laplanète en deux blocs antagonistes.

J’ai retenu, aussi, que servir l’État ne signifie pas plier devant lui. Unfonctionnaire n’est pas un automate programmé pour être aux ordres, sansesprit de discernement, sans liberté d’initiative, sans responsabilité, sanscréativité. Son éthique se confond avec celle de l’homme. C’est par rapportà cela que je me suis insurgé contre ce qui m’était apparu contraire auxdroits de la personne humaine au cours de mon incursion dans les arcanesde la fonction publique.

Insurgé contre la raison d’État, pour l’État de droit !

J’ai appris, enfin, qu’il est bon de « larguer les amarres » quand le cœurn’y est plus. Quand la conscience et le devoir vous commandent de partir.Inutile, alors, de se cramponner à un poste, à une fonction, en ne supputantque son profit personnel, en ne caressant que ses intérêts égoïstes. Dans lesconditions qui étaient les miennes, face à des tournants cruciaux, ladémission me renvoyait à une échelle des valeurs face à laquelle je nepouvais, en aucune manière, et sous aucun prétexte, faire prévaloir lesavantages, petits ou grands, de ma fonction.

Adieu la magistrature !

Ma carrière d’avocat commença le 8 août 1968. Mon cabinet étaitspécialisé dans les affaires commerciales, ce qui ne m’empêcha pas degarder un œil sur les dossiers criminels.

Plusieurs grands procès allaient marquer l’époque. Ils me trouvèrent auxpremières loges comme défenseur. On me distingua. Ma réputation, sinonma renommée, grandirent rapidement. Je devins le jeune avocat dont onsollicitait volontiers les services et les conseils.

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Survint l’affaire Gbikpi. Ce compatriote était accusé d’avoir faitassassiner son épouse par amour pour sa maîtresse. L’opinion publiqueétait acquise à l’application de la peine capitale, requise par le ministèrepublic.

À chacune des audiences, le Palais de justice de Cotonou était plein àcraquer. Je disposais d’un auditoire de choix pour mon examen de passage.J’entendais le réussir. Je mis donc un soin particulier à la préparation et à laprésentation de ma plaidoirie. En sauvant la vie de mon client, qui écopad’une peine de quinze ans de prison, je donnais une forte impulsion à macarrière.

Ensuite, je fus mobilisé par le procès des personnes accusées du meurtredu gardien du docteur Vogler, médecin bien connu à Cotonou. Six hommesayant cambriolé sa villa se retrouvèrent sur le banc des accusés sousl’inculpation d’assassinat. M’étant fait une réputation d’avocat des causesdifficiles, je fus commis pour assurer la défense du chef de bande. Toutplaidait contre les prévenus, tant le crime était horrible.

Mais, ancré dans ma conviction que le pire des criminels a toujours droità une défense, j’acceptai de prêter mon assistance à cet homme en détresse.Les accusés furent reconnus coupables d’assassinat et condamnés à mort.Ce fut, pour moi, l’occasion d’une expérience inédite et traumatisante :assister à l’exécution de la sentence. Je fus informé que mon client et sescinq co-accusés seraient passés par les armes au petit matin. Je me rendissur les lieux, à la plage, avec les autres avocats, à un endroit situé à peuprès entre les actuels hôtels Novotel et Sheraton.

Nous pûmes parler avec les condamnés avant qu’ils ne fussent attachés àdes cocotiers. Le peloton d’exécution commençait à se mettre en placelorsque mon client me fit appeler. Il m’exhorta au courage : tout se passerabien, dit-il. Il me demanda de lui gratter le milieu du crâne, ce que je fis,non sans embarras. Que comprendre de ces paroles énigmatiques et de sonétrange assurance ?

La scène était surréaliste. Le tragique des circonstances lui conférait unrelief singulier. Le théâtre des opérations était violemment éclairé par depuissants projecteurs installés sur des véhicules. L’ordre fut bref mais net.Une salve nourrie cloua les suppliciés aux arbres. Cinq corps sans vieétaient là, vissés aux cocotiers. Cinq, et non six ! Où était passé le

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sixième ? Nous nous dirigeâmes vers un talus d’où émanaient des râles, àune trentaine de mètres. Mon client était là, gisant de tout son long,gravement atteint. Il respirait encore. Le coup de grâce qui lui fut assénéconsacra sûrement sa délivrance. Si je fus un moment tourmenté, au moinsavais-je le soulagement d’avoir tout essayé, tout tenté.

L’assistance juridique a, pour moi, valeur de sacerdoce. Elle est sacrée.Faisant définitivement mienne l’idée selon laquelle tous les hommes sontégaux en dignité, j’affirme que le criminel le plus haïssable, l’individu leplus méprisable a le droit d’être défendu et accompagné. Je tiens pournécessaire, pour impérative, l’aide à toute personne en difficulté sur lespistes souvent piégées du droit et de la loi. Défendre, pour l’avocat, c’estaider à la manifestation de la vérité. C’est libérer la loi du carcan del’univocité. C’est convoquer le regard de l’équité sur le droit positif.

L’affaire Taïgla (durant la même période) m’inspire ces réflexions.Madame Taïgla était tenue pour principale accusée dans une histoire demeurtre. J’avais été constitué pour assurer sa défense. Je me préparais àaccomplir ma mission quand le Gouvernement, pour des raisons restéesobscures, décida de la passer par les armes, sans jugement. Aussitôt dit,aussitôt fait !

Cette décision m’était apparue aussi condamnable que le crime. Faireainsi litière des droits les plus élémentaires de la personne humaine, fusillerdes hommes sans jugement me semblait et me semble toujours un crime.« Quand la politique entre au prétoire par la porte, prévient la sagesse desnations, le droit en sort par la fenêtre ».

Devais-je me taire et accepter que la justice fût ainsi poignardée ? Jedécidai de prendre publiquement position et de faire connaître messentiments, explicitant, à l’occasion, mon opinion sur la peinte de mort.Face à cette question, je n’étais pas un néophyte zélé qui sacrifiait à unnouveau dieu en suivant le cours mouvementé du débat. Comme étudiant, àParis, à l’École nationale de la Magistrature, à l’occasion des exposés quej’avais présentés, je montrais et démontrais, déjà, l’inanité de la peinecapitale.

J’en étais là de ma révolte, lorsque l’Histoire me donna à vivre l’un desplus graves retournements de situation que notre pays ait connu… C’étaiten 1971. Le chef de Gouvernement de 1968, celui-là même qui avait exigé

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la condamnation, pour raison d’État de l’Intendant militaire Chasme fut, àson tour, arrêté pour atteinte à la sûreté de l’État. La juridiction chargée dele juger avait pour Président… Chasme, entre temps réintégré dans l’armée.Il me demanda d’assurer sa défense.

Je ne l’avais pas rencontré depuis son procès. Il me rendit visite à moncabinet au lendemain de sa nomination. Je fus content de le revoir. Aprèscinq minutes d’entretien, il me posa la terrible question : devait-il ou nonaccepter de présider la juridiction chargée de juger son adversaire ? Je luirépondis sans ambiguïté que le choix porté sur sa personne commeprésident de la Cour n’avait rien d’innocent et que, vu les antécédents,mieux vaudrait pour lui, comme pour le Gouvernement qui venait de lenommer, qu’il renonçât au lieu de tomber dans un traquenard. Il parut serendre à mes raisons. La suite des événements démontra le contraire.

Les faits étaient graves, puisqu’il y avait mort d’homme. Mais, lorsques’ouvrit le procès, mes confrères avocats et moi avions la nette impressionque nous avions à faire à une parodie de justice. Les protagonistes étaientquasiment les mêmes, sauf que les circonstances s’étaient chargéesd’intervertir leur place et leur rôle. Solidaires dans la défense etl’illustration d’une certaine idée du droit et de la justice, nous noussommes, d’un même mouvement, interdit toute participation à ce simulacrede justice.

Ce front du refus enleva à la Cour le peu de crédit qui lui restait. Ildisqualifia ses arrêts. Le procès Kouandété fut ainsi un coup pour rien quele putsch du 26 octobre 1972 vint ranger définitivement au magasin desaccessoires. Ce jour-là, en effet, les allées du pouvoir furent brutalementtirées de la torpeur moite d’un après-midi sur les airs martiaux d’unemarche militaire. Le régime du Conseil présidentiel, – un système deGouvernement dans lequel le pouvoir était tournant – la troïka à labéninoise, avait vécu. Que pouvait apporter ce nouveau coup d’État – un deplus ! – dans un pays habitué, depuis une décennie, à des changements derégime aussi fréquents que vains ?

L’avènement du Gouvernement Militaire Révolutionnaire, avec, à satête, le Chef de bataillon Mathieu Kérékou, allait inaugurer un chapitrenouveau de l’histoire agitée de notre pays.

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Les officiers qui prirent le pouvoir ce 26 octobre 1972 tenaient undiscours politique neuf d’une tonalité inédite. Ils esquissaient un projet desociété assez séduisant pour mobiliser une large frange de l’intelligentsia.Sans approuver ce nouveau régime jusque dans ses professions de foirévolutionnaires, terreau fertile pour activismes et populismes de mauvaisaloi, on pouvait, au départ, le créditer d’une volonté de changement, d’unengagement patriotique certain.

Le souhait était largement partagé de tourner enfin la page de la premièredécennie de notre indépendance.

Le Bénin était profondément divisé. L’État, fragilisé par putschs àrépétition, était réduit à un « alibi institutionnel ». L’économie allait à vau-l’eau. Sans les subventions d’équilibre quêtées auprès de partenairescompréhensifs, les fonctionnaires, les agents permanents de l’État eussentété privés de salaires.

Face à cette déliquescence, tout plaidait et militait pour une largemobilisation des ressources humaines. Du reste, certains slogans, alors envogue, y invitaient expressément, par exemple : « Nul ne sera de trop pourconstruire le pays ». Même si, plus tard, avec le gauchissement du régimequi vira au rouge écarlate du marxisme léninisme et du socialismescientifique, beaucoup de mes compatriotes durent se résoudre à accepterd’être indésirables.

Le premier soubresaut qui mit en péril le régime révolutionnaire futl’affaire Kovacs, du nom d’un opérateur économique qui s’était imposécomme le fournisseur attitré et quasi-exclusif de l’administration centraleen articles et matériel de bureau. De toute évidence, l’affaire, quoiqueantérieure au mouvement du 26 octobre, pouvait mettre en lumière lesdissonances entre les principes proclamés et les conduites observées.

L’une des personnalités citées dans cette affaire me confia ses intérêts. Jeme rendis à Dakar où elle se trouvait pour connaître le dossier et arrêter sonsystème de défense. Sur le chemin du retour, j’étais à mille lieux de penserque je me jetais dans la gueule du loup.

Avant même que je n’ai pu quitter l’avion, interpellation formelle etsaisie du dossier. Dès ma descente, déploiement d’hommes en armes, noriade véhicules aux sirènes hurlantes, aux gyrophares en action… Le convoi

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traversa la ville comme une flèche. Trimbalé de sûreté en commissariat, decommissariat en gendarmerie, j’ai vu se refermer la trappe… sans mêmeavoir pu m’expliquer. Un comble !

La rapidité et la brutalité des événements, leur infernal enchaînement,étaient de nature à casser le moral le mieux trempé, à briser tous les ressortspsychologiques. D’autant que je ne parvenais pas à établir le lien decausalité entre mon activité professionnelle qui m’avait conduit auprès d’unclient et le traitement auquel j’étais soumis.

Face à la toute-puissance d’un pouvoir déterminé qui n’avait cure ni delégalité, ni de respect des droits de la personne humaine, je compris viteque mon salut était entre mes mains. Ma décision était prise : m’évaderpour recouvrer la liberté. Il me fallait tout ordonner en fonction de cetobjectif, tirer profit de toutes les ressources, sur tous les registres. David, jedevais triompher du géant Goliath, coûte que coûte, et quoi qu’il en fût.

J’avais étudié, par le menu, les habitudes de mes geôliers. À l’extérieur,je savais que je pouvais compter sur de solides amitiés, sur de fortescomplicités. Elles furent exemplaires. Le compte à rebours pouvaitcommencer. Le 5 mars 1975, à vingt heures tapantes, une serviette detoilette autour des reins, j’ai escaladé aussi vite que possible le murd’enceinte de la gendarmerie. C’était le jour de mes trente trois ans. Dansl’heure qui suivit, j’étais hors du Bénin, hors de portée des personnesmasquées qui, dans l’ombre, s’ingéniaient à tisser et à entremêler les filsd’une gigantesque toile d’araignée. Libre et indemne. J’en rends grâce àDieu.

Quelques jours après, j’étais condamné à mort par un Comité, pour avoirfait mon métier. Victime, à mon tour, de la raison d’État.

S’ensuivent 15 années d’exil.

De cette longue épreuve, j’ai tiré la certitude que l’État de droit est unbloc : il est ou il n’est pas. Seules des institutions stables, fondées sur laséparation des pouvoirs, peuvent l’assurer avec solidité. Invoquer ladémocratie tout en restreignant les droits individuels ou collectifs ne peutavoir comme résultat, à plus ou moins long terme, que l’autocratie ou ladictature.

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Obligé de fuir le Bénin pour avoir professé que l’État de droit est unimpératif qui s’impose aux gouvernants comme aux gouvernés, je me suisrendu à Paris. De là, j’ai gagné Dakar pour y enseigner brièvement à laFaculté de droit. Finalement, j’ai pu reprendre ma profession d’avocat aubarreau de Libreville. J’y ai rapidement retrouvé une clientèle constituée,pour l’essentiel, d’entrepreneurs.

Sans oublier mon pays, j’ai travaillé dur pour faire vivre les miens.

J’ai su de loin, grâce aux rares indiscrétions qui filtraient, qu’uneopération était montée pour renverser Mathieu Kérékou ; elle se traduisitpar le débarquement d’un groupe de mercenaires à Cotonou. Je n’y aisévidemment, pris aucune part, ce que chacun sait. Mais je n’en fut pasmoins condamné à mort une seconde fois.

Cette tentative avortée m’a confirmé dans la conviction que, quels quefussent les défauts du régime en place, il était inopportun d’user de la forcepour écarter du pouvoir un homme et une équipe en place depuis plus dedix ans. Mon point de vue, dès cette époque, était qu’il fallait entrer enrapport avec le régime et tenter de trouver avec lui un accord permettantl’instauration d’un État de droit. L’économie du pays était au plus bas. Unchômage galopant sapait la société béninoise. Les structures de l’État sedélitaient. L’échec du système collectiviste était si patent que même lestenants les plus fervents du marxisme aspiraient au changement.

Le moins que je puisse dire, c’est que je fus incompris. Mais j’aipoursuivi avec obstination sur la voie que j’avais choisie. Avec l’appui depersonnalités amies, j’ai œuvré sans désemparer pour que le Bénindevienne à son tour une démocratie. J’ai été l’un des artisans de laConférence nationale souveraine qui déboucha, quelques années plus tard,sur les premières élections libres jamais organisées au Bénin. Mon nom futrarement cité (pour ne pas dire jamais) parmi les nombreux pères de cetévénement considérable.

J’en avais pourtant publiquement et expressément esquissé les contoursdans l’interview que j’avais accordée à Jeune Afrique, le 13 novembre1989, deux mois après le vote d’amnistie que les autorités béninoises furentconduites à adopter sous la pression internationale. Publiée dans le numéro1506 de cet hebdomadaire, elle était titrée, de façon significative : « AdrienHoungbédji : le temps du pardon est venu ».

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À la question « Concrètement, quelles sont ces revendicationsaujourd’hui ? », je répondis : « Ces revendications sont connues :instauration d’un État de droit, respect des libertés, notammentd’expression, instauration du pluralisme politique, transparence dans lagestion de la chose publique, séparation de l’État et du parti, etc. Ellesdoivent faire l’objet de discussions ouvertes à toutes les forces vives dupays, autour d’une table ronde. Le sens que chacun de nous a de sesresponsabilités nationales permettra de dégager une plate-forme nationaleet de doter le pays d’un régime acceptable pour le plus grand nombre ».

Seize ans après, je n’ai rien à ajouter ni à retrancher à ces propos. Outrele fait que j’ai tenu mon rôle, en bon instrumentiste, dans le concert qui sejouait alors, je n’ai pas dévié d’un pouce de la ligne que je m’étais tracée.Loin de mon pays, j’ai toujours été habité par le sentiment qu’il existait,collé à la semelle de mes chaussures, un peu de sa terre qui me conviait audevoir du retour.

Je m’y risquai en décembre 1985, depuis le Gabon où j’étais établi.

Les plus hautes instances du Parti de la Révolution Populaire du Béninvenaient de prendre l’importante décision de faire bénéficier d’une amnistietotale les Béninois exilés qui manifesteraient le désir de rentrer au bercail.Fallait-il douter de leur bonne foi ? Ou fallait-il au contraire tester lavolonté affichée par ces autorités de mettre fin à la chasse aux sorcières quiavait rendu le pays exsangue ?

Résidant au Gabon, je pris conseil auprès du Président Omar BongoOndimba. Il m’encouragea au test. Mais comme rien n’est jamais sûr, dansce domaine, et que j’étais le tout premier à vouloir tenter l’aventure, il offritde me faire accompagner, pour ce retour au pays, par l’un de ses ministresd’État, après avoir mis un avion à ma disposition, geste d’amitié et deprudente confiance, auquel je resterai sensible le reste de ma vie.

À Cotonou, le président Mathieu Kérékou me reçut en audience pendantune trentaine de minutes, dans la stricte limite des civilités échangées entredeux personnes qui se connaissent à peine. Après quoi, j’allai m’inclinersur les tombes de mon père et de ma mère et repris l’avion. En tout, deuxpetites heures pour ce premier contact avec mon pays, après tant d’annéesd’absence. Un premier contact qui eut l’inestimable avantage de rétablir,

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matériellement et spirituellement, le cordon qui me rattache à ma patrie parchacune des fibres de mon être.

La rumeur courut que, par ce voyage, j’étais venu négocier, auprès duprésident Mathieu Kérékou, un poste de Premier ministre. En trenteminutes et après un si long exil ! « Quand une fois l’imagination est entrain, malheur à l’esprit qu’elle gouverne (Marivaux) ». La rumeur mepoursuivit jusque dans la phase de la Conférence nationale et me fitapparaître comme un allié du régime, alors que j’en étais un adversaireéclairé.

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Prisonnier du passé ou guetteur d’avenir ?

Par quel cheminement l’avocat a-t-il pu entrer en politique, consacrantdésormais, le plus clair de son temps à cette activité ? Cette question m’aété souvent posée, suscitant la même réponse : « La notion de service est aucœur de mon engagement politique ».

Elle était déjà très présente dans ma profession d’avocat. Réinvestie enpolitique, elle ne change ni de contenu, ni de sens, ni de portée. Elles’inscrit seulement dans un champ d’action et de réalisation plus vaste. Leservice des autres résulte de la conscience d’avoir beaucoup reçu et donc del’obligation de devoir beaucoup donner.

En politique, le service des autres fait appel à notre capacité à servir aumieux notre pays.

Quelle contribution pouvons-nous apporter pour assurer à noscompatriotes plus de liberté, un niveau de vie plus élevé, des possibilités deréalisation plus grandes ? Que pouvons-nous faire pour aider le plus grandnombre de Béninois à aller à l’école, à bénéficier des soins de santé, àmanger à leur faim, à se rendre utiles à la communauté nationale par leurtravail, à exercer leur créativité, à déployer leur capacité imaginative, à sesentir des citoyens libres dans un pays stable à l’intérieur de ses frontières,sûres et reconnues, dans un pays rayonnant à l’extérieur ?

Il s’agit d’une immense ambition, génératrice d’une prodigieuse passionde servir. Nous le devons à nos parents, à nos familles, à nos populations.Elles ont consenti des sacrifices pour assurer notre formation et pour faire

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de nous ce que nous sommes. Sous cet angle, l’engagement politique estune manière de reconnaissance et de gratitude, une façon de payer une detteet d’honorer un contrat.

On ne saurait s’y dérober.

Ainsi vue et comprise, la politique apparaît comme une activité noble.Elle ne s’accommode ni de médiocrité, ni de petitesse, ni de mesquinerie.Elle est l’école de l’effort permanent, du don de soi, de l’excellence.

C’est à partir de ces prémisses, partagées avec des amis, des proches, descompatriotes, au cours des années d’exil, que fut progressivement mis enplace un corps de principes, de valeurs, d’idées et de règles d’action,articulé en un projet de société et reposant sur « une certaine idée » duBénin.

Cette conception est peut-être en décalage par rapport à une pratique dela politique faisant de l’homme politique un monstre froid, un « tueur »sans état d’âme, un individu doué d’une exceptionnelle capacitémanœuvrière démêlant, à son profit, l’écheveau des intérêts.

Si tel était le profil du bon politicien, je n’en serais pas.

Je sais bien que l’espace politique n’est pas un théâtre tranquille. Lafureur des affrontements qui s’y déroulent donne la mesure des intérêts enjeu. Je sais que les acteurs impliqués dans ces combats et affrontementssont loin d’être sans reproches. Je sais que Machiavel n’est pas mort. Qu’ilcontinue de vivre dans le cœur et dans l’esprit de la plupart des princes dela politique. Ici ou ailleurs, hier ou aujourd’hui.

Quitte à passer pour Candide, je me fais une tout autre idée de lapolitique. Elle ne saurait être une sorte de terrain vague, ouvert à toutes lesintrigues, à toutes les fourberies, à tous les coups bas. La politique nesaurait être affranchie d’une certaine éthique ou détachée des principes quifondent notre appartenance à la communauté des hommes.

Attentif aux leçons de l’Histoire, j’observe que les valeurs ont davantageuni les hommes que l’argent. Il est un moyen, un instrument, un outil. Ildoit permettre d’atteindre des objectifs personnels, familiaux, politiques.Rien au delà. Le jour où il m’a été permis de revenir au Bénin, je suis parti

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sans penser à négocier mon cabinet d’avocat dont je tirais l’essentiel demes revenus, et dont la cession m’eût rapporté une fortune. Pourquoi ?Parce que mon objectif a toujours été de servir mon Pays. Non de fairefortune.

Par rapport à l’argent, je me sens toujours en situation de transit. Ce queje gagne d’un côté, je le dépense de l’autre. J’ai, certes, le sens deséconomies, mais pas le goût de thésauriser. Quelques propriétés que j’ai, iciet là, font croire que j’ai de la fortune. Il n’en est rien. À vrai dire, ce quej’aime, par dessus tout, c’est bâtir. Je ne suis qu’avocat d’affaires, pashomme d’affaires. Un avocat d’affaires traite des dossiers à caractèrecommercial. Il aide les hommes d’affaires à gagner de l’argent, à préserverleur fortune.

L’argent nous sera d’autant plus utile que nous saurons l’orienter vers lapoursuite de nos objectifs, la concrétisation de nos rêves, la satisfaction denos besoins. Telle est ma conviction profonde.

Nous mesurons le pouvoir de l’argent chaque fois que nous prenonsconscience de l’état de pauvreté et de sous-développement dans lequel nousvivons. Chaque fois que nous pensons aux investissements nécessaires pourchanger l’ordre des choses : écoles, centres de formation et de santé,infrastructures (routes, barrages, ponts, ports, aéroports, usines…), culture,recherche…

L’argent pèse lourd dans la balance de notre développement. Si lourdque, bien souvent, toute dignité écartée, munis de notre sébile de mendiant,nous allons quêter auprès de nos « partenaires » en tendant la main, parfoismême en aliénant notre âme.

Il me paraît urgent, impératif, que notre pays puisse asseoir une politiquequi lui assure des recettes à la hauteur de ses ambitions, à partir d’activitésgénératrices de revenus capables de soutenir son développementindépendant.

Sachons nous aider nous-mêmes, et les autres nous aideront parsurcroît.

C’est en cela que le combat politique est une lutte pour la production derichesse et pour le partage des fruits de la croissance. Au Bénin, elle doit

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conduire à ce que le paysan produise davantage et vende mieux. Ce combatdoit faire que notre commerce dépende moins de l’extérieur, en vendantdavantage ce que nous savons produire. Il doit consister, enfin, à tirer profitdes possibilités qui s’offrent à nous. Il devrait toujours en être ainsi, quandbien même nous disposerions de larges et riches ressources du sol et dusous-sol.

L’argent nous est utile, comme le cheval est nécessaire au cavalier. Maisseul ce dernier est aux commandes et tient les rênes. C’est lui qui dirige samonture, à la vitesse voulue.

C’est dans cet esprit qu’un de nos proverbes dit, à juste titre : « L’argent,c’est bien, l’homme, c’est mieux. Car quand on l’appelle, il répond ». Iln’est de ressource que d’homme. Mais l’homme sait-il répondre à l’appelde son semblable ? Sait-il le faire quand il faut, comme il faut ?

Ces questions me conduisent à évoquer une valeur fondamentale : cellede l’amitié, ce sentiment réciproque d’affection, de sympathie, decomplicité, de gratuité. La vie publique inflige si souvent des avanies àl’amitié qu’on doit se poser quelques questions : l’homme public a-t-ilvraiment des amis ? Quel intérêt y a-t-il pour lui à se lier ainsi ? Quel créditpeut-il accorder à la parole d’un proche ? Mes activités politiques ont, à lafois, élargi et réduit le cercle de mes amis : ceux de toujours, ceux sanslendemain, ceux qu’on s’est choisis, ceux qui s’imposent…

Dans ce paysage « divers et ondoyant », où « Dieu reconnaîtra lessiens », la solitude du responsable politique n’est ni une simple vue del’esprit, ni un thème de dissertation philosophique, ni une ritournelleromantique. La solitude est la compagne quotidienne et fidèle de l’hommepublic.

« Dans le doute, abstiens-toi », dit le proverbe. La meilleure manière dem’abstenir, c’est de trouver refuge dans le cocon familial où, à l’avance, jesuis sûr d’être protégé et accepté en vérité.

C’est peut-être le lieu de dire combien je suis attaché à ma famille,singulièrement à mes enfants, victimes silencieuses de mes combats, quiont souffert et souffrent depuis trente ans ; ils ne m’ont pour autant jamais« lâché ». Je me réjouis qu’ils aient compris que mon engagement est une

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manière sacerdoce, qu’il doit être assumé ; un devoir auquel je ne sauraisme dérober.

Le service des autres, tel que je conçois l’engagement politique, rendmoins disponible par rapport à soi, par rapport aux siens. C’est en cela quele service des autres est un service pour Dieu. Ce qui me conduit à dire unmot de la religion, question importante s’il en est, en ces temps de précaritéexistentielle, marquée par le foisonnement des sectes et l’exaspération desfondamentalismes.

Chrétien, je suis de confession catholique. La religion, institution socialemise en place par les hommes, m’aide à établir mon rapport à Dieu, relationavant tout individuelle, personnelle et intime. S’il en est ainsi, il y a lieu derespecter les croyances religieuses de chacun au nom de la liberté reconnueà tout individu d’organiser et de vivre, comme il l’entend, sa relation àDieu. Dès lors qu’il ne porte atteinte ni à la liberté des autres ni à la bonnemarche de la société.

Quand la religion est ainsi perçue, dans la liberté et dans la tolérance, onl’éloigne de tensions inutiles, on la libère de vaines crispations. La religionpeut ainsi participer à notre accomplissement individuel et collectif.

Les musulmans de Porto-Novo, les membres de la hiérarchie islamiquecomptent ainsi parmi les personnes qui me sont les plus proches et aveclesquelles je partage tant d’idées et de valeurs. N’ont-il pas souventexprimé le désir de me voir accomplir le Hadj, le pèlerinage à La Mecque,après m’avoir prénommé Abdoulaye ?

Ainsi, les religions, par leur cohabitation pacifique à l’intérieur de lacommunauté nationale deviennent un puissant facteur d’harmonie et decohésion sociale. Les immenses richesses spirituelles qu’elles suscitentpeuvent alors s’intégrer et participer à l’enrichissement, au renforcementd’un patrimoine de valeurs, qui est et qui reste le bien commun de lasociété tout entière.

Il doit y avoir place, dans la République, pour toutes les croyancesreligieuses respectueuses des lois et des convictions de chaque citoyen. Dèslors, je tiens les religions pour des facteurs déterminants dans l’édificationde la cité terrestre, tout autant et au même titre que le travail créateur deshommes.

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Mon père m’a formé, élevé et éduqué dans le culte du travail. À l’école,je devais avoir les meilleures notes et obtenir de bons résultats. Je devaistravailler dur pour répondre à son attente et pour figurer en tête de maclasse.

J’ai ainsi compris, de bonne heure, que c’est par le travail que tout êtres’accomplit, se libère, s’émancipe, se valorise, à ses propres yeux et à ceuxde sa communauté. C’est pourquoi un homme vaut moins par lesapparences que par ce qu’il sait et sait faire, par les résultats qu’il atteintpar son travail.

Contrairement à des idées reçues, j’affirme que les Béninois, dans leurimmense majorité, ont un rapport sain au travail. Ils sont de grandstravailleurs. Qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes, en ville ou à lacampagne. Il n’est donc pas nécessaire d’épiloguer sur la valeur du travail,d’en décliner, à l’infini, les bienfaits. L’ordonnance divine « gagner sonpain à la sueur de son front », résonne, tous les jours, comme une invitepressante et impérative, aux oreilles de chacun.

Il reste qu’il ne faut pas confondre la disposition naturelle, l’inclinationsincère des Béninois au travail et l’univers du travail tel qu’il s’organise, àtravers ses atouts et ses insuffisances. S’est-on déjà demandé pourquoi nousabandonnons, chaque année, au seuil de la vie active, des milliers de nosjeunes, frais émoulus de nos institutions supérieures d’enseignement, deformation et d’éducation, avec le label infamant de « diplômés sansemploi » ?

S’est-on déjà interrogé de savoir comment nos jeunes font le choix d’unmétier, embrassent une carrière ? Comment deviennent-ils médecins,avocats, ingénieurs, agronomes… alors qu’ils ne bénéficient d’aucuneassistance pour leur orientation scolaire et professionnelle et que lesqualifications dont ils peuvent justifier sont souvent loin d’être en rapportde conformité avec les réalités, les besoins et les exigences du marché dutravail ?

Quelle lecture faisons-nous de la relation entre le dépeuplement rapidede nos campagnes, de nos zones rurales qui se vident de toutes les forcesvives et le « squattage » actif des agglomérations urbaines par des milliers

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de jeunes acculés à se débrouiller au quotidien et à s’installer durablementdans la précarité de l’informel ?

Il ne s’agit pas, comme je l’entends dire, de mettre les Béninois autravail. Ils y sont déjà. La demande est constante et permanente. Le payssouffre davantage de sous-emploi que de chômage. Toute politique decréation d’emplois qui ne prendrait pas en compte une telle donnéerisquerait d’institutionnaliser le gâchis dans la gestion de notre toutepremière richesse, celle des hommes.

Il importe, par conséquent, tout en soulignant la nécessité de continuer àcréer de nouveaux emplois, de mettre les Béninois dans les conditions d’untravail décent, créatif et productif, de tirer le meilleur profit des capacitésde chacun.

Une autre approche consisterait à maintenir nos populations dans lamisère et dans la pauvreté, situation qu’il m’a été souvent donnée decôtoyer lors de nombreuses tournées à l’intérieur du Bénin profond.

La vie des petites gens, les immenses besoins qui sont les leurs, lademande sociale non satisfaite dans tous les secteurs de la vie quotidienne(eau potable, soins de santé, salubrité des lieux d’habitation, pistes dedesserte et de désenclavement…), tout cela est bien loin des lambris dorésdes palais du pouvoir ou des congrès. Et pourtant…

J’ai sillonné le pays dans ces moindres recoins. Je me suis rendu d’unhameau à l’autre, d’un village à l’autre. J’ai rencontré des gens en situationréelle. J’ai partagé leur détresse mais également leur espérance. Tout cela acontribué à changer mon regard et à renouveler mes approches sur les êtreset les choses.

Cette expérience de terrain et de contact m’est apparue comme unevéritable école que devraient fréquenter assidûment tous ceux quis’engagent au service des autres. Tous ceux qui veulent travailler auchangement auquel aspirent les populations.

Hors de cela tout est vain. On parle de ce qu’on ignore. On théorise surce qu’on n’a pas pris la peine d’approcher et de connaître. On spécule dansle vide. On tient un discours, peut-être cohérent et séduisant, mais quin’embraye sur rien.

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Ce qu’il faut, c’est un retour sur soi. Une remise en question par uneimmersion dans la réalité sociale et sociologique du pays, loin du ciel desidées pures.

Les intellectuels, pour lesquels j’ai le plus grand respect, doivent jouerun rôle de tout premier plan dans le devenir de notre pays et de notrecontinent.

L’histoire enseigne que tous les pays développés ont bénéficié del’engagement social et de l’action décisive de leurs élites. Les intellectuelsappartiennent à cette avant-garde qui porte et promeut le changement danstoute société humaine. Car toutes les mutations à l’aune desquelless’apprécient et se mesurent nos progrès, nos avancées, sur l’échelle dudéveloppement, doivent préalablement faire l’objet d’un solide travail deréflexion, de conceptualisation, de recherche, d’analyse critique…

Les intellectuels, par leur présence effective, par leurs activitéscréatrices, constituent les meilleures vigies et les promoteurs les plus actifsdu développement. Cette donnée, à elle seule, justifie l’impérieusenécessité d’investir dans l’intelligence. Il s’agit là d’une option gagnante.Nous avons trop réfléchi avec la tête des autres.

Il est temps de penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes.

Les préjugés, les clichés, les « prêt à penser », les prismes à partirdesquels la femme a été et reste approchée ne constituent que le reliquatécorné des matériaux idéologiques qui ont servi à édifier nos sociétés,masculines avant tout, parce que construites par les hommes et pour leshommes.

La femme est l’égale de l’homme.

La femme doit occuper, aux côtés de l’homme, la place qui n’aurait dûjamais cessé d’être la sienne. C’est une exigence de modernité dans lessociétés de liberté et de démocratie que nous édifions. Pour ma part, jesoutiens toutes les initiatives des femmes qui s’organisent pour faireentendre leur voix, lever des interdits, démythifier des tabous, briser deschaînes.

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De ce point de vue, la scolarisation des filles me paraît être la toutepremière et indispensable exigence sur ce grand chantier d’avenir. Celui-civerra, à terme, s’édifier, partout, des sociétés plus égalitaires, pluséquilibrées, libérées du syndrome de la « femme-objet ».

Quand nous aurons réussi à assurer les fondements d’un développementsolide et durable, de quel poids pourront peser nos pays dans un mondesans frontières qui se globalise de plus en plus ? La mondialisations’impose à nous comme une contrainte extérieure mais il est possible denous organiser pour en tirer le meilleur profit.

Ainsi, la révolution des technologies de la communication et del’Internet constitue un atout-maître, un outil de premier choix à l’échelleplanétaire. Nous voilà, grâce à elle, ouverts sur l’univers. Nous voilàconnectés à des centres stratégiques où se forge l’avenir du monde. Demême, la numérisation favorise une meilleure conservation de nospatrimoines culturels, sans compter les possibilités nouvelles qui s’offrentavec l’enseignement à distance.

Dès lors, l’avenir n’est pas un destin aveugle. Il fait briller millepromesses pour notre pays. En 1990, la Conférence des Forces vives de laNation nous permit de le constater.

Il m’a été souvent dit que j’avais adopté un profil bas au cours de cetterencontre. Je n’aurais pas produit, à cette occasion, la contribution qu’onétait en droit d’attendre d’un opposant qui, bien avant cette Conférence,avait articulé des idées et formulé des propositions indiquant des voiespossibles pour une sortie de crise.

Dès que le régime révolutionnaire de Cotonou a laissé entrevoir uneembellie en vue d’une amnistie en faveur de tous les opposants, de tous lesexilés, j’ai été l’un des tout premiers à tester la volonté d’ouverture desgouvernants.

J’ai saisi la main tendue.

J’ai aussi estimé de mon devoir, au nom de la réconciliation nationale,d’avancer quelques idées considérées comme autant de préalables pourdonner un contenu à la volonté d’ouverture du Gouvernement : abandon del’idéologie marxiste-léniniste comme fondement de l’État ; remise en

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question du Parti de la Révolution Populaire du Bénin en raison de sonmonolithisme ; réforme de la Constitution qui ferait du chef de l’État unarbitre garant des institutions, assisté d’un Premier ministre, chef duGouvernement ; multipartisme et alternance.

Ce qui arriva. Puisque la Conférence nationale a décidé que le présidentKérékou serait maintenu à la tête de l’État et jouerait un rôle d’arbitre avec,à ses côtés, un Premier ministre.

La Conférence nationale était ainsi esquissée à grands traits, trois moisavant sa réunion. La conclusion de cet entretien accordé à Jeune Afrique2

en porte témoignage : « Les semaines ou les mois à venir nous fournirontsûrement des indications sur les intentions du président Kérékou. S’ildevait s’opposer à la rupture consensuelle, il accentuerait la division dupays, l’exposerait aux démons de l’aventure et compromettraitdurablement son redressement. Si, au contraire, il en prenait l’initiative, ildonnerait à l’amnistie sa véritable dimension politique, il deviendrait auxyeux de nos concitoyens l’artisan de l’unité et du progrès et consolideraitainsi sa place à la tête de l’État ».

Si l’essentiel de l’entretien était de nature à rallier le consensus, saconclusion ne pouvait que déclencher à mon encontre des sentimentsd’hostilité. L’idée que le président Kérékou aurait pu, grâce à ces mesures,consolider sa place à la tête de l’État n’était pas de nature à m’attirer lessympathies de la Conférence nationale qui regorgeait de candidats à lasuccession.

À l’issue de la Conférence qui dressa l’architecture du Bénin nouveau,les députés m’ont honoré en m’élisant Président de la première législaturede l’Assemblée nationale du Renouveau démocratique (1991-1995). Jeretrouvai le « perchoir » de 1999 à 2003. Je présidai ainsi la troisièmelégislature, après avoir été Premier ministre à la suite d’un passage de deuxannées à l’exécutif (1996-1998), en charge de la coordination de l’actiongouvernementale, sous l’autorité du chef de l’État.

En dix ans de haute responsabilité, j’ai participé à l’élaboration et àl’adoption de près de deux cent cinquante lois. Cette action législative a étésous-tendue par mon inébranlable conviction que l’État de droit est à

2 13 novembre 1989, entretien avec Siradiou Diallo et Albert Bourgi.

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construire sur le socle solide de la loi, balise sûre dans notre aventuredémocratique.

Ainsi, j’avais assez de raisons de tenir la loi pour un outil premier, unatout maître sur le chantier de la construction d’un Bénin nouveau, dans laliberté reconquise et la justice assurée à tous.

Les lois à l’élaboration et à l’adoption desquelles j’ai pris part peuventêtre rangées en cinq catégories correspondant aux principaux axes d’actionautour desquels s’articule mon combat politique pour un Bénindémocratique.

Une première série de lois a fourni, à notre État de droit, une armatureinstitutionnelle solide bien intégrée à notre paysage démocratique agissantles unes et les autres comme les maillons d’une même chaîne.

Dès lors, la loi a permis de créer les grandes institutions du pays : leConseil économique et social, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de laCommunication, la Chambre de Commerce et d’Industrie, la Haute Cour deJustice.

Le même souci de structurer notre jeune démocratie nous a égalementconduit à renforcer les différents acteurs de la vie politique, en particulierles partis.

L’opposition étant, en règle générale, minoritaire, ses droits doivent êtrepris en compte et son expression protégée au nom du pluralismedémocratique. D’où la nécessité d’une charte des partis pour faire del’arène politique, non une jungle où la raison du plus fort est toujours lameilleure, mais un espace civilisé et policé au service du bien commun.

Une deuxième série de textes a structuré les contre-pouvoirs. La justiceest l’un des piliers de tout édifice démocratique. Tout effort de clarté pouren définir l’espace, clarifie ses rapports avec les autres pouvoirs. D’où leslois relatives au Conseil supérieur de la Magistrature, à son statut, àl’organisation judiciaire.

Les médias aident à apprécier les progrès de la démocratie. On compteaujourd’hui, au Bénin, une vingtaine de quotidiens, une soixantaine deradios privées commerciales, associatives, confessionnelles ou

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communautaires, cinq chaînes de télévision privées… La libertéd’expression est ainsi vécue au quotidien, défendue et illustrée à travers desinitiatives plurielles qui consolident la démocratie et la liberté. La loiportant libéralisation de l’espace audiovisuel a contribué à ce printemps dela presse.

Une troisième série de lois a servi à promouvoir la concorde et laréconciliation nationale. Tel fut le rôle joué par les lois d’amnistie qui ontbénéficié de mon soutien.

J’ai connu la privation de liberté. J’ai survécu à la condamnation à mortet, quinze années durant, j’ai subi la douloureuse épreuve de l’exil. Je rendsgrâce à Dieu de m’avoir donné la force de n’éprouver ni haine ni rancœur.

Une quatrième série de textes vise à changer la société en la mettant audiapason du monde moderne. C’est le cas de la loi portant code du travailet tout particulièrement de celle portant Code des personnes et de lafamille.

Cette loi a eu un fort impact. Elle est l’aboutissement d’une rude bataille.Les enjeux étaient importants et les mutations envisagées avaient uneportée révolutionnaire. Le Code des personnes et de la famille couvre la vieentière de la personne, de sa naissance à sa mort.

L’article premier de ce code apparaît comme le condensé d’unephilosophie de la vie qui m’a toujours inspiré et guidé : « Toute personnehumaine… est sujet de droit, de sa naissance à son décès. Le droit à la vie,à l’intégrité physique et morale est reconnu à l’enfant dès sa conceptionsous réserve des cas exceptés par la loi ».

Une cinquième série de lois tend à élargir la démocratie en rapprochantl’administration de l’administré. Il s’agit de lois portant organisation del’administration territoriale, des communes, des communes à statutparticulier et portant régime financier de ces institutions. Dégager l’État decertaines de ses prérogatives et missions au profit d’entités décentralisées,revient à faire « moins d’État pour mieux d’État ».

Tel est le sens du principe de subsidiarité. Il responsabilise lespopulations et sollicite leur participation active à l’élaboration et à la miseen œuvre des décisions qui engagent leur vie quotidienne et leur avenir.

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II.– Le monde change...changeons le Bénin

« Marchez à pas très douxVous marchez sur mes rêves… »

Yeats

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Réinventer l’État

Au cours des quinze dernières années, notre pays a expérimenté, avecplus de peine que de bonheur, le libéralisme économique, conséquencedirecte des réformes issues de la Conférence des Forces vives de février1990. Après une longue pratique d’une économie centralisée, la mise enœuvre du libéralisme n’a pas comblé les attentes, notamment la satisfactiondes besoins essentiels de notre peuple par une croissance forte et soutenue.

On peut citer de nombreux exemples où le processus de cessiond’entreprises publiques ou d’ouverture de leur capital au privé a suscitéplus d’interrogations que d’espoir de la part de nos concitoyens et desinvestisseurs de l’extérieur. La maîtrise d’une économie de marchédemeure un défi majeur pour notre pays. La compréhension du rôle del’État dans un tel contexte nous impose à tous, dirigeants politiques,responsables administratifs, opérateurs économiques, élus locaux, citoyens,artisans, étudiants, etc., un nouveau mode de pensée.

Réinventer l’État sur le plan économique est une impérieuse nécessité.L’amélioration de la productivité et une vision partagée par tous lesBéninois sont indispensables pour conduire aux éléments constitutifs du« bien-être global ». Cependant, le système de l’économie libérale ne peutconduire au « bien-être global » que s’il est à visage humain.

Selon Karl H. Peschke, dans son ouvrage l’Économie sociale à lalumière de la foi chrétienne, « l’économie sociale de marché combine lesforces créatrices d’un marché libre et les mesures protectrices de lalégislation sociale. Elle se fonde sur les deux piliers du marché libre et des

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mesures de contrôle, sans donner à l’un ou à l’autre un rôle dominant. Ellene repose ni tout à fait sur l’individu, ni entièrement sur l’État ».

Le marché libre est celui de la concurrence : dans l’offre de produit, dansl’offre des services, dans l’offre des capitaux, dans l’offre de la force detravail…

Mais ne pas prendre des mesures de contrôle a conduit à des monopolespréjudiciables à la promotion d’une économie cherchant à satisfaire lesvéritables besoins de l’homme.

Trois piliers soutiennent l’économie libérale sociale : une concurrencesur le marché ; une législation sociale adéquate ; un bien-être global.

Que recouvre le « bien-être global » ? C’est davantage de sécuritématérielle, de santé, d’emploi, d’instruction, d’épanouissement culturel, depaix, de sauvegarde de l’environnement, d’investissements en matière derecherche. Tout cela contribuant à aider l’homme à développer l’œuvre decréation.

En 1994, dans l’organe d’information et d’analyse de mon parti, le PRD(Parti du Renouveau Démocratique) je prônais « une économie fondée surla libre entreprise et l’initiative privée, mais dans laquelle l’État joueraitun rôle d’orientation, de régulation, parfois de partenaire, pour éviter ànotre pays les effets dévastateurs d’un libéralisme débridé sur notre tissuéconomique et social dont le trait dominant est la fragilité »3.

Les réformes opérées au sein de l’économie béninoise au cours desquinze dernières années tendent à établir une économie libérale. Mais, pourbâtir une économie libérale sociale, il faudra favoriser l’émergence demarchés concurrentiels garantissant des offres véritablement compétitives,qu’il s’agisse de marché de biens et services ou de facteurs de production.Cela implique la disparition des rigidités observées quant à la disponibilitédes facteurs de production; cela signifie de nombreux producteurs capablesde produire en qualité et en quantité à des prix rémunérateurs mais acceptéspar les consommateurs ; cela signifie également améliorer les moyens et lacapacité des producteurs à s’organiser de manière autonome pour assurerl’écoulement et la commercialisation de leur production.

3 La Lettre du Président, 27 octobre 1994, p. 5.

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Cela implique, de la part de l’État, de créer un environnementfavorable en tant que responsable de la mise en place des infrastructures desoutien à la production ; en tant que responsable de la mise en place de lalégislation propice au développement des affaires, des mesures légalesprotectrices du marché et de son fonctionnement, en vue d’atteindre uneéconomie libérale et sociale.

Ces mesures protectrices concernent les entraves fréquemmentdénoncées dans le fonctionnement du marché : concurrence déloyale,positions de monopole concédées ou favorisées par la puissance publique,recherche de super-profits de la part des producteurs, au détriment desconsommateurs, par la restriction de la qualité des produits, au détrimentdes travailleurs par les bas salaires et les mauvaises conditions de travail,au détriment de la collectivité par la dégradation des infrastructurespubliques et de l’environnement, au détriment de l’État par la fraudefiscale…

Si la levée des entraves au bon fonctionnement des mécanismes dumarché n’est pas obtenue par des mesures adéquates, un système decorruption généralisée s’installe progressivement.

Mon souhait est que la richesse produite soit redistribuée et que, dansleurs besoins les plus élémentaires, les Béninois participent au partage desfruits de la richesse à travers l’accès à des soins de santé plus abordables, àdes services d’éducation pour tous, à l’eau potable et à l’électricité, etc.bref, à de meilleures conditions de vie.

C’est pourquoi nous devons rechercher les moyens de donner un visageplus humain au libéralisme.

J’ai la conviction que si le rôle de l’État était revu et que nous prenionsen compte les impératifs de développement humain dans l’élaboration denos stratégies de développement global, nos compatriotes bénéficieraientdes retombées positives.

La stratégie de réduction de la pauvreté, adoptée avec l’assistance desinstitutions de Bretton Woods, doit être mise en œuvre dans le cadre decette vision partagée. Nous devons entretenir l’espoir autour de cettestratégie, en évaluer l’impact, tirer profit des leçons apprises, notamment à

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l’occasion des PAS, pour nous donner les moyens techniques,méthodologiques et programmatiques de concevoir des programmes dedéveloppement à long terme.

Le Bénin, comme d’autres pays du continent, est placé devant le défisuivant : quitter une économie de dépendance pour une économie àcroissance durable. Ce défi est d’autant important qu’il n’y a aucunmécanisme dans le système de remise de dette aux pays pauvres trèsendettés, organisé par les institutions de Bretton Woods, pour permettre àces pays d’échapper au cercle vicieux de la dette.

La réinvention de l’État par rapport à son rôle dans le contexte d’unlibéralisme économique à visage humain, suppose une large compréhensiondes enjeux du développement local, régional et national.

Mais, surtout, il appelle une nouvelle attitude envers le secteur privé etla paysannerie.

La mise en œuvre du libéralisme économique dans notre pays a produitde nombreux effets qui sont encore perceptibles sur l’environnement desaffaires et l’organisation du monde rural. Les nombreux chantiers deprivatisation mal conduits sont des indications que nous n’avons pas bienassimilé ce qu’est une économie de marché. Ils sont aussi les conséquencesdes réflexes d’une longue période d’économie centralisée dont nous avonsdu mal à nous défaire. Les soubresauts connus par les producteurs de coton,y compris la gestion de la filière, sont autant de signaux de la nécessité,pour l’État, de revoir son rôle dans la gestion de notre économie.

Dans un contexte de mondialisation, l’État a mieux à faire pour rendrenotre économie compétitive. L’État producteur, commerçant et distributeura vécu.

Veillons à ne pas privatiser l’État. Notre conviction est que chaque corpsde la Nation doit faire ce qu’il sait faire pour permettre à notre paysd’utiliser au mieux les ressources naturelles, humaines, technologiques etspirituelles dont nous disposons. L’État doit créer l’environnement quifacilite la production des biens et des services de qualité, en édictant lesnormes destinées à contrôler la qualité des biens et des services produits.

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Comment pouvons-nous expliquer, par exemple, que depuis l’agrémentde notre pays sur la liste des pays auxquels les États-Unis d’Amériqueappliquent l’AGOA4, nous ne puissions pas en profiter pleinement ? C’estune préoccupation majeure que de telles possibilités tendent à nouséchapper, faute d’organisation adéquate du secteur primaire et en l’absenced’un tissu industriel capable de transformer nos matières premières dansdes conditions et normes internationalement admises. C’est une conditionessentielle de tout effort de développement autocentré, participatif etdurable que l’État moderne joue un rôle de régulation du secteur privé etcrée les conditions nécessaires dans le secteur rural pour la production de larichesse nationale.

Il ne saurait y avoir de création de richesses, dans notre pays, sans lespaysans. Si l’on s’en tient à la production cotonnière, notre seul produit derente, il faut leur rendre un hommage appuyé. Paradoxalement, ils nebénéficient pas toujours de l’écoute et de l’attention que requiert leur rôleéconomique capital.

Nous devons établir avec eux, un dialogue permanent en leur accordantattention et considération. Il ne saurait y avoir de politique agricole viablesans tenir compte de leur opinion et de leurs aspirations. L’émergenced’organisations paysannes constitue un atout de taille pour permettre auxpouvoirs publics d’engager un véritable partenariat avec le monde rural.

Celui-ci passe par une bonne gestion par l’État des transactionséconomiques et financières résultant de leurs efforts. Elle suppose la miseen place de mesures efficaces d’accompagnement pour leur procurerl’assistance technique et technologique nécessaire.

Comment peut-on expliquer que nous ne soyons en mesure de mettre envaleur que 13 % des terres cultivables ? Pourquoi notre économie est-elleautant tributaire de la filière coton ? Il faut nous donner des stratégiesdevant entraîner une diversification des filières agricoles : anacardier,karité, magnioc, etc.

La filière palmier à huile dont notre pays a perdu le contrôle dans lasous-région, après les années 60 et 70, devrait être réhabilitée. Laréhabilitation du palmier à huile passe par la poursuite du développement

4 African Growth Opportunity Act.

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des pépinières de palmiers sélectionnés, la formation des agriculteurs,l’entretien des palmeraies, la promotion des technologies de production.Notre pays tirerait profit d’une politique adéquate en faveur de cette filière.À cet égard, il est important que les coopératives d’aménagement rural etles unions régionales des coopératives d’aménagement rural soientconsidérées comme de véritables partenaires de l’État pour la mise en placed’une politique servant leurs intérêts et ceux de notre pays.

Nous devons aussi promouvoir une politique des petites, moyennes etgrandes exploitations agricoles. Elles devraient s’investir aussi bien dansles cultures d’exportation que dans les cultures vivrières. Combiend’exploitants agricoles dignes de ce nom comptons-nous au Bénin ? Il fautsusciter des vocations d’entrepreneurs agricoles par une politique claire etincitative. Il faut octroyer à ceux qui le désirent des avantages pours’installer avec un appui en crédits et en technologies appropriées pourcréer de véritables entreprises de production agricole. Cela en vue d’assurerla sécurité alimentaire du pays.

S’agissant plus particulièrement des crédits, la micro-finance n’a pasencore trouvé les produits adaptés au monde rural, en raison des aléas quine permettent pas toujours aux acteurs de répondre à bonne date auxexigences de remboursement. De même, le taux d’intérêt pratiqué par lesinstitutions de micro-finance est souvent considéré comme prohibitif. Il estnécessaire que des alternatives soient offertes aux paysans, notamment parla création d’une banque agricole, soit au Bénin.

La recherche agricole est un préalable dans ce secteur. Il faut luiaccorder la place qui lui revient et en appliquer les résultats. À défaut, notreagriculture restera sous dépendance technologique.

La mise en place d’une politique qui encourage la création d’industriespour la transformation de produits agricoles revêt un caractère de grandeurgence. Pourquoi devons-nous perpétuer une tradition de pays producteurde matières premières incompatibles avec les exigences d’une économiemoderne ? Notre économie est vulnérable parce qu’exposée aux chocsexogènes. Nous devons approfondir nos réflexions pour y remédierrapidement grâce à l’établissement d’un partenariat solide avec notrepaysannerie, les opérateurs économiques et autres investisseurs nationauxet étrangers en vue de créer un tissu industriel performant.

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Le climat de l’investissement est d’une grande importance pour stimulerla croissance et faire reculer la pauvreté. Dans notre pays, comme dansbeaucoup d’autres de la sous-région, les obstacles à la concurrenceconstituent de graves facteurs limitants pour l’entreprise. Le devoir del’État est de mettre en place des politiques qui garantissent auxinvestisseurs des conditions de concurrence et de sécurité.

À cet égard, nous devons faire un pas de plus dans la mise en place d’unCode foncier rural et urbain qui donne aux investisseurs le goût des’engager durablement dans des entreprises agricoles et de transformation.

En outre, la crédibilité du Bénin passe par le renforcement de la luttecontre la corruption. Elle est l’une des plus grandes menaces pour la miseen place d’un climat favorable aux affaires. Outre qu’elle détourne lesressources de leurs objectifs et affaiblit les systèmes politiques, elle faitperdre à notre pays des investissements qui auraient pu engendrer desressources permettant à l’État de faire face aux besoins sociaux despopulations.

Les efforts de l’État pour mettre en place un guichet unique de formalitésen vue de la création d’entreprises, s’ils ont contribué à améliorer quelquepeu l’environnement des investissements, devraient être accompagnés demesures plus incitatives.

C’est surtout pour les petites et moyennes entreprises que nous avons ledevoir de mettre en place des mécanismes légaux et réglementaires pourstimuler la productivité, voire la croissance. C’est l’option qui convient lemieux à notre pays. La présence à nos cotés du Nigeria est une chance dontnous devrions tirer profit. Avons-nous réussi à évaluer la quantité demangues que nous laissons pourrir chaque année alors que nous importonsdu jus et des confitures faits avec ce produit ? On pourrait en dire autantd’autres produits non encore bien organisés en filière, comme l’ananas, lesoranges, le citron, etc. qui pourraient subir une transformation en vue deleur exportation.

Ma conviction est que nous pouvons parvenir à accroître le volume desinvestissements nationaux et étrangers, si nous avons le courage de menerles réformes nécessaires. Notre pays peut s’enorgueillir d’être, dans larégion ouest africaine, l’un des rares pays qui connaît une stabilité politiqueet un climat de paix. Notre devoir est donc de préserver ses atouts

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qualitatifs que ni l’argent, ni aucune autre fortune ne peut remplacer. Il netient donc qu’à nous de poser les jalons d’une économie porteuse decroissance forte pour faire reculer la pauvreté.

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Reconstruire la Société

L’efficacité des réformes économiques dans notre pays suppose unebonne gouvernance en vue de reconstruire la société.

Celle-ci appelle une nouvelle éthique dans notre approche dudéveloppement. Elle suppose aussi et surtout une attitude qui valorise unegestion saine des affaires publiques. Elle indique un changement decomportement chez les responsables de l’État et les simples citoyens. Elle abesoin d’un pouvoir judiciaire fort et indépendant.

Le développement du secteur privé et l’accroissement desinvestissements passent nécessairement par une justice qui applique lesprincipes d’équité et rassure les citoyens et les partenaires économiques etfinanciers du pays. Comment la justice rend-elle ses arrêts ? Est-elle auxordres des autres pouvoirs, notamment de l’exécutif ? Quel est le rythme detraitement des dossiers ? Autant de questions que se posent les investisseursdésireux de s’établir dans un pays. Nous avons donc le devoir de donnerdes réponses satisfaisantes et rassurantes si nous voulons combler le fosséqui existe du fait du peu d’investisseurs qui s’installent chez nous.

Au cours des cinq dernières années, la justice a été sur la sellette,ouvertement critiquée par les Béninois. Sans compter le trouble immensesuscité dans l’opinion publique par l’arrestation et les poursuites engagéescontre un grand nombre de magistrats pour détournement de frais de justicecriminelle.

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Une justice indépendante est un attribut du système démocratique. Ledevoir de l’appareil judiciaire est de garantir à tous les citoyens, quel quesoit leur statut social, l’égalité devant la loi et les tribunaux. Laconstruction d’un État moderne suppose qu’elle rassure, parce quecondition d’une croissance économique elle-même induite par lesinvestissements nationaux et étrangers.

Attaché à l’avènement de l’État de droit dans notre pays, je pensequ’une plus grande attention doit être accordée à l’amélioration et àl’efficacité de l’appareil judiciaire. Des réformes hardies sontindispensables pour désengorger les tribunaux, notamment par la créationde nouvelles juridictions, par le renforcement des effectifs, par des moyensde fonctionnement accrus, par la simplification des procédures, etc. Demême, nous devons jeter un regard différent sur les conditions matériellesd’existence des magistrats et explorer toutes les pistes qui les rendrontmoins vulnérables aux tentations et aux pressions, y compris celle de leurintéressement collectif aux enjeux des procédures dont ils sont saisis ; fautede ce regard, l’indépendance est l’impartialité du juge, si souventproclamés, resterait un leurre.

Une justice solide, indépendante et efficace est le gage d’une croissanceéconomique durable.

Nous devons également promouvoir une autre administration. Undialogue constructif devrait aboutir à des contrats d’objectifs par rapportauxquels les fonctionnaires de l’État devraient être évalués et rémunérés.Après une dizaine d’années de mise en œuvre de la réforme del’administration publique, avons-nous atteint les buts assignés ? Commentdevons-nous améliorer son mode de fonctionnement pour le rendre pluscompatible avec les exigences d’une économie moderne ? Disposons-nousdes ressources humaines pour nous permettre de mieux servir ledéveloppement de notre pays ?

Si notre État continue de fonctionner avec une administration sansboussole où règnent le népotisme et le clientélisme, nous tuerons le goût dumérite et de la performance qui nourrit toute économie.

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« La décentralisation, comme son nom l’indique, consiste à créer descentres autonomes de décision dans une sphère géographique limitée »5.La manière dont la décentralisation est mise en œuvre dans notre pays estun cas typique de ce que nous devons examiner, dans le cadre d’uneréflexion prospective.

Cette réforme, tant souhaitée par l’État et nos compatriotes, a du mal àcombler les attentes. La décentralisation doit permettre à l’État de sedélester des charges qui l’empêchent d’exercer ses responsabilitésconstitutionnelles. De nombreuses études ont démontré les effets positifs dela décentralisation sur l’accès des populations aux services, notamment auxservices sociaux essentiels (éducation, santé, eau, assainissement). Elles ontégalement démontré que la décentralisation est un meilleur mécanisme dedistribution des ressources en vue d’atteindre les populations les plusvulnérables en réduisant l’écart entre les plus riches et les plus pauvres.

Parce qu’elle permet une meilleure participation des communautés à laprise de décision dans la conduite des affaires locales, et surtout lasatisfaction de leurs besoins fondamentaux, une telle politique estpréférable, malgré ses insuffisances.

Il est important que les institutions appropriées de l’État recensent lesdifficultés rencontrées dans la mise en œuvre des textes régissant ladécentralisation. Celles-ci peuvent être d’ordre administratif (tutelle),politique (blocage au sein des conseils), ou même technique (non-transfertde ressources).

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement prescrivent, entreautres, de réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la populationn’ayant pas accès à l’eau potable, d’assurer l’instruction primaire à tous lesenfants scolarisables.

La satisfaction de ces engagements internationaux visant l’améliorationdes conditions de vie des populations, donc de la société, passe par :

– la gestion rigoureuse des ressources humaines, matérielles etfinancières des communes ;

5 Roland Claude, Comment s’exercent aujourd’hui autorité et responsabilité, Paris,Éditions du Centurion, 1976, p. 32.

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– le fonctionnement régulier des organes prévus par les textes régissantla mise en œuvre de la décentralisation ;

– l’implication des populations et des organisations communautairesdans les phases de gestion et d’évaluation des actions de développement ;

– la mobilisation des ressources locales à travers la généralisation duRégime foncier urbain6 ;

– le développement du partenariat avec les ministères pour accélérer leprocessus de transfert de compétence et des ressources avec l’Associationnationale des communes du Bénin, les services techniques déconcentrés àl’image du protocole d’entente entre le service des impôts et certainescommunes (Cotonou, Parakou, Porto-Novo) ou de « contrat de communeou de ville » avec des structures de l’État dans le cadre de la mise en œuvredes plans de développement communaux ;

– l’établissement de partenariat avec, par exemple, les ONGinternationales pour l’assistance technique, le soutien aux actions dedéveloppement et la mobilisation des ressources financières et matériellesauprès des villes des pays développés dans le cadre des opérations dejumelage ;

– le développement du partenariat avec les communautés religieuses, lesassociations et ONG en vue d’améliorer l’offre de services aux populations,notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’alimentationen eau potable, de l’assainissement, etc.

La mise en place des mécanismes de financement et de solidarité prévus,tels le Fonds spécial de financement des investissements des communes etles dispositifs d’intercommunalité doivent intervenir d’urgence en vue dedonner un contenu concret à la décentralisation.

L’obligation d’une bonne gestion politique et économique de notre paysne répond pas seulement à une exigence interne, mais internationale. Dansle cadre du NEPAD, notre pays doit s’efforcer d’adhérer au mécanisme

6 Le RFU a permis aux communes de Cotonou, Parakou et Kandi d’accroître leursressources, respectivement de 105,8 %, 17,7 % et 37 % entre 1998 et 2002.

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d’auto-évaluation mis en œuvre pour favoriser l’émergence d’Étatsmodernes se conformant aux principes élémentaires de bonne gouvernance.

C’est une forte crédibilité qu’il nous faut, en tant que Nation, rechercheren toute circonstance.

Les efforts du Gouvernement, depuis l’avènement du Renouveaudémocratique, pour lutter contre la corruption sont notables. Il faut saluer lavolonté politique des dirigeants qui s’est manifestée par la mise en place destructures dont la vocation est de la combattre. Cependant, les résultats sontmitigés. Ils n’ont pas répondu aux espoirs suscités par la mise en place deces structures. C’est le cas de la cellule de moralisation de la vie publique.

Une stratégie à long terme consisterait à mettre l’accent sur l’éducationcivique, à l’école et dans les familles, pour corriger les dysfonctionnementsfavorables à l’exacerbation de la corruption.

Les actions de Transparency International Bénin, qui avaient, un temps,ciblé les jeunes scolaires dans ses activités de prévention de la corruptionméritent notre admiration. Car, une société dont la jeunesse est laissée à lamerci de la corruption est condamnée à la déchéance morale, économiqueet politique. L’espoir réside dans la mise en exergue des modèlesd’intégrité de notre société. C’est pourquoi, je salue TransparencyInternational qui a décerné le Prix d’intégrité, en décembre 2004, à troispersonnalités de notre pays qui ont donné l’exemple de ce que notresociété, notamment la jeunesse, est aujourd’hui en droit d’attendre desfonctionnaires de l’État et des personnalités du secteur privé et desconfessions religieuses. D’autres mériteraient d’être cités, distingués etcélébrés. À nous de les identifier.

Le Forum des organisations non-gouvernementales de lutte contre lacorruption (FONAC) mérite également nos encouragements pour ladétermination dont il fait preuve dans le combat contre ce fléau. Je salue lesefforts de l’Association de lutte contre l’ethnocentrisme et le régionalismepour la mise en place de l’Observatoire de la société civile chargée desuivre les faits de corruption au Bénin. Les bandes dessinées distribuéesdans les écoles pour prévenir l’esprit de corruption en milieu scolaire sontune illustration de ce qu’il faut faire pour tuer les germes de ce mal dansnotre société.

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Leurs actions doivent être soutenues pour compléter les efforts de l’Étatet, si possible, dénoncer ses dérives dans la gestion des affaires publiques.Les institutions religieuses doivent s’investir dans cette œuvre de salubritépublique pour nous éviter de trôner au hit parade mondial de la corruptionavec des retombées regrettables pour notre économie.

C’est un combat pour la dignité du Bénin et de son peuple.

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Investir « le Village planétaire »

Le monde est devenu un village.

Le progrès technologique, notamment dans le secteur destélécommunications, a rapproché les peuples et instauré une culture dedialogue à l’échelon universel. La diplomatie moderne n’échappe pas à cephénomène. Les efforts d’intégration amorcés depuis plus d’un quart desiècle dans notre sous-région avec la Communauté Économique des Étatsde l’Afrique de l’Ouest, l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, au cours de la dernière décennie, et l’Union africaine, plusrécemment, constituent des atouts importants pour nos pays.

Le Bénin devra continuer de rechercher les meilleures stratégies,améliorer et rentabiliser sa participation à l’intégration économique etpolitique. Pour y parvenir, nous devons inventer de nouvelles approches decoopération dans le cadre d’une diplomatie de développement mettant envaleur ce que nous avons de meilleur dans notre culture tout comme lesatouts économiques et géostratégiques dont nous disposons.

Notre tradition de paix n’est pas le fait du hasard. C’est le fruit de notrehistoire et de notre culture qui n’ont pas connu la violence, ni envers nous--même, ni envers d’autres peuples. Cette aspiration à la paix, au dialogue,nous devons l’investir dans les efforts d’intégration régionale. « Nul ne peutêtre heureux tout seul ». Dans une sous-région marquée par des conflitspolitiques qui perdurent, déversant sur les routes des milliers d’enfants, defemmes et d’hommes en quête d’un refuge, nous devons participer à lamise en place d’un mécanisme durable de prévention et de gestion des

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conflits. C’est à ce prix que nous aurons la quiétude nécessaire pourproduire et échanger avec les autres pays.

Dans le cadre de la CEDEAO, le Bénin doit être plus actif, plus influent,plus confiant. Il doit prendre des initiatives qui confortent l’idéalcommunautaire de paix et de sécurité propres à l’intégration. Le leadershipbéninois doit amener à investir les organisations d’intégration régionaleafin que la voix du pays compte, dans les grandes décisions, mieux que parle passé.

Dans le domaine de l’Union africaine, le Bénin doit évoluer aprèsl’accréditation d’un ambassadeur. Le pays dispose d’experts compétents.Nous devons apprendre à les identifier et les répertorier. Nous devonsmettre en place une politique transparente et cohérente pour mieux utiliserleurs compétences. Il s’agit moins d’offrir des opportunités à descompatriotes compétents et ayant de grandes capacités que de lespositionner dans l’intérêt de la Nation pour qu’ils portent à ces niveaux dedécision, le message de paix et de solidarité que véhicule notre culture. Larichesse de notre patrimoine est un atout que le Bénin peut valablementapporter à la construction d’un espace africain qui, lui-même, peut offrirces valeurs à la civilisation de l’universel.

Je crois fermement au Nouveau Partenariat pour le développement del’Afrique en tant qu’approche plus responsable des possibilités del’épanouissement de notre continent. J’y crois parce que cette initiative estd’origine africaine. Parce qu’elle est dotée de la crédibilité que lui confèrela volonté des dirigeants africains d’accélérer le développement de notrecontinent et d’en maîtriser les mécanismes, dans le cadre d’un partenariatsud-sud et nord-sud. Le Bénin doit participer à toutes les actions mises enœuvre dans ce cadre. Il doit apporter une contribution de qualité auxobjectifs que vise le NEPAD.

Le mal de l’Afrique, c’est de croire que, parce que nous avons adopté lesgrands principes de la démocratie, nous pouvons nous passer des élémentsimmanents de notre culture. Pourquoi l’Afrique est-elle le théâtre de tant deconflits qui l’empêchent d’accomplir son destin ? Pourquoi notre continentdoit-il continuer d’être un éternel assisté ? Au cours des vingt cinqdernières années, l’Afrique est le continent qui a reçu le plus d’aide entermes monétaires mais il est, paradoxalement, celui qui a le plus régressé,au plan des objectifs de développement. Si des efforts extraordinaires ne

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sont pas déployés pour changer le contexte et les moyens de mise en œuvrede nos actions de développement, notre continent n’atteindra pas lesObjectifs de Développement du Millénaire, tels que fixés par lacommunauté internationale au Sommet du millénaire, en septembre 2000, àNew York.

Les raisons d’une telle situation relèvent avant tout des conflits armés etde la mauvaise gouvernance. Notre présence plus affirmée au sein del’Union africaine nous offrira l’occasion de participer à l’effort commun ducontinent en apportant les valeurs de tolérance et le consensus.

Dans le cadre de l’UEMOA, l’apport de notre pays a toujours étéapprécié. Cette tendance devra être maintenue et améliorée dans la mesureoù nous aurons développé de nouvelles capacités et un nouveau leadershipaux plans politique, économique et technologique pour accroître notreproduction interne et améliorer la qualité de nos services.

L’élection de notre pays comme membre du Conseil de sécurité del’Organisation des Nations unies est, à mes yeux, la reconnaissance desefforts du Bénin pour participer au dialogue international au service de lapaix, de la sécurité et de l’épanouissement des peuples du monde. C’estaussi un défi pour notre diplomatie qui devra évoluer qualitativement pourcontinuer de mériter cette confiance. Il s’agit pour nous d’adopter, en toutescirconstances, des positions claires et constructives sur les questions quiinterpellent tous les pays et dont les solutions participeront à la stabilité dumonde. La taille de notre pays importe peu, l’important, c’est la force denos idées et notre capacité à les faire aboutir.

S’agissant de l’aide publique au développement, notre pays doit revoirson utilisation au regard de ses besoins et de ses intérêts. Il estcommunément admis que les pays en développement ne doivent pas refuserl’aide. Les arguments pour soutenir cette assertion vont de la faiblesse desressources internes des économies pour atteindre les objectifs dedéveloppement, à l’incapacité des pays de définir leurs priorités et planifierdes actions pour y faire face.

Nous en avons besoin pour permettre à nos États de combler les déficitsdes budgets d’investissement. Nous en avons besoin pour développer denouvelles capacités afin de planifier et d’exécuter les projets etprogrammes de développement. Mais il faut s’entendre sur ses modalités.

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La coopération au développement et le partenariat mondial sont, plusque jamais, nécessaires, et même d’une importance vitale, pour compléterles efforts que nos pays en développement doivent faire pour assurer labonne gouvernance, la responsabilité, la transparence, le respect des droitsde l’individu. Toujours dans le cadre de la coopération au développementet du partenariat mondial, nous devons également améliorer l’applicationdes principes de démocratie et de l’État de droit dans l’économie et laparticipation de la société civile au processus de développement.

Je pense qu’une amélioration de la situation actuelle des rapportséconomiques et financiers mondiaux marqués par un déséquilibrepréjudiciable aux pays en développement contribuera à donner confiance àces derniers pour mieux participer aux débats sur la mondialisation.Combler le déficit démocratique au niveau multilatéral global ou desintérêts des pays en développement pourrait aussi contribuer à unemeilleure solidarité internationale au service de la paix, de la sécurité et dela stabilité.

D’importants progrès ont été accomplis en matière d’amélioration destermes de l’échange depuis la Conférence de Doha, avec des avancées dansle sens d’une meilleure participation des pays en développement au marchémondial. Puissent les efforts actuellement effectués au sein des paysafricains producteurs de coton, aboutir à brève échéance. Je souhaite quemon pays renforce sa participation au dialogue dans le cadre del’Organisation mondiale du commerce et apporte une valeur ajoutée auxnégociations susceptibles de contribuer au changement des termes del’échange.

Depuis le Renouveau démocratique, d’importants crédits et de nombreuxprogrammes d’assistance ont bénéficié à notre pays. Je voudrais exprimer àtous les donateurs, en particulier à ceux qui croient en notre démocratie etau dynamisme de notre peuple, mes remerciements les plus sincères. Maisle développement clé en main n’existe nulle part. On n’y accède pasmécaniquement par des transferts de capitaux, des Programmesd’ajustement structurel. Tout développement doit être pensé, conçu etaccepté. Qui sommes-nous par rapport à notre sous-région, à l’Afrique etau reste du monde ? Où désirons-nous aller ? Où pouvons-nous aller ? Quelchemin emprunter ?

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Dans un contexte marqué par les pesanteurs que comporte l’assistance,le seul développement valable et durable est « un développement clé entête » pour employer une expression chère au Professeur J. Ki Zerbo, undéveloppement faisant appel à notre intelligence, ayant pour moteur nosbras et nos jambes, qui tire son dynamisme de notre capacité à mobilisernos populations et à gérer des solidarités internes.

Nous devons développer des partenariats qui nous mettent en position,non de bénéficiaires passifs de l’aide, mais d’interlocuteurs capables dedéterminer ses priorités, de les planifier, d’identifier les meilleuresapproches pour les concrétiser.

L’aide publique au développement ne nous aidera réellement que si nousdéfinissons nos priorités et les méthodes et approches de mise en œuvre.Cette œuvre de longue haleine passe par le développement d’une politiqueà long terme. Les petits projets liés à notre « mandat politique » doiventcéder le pas à des initiatives de longue durée avec un minimum d’appui oud’expertise extérieure. Notre pays est dans un état de grande dépendancepar rapport aux partenaires au développement. Or, comme le dit leproverbe, « dormir sur la natte des autres, c’est comme dormir par terre » ;d’autant plus que cette natte ira en se rétrécissant. Les pays dispensateursd’aide et de crédits, désormais frappés par la récession, s’interrogent surleur propre devenir, dans un temps où les candidats à l’aide viennent ausside l’est.

Une meilleure coordination de l’aide s’impose donc. L’État se doit demaîtriser, dans le cadre d’une vision stratégique, les problèmes prioritairesque l’aide est censée résoudre. Il doit se demander quels sont lesbénéficiaires, quelle a été leur contribution, quels sont les moyens à mettreen œuvre et quels peuvent être les effets induits ou inattendus des actionsde développement. Nous ne devrions jamais cautionner la mise en œuvred’un programme de développement, quelle que soit son ampleur, si nousn’avons pas évalué, maîtrisé et dégagé les coûts de contrepartie, en natureou en espèce, issus de notre budget avec la contribution des bénéficiaires.

Des débats publics doivent être ouverts sur l’utilisation de l’aide au seindu Parlement et dans l’opinion publique. La participation des médias doitassurer la transparence de sa gestion ainsi que l’adéquation desallocations avec les besoins réels des populations.

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Il n’y a de richesse que d’hommes7

Notre vision du Bénin, de l’Afrique et du monde place l’Homme au cœurde toutes nos préoccupations.

Qu’il s’agisse des réformes mises en œuvre de façon endogène, de cellesimpulsées dans le cadre des efforts d’intégration ou encore de celles quirésultent de notre appartenance à la communauté internationale, nousdevons viser des objectifs de développement humain.

Nous devons élargir les choix accessibles à tous dans une optique deliberté et de dignité humaines. Cet élargissement des choix dépend dudéveloppement des capacités humaines. Il s’agit de créer, de façon durable,des conditions de bonne santé, d’éducation en vue de disposer desressources nécessaires pour atteindre un niveau de vie décent permettant dejouir des libertés et de participer à la vie de la communauté.

Il faut, pour cela, améliorer au quotidien la gouvernance pour mériter laconfiance de nos compatriotes et celle de ceux qui, grâce au labeur de leurscitoyens, nous affectent des ressources destinées à contribuer àl’amélioration de nos conditions de vie.

Nous avons besoin de crédibilité pour mobiliser des ressourcesextérieures qui deviennent rares. Nous n’avons d’autres moyens que de

7 Ce titre s’inspire de la formule de Jean Bodin dont le texte exact est : « Il n’y a derichesse ni force que d’hommes » (Response de Jean Bodin à Monsieur de Malestroit,1568).

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gérer les nôtres pour susciter l’intérêt et la considération de ceux qui nousaident. Notre pays doit se débarrasser de la corruption. Ne comptons passur une baguette magique ! Faisons preuve de détermination ! Donnons-nous des moyens légaux et mettons-les en œuvre, sans complaisance.

Le Béninois bien formé, en bonne santé, capable de réfléchir aux défisde la communauté nationale, sous-régionale et internationale est le modèled’homme dont nous rêvons.

Le Bénin ne peut pas échapper à la mondialisation, même si nous devonsnous efforcer, dans le cadre d’une économie libérale à visage humain, decréer les mécanismes d’une solidarité agissante pour éviter aux plusvulnérables de succomber aux règles implacables du marché. Pour yparvenir, nous devons développer les capacités nationales, aussi bienhumaines qu’institutionnelles pour bien gérer nos ressources internes, maisaussi celles que nous affecte la communauté internationale. Il nous faut unediplomatie plus offensive pour mieux participer aux efforts d’intégrationrégionale et économique et apporter notre part aux efforts de lacommunauté internationale pour promouvoir un monde de justice sociale,de paix, de stabilité, de sécurité.

Devant ces exigences, le renforcement de notre démocratie dépendraautant de notre aptitude à mobiliser notre peuple et à créer des solidaritésinternes en vue d’un développement endogène et autocentré, que de notrecapacité à mobiliser des capitaux et à susciter des solidarités externes. C’esten termes de solidarité et sous le signe d’une gouvernance sans cesseaméliorée que se pose la problématique du renouveau démocratique denotre pays dans ses rapports avec l’Afrique et la communautéinternationale.

Le Bénin doit participer activement au partenariat mondial fondé sur lepartage des responsabilités entre pays riches et pays pauvres, pourpermettre à notre pays d’être au rendez-vous du bilan, en 2015, fixé par lesObjectifs de Développement du Millénaire.

L’Homme se trouve sur le chemin qui mène à un développementvéritable dans toutes ses dimensions. Un Homme bien portant. Un Hommebien éduqué et bien formé. Un Homme, agent économique qui tend sesefforts vers la production, la compétence, la qualité.

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Toute politique qui ne privilégie pas l’Homme dans chacune et danstoutes ses dimensions, est vouée à l’échec.

Cela suppose que l’Homme béninois soit placé au centre desprogrammes de développement, que toutes les couches sociales trouventleur compte dans l’exécution de ces programmes et en aient une claireconscience.

Mon ambition, pour ce pays, est de placer l’Homme béninois au début,au centre et à la fin de notre politique de développement. Cette politique, aucentre de laquelle se trouvent les jeunes, est d’une nécessité absolue si nousvoulons avancer qualitativement vers des lendemains qui comportent moinsd’incertitudes pour l’avenir de notre pays.

En vue de quoi leur donnons-nous l’éducation et la formation ? Tout Étatresponsable doit mettre en place un système éducatif qui assurel’épanouissement des jeunes. L’éducation doit leur permettre d’être utiles àla communauté, et de devenir des citoyens du monde. Mais quel contenud’éducation peut conduire à cet objectif et, au-delà, permettre aux jeunesl’accès au marché du travail ? Quel type d’enseignant peut mettre en œuvrece programme ? Les réponses à ces questions déterminent la qualité del’éducation offerte aux jeunes pour juguler les difficultés que connaît notresystème éducatif.

L’idée se répand de plus en plus, dans notre pays, qu’il n’est pasnécessaire d’aller loin en matière d’éducation et de formation pour biengagner sa vie. Or, nous pensons que seuls des investissements massifs dansl’éducation et la formation des filles et des fils d’une Nation constituent lesocle sur lequel se consolide la démocratie et se construit une économiemoderne.

C’est pourquoi, je veux, pour notre pays, une société de responsabilitédans laquelle le rôle moteur des jeunes doit être accru en tenant compte deleur capacité. Cette capacité s’acquiert par leur éducation et leur formation.

On observe aujourd’hui, une forte propension d’une catégorie importantede jeunes à adopter des solutions faciles consistant à choisir le chemin de la« politique » sans avoir pu se former sur le plan intellectuel et technique.Dans les pays de vieille démocratie, c’est d’abord des jeunes,techniquement compétents et intellectuellement équilibrés, qui donnent

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sens et vie à l’économie et à la politique. Ainsi sont-ils aptes à comprendreet à expliquer la vision que tracent les dirigeants.

Pour inverser cette tendance, la priorité absolue doit être accordée àl’éducation. D’abord à l’enseignement primaire parce qu’il pose lesfondements du savoir. Il ne doit pas, cependant, constituer une fin. Notreattention doit également être portée vers les autres ordres d’enseignement :secondaire général, technique et professionnel supérieur. La maîtrise dusavoir et des technologies modernes nécessaires au progrès économique etsocial de notre pays est à ce prix. Il est reconnu que les pays qui ontaccordé l’attention qu’il faut à ces priorités trouvent le chemin dudéveloppement et de la démocratie.

Dans notre système, le rôle et la place de l’enseignant doivent êtreréhabilités. Il m’arrive encore de penser à mes chers maîtres de l’écoleprimaire publique. Ils m’ont transmis les premières notions du langage, dela grammaire et du calcul. Ils m’ont inculqué la logique et la rationalité quiont fait de moi ce que je suis. Ils n’ont certainement pas plus de mérite queceux qui m’ont encadré dans le secondaire et à l’université. Mais ils l’ontfait dans un contexte où les moyens financiers et matériels étaient rares.

Le métier d’enseignant doit être repensé dans notre pays. Il ne doit pasêtre marginalisé. Le type de société dont je nourris l’ambition pour notrepays ne peut s’accommoder d’une approximation dans ce secteur vital.

Le Forum de Bamako, tenu en novembre 2004, à l’initiative del’Association pour le Développement de l’Éducation en Afrique, sur lesenseignants non fonctionnaires, a recommandé que les enseignants recrutéslocalement sur la base d’un Brevet d’Études du Premier cycle soient forméspendant six mois dès leur recrutement. Cette recommandation mérite d’êtresoutenue et appliquée comme une mesure intérimaire, en attendant que lesÉtats africains, notamment ceux de l’espace francophone, redéfinissent unemeilleure politique d’allocation des ressources en faveur du secteur del’Éducation. Je souscris à cette recommandation. Je voudrais qu’ensemble,parents d’élèves, enseignants, responsables politiques, nous puissionsrestituer à l’éducation une priorité telle que prévue dans la loi d’orientationadoptée par notre pays.

La qualité de l’éducation dispensée aux enfants d’un pays dépend de laqualité des enseignants. Nous devons mettre un terme au drame qui se joue

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sous nos yeux et écouter le cri des jeunes qui réclament le savoir. Celarequiert une volonté politique plus forte et une réflexion profonde sur lespriorités. Le Bénin ne saurait échapper à la règle selon laquelle, ledéveloppement dépend du savoir. Notre jeunesse a droit à une éducation debase, à une éducation scientifique, technique et technologique. Elle en abesoin pour affronter les défis du millénaire.

Priorité doit être accordée à l’enseignement agricole. Je me souviensencore du Centre de formation rurale de Porto-Novo qui a produit desagents d’agriculture d’un niveau de compétence qui a permis de les utilisercomme moniteurs d’encadrement rural. Des centres tels que le lycéeagricole Mèdji de Sékou devraient exister dans tous les départements pourpermettre, non pas de recaser des rejetés du système éducatif, maisd’accueillir des jeunes dont la vocation est de devenir entrepreneursagricoles.

Nous avons souvent la faiblesse de penser que ce sont les jeunes,incapables d’évoluer correctement dans le système d’éducation classiquequi doivent être orientés vers ces centres. Cette perception doit changer.Nous devons les considérer au même titre que la formation en informatiqueou dans d’autres disciplines. C’est un devoir sacré de toute la Nation que dedonner à l’enseignement technique agricole la place qu’il mérite dans laformation de notre jeunesse.

Une attention particulière doit être accordée à la scolarisation desjeunes filles. Nous devons élaborer les meilleures stratégies pour comblerl’écart qui sépare les garçons des filles du point de vue de l’accès à uneéducation de qualité. C’est une exigence de bonne gouvernance, mais aussid’équité.

La promotion des femmes est un impératif de développement. Ellerépond à un besoin de bonne gouvernance et à une nécessité de donner uncontenu réel à la notion de famille. Il s’agit moins de faire du féminismeque de construire un modèle de société dans laquelle la complémentarité del’homme et de la femme soit une réalité, dans le ménage, dans les services,dans les entreprises, dans nos institutions.

Pour ce faire, les programmes de formation, d’alphabétisation et de post-alphabétisation doivent accorder aux femmes une priorité absolue. Nousdevons recourir à la discrimination positive, en cas de besoin, pour donner

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aux femmes la possibilité d’accéder à des responsabilités leur permettant demettre au service de tous leur talent, leur compétence, leur savoir-faire.

Le rôle joué par la femme dans la vie politique de notre pays mérite plusd’attention. Les rares femmes qui ont été mêlées à la gestion de la chosepublique se sont acquittées de leur mission avec dignité et compétence.Nous devons leur faire confiance en leur faisant davantage de place dansnos institutions politiques et économiques. Il y va de l’avenir de notre pays.

Pour que celui-ci connaisse une croissance économique durable et soitcompétitif sur le plan international, l’effort ne doit pas se limiter à lagénéralisation de l’éducation primaire. Des mesures doivent être prisespour inciter le secteur privé à investir massivement dans l’enseignementsupérieur.

La mobilisation des ressources privées permet de donner un appuiimportant aux moyens limités de l’État. Il faudra également décentraliserl’administration du système éducatif pour remédier aux imperfections dontsouffre notre système.

Un rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le mondeindique que « l’explosion du savoir, l’accélération du progrès et lerenforcement constant de la concurrence rendent la formation permanenteplus indispensable que jamais »8.

L’accès au savoir ne passe pas seulement par l’éducation formelle miseen œuvre dans notre pays. Nous devons favoriser toute politique pouvantpermettre à des jeunes de maîtriser les nouvelles technologies del’information et de la communication, de combler la fracture numérique. LeBénin peut accéder à ces ressources pour rendre notre économiecompétitive. Elle doit tenir compte des besoins du marché national, sous-régional et international et mettre en place les stratégies pour les satisfaire.

L’une des richesses du pays pour amorcer son décollage économique estconstituée par les ressources humaines. Ces capacités ont permis d’assurerle transfert du savoir, de la culture, de génération en génération. Elles sontinsuffisantes, au regard des exigences de l’économie moderne. L’existence

8 Rapport sur le développement dans le monde, Banque Mondiale, Washington199861999, Le savoir au service du développement (résumé, p. 5).

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d’une pensée économique uniforme impose à nos pays d’accorder une plusgrande attention au développement des capacités techniques, managérialeset de négociation. Aucun pays ne saurait rester en marge de ce mouvement.

L’objectif principal de la coopération technique doit être uneappropriation des fruits de l’assistance. Il nous faut développer lesinstitutions et capacités locales pour favoriser ce phénomène. Ledéveloppement des capacités doit être l’une des priorités nationales. Lesmoyens de le réaliser doivent être d’abord recherchés de façon endogène,l’appui des partenaires devant servir d’appoint. Cela exige plusieursconditions au nombre desquelles figure la volonté politique et la capacitéde planifier en partant des besoins réels. Il faut aussi améliorer lagouvernance dans notre pays en faisant la promotion des meilleurespratiques de gestion et d’exécution des actions de développement, dans latransparence et avec la participation des populations concernées.

Le développement des capacités est intimement lié au besoin deleadership dont il constitue d’ailleurs un corollaire. Si nous voulonsmobiliser des ressources qui servent réellement la cause de notredéveloppement, nous devons encourager le leadership, notamment celuides jeunes, pour prendre des décisions pertinentes. Grâce à lui, nous devonspromouvoir par la formation de l’accès aux ressources universelles, lagestion des affaires publiques. C’est ce que nous devons faire dans unmonde de concurrence qui ne laisse aucune place à la médiocrité, àl’amateurisme, à des décisions hasardeuses.

Qu’il s’agisse de nos communes, de nos départements ou encore de nosinstitutions nationales, les responsables doivent gérer les ressourcesnationales avec professionnalisme, équité et un sens élevé du devoir. C’estcette race de jeunes dirigeants rompus aux idées nouvelles, soucieux dumieux-être et du devenir collectif, partageant une vision prospective quej’ai l’ambition de promouvoir.

La promotion du leadership de qualité au sein de la jeunesse porteégalement les germes de la lutte contre la corruption et l’émergence desvaleurs incitatives pour notre système de production et notre société toutentière. À défaut de le faire, nous prenons le risque d’accélérer la fuite descerveaux et nous condamnons nos compatriotes de la diaspora à l’exil. Ilest indispensable de valoriser les ressources humaines de notre pays pour

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son développement. Il nous faut mettre l’Homme au centre de nospolitiques de développement.

Que ce soit en football, au karaté, en boxe ou en athlétisme, les résultatsobtenus par notre pays dans les compétitions officielles sont souvent le fruitd’un travail individuel. Ils sont rarement la résultante d’une politiquesportive cohérente mise en œuvre par l’État. Or le sport contribue aurayonnement d’un pays. Il a un effet d’entraînement sur sondéveloppement. Il est donc urgent qu’au Bénin, un nouveau mode degestion de la chose sportive prenne le pas sur l’improvisation etl’amateurisme.

La réussite du football dans un pays peut servir de locomotive aux autresdisciplines. C’est lui qui, à l’évidence, suscite le plus d’attraction.L’analyse des résultats auxquels notre pays est parvenu dans la pratique dece sport m’amène à m’interroger sur l’efficacité des moyens que nousmettons en œuvre. Si nous investissons des moyens non négligeables pourparticiper aux compétitions continentales et si les résultats ne sont pas à lahauteur de nos espérances, nous devons avoir le courage d’appliquer lathérapie la mieux indiquée. Avons-nous le droit de continuer pour le simpleplaisir de participer ? Un pays aux ressources limitées comme le nôtre a-t-ille droit de s’investir dans des entreprises qui ne rapportent rien ?

J’ai partagé la joie de mes compatriotes à l’occasion de la premièrequalification de notre équipe nationale à la Coupe d’Afrique des Nations en2004 et à notre troisième place à la CAN-Junior. Je rends hommage à nosvaillants joueurs de même qu’à ceux qui, bravant les contraintes parfoisimposées par leur clubs employeurs à l’extérieur, viennent participer à laprestation de notre équipe nationale. Mais avons-nous évalué réellement lepoids de notre football ? Comment l’environnement de notre équipenationale est-il géré ? Qui sont les acteurs ? Sont-ils à leur place ? S’ils lesont, quelles sont leurs résultats ? Il faut pouvoir répondre à ces questionssi nous voulons être dans le camp de la victoire.

Reconnaissons qu’en football, le Bénin n’a pas réalisé de bonnesperformances. Ayons le courage de prendre le temps de la réflexion pourélaborer une politique destinée à durer. Mettons en place des stratégiesnouvelles et organisons le suivi de l’environnement de ce sport.

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Une telle approche aurait l’inconvénient de consacrer l’absence de notrepays de la carte du football continental pendant quelques années. Mais elleaura certainement l’avantage, à moyenne échéance, de rendre le footballbéninois présent sur la scène internationale. Des pays l’ont fait avant leBénin. Ils constituent des références.

Cette approche donnera également au sport béninois des bases solides etdes résultats dans la durée. Dès lors, il convient d’envisager un appui aumonde associatif et au secteur privé en vue de la création de filières« sport-études » dans les établissements scolaires. Elles accueilleraient lesjeunes les plus doués.

Une croissance économique durable est aussi la résultante des effortsd’investissement dans la santé des populations. Un peuple exposé etconfronté aux affections de toutes sortes ne peut correctement participer àla production nationale. Nous devons accorder la plus grande attention à laqualité des soins. Les différents corps du secteur santé (médecins, sage-femmes, infirmiers, aide-soignants, etc.) ont un rôle important dansl’amélioration des conditions sanitaires du pays. Le taux élevé de mortalitématernelle nous interpelle. La prévalence du paludisme, notamment chezles enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes, du VIH/SIDA etd’autres affections doivent recevoir toute l’attention requise dans le cadred’une politique sanitaire. La stratégie de prévention doit rester toujoursimportante dans nos approches.

L’impact économique sur les populations est si net qu’il nous fautenvisager de nouvelles règles dans l’allocation des ressources. Combattreefficacement le paludisme représente un gain inestimable pour l’économieet la participation des couches les plus vulnérables à l’action dedéveloppement et par là même, à leur propre épanouissement.

Nous devons être au clair sur le rôle des mutuelles santé dans notrepolitique sanitaire nationale. Il est souhaitable que les maires souscrivent àcette politique en recherchant des possibilités de contrats mutualistes auprofit de leurs administrés.

L’utilisation des télécommunications dans la médecine et la chirurgieconstitue une voie que nous devons explorer face au coût exorbitant desévacuations sanitaires. Cette approche sera renforcée par la mise placed’infrastructures sanitaires modernes bien équipées pour répondre aux

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besoins en soins spécialisés. L’amélioration de la qualification des agentsde santé par une formation continue est une exigence pour garantir laqualité des services, notamment en matière de santé maternelle et infantile.Ainsi, devons-nous accorder une attention particulière à la formation, engrand nombre, de médecins, de sage-femmes et d’infirmiers diplômésd’État ou adjoints.

La formation de nombreux spécialistes (chirurgiens, cancérologues,traumatologues, anesthésistes-réanimateurs, etc.) apporterait un grandréconfort à nos compatriotes. Nos tradi-thérapeutes, dans le cadre de lamédecine traditionnelle, œuvrent pour soulager les populations. Dans lecadre d’un partenariat public-privé, il convient de les faire participer aurenforcement des moyens de la médecine moderne afin que cettecomplémentarité profite à tous. Il est urgent de porter une plus grandeattention aux normes et protocoles de prestation des services de cettethérapie pour réduire les effets secondaires afin d’épargner aux populationsles risques qu’elles encourent en utilisant ces services. Cet effort passe parune meilleure organisation et une meilleure collaboration entre le Ministèrede la santé publique et les tradi-thérapeutes. Il convient de valoriser lesnombreuses possibilités que cache cette médecine pour lui permettred’atteindre progressivement le niveau de la rationalité, de sorte que lamédecine moderne puisse tirer avantage de ses bienfaits pour mieux servirla cause des populations.

Le Bénin dispose d’une Centrale d’achat des médicaments essentiels etconsommables médicaux. Son rôle est capital. Il peut être donné enexemple dans la sous-région parce que pionnière d’une approche qui avaitpour fondement l’Initiative de Bamako. Cet effort devrait être poursuivipour rendre les médicaments disponibles dans les hameaux les plus reculésde notre pays. En attendant une meilleure décentralisation de la gestion duCAME, on pourrait imaginer un système ambulatoire de vente demédicaments dans les zones reculées, sous le contrôle d’agents compétents.

La participation des communautés à la gestion des services de santé dansle contexte de la décentralisation devrait aller au-delà d’une simpleprésence de ces dernières aux réunions. Cette façon de faire comporte denombreux avantages que l’Organisation mondiale de la Santé a identifiésdepuis plus d’une décennie. Ils peuvent être ainsi énumérés : « Uneapproche fondée sur la participation communautaire est un moyen rentabled’étendre le système de prestations sanitaires à la périphérie géographique

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et sociale d’un pays, quoique cela entraîne des dépenses non négligeables ;les communautés qui commencent à concevoir leur état de santéobjectivement plutôt qu’avec fatalisme peuvent être incitées à prendre unesérie de mesures préventives ; les communautés qui investissent de la main-d’œuvre, du temps, de l’argent et des matériaux dans les activités depromotion de santé seront davantage incitées à utiliser et à entretenir lesouvrages qu’elles construisent, par exemple des réseaux d’adductiond’eau ; l’éducation pour la santé est surtout efficace quand elle fait partieintégrante des activités villageoises ; s’ils sont choisis judicieusement, lesagents de santé communautaires jouissent de la confiance de la population.Ils peuvent connaître les techniques les plus efficaces pour obtenirl’engagement de leurs voisins et il est certain qu’ils ne risquent pasd’exploiter ceux-ci. Ils sont soumis à une forte pression sociale pour aiderla communauté à mener à bien ses activités de promotion de la santé.Toutefois, ils doivent aussi pouvoir compter sur les échelons supérieurs duservice de santé »9.

Quant à moi, j’adhère à la stratégie des zones sanitaires adoptée parl’État béninois au cours des dernières années. Elle épouse les principes dela décentralisation et crée les conditions d’une meilleure participation à larésolution des problèmes de santé. Il faut aller plus loin dans la volontépolitique de mettre en place un système sanitaire mieux orienté vers lasatisfaction des besoins prioritaires de santé de nos concitoyens, où qu’ilsse trouvent sur le territoire national.

Les exigences d’une économie moderne, fruits du travail despopulations, recommandent que nous ayons plus d’ambition pour créer lesconditions indispensables à la santé de tous et permettre à notre pays demieux participer à la mondialisation.

9 Peter Oakley, L’Engagement communautaire pour le développement sanitaire.Analyse des principaux problèmes, Université de Reading, 1990, p. 4.

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Le Bénin fait partie des pays qui disposent d’une diaspora capable decontribuer efficacement au développement de l’économie nationale.J’envisage les relations de notre pays avec nos sœurs et frères vivant àl’étranger sous l’angle de la valorisation de ce qu’ils constituent commecapital humain, mais aussi de leur pleine participation à la vie de la Nation.Nous devons explorer toutes les voies possibles pour les associer auxgrandes décisions qui engagent la vie du pays.

Sur le plan économique, le rôle de nos compatriotes de l’étranger estessentiel. Nous devons créer les conditions leur permettant d’être à mêmed’investir dans leur propre pays. C’est, de mon point de vue, le minimumqu’un pays puisse garantir à ses filles et fils résidant à l’extérieur. Ilsdoivent se sentir à l’aise d’aller et de venir et de créer des entreprises quandils le veulent.

Leur apport contribue au rayonnement culturel et sportif de notre pays.Quand je pense à des artistes tels que Angélique Kidjo, Isaac de Bankolé,Djimon Houssou et aux nombreux sportifs qui portent haut le flambeau del’art et de la culture béninoise à l’extérieur, je ne peut m’empêcher depenser à une consolidation des acquis de notre diaspora.

Il nous faut, à tout prix, élaborer de nouveaux rapports avec elle. Elledevra intégrer les impératifs de développement d’un État moderne. Je suisconvaincu qu’aucun de nos compatriotes, vivant à l’extérieur, ne sauraitrester indifférent à la nécessité pour nous tous de porter notre pays au cœurd’un développement harmonieux qui restitue à chacun la dignité et la fiertéd’appartenir à un ensemble d’où la pauvreté serait progressivement réduiteet où les indicateurs de développement humain témoigneraient de notreesprit de solidarité.

Parce que nous comptons sur nos compatriotes de la diaspora pourconstruire un pays moderne, nous devons créer des conditions propices.Sont-ils représentés dans les institutions de leur pays ? Comment pouvons-nous combler ce vide ? Comment pouvons-nous créer la synergie leurpermettant de mettre leur savoir et leur savoir-faire au service de laNation ? S’il y a une approche que de nombreux pays africains utilisentdepuis des décennies, c’est bien de capitaliser l’expérience de leur diasporapour mieux rentabiliser les actions de développement.

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Le Bénin devra faire de même. Il devra établir un dialogue franc,constructif, responsable, cohérent, transparent et sincère avec noscompatriotes. Ce sont des partenaires incontournables dans toute politiquede développement durable. Ils sont compétents. Ils appartiennent auxprofessions dont nous avons besoin pour avancer sur le chemin de lacroissance. Nous devons les écouter, leur faire confiance pour, ensemble,bâtir une Nation prospère.

Nous devons créer des groupes de pression pour soutenir la politique del’État dans les pays d’accueil. Il s’agira essentiellement de mettre en placedes conditions pour que nos compatriotes de la diaspora défendent, entoutes circonstances, les intérêts de leur pays, quel que soit leGouvernement en place. Cette stratégie consolidera les avancéesdémocratiques de notre pays enregistrées lors de la Conférence des Forcesvives de la Nation de février 1990.

Si nous voulons que nos compatriotes de l’extérieur défendent lesintérêts de leur pays partout où ils se trouvent, l’État doit leur garantirconsidération et protection.

Dans une communication présentée à l’occasion du Forum organisé parun groupe de la société civile en octobre 2004, à Cotonou, sur le thème« l’Économie béninoise et le défi de l’intégration sous-régionale », l’un denos compatriotes disait : « La perception des investisseurs et de lacommunauté internationale nous interpelle : précédemment quartier latinde l’Afrique, le Bénin devient une zone de développement généralisé de lacorruption, telle une gangrène. Il faut gommer cette image »10.

Cette assertion confirme bien la réalité à laquelle notre pays se trouveconfronté, avec le développement d’un affairisme adossé au pouvoirpolitique, lui-même pris en otage dans un cercle vicieux qui tend àfavoriser des situations des monopoles. Il y a urgence à promouvoir unenouvelle éthique dans notre pays, celle du travail bien fait, débarrassé detoute idée de corruption.

Celle aussi du respect du bien public. Il n’est pas juste que, pendant qued’honnêtes citoyens contribuent par leur labeur et leur abnégation, àl’accomplissement des tâches qui leur sont confiées, d’autres sapent

10 Pascal Koukpaki, l’Économie béninoise et le défi de l’intégration régionale.

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l’édifice en construction. Il est triste de constater que les garde-fous desroutes à peine réceptionnées sont détruits par des conducteurs. Il est toutaussi gênant que des couvercles d’égoûts soient enlevés et des câblesélectriques ou de communication téléphonique coupés, impunément,mettant en péril d’autres citoyens et anéantissant les effortsd’investissement de l’État.

Dans nos écoles, dans nos cellules familiales, nous devons inculquer ànos enfants, le respect du bien public. Nous devons adopter descomportements responsables, protéger et respecter tout ce qui appartient ànotre patrimoine, que nous avons le devoir de léguer aux prochainesgénérations.

Nous ne gagnerons rien à entretenir une administration inefficace. Cellequi sape les bases de notre économie, dans une attitude désinvolte et derecherche de rente qu’affichent certains fonctionnaires de l’État. Certaineshabitudes dans lesquelles s’installent parfois nos compatriotes ne sont pasde nature à faciliter les affaires. Elles doivent être modifiées, si nousvoulons relever le défi de la croissance, donc du développement. C’est unevérité de toute époque que de considérer que l’investisseur a horreur descontraintes inutiles et fantaisistes qui visent à limiter son action, préoccupéqu’il est par la productivité et la rentabilité elles-mêmes tributaires dufacteur temps, du coût des énergies et des télécommunications.

Aucun progrès économique et social n’est possible si les citoyensn’adoptent pas des valeurs dont l’une des plus fondamentales est lesentiment d’appartenir à un même pays. Ce sentiment est ce que nousdevons léguer de plus cher à nos enfants. Sans lui, rien de solide ne peutêtre réalisé. L’exemple donné à divers échelons de la hiérarchieadministrative dans la gestion de la chose publique est peu rassurant pourles générations futures. Le devoir nous incombe de créer les conditions lesmeilleures pour susciter chez les jeunes, la fierté d’appartenir à une mêmeNation. Sans cela, il leur sera difficile de défendre l’intérêt nationalnécessaire à une croissance économique durable.

L’une des causes du retard de notre décollage économique est la perteprogressive du sentiment d’appartenir à une Nation. Il est perceptible dansle comportement de nos concitoyens chargés de la gestion du bien publiccomme simples citoyens. Ils ont une forte propension à reléguer à l’arrière-plan l’intérêt de la Nation au profit des intérêts immédiats et personnels.

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Cette situation s’aggrave par des comportements qui laissent penser à unsabotage de notre économie.

Créer le sentiment d’appartenance à une communauté d’histoire, deculture, de géographie est un impératif de développement. Nous devonsoffrir aux enfants de ce pays la chance d’accéder à des responsabilités oùqu’ils se trouvent sur le territoire. Si nécessaire, recourons à ladiscrimination positive pour favoriser l’émergence de régionsdéfavorisées !

Ainsi se bâtit une Nation. Ainsi doivent se transmettre à tout le pays, lesvaleurs que, de génération en génération, nous devons entretenir, protégeret pratiquer, parce qu’elles constituent le socle indispensable à toute actionde développement

L’amour de la Patrie passe également par la notion d’unité nationale.L’avancée d’une Nation vers un creuset commun, la recherche d’uneidentité collective différente de l’identité d’origine sont parfois des facteursd’angoisse et d’interrogation, voire de passion. La démocratie vise à cequ’un nombre toujours plus grand d’individus participent à leur proprehistoire. Qu’ils la comprennent, qu’ils parviennent à s’y situer et àinfluencer son cours !

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III.– L’état des lieux

« Déjà des astres anxieux s’accrochentau ciel banal des nuits »

René Crevel

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Les réformes politiques

La Révolution d’octobre 1972 et la Conférence des Forces vives defévrier 1990 illustrent le mouvement naturel de notre peuple en quête deson destin. Peut-être même peut-on établir entre ces deux pôles,apparemment contradictoires, une relation de cause à effet.

Il peut, a priori, paraître incongru de considérer la Révolution du 26octobre 1972, jadis décriée par certains et combattue par d’autres, commeune chance, une chance mal exploitée pour le développement de notre pays.De fait, l’enthousiasme suscité par cet événement, le patriotisme qui luiservait de support, n’ont pas suffi à créer les conditions du progrèséconomique.

On retiendra cependant à son actif, la mise en œuvre des principes departicipation populaire, terreau d’un développement durable. Grâce à sesdérives, les Béninois ont pris conscience de la nécessité de repenser l’Étatet son mode de fonctionnement, mais aussi des rapports avec la population.La combinaison de ces facteurs, ajoutés à d’autres facteurs, externes ceux-là, a favorisé l’avènement de l’historique Conférence des Forces vives de lanation de février 1990. Les grandes résolutions adoptées alors ontdéterminé le profil politique et institutionnel de notre État démocratique ; lemultipartisme intégral apparu comme une exigence dans le contexte dumoment a fait du chemin, libérant les pensées et dessinant les contours d’unpaysage politique nouveau.

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Ces textes ont également consacré une nouvelle philosophie économiqueet sociale dont le libéralisme apparaît comme l’un des principes fondateurs.Corollaire de cette liberté retrouvée, la réactivation de la société civileavec, en appui, une presse totalement libre, constitue une source précieusede dynamisme et de créativité.

Notre peuple dispose donc des ressources que nécessitent les défisauxquels il se trouve confronté. Si l’environnement propice au décollageéconomique et à l’éradication de la pauvreté, créé par la Conférencenationale, reste largement inutilisé ou mal utilisé, nous avons cependant lalégitime fierté de constater que l’architecture institutionnelle mise en placerésiste à l’épreuve du temps et nous tient à l’abri des crises.

Enfin, le climat de paix créé par notre volonté commune de former uneNation consolide le dispositif institutionnel.

Dans une allocution prononcée en 1992 devant les parlementairesivoiriens, je déclarais : « La Conférence nationale des Forces vives, tenue àCotonou en février 1990, a réussi l’exploit de renverser sans effusion desang, ni violence, l’un des régimes les plus autocratiques que le Bénin aitconnus. Mais, son plus grand mérite, c’est d’avoir jeté les bases d’unedémocratie pluraliste certes, mais d’une démocratie de consensus. Elle està l’antipode de l’affrontement. Cette volonté de consensus s’est manifestéepar l’aménagement d’une période de transition qui a vu cohabiter, sanssecousses, les institutions nouvelles et les institutions anciennes, et qui adonné, à chacune d’elles, le droit d’en appeler par la voie des urnes »

Cependant, des changements qualitatifs dans la vie des Béninois restentà venir. Les fruits n’ont pas tenu les promesses des fleurs, du moins pasencore.

Il est de notre responsabilité d’évaluer objectivement les contraintes quiont pesé sur notre élan, depuis notre accession à la souverainetéinternationale. Elles sont internes et externes.

Être souverain, c’est décider de son destin, déterminer soi-même sesambitions et ses priorités. C’est assumer son développement.

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À l’analyse, et comme dans de nombreux pays comparables au nôtre,cette souveraineté a été éprouvée par la nature des relations avec d’autresÉtats ou avec les institutions financières internationales.

Dans le cadre du « Projet sur l’efficacité de l’aide à Afrique », une étudea évalué les effets de l’Aide publique au Développement. Ses conclusionsont été rapportées dans un ouvrage collectif signé de Nicolas Van de Walleet Timothy A. Johnston11. Ces auteurs ont procédé à une analyse de l’APDfournie par les plus grands donateurs internationaux aux pays africains aucours des trente dernières années. Bien que l’échantillon de cette étuden’ait regroupé que certains pays représentant la majorité des régions ducontinent (Botswana, Burkina Faso, Ghana, Kenya, Tanzanie et Zambie)ses résultats reflètent une réalité vécue par la quasi-totalité des paysafricains au sud du Sahara, dont le Bénin : « D’un côté, les donateurs ontpeu investi pour améliorer les capacités des bénéficiaires à programmer età évaluer l’aide ; ils ont persisté dans les pratiques qui freinent ledéveloppement de ces capacités. De l’autre, les gouvernements africainsont trop souvent considéré l’aide comme une ressource gratuite et ils nel’ont pas intégrée dans une stratégie de développement et d’investissementpublic cohérente. Malgré le discours sur la coopération au développementet le partenariat, les relations entre donateurs et bénéficiaires restentinégales et sont trop souvent caractérisées par le contrôle du donateur et lapassivité du bénéficiaire ».

Les causes d’une telle situation sont connues : inefficacité del’administration publique, absence de vision politique.

Au cours de la seule période 1990-2000, l’Aide publique auDéveloppement du Bénin a atteint le montant de 1 420,7 milliards de francsCFA12. Les dons en constituent la principale composante (63 % contre37 % pour les prêts). La répartition sectorielle de cette aide au cours de lamême période est significative du flux financier dont bénéficie ledéveloppement économique et social du Bénin : 23 % pour la gestion del’économie ; 17 % pour le secteur transport, contre 8 % à l’agriculture, 9 %à l’éducation et 10,5 % à la santé. Plus d’attention à la gestion del’économie et au transport qu’à l’agriculture et aux autres secteurs sociaux.

11 Nicolas Van de Walle et Timothy A. Johnston, Repenser l’aide à l’Afrique, Paris,Éditions Karthala, 1999, page 10.12 Le financement du développement humain, PNUD 2003.

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Il est permis d’épiloguer sur la pertinence de cette option. On peut souteniren effet qu’une bonne gestion de l’économie, appuyée par undéveloppement des infrastructures (routes, ponts, etc.) donne l’impulsionnécessaire à la création des conditions d’une croissance durable, etconstitue un préalable à l’investissement dans les secteurs sociaux. Onpourrait soutenir, à l’inverse, que l’investissement dans l’éducation et lasanté des populations crée des conditions d’une croissance durable. Quedire de la portion congrue réservée à l’agriculture ? Cette option était-ellela nôtre ?

Nombre d’entre nous estiment que nos rapports avec les partenaires audéveloppement sont déséquilibrés, en notre défaveur. Aussi, pensent-ils queles actions de développement mises en œuvre sont, dans leur grandemajorité, conçues de l’extérieur, dans des conditions qui ne coïncidentguère avec les réalités sociales. Ce constat, parfois exact, s’inscrit,malheureusement, dans la pratique contemporaine (dont le Bénin n’a pasl’exclusivité) qui veut que les autres nous disent ce dont nous avons besoin,à défaut de pouvoir identifier nos priorités.

Il est utile, voire nécessaire, de revoir de tels rapports, non pas pour quenotre pays se referme sur lui-même, mais pour qu’il trouve, en touteoccasion, les moyens de diagnostiquer ses maux et d’en identifier lesremèdes avec nos partenaires. Il me paraît évident que la mise en œuvred’une politique pertinente aux plans diplomatique et économique,permettrait d’améliorer ce qui est souvent perçu comme une injonction decertains de nos partenaires.

Changer la nature de nos rapports avec nos partenaires requiert aussi, denotre part, une vision plus réaliste des relations économiques financièresinternationales, notamment dans le contexte actuel de la mondialisation. Àcet égard, il est heureux de noter que, depuis la conclusion, le 16 juin 1989,de notre premier programme d’ajustement structurel, les relations de notrepays avec les institutions financières internationales, telles que le Fondsmonétaire international et la Banque mondiale se sont nettementaméliorées. Elles ont besoin, cependant, d’être repensées pour s’adapter àun cadre de partenariat et à des conditions plus souples, compatibles avecles réalités endogènes, dans un esprit commandé non pas uniquement par laperformance économique, mais aussi par l’équilibre social.

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Une approche plus humaine des relations internationales est possible ;elle aboutira à de meilleurs résultats pour tous. La formulation d’unepolitique extérieure réaliste a pour fondement la sauvegarde des intérêtsnationaux : ils sont économiques et sociaux.

Une politique, plus responsable, suppose que soient remplies certainesconditions, dont la rigueur et la transparence dans la gestion des affairespubliques. Elle suppose, aussi, que nous gardions le cap de l’uniténationale, de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et duredressement économique. Si la démocratie semble se consolider, nous ledevons, encore une fois, au génie de notre peuple, à notre esprit deconsensus, à notre volonté de bâtir ensemble une Nation.

Que vaut la plus stable des démocraties, quand la croissanceéconomique est mise à trop rude épreuve, laissant libre cours à lapauvreté ?

Avec la mise en route de notre processus de démocratisation, des effortsréels ont été fournis pour améliorer la gouvernance. Mais il est permis des’interroger sur leur essais, lorsqu’on considère les résultats obtenus parl’administration publique dans la lutte contre la corruption, l’efficacité oul’indépendance de l’appareil judiciaire et la politique de décentralisation.L’impact des réformes mises en œuvre dans ces différents domaines pourasseoir une gouvernance compatible avec les exigences d’un État de droitest très peu perceptible. Devant les insuffisances de notre système degouvernance, nos compatriotes perdent espoir.

La réunion des états généraux de l’administration publique, en 1994, amarqué la mise en chantier par le Gouvernement, avec l’appui de nospartenaires, d’un projet destiné à doter notre pays d’une administration detype nouveau, capable de soutenir les efforts de développement par la miseen œuvre de réformes sectorielles. Il s’agissait de donner à notre appareiladministratif le goût de l’exploit et du mérite pour le rendre plus efficace.

Dix ans après son démarrage, les effets positifs de cette réforme restent àdémontrer. De toute évidence, les performances de notre administrationdemeurent en deçà des attentes, ralentissant ainsi notre développementéconomique déjà gangréné par la corruption.

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La corruption est un défi permanent lancé à notre pays et à sonéconomie. La mobilisation de la société civile tout comme les effortsfinanciers impressionnants consentis par l’État ces dernières années n’ontguère réussi à la faire reculer. Nombreux sont ceux qui pensent que cesinvestissements sont inopportuns, dans un contexte de pauvretégrandissante où les besoins sociaux exercent des pressions sur les maigresressources de l’État. Cependant, aucun sacrifice ne devrait être épargnépour combattre ce fléau.

La Cellule de moralisation de la vie politique publique a accompli untravail remarquable, du moins à ses débuts. L’effort devrait maintenantporter sur le renforcement des institutions suprêmes d’audit, telles quel’Inspection générale des Finances dont les pouvoirs étendus doiventpermettre de saisir les juridictions compétentes pour des cas avérés decorruption, de prévarication et de détournement des deniers publics. Enattendant que les dispositions législatives et constitutionnelles permettent àla Chambre des comptes de recouvrer les attributs d’une Cour des comptes,conformément aux clauses du Traité pour l’harmonisation des Droits desAffaires en Afrique, les structures actuelles en charge de la lutte contre lacorruption méritent une profonde réflexion quant à l’efficacité de leursstratégies.

Cet arsenal viendra en soutien de la lutte engagée par la société civilepour conjurer la corruption dont les tentacules, si nous ne prenons pas demesures énergiques, risquent de compromettre notre avenir et celui desgénérations futures.

Je voudrais mettre l’accent sur le rôle d’une presse responsable dans lecombat contre la corruption. Il est indispensable que les compétencesprofessionnelles des journalistes, notamment ceux de la presse écrite, soientrenforcées pour leur permettre de mener de solides investigations. À cetégard, les textes réglementant l’accès des médias à l’information doiventêtre améliorés pour permettre aux journalistes de contribuer plusefficacement à cette lutte.

La lutte contre la corruption passe également par l’adoption et la mise enœuvre d’une législation efficiente sur l’enrichissement illicite. Denombreux pays africains ont déjà franchi ce pas.

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Cependant, compte tenu de l’ampleur du fléau, de son enracinement quifont dire à certains que la corruption devient chez nous un phénomène deculture, depuis le bas de l’échelle, c’est à un réarmement moral qu’il fautfaire appel : la conscience citoyenne doit être mise en éveil et entretenuedès le plus bas âge, à l’école, dans les familles, dans les lieux de culte…

À l’étape actuelle de notre développement, le rôle de l’appareil judiciaireest décisif. Je le dis par conviction, en tant que membre de la famillejudiciaire, mais aussi parce que la crédibilité d’un État de droit se mesure àl’aune de l’efficacité de son système judiciaire et à sa capacité à créer unenvironnement de sécurité juridique pour les investissements nationaux etétrangers.

Faire jouer à notre appareil judiciaire son rôle dans la création d’unenvironnement sécurisé est un autre défi. Nos compatriotes se sontindignés, ces dernières années, du peu d’attention accordée aux problèmesd’insécurité. D’autres concitoyens ont payé de leur vie le manque derigueur sécuritaire. Il est urgent qu’une réponse appropriée soit trouvée àcette situation susceptible de freiner les efforts de développement.

Considérée, lors de la Conférence nationale, comme une stratégiepossible pour promouvoir le développement local, la décentralisation aconnu des débuts lents et laborieux. Nombreux sont ceux qui ont douté dela volonté des pouvoirs publics de mettre en œuvre cette stratégie danslaquelle ils espéraient trouver les formules adéquates pour relever les défisdu développement à la base.

Les objectifs de la décentralisation visent à assurer l’enracinement de ladémocratie et la promotion du développement local, le rapprochement dupouvoir de décision, d’action et de contrôle des populations et unemeilleure gestion des ressources.

La mise en œuvre de la décentralisation, notamment l’adoption destextes législatifs et réglementaires avec, comme point culminant, lesélections municipales et communales de décembre 2002 ont achevé deconvaincre des vertus de cette réforme. Dans la pratique, l’espoir suscitépar les consultations de décembre 2002 cède progressivement le pas auscepticisme.

Les raisons de cette situation sont de plusieurs ordres :

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– d’abord les lacunes des textes législatifs qui ont laissé sans véritablesréponses, des questions importantes. C’est le cas de l’épineuse question dutransfert des compétences qui, bien que définie par la loi, est sujette ànombre d’interprétations dans sa mise en œuvre. Le blocage actuel observédans le processus de transfert se comprend aisément, parce que prenant sasource dans la mauvaise appréhension des implications de ce transfert. Ladémarche rationnelle aurait été, pour l’État, de concevoir et d’élaborer unplan de transfert assorti d’un chronogramme partant des domaines decompétence les plus simples (éducation, santé, eau et assainissement) auxplus complexes (services marchands) ;

– il faut mentionner ensuite la disponibilité des compétences locales.Cette question, plus importante que le transfert des autres ressources, n’aguère retenu l’attention. Dans les pays où le processus de décentralisation aporté ses fruits, ce sont des hommes et des femmes bien formés, éluslocaux, techniciens ou administratifs, qui ont œuvré pour l’élaboration et lamise en œuvre méthodique d’un plan de développement.

Une étude sur le démarrage des communes, commanditée par la Missionde décentralisation, en 199913, a mis en exergue la faiblesse des ressourceshumaines et des capacités organisationnelles des communes. Cette étude amontré que la quasi-inexistence de cadres de conception, voire parfoisd’exécution, au niveau des futures communes constitue un handicapimportant dans l’accomplissement des tâches que requiert leurfonctionnement correct.

L’étude a accepté le cas des trois communes à statut particulier.Cotonou, Parakou et Porto-Novo qui ont acquis, depuis plusieurs années,des outils de gestion et de développement municipal, tels que le régimefoncier urbain. De nombreux agents de ces collectivités locales ont reçu desformations qui les rendent aptes à jouer un rôle actif au sein desmunicipalités, mais se trouvent confrontés à la question du transfert descompétences.

13 Cette étude mentionne que, « en dehors des trois principales circonscriptionsurbaines (Cotonou, Porto-Novo et Parakou), toutes les autres circonscriptions urbaineset communes ont des administrations locales faibles: manque de locaux adéquats,personnel d’encadrement insuffisant, moyens techniques presque inexistants et trèsfaibles moyens financiers (moins de 1 % du PIB). Il en résulte une insuffisance desservices offerts à la population ».

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Près de deux ans après la mise en place des conseils communaux, lesélus locaux et l’Association nationale des communes du Bénin continuentde déplorer le non-transfert des compétences et la non-mise à dispositiondes ressources financières nécessaire aux actions de développement local.Ce frein au développement trahit la volonté politique exprimée à laConférence des Forces vives de février 1990. Il est urgent d’y remédier engardant à l’esprit que le transfert effectif des compétences aux communespermettra la mise en place des mécanismes de financement et de solidaritéprévus, tels le Fonds spécial de financement des investissements descommunes et les dispositifs d’intercommunalité. Les communes les plusriches manifesteront leur solidarité envers les moins nanties si elles ont lescoudées franches pour gérer leurs ressources.

D’autres obstacles pour nos communes résident dans l’ampleur desbesoins à couvrir en termes d’investissements socio-collectifs, notammenten matière d’éducation primaire (salles de classe, enseignants), de santé(Centre de santé d’arrondissement, personnel qualifié, prise en charge desexclus), d’enclavement (pistes, ouvrages de franchissement), etc. Lasituation de la plupart des communes aux budgets particulièrement faiblesconstitue des facteurs limitants pour la mise en œuvre des plans dedéveloppement communal.

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Les réformes économiques

Comme sur le plan politique et institutionnel, notre pays a engagé, aucours des trente dernières années, d’importantes réformes économiques.Elles n’ont pas tenu leurs promesses en termes d’amélioration durable desconditions de vie. On se bornera à focaliser notre analyse sur la période de1972 à nos jours.

Je me limiterai à ces trois décennies, d’abord parce que les donnéesstatistiques macro-économiques et sectorielles durant cette période rendentl’analyse plus aisée ; ensuite parce que ma participation à la vie publique,depuis l’avènement du Renouveau démocratique en 1990, me permet demieux juger de la pertinence ou non des réformes économiques et socialesmises en chantier et des choix stratégiques et législatifs qui les sous-tendent.

Notre pays a fait une expérience économique rare dans la sous-région etmême sur le continent, pendant la période révolutionnaire, sur fondd’étatisation des entreprises, sous contrôle de capitaux étrangers. Ainsi,nous avons assisté, à partir de 1974, à la nationalisation des banques, desassurances, des sociétés de distribution de produits pétroliers, de la sociétéde production d’eau et d’électricité, des sociétés de transit, des sociétés dediffusion de films, etc., sans compter la création ex nihilo de plusieursentreprises d’État. En 1978, soixante entreprises publiques provincialesfurent créées dans les mêmes conditions, dans les secteurs de lacommercialisation, du transport, de la construction, de la gestionimmobilière et de l’exploitation des marchés. De 24 en 1972, le nombre desentreprises publiques est passé à 120 en 1982.

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Si ce système a présenté l’avantage d’initier les cadres nationaux à lagestion des entreprises, le caractère abrupt des mesures de nationalisation,dans un contexte de pensée unique, l’inexpérience de certains cadres et lamauvaise gestion des ressources, ont montré les limites d’une option quirépondait davantage à des motifs idéologiques qu’à des considérations debonne gestion.

En évaluant les résultats obtenus par ces entreprises publiques au regarddes objectifs fixés, les pouvoirs publics ont finalement abouti à laconclusion que les domaines d’intervention de l’État doivent êtreréappréciés, avec appel au secteur privé. À cet effet, un nouveau Code desinvestissements a été publié en mai 1982 pour inciter à la participationeffective de ceux qui en ont les moyens. Ces conclusions ont été suivies dela restructuration du secteur des entreprises publiques en 1983 et 1986 sousforme de dissolution pure et simple, de fusion, ou de création de nouvellesentreprises.

En 1983, cinquante-quatre entreprises publiques provinciales ont étéliquidées. Les six entreprises épargnées sont des sociétés de transport qui,en dépit de leur manque de rentabilité, assuraient le désenclavement decertaines localités.

En 1986, treize entreprises publiques à caractère national ont été à leurtour supprimées. À cette date, elles affichaient des pertes cumuléesestimées à 40,7 milliards de FCFA.

Au total, l’économie béninoise des années quatre-vingts se caractérisaitpar la toute-puissance de l’État, un vaste secteur d’entreprises publiques, ungaspillage et une mauvaise gestion des ressources et des politiquesfinancières et économiques inexistantes ou inadaptées.

Pour mieux apprécier les effets de ces réformes sur la santé économiquedu pays, on rappellera que les deux plans de développement14 mis en œuvrede 1977 à 1980 et de 1982 à 1987 n’ont pas donné les résultats attendus,malgré d’importants investissements.

14 Le plan triennal de développement 1977-1980 et le plan quinquennal 1982-1987.

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Les secteurs les plus vitaux de l’économie nationale – agriculture,élevage, sylviculture, pêche, industrie, artisanat, transports – reçoivent70 % de ces investissements, l’industrie et l’artisanat en absorbant, à euxseuls, 46.

On peut mieux comprendre les faiblesses de l’économie du pays si l’onajoute à l’analyse l’absence de vision stratégique. En effet, si celle-ci avaitintégré tous les paramètres de l’environnement économique international,la position géostratégique caractérisée par le voisinage d’une populationnigériane estimée à plus de cent vingt millions d’habitants, elle auraitpermis de développer le secteur des produits d’exportation et d’obtenir desretombées pour l’économie du pays.

Cette absence de vision qui caractérise les différents plans d’ajustementstructurel conclus avec les institutions de Bretton Woods est un indicateurde la faiblesse de notre capacité à négocier les programmes qui répondentle mieux à nos besoins.

Les réformes économiques opérées de 1989 à ce jour ont été réaliséesdans le cadre des Programmes d’ajustement structurels conclus avec lesinstitutions de Bretton Woods. Le Bénin a exécuté depuis lors troisprogrammes. La Nouvelle stratégie de développement a mis l’accent sur lacréation des conditions d’une relance durable de l’activité économique pourun taux de croissance de 3 % au cours du PAS 1, de 4 % au cours du PASII, et de 5 à 6 % au cours du PAS III. Ces objectifs impliquentl’amélioration des finances publiques, la diminution des arriérés, larestructuration du système bancaire, la réduction de la taille du secteur desentreprises publiques, la libéralisation de l’économie.

Les résultats de ces programmes font l’unanimité, quant à leurinefficacité, surtout en termes de croissance économique et de retombéessur la vie quotidienne des populations. Nulle part, ces programmes n’ontconvaincu faute de prise sur les réalités sociales et culturelles. Le Bénin,comme de nombreux pays africains, compte tenu du désastre économique,n’avait guère le choix ; le besoin de ressources financières était plus quepressant.

Considéré comme le secteur prioritaire de l’économie nationale, lesecteur rural n’a pas révélé toutes ses potentialités en matière dedéveloppement. L’agriculture, l’élevage, la pêche n’ont pas comblé les

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attentes, ni de l’État, ni des populations qui mènent ces activités. Certes,l’agriculture procure le coton, premier produit de rente dont le Bénin tirel’essentiel de ses recettes d’exportation. L’importance du secteur rurals’apprécie aussi à travers l’évolution de sa contribution au produit intérieurbrut, la population active employée, sa contribution aux exportations etl’étendue des terres cultivables (estimée à 13 %).

En dehors de la croissance irrégulière qu’il a connue au début des années« 90 », en raison des paramètres pluviométriques, le secteur rural a souffertde problèmes d’organisation en matière de production. La mise en œuvredes réformes, notamment dans le domaine agricole, a permis au secteur demaintenir une croissance de quelque 6 % de 1994 à 2002 avec unfléchissement en 2003. Le secteur qui emploie 42 % de la populationactive, soit 1 355 265 personnes15, contribue à la formation du PIB àconcurrence de 30 %. À elle seule, la branche agricole participe à hauteurde 70 % de la production de ce domaine. Les autres branches – l’élevage, lapêche et la production forestière – ne contribuent qu’à hauteur de 30 %environ.

Le secteur rural bénéficie d’importants investissements de l’État, mêmesi une part considérable des dépenses publiques est consacrée àl’administration au détriment d’actions porteuses sur le terrain.

Le secteur primaire est donc, de loin, la source de croissance sur laquelleprend appui notre économie. Le coton représente 80 % des exportations. Lastratégie de diversification des produits vivriers a permis d’atteindre unelarge autosuffisance alimentaire, même si le secteur reste soumis à descontraintes comme la faiblesse des rendements à l’hectare, la modicité desrevenus des paysans et l’insuffisante organisation des filières agricoles.

Le coton, produit essentiel du secteur rural, a souffert d’importantsdysfonctionnements, dus à une réforme mal conduite. Un doute sérieuxplane sur cette filière qui est pourtant l’épine dorsale de notre économie. Àcela s’ajoute la question cruciale du financement adapté et de l’accès aucrédit. En substance, l’agriculture reste l’énigme du développement etmérite une réflexion et une réforme dynamique. Intégrée au monde rural,elle doit être soutenue.

15 Recensement général de la Population et de l’Habitation, III, 2002.

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Le potentiel des secteurs artisanal et touristique est illustré par laprésence d’une frange importante de la population active, même si 90 %opèrent dans l’informel. Le textile, l’habillement, le travail du cuir et despeaux, les bâtiments et travaux publics, l’alimentation, les métaux et laconstruction mécanique, les bois et fibres végétales représentent plus des4/5 du secteur.

Suivant les prévisions du Programme d’ajustement structurel,l’amélioration des finances publiques découlerait de l’accroissement desrecettes, de la maîtrise et de la restructuration des dépenses. Ce quiimplique, outre le renforcement des procédures budgétaires et descontrôles, des mesures en vue de l’élargissement de l’assiette fiscale et desmesures spécifiques aux régies financières en vue de l’accroissement deleur rendement. En ce sens, le système fiscal doit se caractériser par lasimplification, l’allègement et la transparence. D’où la nécessité deprocéder à la révision du Code douanier, de mettre en œuvre un systèmeinformatisé, et de procéder à une réforme tarifaire qui soit en conformitéavec les exigences communautaires de l’UEMOA.

La maîtrise et la rationalisation des dépenses avaient visé la réductiondes effectifs de la fonction publique, le blocage des salaires, la limitationdes dépenses de carburant, de téléphone, d’électricité et d’eau et unemeilleure répartition des dépenses dans le domaine social de l’État (santé,éducation).

L’ajustement des arriérés de paiement concernait le rééchelonnement dela dette extérieure, la consolidation des dettes et la compensation descréances et des dettes des fournisseurs de l’État et du secteur de laproduction du coton.

La restructuration du secteur bancaire concernait la liquidation desbanques telles que la Banque Commerciale du Bénin et la BanqueBéninoise pour le Développement, avec le recouvrement de leurs créancesgelées, le remboursement des dépôts, la prise en charge par l’État de leursdettes à l’égard de la BCEAO. L’agrément de nouvelles banques,conformément aux critères et exigences de la réglementation bancaire, estsoumis aux normes de gestion et de prudence de la même réglementation.On notera également la promotion des institutions de micro-finance, larestructuration des chèques postaux et de la Caisse nationale d’Épargne.

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La réorientation de l’État vers les aspects prioritaires de la gestionpublique a conduit à la liquidation des entreprises non viables dont lareprise n’intéressait aucun opérateur du secteur privé, la privatisation totaleou partielle, la mise en gérance et le redressement de sociétés restant dansle portefeuille public. Pour ces dernières, des mesures de redressementrelatives à leur recapitalisation, la réduction des charges d’exploitation,l’amélioration de la production et du cadre juridique en vue de clarifier lesrapports entre l’État et les entreprises publiques, de responsabiliser lesdirecteurs généraux et de réaffirmer l’autorité des conseils d’administrationont été mises en œuvre.

La promotion du secteur privé appelait un certain nombre de mesures :

– la libéralisation du commerce avec la suppression du système delicence d’importation puis son remplacement par un système de déclarationà l’importation ;

– la limitation des produits soumis à un contrôle des prix (les produitsconcernés depuis le changement de parité CFA/Franc français étant le pain,les produits pétroliers, les médicaments et spécialités pharmaceutiques, lesfournitures scolaires, le ciment, l’eau et l’électricité) ;

– la révision du Code de travail en vue de simplifier les procéduresd’embauche et de licenciement ;

– la simplification et la modernisation du cadre juridique du droit desaffaires ;

– la révision du Code des investissements en vue de simplifier lesystème d’exonération fiscale et de rendre le Code automatiquementaccessible à tous les investisseurs sans procédure d’agrément ;

– la mise en application du nouveau Code des marchés publics.

Pour soutenir le secteur privé, les PAS ont prévu des structuresd’accompagnement tel que le Guichet unique pour l’accomplissementrapide des formalités de création d’entreprises, un dispositif de financementpar le biais du Projet d’appui aux petites et moyennes entreprises etl’Association pour la promotion et l’appui au développement de la micro-entreprise (PAPME-PADME), ainsi qu’un dispositif d’encadrement, de

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conseil, d’audit et de formation par le biais du Centre de promotion etd’encadrement des petites et moyennes entreprises (CEPEPE).

In fine, il s’est agi de réorienter l’économie par l’abandon du systèmedirigiste et de mettre en place une économie de marché par la réduction dela présence de l’État dans le processus de production des biens et serviceset la promotion du secteur privé.

Au terme de cette revue des deux modes de gestion de notre économieexpérimentés au cours des trente dernières années, on observe que lesréformes inspirées du mode de gestion étatique ont eu un caractère généralalors que les reformes inspirées du mode de gestion libérale ont étéspécifiques.

Quel a été l’impact réel de ces réformes sur la vie quotidienne desBéninois ?

Si le mode de gestion étatique a eu des conséquences négatives sur lacroissance, et a constitué le terreau sur lequel ont germé la corruption et lespertes de conscience professionnelle, le mode de gestion libéral a, malgréses effets positifs sur la croissance, entraîné des conséquences négatives surles conditions de vie des populations.

Les travaux du Sommet mondial sur le développement social de mars1975, à Copenhague, disposent que « la pauvreté se manifeste sousdiverses formes : absence de revenu et de ressources productivessuffisantes pour assurer des moyens d’existence viables ; faim etmalnutrition ; mauvaise santé ; analphabétisme ; morbidité et mortalitéaccrues du fait des maladies ; environnement insalubre ; discriminationsociale et exdusion ». Les indicateurs de pauvreté sont très significatifs,notamment la pauvreté rurale estimée à 33 % en 2000.

Quant à la pauvreté non monétaire, la moitié de la population béninoiseest concernée, avec une différence entre le milieu rural (59 %) et le milieuurbain (34,7 %). Le rapport du PNUD sur le développement humain auBénin (2003) aboutit à des conclusions similaires lorsqu’il affirme que « ledéveloppement humain a connu une légère amélioration ». En plus desdisparités entre centres urbains et milieu rural, le PNUD observe desdifférences persistantes entre hommes et femmes.

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Il est à déplorer que la faible capacité technique des ressources humainesdu pays ne lui permette pas de mettre convenablement en œuvre cesréformes et d’en mesurer l’incidence dans le cadre d’un plan de suivi etd’évaluation. La collecte des données sur la pauvreté dans notre paysdevrait être une préoccupation majeure.

C’est à une réflexion similaire que conduisent les conditions del’élaboration de la Stratégie de réduction de la pauvreté dont le processus abénéficié de l’appui des institutions de Bretton Woods. Il est certainementtrop tôt pour en mesurer les conséquences sur les bénéficiaires. Au vu desprojections du Gouvernement qui table sur un taux de croissance de 7%pour l’année 2005, on peut espérer une légère amélioration des conditionsde vie des populations.

Mais les limites de ces projections résident dans le faible tauxd’investissement (20,7 %) prévu pour cette même année ; elles découlentégalement de la contre-performance de notre économie en 2004. Le tauxréel de croissance prévu (6,8 %) sera difficilement obtenu en raison de labaisse sensible de l’activité économique (importation et réimportation) dueaux mesures de restriction prises par le Nigeria.

Tout en saluant la valeur professionnelle de nos compatriotes quitravaillent avec ardeur et dévouement à la réalisation des projets dedéveloppement dans le cadre du programme d’investissement public, ouavec nos partenaires, il me paraît opportun de recenser et de renforcer lescapacités techniques des ressources humaines de notre pays, à travers unmécanisme transparent, pour mettre en place un programme derenforcement. Il doterait nos cadres de différents secteurs des compétencesnécessaires pour analyser et suivre les résultats des réformes danslesquelles nous nous engageons.

Se pose ainsi le problème de la crédibilité d’un programme de réductionde la pauvreté à la conception et à l’élaboration duquel nous n’avons pasparticipé, et dont les compétences nationales ne peuvent rapidementévaluer l’impact pour le porter à la connaissance de l’opinion publiquenationale et internationale.

Certes, je mesure l’importance des stratégies de réduction de la pauvretécensées servir de tremplin pour satisfaire aux critères d’obtention descrédits issus de la remise de nos dettes vis-à-vis des partenaires du Fonds

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monétaire international et de la Banque mondiale. Mais ma conviction, déjàexprimée à l’égard des Programmes d’ajustement structurel, est qu’iln’existe pas de développement clés en mains, et que, pour augmenter leschances de succès, le développement doit être pensé, conçu, planifié etaccepté par nous.

D’importants travaux de recherche, notamment des études de perspectiveà long terme ont abouti à l’élaboration du scénario « Alafia » pour ledéveloppement du Bénin à l’horizon 2025. Les conclusions de ces travauxdevront servir à élaborer des politiques de développement qui s’inscriventdans la durée, à condition que l’état de la gouvernance s’amélioresensiblement.

La mise en place des infrastructures et des services constitue unecondition essentielle pour l’essor de l’économie nationale. Une analyse desefforts de l’État dans ce domaine indique le chemin parcouru, notammentau cours des dix dernières années. Il apparaît ainsi que, de 1990 à nos jours,les investissements en infrastructures routières se chiffrent à près de 314milliards de francs CFA. Elles permettent au pays de disposer, pour lemode de transport le plus utilisé, de plus de 2000 kilomètres de routesbitumées en bon état, de plus de 2252 kilomètres de routes en terre en étatsatisfaisant, de plus de 2500 kilomètres de pistes rurales bien entretenues.

Deux objectifs principaux ont été atteints : l’amélioration de lacirculation intérieure des personnes et des biens et une bonne connexionavec les pays voisins (Togo, Nigeria, Niger, Burkina Faso) par desinfrastructures adaptées aux données géographiques.

L’ouverture du corridor Bénin-Niger, marquée par le bitumage d’un boutà l’autre de l’axe Cotonou-Malanville, a placé l’Organisation communeBénin-Niger (OCBN), unique opérateur institutionnel du sous-secteurferroviaire, dans une situation alarmante qui risque, à terme, de débouchersur une grave crise financière.

En dix ans, son activité « transport voyageurs » a été réduite de 1/6 etson activité marchandises a diminué de plus de 50 % ; les dettes contractéespour réhabiliter la voie ainsi que certains moyens de production ont étéévalués à plus de 11 milliards de francs CFA en 2000. La survie del’institution dépend des subventions dont elle a bénéficié ou continue debénéficier ou du bradage d’une partie de son patrimoine. Le processus de

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mise en concession de cette entreprise est enclenché. Le poids du transportferroviaire dans notre économie demeure relativement faible, voirenégligeable. Il est à relever qu’après la remise en état de près de 400 km devoie sur 438 en exploitation, les trains peuvent circuler entre 60 et 80km/heure sur ce réseau ferré.

Depuis 1991, le port de Cotonou a connu un regain d’activité illustré parune croissance régulière des importations. Le trafic a enregistré des pics deplus de 2,5 millions de tonnes au titre des marchandises importées etexportées, conséquence de la mise en œuvre de réformes dont plusieursvolets ont été consacrés à la réhabilitation des infrastructures et à desrestructurations d’entreprises. De 1991 à 1996, les investissements réaliséspour soutenir ces actions sont estimés à près de dix milliards de FrancsCFA.

Ces investissements ne concernent que les infrastructures portuaires etn’intègrent pas les efforts des autres acteurs publics tels que la Sociétébéninoise des manutentions portuaires.

L’exécution d’un plan d’action stratégique visant à améliorer le port sansétendre sa superficie a conduit à la réalisation des travaux des quais etinstallations ainsi que des voies de circulation. Des travaux ont été aussiengagés dans le cadre de l’amélioration de la sécurité dans l’enceinteportuaire. Ces investissements ont fait progresser les dettes du Portautonome de Cotonou sur la période 1997-2001 de 1,183 à 11,443 milliardsde francs CFA. Les investissements lourds programmés portent surl’informatisation du guichet unique, la rénovation des installations en épisde sable et des travaux de maintenance des quais.

La libéralisation de la manutention des conteneurs et de la gestion desterre-pleins à conteneurs, consacrée par le décret n° 98-156 du 28 avril1998, a donné lieu à trois concessions dont deux à des opérateurs privés etun à la SOBEMAP. Dès lors, des investissements relativement importantsont été réalisés dont la plupart en BOT16.

16 Le BOT (Build Operate Transfer) a été promu à Taiwan dans le cadre de laconstruction d’infrastructures routières, pour le compte du Gouvernement. Il donne ausecteur privé la possibilité d’assister le Gouvernement dans la construction desinfrastructures publiques en limitant la trop forte implication de ce dernier.

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Les dépenses d’entretien courant des infrastructures portuaires sontpassées de 400 millions en 1997 à 550 en 1998 puis à un milliard en 2000.Pour les grosses réparations au titre de l’entretien périodique, le budget(exercice 2000) a été exécuté à hauteur de 2,6 milliards de Francs CFA.Tous ces efforts ont concouru à la bonne tenue du port avec des ouvrages,installations et équipements généralement en état de fonctionnement.

Le port autonome de Cotonou participe en fonds propres auxprogrammes d’investissement au côté des prêteurs. Il assure lui-même unebonne partie des dépenses d’entretien courant ou périodique.

À l’occasion des travaux préparatoires du sixième sommet de laFrancophonie (Cotonou, 1995), la piste d’envol et d’atterrissage del’aéroport de Cotonou, ainsi que la voie de circulation et une partie desaires de stationnement ont été réhabilitées, et un nouveau salon d’honneur aété construit. Le tout pour un montant de quelque quatre milliards deFrancs CFA. De 1999 à 2000, d’autres travaux ont été exécutés : unedeuxième salle d’embarquement et la climatisation de l’espace aérogare-passagers pour un montant d’environ 750 millions de Francs CFA. Entre2000 et 2001, 1,2 milliard a été dépensé pour la réhabilitation, lamodernisation et l’agrandissement de l’aérogare passagers.

Depuis 2002, des travaux d’extension du hall déplacement, de l’espaceenregistrement, de réaménagement des circuits de sûreté, de création denouveaux bureaux administratifs, ont concurrencé et sont estimés à 1,7milliard de Francs/CFA. Ces investissements ont permis à l’aéroportinternational de Cotonou de disposer d’une piste revêtue et balisée de 2 400mètres de long sur 45 mètres de large, en bon état de service ; d’aires destationnement pour les avions, insuffisantes cependant aux heures depointe ; d’une aérogare passagers de 4.509 m2 ; d’une aérogare fret de 2200 m2 nécessitant des travaux de réhabilitation et d’agrandissement ; d’unparking véhicules.

Ces équipements suffiront à faire face aux exigences de développementdu trafic pendant plusieurs années, mais la construction d’un aéroportinternational moderne s’avère nécessaire.

L’accès du pays aux nouvelles technologies est faible. Des efforts sontdéployés dans le domaine de la téléphonie pour profiter de l’essor des

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réseaux mondiaux de télécommunications et des nouvelles technologies del’information et de la communication.

L’opérateur public des télécommunications – l’Office des Postes etTélécommunications – s’est employé à satisfaire la très forte demanded’accès à ces nouveaux outils. De 1991 à 2003, les investissements ontconnu un accroissement significatif, passant de 943,5 millions à 15milliards de FCFA.

Ces investissements ont fortement alourdi le service de la dette de cetopérateur, situation qui n’est pas de nature à faciliter la mise en œuvre de laréforme du secteur des télécommunications. Certains volets de cetteréforme, aujourd’hui acquise avec la naissance de « Bénin Télécom » et« la Poste du Bénin » portent sur la libéralisation du secteur destélécommunications et la privatisation de l’opérateur public destélécommunications. Il est difficile d’apprécier l’état des infrastructuresphysiques induites de ces investissements du fait de leur non visibilité et deleur très difficile accès.

L’Office des Postes et Télécommunications s’était efforcé d’être présentdans tous les départements. Cette présence est effective dans près desoixante localités considérées comme villes principales, secondaires ougrosses agglomérations. Ainsi, en terme de couverture en zone urbaine,l’opérateur présent peut faire valoir un taux de 100 %. Le taux de télé-densité est en moyenne nationale de 0,97, de 5,17 dans Cotonou et de 1,00dans le département de l’Ouémé par exemple. Il est très faible dans lesvilles secondaires. Le nombre de demandes d’installation d’une lignetéléphonique conventionnelle dans le département de l’Ouémé a dépassé3 300 avant l’avènement du téléphone portable. Au total, le nombred’abonnés dans ces zones urbaines ou semi-urbaines est estimé à 99 705.En matière de téléphonie rurale, le taux de couverture avoisine 10 % et lesdemandes non satisfaites sont estimées à 1 120.

S’agissant du délai moyen d’obtention d’une ligne téléphonique, lesdonnées existantes ne sont pas fiables. Il peut varier de quelques jours àplusieurs années suivant l’état des relations (familiales, d’affaires,d’amitié…) existant entre le demandeur et les agents chargés d’étudier oud’installer la connexion propice ou bien suivant l’état des capacités d’offrede l’opérateur dans la zone de résidence du demandeur.

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Les tendances d’investissement observées au cours des quatre dernièresannées indiquent que le budget de la branche électricité pour 2004 a étévoté à hauteur de 22,77 milliards. Cet investissement permettra d’exécuterdeux grands projets d’extension de la capacité de production, notammentdans les régions septentrionales.

Les subventions d’investissement sont évaluées à plus de 17 milliards deFrancs CFA au 31 décembre 2001 contre 13,7 milliards de CFA au31 décembre 2002. Les emprunts sont évalués à environ 41 milliards deCFA au 31 décembre 2001 contre 40,2 milliards de CFA au 31 décembre2002.

En matière de consommation nationale, le bilan énergétique confère 2 %à l’électricité, 29 % aux hydrocarbures et 69 % aux autres combustibles. Lamoyenne nationale de la couverture en électricité est de 22 %. Elle estsusceptible de passer à 30 % en 2006 lors de l’achèvement des projetsd’électrification rurale en cours d’exécution, alors que le taux de couvertureen électricité en milieu rural se situe autour de 5 %.

Cotonou, Porto-Novo et Parakou, communes à statut particulier,disposent chacune d’au moins un grand marché à caractère régional ouinternational, de plusieurs gares routières de superficie variable.

L’affluence de touristes n’est pas très significative dans notre pays, endehors de certaines manifestations périodiques, bien que lesinvestissements réalisés dans le domaine aérien suffisent à rassurer ce typede clientèle génératrice de devises. La circulation routière reste le moyenprédominant d’échanges, notamment en matière de déplacement despersonnes et des biens. Elle se heurte, dans son fonctionnement, à deuxfreins : les tracasseries routières et le non respect des prescriptions relativesaux chargements (surcharges, encombrements, gabarits) et aux heures decirculation autorisées pour les véhicules lourds.

La généralisation des postes de péage et de pesage sur l’étendue duterritoire enrayeront, à terme, ce facteur négatif. La mise à dispositiond’infrastructures routières acceptables pour les besoins de la circulationn’est pas suivie d’une offre adéquate de capacités de transport, notammentpour le déplacement des personnes.

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Les mesures prises dans les lois de finances, gestions 2003 et 2004, quiont défiscalisé quelque peu l’importation des véhicules de transportcollectif, n’ont pas réellement incité les promoteurs à accroître ce parc.L’informel profite de cette situation.

Depuis quatre ans environ, l’État accorde une exonération des droits ettaxes sur les importations des matériels informatiques. Cette mesure acontribué au développement des cybercafés et autres centres téléphoniques.Grâce aux investissements de l’opérateur public en charge destélécommunications, les connexions internationales sont désormaispossibles. Cet opérateur n’arrive pas encore à satisfaire la demandeintérieure, ce qui cause souvent des préjudices importants audéveloppement des affaires et à la délocalisation de certains services. Il estmoins onéreux de téléphoner du Sénégal au Bénin que l’inverse.

L’opérateur public, dont le service après vente laisse beaucoup à désirer,est devenu particulièrement impopulaire dans le pays. L’État a ouvert lesous-secteur de la téléphonie mobile à quatre opérateurs GSM agréés. Laprogression de la consommation des produits qui en résulte est de plus enplus grande. L’engouement pour le téléphone portable a ouvert la voie à lacréation de nouveaux métiers et emplois. Plus de 100 000 abonnés ont étérecensés en un temps record. Ce nouveau système de communications’intègre désormais dans la vie quotidienne de l’agent public et privé,surtout du tertiaire. Mais ses coûts demeurent prohibitifs.

Malgré une réglementation sélective en matière d’exercice de laprofession de consignataire en douane et transitaire, près de cinquanteopérateurs ont été agréés, ce qui témoigne de la détermination du secteurprivé à prendre en main la gestion du positionnement géographique du paysqui lui confère un caractère de transit. Les centres de formation en transitprospèrent. Une nouvelle classe de riches émerge et prend corps laissantdes traces tangibles dans la construction d’immeubles dans les grandesvilles du pays.

L’État continue de régenter les prix de l’eau, de l’électricité, ducarburant, de la téléphonie, des prestations publiques portuaires. Il continuede peser lourdement sur le secteur des services. En matière de transportroutier, la réglementation tarifaire se fait de plus en plus timide laissant lemarché se réguler de lui-même. La question de sécurité transfrontalière etde circulation sur les routes de l’hinterland reste préoccupante. Elle risque

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de compromettre tout effort de restauration et de promotion du corridor detransit vers le Nigeria et les pays de l’hinterland.

Au total, pour tenir son rôle de pays de transit et de services dans lasous-région, le Bénin devra améliorer la qualité des services.

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Les réformes sociales

Plusieurs réformes dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’eauet de l’assainissement ont jalonné notre parcours d’État souverain.

L’importance du social dans la vie quotidienne des populationsrecommande une analyse de chacun des secteurs au cours des quatredernières décennies. J’évoquerai les réformes du système d’éducation enraison de son importance dans les efforts de développement ; le primaire enparticulier.

Les réformes intervenues révèlent le souci des gouvernants de donneraux enfants et aux adultes un savoir de base nécessaire à leur participation àla construction de l’économie nationale. Comme d’autres pays africains, lenôtre s’est largement inspiré des travaux de nombreuses conférencesinternationales dont l’objectif était de fournir un cadre de réflexion auxjeunes États indépendants pour la mise en place de systèmes d’éducation etde formation répondant aux aspirations au développement.

De la conférence d’Addis-Abeba (1960), à celle de Lagos (1976) enpassant par celles d’Abidjan (1964) et de Nairobi (1968), la volonté a étéexprimée de donner à l’éducation toute son importance. Plus récemment, laconférence de Jomtien a proclamé l’éducation pour tous, tandis que lecolloque de Dakar 2000 a recommandé des stratégies pour l’accès desenfants à l’éducation. De toutes ces rencontres, peuvent être extraits lesprincipes généraux suivants : assurer l’éducation de tous les enfants en âged’être scolarisés, rendre l’enseignement primaire gratuit et obligatoire,

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étudier les problèmes relatifs à l’intégration de l’éducation audéveloppement économique, social et culturel.

Ces principes ont été réaffirmés dans notre Constitution du 11 décembre1990 (article 13) qui rend l’éducation primaire obligatoire et gratuite.

La volonté de la communauté internationale, ajoutée à l’engagement desgouvernants, a servi d’élément catalyseur aux réformes que ce secteur aconnues de 1960 à 1990. Elles avaient pour objectif d’accroître l’accès detous les enfants du Bénin à une éducation leur permettant de prendre part àla vie de la Nation. La réforme actuellement en cours, dont les Nouveauxprogrammes d’études, constituent l’ossature, se distingue par l’importanceaccordée à la scolarisation des jeunes filles.

L’État a consenti de très importants investissements pour ledéveloppement du secteur de l’éducation depuis 1960, avec la volontéaffichée de démocratiser l’enseignement primaire.

L’évolution du taux de scolarisation depuis 1972 est remarquable danstous les ordres d’enseignement. Dans l’enseignement primaire, le taux brutest passé de 34,3 % en 1972 à 98,3 % en 2002. C’est principalement aucours de la période 1990-2003, suite aux recommandations de laConférence nationale, qu’une nouvelle politique éducative a été élaborée etmise en œuvre avec de profondes transformations partielles ou intégralesdu système éducatif.

Les États généraux de l’Éducation, tenus à Cotonou, du 2 au 9 octobre1990, ont assis les fondements de notre politique en cette matière. Pour cesÉtats généraux, « l’heure de l’homme ne fait que commencer, et pour quetoute étoile chute du ciel à notre commandement, nous nous devons decultiver l’excellence à tous les niveaux : intellectuel, éthique, technique,manuel, artistique avec pour enjeu la protection de l’environnement, en unmot, excellence de l’homme dans toutes ses dimensions »17.

Cependant, loin d’être globale, la réforme de 1990 a été partielle commeen témoignent les Actes des États généraux : « Il ne s’agit pas d’investirnécessairement un système éducatif nouveau, mais de s’inspirer desexpériences passées en vue d’améliorer les programmes qui existent déjà ».

17 Actes des États généraux de l’Éducation, pp. 32 et 34.

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Elle ne fut pas non plus, une réforme figée : « Le système éducatif resteraouvert à toute innovation positive ».

Les réflexions menées ont permis d’actualiser les objectifs définis dansle document Cadre de politique éducative adopté par le Gouvernement en1991 :

– garantir l’égalité des chances d’accès à l’éducation pour tous lesenfants de 6 à 15 ans ;

– renforcer la qualité de l’offre d’éducation (stratégie « École deQualité fondamentale ») ;

– renforcer le cadre institutionnel ;

– développer la formation technique et professionnelle ;

– développer et rationaliser l’éducation non formelle ;

– développer l’alphabétisation ;

– rationaliser les différents ordres d’enseignement public et privé et larecherche scientifique ;

– mobiliser et gérer rationnellement les ressources.

Ces huit orientations stratégiques ont été le cheval de bataille desGouvernements qui se sont succédé. Elles constituent les défis à releverdans ce secteur. Plusieurs actions ont été entreprises dans divers sous-secteurs, visant toutes l’amélioration de l’accès à une éducation de qualité.Elles ont été aussi confortées par la loi d’Orientation de l’Éducationnationale en République du Bénin, adoptée par l’Assemblée nationale le 17octobre 2003 : « Dans le respect des principes définis par la Constitutiondu 11 décembre 1990, l’éducation, en République du Bénin, constitue etdemeure la première priorité »18.

Malgré les efforts de mise en œuvre de la réforme en cours, le ratio estd’un enseignant pour 62 élèves ; il demeure élevé. Ce qui pose le problème

18 Loi n° 2003-17 du 17 octobre 2003.

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de l’insuffisance du nombre d’enseignants, mais aussi celui de la qualité del’enseignement offert à nos enfants.

Somme toute, l’analyse de l’évolution des effectifs scolaires montre qued’importants pas ont été faits pour accroître l’accès du plus grand nombre àl’éducation à partir de 1990. Cependant, le taux brut de scolarisation – l’undes plus élevés de la sous-région – ne manque pas de questionnement quantà la scolarisation des filles. Malgré la suppression, en 1994, de leurs fraisde scolarité en milieu rural, l’écart entre le taux de scolarisation de cesdernières et celui des garçons, ne cesse de se creuser, exception faite dequelques communes, comme Sinendé.

L’efficacité interne du système, et la qualité de l’éducation, posentd’importants problèmes. Qu’il s’agisse de l’évolution du taux depromotion, du taux de redoublement (21,85 %)19, du taux d’abandon(8,45 %)20, de la qualification des enseignants ou encore du taux de réussiteau Certificat d’études primaires (48,45 %)21, ou de l’accès des filles àl’enseignement secondaire.

Le taux de redoublement très élevé, notamment pour les filles vers la findu cycle d’éducation primaire (16,97 % au CI et 36,09 % au CM2), nousinterpelle dès lors que nous prônons l’égalité des chances pour tous lesenfants. De même qu’est préoccupant le taux relativement élevé d’abandonqui culmine à 19,50 % à la fin du cycle primaire.

Les statistiques disponibles montrent clairement une forte propension àl’abandon dans le système primaire, d’où le problème de l’insertion des19,50 % qui sont rejetés en fin de cycle. Que deviennent les filles et lesgarçons que rejette le système ? Cette question mérite une réponse si nousvoulons construire un État qui valorise les ressources humaines commeatout majeur de tout effort de développement.

Sous-jacent à celui qui précède, le facteur le plus handicapant del’enseignement primaire est le faible taux d’enseignants qualifiés :62,31 %, chiffre qui cache mal d’autres réalités auxquelles l’école

19 Annuaire statistique MEPS, 2002-2003, DPP, p. 100.20 Annuaire statistique MEPS, 2002-2003, DPP, p. 101.21 Annuaire statistique MEPS, 2002-2003, DPP, p. 137.

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béninoise se trouve confrontée, notamment celle des enseignantscommunautaires.

Les résultats scolaires s’en ressentent forcément, au grand dam desélèves, des parents et de la Nation. À la session de juin 2002 du Certificatd’études primaires, on compte seulement 48,45 % de reçus, ce qui confirmeque le problème de l’efficacité du système se pose avec acuité et que desmesures doivent être prises pour améliorer cette situation.

L’enseignement primaire et l’enseignement secondaire entretiennent desrelations de complémentarité. Malheureusement l’articulation entre lesdeux sous-secteurs n’est pas encore atteint. Si nous voulons des hommes debonne formation, dont notre pays a un grand besoin, une réflexion profondes’impose. De 1992 à 1998, par exemple, le taux brut de scolarisation n’estpassé que de 12,5 % à 21,4 % dans l’enseignement secondaire, soit un tauxfaible pour la décennie 1990-2000. L’analyse du même taux au secondcycle montre l’ampleur de l’inefficacité de notre système d’éducation,véritable machine de rejet de la jeunesse.

L’enseignement secondaire nécessite une plus grande attention, et uneréforme conçue et mise en œuvre dans la droite ligne de celle en cours dansle primaire.

S’agissant de l’enseignement supérieur, dont les effectifs ont doublé de1996 à 2003 (12 176 à 29 418)22, sa particularité réside dans la prioritéaccordée aux formations d’ordre général sur les formationsprofessionnelles, et sur la grande disparité entre garçons et filles, audétriment de ces dernières.

Quant à la recherche scientifique, complément indispensable du systèmed’enseignement supérieur, elle ne bénéficie pas d’un effort soutenu.

Ce qui témoigne de l’effort considérable consenti par le Bénin dans lesecteur de l’éducation, c’est l’accroissement des investissements au coursdes cinq dernières années. De 27 500 milliards en 1998, ces dépenses sesont élevées à 65 173 milliards en 200323.

22 Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.23 Ministère des Finances et de l’Économie, Direction du Budget.

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Au cours des cinq dernières années, le système d’éducation – primaire,secondaire et supérieur – a été perturbé par des grèves d’enseignants etd’étudiants. L’analyse de ces mouvements fait ressortir que leurs causesrelèvent plus de difficultés d’organisation et de gestion que de problèmesfinanciers.

Mais la plus grande menace qui pèse sur notre système éducatif est lapression démographique. Les statistiques indiquent que l’effectif des élèvesdans l’enseignement primaire a doublé tous les douze ans de 1961 à 1999.Au cours de cette période, le nombre des élèves a été multiplié par près de10, passant de 89.116 à 875.676, soit un taux moyen de progressionannuelle de 6,72 %. Cet accroissement des effectifs implique uneplanification rigoureuse dans le cadre de la satisfaction des besoins enenseignants, en construction de salles de classe, en manuels scolaires et enmatériels didactiques.

Cette analyse appelle la mise en œuvre de moyens importants. Un payscomme le Bénin, aux ressources limitées, ne peut se targuer de les dégagersur ses ressources propres s’il ne fait pas appel à l’appui des partenaires audéveloppement. La situation de notre économie n’autorise pas desinvestissements permettant de satisfaire les besoins qu’engendre une fortecroissance démographique.

Les défis les plus importants vont résulter de l’évolution démographique.Notre pays devra faire face, en effet, à un nombre croissant d’enfants enâge d’aller à l’école. Des sources sérieuses24 indiquent qu’entre 2000 et2025, le nombre d’enfants à scolariser sera compris entre 32 000 et 50 000chaque année, si le taux de fécondité, actuellement de 5,6 %, n’est pasmaîtrisé. La demande en nouveaux enseignants de l’enseignement primairesera comprise chaque année entre 750 et 850, pour la période 2000-2010, etentre 875 et 1 360 pour la période 2016-2025.

Les dépenses de fonctionnement pour l’enseignement primaire à lacharge de l’État et des parents sont de l’ordre de 23 milliards en 2025. Lesdépenses d’investissement connaîtront une croissance exponentielle. Enmoyenne, 1 140 nouvelles salles de classe seront nécessaires entre 2000 et2025.

24 La population au Bénin : évolution et impact sur le développement, MECCAG-PDPE,pp. 23 et 24.

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Les défis du secteur de l’éducation sont considérables. Ils nécessitentune organisation plus rigoureuse, non seulement de l’administration qui enassure la gestion, mais, surtout, une économie en croissance soutenue pourfaire face aux dépenses d’investissement qu’exige la satisfaction de besoinsen augmentation.

Le secteur de l’éducation doit également relever d’autres défis quitiennent surtout aux facteurs exogènes, tels que l’accélération du processusde globalisation de l’économie qui impose un environnement marqué parl’accroissement rapide du commerce international et des flux de capitaux,l’intégration des processus de production, l’harmonisation des politiques etrèglements commerciaux et fiscaux dans le cadre des efforts d’intégrationrégionale. Le secteur est désormais soumis à des exigences scientifiques ettechnologiques que lui impose le développement des nouvellestechnologies, notamment celles de l’information.

On ne saurait occulter la pauvreté et le bas niveau de productivité denotre capital humain qui ralentissent la croissance économique. Il faut aussiprendre en compte les menaces que constitue la propagation du VIH/SIDAsur notre population la plus active (15-49 ans).

La faible capacité des produits de notre système, inadaptés auxexigences d’une économie arrimée au train de la mondialisation, est, dansune large mesure, due à l’insuffisante intégration des enseignementstechniques et professionnels. La qualité des produits du système ne cessede se dégrader.

Des études conduites par la Banque africaine de Développement ontmontré que, « aussi bien dans le sous-secteur de l’enseignement primaireque dans le secondaire, les écoliers et les élèves africains apprennentmoins que leurs homologues des autres parties du monde. De nombreuxtests répétés ont, par exemple, démontré que les élèves qui sortent dusystème d’éducation ne comprennent pas toujours ce qu’ils lisent. Dans lesecondaire, les tests ont même démontré que les résultats obtenus par lesétudiants africains sont largement en deçà des attentes, notamment dansles sciences et les mathématiques. Dans l’enseignement supérieur quelquespays africains affichent un déclin progressif de la qualité des résultatsuniversitaires, un manque de rigueur dans le recrutement et la promotion

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du personnel, un manque de compétences des étudiants et deschercheurs »25.

Il est actuellement établi que notre système d’éducation pêche par le peud’importance accordée à l’enseignement des disciplines scientifiques ettechnologiques. Dans le cas du Bénin, le niveau insuffisant de recrutementdans les filières scientifiques et techniques et la qualité médiocre desprogrammes de formation dans ces mêmes filières ont pour causes lemanque de possibilités pour les élèves du primaire et du secondaire d’êtreen contact avec les sciences et les technologies, le manqued’infrastructures, de matériels et d’équipements (laboratoires, ateliers,bibliothèques, etc.). La situation économique et les ressources disponibleslimitent gravement le développement de l’enseignement des sciences et dela technique.

Au début des années 1990, l’État a manifesté sa volonté d’encourager lesmeilleurs élèves, notamment ceux des filières scientifiques, en octroyantdes bourses d’excellence à ceux qui avaient obtenu le baccalauréat avecmention bien. Mais cette décision n’est malheureusement plus appliquéedepuis quelques années.

L’évolution du taux d’alphabétisation demeure encore faible malgré lesefforts consentis par l’État pour offrir aux adultes, surtout en milieu rural etpériurbain, les moyens de participer à la gestion transparente des affairespubliques. L’évolution du taux d’alphabétisation des adultes âgés de quinzeans et plus au cours des vingt dernières années a été lente (22,8 % en 1979 ;32,6 % en 2002)26.

Cette faible performance de notre système de formation des adultes estun handicap à l’accélération de la croissance économique, en même tempsqu’elle ralentit la participation des citoyens à la gouvernance locale etnationale. Comme dans le système éducatif formel, l’accès des femmes auxservices d’alphabétisation est encore faible (21,9 %, contre 45 % pour les

25 African Development Bank : Education Sector Policy Paper, OCOD, december 1999,p. 14.26 Recensement général de la Population et de l’Habitation (RGPH 1, 2 et 3).

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hommes). Il est donc important que nous repensions toute la politiqued’éducation des adultes.

Comme l’éducation, le secteur de la santé a connu une série de réformespour garantir aux populations l’état de bien-être physique et mentalnécessaire à leur participation à la vie économique.

Depuis la déclaration de la conférence internationale d’Alma Ata tenueen 1978 sur l’accès des populations aux soins de santé primaires, notresystème sanitaire a enregistré plusieurs réformes. Leur objectif est de fairedes populations de meilleurs agents économiques. Les réformes ont misl’accent sur les activités de prévention, à travers l’information, l’éducationet la communication, les activités curatives avec la mise en place d’unepolitique pharmaceutique de médicaments essentiels sous des nomsgénériques, la réhabilitation et la construction d’infrastructures sanitaires,la prévention et la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles.

L’importance de la santé dans notre vie quotidienne, notamment dans laproduction et la croissance économique, commande de porter un regard surle profil sanitaire de notre pays, notamment sur les résultats des différentsprogrammes mis en œuvre pour améliorer l’état de santé de la population.

Il est juste de reconnaître que l’État a développé, au cours des dixdernières années, une politique orientée vers l’amélioration de l’accès, de laqualité des soins et la mise en place de nombreuses infrastructures. L’unedes particularités de cette politique est que le Bénin a pris progressivementen charge la totalité de l’achat des vaccins du programme élargi devaccination.

Au titre du bilan de cette politique, il convient d’inscrire la couvertureen structures sanitaires. En 2000, le Système d’information et de gestionsanitaire a dénombré 671 formations sanitaires du secteur public et 631cliniques du secteur privé qui ont offert des prestations aux populationsbéninoises, soit un total de 1.302 formations sanitaires contre 1.073 en1997. Cette amélioration s’est traduite par une progression de 21 % du tauxde couverture. Les lits d’hospitalisation sont passés de 3.973 en 1997 à6.684 en 2000, soit un accroissement de 68 %. Les lits de maternité ontégalement augmenté durant la même période.

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Malgré cette nette avancée dans la mise en œuvre d’une politique plusvolontariste en matière de santé, malgré le renforcement des infrastructures,le taux d’utilisation des services de santé reste bas (36 %).

Les raisons invoquées pour expliquer la désaffection des usagers ont traità l’accessibilité financière et géographique, au mauvais accueil et àl’insuffisante qualité des soins. Une solution durable passe par ladisponibilité en personnel qualifié et l’amélioration de l’accueil. D’où lanécessité d’une supervision régulière des services que le ministère de lasanté n’assure pas convenablement.

Les affections endémo-épidémiques dominent les pathologiesfréquemment observées. Les principales affections relevées dans lesformations sanitaires en 2000 sont, par ordre décroissant : le paludisme(35 %), les infections respiratoires aiguës (17 %), les traumatismes (6 %),les anémies (4 %). Ces affections représentent 77 % des cas déclarés.

Le paludisme occupe donc le premier rang. En 2000, l’incidence dupaludisme simple et du neuro-paludisme reste élevée, surtout pour lesenfants de 0 à 4 ans.

L’incidence du paludisme sur les populations, notamment sur les enfantsde moins de cinq ans et les femmes enceintes, est désastreuse en Afrique engénéral et au Bénin en particulier. Les chefs d’État africains l’ont si biencompris qu’ils se sont réunis à Abuja, en avril 2000, pour réfléchir surl’influence du paludisme sur les progrès économiques et sociaux ducontinent. Ils ont fixé des objectifs à court terme pour réduire la mortalitédue à ce facteur.

Cette stratégie fortement soutenue par des partenaires au développement,notamment l’UNICEF, l’USAID et le Fonds mondial pour la lutte contre lepaludisme, le VIH/SIDA et la tuberculose, doit se poursuivre ets’intensifier dans le pays grâce à une meilleure coordination et unemeilleure gestion des ressources.

Les infections sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA sont enconstante progression. En 2001, l’incidence moyenne des infectionssexuellement transmissibles est de 3,2 pour 1000 habitants et le taux de

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prévalence générale du VIH/SIDA est de 4,1 %. La couche la plus touchéeest la population âgée de 15 à 49 ans (91 % des malades).

Les projections de l’Institut national de la Statistique et de l’analyseéconomique prévoient une prévalence du VIH/SIDA de 5,95 % chez lesadultes en 2006 avec un accroissement annuel continu des nouveaux cas denaissances séropositives.

Si l’effort du Gouvernement en faveur de la lutte contre le VIH/SIDA setraduit par une augmentation significative des ressources prévues au budgetnational, une certaine confusion existe quant à la coordination.

C’est le lieu de saluer l’appui des partenaires du Bénin qui investissent,aux cotés de l’État, dans la prévention de cette pandémie. Il reste cependantqu’une attention plus soutenue doit être accordée aux personnes vivantavec le VIH. Les ressources disponibles dans ce cadre doivent, en priorité,être orientées vers elles.

La tuberculose reste aussi un problème. De toutes les formes de cettemaladie, la tuberculose pulmonaire est la plus répandue. Elle est présentedans l’ensemble des tranches d’âge et frappe surtout les hommes. En 2000,le Programme national de lutte qui lui est consacrée a enregistré 2.286nouveaux cas. L’incidence de cette affection en 2000 est de 37 pour1000.000 habitants. Elle est élevée dans la couche productive du pays, quelque soit le sexe.

La mortalité générale (13 pour 1000) et infantile (89,1 pour 1000naissances vivantes) ainsi que la fécondité (5,6 enfants par femme en 2001)sont importantes. Il en est de même pour la mortalité maternelle : 498 décèspour 100 000 naissances27.

La malnutrition et l’anémie font également des ravages. L’allaitementmaternel concerne 97 % des enfants nés dans les cinq dernières annéesnourris au sein pendant un certain temps. Il n’est exclusif que chez 38 %des enfants de moins de six mois.

Les dépenses du secteur ont connu une progression significative. De1997 à 2003, la part du budget de l’État consacré à l’amélioration de la

27 Enquête Démographique et de Santé Bénin I, 1996.

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santé a progressé, passant de 27, 8 milliards à 39,5 milliards. En terme depourcentage, le budget de santé a connu une évolution en dent de scie28. Lacontribution des communautés de base dans le financement du secteuroscille entre 7 % et 11 %, de 1997 à 2001.

La contribution des partenaires en vue d’améliorer les conditionssanitaires des populations s’est accrue. Les statistiques corroborent ceconstat. Elles indiquent qu’au cours de la même période, le financement parles aides internationales est passé de 26 à 38 %.

On note cependant une faible implication des structures nationales et desdifficultés dans le suivi de l’utilisation de ces contributions, notamment duretard dans la mise à disposition, outre une absence d’informationsafférentes à l’utilisation de ces ressources. Cette situation se complique parle fait que le budget alloué par l’État à la santé, n’est jamais entièrementexécuté, même s’il faut saluer les efforts déployés par ce dernier pourfinancer, à hauteur de 31,71 %, le programme d’investissement public dusecteur.

Des efforts supplémentaires seront nécessaires pour accroître lesressources internes et assurer la pérennité des programmes financés par lespartenaires au développement.

Les données statistiques issues des différentes opérations du dernierRecensement général de la population et de l’habitation montrent que lapopulation croit à un rythme élevé (3 % par an) et que ce taux n’a pas variéde façon significative de 1992 à 2006. Selon des études prospectives, lapopulation béninoise passera à 15 millions d’ici 2025. Déjà, le déficit enpersonnel santé, malgré les efforts de recrutement d’agents permanents etcontractuels est très vivement ressenti sur le terrain. De nombreux centresconstruits dans les zones rurales attendent d’être dotés en personnel qualifiépour fournir les services attendus.

Le premier défi du secteur de la santé est d’ordre démographique.L’amélioration observée au niveau des indicateurs de santé est laconséquence des efforts dans tous les domaines. On peut noter un progrèsremarquable des ratios, notamment ceux relatifs au nombre de médecins et

28 Source : SPED/DPP & Direction des Ressources Financières et Matérielles,Ministère de la Santé publique.

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d’infirmiers par habitant. Le Bénin comptait, en 1996, un médecin pour7.830 habitants contre un médecin pour 21.000 habitants en 1981 et unmédecin pour 45.000 habitants en 1966. Le nombre d’habitants parinfirmier est passé de 3.328 en 1989 à 2.944 en 1996. Ces ratios sontencore en-dessous des normes de l’Organisation mondiale de la Santé pourles pays en développement29.

En dehors du fait qu’ils sont très bas, ils cachent d’importantes disparitésd’un département à un autre. Les projections démographiques font étatd’une demande croissante en personnel soignant, nécessitant la formationet le recrutement de 110 infirmiers par an pour couvrir les besoins d’ici à2025. Elles supposent également que 41 médecins soient formés chaqueannée pour le secteur public et privé, d’ici à 202530.

L’autre défi majeur réside dans la capacité de l’État à mettre en placeune politique sanitaire cohérente répondant aux besoins des populations.Cette vision des choses déborde le seul domaine de la santé. Elle doitprendre en compte l’impact des autres secteurs (eau, transport, éducation,recherche scientifique, etc.). Dans cette perspective, il s’avèreindispensable de tirer le meilleur parti de l’appui financier considérable quele Fonds mondial de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculoseoffre aux pays pauvres, afin de réduire l’écart entre les besoins et lesressources disponibles.

La réforme mise en œuvre par l’État béninois, à partir de 1980, dans lecadre de la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissementa permis d’élaborer deux lois, l’une portant Code d’hygiène et l’autrerelative à l’approvisionnement en eau potable et à l’assainissement. Cestextes ont permis de mettre en marche des programmes orientés vers lasatisfaction des besoins en eau et en services d’assainissement. Il s’agissaitde desservir en eau, 80 % de la population (avec un minimum de 10litres/jour/personne). Il s’agissait également de consolider le système dedrainage (couverture de la ville de Cotonou à 50 % et des autres villes à40 %), la collecte des déchets solides et l’évacuation des excréta. Desprogrès ont été enregistrés grâce à cette réforme, même s’ils sont loind’atteindre les objectifs fixés. Ainsi, en matière d’eau, le taux de

29 L’OMS a établi comme norme « internationale » : un médecin pour 10.000 habitants,un infirmier pour 5.000 habitants et une sage-femme pour 5.000 habitants.30 MECCAG-PDPE, La population au Bénin, mai 2000, p. 28.

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couverture, de 15 % en zone rurale et de 26 % en zone urbaine en 1980 estpassé à 46 et 66 %. Cette avancée importante a été rendue possible par uneréorganisation de la Société béninoise d’électricité et d’eau.

La situation actuelle dans le secteur de l’eau est caractérisée par uneprise de conscience plus accrue de son importance dans la santé et la viedes populations. Aussi, dans la droite ligne des Objectifs du Millénairepour le Développement, et du slogan « de l’eau pour tous », d’importantsinvestissements ont été consentis, avec, en toile de fond, une réforme quiconsacre une accélération des programmes d’hydraulique villageoise.

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IV.– Les chantiers de l’avenir

« Les hommes sont faits pour s’entendrePour se comprendre et pour s’aimer

Ont des enfants qui deviendront pères des hommesOnt des enfants sans feu ni lieuQui réinventeront les hommes

Et la nature et leur patrieCelle de tous les hommesCelle de tous les temps »

Paul ÉluardLe Phénix

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Au terme de trois décennies, marquées par la Révolution du 26 octobre1972 et la Conférence nationale des Forces vives, de nombreuses mutationssont intervenues, qui donnent au Bénin son visage actuel.

Bien que les résultats n’aient pas toujours été à la hauteur desespérances, des avancées ont été relevées, notamment sur les plans socio-économiques et dans le renforcement de l’architecture institutionnelle.

Ma vision politique tire sa source de l’analyse des réalités et de l’état duBénin, des risques vécus ou potentiels, de la volonté de lever les obstacles àun mieux-être partagé. Elle fonde mes choix politiques et stratégiques, àpartir de quelques enjeux essentiels qui déterminent les futurs possibles.

Quatre éléments conditionnent le progrès social et la prospérité dansnotre pays : la jeunesse, l’éthique, les infrastructures de base et l’économie.

La jeunesse occupe la première place dans la population béninoise. Lesjeunes de moins de 15 ans représentent environ 45 % de la population. Ilest donc important de promouvoir une éducation obligatoire pour tous(jusqu’à 15 ans au moins), impératif d’une économie qui se modernise, depromouvoir l’égalité des chances entre filles et garçons en matièred’éducation, de favoriser le leadership des jeunes, et de faciliter leur accèsà l’emploi et à l’auto-emploi.

Une éthique nouvelle dans la gestion des affaires publiques et dans lescomportements des citoyens est indispensable. En effet, face à la pauvretéqui est une tragédie, la corruption est un crime. Elle retarde l’évolutionpositive de la société, altère les valeurs et le progrès économique partagé.

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Elle représente un danger pour la démocratie. Cette éthique nouvelleimpose le respect de la chose publique, le bannissement de l’impunité,l’amélioration de l’image des responsables de l’État à travers la lutte contreles abus de biens sociaux, les détournements de fonds, la corruption, lafraude, la contrebande et le blanchiment des capitaux.

De même, les infrastructures de base telles que celles relevant dessecteurs de l’eau, de l’énergie, des télécommunications, de l’éducation, dela santé, des transports ainsi que les maisons de jeunes et de la culture, lesbibliothèques municipales, etc., doivent être développées. Elles constituentla base du progrès social partagé.

L’économie béninoise, de petite taille et peu diversifiée, évolue dans uncontexte institutionnel favorable. Elle dispose d’une bonne positiongéographique, non seulement pour le transit mais aussi pour la créationlocale de produits de réexportation. Toutefois, la fragilité des structureséconomique fait peser des risques permanents sur le rythme de lacroissance. Trois principales difficultés structurelles sont à souligner :

– la filière coton, principal moteur de la croissance économique, connaîtdes difficultés d’organisation et est en passe de devenir un facteurdéstabilisateur de l’économie ;

– la forte dépendance du Bénin vis-à-vis du Nigeria, au regard del’ampleur du commerce de réexportation, parfois illicite ;

– l’évolution croissante du secteur informel qui introduit de fortescontraintes de gestion et d’impulsion des politiques de développement.

Le contexte socio-politique est un atout important pour ledéveloppement économique. Mais les structures économiques ne sont pas àla mesure de ce contexte politique apaisé et à la dimension de la qualité desinstitutions républicaines qui fonctionnent de façon harmonieuse.

Les responsables de l’État doivent faire face à la crise socio-économiquequi taraude l’existence de nos concitoyens, en particulier celle des plusdémunis, par un ensemble de mesures dont les effets positifs devrontcontribuer très rapidement à faire reculer le phénomène de la pauvreté quis’étend, avant de l’éradiquer par un plan de développement nationalsoutenu par toutes les forces vives de la nation. Ils auront donc pour

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mandat de préparer le terrain à une modernisation et à un renforcement dela qualité des services de l’État. Ils devront ainsi mettre en place uneadministration publique de développement et faire la preuve de leurcapacité à s’attaquer aux problèmes qui assaillent quotidiennement lesBéninois de façon à leur donner confiance en eux-mêmes et dans leursinstitutions.

À cet égard, la priorité devra porter sur les activités essentielles de l’État,notamment dans les domaines suivants : stratégie économique, politique del’éducation, politique de la santé et promotion d’un système de protectionsociale, infrastructures, équipements, transports et logements, politique del’énergie, aménagement du territoire et protection de l’environnement,promotion de l’artisanat et de la culture, promotion du potentiel touristiqueet de l’administration publique de développement.

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Stratégie économique

Les décisions de la Conférence nationale ont marqué le retour à unsystème démocratique fondé sur le pluralisme politique et la dépolitisationde l’administration publique ; la fin du rôle prépondérant de l’État dansl’économie et la promotion de l’initiative privée ; une plus grandeouverture sur l’extérieur (diversification des partenaires commerciaux, unaccroissement des investissements étrangers, etc.) en vue de tirer profit desopportunités économiques et commerciales.

La faillite de l’économie étatisée a entraîné le rejet de toute idée ducontrôle de l’économie par l’État et imprimé les marques d’une économielibérale. Ainsi, avec cette conférence, les années 1990 ont ouvert la voie àla transition démocratique et à la libéralisation de l’économie.

Notre économie se caractérise par la stabilité relative du secteur rural, lafaiblesse du secteur secondaire et l’importance du secteur tertiaire. Lesecteur agricole, bien que d’une faible productivité, constitue la principalesource de croissance et de devises du pays. En particulier, le coton occupe40 % des exportations du pays sur la période 1995-2003. Le secteurtertiaire, qui détient la part la plus importante du PIB (46,8 % sur la périoded’analyse), puise son dynamisme dans la position géographique du pays quien fait un espace « naturel » de transit commercial dans la sous-région,notamment pour les pays enclavés tels que le Niger, le Burkina Faso etmême le Mali. Cette position justifie également les relations privilégiéesavec l’économie nigériane. L’industrie (14,6 % du PIB, peu développée, estcomposée de petites entreprises d’import substitution, exerçant dans letextile, l’agroalimentaire et les matériaux de construction. Les activités

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informelles dominent le tissu économique ; elles représentent en effet 68 %du PIB en 2003.

Sur les dix dernières années (1995-2004), le revenu moyen du Béninois(PIB réel par tête) n’a augmenté que de 1,1 % par an. À ce rythme, leniveau de ce revenu ne doublerait qu’au bout de soixante cinq annéesenviron. Il nous faut donc définir et mettre en œuvre une politiqueéconomique vigoureuse.

L’amélioration des perspectives économiques et sociales du Bénindépendra de plusieurs facteurs, dont notamment la qualité de la politiqueéconomique et financière nationale et l’efficacité de sa mise en œuvre ; laqualité de la politique économique décentralisée et l’efficacité de sonexécution ; le contrat de confiance entre l’administration publique et lesecteur privé, entre l’État et les associations professionnelles ; les progrèsdans la gouvernance ; la lutte contre la corruption ; la rigueur et latransparence budgétaire, le renforcement du contrôle de la Cour descomptes, de l’Inspection d’État et de l’Inspection générale des finances(ministères, entreprises publiques, marchés publics…) ; la qualité de ladépense publique ; la qualité de la régulation économique et sectorielle(agences de régulation dans le secteur pétrolier, des télécommunications, del’énergie électrique, des transports…) ; la capacité à promouvoir denovelles activités économiques au plan national en coordination avec lesautres États de l’Union.

Il est donc important d’envisager une nouvelle politique économique auBénin, une nouvelle dynamique de croissance, un autre modèle dedéveloppement. Quatre conditions doivent être réunies, à cet effet, pourconduire la croissance économique autour d’un taux de 7 à 8 % chaqueannée : l’identification d’une nouvelle génération de réformes dans lessecteurs porteurs et à croissance rapide ; une meilleure gouvernance et uneplus grande transparence que renforcera la reddition des comptes publics ;l’introduction d’une méthode moderne de gestion et de suivi de l’activitégouvernementale ; la confiance des opérateurs économiques dans lacapacité du Gouvernement à conduire une politique cohérente au plannational et au niveau des collectivités décentralisées.

La finalité de cette stratégie est d’assurer le progrès social et le décollageéconomique du Bénin, à travers la participation de toutes les couchessociales à la création de la richesse, la modernisation de l’économie et la

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réduction de la fragilité sociale, en vue de la prospérité retrouvée etpartagée.

Cette politique implique la diversification de notre base économique etune exploitation optimale de la position géographique du Bénin. C’estpourquoi nous devrons redynamiser le secteur agricole et construire unsecteur agro-industriel efficace dans le cadre de l’espace économique unifiéde l’Union économique et monétaire ouest africaine et de la CommunautéÉconomique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ; promouvoir lesecteur privé et notamment le secteur des petites entreprises ; accompagnerle développement économique à la base et intégrer, dans le systèmeproductif, les populations vulnérables ; valoriser les ressources humaines.

La redynamisation du secteur agricole et la construction d’un secteuragro-industriel seront soutenues par une amélioration de la compétitivité del’économie ; une meilleure organisation et un plus grand professionnalismedans les filières agricoles existantes ; la modernisation de l’agriculture, àl’appui notamment d’une réforme foncière ; le développement des filièresavicoles ; la promotion de la transformation des produits vivriers locaux.

Le Bénin dispose de vastes potentialités agricoles qui pourraient êtreexploitées pour augmenter la production, diversifier les exportations etaméliorer les revenus des populations. À cet égard, il apparaît nécessaired’appuyer la promotion des filières anacarde, karité, ananas, tabac etmanioc, qui sont porteuses d’une croissance accélérée et créatriced’emplois.

Il nous faut sortir du piège de la filière coton.

À cet égard, des actions seront entreprises en vue de la libéralisation etde la promotion de nouvelles activités économiques pour unediversification qui améliorera la situation financière de l’État. Desréflexions seront menées, en concertation avec les professionnels, pouridentifier les filières porteuses et les activités génératrices de revenus pourles populations vulnérables et développer la finance de proximité.

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Les questions relatives au type de tissu industriel souhaité pour le Bénin,de partenariat envisagé et de produits agricoles à promouvoir, devrontconstituer des points cruciaux de l’action gouvernementale.

Cette politique implique également la promotion du secteur privé. Aussi,devrons-nous accompagner la mise à niveau des entreprises existantes ;favoriser la création de nouvelles entreprises, en particulier les petitesentreprises ; soutenir un développement rapide des activités génératrices derevenus pour les populations vulnérables.

Nous devons prendre appui sur les succès de l’intégration monétaire etfinancière de l’Union monétaire ouest africaine pour créer les conditionsd’une mobilisation accrue de l’épargne de proximité et la canaliser vers lefinancement de très petites entreprises dans la perspective de leurtransformation en petites et moyennes entreprises. Ainsi, dans un pays àfaible revenu comme le Bénin, la grande masse de populations vulnérablesreprésentant 40,3 % de la population en âge de travailler (15-59 ans), doitêtre résolument intégrée dans le processus de production de richesses. Lesbesoins de développement étant considérables, ce sont les micro-créditsaux micro-entreprises qui contribueront au financement d’une croissancediversifiée.

L’État jouera le rôle de facilitateur de création d’entreprises et investira,notamment dans le cadre d’un partenariat public – secteur privé, dansl’éducation, la formation, les infrastructures, tout en assurant la sécurité desbiens et des personnes de toutes conditions sociales.

La politique de développement communal devra être l’un des piliersessentiels de la stratégie économique de l’État. Elle permettra deconcrétiser la volonté des collectivités décentralisées de s’assumer et departiciper au développement à la base.

La commune est en effet le « lieu privilégié de la participation descitoyens à la gestion des affaires publiques locales », le lieu où s’exerce ladémocratie à la base. C’est donc dans la commune que doit s’organiser ledéveloppement à la base, en accord avec les orientations stratégiquesdéfinies par l’État et en coordination avec les communes du même ou

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d’autres départements. L’économie décentralisée est par ailleurs uninstrument de gestion du phénomène migratoire dans les grandes villes.

L’établissement d’une relation forte entre la politique macroéconomiqueet les politiques communales de développement à la base permettra derelever la contribution des collectivités décentralisées à la croissance, decréer des richesses et des emplois dans les communes. L’État faciliteraégalement la création d’une chaîne de solidarité entre les communes. Lescommunes locomotives doivent entraîner les autres.

L’économie décentralisée (production, commercialisation, transport)sera d’abord financée par l’épargne de proximité. En effet, les perspectivesde la micro-finance sont encourageantes au Bénin. Ce secteur est appelé àdevenir un levier de promotion économique et sociale et à jouer, à ce titre,un rôle majeur dans le financement d’une part des activités génératrices derevenus pour les femmes en particulier et, d’autre part, des micro-projetsde jeunes ayant une qualification.

L’État devra donner une impulsion nouvelle à ce secteur en définissantune politique nationale de développement de la micro-finance avec lesprofessionnels concernés. Il devra encourager et soutenir les actions ci-après : implantation de réseaux privés de micro-finance, dans chaquecommune, pour accélérer le développement à la base et la création depetites structures de production qui seront les grandes entreprises dedemain ; professionnalisation renforcée du secteur de la micro-finance ;création de filières spécialisées de micro-finance, notamment parl’élargissement de l’accès des femmes et des jeunes ayant une qualificationaux services financiers, avec le concours des banques universelles et lesentreprises désireuses de soutenir le développement à la base ; appui audéveloppement du réseau de la Banque régionale de Solidarité au Bénin.

Dans la perspective de la valorisation des ressources humaines, l’Étatdevra veiller à investir notamment dans l’enseignement, la formation, lestechnologies de l’information et de la communication ; mettre en œuvreune politique de formation de qualité dans tous les domaines d’activité,avec le concours des associations professionnelles ; promouvoirl’excellence, la saine émulation et la saine compétition ; veiller à lapromotion d’un système de santé assurant le bien-être à chaque citoyen.

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L’augmentation de la productivité est nécessaire à une croissancedurable et à l’amélioration du niveau de vie. Les investisseurs privés nesont pas attirés par les pays où il n’existe pas une main-d’œuvre qualifiée etoù le travail bien fait n’est pas valorisé. Il faut donc développer unepolitique de formation de bonne qualité.

En toute chose, la qualité a toujours naturellement créé la différence.

La poursuite de ces objectifs nécessite que soit déterminé le rôle dechaque acteur (État, secteur privé et citoyen).

Le rôle traditionnel de l’État est d’assurer l’ordre et la sécurité descitoyens, de représenter et de gérer l’intérêt public dans le cadre territorialqui est le sien comme dans les relations qu’il entretient avec l’extérieur.L’État est aussi régulateur, incitateur et garant d’une administration dedéveloppement efficace.

Ce rôle pourrait être complété par le renforcement d’un environnementjuridique et réglementaire sécurisé ; le soutien administratif au secteurprivé pour la création de nouvelles entreprises ; la lutte contre lacontrebande et la corruption ; la formation d’organes judiciaires et depoliciers spécialisés dans la délinquance financière ; la création, sinécessaire, d’Agences de régulation dans les secteurs de la vieéconomique ; la promotion de la bonne gouvernance des affaires publiqueset la transparence des comptes publics.

Le secteur privé, constitue le moteur d’une dynamique de création derichesse, vecteur d’une croissance économique durable. À cet effet, lapolitique économique du Gouvernement donnera la possibilité au secteurprivé d’exploiter au mieux les avantages comparatifs dans le contexte sous-régional du Bénin. Pour cela, une relation de confiance sera instaurée entreles opérateurs économiques et l’État, qui a le devoir de créer les conditionsmajeures de la stabilité macro-économique et de la compétitivité.

Le citoyen est la pièce maîtresse du dispositif, car l’homme est au cœurde tout projet viable. C’est pourquoi l’État doit veiller à faire de toutBéninois un citoyen responsable, en aidant les collectivités à approfondirle civisme, à renforcer le respect du bien public, à susciter en permanencela passion de l’intérêt général.

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Éducation, santé et protection sociale

Dans le domaine de l’éducation, le Bénin a enregistré au cours des dixdernières années de grands progrès en matière de couverture. Les taux brutsde scolarisation dans l’enseignement primaire sont en nette progressionavec de fortes disparités entre les départements d’une part, et les sexesd’autre part.

Pour l’année 2000, dans le département de l’Atacora-Donga, le taux brutde scolarisation au primaire est de 66,1 % contre 95,3 % au Mono-Couffopour une moyenne nationale de 80,0 %. Au niveau national, ce taux est de94,4 % pour les garçons et de 65,2 % pour les filles. Le tauxd’alphabétisation des adultes était en 2001 de 47,8 % pour les hommescontre 25,0 % pour les femmes, avec une moyenne nationale de 35,9 %.

Toutefois, notre pays fait face à un déficit de ressources humainesqualifiées dans beaucoup de secteurs. D’où un frein au développement.Dans les rares cas où ces ressources sont disponibles, elles sontgénéralement frappées d’un manque de professionnalisme qui les rendinefficaces.

Pour remédier à cette situation, le Gouvernement entreprendra la mise enœuvre d’un programme national d’éducation et de formation. Il aura pourobjectifs d’améliorer la qualité de l’éducation, de renforcer les capacités, defaciliter l’accès aux services éducatifs et de promouvoir l’apprentissage.

Dans ce cadre, une réforme du système de formation professionnelledevra être envisagée en le mettant en phase avec les besoins du marché du

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travail et de la production. L’Université nationale du Bénin ainsi que lesÉcoles et Instituts d’études supérieures seront appuyés dansl’accomplissement de leurs missions socio-éducatives.

Dans certaines régions du pays, des centres d’enseignement supérieurtechnique, à vocation régionale et privée, pourront être implantés en vue dejouer un rôle stratégique dans le développement régional et local.

Le système sanitaire du Bénin, notamment sa pyramide sanitaire, est enpleine mutation. Au cours de la dernière décennie, les indicateurs de santése sont améliorés du fait de l’accroissement de l’accès à l’eau potable, de lacouverture vaccinale et de l’utilisation de services sanitaires.

Malgré ces améliorations, les indicateurs démographiques et de santérestent faibles. Ainsi, le Bénin connaît un fort taux de morbidité qui induitune mortalité de 15,6 pour mille habitants. Les décès annuels des enfantsde moins d’un an et des mères représentent plus de 30 % de l’ensemble desdécès annuels enregistrés. En 2001, seuls 61,1 % de la population avaientaccès à l’eau potable.

Les efforts constants déployés par les gouvernements successifs voientleur impact limité par des pesanteurs socioculturelles entraînant de faiblestaux d’utilisation de services publics, notamment en milieu rural.

Un plan global d’amélioration du système de santé du Bénin devra doncêtre conçu, largement discuté et analysé avec les acteurs du secteur. Ceplan mettra l’accent sur l’aspect préventif de la maladie et la fourniture desoins de base à toute la population.

Nous devons veiller à améliorer la gestion de la sécurité sociale enassurant une meilleure intégration des organismes de sécurité sociale, àgarantir aux femmes l’égalité des droits, à protéger les droits de l’enfant età améliorer les relations sociales dans le monde du travail. Les mutuelles desanté doivent être encouragées, notamment dans le cadre des structuresdécentralisées. L’instauration d’un dialogue social sur des sujets tels que lesalaire minimum par branche professionnelle, les conditions d’hygiène etde sécurité sur les lieux de travail, l’établissement ou la mise à jour d’unenomenclature nationale des emplois et des professions, constitueraégalement une nécessité.

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En matière d’infrastructures et de transports, les réformes ontessentiellement porté sur la libéralisation du transport routier, larestructuration du Fonds routier et de la direction des routes et ouvragesd’art ainsi que la restructuration de l’Organisation commune Bénin-Nigerdes chemins de fer et des transports.

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Infrastructures, équipements, transports et logement

Les réformes, dans le domaine des infrastructures et des transports, ontessentiellement porté sur la libéralisation du transport routier, larestructuration du Fonds routier et de la Direction des routes et ouvragesd’art ainsi que celle de l’OCBN.

S’agissant du transport maritime, les réformes entreprises ont permis lalibéralisation des activités de transit, de consignation et de manutention desconteneurs ; le transfert au Port autonome de Cotonou, de l’Autorité pourles opérations portuaires ; la réhabilitation des infrastructures avec l’appuifinancier de la Banque Mondiale, de la Banque islamique dedéveloppement (BID) et de la BOAD.

Dans le domaine des transports, éléments indispensables au bondéroulement des activités économiques et sociales, il est important defaciliter la mobilité et un accès équitable au territoire pour l’ensemble descitoyens, y compris les personnes à revenus modeste, les jeunes, les adulteset les personnes handicapées. Dans ces conditions, l’exigence de systèmesde transports performants, urbains et régionaux est une nécessité. Desmodalités de mise en œuvre doivent être étudiées avec les professionnelsdu secteur.

Par ailleurs, les efforts entrepris pour le développement desinfrastructures routières et autoroutières doivent être poursuivis etlargement amplifiés. Des initiatives pourraient porter sur l’accélération desprogrammes de construction et de réhabilitation des infrastructures de basedu pays en relation avec les collectivités décentralisées ; le lancement d’un

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programme de rénovation et de construction des infrastructures dans lescommunes et municipalités du pays. Ce programme comportera un voletconsacré à l’assainissement des localités. Des négociations seront menéesavec les opérateurs économiques du secteur d’activité et les bailleurs defonds pour financer ce programme.

En outre, depuis plus d’une décennie, l’habitat économique marque lepas. Il apparaît nécessaire de relancer des projets de ce type et d’assurer undéveloppement de l’habitat et une amélioration de la vie dans les quartiers.

Le droit au logement est un droit fondamental de tout citoyen, et l’Étatdoit soutenir les initiatives dans ce secteur. À cet égard, la délivrance destitres fonciers devra être accélérée pour créer un environnement propice àl’accession à la propriété.

D’autres initiatives visant la création de logements à des loyersabordables pour des catégories spécifiques de revenus pourront êtreenvisagés avec des entrepreneurs privés.

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Politique de l’énergie

En terme d’énergie, la biomasse (bois de feu, charbon de bois)représente 67 % de la consommation, les produis pétroliers 31 % etl’électricité 2 %. Le secteur des ménages reste le plus grand consommateurd’énergie avec 66 % de la consommation totale suivi par le secteur destransports (19 %), celui des services (12 %) et le secteur industriel (3 %).

Depuis quelques années, on observe une forte augmentation de laconsommation, notamment de produits pétroliers : 13 % en moyenne sur lapériode 1999-2003, liée à l’augmentation de la consommation de gaz à lasuite d’une diminution de prix, l’électricité (12 %), la biomasse énergie(5,4 %).

La plus forte croissance en consommation d’énergie a été constatée dansle secteur des transports suivi par le secteur des services et celui desménages, et une croissance quasiment nulle pour le secteur de l’industrie.

Pour son approvisionnement en énergie, le Bénin dépend, pour 98 %, del’extérieur. Seulement 20 % de l’électricité est produite localement. Lesforêts naturelles constituent la principale source d’approvisionnement enbiomasse énergie. Le centre et une partie du nord du pays sont encoreautosuffisants pour leur approvisionnement en biomasse énergie. Le sud dupays connaît un déséquilibre depuis quelques années.

Au rythme actuel de l’exploitation des forêts, l’offre de bois-énergiepourrait ne plus couvrir la demande des populations. Ce déficit de l’offreproduira une accentuation de la pression sur les forêts naturelles.

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Le bois mais aussi des bouses ou des déchets agricoles sont brûlés pourla cuisson et pour le chauffage. Cette utilisation pose de graves problèmesde santé, dus autant à la mauvaise qualité des combustibles qu’à unemauvaise conception des fours et foyers. De plus, les femmes consacrentbeaucoup de temps pour la collecte du bois, au détriment d’autres activités.

La réforme institutionnelle en cours prévoit la séparation des activitésd’eau et d’électricité, la mise en concession privée de la branche électricité,la création d’une Agence de l’électrification rurale et de la maîtrise del’énergie.

L’accès à des services énergétiques modernes est une condition préalableessentielle à l’amélioration des moyens de subsistance des populations et àl’accroissement de la productivité. L’électricité et d’autres formesd’énergie sont des apports clés pour la croissance économique, laproduction de revenus et la création d’emplois, les activités industrielles, lecommerce, le secteur de services, les communications et les transports.

C’est pourquoi, la politique énergétique du Bénin devra prioritairementêtre orientée vers la réduction de sa double dépendance :

– dépendance vis-à-vis des importations de produits pétroliers, dontl’effet négatif ressenti réside surtout dans la balance commerciale et larépercussion sur le renchérissement des produits industriels et le transport.La maîtrise de l’énergie dans l’industrie et la diversification des sourcespour la production d’électricité constitueront les principes quasi-invariantsde la politique énergétique dans ce domaine. Les réformes du secteur, avecla mise en place d’une Commission nationale des hydrocarbures, d’uneCommission de régulation du secteur de l’électricité et la création del’Agence béninoise pour l’électrification rurale et la maîtrise de l’énergie,apparaissent comme des orientations indispensables à une meilleuregouvernance et à une meilleure efficacité du fonctionnement de cessecteurs, donc d’amélioration de la politique énergétique ;

– dépendance constituée par le poids excessif des produits ligneuxdans la satisfaction des besoins domestiques, avec son corollaire de criseenvironnementale nettement perceptible avec le recul du front forestier. Lapromotion des combustibles de substitution (gaz butane, kérosène, autresbio-combustibles, etc.), d’une part, l’accroissement de l’efficacité de la

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filière bois-charbon de bois et une meilleure gestion du patrimoineforestier, d’autre part, constituent les éléments de politiques qui devrontêtre mises en œuvre.

Afin de rendre performante cette branche et d’accélérer l’électrificationdu Bénin, la privatisation de la Société béninoise de l’énergie électriquedoit se faire dans un contexte qui tienne compte de l’environnementéconomique et électrique actuel du Bénin. Une segmentation verticale serasouhaitable : libéralisation du secteur de production, promotion desproducteurs indépendants à travers notamment des projets BOO ouBOOT31 afin de rendre ce sous-secteur compétitif.

Les projets de gazoduc ouest africain et d’interconnexion des réseauxélectriques initiés par la CEDEAO devraient favoriser la libéralisation dece secteur ; gestion du secteur du transport de l’énergie par la sociétéélectrique privatisée pendant une période transitoire. Elle pourra assurer lerôle d’acheteur unique de l’énergie produite par les producteursindépendants et restera pendant cette période le distributeur unique ;libéralisation, au terme de la période de transition du sous-secteur de ladistribution et mise en concurrence afin de garantir une meilleuredynamique de l’offre commerciale d’énergie électrique, si l’environnementéconomique le permet.

S’agissant de l’électrification rurale, la nouvelle stratégie doit marquerune rupture avec les pratiques antérieures, lesquelles se fondaient sur desprojets financés ponctuellement par des bailleurs de fonds.

La nouvelle stratégie devra affirmer le caractère spécifique et prioritairede l’électrification rurale, relevant à la fois du secteur marchand et del’équipement rural ; situer l’électrification rurale dans une perspective dedéveloppement économique et social durable, par une exigence dereproductibilité et de viabilité technique et économique dans le montagedes opérations ; implication du secteur privé national et international, dusecteur associatif et des collectivités locales en position d’acteurs moteurs.

Pour ce faire, l’Agence béninoise de l’électrification rurale et de lamaîtrise de l’énergie agira en qualité de maître d’ouvrage délégué pour lecompte du Ministère chargé de l’Énergie dans l’élaboration des

31 Built Own Operate – Built Own Operate and Transfer.

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Programmes prioritaires d’électrification rurale, la sélection des opérateursattributaires de concession PPER et le suivi et contrôle de l’exécution deces PPER.

En plus des programmes prioritaires d’électrification rurale quidécouleront d’un Plan national d’Électrification Rurale, l’Agence apporteraégalement des soutiens conceptuel et financier aux projets d’électrificationrurale d’initiative locale (projets ERIL), menés par les associations, lesgroupements villageois, les collectivités locales ou des privés enassociation avec des organismes non gouvernementaux à l’échelle d’unvillage ou d’un groupement de villages.

L’importance des financements requis par ce programme national et ladurée de sa mise en œuvre nécessitent la création d’un Fondsd’électrification rurale, capable d’assurer la pérennité du mécanisme definancement du programme, et destiné à être le principal véhicule definancement de l’État et des partenaires au développement du Bénin pour lamise en œuvre de la politique d’électrification rurale.

Afin de faire de l’électrification rurale un véritable levier d’éradicationde la pauvreté, les projets multiculturels d’électrification rurale serontdéveloppés avec pour objectif de maximiser les effets de la ressourceénergétique sur le développement économique et social local, d’ancrerl’électrification rurale en vue de l’amélioration des conditions d’undéveloppement local accéléré et de faire de l’électrification rurale un levierde mise en œuvre des programmes sectoriels.

Le secteur de l’électricité libéralisée sera doté d’un organe de régulation.Il aura pour objet de promouvoir le développement de l’offre d’énergieélectrique ; de veiller à l’équilibre économique et financier du secteur del’électricité et à la préservation des conditions économiques nécessaires àsa viabilité ; de veiller à la préservation des intérêts des consommateurs et àassurer la protection de leurs droits en matière de prix, de fourniture et dequalité de l’énergie électrique ; de promouvoir la concurrence et laparticipation du secteur privé en matière de production, de transport, dedistribution et de vente de l’énergie électrique ; d’assurer les conditions deviabilité financière des entreprises du secteur électrique.

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Quant aux combustibles domestiques nécessaires pour satisfaire lesbesoins énergétiques des ménages, leur collecte est un fardeau qui pèseprincipalement sur les femmes et les filles. Elle a des incidences directessur les possibilités d’éducation, sur le temps disponible pour les activitésménagères et productrices de revenus et sur la qualité de vie.

Toutefois, la biomasse existe. Elle consiste à agir en amont des filièrestraditionnelles qui recèlent un énorme potentiel d’améliorationéconomique, sociale et environnementale, notamment par la gestiondurable des massifs forestiers, afin de pérenniser la ressource, par larationalisation du transport et de la conversion du bois en charbon de bois,par la promotion des combustibles de substitution aux produits forestiers,par la valorisation de déchets agricoles, par la mise en place de plantationsd’essences à haut rendement énergétique ne portant pas préjudice à labiodiversité.

Enfin, le sous-secteur des hydrocarbures devra être réformé pour unevéritable libéralisation des activités du sous-secteur et d’une stimulation dela concurrence en vue d’une diminution du coût des produits, pourl’abolition de tous les monopoles existants sur les segments de la chaîned’approvisionnement (importation, raffinage, transport, distribution) ; pardes modifications légales et réglementaires permettant l’accès des tiers auxinstallations existantes de stockage et à l’exercice des activités de transportdes produits pétroliers ; et pour une plus grande flexibilité des prix enfonction de l’évolution des cours mondiaux du pétrole.

Pour la mise en œuvre des dispositions citées ci-dessus, il sera nécessairede créer un organe de régulation du sous-secteur visant à assurer unenvironnement propice au développement d’un marché de libreconcurrence dans le secteur des produits pétroliers, afin de procurer desbénéfices aux consommateurs et à l’économie nationale, la définition deconditions précises pour l’exercice de toute l’activité dans la chaîned’approvisionnement ; un cadre organisationnel capable de permettre uneintervention harmonieuse et efficace des différents services del’administration ; le respect des normes de qualité de produits, de sécuritédes installations et de protection de l’environnement etl’approvisionnement continu du marché national en produits pétroliers.

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Promotion du potentiel touristique et culturel

Le Bénin possède de très beaux parcs nationaux : le parc de la Pendjari,d’une superficie de 275 000 hectares, le parc du W à l’extrême nord. Ladiversité des espèces qui peuplent les réserves énergétiques sontconsidérées comme les plus belles d’Afrique de l’Ouest et font de notrepays l’un des plus attrayants d’Afrique.

Notre pays dispose aussi de sites et des cités royales originaux. Quelquesexemples illustrent cete réalité : les villages lacustres sur la côte d’Afrique(Ganvié, So-Awa, Aguigné), Porto-Novo avec son palais du Roi Toffa, leMusée ethnographique, Ouidah, capitale mondiale du Vaudou et le fameuxtemple des Pythons sacrés, Abomey Cité Royale, les chutes de Tanugu, la« bouche du Roi » dans le Mono, Cotonou et le célèbre marché deDantokpa, le plus grand de l’Afrique de l’Ouest, les tatas Somba, le parcnational de la Pendjari d’une superficie de 275 000 hectares, ainsi que leparc national de W (West) localisé à l’extrême pointe Nord du Bénin.

L’existence de plusieurs centaines de plages, le long de la côte, rendpossible la réalisation de grands projets d’infrastructures hôtelières, en vuede la promotion du tourisme balnéaire.

Les richesses culturelles sont nombreuses et variées. Les masquesGuèlèdè font partie du patrimoine de l’Humanité. La fête de la Gani dans lenord, la fête Nonvitcha dans le sud-ouest, la fête des ignames dans le nord-ouest, les différents festivals (Gospel et Racines, le Festival de cinéma pourenfants, le Festival international du Théâtre du Bénin) peuvent constituerun levier au développement du tourisme.

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Le climat de paix et de sécurité qui règne dans notre pays, les sitestouristiques, les richesses culturelles et la mise en vigueur du « visatouristique Entente » ont permis aux touristes de passer de 138 000 en 1995à 170 529 en 2002 (soit un accroissement moyen annuel de 3 %), et auxrecettes touristiques issues de l’extérieur de progresser de 16,1 à 26,4milliards. Mais ces succès sont encore inférieurs à ceux de certains pays dela sous-région, comme le Sénégal, en raison de la trop faible connaissancedes attraits béninois par les opérateurs internationaux, des difficultésd’accès à certains sites, de l’insuffisante qualification du personnel animantles établissements.

Ces difficultés doivent être rapidement aplanies pour permettre au paysde mieux tirer partie de ses potentialités.

Les perspectives de construction d’un second port et d’un nouvelaéroport commandent d’accélérer la mise en valeur du domaine bordant laroute des pêches, pour en faire une zone de tourisme, de réhabiliter les sitestouristiques et les infrastructures d’accueil, de réunir les conditions d’unemise en œuvre réussie du Programme régional de protection du parcappuyé par le Fonds européen du développement, de poursuivre les actionsde sécurisation des couloirs de circulation sur toute l’étendue du territoirenational et de professionnaliser les différents festivals.

Notre potentiel touristique est encore largement sous-exploité. Uneattention particulière doit être accordée au développement de ce secteur quiconstitue un véritable trésor. Aussi, conviendrait-il de recenser les agencesde voyage du pays, ainsi que les professionnels du secteur, de les organiser,de les associer à une réunion des états généraux du tourisme.

Le tourisme pourrait constituer, en raison du patrimoine touristique richeet varié que possède le Bénin, un atout pour le développement. Pour cefaire, l’amélioration des voies de communication devra être poursuivie. Ladesserte par voie aérienne des parcs et des réserves de faune devraégalement être envisagée.

La richesse de notre patrimoine culturel et artistique est une sourcelégitime de fierté. Il est aussi un levier important de notre développement.Les efforts de l’État pour promouvoir un tourisme culturel doivent se

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poursuivre. Une politique qui valorise notre pays et améliore son image,doit être mise en place.

Les artistes doivent tirer avantage de mesures destinées à susciter leurcréativité et à protéger leurs œuvres. Une production artistique de qualitédoit projeter notre pays sur le devant de la scène continentale etinternationale. Véritables ambassadeurs de notre culture, les artistesbéninois doivent bénéficier d’une plus grande attention dans leur missionde diffusion de notre culture.

Le Bénin doit être mieux connu dans le monde grâce à elle. Nous devonsvaloriser un certain nombre de manifestations qui favorisent non seulementle brassage des citoyens de différentes régions, mais aussi l’interpénétrationdes cultures. Les festivals organisés dans le pays perpétuent nos valeursancestrales. Ils doivent être encouragés, qu’il s’agisse de la Gani, duFestival du Danxomé, de Mahi hwendo, du Carnaval international des artset de la culture de Porto-Novo, et de bien d’autres manifestations.

À l’heure de la diversité culturelle et au moment où l’on débat àl’UNESCO en vue de la conclusion d’une convention internationale en lamatière,les biens et industries culturels doivent compter parmi les atoutsdont dispose notre pays pour asseoir son rayonnement et bâtir sondéveloppement.

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La protection de l’environnement

Est-il nécessaire de tirer une fois encore la sonnette d’alarme sur l’état dedégradation de notre environnement ? L’expression la plus courammentutilisée pour traduire ce qui se profile à notre horizon est celle d’unecatastrophe écologique. La ville de Cotonou, pour ne citer que ce cas, estclassée parmi les plus polluées du monde.

Depuis le Sommet mondial de la Terre tenu à Rio de Janéiro, en 1992,un cadre institutionnel a été mis en place par le Bénin, dont l’objectif est degarantir un meilleur environnement : adoption de la loi-cadre surl’environnement et plan d’action environnemental. Dans le cadre de lacoopération bilatérale avec les Pays-Bs, un Centre béninois pour ledéveloppement durable a été créé. Il a été conçu comme un organe deconceptualisation et de mise en œuvre de stratégies de développementdurable. Des stratégies de sensibilisation et de répression ont aussi été isesen chantier.

Ces différentes actions, qu’il faut saluer, n’ont pas produit les effetsescomptés. Compte tenu de la gravité de la situation, il est urgentd’envisager des stratégies plus originales et plus actives. Le Bénin ne peutpoursuivre une politique environnementale passive.

Une nouvelle stratégie implique que les Béninois accèdent à une prise deconscience collective des enjeux. D’où une action de sensibilisation plusintense.

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Elle implique ensuite le renforcement des institutions existantes etl’intégration de la dimension environnementale aux politiques de secteurstels que l’éducation, la santé, l’agriculture, l’eau, l’assainissement,l’habitat, la gestion des ressources naturelles, les infrastructures, etc.

Pour avoir un impact significatif, notre politique de protection del’environnement doit revêtir un caractère transversal. La gouvernanceenvironnementale doit accorder un rôle de premier plan aux élus locaux etfavoriser la participation des citoyens à la base. L’éco-citoyennetécommence à la maison, au village. Elle se poursuit sur les lieux de travail,de loisir, partout.

Je crois fermement qu’une prise de conscience collective et des actionsvigoureuses, sont une condition essentielle à l’amélioration de notre cadrede vie.

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Une Administration publique de développement

Le Gouvernement devra initier un ensemble de réformes et prendre desmesures de redressement qui seront intégrées dans un plan dedéveloppement à présenter à la Nation. Ainsi, dans la conduite des actionsprioritaires, l’accent devra être mis sur trois volets de la modernisation del’État : la réforme de la justice ; la réforme administrative et ladécentralisation ; la mise en œuvre du contrôle de gestion dans lesadministrations de l’État.

Dans un monde qui en a grand besoin, la demande de justice fait, de plusen plus, partie des revendications de nos concitoyens. Dans unenvironnement peu propice à l’investissement et au développementéconomique, il apparaît urgent que le système judiciaire béninois fassel’objet d’une transformation en profondeur.

Le bon fonctionnement de la justice, pivot de l’État de droit, est unecondition essentielle au développement économique et social. LeGouvernement entreprendra les réformes qui favorisent l’exercice effectifde la justice : restructuration de l’appareil judiciaire, amélioration de ladocumentation juridique des magistrats et des professionnels du droit,formation et perfectionnement des magistrats et des auxiliaires de justice.

En synergie avec la mise en œuvre de la décentralisation, une politiqued’amélioration de la justice de proximité dans les collectivités locales seraenvisagée, en vue d’explorer les voies d’une mobilisation des responsablescoutumiers dans le règlement des conflits, en coordination avec l’appareiljudiciaire national.

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Une attention particulière sera portée au droit des affaires initié dans lecadre de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit desAffaires et aux autres processus d’intégration juridique sectorielle(UEMOA, Organisation africaine de la propriété intellectuelle, Conférenceinterafricaine de prévoyance sociale, Conférence interafricaine desMarchés d’assurance), pour consolider leurs acquis et valoriser laparticipation du Bénin dans ces ensembles régionaux.

La réforme de la justice s’impose comme une nécessité absolue. UneCommission ad hoc, capable de conduire des réflexions nécessaires surcette réforme, sera créée à cet effet.

Quant aux réformes de décentralisation, elles s’inscrivent partout dans lemonde dans des contextes de mutations et de transformations sociales,politiques, économiques et démographiques profondes. Au Bénin, laréforme administrative et la décentralisation contribuent à la modernisationde l’État. Dans ce cadre, l’État devra renforcer les activités visant àmoderniser l’ensemble de ses Services centraux pour atteindre de meilleursrésultats avec une efficacité assurée.

La mise en œuvre de la réforme globale de la décentralisation devraitfavoriser la moralisation de mœurs politiques et contribuer à l’avènementd’une « République des proximités ». La décentralisation, passage obligépour un développement local significatif et durable, devrait fortementcontribuer à la modernisation et à l’efficacité globale des service de l’État.

Par ailleurs, l’instauration d’un partenariat décentralisé et participatifdevant faciliter l’accès des collectivités territoriales à de nouvellesressources d’investissement tout en renforçant les capacitésinstitutionnelles au niveau local et en assurant la mise en place dedispositifs de contrôle interne, devrait être l’une de priorités de l’État.

Partant du constat qu’il existe de réelles difficultés à gérer et à conduireles activités publiques de façon efficace, il apparaît crucial de mettre enplace des systèmes de gestion allant au-delà de modèles administratifs etdes outils de gestion les plus classiques (gestion budgétaire et comptable,gestion des ressource humaines, production des indicateurs financiersclassiques…).

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À cet effet, la réforme de l’État et la modernisation de la gestionpublique ont notamment pour objectif d’améliorer la qualité des servicespublics.

Conçu comme un outil de pilotage, le contrôle de gestion aide à recentrerl’organisation sur les actions qui contribuent le plus à poursuivre desobjectifs ambitieux.

Le développement et la généralisation du contrôle de gestionconstitueront une profonde mutation. Ce nouveau type de managementpasse nécessairement par un dialogue à tous les niveaux, fondé sur latraduction des orientations stratégiques en objectifs généraux, sur lanégociation des objectifs avec les Services centraux de l’État en fonctiondes moyens alloués, et sur l’évaluation périodique des réalisations.

Il suppose, au préalable, une formulation claire des orientationspolitiques et leur appropriation par l’Administration.

Cette forme de management dynamique doit s’appuyer sur un systèmede gestion adapté aux spécificités propres de chaque collectivité.

Le développement du contrôle de gestion est encore plus déterminantlorsque les actions de réforme s’appuient sur un vaste mouvement dedéconcentration et de responsabilisation des acteurs, accompagné dudéveloppement de la contractualisation. Il s’agit-là de la question relative àla délégation des responsabilités. Si le contrôle de gestion est naturellementtourné vers l’amélioration des performances des administrations publiques,il doit aussi fournir des bases quantitatives utiles au développement plussystématique de l’évaluation des politiques publiques.

Au total, la mise en œuvre du contrôle de gestion et ses apports à lamodernisation et à la réforme de l’État permettent de mieux piloter lagestion des affaires publiques, d’accroître l’efficacité des administrationspubliques et des collectivités locales, d’accompagner l’autonomie desgestionnaires et de contribuer à l’évaluation des politiques publiques.

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Epilogue

« Cela s’appelle l’aurore »32

32 Cette formule qui donne son titre à cet épilogue est extraite de l’ouvrage de JeanGiraudoux, Électre, publié en 1937, aux éditions Grasset.

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Rappelons, encore une fois, que l’histoire politique du Bénin a étémarquée par trois grandes dates. Le 1er août 1960, le pays accède àl’indépendance. Le 26 octobre 1972, il a connu un coup d’État militaire quia marqué le déclenchement du processus révolutionnaire. Le 19 février1990, il a vu le démarrage de la Conférence nationale des Forces vives quis’achèvera le 28 février 1990 et engagera le pays sur la voie de ladémocratie et de la libéralisation de l’économie.

Bien que les résultats n’aient pas toujours été à la hauteur desévénements, des avancées ont eu lieu, notamment sur les plans socio-économiques et en matière de renforcement de la démocratie. Nous lesavons, l’accomplissement des tâches que requiert l’essor économique etsocial du pays et l’épanouissement des Béninois sont source d’importantsdéfis.

La mise en œuvre d’un plan stratégique pour le développement restetributaire du pouvoir politique, des ressources disponibles et des conditionsendogènes d’exercice du pouvoir d’État : paix sociale, amélioration dupouvoir d’achat, etc. Les défis à relever ne se trouvent pas uniquement dansle domaine de la conception de stratégies de développement, de la bonnegouvernance, de l’état social… Trois déterminants sont à prendre enconsidération, si nous voulons consolider les acquis démocratiques etemprunter le chemin d’une croissance économique durable.

Le premier est la bonne gouvernance. Elle est le levier sur lequel leBénin doit agir pour protéger notre société. Elle implique d’abord laconsolidation des acquis démocratiques (sauvegarde des libertés,fonctionnement harmonieux des institutions de la République, promotion

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de l’État de droit). Elle implique aussi la transparence des opérations, etune saine gestion des affaires publiques. Dans le contexte actuel, elledemeure la pierre angulaire de la réussite de toute réforme.

Le deuxième est la prise en compte du mérite et de l’excellence. En vued’un accroissement substantiel de la qualité des capacités en ressourceshumaines, il faut à notre pays, un nouveau sursaut. Il doit permettred’engager, le combat contre la corruption. Elle sera d’autant mieuxneutralisée que les gouvernants prendront leur part de responsabilité pourredonner à notre société et à sa jeunesse des raisons d’espérer et la dignitéd’appartenir à un pays dont les enfants partagent la prospérité. L’État doitêtre l’acteur principal de ce combat.

Le troisième est de lutter contre la pauvreté. Les crédits nécessaires à laréalisation des programmes économiques devront être mobilisés. C’est unparadoxe que des crédits ouverts aussi bien dans le budget de l’État que parnos partenaires ne soient pas totalement consommés en raison de lafaiblesse des ressources humaines et de la non-maîtrise des procédures.

Dans un article paru le 16 décembre 2004 intitulé « Faire l’histoire de lapauvreté », l’auteur rapportait qu’en 2005, la réduction de la pauvreté allaitdominer la politique globale des décideurs mondiaux, comme cela n’ajamais été le cas auparavant33. Il annonçait la publication de rapportspubliés sous la direction de Jeffrey Sachs pour le compte des Nations unies.Ces textes devaient être suivis de ceux de la Commission Tony Blair pourl’Afrique dans le cadre du G8, consacré à la lutte contre la pauvreté.

En outre, les Nations unies prévoyaient la tenue d’une Assembléegénérale spéciale en septembre 2005 pour faire le point sur les Objectifs duMillénaire pour le Développement qui projetaient de réduire de moitié laproportion des pauvres dans le monde à l’horizon 2015. En décembre 2005,l’Organisation mondiale du Commerce devait se réunir à Hong Kong pourprendre des initiatives sur la libéralisation des échanges plus profitablesaux économies des pays pauvres.

Certes, ces rencontres ne conduiront pas les Africains en général et lesBéninois en particulier, au bonheur parfait. Mais il faut nous impliquer,

33 The Economist-Com., 16 décembre 2004.

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trouver les moyens de faire entendre notre voix et créer les conditions pourparticiper aux efforts de solidarité internationale.

Ces événements sont aussi porteurs d’espoir pour un monde plussolidaire et plus juste. Pour cela, nous devons relever nos défis internespour que la solidarité internationale trouve dans notre pays les conditionsfécondes d’un partenariat profitable aux Béninois et à leur économie.

C’est un devoir auquel nous ne saurions nous soustraire. C’est pourquoidirigeants politiques, opérateurs économiques, étudiants, associations,citoyens de toutes catégories, femmes, jeunes, universitaires, nous sommestous interpellés.

Alors le Bénin retrouvera ce qui, hier, faisait sa fierté. Il redeviendra uncreuset dans lequel l’Afrique viendra puiser de nouvelles raisons d’espéreret de croire en l’Homme.

Le Bénin, alors, méritera, plus que jamais, d’être appelé « le quartierlatin de l’Afrique ». Il fera briller aux frontières de l’Humanité, deux outrois petites étoiles qui lui permettront de ne plus désespérer et d’oser direavec le poète « Cela s’appelle l’aurore ».

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Annexes

« Il peut arriver que l’on soit ramené à la base de départ,seulement plus riche d’avoir indiqué quelques directions,

jeté quelques passerelles, être peut-être parvenu,par l’approfondissement acharné du particulier,

et sans prétendre avoir tout dit,à ce « fonds commun » où chacun pourra reconnaître

un peu – ou beaucoup – de lui-même ».

Claude Simon

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1. Carte du Bénin.................................................................................................................163

2. Brève chronologie relative au Bénin.............................................................................165

3. Entretien “Jeune Afrique” / Adrien Houngbédji :

« Le temps du pardon est venu » (13 novembre 1989) ..............Erreur ! Signet non défini.

4. Discours prononcé par Me Adrien Houngbédji à l’occasion

de la cérémonie solennelle d’ouverture

de la deuxième session ordinaire de l’Assemblée nationale

(Porto-Novo, 30 octobre 1992) ............................................................................................169

5. Discours de Me Adrien Houngbédji sur le Renouveau démocratique au Bénin

Genèse, enjeux et perspectives (Paris, 1er octobre 1993)...............................................181

6. Orientation bibliographique ..........................................................................................189

7. Sigles et abréviations.......................................................................................................191

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1. Carte du Bénin

Source : M. Gogan et R. Adjaho, Bénin : comprendre la réforme à l’Administration territorialeen 45 questions, Cotonou, 1999, 2e éd.

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2. Brève chronologie relative au Bénin

27 juin 1884 La France prend possession des royaumes traditionnels. Ellesforment la colonie du Dahomey, intégrée dans l’Afriqueoccidentale française en 1904.

4 décembre 1958 Proclamation de la République du Dahomey.

1er août 1960 Accession du Dahomey à la souveraineté internationale et adoptiond’une deuxième constitution.

28 octobre 1963 Un coup d’État porte au pouvoir le colonel Christophe Soglo.

22 décembre 1966 Deuxième coup d’État du général Christophe Soglo.

17 décembre 1967 Des commandos parachutistes renversent le Gouvernement dugénéral Soglo. M. Émile-Derlin Zinsou devient président.

10 décembre 1969 Le président E.-D. Zinsou est renversé par un coup d’État.

26 octobre 1972 Putsch du chef de bataillon Mathieu Kérékou. La constitution estsuspendue. Un processus révolutionnaire est enclenché.

30 novembre 1975 Le Dahomey devient la République populaire du Bénin, avec unparti d’inspiration marxiste-léniniste. Le général Mathieu Kérékouen sera président jusqu’en 1990 (« Kérékou I »).

20 janvier 1986 Ratification, par le Bénin, de la Charte africaine des droits del’Homme et des Peuples.

1988-1989 Une grave crise économique ébranle le pays. Elle entraînel’intervention du FMI et de la Banque mondiale.

7 décembre 1989 Le marxisme-léninisme cesse d’être l’idéologie officielle de l’État.

19-28 février 1990 La Conférence des Forces vives de la Nation, réunie à Cotonou,prépare le passage à la démocratie et au multipartisme. Nominationd’un Premier ministre, M. Nicéphore Soglo, à la tête d’unGouvernement de transition. Il engage le pays sur la voie de ladémocratie et de l’économie libérale.

1er mars 1990 La République populaire du Bénin devient la République du Bénin.

11 décembre 1990 Nouvelle constitution du Bénin.

24 mars 1991 Première élection présidentielle démocratique, remportée par M.Nicéphore Soglo.

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24 mars 1996 Élection à la présidence du général Mathieu Kérékou, devant leprésident sortant, M. N. Soglo (« Kérékou II »).

31 mars 2001 Élection à la présidence du général Mathieu Kérékou(« Kérékou III »).

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3. Entretien “Jeune Afrique” / Adrien Houngbédji :« Le temps du pardon est venu »

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4. Discours prononcé par Me Adrien Houngbédjià l’occasion de la cérémonie solennelled’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’Assemblée nationale(Porto-Novo, 30 octobre 1992)

Au nom de mes collègues députés et en mon nom propre, je vous souhaite la bienvenue, et je vousexprime tous nos remerciements pour avoir fait le déplacement, témoignant ainsi de la place éminente duParlement dans un régime démocratique, et de l’intérêt que vous portez à nos travaux.

Grâce à votre présence à tous, grâce aussi à la bienveillance du chef de l’État qui eût aimé être ici,mais qui, absorbé par les obligations de sa charge, a délégué pour le représenter son ministre d’État ;grâce enfin au soutien de la valeureuse population de la ville de Porto-Novo, notre capitale, cette salleaustère dans laquelle nous siégeons, conçue pour les comédies bouffonnes et les personnages costumés,accède, l’espace d’un matin, à l’aura et à la dignité qui conviennent à une enceinte où l’on discute partein qua du destin d’un pays. Soyez en tous remerciés du plus profond de mon cœur.

Mes chers collègues,

la solennité qui entoure la cérémonie de ce jour, et l’honneur que nous font nos invités d’y assister ensi grand nombre, sont le fruit du combat que nous menons tous ensemble, pour le respect de lareprésentation nationale et de la fonction de député. Cette cérémonie est donc notre commune victoire. Legroupe parlementaire Le Renouveau et son président y ont une large part ; je tenais à le dire et à lesremercier en notre nom à tous.

Ce succès, ajouté au bilan impressionnant de notre dernière session ordinaire, qui nous a vu adopter lebudget de la Nation et un important train de lois organiques, ou ordinaires, ainsi que des accords de créditdécisifs pour le développement de notre pays, devrait conférer à chacun de nous un sentiment de légitimefierté et de sérénité. Or, c’est tout le contraire que je crois déceler.

Le premier sentiment que je crois lire en scrutant vos regards est une sorte d’embarras et de dépit.Dépit d’hommes de bonne volonté, qui pensent avoir donné le meilleur d’eux-mêmes pour la Nation, quipensent avoir consenti de lourds sacrifices matériels, et qui se trouvent payés en retour par la défaveurd’une opinion prompte à dénoncer la rapacité.

Peut-être faut-il rappeler, pour n’avoir pas à y revenir, qu’après les remous provoqués en avril par lafixation des indemnités parlementaires, l’Assemblée nationale a été la seule institution de l’État à avoir,de sa propre initiative, réduit de 25 % ses avantages, créant dans le même mouvement, une Commissionspéciale et temporaire chargée de l’étude et de l’harmonisation des salaires politiques. Cette Commissiona déjà déposé son rapport, ce qui constitue en soi une performance et la meilleure preuve de notre bonnefoi. Le moment n’est pas encore venu d’en divulguer le contenu.

Ce dont nous voulons que l’opinion prenne acte, c’est notre détermination à rechercher avec tous lespartenaires sociaux et donc avec la Nation tout entière, ce que doit être la juste rémunération desresponsables politiques dans un contexte de crise économique. Ayons donc la sérénité des hommes debonne volonté !

Le second sentiment que je crois lire sur les visages, déjà perceptible à la clôture de notre dernièresession ordinaire, et obsédant malgré l’intermède des vacances, est d’une autre nature. Il a rapport à nous-mêmes, comme si l’Assemblée nationale était aujourd’hui mal dans sa peau. Les effets de ce mal-êtreseraient négligeables s’ils étaient circonscrits à l’hémicycle, c’est-à-dire à nous seuls, et si, de proche enproche, ils n’induisaient pas dans le pays tout entier, des comportements préjudiciables à la paix sociale, àla cohésion nationale, au redressement économique, et à la démocratie elle-même.

Et paradoxalement, le fait générateur de cette situation au sein de notre Assemblée, se trouve être lefait le plus conforme et le plus nécessaire à l’avancée démocratique de notre pays. La constitution d’une

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majorité parlementaire (car c’est d’elle qu’il s’agit), pour soutenir l’action du Gouvernement, estconforme à la logique démocratique. Je continue de la saluer comme un fait positif, et de féliciter une foisencore nos collègues membres du groupe parlementaire Le Renouveau, de même que je félicite etencourage ceux d’entre nous demeurés ou admis dans le groupe charnière Démocratie et solidarité,malgré le vent du large qui pousse imperceptiblement aux délices supposées du pouvoir, qui ne sont enréalité que les rivages du monolithisme. De même, enfin, et avec sympathie et conviction, je félicite etencourage ceux d’entre nous qui, franchissant le rubicond, ont choisi le rôle difficile et momentanémentingrat, d’être des opposants déclarés, à ce qu’ils considèrent comme une mauvaise politique.

Je livre non pas à votre méditation, mais à votre délectation, ces cinq vers d’un poète français du 17e

siècle, Houdard de la Motte, qui n’avait pourtant rien d’un démocrate :

« C’est un grand agrément que la diversité.« Nous sommes bien comme nous sommes.« Donnez le même esprit aux hommes,« Vous ôtez tout le sel de la société.« L’ennui un jour naquit de l’uniformité ».

La démocratie étant par définition synonyme de pluralisme, il ne devrait découler de ce nouveaupanorama, nul trouble et nul malaise, la diversité des opinions et leur libre expression venant au contraireenrichir nos débats et constituer le sel de nos décisions.

Pourquoi donc ce trouble et ce mal-être en notre propre sein ?

J’y vois plusieurs raisons que je voudrais soumettre à notre commune réflexion.

La nouvelle majorité est sœur cadette de la démocratie qui est une vieille femme, vertueuse ettransparente, comme le sont généralement les vieilles femmes. Ce sont elles qui font et défont laréputation des plus jeunes.

Effarouchez une vieille femme, et elle vous fait mauvaise presse.

Le peuple béninois a élu un chef, le président Nicéphore Soglo, dans les circonstances que l’on sait,c’est-à-dire au second tour, pour son charisme personnel, et pour l’action courageuse et intelligente qu’ila menée à la tête du Gouvernement de transition. Mais en plus de cette équation personnelle, cetteélection a été facilitée par l’appui et le soutien que quelques familles politiques et leurs électeurs ontdécidé de lui apporter.

Ces électeurs-là, ainsi que les partis politiques qui les représentent sont de plano membres de lamajorité présidentielle, surtout lorsque leur soutien a été sollicité, voire négocié, de même que leursdéputés sont de plano membres de la majorité présidentielle au parlement. C’est, me semble-t-il, uncontrat qui, au-delà des partis politiques eux-mêmes, lie le président de la République aux électeurs.

En vertu de ces mêmes règles, les partis politiques qui ont appelé à voter contre l’élu ou refusé de lesoutenir, pour des raisons tout à fait respectables et respectées, se situent de plein droit hors de la majoritéprésidentielle. C’est également un contrat qui lie ces partis-là et leurs députés, à leurs électeurs.

Que ces deux conventions soient susceptibles de résiliation au détriment des premiers cités, oususceptibles d’extension au profit des seconds nommés (ce que j’ai toujours personnellement préconisé),nul ne saurait le contester. Mais la transparence démocratique ne voudrait-elle pas que résiliation d’uncôté, extension de l’autre, se déroulent dans la clarté ?

Depuis son élection, le président de la République, chef de l’État et chef du Gouvernement, a rendupublic un document-programme intitulé « Construire le Bénin du Renouveau », qui fixe les orientationsde son action, document élaboré et soutenu par les uns, combattu par les autres, du moins dansl’application qui en est faite.

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La clarté nécessaire à la crédibilité de la démocratie ne voudrait-elle pas que les élus, et l’opinionpublique elle-même, sachent sur quels désaccords de programme est intervenue la rupture d’avec ceuxqui ont été écartés de la majorité, et sur quel accord de programme est intervenue l’intégration de ceuxqui hier lui refusaient leur appui ?

Les Béninois se sont réveillés un matin, et ont appris qu’une majorité était née. Sur quelle base ? Nulne le sut, puisque cette recomposition n’a été précédée, ni par un message du chef de l’État à l’Assembléenationale, ni par autre forme de discours ou de document public du président de la République, auxquelsles uns auraient déclaré adhérer, et auxquels les autres auraient déclaré s’opposer ? Qu’importe ! Aucontraire, ils apprenaient dans la foulée que de reddition en ralliement, on atteindrait bientôt le chiffrefatidique de 45. Mais pour quoi faire, se demandaient les braves gens ? Nulle réponse !

De cette obscure clarté vient le mal-être qui s’est emparé de l’hémicycle, et qui, au-delà del’hémicycle, a provoqué quelque émoi dans l’opinion. La vieille dame s’était effarouchée… Malaised’abord du président de l’Assemblée nationale qui tient sa légitimité de vos suffrages exprimés parbulletin secret, élu pour la durée de la législature, mais qu’on interroge et qui, sur un ton badin renvoie sesinterlocuteurs à la phrase célèbre de Corneille dans Horace : « Que voulez-vous qu’il fît seul contre 45 ?Qu’il mourût !… » On sait ce qu’il advint dans la pièce. Mais, pour parler plus sérieusement,reconnaissons que sur l’action du président de l’Assemblée nationale, pèsent les dispositions de l’article84, dernier alinéa, véritable couperet que quelques « pousse-au-crime » étrangers à cet hémicycle,voudraient voir tomber au plus vite, faisant et refaisant le compte des voix, mais dont l’ardeurdéstabilisatrice se heurte, pour l’instant, au rempart érigé par l’alinéa 3 de ce même article, parce qu’iln’est ni juridiquement ni politiquement aisé de traîner devant une Commission d’enquête un Président quiveille à conduire l’Assemblée dans la transparence et la concertation. Malaise aussi du Bureau, auquell’article 82 de la Constitution confère une longévité égale à celle de l’Assemblée elle-même, immuabledans sa composition et dont les prérogatives constitutionnelles sont clairement énoncées, mais qui setrouve en situation de déséquilibre par rapport à l’hémicycle, déséquilibre qui frappe les présidences decommissions, elles aussi, qui à une exception prés, se trouvent toutes du même côté.

Malaise de ceux qui, la veille encore, se croyaient membres de la majorité pour avoir non seulementappelé à voter Soglo, mais qui, en outre, au sein de l’Assemblée, ont toujours voté les textesgouvernementaux, et qui se trouvent du jour au lendemain expulsés, sans commandement ni préavis, alorsqu’ils croyaient avoir rempli leurs obligations, même s’ils ont par moment exprimé des nuances, mais desnuances identiques à celles de certains de leurs collègues pourtant maintenus au sein de la majorité.Malaise de ceux qui, ayant choisi le président Nicéphore Soglo aux aurores, voient grossir leurs propresrangs avec une joie teintée d’angoisse, par des collègues dont ils se demandent si le cheval qu’ils ontemprunté pour les rejoindre n’est pas un cheval de Troie, et qui craignent que les chemins, aujourd’huicroisés, ne se décroisent à l’heure des vrais choix.

Malaise aussi des nouveaux venus dans une majorité qu’ils ont critiquée trop violemment et troprécemment et qu’ils rejoignent sans avoir préalablement préparé leurs électeurs à un ralliement qui,auxyeux de ces électeurs, aurait dû s’accompagner de la réouverture des prisons, et mettre fin à ce qui estressenti par eux comme une marginalisation.

Voilà, mes chers collègues, l’Assemblée nationale telle qu’elle m’apparaît aujourd’hui. Le scanner autravers duquel j’ai essayé de l’examiner n’est exempt ni d’erreurs, ni de lacunes, ni même desubjectivisme, surtout dans un domaine où le non-dit l’emporte sur le vécu. Peut-être même n’était-il pasopportun de procéder à cet examen. Peut-être valait-il mieux feindre que tout va pour le mieux dans lemeilleur des mondes…

Mais s’il m’a paru utile d’en parler (après avoir observé des mois de silence), c’est pour rappelerl’impérieuse nécessité pour notre Parlement de sauvegarder la cohésion indispensable à la poursuite denos travaux. Un Président qui aurait des états d’âme parce que sournoisement menacé, un bureau quis’arc-bouterait sur ses prérogatives, des commissions qui seraient privées de la saine émulation qui fait larichesse de nos travaux, un hémicycle sur lequel planeraient, en permanence les frustrations, les rancœurs,la méfiance, et leurs cortèges d’intolérance, cesseraient rapidement de jouer le rôle éminent que le pays en

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attend, et qui consiste à faire les meilleures lois possibles, et à exercer sur le Gouvernement le contrôle leplus efficace dans l’intérêt de la Nation.

À ce sujet, et en votre nom à tous, je voudrais m’élever contre l’idée récemment répandue que lebudget ou telle loi ont été adoptés grâce à l’existence d’une majorité cohérente.

Je le dis pour rendre justice au courage et à l’abnégation dont vous avez tous fait preuve. Le budget del’État et toutes les lois que nous avons votées jusqu’à ce jour, l’ont été par une majorité qui dépasse detrès loin les limites d’un groupe parlementaire, et nous sommes tous ensemble heureux qu’il en soit ainsi,car la ligne de partage qui sépare nos groupes parlementaires ou qui les sépare de nos collègues noninscrits, n’est pas la ligne qui sépare la médiocrité de l’excellence, celle qui sépare l’honnêteté de lamalhonnêteté, ni celle qui sépare les patriotes des apatrides.

Quelques-uns d’entre nous partiront, appelés à d’autres responsabilités. Mais le plus grand nombredemeurera ici, confronté aux mêmes problèmes, ceux d’une institution qui lutte pour sa survie, parce quede cette survie dépend la démocratie.

J’ai dit en votre nom au Québec, le 11 septembre dernier, comme je l’ai fait à Abidjan le 29 avril, qu’àson étape actuelle, notre démocratie est et doit être une démocratie de consensus et de rassemblement,c’est-à-dire une démocratie qui privilégie la concertation à l’affrontement, car la vraie transition vers ladémocratie ne fait que commencer.

Je le redis ici devant vous avec force. Les secousses qui traverseraient notre Assemblée sont autant desecousses qui traverseraient le pays. Les menaces qui pèsent sur notre démocratie sont au dedans commeau dehors de nos frontières. Il nous faut donc rapidement surmonter notre mal-être, et nous accepter telsque nous sommes. D’ailleurs, la politique ne consiste pas à créer je ne sais quel système pur et parfait,mais à éviter le pire, à choisir toujours la moins mauvaise solution, à déplacer les problèmes plutôt qu’àles résoudre.

Notre cohésion est aujourd’hui une condition nécessaire au renforcement de l’unité nationale, àl’œuvre de redressement de notre économie et à la progression de notre démocratie.

Or, sur ces trois chantiers – unité nationale, redressement économique et démocratie – il faut bienreconnaître, que si notre pays n’est pas en situation de crise, il est dans une situation préoccupante.

Je commencerai par l’unité nationale, non pas parce qu’elle est à l’épreuve de l’actualité, mais parcequ’elle est le socle de l’édifice. Comme tant d’autres sur notre continent, la Nation béninoise est decréation récente, et donc fragile. Mais lorsqu’on jette un regard analytique sur les autres parties dumonde, on observe qu’il existe au moins deux catégories d’État.

Il existe d’une part, les États dont les citoyens partagent une histoire et une culture si anciennementcommunes, qu’ils constituent une Nation monolithique : tel est le Bénin de nos rêves, celui que nousvoudrions voir nos enfants léguer à nos petits-enfants.

Et il y a, d’autre part, des États constitués de petites entités humaines, unies les unes aux autres, parune solidarité dont le dynamisme a permis la constitution progressive d’une Nation à plusieurscommunautés. Le Bénin d’aujourd’hui, celui que notre génération a chargé de gouverner et d’administrer,s’apparente plutôt à cette dernière catégorie.

Le passage de l’une à l’autre catégorie est une tâche de si longue haleine qu’il ne sera atteint que parles générations futures. Prenons donc notre pays tel qu’il est. Que nous aimions le Bénin en fonction desintérêts de notre région, ou que nous aimions notre région en fonction des intérêts du Bénin, qu’importe !Ce qui est certain, c’est qu’un pays où n’existerait plus le sentiment de communauté est un pays en voiede dissolution. C’est pourquoi tout doit être mis en œuvre pour que les Béninois du nord continuent d’êtresolidaires de ceux du sud et réciproquement.

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Oui, mes chers collègues, la Nation béninoise sera un espace de solidarité ou ne sera pas. Il nous faut,pour cela, réduire les déséquilibres économiques et sociaux : tracer des routes, construire des écoles et deshôpitaux, procurer à chacun son bol de mil, assurer l’égalité de chance de nos enfants à l’école comme surle marché de l’emploi.

Un tel programme s’inscrit bien sûr dans le long terme, et, à la rigueur, dans le moyen terme. LeGouvernement s’y est attelé, et nous l’en félicitons; la route Parakou-Djougou-Natitingou sera bitumée, lemarché de Parakou sera reconstruit, etc. Nous avons ratifié avec célérité des accords de crédit qui vontdans ce sens ; nous devons nous en féliciter nous aussi.

Mais, pour atteindre ces différents objectifs, il nous faut créer un environnement de fraternité et c’est àce niveau que le court terme nous sollicite.

Les Béninois doivent se sentir chez eux partout où ils se trouvent sur le territoire national. C’estpourquoi, il faut dénoncer comme contraires à l’unité et à la cohésion nationales, les événements survenusà Parakou en mars 1991 qui ont vu des Béninois attenter à la vie d’autres Béninois, détruire leurs biens,saccager leurs maisons. L’État, garant de la sécurité de chacun, a pris ses responsabilités : les auteurs ontété jugés par des tribunaux indépendants après avoir présenté leur défense. Enfin, le chef de l’État usantde son pouvoir régalien, a accordé, lors des fêtes du 1er août, une remise de peine à tous les condamnés,cependant que reste à résoudre le problème non moins crucial de l’indemnisation des victimes à quij’exprime ici ma compassion et la sympathie de l’Assemblée nationale tout entière.

L’affaire de Parakou aurait gardé les dimensions d’un incident de parcours, si au fil des semaines etdes mois, ne venait s’y greffer un phénomène de plus large ampleur, le sentiment fondé ou non que toutela partie nord du pays était en voie de marginalisation, le régime du Renouveau voulant faire expier à cescompatriotes, les fautes et les crimes commis par le régime précédent. En un mot, le régionalisme en sensinverse. Ce furent d’abord des articles de presse, mais ce furent aussi des arrestations de militaires, puis lafusillade du 27 mai 1992 dont la plupart des inculpés sont originaires du nord. Ce fut ensuite la mutineriedu camp Kaba à Natitingou, puis les évasions successives des détenus. Le tout accompagné de lettres, dedémarches et de protestations des notables et des populations, dont un grand nombre atterrissaient sur lebureau du président de l’Assemblée nationale. Ce fut encore le spectacle affligeant des édifices publics etdes résidences de plus en plus sévèrement gardés, cependant que les formations politiques les plusreprésentatives de ce courant d’opinion sont maintenues dans l’isolement.

Mes chers collègues, il y a problème ! Que des partis politiques aient été mal inspirés d’aller attisersur place les ressentiments de nos frères du nord, c’est une chose, et une chose qu’il faut condamner si tela été le cas. Mais de là à nier l’évidence, voilà à quoi nous ne saurions souscrire.

Le problème du régionalisme nous interpelle avec force, de sorte que nous devons initier au sein decette enceinte, un débat public sur le sujet, lorsque les passions se seront calmées.

Pour l’heure, il me paraît nécessaire et urgent d’effacer tout d’abord les séquelles des événements deParakou en votant au cours de notre présente session, des crédits budgétaires nécessaires àl’indemnisation des victimes, et en votant aussi une loi d’amnistie en faveur des auteurs de ces actes.

Le Bénin de la Conférence nationale qui a pardonné 17 années de crimes peut trouver en lui lesressources morales nécessaires pour pardonner une journée d’égarement. À défaut d’une loi d’amnistie, jesolliciterais la mansuétude du chef de l’État, c’est-à-dire son droit de grâce.

Je la sollicite avec la plus profonde déférence, mais aussi avec la ferveur la plus ardente en souhaitantqu’elle intervienne dans le délai le plus court possible.

Il nous faut ensuite intégrer nos populations du nord dans le renouveau démocratique qui nousconcerne tous. Les 33 % de Béninois qui n’ont pas fait le bon choix au 2ème tour des électionsprésidentielles sont des Béninois comme les autres, et plus que les autres ils ont besoin de savoir que lapage est tournée. Les atouts de cette réintégration sont entre les mains du chef de l’État et je forme le vœuqu’il en use, non pas en distributeur de cartes de fidélité, mais en Rassembleur de la Nation.

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Il nous faut enfin engager une réflexion en profondeur sur les problèmes de notre armée, avec leconcours de l’armée elle-même, afin que soient évacuées les frustrations qui font penser à certains qu’ilssont frappés d’ostracisme et d’injustice. Une armée qui a gouverné pendant près de 20 ans ne peut, dujour au lendemain, redevenir la grande muette. Il faut lui donner la parole afin que, grâce au concours detoutes ses composantes, elle devienne à la fois une armée nationale et une armée républicaine. Plutôt qued’assister impuissants à des évasions ou à des stockages frauduleux d’armes à feu, il est préférable quenotre armée s’exprime et fasse son propre diagnostic selon les formes et les modalités compatibles avecson statut pourvu que la méthode retenue tienne compte de sa diversité, et de l’inébranlable option de laNation pour la démocratie.

Oui, mes chers collègues, il est urgent d’agir pour la consolidation de l’unité nationale, car la situationest critique. Les administrateurs ont pour mission de faire fonctionner un système défini. Mais, nous nesommes pas, nous autres, des administrateurs. Nous sommes des responsables politiques, c’est-à-dire desconducteurs d’hommes qui doivent avoir le courage de réfléchir, de penser, d’innover, d’inventer.L’avancée d’une Nation vers un creuset commun, la recherche d’une identité collective différente del’identité d’origine, sont partout des facteurs d’angoisse et d’interrogation. La démocratie, la vraie,.a pourobjet qu’un nombre toujours plus grand d’individus participent à leur propre histoire, c’est-à-dire qu’ils lacomprennent, qu’ils parviennent à s’y situer et à influencer son cours. L’homme d’État, c’est celui quis’élève lorsque la conjoncture défie l’histoire. Il s’agit pour lui de savoir quoi faire et de le vouloir. Ils’agit de parler à des populations désemparées et de ressusciter leur volonté de vivre ensemble, en lesrappelant à leurs sources et en leur ouvrant le chemin.

Faisons-le et faisons-le vite, car notre pays, comme chaque pays du continent, couve en son sein, saCasamance, ses Touaregs, ou ses Tutsis. Comme je l’ai dit en votre nom au Québec, notre démocratie nepeut être le cache-misère du tribalisme, fût-il démocratique.

Le second fossé qui menace les Béninois de tous horizons est celui de leurs rapports avec l’État, entant que dispensateur de bien-être et de prospérité, et en tant que garant de la solidarité.

À cet égard, aussi, la situation est préoccupante, même si la libération des énergies a permisd’atteindre, en 1991, un taux de croissance de 3 %, qui n’a d’ailleurs rien d’extraordinaire, puisqu’il a étéatteint par tous les pays africains qui ont fait un pas qualitatif sur la voie de la démocratie.

Cette situation est préoccupante, même si des crédits importants vont être mis à la disposition de notrepays, par nos partenaires à qui j’exprime ici, en votre nom, les remerciements les plus sincères du peuplebéninois qui sait qu’il a beaucoup reçu, et qu’il recevra encore beaucoup.

C’est qu’en effet, mes chers collègues, le développement clé en main n’existe nulle part. On n’yaccède pas mécaniquement par les transferts de capitaux des Programmes d’ajustement structurel. Lameilleure preuve en est que les mesures appliquées jusqu’à présent par le FMI et la Banque mondiale, sielles ont souvent apporté des soulagements, ont très rarement atteint les objectifs poursuivis. Toutdéveloppement doit être pensé, conçu et accepté. Qui sommes-nous par rapport à notre sous-région, àl’Afrique et au reste du monde ? Où désirons-nous aller et où pouvons-nous aller ? Et quel cheminemprunter ?

Les discours émaillés de chiffres sont toujours ennuyeux dans des circonstances comme celle-ci. Jen’en citerai donc que très peu pour illustrer mon propos.

– Primo : pour l’année 1992, la part de l’aide extérieure représente près de 50 % de notre budget defonctionnement et plus de 90 % de notre budget d’investissement.

Conclusion : notre pays est dans un état de totale dépendance par rapport à nos bailleurs de fonds. Or,comme le dit un proverbe qui pourrait être de chez nous, « dormir sur la natte des autres, c’est comme sion dormait par terre ». D’autant plus que cette natte ira se rétrécissant, car les pays dispensateurs d’aide etde crédit sont eux-mêmes désormais frappés par la récession et s’interrogent sur leur propre devenir, dansun temps où les candidats à l’aide sont de plus en plus nombreux car ils viennent aussi de l’est.

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– Secundo : passant au niveau macro-économique, nous constatons que le coût mondial du coton,principale source de devises, a baissé de près de 28 % entre le premier trimestre 1991 et le premiertrimestre 1992. Pourquoi cette baisse ? Nous le savons : surproduction mondiale, déséquilibre de l’offre etde la demande, politique de subvention de certains pays à leurs agriculteurs, etc.). Mais commentl’enrayer ? Pas de solution. Ou plutôt, il existe des solutions, mais elles ne sont pas de notre ressort.Conclusion : le paysan du Borgou pourrait bien un de ces jours produire deux fois plus et gagner deuxfois moins.

– Tertio : pour le premier trimestre 1992, l’activité commerciale a été médiocre et les chiffresd’affaires de nos commerçants ont baissé de 13 % au moins. Pourquoi ? Parce que entre autres raisons, lesprix des produits manufacturés importés ont surenchéri, dans un temps où le cours du naira s’effondrait.D’où la grogne légitime de nos opérateurs économiques, par ailleurs perturbés par la TVA.

Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais parler du poids de la dette. De la hausse des tauxd’intérêt, des incertitudes qui planent sur le franc CFA, des conséquences de Maastrich, de la solidariténord-sud ou de la nécessaire intégration économique africaine, d’un nouveau plan Marshall, etc. Mais jem’en abstiendrai, car des voix plus autorisées que la mienne, dont celle du président de la République,n’ont cessé de les évoquer dans tous les forums internationaux. Je voudrais ici assurer le chef de l’État, envotre nom, que le peuple béninois se joint à lui avec foi et détermination dans ce combat pour un nouvelordre économique mondial.

J’en resterai là, car mon propos n’est pas d’ajouter à l’afro-pessimisme ambiant. Il est de dire toutsimplement que, devant une situation où les facteurs exogènes sont aussi pesants, le seul développementvalable et durable est « un développement clé en tête » pour employer une expression chère au professeurKi-Zerbo, un développement qui fait appel à notre intelligence, qui a pour moteur nos bras et nos jambeset qui tire son dynamisme de notre capacité à mobiliser nos populations et à générer et gérer dessolidarités internes.

C’est parce que la situation est préoccupante au plan social et donc au niveau des solidarités que jevoudrais, avec votre permission, devancer les travaux de notre commission spéciale et temporaire pourm’exprimer sur le PAS, épine dorsale de la politique économique et sociale du Gouvernement.

La première proposition que je suggère, c’est qu’il ne peut y avoir de « société saine sans métabolismeinterne intégré, sans processus auto-généré et auto-propulsé ». La preuve a contrario en est donnée par lesecteur dit non structuré, c’est-à-dire le secteur populaire. Face à la crise qui accable le pays et quiparalyse le secteur moderne, ce secteur-là manifeste un dynamisme remarquable de survie qui peutcontribuer à des options alternatives. Cela pour dire que les plans techniques les mieux élaborés n’ont dechance de réussir que s’ils intègrent les données socio-culturelles de notre pays. Un PAS dontl’élaboration puis la mise en œuvre s’effectuerait, comme c’est le cas maintenant, sans un soutienenthousiaste de la population serait voué à l’échec.

C’est pourquoi le Gouvernement devrait, me semble-t-il, susciter, dans tout le pays, une campagne demobilisation et de vulgarisation à laquelle participeraient tous les acteurs de la vie politique, économiqueet sociale pour faire de son succès, le succès de la Nation tout entière et non un argumentaire decampagne électorale.

La deuxième idée que j’avance, c’est que cette campagne ne mobilisera que si toutes les couches de lapopulation y trouvent leur compte.

C’est dire que l’homme béninois doit être placé au centre du développement et qu’aucun PAS ne doitêtre mise en œuvre sans une étude préalable de son impact social élaboré avec les travailleurs et acceptépar eux. Les licenciements consécutifs au PAS et qui provoquent des chômages et des drames, doiventêtre assortis d’indemnités suffisantes et ou de création d’emplois nouveaux. Il n’y a aucune hérésie àsoutenir un tel point de vue car la Convention de Lomé IV, signée entre nos bailleurs de fonds et nous,dispose en ses articles 243 et 244, qu’il faut veiller à ce que l’ajustement soit « économiquement viable etsocialement supportable ». Avant de signer un PAS, le Gouvernement devrait instituer une concertation

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avec les partenaires sociaux et trouver avec eux les solutions aux problèmes qui découleront de lasignature et de l’exécution du programme. Les objectifs économiques et financiers ne doivent pas être lesseuls paramètres.

La troisième idée qui me vient à l’esprit (la dernière), est que la Politique d’ajustement structurel doitavoir pour objectif principal le développement autonome de notre pays, pour le soustraire autant que fairese peut aux effets dévastateurs des paramètres internationaux que nous ne maîtrisons pas. Est-il besoin dedire, quand la chose est évidente qu’avant de fructifier et de prospérer, il faut d’abord vivre, c’est-à-direne pas mourir, subsister. Les valeurs de progrès ne sont accessibles que si les valeurs de conservation sontassurées.

C’est pourquoi, tout en saluant les performances de notre production cotonnière destinée àl’exportation, il faut dire et répéter à nos paysans qu’ils doivent produire davantage de maïs et de mil,d’igname, de manioc et de haricot, davantage de bovins, d’ovins, de caprins et de porcins, davantage depoissons et leur fournir les moyens d’améliorer leurs productions et leur rendement dans ces domaines.L’autosuffisance alimentaire est une nécessité vitale.

C’est pour cette même raison que des mesures, telles que la TVA, doivent être revues dans leurconception comme dans leur mise en œuvre, parce qu’elles ne sont pas adaptées aux réalités d’un marchéqui tire l’essentiel de son dynamisme du fait qu’il n’est pas structuré. À vouloir trop garroter le secteurstructuré, on provoque soit un renchérissement insupportable des prix, soit un glissement insidieux etprogressif de ce secteur vers le secteur informel. Qui y gagne, qui y perd ?

Mes chers collègues, sur le terrain économique et social, bien d’autres sujets nous interpellent : lesjeunes, les diplômés sans emploi, notre système éducatif, nos unités de soin. Nous ne saurons les évoquertous aujourd’hui. Le régime que nous avons installé est préférable à celui qui l’a précédé. Mais soyonsmodestes, car il est gravement imparfait ; ses tares et ses inconvénients sont de plus en plus sensibles. Lagrande révolution, qui s’est opérée du 19 au 28 février 1990, a libéré les énergies. Pour qu’elle sepoursuive et se pérennise, elle doit déboucher sur une répartition équitable du bien-être et des sacrifices,c’est-à-dire sur la justice sociale et la solidarité. L’afflux des capitaux annoncés n’y suffira pas. Le votedu 31 mars 1991 perdrait une large part de son sens, s’il ne contenait un substrat social, et si l’horizon denos compatriotes est sans cesse ramené aux besoins élémentaires, à la faim, la soif, la santé, bref la survie.

C’est pourquoi, j’en appelle à l’actualisation de cette table ronde sur les problèmes économiques etsociaux, comprise cette fois-ci, non pas comme un monologue, une stratégie du fait accompli ou ducache-cache, mais comme l’expression de la volonté du Gouvernement de jouer carte sur table avec lespartenaires socio-économiques, ce qui suppose une préparation concertée, la circulation des informations,et une approche plurielle des problèmes et de leurs solutions, dans la plus pure tradition démocratique. Jesuis persuadé que, conçue de la sorte, elle débouchera sur des résultats consensuels, dont le plusimportant devra être un partage équitable des sacrifices.

C’est enfin de la démocratie elle-même que je voudrais vous parler. Qu’avons-nous à y redire, puisquede partout, on nous l’envie ? À quoi je réponds : parlons-en, car si on nous l’envie, c’est parce qu’il s’agitd’une denrée rare et périssable. Un proverbe, bien de chez nous, celui-là, dit que « l’homme le plusheureux n’est pas, pour autant, dispensé de consulter les oracles ».

Comme l’a dit récemment l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Javier Perez de Cuellar, ladémocratie est une création continue qu’il faut juger non par rapport à sa perfection théorique, qui n’estqu’un point à l’horizon lointain, mais qu’il faut juger par rapport à ce à quoi elle s’oppose ; on n’en sortque pour tomber dans la dictature ou dans l’anarchie. Interrogeons donc le présent, il nous révélera peut-être les clés de l’avenir.

La première idée que j’emprunte au philosophe Français Henri Hude, est que la maturité politiqued’un peuple est proportionnelle au sens qu’il a des réalités et donc de son information. D’où la question :comment développer cette capacité politique, sans étrangler la liberté de l’information, et en même tempssans instaurer le bourrage des crânes ? Voilà posé le problème de notre presse qui a un rôle central à jouerdans la sauvegarde de la démocratie et dans l’arrivée à maturité de notre peuple.

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Les événements doivent être largement diffusés. Cela est d’une nécessité primordiale. Mais l’une desrançons du progrès technique, est qu’il facilite une manipulation toujours plus subtile des esprits. Lestitres, les manchettes et les articles tels qu’ils sont parfois conçus dans notre pays, projettent de plus enplus une idée de l’homme béninois, contraire à l’idée qu’on est en droit de s’en faire dans un pays où lesdroits de l’Homme et la dignité de la personne humaine sont des valeurs désormais intangibles, parcequ’ils sont les corollaires de la démocratie.

Je salue le courage et la pugnacité dont nos hommes de presse ont fait preuve pour nous débarrasserd’un régime dictatorial, et je comprends leur volonté d’étouffer dans l’œuf toute vélléïté de retour àl’arbitraire, à l’injustice, à la confiscation du pouvoir. Ils ont prouvé, dans des circonstances historiques,qu’ils sont des hommes de conviction, avec ce que la conviction comporte parfois d’émotionnel etd’irrationnel. Mais la conviction, celle d’un homme de presse surtout, peut-elle être formée sans que laraison (au moins intuitive), n’y participe dans une certaine mesure ? Du reste, cette interrogationn’interpelle pas les seuls hommes de presse, mais l’ensemble du microcosme : hommes politiques,responsables syndicaux, financiers, etc. qui tirent les ficelles dans l’ombre et dont les journaux, tel unmiroir, ne font que refléter les intrigues, les convoitises et les impatiences.

Si vous me permettez d’approfondir encore un peu plus la réflexion, je dirai que les hommes de presseaujourd’hui tout puissants, parce qu’ils ne sont soumis à aucune responsabilité démocratique et juridiquesérieuse, sont en même temps des hommes de presse impuissants, privés de liberté réelle, parce qu’ilssont souvent dépendants des hommes politiques et des puissances d’argent.

La situation est donc préoccupante à ce niveau. Le Gouvernement en est conscient, puisqu’on annonceune réforme dont nous ne connaissons pas les contours, ni les conditions d’élaboration, et qui viendraitcompléter le dispositif mis en place par la loi sur la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de laCommunication.

Mais s’agissant de la presse, et surtout de la presse, la réforme doit être conduite dans la participationet la concertation avec les hommes de presse. Elle doit être inspirée, non pas par des sentiments derancœur et la volonté de muselage, mais par les valeurs authentiquement démocratiques que sont laliberté, la responsabilité et la vérité.

Une presse libre, c’est une presse débarrassée des tutelles qui l’entravent.

Dans la mesure où notre presse est encore pour une très large part entre les mains de l’État, il fautcontinuer à dessérer la tutelle administrative qui tendrait à faire de notre télévision, et de notre radio, desinstruments de propagande du pouvoir, et des instruments de liquidation de ses opposants. Je rends, aupassage, hommage à nos journalistes de la presse publique qui résistent admirablement à cette tendance.La radio et la télévision nationales sont des services publics, auxquels tous les courants d’opinion doiventavoir un accès non seulement équitable, mais loyal, je dis bien loyal.

L’autre tutelle dont il faut délivrer notre presse est la puissance d’argent sous toutes ses formes, carcette puissance revêt des formes variées. Sa forme la plus ordinaire est le financement des journaux pardes détenteurs de capitaux, qu’ils soient fondateurs, propriétaires ou mêmes donateurs. Cette tutelle semanifeste encore à l’occasion de publicités : en effet lorsque la presse vit essentiellement de recettespublicitaires, distribuées par les entreprises à qui leur plaît, ces entreprises exercent un véritable pouvoirsur les journaux. Je pourrais encore citer les imprimeurs, les distributeurs, etc.

Si nous voulons une presse véritablement libre, il nous faut briser tous ces liens de dépendance etmettre nos journaux à l’abri du chantage financier. Pour y parvenir, il nous faut définir les droits desfondateurs et autres financiers qui doivent garantir la fidélité du journal à l’esprit qu’ils ont entendu luidonner. Mais il nous faut définir aussi les droits de la rédaction qui sont des droits imprescriptibles àexprimer la vérité. C’est pourquoi l’État devrait doter la profession d’une Caisse de solidarité gérée par laHaute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (en tout cas par la profession elle-même) quiconsentirait aux journaux en difficulté des prêts remboursables aux conditions fixées par cette institution,qui veillerait à en exclure les cas avérés de gabegie, de mauvaise gestion et d’abus.

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Toute réforme qui ne résoudrait pas le problème de la dépendance de la presse par rapport au pouvoird’argent, serait illusoire.

La responsabilité, seconde valeur démocratique que doit assumer une presse libre, peut être entenduecomme le renforcement de l’arsenal des lois qui répriment les manquements. Une telle approche seraitliberticide. Au demeurant, l’éventualité d’être devant les tribunaux et de se voir infliger des peines et desdommages-intérêts, n’a jamais découragé un journaliste, surtout lorsqu’il est assuré qu’amende etdommages-intérêts trouveront payeurs et que le journal survivra au procès. L’approche répressive meparait donc la plus mauvaise, car elle abaisse.

La responsabilité à laquelle doit accéder notre presse, me semble être, au contraire, celle qui élèvel’homme en renforçant chez lui l’idée que son devoir est de respecter ses lecteurs qui, pour être souventdes gens simples, n’en ont pas moins le sens du réel, le sens du possible, qu’ils ont précisément puisésdans leurs difficultés quotidiennes.

Je voudrais illustrer mon propos par un exemple que j’ai choisi, non pas parce qu’il nous touche, maisparce que nous en cernons mieux les contours. « Scandale à l’Assemblée nationale. Détournement de 100millions ». En grand titre ! « À la une », comme on dit dans le jargon ! Et lorsque vous ouvrez la pageintérieure et que vous lisez l’article consacré à ce pseudo-scandale, de détournement point de trace ! Maisdans l’intervalle, le journal aura été acheté par des milliers de lecteurs, alléchés justement par le titre, etfinalement trompés, abusés.

Quel arsenal de lois pouvons-nous ériger, qui éradique définitivement un tel mal qui n’aboutisse pasen même temps à juguler la presse ? Aucun ! Ce qu’il faut à mon sens, c’est réinventer une éthiqueprofessionnelle. Si nous ne le faisons pas, notre presse ne sera plus un véhicule d’information et deformation de notre peuple, mais une machine à produire la calomnie et l’injustice.

Or, notre presse doit être une presse de vérité. Il s’agit, en effet, d’instaurer une éthique d’expressionfidèle et scrupuleuse de la vérité, car sans cette volonté de rechercher le vrai et de l’exposer avecsincérité, la liberté de parler ou d’écrire équivaudrait à la liberté de tromper.

Il s’agit ensuite, une fois exprimée la vérité, ou ce qu’on croit l’être, d’exprimer une organisationéquitable du droit de réponse qui s’apparente en quelque sorte à ce que les juristes appellent la légitimedéfense, c’est-à-dire une riposte proportionnelle à l’attaque.

Lorsqu’une personne ou une institution a été mise en cause, elle devrait bénéficier d’un droit deréponse dont la longueur et la mise en page soient équivalentes à celle de l’article incriminé au lieu quenous assistions impuissants à ces réponses parcimonieusement insérées dans un coin, que le journalachève de rendre inconsistante, en l’accompagnant d’un commentaire équivoque qui en réduit la portée.

Ce qu’il nous faut instaurer, c’est un dialogue ; un dialogue qui parte de l’article à la réponse, et de laréponse à la réplique dans un mouvement de va-et-vient qui, appuyé sur les faits, sollicite l’intelligencedu lecteur et donc son information et sa formation. Le droit de réponse cesserait ainsi d’être vécu commeune humiliation par le journaliste, et comme un traquenard pour la personne attaquée.

Peut-être en ai-je déjà trop dit ou pas assez, n’ayant pas d’attache particulière dans le secteur. Jen’avais d’autre prétention en le faisant que de lancer la réflexion et d’en parler au sens commun, à ce senscommun auquel nos populations nous ont brutalement ramenés à l’occasion du projet de réforme del’administration territoriale.

C’est en ce termes, en effet, que j’analyse les réactions de nos populations qui, du nord au sud et de1’est à l’ouest, se sont insurgées contre cette réforme combien nécessaire parce que, dans sa conceptioninitiale, elle a été une œuvre de technocrates au lieu qu’elle en appelle d’abord au vécu et aux aspirationsdes populations. Les marches de protestation enregistrées un peu partout ont fort heureusement conduit leGouvernement à organiser une journée de réflexion en prélude à des états généraux. Mais de quel intérêt

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serait une journée de réflexion et des états généraux s’ils ne sont pas précédés par une participation-concertation avec les populations elles-mêmes ?

Au lieu de commencer par rechercher depuis Cotonou un consensus implicite sur le contour descollectivités territoriales décentralisées sur le nombre des départements, sur la répartition descompétences, sur le coût de la réforme, etc., ne serions-nous pas mieux inspirés d’aller d’abord expliqueraux populations, au cours d’une vaste campagne de sensibilisation, pourquoi une réforme est nécessaire,et quels avantages leur procurerait la décentralisation. Ne serions-nous pas mieux inspirés d’aller leurdemander si elles souhaitent dépendre de telle sous-préfecture ou de telle autre, ou encore si ellespréfèrent rester autonomes.

Je suis enclin à penser que le villageois à qui on expliquerait que l’État est trop éloigné de lui pourconstater qu’il manque, ici un dispensaire, là une piste, trop éloigné de lui pour se rendre compte qu’ici lemarché n’a plus de toit ou que l’école n’a plus de bancs, comprendra sans peine qu’il vaut mieux que ladécision de réaliser ces travaux soit prise sur place par des responsables qu’il côtoie tous les jours, qu’il alui-même élus et qu’il peut sanctionner.

Je suis également enclin à penser que le paysan béninois qui refuse légitimement de payer une taxecivique, dont la perception n’apporte aucune amélioration à son cadre de vie, payera avec moins derépugnance des contributions financières décidées à l’échelon local, et dont il sait qu’elles servironteffectivement à réparer le toit de l’école que fréquente son enfant, ou à désherber la piste qu’il empruntepour se rendre dans son champ. Du reste, il le fait déjà, car dans presque tous nos villages, des prestationsqui sont normalement du domaine de l’État, sont assurées par les villageois eux-mêmes, sont sousl’impulsion des associations de développement et des ONG auxquels je tiens à rendre l’hommage le plusvibrant.

J’ai dit que le refus du paysan de payer la taxe civique est légitime. S’il n’est légitime, il est en toutcas persistant, ce qui est synonyme dans le cas d’espèce. Qu’on en juge ! Dans la quasi-totalité de nosdépartements, le taux de recouvrement dépasse rarement les 40 %, la moyenne des recettes pour l’année1991 oscillant entre 37 000 000 et 75 000 000 F par département.

C’est qu’en effet, elle me paraît devoir être supprimée, comme elle l’a été dans d’autres pays. Elle estdevenue un impôt injuste pour les populations à qui l’État n’apporte plus rien, et elle est devenuecoûteuse pour l’État lui-même, puisque les recettes obtenues sont dérisoires au regard des moyenshumains et matériels mis en œuvre pour traquer et contraindre le contribuable. Nos préfets et sous-préfetsle savent que trop. Il s’agit donc bien de la supprimer (et non de lui trouver une nouvelle dénomination,comme le suggère un récent rapport général) et de fixer les règles par lesquelles une part des recettescollectées par les autorités locales sera transférée à l’État ou à d’autres collectivités locales pour corrigerles inégalités qui existent d’un département à l’autre, d’une sous-préfecture à l’autre, afin que l’espacenational béninois soit un espace de solidarité vraie.

Mon propos, ici, n’est pas d’apporter des solutions toutes prêtes aux épineux problèmes que pose laréforme territoriale. Il était seulement de suggérer une méthode différente : les bœufs d’abord, la charrueaprès ; la concertation-participation des populations d’abord, les solutions techniques après. Mon proposétait seulement de suggérer qu’il existe d’autres approches du problème des finances publiques et desfinances locales, et qu’il n’en faut écarter aucune a priori. À ce prix-là, je suis convaincu que la réformedémocratiquement conduite, l’emportera sur l’immobilisme qui nous guette désormais du fait de laméfiance de nos populations.

Chers collègues et honorables invités,

que puis-je dire pour clore cette cérémonie ? J’ai été long – si long –, je me suis mêlé de tout oupresque ! Je voudrais donc, en guise d’épilogue, vous présenter mes excuses pour avoir manqué au bongoût qui, d’après Fénélon, « consiste à retrancher tout discours inutile, et à dire beaucoup en peu demots ». C’est qu’il m’a semblé à moi-même, comme à ce moraliste, que « mon peu d’autorité en cesmatières, et le peu d’attention qu’on aura pour mes opinions, me mettent en liberté de dire tout ce que jepense ».

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5. Discours de Me Adrien Houngbédjisur le Renouveau démocratique au BéninGenèse, enjeux et perspectives(Académie des Sciences d’Outre-Mer, Paris, 1er octobre 1993)

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire perpétuel,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très sensible à l’honneur que vous me faites de vous entretenir du Renouveau démocratique duBénin. Je vous en remercie.

Je confesse en même temps mon embarras d’avoir à me soumettre à cet exercice alors que je présideencore aux destinées du Parlement de mon pays.

Devant un cénacle comme le vôtre, les qualités requises pour traiter d’un tel sujet me semblent êtrecelles d’un observateur attentif et objectif. Or, je me situe en prise directe avec le phénomène, dans le feude l’action, avec ce que celle-ci implique de passion, pour avoir été l’un des protagonistes de sa genèse, etpour être aujourd’hui comptable de ses enjeux et de ses perspectives. Quelque précaution que je prenne,mon approche portera la marque de cette dualité délicate.

Ce qui me conforte dans cette entreprise, c’est la certitude que vous saurez discerner entre l’acteur etl’observateur, tant il est vrai que rien de ce qui concerne le Bénin ne vous est étranger.

Cent années de vie commune, depuis le bon Victor Ballot, premier gouverneur de la colonie duDahomey en 1894, en passant par l’inamovible M. Fourn, vous ont accoutumés aux mœurs politiques demon pays et à ses soubresauts.

L’ambassadeur Guy Georgy disait récemment que nous avions ajouté beaucoup de vos travers à nosdéfauts d’origine : notre penchant naturel à être turbulents et palabreurs, joint à ce sens de l’abstraction etdes idéologies que nous avons hérité de vous, donnerait de notre pays, un tableau presque caricatural dessyndromes mentaux du Tiers Monde, dont le principal est l’inconstance.

J’aurais aimé qu’il n’eût point raison ! Mais il faut bien se rendre à l’évidence : 22 gouverneurs aucours des 25 dernières années de l’administration coloniale, et 9 chefs d’État au cours des 10 premièresannées de l’indépendance. Que de changements ! Et quelle aptitude au changement !

C’est ce pays-là, tour à tour Quartier latin et enfant malade de l’Afrique, qui, après avoir expérimenté17 années de totalitarisme, accomplit, en 10 jours, la plus formidable révolution politique observée sur lecontinent noir.

Formidable parce que le passage d’un régime militaro-marxiste à un régime démocratique s’opérasans coup de feu ni effusion de sang, par la seule vertu du dialogue, dans une Afrique habituée auxrenversements sanglants.

Formidable aussi, parce que cette révolution s’accompagna d’une période de transition qui vitcohabiter dans une parfaite harmonie, les responsables des deux systèmes antagonistes, jusqu’au verdictdes urnes.

Les anthropologues et les sociologues disserteront sur la relation de cause à effet entre les traitscaractéristiques de notre peuple et cette révolution pacifique sous l’arbre à palabres que fut la Conférencenationale, et ils nous dispenseront du coup d’avoir à chercher ailleurs la genèse de notre Renouveaudémocratique.

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Ce qu’il faut retenir aujourd’hui, c’est que la Conférence nationale est un produit typiquementbéninois, qu’elle n’est exportable qu’au prix de mille parodies et contrefaçons, et que, de ce fait, elle nesaurait constituer la seule voie d’accès à la démocratie.

Qu’elle ait été imitée ici et là n’y change rien. Les conférences nationales se sont multipliées sur lecontinent, mais avec des fortunes diverses. Le Zaïre géant n’en finit pas avec la sienne. Des voix s’élèventqui invitent le colosse nigérian à y recourir. Mais il en est de la politique comme de tous les autres arts,« le modèle qui réussit le mieux en petit, souvent ne peut s’exécuter en grand ».

Notre Conférence nationale porte tout entière le sceau du génie de notre peuple. Elle a partie liée avecnotre histoire, nos croyances, nos structures socio-économiques, avec notre environnement et notre ex-périence, c’est-à-dire nos échecs et nos espérances.

C’est un lieu commun de dire que le drame béninois s’est joué sur fond de crise économique. Lemarxisme-léninisme proclamé idéologie d’État eut, du point de vue économique, les effets qui lui sontpropres : nationalisation des principales activités de production, prolifération des entreprises d’État, avec,pour corollaire, la disparition progressive de l’initiative privée, l’engorgement anarchique de la fonctionpublique et la chute de la productivité. La suite fut tout aussi classique : fuite des capitaux et desinvestisseurs, dette publique énorme, amenuisement des ressources de l’État désormais incapable decouvrir ses dépenses de fonctionnement.

C’est aussi un lieu commun d’évoquer le rôle joué dans l’avènement de ce Renouveau démocratiquepar la presse, les étudiants, les travailleurs, les autorités spirituelles et la diaspora.

Il fut considérable, en effet !

On ne rendra jamais assez hommage à nos journalistes qui, dans cette période de baillonnement et demonolithisme, avancèrent masqués pour dénoncer le pourrissement du régime, très efficacement relayéspar les radios étrangères qui donnèrent une particulière résonance aux souffrances de notre peuple etcontribuèrent ainsi à lui rendre espoir.

De même, on n’insistera jamais trop sur le combat d’avant-garde livré à l’oppresseur par nosétudiants, qui, sous l’impulsion déterminée et déterminante du Parti communiste dahoméen, apportèrent ànotre lutte, ce tumulte inhérent à toutes les luttes de libération, au prix de leur vie et de leur liberté.

Comment ne pas citer les travailleurs, principalement ceux de la fonction publique, privés de leurssalaires des mois durant, et continuant stoïquement d’assumer leurs tâches, avant de s’engager dans unegrève illimitée dont aucun ne douta qu’elle ne prit fin qu’avec la fin de la crise politique ?

Il faut souligner également l’extraordinaire courage et la lucidité de nos autorités religieuses, de toutesconfessions, qui dénoncèrent le régime honni, et dont les exhortations rencontraient un écho favorablejusque chez les adeptes de nos cultes animistes, eux-mêmes un moment persécutés.

Comment, enfin, ne pas associer dans cette évocation, des acteurs de notre Renouveau, noscompatriotes de la diaspora, exilés volontaires ou involontaires, écartés par vagues successives, mais quifurent, grâce à leur exceptionnel essaimage dans les organisations internationales, ou tout simplementdans les pays d’accueil, les porte-parole des opposants de l’intérieur et qui contribuèrent ainsi, à l’échellemondiale, au réveil des consciences ?

Il convient à coup sûr, d’ajouter à ces facteurs endogènes propices aux bouleversements, l’apparitiond’un environnement international subitement favorable.

Le grand courant de remise en cause qui traversa les pays de l’Est, de la chute du mur de Berlin àl’émancipation de la Pologne, de la Perestroïka russe à la Révolution de velours, étala au grand jour lafragilité de l’édifice marxiste, et participa certainement à l’éclosion de notre démocratie.

Ce ne fut peut-être pas pur hasard si notre révolution vit le jour, l’année même où la France célébraitle bicentenaire de 1789. Une modeste institutrice de chez nous, Mme Béatrice Gbado, qui vécutl’événement devant son petit écran écrivait ceci : « 1789-1989. Nous sommes à deux siècles de laRévolution française. Grâce à la coopération culturelle avec le pays de François Mitterrand, la télévisionnous a diffusé des films retraçant les étapes marquantes de l’événement… La meilleure leçon de cetterévolution démontre et enseigne que l’abolition des inégalités demande peu de moyens matériels :fourches, gourdins, coupe-coupe, râteaux… ».

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Je n’ai pas eu la chance d’assister à la commémoration du bicentenaire au Bénin. Mais je puis attesterque l’exaltation exprimée par ce témoin était partagée par notre peuple jusqu’au-delà de nos frontières.Chacun, devant son petit écran, nous avons vécu dans l’espoir que la Raison universelle finirait par avoirraison de nos tyrans. Oui, nous savions que le jour viendrait !

Du 14 juillet au 7 décembre 1989, l’Histoire marcha au pas de charge. Mais alors qu’on l’attendaitarmée de fusils et de mitraillettes, version moderne de vos fourches et de vos gourdins, elle fit irruptionsous la forme d’un communiqué du pouvoir en place, rédigé dans un charabia révélateur des résistancesrencontrées au sein des instances dirigeantes. Ce communiqué annonçait la convocation d’uneConférence réunissant les Forces vives de la Nation.

Les objectifs assignés à cette conférence étaient d’élaborer une nouvelle constitution, de séparer leparti et l’État, de former un Gouvernement responsable devant le parlement, d’instaurer le libéralismeéconomique, pour tenir compte de la signature d’un programme d’ajustement structurel avec le Fondsmonétaire international et la Banque mondiale, enfin de garantir les droits de l’Homme et les libertésfondamentales.

Elle s’en affranchit, proclama d’abord sa propre souveraineté et balaya le régime. Chacun connaît lasuite !

Comment l’idée germa-t-elle d’une conférence et quels éléments l’emportèrent dans le choix de cetteoption ?

La pression des bailleurs de fonds, soucieux de voir s’opérer une avancée démocratique sous l’autoritéd’un Mathieu Kérékou qui restait à leurs yeux la meilleure garantie de stabilité ?

La paralysie de l’appareil productif par la grève illimitée des travailleurs et des étudiants, ainsi que lesmanifestations de rue ?

Les failles relevées dans le dispositif de répression, illustrées par les différents putschs avortés, dont ledernier en date fut dirigé par le propre aide de camp du chef de l’État ?

Les convergences apparues entre une partie de la classe dirigeante et une partie l’opposition, à la suitedes contacts inéluctables dans un pays où chacun est l’ami ou le parent de tous, et dont il ressortait que laviolence pouvait être conjurée et les changements obtenus par la concertation ?

Pourquoi l’idée, aussitôt émise, fut-elle acceptée par l’ensemble de la classe politique, exception faitedu Parti communiste dahoméen ?

Lassitude perceptible de l’opposition devant les incertitudes d’une lutte dont il était prévisible qu’elleserait longue, faute qu’elle soit organisée et armée, et donc calcul politique ?

Sentiment croissant chez les dirigeants, de la précarité de leur pouvoir, et recherche d’une issue quiépargne leur vie, leur liberté et leurs biens ?

Il serait vain de privilégier telle piste plutôt que telle autre. De même que sont vaines, ici, lesrevendications de paternité.

La Conférence nationale n’a de père que le peuple béninois lui-même. Elle est l’épilogue d’un lentprocessus de maturation engagé depuis l’aube de notre indépendance. Elle a pour point de départ lalongue nuit d’amertume entamée le 1er août 1960 et dont le bilan fut jugé globalement négatif, tant auplan des libertés fondamentales qu’au plan du développement. La prise du pouvoir par Mathieu Kérékou,le 26 octobre 1972, n’a été rendue possible que par l’échec des neuf Gouvernements qui l’ont précédé. Etc’est à un exorcisme de ces 30 années d’égarement que les membres de la Conférence nationale ont vouluse livrer.

Mais s’il est vrai que le Renouveau démocratique du Bénin eut pour épicentre le peuple béninois lui-même, il serait injuste de ne pas y associer le président de la Conférence nationale, Monseigneur Isidorede Souza. Que les conférenciers aient porté à leur tête un homme d’Église n’avait rien d’exceptionnel. Saneutralité politique et sa charge ecclésiale, la plus élevée du pays, bien qu’il ne fût encore que lecoadjuteur de l’archevêque de Cotonou, lui conféraient prestige et autorité. Ce qui est exceptionnel, c’estla maîtrise avec laquelle il sut incarner, douze mois durant, dans ses propos comme dans ses actes, lesaspirations de tout un peuple, face à un chef d’État à la personnalité caméléonesque, face à desprétendants qui faisaient feu de tout bois, face aussi à une salle où l’invective tenait souvent lieu

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d’argument, et qu’il sut habilement dompter. Inflexible sur les objectifs, et matois quant aux moyens, Mgrde Souza fut assurément un grand artisan de notre démocratie.

Quant à Mathieu Kérekou, ses mérites apparaissent rétrospectivement, au regard des dérivesobservées ailleurs que chez nous, et dont il sut préserver notre peuple.

Alexandre Soljenitsine disait que « toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plusélémentaire barbarie, les forces opaques de l’envie, de la rapacité et de la haine ».

Nous avons vaincu cette fatalité-là ; nous goûtons au bonheur de conserver par la sagesse, ce que nousavons acquis par l’enthousiasme et selon le mot de Condorcet, « nous essayons de faire aimer nos libertésrépublicaines à ceux-là même qui sont assez malheureux pour ne pas en connaître le sentiment ».

Une loi d’immunité a couvert toutes les offenses passées. Nul détenu politique et nul procès ! Ainsipensons-nous avoir évité à notre pays d’inutiles déchirements, pour consacrer ensemble nos énergies auxvéritables enjeux.

Le premier de ces enjeux, c’est bien sûr le Bénin et les Béninois, c’est-à-dire un pays et un peuple quiont vu se succéder 12 années d’instabilité et 18 années de dictature marxiste, qui n’ont ni satisfait leurlégitime aspiration à la démocratie, ni contribué à leur mieux-être économique, tant s’en faut.

Comment alors concilier l’ordre et la liberté ? Telle me semble être aujourd’hui la premièreinterrogation des Béninois dans leurs rapports avec eux-mêmes et avec leur passé.

L’ordre et la liberté !

À l’instar de la plupart des pays africains, le Bénin a longtemps pensé que ces deux piliers de 1’Étatétaient antagonistes, qu’un parti unique et un pouvoir fort étalent les meilleurs vecteurs d’unité, de paix etde progrès. Il découvre aujourd’hui les délices de la démocratie, et pourrait même céder au mirage decroire qu’elle suffit à son épanouissement.

Il nous faut apprendre ou réapprendre que 1’harmonie de toute société réside dans la rechercheconstante d’un équilibre entre l’ordre et la liberté.

La constitution que nous avons adoptée répond à ces préoccupations, même si elle recèle desimperfections.

Elle instaure un régime présidentiel qui permet au chef de l’État d’exercer la plénitude du pouvoir degouverner pendant cinq ans, et soustrait l’action de son Gouvernement à la censure du parlement. Lastabilité se trouve ainsi confortée.

La constitution érige autour du Gouvernement des contre-pouvoirs. Les plus importants sontl’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, la Haute autorité de l’audiovisuel. L’Assemblée natio-nale, maîtresse de son ordre du jour, et insusceptible de dissolution, vote les lois et contrôle l’action duGouvernement. La Cour constitutionnelle veille au fonctionnement régulier des institutions. La Hauteautorité de l’audiovisuel facilite l’accès équitable de tous les courants d’opinion aux médias.

La constitution proclame aussi les droits fondamentaux de la personne humaine et assure leurprotection par la Cour constitutionnelle que tout citoyen peut saisir, et dont les membres nommés pourpartie par le pouvoir exécutif et pour partie par le pouvoir législatif, sont inamovibles pendant la durée deleur mandat.

L’exigence de liberté me paraît garantie.

Mais, au-delà des textes qui ne valent que par ce que valent les hommes chargés de les appliquer, lasurvie de notre démocratie dépend de la détermination de notre peuple à en exiger le respect. Tout commeelle dépend de notre capacité à créer et à gérer des solidarités internes au moment où notre économies’ouvre aux lois du capitalisme et du marché.

Mobilisation des ressources et mobilisation du peuple !

Telle me paraît être la grande affaire.

La démocratie béninoise, faut-il le rappeler, est née de la crise économique. Comment éviter qu’ellesuccombe à la crise ?

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Avant d’aborder le cœur de mon propos, permettez-moi un rapide retour en arrière. Dans les années« 60 » qui ont vu l’accès à l’indépendance de la plupart des pays africains francophones, la liessepopulaire a très vite cédé la place à une question, lancinante et incontournable sur les lèvres de nospaysans : « Que m’apporte l’indépendance si mon panier n’est pas plus rempli qu’avant ? ».

Si je fais ce rappel, c’est qu’aujourd’hui encore, nous sommes en face de la même problématique :comment sauver la démocratie, si le panier de nos ménagères demeure désespérément vide ?

Dans un récent sondage effectué dans les villes de Cotonou et de Porto-Novo, à la question de savoirsi le Renouveau démocratique a apporté un changement à leur vie, plus de 80 % des personnes interro-gées ont répondu par la négative. Après trois années d’attente ! N’y a-t-il pas là une incitation à réfléchir ?

Il est indéniable que pour redonner vie à notre économie, il nous faut engager et poursuivre desréformes de fond : désengorger notre administration, libéraliser notre appareil de production, augmenterles recettes de l’État, décentraliser et responsabiliser les collectivités locales. Ces réformes conditionnent1’accès de notre pays aux importants prêts à l’investissement dont il a besoin. Notre développement passenécessairement par le Programme d’ajustement structurel. Personne ne le conteste sérieusement cheznous.

Mais comment concilier une montée d’exigences et de revendications nouvelles, voire l’exacerbationdes corporatismes, avec les contraintes inhérentes à tout développement économique global ?

Comment assurer à notre pays un décollage économique minimum, susceptible de satisfaire en partieles revendications souvent pressantes et légitimes de nos populations ? Chacun est conscient que, fauted’un commencement de réponse, c’est le processus lui-même qui serait remis en cause, parce quedépourvu de crédibilité sociale.

Les transferts de capitaux du Programme d’ajustement structurel débouchent-ils automatiquement surce décollage minimum, lorsque les arbitrages qu’ils induisent prennent des allures d’injonction ou fontabstraction de leur impact social ?

Notre développement ne doit-il pas être d’abord pensé, conçu et accepté par nous, en fonction de nosréalités économiques et sociales ?

La première de ces réalités économiques, c’est que nous sommes dans un état de dépendance parrapport à nos bailleurs de fonds qui contribuent pour 90 % à notre budget d’investissement. Le pourront-ils toujours, et au même niveau ?

La seconde, c’est que nous n’avons aucune prise sur le cours des matières premières que nousexportons, aucune prise sur les mécanismes de fixation des prix des produits manufacturés que nousimportons et qui augmentent sans cesse, de sorte que nous courons constamment le risque de produireplus et de gagner moins, le risque de dépenser plus pour acquérir moins.

Nos réalités sociales sont tout aussi dramatiques : une population dont les revenus et le niveau de viesont à la limite du tolérable, un taux de chômage rédhibitoire, des diplômés sans emploi, réduits à vivred’expédients.

La toute première attente d’une telle population, c’est que la démocratie améliore rapidement sesconditions de vie. Elle est peu encline à accepter de nouveaux sacrifices, plus portée à réclamer dessolidarités. N’est-elle pas, dès lors, fondée à s’insurger contre la restructuration de notre administration oules privatisations, synonymes pour elle de départs volontaires, de départs « ciblés » ou de compression ?Au Bénin, un travailleur qui perd son emploi et ce sont dix personnes au moins qui perdent leurs revenus.Chacun sait l’étendue de la famille africaine, et les liens de dépendance qui s’y greffent.

D’où, peut-être, la nécessité que nos Programmes d’ajustements structurels soient élaborés et mis enœuvre avec la participation et le soutien de nos populations, faute de quoi ils seraient voués à l’échec.Cela suppose que l’homme béninois soit placé au centre des programmes de développement, que toutesles couches sociales trouvent leur compte à l’exécution de ces programmes, et en aient une claireconscience. Il s’agit, en définitive, que ces programmes soient vécus non comme une descente aux enfers,mais comme un espoir.

Devant ces pesanteurs économiques, sociales et psychologiques, notre démocratie ne dépend-elle pasautant de notre aptitude à mobiliser notre peuple et à créer des solidarités internes en vue d’un

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développement endogène et auto-centré, que de notre capacité à mobiliser des capitaux, et donc, desusciter des solidarités externes ?

C’est en effet en termes de solidarité que je voudrais évoquer les enjeux de notre Renouveaudémocratique dans ses rapports avec l’Afrique et avec la communauté internationale.

La démocratie et les droits de l’Homme participent des valeurs de civilisation universelle àl’avènement desquelles la France et les nations occidentales sont attachées. Le Bénin est désormais l’undes maillons de cette civilisation.

Autour de lui, et jusque dans son environnement immédiat, une Afrique qui se cherche, souventallergique au vent du changement et s’y opposant, parfois au prix de douloureuses convulsions quimettent en péril les cohésions nationales, l’intangibilité des frontières, et quelquefois même la notiond’État.

Mais une Afrique qui découvre, dans le même temps, les inconvénients de son excessivebalkanisation, à l’heure où se construisent et se reconstruisent partout de grands ensembles économiquessinon politiques, et qui, de ce fait, s’engage quoique timidement, sur la voie de l’unité, de la coopérationSud-Sud et de l’intégration régionale. Et les pays francophones sont aux avant-postes de ce mouvement,qu’il s’agisse des progrès de la démocratie, de l’union monétaire déjà réalisée par le truchement du francCFA, des projets d’harmonisation de leurs législations, ou de la création envisagée d’une école de magis-trats, et d’une cour arbitrale commune.

Dans un tel contexte, la réussite du modèle béninois a valeur de test. Si notre expérience devait êtreperçue comme une aventure solitaire, elle porterait rapidement le deuil de nos convictions et de nosespérances. Il faut donc que le modèle vive et prospère, conforme à l’image qu’il projette dans l’esprit desAfricains, faute de quoi il risquerait de constituer une sorte de protocole non commercialisable, ou unepréparation de laboratoire sans lendemain.

D’aucuns voudraient voir, dans la coopération instaurée entre nous, la réparation d’un holocauste etdes « crimes contre l’humanité » dont notre continent aurait été victime.

Je pense, pour ma part, que la colonisation est une donnée de l’histoire, qu’elle a créé des liens, c’est-à-dire une communauté de culture d’intérêts et donc de destin qui doit être maintenue et fortifiée parsolidarité.

C’est dire toute l’attention que suscitent les prises de position du Premier ministre Édouard Balladurqui, dans un article récemment publié dans « le Monde », a déclaré que « si l’Afrique devait basculer dansles troubles, ce serait pour la France et l’Europe, l’échec des modèles de développement qu’elles ontcontribué à définir pour ces pays, mais surtout l’échec d’un devoir moral de solidarité », tout ens’interrogeant sur la manière de rendre plus efficace cette solidarité « qui a permis d’éviter le pire sanspréparer l’avenir ». Il est rassurant, pour le Bénin, qu’Édouard Balladur souhaite, par fidélité à unecertaine conception de l’homme, réserver l’essentiel de la coopération aux États où existe un consensusdémocratique et où, de ce fait, « l’ensemble de la population peut être mobilisé en faveur dudéveloppement ».

Que cette solidarité soit plus exigeante, qu’elle privilégie les pays qui se sont engagés avec couragedans une politique de redressement, qu’elle s’oriente vers les projets de développement plutôt que vers lesaides financières, qu’elle favorise la création sur place d’entreprises privées, voilà qui devrait renforcerles chances et les perspectives de notre processus de démocratisation.

Je serai nécessairement moins prolixe sur ces perspectives.

D’abord parce qu’il est présomptueux de certifier l’avenir lorsqu’il s’agit de la chose politique.Ensuite parce que la démocratie est un point à l’horizon lointain, une chose fragile, incertaine etcomplexe, toujours en devenir.

Les perspectives d’imprégnation et de durée de ce processus de démocratisation peuvent être évaluéesen forces et en faiblesses, en risques et en atouts.

Les risques, ce sont les défis internes qu’il nous faut relever pour nous adapter aux exigencescomplémentaires de l’ordre et de la liberté, du marché et des solidarités. C’est également un environ-nement que notre démocratie a l’ambition légitime d’irradier par 1’exemple, tout en se gardant des’immiscer dans les affaires intérieures de nos voisins. À chaque pays sa vérité.

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Les chances, c’est la sollicitude de la communauté internationale à l’égard d’une expérience quiséduit. Mais les chances, c’est, avant tout et surtout, notre propre détermination à construire un État dedroit, lequel ne se limite pas à organiser des élections, mais qui met en place les institutions de contrôle,de régulation et de sanction, et qui respecte leurs attributions.

Souhaiter, vouloir, vouloir très fort, constitue à mes yeux le meilleur des atouts. Saurons-nouscommuniquer durablement à notre peuple, l’amour de la liberté et l’acceptation de ses contraintes ?Saurons-nous être nous-mêmes des dirigeants respectueux de nos institutions et de notre nouvelleéthique ?

L’occasion nous sera bientôt donnée de montrer que nous savons être à la hauteur des ambitionsaffichées. Dans un peu plus d’un an, notre pays organisera des élections législatives, suivies, un an plustard, par les élections présidentielles. Notre souhait, notre volonté, est que cette année-là soit, non pasl’année de tous les dangers, mais 1’année de l’enracinement pour notre démocratie.

Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de vous donner rendez-vous à ce moment-là. Peut-êtreaurais-je la chance de vous dire à nouveau, comme je le fais aujourd’hui, que le Bénin va bien, et qu’ilpourrait aller encore mieux.

Pour l’heure, votre soutien, le soutien de la communauté internationale, et singulièrement le soutienfraternel de nos amis français, nous resteront d’un grand secours.

Je considère que l’honneur que vous me faites d’échanger avec vous aujourd’hui, participe de cesoutien.

Je vous remercie au nom de mon pays, et en mon nom personnel.

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– F. A. Iroko, Le Président Mathieu Kérékou, homme hors du commun, Cotonou, LesNouvelles Éditions du Bénin, 2001.

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7. Sigles et abréviations

ACP Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

ADEA Association pour le développement de l’éducation en Afrique.

AGOA African Growth Opportunity Act.

ALCRER Association de lutte contre l’ethnocentrisme et le régionalisme.

APADME Association pour la promotion et l’appui au développement.

APD Aide publique au développement.

BBD Banque béninoise pour le développement.

BCB Banque commerciale du Bénin.

BID Banque islamique de développement.

BOO Built Own Operate.

BOOT Built Own Operate and Transfer.

BOT Build Operate Transfer.

CAME Centre d’achat des médicaments essentiels et consommables médicaux.

CAN Coupe d’Afrique des Nations.

CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.

CEPEPE Centre de promotion et d’encadrement des petites et moyennesentreprises.

CFA Communauté financière africaine.

CFR Centre de formation rurale de Porto-Novo.

CIPRES Conférence interafricaine de Prévoyance sociale.

DSRP Documents de stratégie de réduction de la pauvreté.

ENM École nationale de la Magistrature.

EQF École de Qualité fondamentale.

FER Fonds d’électrification rurale.

FITHEB Festival international du Théâtre du Bénin.

FONAC Forum des organisations non-gouvernementales de lutte contre lacorruption.

GMR Gouvernement militaire révolutionnaire.

HAAC Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication.

IGF Inspection générale des Finances.

INSAE Institut national de la statistique et de l’analyse économique.

IST Infections sexuellement transmissibles.

NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

NPE Nouveaux programmes d’études.

OAPI Organisation africaine de la Propriété industrielle.

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192

OCBN Organisation commune Bénin-Niger.

OHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires.

OMC Organisation mondiale du Commerce.

OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement.

OMS Organisation mondiale de la Santé.

ONG Organisation non gouvernementale.

PAPME Projet d’appui aux petites et moyennes entreprises.

PAS Programme d’ajustement structurel.

PDC Plan de développement communal.

PIB Produit intérieur brut.

PME Petites et moyennes entreprises.

PIP Programme d’investissement public.

PNLT Programme national de lutte contre la tuberculose.

PNUD Programme des Nations unies pour le développement.

PPER Programme prioritaire d’électrification rurale.

PRPB Parti de la Révolution populaire du Bénin.

RFU Régime foncier urbain.

RGPH Recensement général de la population et de l’habitation.

SBEE Société béninoise d’électricité et d’eau.

SNIGS Système national d’information et de gestion sanitaire.

SOBEMAP Société béninoise des manutentions portuaires.

TVA Taxe sur la valeur ajoutée.

UE Union européenne.

UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine.

UMOA Union monétaire ouest-africaine.

UNICEF United Nations Children’s Fund (Fonds des Nations unies pourl’enfance).

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193

Table des matières

Avant-propos .................................................................................................................... 7

I.– Si c’était à refaire….......................................................................................... 9

1.– État de droit ou raison d’État ? .................................................................... 15

2.– Prisonnier du passé ou guetteur d’avenir ? ................................................. 27

II.– Le monde change... changeons le Bénin............................................................ 39

1.– Réinventer l’État ............................................................................................ 41

2.– Reconstruire la Société .................................................................................. 49

3.– Investir « le Village planétaire »................................................................... 55

4.– Il n’y a de richesse que d’hommes ................................................................ 61

III.– L’état des lieux...................................................................................................... 77

1.– Les réformes politiques.................................................................................. 79

2.– Les réformes économiques............................................................................. 89

3.– Les réformes sociales................................................................................... 105

IV.– Les chantiers de l’avenir .................................................................................... 119

1.– Stratégie économique................................................................................... 125

2.– Éducation, santé et protection sociale ........................................................ 131

3.– Infrastructures, équipements, transports et logement................................ 135

4.– Politique de l’énergie................................................................................... 137

5.– Promotion du potentiel touristique et culturel ........................................... 143

6.– La protection de l’environnement ............................................................... 147

7.– Une Administration publique de développement ....................................... 149

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Epilogue : « Cela s’appelle l’aurore »....................................................................... 153

Annexes ........................................................................................................................ 159

1. Carte du Bénin......................................................................................................163

2. Brève chronologie relative au Bénin ..................................................................165

3. Entretien “Jeune Afrique” / Adrien Houngbédji : « Le temps du pardon est

venu » .........................................................................................................................167

4. Discours prononcé par Me Adrien Houngbédji à l’occasion de la cérémonie

solennelle d’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’Assemblée

nationale (Porto-Novo, 30 octobre 1992).................................................................169

5. Discours de Me Adrien Houngbédji sur le Renouveau démocratique au

Bénin Genèse, enjeux et perspectives....................................................................181

6. Brève orientation bibliographique .....................................................................189

7. Sigles et abréviations............................................................................................191

Table des matières ....................................................................................................... 193