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Logique et raisonnement scientifique Hilbert, Tarski, Gödel

Logique et raisonnement scientifique Hilbert, Tarski, Gödel

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Logique et raisonnement scientifique

Hilbert, Tarski, Gödel

Le programme de Hilbert

les problèmes viennent de l’infini

Le programme de Hilbert

« Certes Weierstrass a éliminé de l’Analyse l’infiniment petit et l’infiniment grand puisque les propositions portant sur ces objets ont été réduites par lui à l’énoncé de rapports entre des grandeurs finies. Mais l’infini continue d’être présent : il prend la forme de suites infinies de nombres qui définissent les nombres réels, ou bien il est sous-jacent à la notion de système des nombres réels conçue comme une totalité achevée et fermée.

Le programme de Hilbert

Or dans la reconstruction même de l’analyse de Weierstrass, on se donne le droit d’utiliser à fond et d’itérer à volonté les formes d’inférence logique dans lesquelles s’exprime cette conception des totalités : c’est le cas, par exemple, lorsqu’on parle de tous les nombres réels qui ont une certaine propriété, ou bien encore lorsqu’on dit qu’il existe des nombres réels ayant une certaine propriété.

Le programme de Hilbert

Dans les processus de passage à la limité du calcul infinitésimal, l’infini au sens de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit s’est révélé constituer une simple manière de parler : de même nous devrons reconnaître dans l’infini au sens de totalité infinie, partout où il joue encore un rôle dans les inférences, quelque chose de purement fictif.

De même que les opérations portant sur l’infiniment petit ont été remplacées par des processus qui accomplissent la même fin et conduisent à des rapports formels aussi élégants tout en se situant à l’intérieur de la sphère du fini, les inférences qui utilisent l’infini sont à remplacer par des processus finis qui accompliront exactement la même fin c’est-à-dire permettront les mêmes démarches dans les démonstrations et les mêmes méthodes d’obtention des formules et des théorèmes.

Le programme de Hilbert

Tel est l’objet de ma théorie. Elle a pour dessein d’assurer la sécurité définitive de la méthode mathématique, sécurité à laquelle n’a pas atteint la période de la critique du calcul infinitésimal. »

(« Über das Unendliche », 1925, Math. Annal. 95, 1926, trad. J. Largeault, 1972)

Le programme de Hilbert

la condition préalable de l’application des inférences logiques et de l’effectuation d’opérations logiques est l’existence d’un donné dans la perception : à savoir l’existence de certains objets concrets extra-logiques qui en tant que sensations immédiates précèdent toute pensée.

Pour les mathématiques, selon Hilbert, ces objets sont les signes concrets, ceux dont nous savons « distinguer et reconnaître la forme 

les objets mathématiques, en particulier les nombres, sont des signes vides de sens, et les formules sont également des suites de signes vides de sens

Le programme de Hilbert

Des propositions « concrètes » (finitistes) : avec des objets « réels »:

– |, ||, |||, ||||, …. d’autres symboles « pour la communication »

: 1, 2, 3, …, a, b, c, … et des « propositions idéales »… comme les

nombres imaginaires vis-à-vis des nombres réels!

Le programme de Hilbert

Encore faut-il savoir maîtriser des « objets idéaux »

Le programme de Hilbert

Règle : le modus ponens

+ axiomes

Le programme de Hilbert

1. Axiomes de l’implication  : adjonction d’une prémisse  

: élimination d’une proposition2. Axiomes de la négation : principe de

contradiction

  : principe de la double négation

)( ABA ))()(()( CABACB

ABBA ))((

AA

Le programme de Hilbert

3. Axiomes « transfinis »

 : inférence du général au particulier (axiome d’Aristote)

 : si un prédicat n’est pas vrai de tous, alors il a un contre-exemple

 : s’il n’existe pas d’exemple pour une proposition, alors cette proposition est fausse pour tous les a

)()()( bAaAa

)()()()( aAEaaAa

)()()()( aAaaAEa

Le programme de Hilbert

4. Axiomes de l’égalité

aa ))()(( bAaAba

Le programme de Hilbert

5. Axiomes du nombre

Axiome de l’induction mathématique :

01a

)()()))1()()((()0( aAaaAaAaA

Le programme de Hilbert

Une démonstration formelle constitue un objet concret et visualisable, exactement comme un chiffre. C’est quelque chose de communicable du début à la fin

Rôle des démonstrations de non-contradiction

Hypothèse de la récursivité des mathématiques

objections

Une objection majeure et définitive : Gödel

Les objections de Brouwer

Doutes sur le tiers - exclus (1908) le recours à la logique et aux structures

linguistiques comme étranger aux mathématiques et risquant de les faire dévier de leur route

L’intuitionnisme de Brouwer

les raisonnements logiques effectués indépendamment de la perception, attendu qu’ils sont les signes de transformations mathématiques à l’intérieur du système mathématique qui régit les perceptions, peuvent déduire, de prémisses scientifiquement admises, des conclusions inacceptables 

L’erreur est de prendre le signe pour la chose : la chose, à la différence du signe, n’a aucune raison d’obéir à une logique

l’intuitionnisme

Syllogisme : non contestable (simple idée d’emboîtement de systèmes)

Contradiction : idem (« l’effectuation de l’emboîtement d’un système a dans un système b d’une façon déterminée, et vle fait de se heurter à l’impossibilité de cet emboîtement, sont mutuellement incompatibles »

Tiers exclu : ?

bilan

Hilbert méthodes finitistes pour fonder la cohérence des mathématiques,

vers les théorèmes d’incomplétude (Gödel, 1931) Brouwer une exigence de constructibilité

– cf. fameuse question: « existe-t-il deux irrationnels x et y tels que xy soit un rationnel? »

Essayons avec x = y =– Si xy est un rationnel, on a répondu positivement– Sinon (xy)y = 2 et on a répondu positivement

2

Comment prouver la cohérence d’une théorie?

1) Par des voies directes: Hilbert : arriver à prouver qu’on ne peut pas déduire

une absurdité du genre 11 Théorie de la démonstration Le prédicat « être démontrable » est-il récursif?

– Est-ce que par utilisation des moyens de démonstration « finitistes », on peut toujours arriver à démontrer qu’une théorie est cohérente?

– Gödel prouvera que non (cf. plus loin)

Comment prouver la cohérence d’une théorie?

2) Par des voies indirectes : la théorie des modèles

Prouver que tout ce qu’on démontre est « vrai » … mais, dans quel sens de « vrai »?

Retour au problème de la « définition de la vérité » !

Tarski et la définition de la vérité

Alfred Tarski : 1902 – 1983 écrit en 1931, publié en 1933 :

le concept de vérité dans les langages formalisés Déception : « Il est impossible non seulement de

définir ce que signifie l’expression du langage quotidien « proposition vraie » mais encore de s’en servir dans ce langage » !

Se limiter aux « seuls langages actuellement connus qui soient construits à l’aide d’une méthode scientifique, à savoir les langages des sciences déductives formalisées »

Tarski et la définition de la vérité

Le schéma général d’une définition de la notion de « proposition vraie »:

x est une proposition vraie

si et seulement si

p

Tarski et la définition de la vérité

Le schéma général d’une définition de la notion de « proposition vraie »:

« il neige » est une proposition vraie

si et seulement si

Il neige

Tarski et la définition de la vérité

Le schéma général d’une définition de la notion de « proposition vraie »:

« la route est verglacée » est une proposition vraie

si et seulement si

la route est verglacée

Tarski et la définition de la vérité

Considérons la proposition : « la proposition A n’est pas une proposition vraie », où A est cette propo-sition elle-même (« la proposition A n’est pas une proposition vraie »)

« A n’est pas une proposition vraie » est une proposition vraie

si et seulement si

A n’est pas une proposition vraie

Tarski et la définition de la vérité

Considérons la proposition : « la proposition A n’est pas une proposition vraie », où A est cette propo-sition elle-même (« la proposition A n’est pas une proposition vraie »)

A est une proposition vraie

si et seulement si

A n’est pas une proposition vraie

Les langages formalisés

ceux qu’on a « artificiellement construit de telle sorte que le sens de chaque expression [soit] univoquement déterminé par sa forme »

Notion de système formel Ne sont pas « universalistes » comme l’est le

langage quotidien pas de terme « appartenant à la science du

langage », ni « des signes ou des expressions qui décrivent les relations structurelles existant entre ces signes et expressions »

Langage-objet du calcul des classes

N (négation), A (disjonction), (quantification universelle), I (inclusion)

variables : x| , x||, x|||, …., x||||…|, ….. règles de formation permettant d’obtenir des

expressions comme :Ix| , x||, NIx| , x||, x| Ix| , x| etc.

axiomes, règles, etc. ceci donne un langage-objet.

Un autre langage…

non, ou, pour tout, inclusion

x| Ix|,x| est vrai

si et seulement si

pour tout x, x est inclus dans x Un méta-langage

structures et modèles

Langage prédicatif extensionnel symboles :

– Variables individuelles : x, y, z, ….– Constantes individuelles : a, b, c, …– Foncteurs d’arité n : f, g, …– Constantes prédicatives d’arité n : P, Q, …

règles de formation des formules Ex: )),,()((),( 32 yxzRzQzyxPyx

sémantique

Une L-structure M pour le langage L est défini par un couple (D, Val) où:– D est un ensemble non vide (domaine)– Val est une fonction telle que:

c : constante individuelle : Val(c)D f : foncteur n-aire : Val associe à f une fonction de Dn

dans D P : prédicat n-aire : Val associe à P une partie de Dn

assignation

Une assignation g pour le langage L et la structure M est une fonction de l’ensemble des variables individuelles dans D

Évaluation par rapport à une structure

Si M = (D, Val) est une L-structure pour le langage L, alors toute formule de L peut être évaluée par rapport à M et à une assignation g donnée

On écrit || ||M,g la valeur de par rapport à M et à g

Règles d’évaluation - I

Si x est une variable : ||x||M,g = g(x) f foncteur et t1, …, tn des termes :

||f(t1,…, tn )||M,g = val(f)(|| t1||M,g,…,|| t1||M,g)

P prédicat et t1, …, tn des termes :

||P(t1,…, tn )||M,g = val(P)(|| t1||M,g,…,|| t1||M,g)

Règles d’évaluation - II

On note M |=g le fait que soit vraie dans la L-structure M pour l’assignation g

M |=g P(t1,…, tn ) ssi ||P(t1,…, tn )||M,g = 1

M |=g A ssi M |g A

M |=g AB ssi M |=g A et M |=g B

M |=g x A ssi M |=g’ A pour toute assignation g’ qui ne diffère de g que par la valeur assignée à x

langage et domaine

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Val

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

Assignations

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : pauly : mariez : jules

Assignations

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : pauly : paulz : jules

Assignations

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : mariey : luciez : jules

Assignations

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : roberty : robertz : robert

x E(x,y) F(y)

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : roberty : julesz : robert

E(x,y) F(y)

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : _y : julesz : robert

E(x,y) F(y)

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : roberty : julesz : robert

E(x,y) F(y)1 0

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : roberty : julesz : robert

E(x,y) F(y)0

x marie

x lucie

x paul

x jules

x robert

L :constantes : p, j, m, l, rvariables : x, y, zcstes prédicatives :

F1, G1, C2, E2

D :

x : roberty : julesz : robert

modèles

Définition : étant donné un ensemble de formules closes d’un langage L et une L-structure M, on dit que M est un modèle de si toutes les formules de sont vraies dans M

définitions

est dit consistant s’il en existe un modèle B se déduit sémantiquement de A1, …, An

si et seulement si tout modèle de {A1, …, An} est aussi un modèle de B

Une formule A d’un langage L est dite universellement valide si elle est vraie dans toute L-structure

Retour au problème de la vérité

L

L’

La vérité dans L est fondée surla vérité dans L’

« image de L dans L’ »

Retour au problème de la vérité

L

L’

La vérité toujours en construction

« image de L dans L’ »

Liens entre théorie et modèle

Tarski : (cas du calcul des classes) Tout théorème est vrai, donc le calcul des classes est non contradictoire

mais… il peut exister des cas où des propositions vraies ne sont pas des théorèmes

Le problème de la complétude

Définition 1: une théorie est (syntaxiquement) complète si pour chaque formule close , elle est capable de fournir soit une preuve de soit une preuve de

Définition 2 : une théorie est (sémantiquement) complète si toute proposition sémantiquement vraie est démontrable dans la théorie

Complétude de la logique des prédicats du premier ordre

Gödel Gentzen Henkin (revu par Hintikka)

mais non décidabilité (Church, 1936) au sens : « pas d’algorithme général permettant de décider de la vérité d’une formule »

métathéorèmes

Théorème de compacité : si une théorie T est telle que toute partie finie possède un modèle, alors elle a elle-même un modèle

Théorème de Löwenheim – Skolem : si une théorie T admet un modèle infini, alors elle admet un modèle dénombrable

Quelques conséquences

Compacité l’axiomatique de Peano exprimée en premier ordre n’est pas catégorique

Löwenheim – Skolem Il est vain d’espérer une théorie du premier ordre pour la théorie des ensembles…

L’axiomatique de Peano exprimée en premier ordre n’est pas catégorique

En premier ordre : infinité d’axiomes On peut ajouter à N une constante c avec une

infinité d’axiomes : c 0, c 1, c 2, c 3, etc. N’

Les parties finies de N’ ont toutes des modèles valables aussi pour celles de N

Donc un modèle pour N’ est un modèle pour N Mais un modèle pour N’ n’est pas isomorphe à un

modèle pour N, donc N admet des modèles non isomorphes

L’axiomatique de Peano exprimée en premier ordre n’est pas catégorique

Ce n’est plus vrai en second ordre:

Mais… le second ordre n’est pas axiomatisable

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