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 MERLEAU-PONTY , L ’œil et l'esprit I dans la philosophie moderne de la science, la pensée se réduit à un ensemble de techniques « penser, c'est essayer, opérer , transformer, sous la seule ré-serve d'un contrôle expérimental où n'interviennent que des  phénomènes hautement « travaillés , et que nos appareils produisent plutôt qu' ils ne les enre!istrent" #$ vision du monde qui devient par définition l'ob%et de nos opérations « comme si tout ce qui fut ou est n'avait %amais été que pour entrer au laboratoire , qui rend le monde entièrement artificiel  pour &- , il faut que la pensée de scienc e se replace dans un monde préala ble, un « il-y-a qui considère le corps humain non pas comme machine à information, « mais ce corps actuel que %'appelle mien, la sentinelle qui se tient silencieusement sous mes paroles et sous mes actes cette conscience du corps permet alors une pensée des choses qui l'entourent, ce dont l'art, et surtout la peinture, se nourrit #$ l'écrivain et le philosophe, parce qu'ils parlent, ont des responsabilités, ils doivent prendre position #$ la musique, elle, « est trop en de(à du monde et du dési!nable pour fi!urer autre chose que des épures de l')tre, son flux et son reflux  #$ mais le peintre a « droit de re!ard sur toutes choses sans aucun devoir d'appréciation , il est celui qui peut se contenter de voir le monde, de le « ruminer , de le montrer sans le %u!er quelle est cette science que possède le peintre * quel fondamental de la peinture * II notre corps est caractérisé par l'interdépendance entre mouvement et vision + il suffit que %e voie qqch pour l'atteindre si c'est trop loin pour ma main, mes yeux au moins l'attei!nent, il faut que %e bou!e pour voir au moins les yeux pour avoir une notion de la distance ou de l'espace, tous mes déplacements se reportent « sur la carte du visible   #$ la vision n'est donc pas une opération de la pensée qui dresserait une représentation du monde . «  le voyant ne s'approprie pas ce qu'il voit, il ouvre sur le monde #$ de m/me, le mouvement n'est pas une décision de l'esprit faire absolu qui nous téléporterait mais la suite naturelle d'une vision corps à la fois voyant et visible peut se re!arder, se toucher 0 «  c'est un soi, non par transparence, comme la pensée, qui ne pense quoi que ce soit qu'en l'assimilant, en le constituant, en le transformant en pensée - mais un soi par confusion, narcissisme, inhérence de celui qui voit à ce qu'il voit, de celui qui touche à ce qu'il touche, du sentant au senti visible et mobile, le corps est donc au nombre des choses, et les choses autour de lui sont un prolon!ement de lui-m/me # la vision se fait «  du milieu des choses , par une indivision du sentant et du senti #$ du coup, la vision extérieure que %'ai du monde se double d'une « visibilité secrète , intérieure, qui est l'ima!e du monde telle que s'en fait mon corps + « qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont là-bas devant nous, n'y sont que  parce qu'elles éveillent un écho dans notre corps, parce qu'il leur fait acc ueil #$ la peinture propose donc un « visible à la deuxième puissance, essence charnelle ou icône du premier , qui n'est pas une chose, que l'on ne re!arde pas comme une chose fixée en un lieu mais nous transmet une vision + «  1e serais bien en peine de dire est le tableau que %e re!arde" 2ar %e ne le re!arde pas comme on re!arde une chose, %e ne le fixe pas en son lieu, mon re!ard erre en lui comme dans les nimbes de l')tre, %e vois selon ou avec lui plutôt que %e ne le vois"   #$ ainsi l'ima!inaire n'est pas une copie du réel . il en est plus proche au sens où il est «  le dia!ramme de sa vie dans mon corps , plus loin puisque le tableau ne s'adresse qu'au re!ard, et «  n'offre pas à l'esprit une occasion de repenser les rapports constitutifs des choses   #$ on ne peut donc pas faire un inventaire limitatif du visible . chaque corps per(oit le monde différemment, et le restitue au visible par les !estes de la main le peintre, pendant qu'il peint, pratique donc une « théorie ma!ique de la vision # par la vision, les choses qu'il re!arde  passent en lui . « la m/me chose est là-bas au c3ur du monde et ici au c3ur de la vision   le peintre interro!e la monta!ne qu'il peint, lui demande par quels moyens visibles elle se fait monta!ne #$ lumière, ombres, couleurs, qui sont des moyens que nous ne voyons !bituelle"ent p!s  nous voyons une monta!ne, pas un équilibre d'effets visuels""" ex + tableau L! ron#e #e nuit 4embrandt + la main pointée vers le spectateur est rendue présente par son ombre de

L'oeil et l'esprit

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