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Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de Math´ ematiques (Parcours Math. Fond) 2007-2011 : UE MHT613 2011-2014 : UE MA6012 1 Alain Yger 5 d´ ecembre 2013 1. Ces notes de cours correspondent `a un enseignement dispens´ e `a l’origine au Printemps 2008 dans le cadre de l’UE MHT613, dont l’UE MA6012 a pris la rel` eve dans la nouvelle habilitation 2011-2015. Une liste d’exercices corrig´ es (en relation avec le chapitre 2 de ce polycopi´ e) accompagnent le texte ; il s’agit d’exercices initialement propos´ es sur la plateforme Ulysse (transf´ er´ ee depuis septembre 2013 sur Moodle). Les guides d’activit´ e illustrant ce cours seront dans le courant du semestre remis `a disposition des ´ etudiants sous Moodle au titre d’annales. Le contenu de l’UE MA6012 de l’habilitation 2011-2015 reprend pour l’essentiel le programme de l’ex-UE MHT613, comme celui de l’UE MA5012 reprenait celui de l’ex-UE MHT512 de l’habilitation 2007-2011. Les annales de 2012-2013 accompagnent ce polycopi´ e.

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Espaces de Hilbert et Analyse de FourierLicence de Mathematiques (Parcours Math. Fond)

2007-2011 : UE MHT6132011-2014 : UE MA6012 1

Alain Yger

5 decembre 2013

1. Ces notes de cours correspondent a un enseignement dispense a l’origine au Printemps2008 dans le cadre de l’UE MHT613, dont l’UE MA6012 a pris la releve dans la nouvellehabilitation 2011-2015. Une liste d’exercices corriges (en relation avec le chapitre 2 dece polycopie) accompagnent le texte ; il s’agit d’exercices initialement proposes sur laplateforme Ulysse (transferee depuis septembre 2013 sur Moodle). Les guides d’activiteillustrant ce cours seront dans le courant du semestre remis a disposition des etudiantssous Moodle au titre d’annales. Le contenu de l’UE MA6012 de l’habilitation 2011-2015reprend pour l’essentiel le programme de l’ex-UE MHT613, comme celui de l’UE MA5012reprenait celui de l’ex-UE MHT512 de l’habilitation 2007-2011. Les annales de 2012-2013accompagnent ce polycopie.

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Table des matieres

1 Espaces de Hilbert 11.1 Rappel : l’espace euclidien Rn et l’espace hilbertien Cn . . . . . . . . 11.2 Le saut de la dimension finie a la dimension infinie . . . . . . . . . . 71.3 Les notions d’espace de Hilbert (reel ou complexe) . . . . . . . . . . . 9

1.3.1 Le cadre Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.3.2 Un formulaire geometrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.4 Les exemples majeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.4.1 Les exemples Rn et Cn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.4.2 Les espaces l2R(I) et l

2C(I) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.4.3 Les espaces L2K(U, dx), U partie mesurable de Rn, K = R ou C 15

1.4.4 Les espaces L2K(Ω, T , P ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

1.5 Le theoreme de projection orthogonale sur un convexe ferme . . . . . 201.6 Systemes orthonormes, frames ; exemples . . . . . . . . . . . . . . 241.7 Espaces de Hilbert separables ; notion de base hilbertienne . . . . . . 311.8 Le cas des espaces de Hilbert non separables . . . . . . . . . . . . . . 331.9 Exemples de bases hilbertiennes dans le cas separable . . . . . . . . . 35

1.9.1 Densite des classes de fonctions polynomiales dans L2K(U, dx)

pour U mesurable borne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351.9.2 Densite des classes de polynomes trigonometriques dans L2

K(Tn) 361.9.3 A propos des polynomes de Hermite . . . . . . . . . . . . . . 39

1.10 Le theoreme de dualite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391.10.1 Quelques preliminaires a propos des formes lineaires continues

sur un Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 401.10.2 L’enonce du theoreme de dualite . . . . . . . . . . . . . . . . 41

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint . . . . . . . . . . . . . . . 421.11.1 Preliminaires sur les operateurs lineaires continus de H dans H 421.11.2 La notion d’operateur adjoint . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451.11.3 L’interet de la prise d’adjoint ; deux exemples pratiques . . . . 47

1.12 Un procede algorithmique : le matching . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

2 L’analyse de Fourier et ses applications 572.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret . . . . . . . . . . . . 58

2.2.1 La transformation de Fourier discrete . . . . . . . . . . . . . . 582.2.2 La transformee de Fourier sur l1C(Z) . . . . . . . . . . . . . . . 642.2.3 La transformee de Fourier sur l2C(Z) . . . . . . . . . . . . . . . 67

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 702.3.1 La transformation de Fourier sur L2

K(T) . . . . . . . . . . . . 712.3.2 La transformation de Fourier sur L1

K(T) . . . . . . . . . . . . 73

iii

Page 4: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

iv TABLE DES MATIERES

2.3.3 Les theoremes de Dirichlet et de Fejer . . . . . . . . . . . . . . 792.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur

Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 862.4.1 Definition, exemples, et premieres proprietes . . . . . . . . . . 872.4.2 La relation avec l’optique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 932.4.3 Fourier et la convolution dans L1

K(Rn, dx) . . . . . . . . . . . . 942.4.4 La formule d’inversion dans le cadre L1 . . . . . . . . . . . . . 952.4.5 L’inversion locale et la formule sommatoire de Poisson . . . . 99

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx) . . . . . . . . . . . . . 103

2.5.1 Une isometrie de G dans lui-meme (pour la norme L2) . . . . 1032.5.2 Extension a L2

C(Rn, dx) et formule de Plancherel . . . . . . . . 1042.5.3 Fourier versus la derivation ; le principe d’incertitude d’Hei-

senberg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1062.5.4 Fonctions L2 a spectre borne ; le theoreme de Shannon . . . . 110

2.6 L’outil Fourier couple avec l’analyse hilbertienne ; deux exemples . . . 1122.6.1 Un premier exemple ; l’inversion de transformations integrales

et le CAT-Scanner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1122.6.2 Un second exemple : l’extrapolation des signaux de spectre

borne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Page 5: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Chapitre 1

Espaces de Hilbert

1.1 Rappel : l’espace euclidien Rn et l’espace hil-

bertien Cn

Le R-espace vectoriel de dimension finie Rn est le prototype d’un espace euclidiendans lequel on peut envisager la geometrie fondee sur le theoreme de Pythagore.L’espace Rn peut etre en effet equipe de la forme quadratique definie positive 1

x 7−→ ‖x‖2 :=n∑

j=1

x2j

derivant du produit scalaire canonique

〈x , y〉 = 〈y , x〉 =n∑

j=1

xjyj ,

ou (x1, ..., xn) (resp. (y1, ..., yn)) designent les coordonnees de x (resp. y) dans la basecanonique de Rn.

Le C-espace vectoriel de dimension finie Cn est, lui, le prototype d’un espace hilber-tien 2 dans lequel on peut envisager egalement la geometrie fondee sur le theoremede Pythagore. L’espace Cn peut etre en effet lui aussi equipe de la forme hermitienne

z 7−→ ‖z‖2 :=n∑

j=1

|zj|2

definie positive 3 derivant de la forme sesquilenaire canonique presentant la symetriehermitienne 〈w , z〉 = 〈z , w〉, a savoir le produit scalaire canonique

〈z , w〉 =n∑

j=1

zjwj ,

1. On rappelle (voir le cours d’Algebre 2 au Semestre 3) que dire qu’une forme quadratiqueQ : Rn −→ R est positive signifie que Q(x) ≥ 0 pour tout x ∈ Rn et que dire qu’elle est definiesignifie Q(x) = 0⇐⇒ x = 0.

2. En reference au geometre allemand David Hilbert, 1862-1943 ; on parle aussi, pour qualifierun tel espace, d’espace hermitien, en reference aux travaux du theoricien des nombres francaisCharles Hermite, 1822-1901, qui mania aussi l’outil produit scalaire dans le cadre complexe.

3. On rappelle (voir encore le cours d’Algebre 2 en S3) que dire qu’une forme hermitienneH : Cn −→ R est positive signifie que H(z) ≥ 0 pour tout z ∈ Cn et que dire qu’elle est definiesignifie H(z) = 0⇐⇒ z = 0.

1

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2 Espaces de Hilbert

ou (z1, ..., zn) (resp. (w1, ..., wn)) designent les coordonnees de z (resp. w) dans labase canonique de Cn. Ce produit scalaire est lineaire en le premier bloc de variables(z), antilineaire en le second (w), ce qui est precisement la definition de la proprietede sesquilinearite.

Ces deux espaces (Rn ou Cn) peuvent equipes de la topologie associee a la metriqueeuclidienne (resp. hermitienne) definie dans le cas de Rn par

d(x, y) = ‖x− y‖

(resp. dans le cas de Cn par d(z, w) = ‖z − w‖). Munis respectivement de cettetopologie d’espace metrique, ces deux espaces Rn et Cn sont des espaces metriquescomplets : toute suite de Cauchy (relativement a la metrique) est convergente 4.

Les deux resultats majeurs inherents au cadre de l’espace euclidien Rn sont :– le theoreme de Pythagore : si x et y sont deux vecteurs de Rn,

‖x± y‖2 = ‖x‖2 + ‖y‖2 ± 2〈x , y〉

(en particulier ‖x± y‖2 = ‖x‖2+ ‖y‖2 si et seulement si x ⊥ y, l’orthogonalite⊥ etant ici entendue au sens du produit scalaire canonique) ;

– l’inegalite de Cauchy-Schwarz : si x et y sont deux vecteurs de Rn,

|〈x , y〉| ≤ ‖x‖ × ‖y‖ ,

l’egalite ayant lieu si et seulement si x et y sont R-colineaires.

Ces deux resultats majeurs se transposent ainsi dans le cadre de l’espace hilbertienCn :

– le theoreme de Pythagore devient : si z et w sont deux vecteurs de Cn,

‖z ± w‖2 = ‖z‖2 + ‖w‖2 ± 2Re 〈z , w〉

(en particulier ‖z±w‖2 = ‖z‖2+‖w‖2 si et seulement si z ⊥ w, l’orthogonaliteetant encore ici entendue au sens du produit scalaire canonique) ;

– l’inegalite de Cauchy-Schwarz devient : si z et w sont deux vecteurs de Cn,

|〈z , w〉| ≤ ‖z‖ × ‖w‖ ,

l’egalite ayant lieu si et seulement si z et w sont C-colineaires.

Nous reviendrons dans la section suivante (dans un cadre elargi) sur ces deux pro-prietes (et d’autres) qui ne font intervenir que les notions algebriques liees a ladefinition d’une norme derivant d’un produit scalaire.

On connaıt 5 l’interet (dans le cadre tant de Rn que de Cn) des outils que represententle produit scalaire , le theoreme de Pythagore et l’inegalite de Cauchy-Schwarz.Ces outils permettent, par exemple dans le contexte euclidien de Rn, de realiserl’operation suivante : etant donne un R-sous-espace affine D de Rn (de sous-espacevectoriel sous-jacent F ), on peut definir un operateur de projection orthogonale surD, schema que le petit diagramme bien commode ci-dessous (figure 1.1) soutend (icilorsque D est une droite du plan R2) :

4. D’ailleurs, le choix de la metrique, pourvu que celle ci derive d’une norme, est irrelevantpuisqu’en dimension finie on sait que deux normes sont toujours equivalentes.

5. Voir le cours d’algebre de L2 (UE Algebre 2).

Page 7: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.1 Rappel : l’espace euclidien Rn et l’espace hilbertien Cn 3

(x , y )0 0

M

m

D

Figure 1.1 – La projection orthogonale sur une droite D de R2 passant par (x0, y0)

On a utilise ici le modele de R2 pour faire un dessin, mais l’on aurait pu tout aussibien reproduire ce schema dans le cadre abstrait. Si

D =M0 + F ,

ou F (sous-espace vectoriel de Rn sous-jacent a D) est un sous-espace vectoriel dedimension k engendre par v1, ..., vk et que (v1, ..., vn) est une base orthonormee deRn pour le produit scalaire canonique, la projection orthogonale sur le sous-espaceaffine D

M 7−→ ProjD(M)

est l’application qui a M associe le point

M0 + ξ1v1 + · · ·+ ξkvk ,

ou (ξ1, ..., ξk, ξk+1, ..., ξn) sont les coordonnees du vecteur−−−→M0M dans la base ortho-

normee (v1, ..., vn). Cette operation de prise de projection orthogonale sur unsous-espace affine D est a la base d’une demarche capitale en mathematiques ap-pliquees, la methode des moindres carres : etant donnee une liste de contraintes dansRn materialisee par un jeu d’equations affines

a1,1y1 + · · ·+ a1,nyn = b1... =

... (1.1)

am,1y1 + · · ·+ am,nyn = bm ,

ou les aj,k et les bj, j = 1, ...,m, k = 1, ..., n sont des scalaires reels, on peut calculer,etant donne un etat x = (x1, ..., xn) donne dans Rn, l’unique point

x = (x1, ..., xn)

le plus proche de x dans Rn (pour la distance euclidienne) qui satisfasse au jeu decontraintes (1.1). Ce point repond donc a la double exigence :

– d’une part x satisfait les contraintes (1.1) ;– d’autre part ‖x− x‖ est le minimum des nombres ‖x− y‖, pris pour tous lesy satisfaisant les contraintes (1.1).

Page 8: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

4 Espaces de Hilbert

Ce point x est exactement la projection orthogonale ProjD(x) de x sur le R-sousespace affine D (de dimension au moins n − m car il y a m contraintes, certainespouvant eventuellement etre redondantes) defini par les equations affines (1.1). Lememe raisonnement vaut dans le cadre complexe et cette methode des moindrescarres dont nous serons souvent appeles a parler dans ce cours est l’illustrationmeme de la force du theoreme de Pythagore.

Les memes idees se transposent au cadre de l’espace hermitien Cn.

L’un des algorithmes majeurs soutendant l’algorithme hilbertienne reste l’algorithmede Gram-Schmidt permettant de redresser un systeme libre (de rang fini k)en un systeme orthonorme (de meme rang), en particulier (lorsque l’espace est dedimension finie n sur le corps K = R ou K = C) une base (~v1, ..., ~vn) en une baseorthonormee (i.e. telle que 〈ej, ek〉 = δkj pour 1 ≤ j, k ≤ n).

Rappelons ici la syntaxe de cet algorithme (dont nous reparlerons plus tard). Partonsd’un systeme libre (~v1, ..., ~vk) de vecteurs du K-espace vectoriel equipe d’un produitscalaire (que nous noterons H).

1. On transforme le vecteur ~v1 en le normalisant : ~v1/‖~v1‖ ← ~v1 ; c’est ce nou-veau ~v1 que l’on decide d’appeler ~e1.

2. On projette orthogonalement le second vecteur ~v2 du systeme libre sur ladroite vectorielle engendre par ~v1 (qui est aussi d’ailleurs, notons le, la droitevectorielle engendre par ~e1) ; cette projection orthogonale est donnee par :

ProjK~v1(~v2) = 〈v2, ~e1〉~e1

et se calcule donc aisement des que ~e1 a ete calcule ; on remplace ensuite ~v2ainsi :

~v2 ←~v2 − 〈~v2, ~e1〉~e1‖~v2 − 〈~v2, ~e1〉~e1‖

;

c’est ce nouveau ~v2 que l’on decide d’appeler ~e2.

3. On projette orthogonalement le troisieme vecteur ~v3 du systeme libre sur leplan vectoriel engendre par ~v1 et ~v2 (qui est aussi d’ailleurs, notons le, le planvectoriel engendre par ~e1 et ~e2) ; cette projection orthogonale est donnee par :

ProjK~v1⊕K~v2(~v3) = 〈v3, ~e1〉~e1 + 〈~v3, ~e2〉~e2

et se calcule donc aisement des que ~e1 et ~e2 ont ete calcules ; on remplaceensuite ~v3 ainsi :

~v3 ←~v3 − 〈~v3, ~e1〉~e1 − 〈~v3, ~e2〉~e2‖~v3 − 〈v3, ~e1〉~e1 − 〈~v3, ~e2〉~e2‖

;

c’est ce nouveau ~v3 que l’on decide d’appeler ~e3.

4. On poursuit la construction sur ce principe jusqu’a substitution complete desk vecteurs ~v1, ..., ~vk du systeme libre donne par les k vecteurs ~e1, ..., ~ek qui, eux,forment un systeme orthonorme, avec de plus, pour chaque l = 1, ..., k :

Vec (~v1, ..., ~vl) = Vec (~e1, ..., ~el).

Page 9: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.1 Rappel : l’espace euclidien Rn et l’espace hilbertien Cn 5

Si D = M0 + F , M0 etant un point de Kn (K = R ou C) de coordonnees x0 =(x0,1, ..., x0,n) et que F est un sous-espace vectoriel de Rn de dimension k donton connait une base (non necessairement orthonormee), notee ~v1, ..., ~vk, chercherla projection orthogonale sur D = M0 + F d’un point M ∈ Kn de coordonnees(x1, ..., xn) revient a chercher l’unique vecteur ~λ = (λ1, ..., λk) de Kk tel que

(x− x0 −

k∑l=1

λl ~vl

)⊥ ~vj j = 1, ..., k.

Si l’on introduit la matrice reelle symetrique dans le cas K = R (resp. hermitiennedans le cas K = C)

G = Gram[~v1, ..., ~vk] := A · tA = [〈~vj, ~vl〉]1≤j,l≤k,

ou A est la matrice a k lignes et n colonnes dont les lignes sont les vecteurs ~v1, ..., ~vkrepresentes en ligne (on appelle cette matrice G la matrice de Gram des k vecteurs~v1, ..., ~vk), on constate que G est inversible (du fait que les ~vk forment un systeme

libre dans Kn) et que le vecteur ~λ cherche s’obtient par

λ =(Gram[~v1, ..., ~vk]

)−1

· (x− x0)

(les vecteurs etant ici figures en colonne). On a donc

ProjD[M ] =M0 +(Gram[~v1, ..., ~vk]

)−1

· (x− x0)

si x et x0 figurent (en colonne) respectivement la liste des coordonnees de M et deM0 dans la base canonique de Kn.

La matrice de Gram joue donc, tant dans l’algorithme de Gram-Schmidt que dansla recherche directe de la projection orthogonale d’un point sur un sous-espace affinepour lequel on dispose d’un point M0 et d’une base du sous-espace vectoriel associe,un role majeur. Il faut aussi noter, dans le cas K = R que, si ~v1, ..., ~vk sont k vecteursde Rn lineairement independants, le volume k-dimensionnel du parallelotope que(~v1, ..., ~vk) definissent dans le sous-espace de Rn que ces vecteurs engendrent estdonne par :

volk

( k∑l=1

tl~vl ; 0 ≤ t1, ..., tk ≤ 1)

=√

det [Gram[~v1, ..., ~vk]].

On constate ainsi, si les vecteurs ~v1, ..., ~vk sont independants, mais proches d’etrecolineaires, la matrice de Gram Gram[~v1, ..., ~vk] se trouve avoir un determinant trespetit, ce qui implique un mauvais conditionnement et une grande instabilite dansles calculs numeriques qui president a l’orthonormalisation de Gram-Schmidt ou ala recherche d’une projection orthogonale sur un sous-espace affine du type M0+F .

Ce sont ces idees qui soutendent par exemple des demarches algorithmiques tellespar exemple celle qu’illustrent les deux exemples suivants :

Exemple 1.1. Soient F1 et F2 deux sous-espaces vectoriels de Rn (ou de Cn) tels que F1∩F⊥2 = 0

et s un element inconnu du sous-espace F1 ; si l’on connaıt la projection orthogonale s0 de ssur F2, la demarche algorithmique en zig-zag , basee sur l’utilisation d’un jeu de projections

Page 10: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

6 Espaces de Hilbert

orthogonales iterees (alternativement sur F1 et sur le sous-espace affine s0 + F⊥2 ) conduit a une

approximation de l’element inconnu s (voir la figure 1.2 ci-dessous) 6.

F

F

F

2

2

1

S

S0

S +

S

S

1

2

Figure 1.2 – Iteration de projections (exemple 1.1)

Exemple 1.2. Soient D1, ..., DN N sous-espaces affines de Rn (ou Cn) s’intersectant en un uniquepoint A. Le mecanisme qui consiste a partir d’un point M quelconque de l’espace et (commesur la figure 1.3 ci-dessous) a projeter ce point orthogonalement sur F1, puis a projeter le pointobtenu orthogonalement sur F2, etc., jusqu’a epuisement de toute la liste de sous-espaces, puis arecommencer, conduit (via une demarche en escargot ) a une approximation du point A 7.

1

2

3

4

x

1

2

,

M

m

m

m

D

D

D

D

3

A

Figure 1.3 – Iteration de projections (exemple 1.2)

6. Nous reviendrons sur la preuve de ce resultat dans un contexte beaucoup plus general plustard dans le cours.

7. Ceci sera etabli dans un contexte beaucoup plus general plus loin dans le cours.

Page 11: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.2 Le saut de la dimension finie a la dimension infinie 7

1.2 Le saut de la dimension finie a la dimension

infinie

Autant le theoreme de Pythagore et l’inegalite de Cauchy-Schwarz ne relevaientque des proprietes algebriques (seul le fait que la forme soit definie positive s’avereimportant pour assurer l’inegalite de Cauchy-Schwarz et la clause d’egalite danscette inegalite), autant la demarche de recherche de projection orthogonale sur unsous-espace utilise (mais de maniere detournee) le fait que (Rn, d) et (Cn, d) sontdes espaces complets. Le cadre de la dimension finie est un peu trompeur car on serend pas compte de ce phenomene !

Pour se convaincre de cela, placons nous dans le cadre plus troublant d’un espacede fonctions (de dimension cette fois infinie). Le R-espace vectoriel E = C([0, 1],R)des fonctions continues sur [0, 1], a valeurs reelles, peut lui aussi etre equipe d’unproduit scalaire, a savoir

〈f , g〉 :=∫ 1

0

f(t)g(t) dt . (1.2)

On retrouvera beaucoup ce produit scalaire par la suite ; il a une interpretationphysique car on peut le relier a la notion d’energie (l’energie est toujours, pensezpar exemple a l’energie cinetique E = mv2/2, une expression dependant de manierenon lineaire mais quadratique des phenomenes physiques qui la soutendent, ici enl’occurrence la vitesse v). Dans ce R-espace vectoriel E, on peut considerer le sous-espace affine

D :=f ∈ E,

∫ 1/2

0

f(t)dt−∫ 1

1/2

f(t)dt = 1.

Si E est equipe de la topologie (d’espace metrique) associee a la distance

d∞(f, g) = supt∈[0,1]

|f(t)− g(t)|

correspondant a la topologie de la convergence uniforme sur [0, 1], on constateimmediatement que D est bien un sous-ensemble ferme de E. Equipe de cette dis-tance d∞, E est d’ailleurs un espace metrique complet. Il faut noter cependant qued∞ n’est pas une distance associee a une norme derivant d’un produit scalaire. Ladistance d∞ ne nous interesse donc pas autant que la distance euclidienne

d(f, g) = ‖f − g‖2 :=

√∫ 1

0

|f(t)− g(t)|2 dt ,

metrique derivant associee au produit scalaire (1.2) pour laquelle on dispose certesdu theoreme de Pythagore, mais pour laquelle, malheureusement, E n’est plus unR-espace vectoriel complet (ni d’ailleurs D un sous-espace affine ferme).

On peut naturellement se demander malgre tout s’il est concevable de definir unoperateur de projection orthogonale sur D. Il n’en est rien. En effet, on montre enexercice (voir le paragraphe ci-dessous) qu’il ne saurait exister aucun element f0 ∈ Den lequel la fonction

f ∈ D 7−→ ‖f‖22 :=∫ 1

0

|f(t)|2 dt

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8 Espaces de Hilbert

atteigne son minimum sur D ; comme l’existence d’une telle fonction f0 equivautau fait que 0 admette une projection orthogonale sur D (il existe un pointde D realisant la distance euclidienne d entre 0 et D), la non existence dans Dd’un tel f0 rend donc bien compte du fait qu’il s’avere impossible de projeterorthogonalement l’origine 0 sur D.

Exercice 1.1. Montrons que f0 (element de D tel que ‖f0‖2 soit minimal) ne peut exister. Soit hla fonction definie sur [0, 1] par

h(t) =

1 si t ∈ [0, 1/2[0 si t = 1/2−1 si t ∈]1/2, 1] .

Meme si ∫ 1/2

0

h(t) dt−∫ 1

1/2

h(t) dt = 1 ,

la fonction h n’est pas dans D (ce n’est en effet pas une fonction continue !) ; neanmoins, on peutl’approcher (au sens de la distance d) par la suite de fonctions (hn)n≥3, ou

hn(t) =

n

n−1 si t ∈ [0, 1/2− 1/n[n

n−1 × (n(1/2− t)) si t ∈ [1/2− 1/n, 1/2 + 1/n]− n

n−1 si t ∈]1/2 + 1/n, 1] .

qui, elle, on le verifie aisement, est une suite d’elements de D. Si f0 existait, on aurait donccertainement

‖f0‖22 ≤ ‖hn‖22 ∀n ≥ 3 ,

et, par consequent, en prenant la limite lorsque n tend vers +∞ (et en utilisant par exemple letheoreme de convergence dominee)

‖f0‖22 ≤ limn→+∞

‖hn‖22 = ‖h‖22 =1

2+

1

2= 1 .

On remarque que le trinome

λ 7−→∫ 1

0

(f0(t) + λh(t))2 dt = λ2‖h‖2 + 2λ

∫ 1

0

f0(t)h(t) dt+ ‖f0‖22 = λ2 + 2λ+ ‖f0‖22

a pour discriminant reduit 1− ‖f0‖22 ≥ 0, donc admet au moins une racine reelle λ0 ; ceci montreque ∫ 1

0

(f0(t) + λ0h(t))2 dt = 0 ,

d’ou l’on deduirait f0 ≡ −λ0h dt-presque partout sur [0, 1], ce qui est impossible car f0 est continue

tandis que −λ0h ne l’est pas ! On conclut donc (par l’absurde) a l’impossibilite de l’existence de

f0, element de D realisant la distance (au sens de la metrique euclidienne d) de l’origine a D.

Ce qui manque ici au R-espace vectoriel E pour que l’on puisse pleinement profiter(comme dans le cas de Rn et Cn) des atouts de l’algorithmique pythagoricienneest simplement le fait que E equipe de la metrique d n’est pas un espace metriquecomplet !

La lecon que nous retenons de l’exemple propose dans ce paragraphe (exemple sor-tant du cadre de la dimension finie) est qu’il faut prendre garde (lorsque l’on sortdu cadre des R ou C-espaces vectoriels de dimension finie tels Rn et Cn) a couplerle modele algebrique avec des contraintes relevant de l’analyse (en l’occurrence lacompletude pour la distance euclidienne du R ou C-espace vectoriel sur lequel ontravaille) si l’on espere profiter pleinement des outils que met a notre dispositionl’introduction sur un R ou C-espace vectoriel, d’un produit scalaire (Pythagore,Cauchy-Schwarz, possibilite de projeter orthogonalement sur un sous-espace ferme,etc.).

Page 13: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.3 Les notions d’espace de Hilbert (reel ou complexe) 9

1.3 Les notions d’espace de Hilbert (reel ou com-

plexe)

1.3.1 Le cadre Hilbert

La section 1.1 nous guide vers les deux definitions suivantes, situant le cadre detravail dans lequel on entend mettre en pratique les idees inspirees du maniementde l’orthogonalite dans Rn ou Cn :

Definition 1.1 Un espace de Hilbert reel est un R-espace vectoriel, couple avec ladonnee d’un produit scalaire

(h1, h2) ∈ H ×H 7−→ 〈h1 , h2〉 ∈ R ,

c’est-a-dire une application bilineaire a valeurs reelles– symetrique, c’est-a-dire telle que 〈h1 , h2〉 = 〈h2 , h1〉 pour tous h1, h2 dans H ;– telle que 〈h , h〉 ≥ 0 pour tout h ∈ H (clause de positivite) ;– telle que 〈h , h〉 = 0 si et seulement si h = 0 (clause de definition ).

De plus, on exige que l’espace vectoriel norme (H, ‖ ‖), ou

‖h‖ :=√〈h , h〉

soit un espace norme complet (c’est-a-dire un espace de Banach 8).

Definition 1.2 Un espace de Hilbert complexe est un C-espace vectoriel, couple avecla donnee d’un produit scalaire

(h1, h2) ∈ H ×H 7−→ 〈h1 , h2〉 ∈ C ,

c’est-a-dire une application sesquilineaire 9 a valeurs complexes– presentant la symetrie hermitienne, c’est-a-dire : 〈h1 , h2〉 = 〈h2 , h1〉 pourtout h1, h2 dans H ;

– telle que 〈h , h〉 ≥ 0 pour tout h ∈ H (clause de positivite) ;– telle que 〈h , h〉 = 0 si et seulement si h = 0 (clause de definition ).

De plus, on exige que l’espace vectoriel norme (H, ‖ ‖), ou

‖h‖ :=√〈h , h〉

soit un espace norme complet (c’est-a-dire un espace de Banach).

1.3.2 Un formulaire geometrique

En utilisant la bilinearite et la symetrie du produit scalaire dans le cas reel, lasesquilinearite et la symetrie hermitienne du produit scalaire dans le cas complexe,on voit que l’on a l’identite importante

‖h1 + h2‖2 + ‖h1 − h2‖2 = 2(‖h1‖2 + ‖h2‖2) ∀h1, h2 ∈ H (1.3)

8. En reference au mathematicien polonais Stefan Banach (1892-1945) qui explora toutes lesfacettes et tout l’interet de ce concept, un espace de Banach est par definition un R ou C-espacevectoriel norme ou toute suite de Cauchy (au sens de la norme) est convergente.

9. Ceci signifie C-lineaire en h1, C-antilineaire en h2.

Page 14: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

10 Espaces de Hilbert

(dite loi du parallelogramme 10) et, suivant que l’on est dans le cas reel ou dans lecas complexe, soit

‖h1 + h2‖2 = ‖h1‖2 + ‖h2‖2 + 2〈h1 , h2〉 ∀h1, h2 ∈ H , (1.4)

soit

‖h1 + h2‖2 = ‖h1‖2 + ‖h2‖2 + 2Re 〈h1 , h2〉 ∀h1, h2 ∈ H ; (1.5)

les identites (1.4) et (1.5) sont dites identites de Pythagore. La loi du parallelogram-me induit la formule de la mediane :∥∥∥h0 − h1 + h2

2

∥∥∥2 + ‖h1 − h2‖24

=(‖h0 − h1‖2 + ‖h0 − h2‖2)

2∀h0, h1, h2 ∈ H ;

(1.6)

il suffit pour le voir d’appliquer (1.3) en remplacant hj par (h0 − hj)/2, j = 1, 2.La positivite du produit scalaire implique dans le cas reel, si h1 et h2 sont deuxelements de H, que la fonction trinome

λ ∈ R 7−→ 〈h1 + λh2 , h1 + λh2〉 = λ2‖h2‖2 + 2λ 〈h1, h2〉+ ‖h1‖2 (1.7)

est positive ou nulle sur R, dans le cas complexe que la fonction trinome complexe

λ ∈ C 7−→ 〈h1 + λh2 , h1 + λh2〉 = |λ|2‖h2‖2 + 2Re (λ 〈h1 , h2〉) + ‖h1‖2 (1.8)

prend ses valeurs dans [0,∞[. Ceci implique dans le cas reel que le discriminant dutrinome (1.7) est negatif, d’ou l’inegalite

|〈h1 , h2〉| ≤ ‖h1‖ × ‖h2‖ ∀h1, h2 ∈ H , (1.9)

dite de Cauchy-Schwarz 11. En specifiant λ = teiα, α ∈ R dans (1.8) et en faisantvarier α, on constate, dans le cas complexe, que l’on a la meme inegalite de Cauchy-Schwarz (1.9). Il est important de noter que cette inegalite (1.9) est stricte des queh1 et h2 ne sont pas colineaires. Si h1 et h2 sont colineaires, l’inegalite (1.9) devientune egalite.

Dans un espace de Hilbert, on peut definir, non pas l’angle de deux vecteurs nonnuls, mais au moins leur cosinus, ce de la maniere suivante :

cos(angle (h1, h2)) :=Re 〈h1 , h2〉‖h1‖ ‖h2‖

.

Si F1 et F2 sont deux sous-espaces vectoriels de H, on peut definir le cosinus del’angle entre F1 et F2 en posant

cos(angle (F1, F2)) := suph1∈F1\0 , h2∈F2\0

|〈h1 , h2〉|‖h1‖ ‖h2‖

∈ [0, 1]

(a cause de l’inegalite de Cauchy-Schwarz).

Rappelons, pour memoire, les trois manieres equivalentes de caracteriser la comple-tude d’un R (ou C) espace vectoriel norme (H, ‖ ‖) :

10. Ainsi denotee car elle s’appuie sur la figure du parallelogramme construit a partir des deuxvecteurs h1 et h2 (on fera un petit dessin pour s’en convaincre).11. Les noms de l’analyste francais Augustin Cauchy (1789-1857) et du geometre allemand Her-

mann Schwarz (1843-1921) sont attaches a cette inegalite, que dans l’ex culture sovietique, onconnaıt sous la terminologie d’inegalite de Cauchy-Bunyakovsky.

Page 15: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.3 Les notions d’espace de Hilbert (reel ou complexe) 11

– toute suite de Cauchy (pour la metrique d(x, y) : ‖x− y‖) est convergente ;– si (Ak)k∈N est une suite decroissante (au sens de l’inclusion) de sous ensemblesfermes de H dont le diametre (au sens de la distance d) tend vers 0, l’inter-section de tous les Ak est non vide et reduite a un singleton ;

– toute serie (∑

n hn), hn ∈ H, telle que∑∞

n=0 ‖hn‖ <∞, converge dans H.

SiK = R ouK = C, la donnee d’unK-espace vectorielH equipe d’un produit scalaire〈 , 〉 constitue ce que l’on appelle la donnee d’un K-espace prehilbertien. Dans untel cadre, theoreme de Pythagore ((1.4), (1.5)), inegalite de Cauchy-Schwarz (casd’egalite inclus) (1.9), formules du parallelogramme (1.3) et de la mediane (1.6),restent valables. Ne manque au tableau (pour que (H, 〈 , 〉) soit un K-espace deHilbert) que le fait que (H, ‖ ‖) (la norme ici etant celle derivant du produit scalaire)soit un K-espace vectoriel complet.

Le fait qu’un K-espace vectoriel H equipe d’un produit scalaire 〈 , 〉 ne soit qu’unK-espace prehilbertien (au lieu d’etre un K-espace de Hilbert) ne constitue pas un siserieux handicap que cela. En effet, il est possible d’exhiber un K-espace de HilbertH, equipe d’un produit scalaire 〈〈 , 〉〉 (on note ||| ||| la norme associee), et uneapplication

inj : H → H

telle que :– d’une part l’application inj est semi-lineaire, c’est-a-dire verifie

∀h1, h2 ∈ H, ∀λ ∈ C, inj(h1 + λh2) = inj(h1) + λ inj(h2) ;

– d’autre part inj(H) est un K-sous-espace vectoriel dense dans le K-espace de

Hilbert H equipe de son produit scalaire 〈〈 , 〉〉 ;– d’autre part enfin

∀h ∈ H, |||inj(h)||| = ‖h‖,ce qui implique d’apres la semi-linearite de inj et le theoreme de Pythagoreque inj preserve aussi le produit scalaire de cette maniere, i.e. :

∀h1, h2 ∈ H, 〈〈inj(h1), inj(h2)〉〉 = 〈h2, h1〉.

Pour construire inj et le K-espace de Hilbert H (avec son produit scalaire), voicicomment l’on procede : on considere l’application inj de H dans le K-espace desK-formes lineaires continues sur H (que l’on appelle aussi le dual topologique de Het que l’on note pour l’instant H∗

‖ ‖ pour le differentier du dual algebrique, H etant

equipe de la norme ‖ ‖),

inj : h 7−→(v ∈ H 7→ 〈v, h〉

)∈ H∗

‖ ‖.

Cette application est bien semi-lineaire et injective. Le K-espace vectoriel H∗‖ ‖ peut

etre equipe de la norme|||L||| = sup

‖v‖=1

|L(v)|.

Equipe de cette norme, (H∗‖ ‖, ||| |||) est un K-espace complet (a verifier en exercice).

On prend alors pour H l’adherence de inj(H) dans H∗‖ ‖. Du fait de l’inegalite de

Cauchy-Schwarz, on observe que

∀h ∈ H, ‖h‖ = |||inj(h)|||.

Page 16: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

12 Espaces de Hilbert

Il ne reste plus qu’a observer que le produit scalaire defini sur inj(H) par

〈〈inj(h1), inj(h2)〉〉 := 〈h2, h1〉

se prolonge en un produit scalaire a H par :

〈〈h1, h2〉〉 := limn→+∞

〈h2,n, h1,n〉

lorsque h1 = limn→+∞ (inj(h1,n)) et h2 = limn→+∞ (inj(h2,n)), le resultat ne dependantpas des suites d’approche.

Un tel K-espace de Hilbert (H, 〈〈 , 〉〉) est dit complete de H. Si s’on dispose de deux

completes (H1, 〈〈 , 〉〉1) et (H2, 〈〈 , 〉〉2) d’un meme K-espace prehilbertien (H, 〈 , 〉),on montre facilement (suivant les memes idees que ci-dessus) qu’il existe une isometrieK-lineaire entre eux. C’est en ce sens que le complete d’un K-espace prehilbertien(H, 〈 , 〉) peut etre qualifie d’unique et que l’on peut parler du complete d’un K-espace prehilbertien (H, 〈 , 〉) donne.Remarque 1.0. La realisation (abstraite et generale) du complete d’un prehilbertien (H, 〈 , 〉)decrite ci-dessus n’est bien souvent pas celle que l’on utilise dans la pratique. Bien souvent en effet,on dispose d’autres outils pour exhiber un complete explicite de maniere plus directe. Par exemple,si [a, b] est un segment de R et que H est le prehilbertien C([a, b],C) des fonctions continues de[a, b] dans C equipe du produit scalaire (dont la norme associee est la racine carree de l’energie enphysique) :

〈f, g〉 :=∫ b

a

f(t)g(t) dt =

∫[a,b]

f(t) g(t) dt,

on sait bien depuis le cours d’integration 12 qu’une realisation du complete de H est le C-espacede Hilbert L2

C([a, b], dt).

1.4 Les exemples majeurs

1.4.1 Les exemples Rn et Cn

Le premier exemple d’espace de Hilbert reel est bien sur Rn, equipe de sonproduit scalaire canonique (voir la section 1.1). Le premier exemple d’espace deHilbert complexe est Cn, equipe de son produit scalaire canonique (voir aussi lasection 1.1).

On peut penser ces deux espaces comme des espaces de fonctions, puisque l’on peutidentifier le vecteur x avec la fonction X de 1, ..., n dans R (resp. C) qui a l’entierk associe le scalaire X(k) = xk (k-eme coordonnee de x dans la base canonique).Une telle fonction est un signal digital reel (resp. complexe).

Si n1 et n2 sont deux entiers strictement positifs, l’espace des matrices reelles (resp.complexes) I de type n1 × n2, equipe du produit scalaire

〈I1, I2〉 :=n1∑

k1=1

n2∑k2=1

I1(k1, k2)I2(k1, k2)

dans le cas reel oun1∑

k1=1

n2∑k2=1

I1(k1, k2)I2(k1, k2)

12. Voir la section 4.7 dans http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/mht512.pdf

Page 17: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.4 Les exemples majeurs 13

dans le cas complexe est un espace de Hilbert (ce n’est qu’une autre presentationde Rn1×n2 ou Cn1×n2 comme un espace de matrices) ; un element de cet espace estune image digitale (reelle ou complexe suivant le contexte), de type (n1, n2). Chaquepoint marque I(k1, k2) d’un tableau [I(k1, k2)]1≤kj≤nj

represente l’intensite ou encorela brillance (mesuree avec une unite convenue) a ce que l’on conviendra d’appeler lepixel (k1, k2).

On peut aussi imaginer des espaces de tableaux de tableaux : une image couleurpar exemple se code dans le systeme RGB 13 comme un tableau n1× n2 de vecteurs(r, g, b) d’entiers entre 0 et 255 (il s’agit du point de vue informatique d’un codagesur 8 bits pour chaque entree, d’ou la raison pour 256 = 28). Si l’on oublie lescontraintes informatiques de codage et que l’on interprete (r, g, b) comme des reels,on constate que la configuration est bien toujours du type Rn, avec n = 3n1n2, maisque la presentation est cette fois differente.

Le produit scalaire entre deux vecteurs de Rn (ou de Cn), vecteurs que l’on peutconsiderer comme des informations digitales de longueur n, est aussi appele corre-lation de ces deux informations ; si x et y ont meme norme, plus 〈x , y〉 est grand,plus les informations sont dites correlees entre elles. Le carre de la norme euclidienned’un tel vecteur x de Rn ou z de Cn est dit energie du signal digital x (ou z).

1.4.2 Les espaces l2R(I) et l2C(I)

Si I est un ensemble d’indices (abstrait), on peut considerer dans le R-espacevectoriel RI = F(I,R) des fonctions de I dans R le sous-espace l2R(I) constitue deselements (xι)ι∈I tels que

supJ⊂I ;#J<∞

(∑ι∈J

|xι|2):= ‖(xι)ι∈I‖2 <∞ .

On constate alors (en utilisant la definition de la borne superieure et l’inegalite deCauchy-Schwarz dans R) que si (xι)ι∈I et (yι)ι∈I sont deux elements de l2R(I), alorspour tout ε > 0, il existe une partie finie J(ε) ⊂ I telle que pour toute partie finieK de I d’intersection vide avec J(ε), on ait∣∣∣∑

i∈K

xιyι

∣∣∣ ≤√∑ι∈K

|xι|2√∑

ι∈K

|yι|2 < ε . (1.10)

Soient donc (xι)ι∈I et (yι)ι∈I deux elements du R-espace vectoriel l2R(I). Pour n ∈ N∗,notons Cn l’adherence dans R de l’ensemble des nombres∑

ι∈J

xιyι ,

ou J est une partie finie de I contenant J(1) ∪ J(1/2) ∪ · · · ∪ J(1/n). A cause de(1.10) avec ε = 1/n (pour toute partie finie K de I ne rencontrant pas

⋃nk=1 J(1/k)),

on constate que le diametre de Cn (pour la distance associee a la valeur absolue surR) tend vers 0. Comme R est complet, l’intersection des fermes Cn est non vide etreduite a un singleton ; on definit ainsi le nombre reel (comme etant precisement cesingleton) ∑

ι∈I

xιyι

13. Red-Green-Blue .

Page 18: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

14 Espaces de Hilbert

et on montre que le nombre reel ainsi defini est l’unique nombre reel S caracterisepar la propriete suivante : pour tout ε > 0, il existe une partie finie J(ε) telle pour

toute partie finie J de I contenant J(ε),∣∣∣S −∑ι∈J

xιyι

∣∣∣ < ε .

Ceci nous amene naturellement a la notion de famille sommable de nombres reelsou complexes.

Definition 1.3 Une famille (uι) de nombres reels ou complexes indexee par unensemble d’indices I est dite sommable et de somme S si et seulement si, pour toutε > 0, il existe une partie finie J(ε) telle que pour toute partie finie J de I contenant

J(ε), ∣∣∣S −∑ι∈J

∣∣∣ < ε .

Ici la famille (xιyι)ι∈I est sommable des que (xι)ι∈I et (yι)ι∈I sont deux elements del2R(I) et l’on definit un produit scalaire sur l2R(I) en posant precisement :⟨

(xι)ι∈I , (yι)ι∈I

⟩:=∑ι

xιyι .

Proposition 1.1 Le R-espace vectoriel l2R(I) equipe du produit scalaire⟨(xι)ι∈I , (yι)ι∈I

⟩:=∑ι

xιyι .

est un espace de Hilbert.

Preuve. Si((x

(n)ι )ι∈I

)nest une suite de Cauchy dans l2R(I), on a

∀ε > 0 , ∃N(ε) , ∀p, q ≥ N(ε) , supJ⊂I ;#J<∞

(∑ι∈J

|x(p)ι − x(q)ι |2)< ε . (1.11)

Pour chaque ι dans I, la suite de scalaires (x(n)ι )n est donc de Cauchy, donc conver-

gente dans R puisque R est complet vers une limite x(∞)ι . En gelant p ≥ N(ε)

et en faisant courir q vers l’infini dans (1.11), on constate que

∀ε > 0 , ∃N(ε) , ∀p ≥ N(ε) , supJ⊂I ;#J<∞

(∑ι∈J

|x(p)ι − x(∞)ι |2

)< ε .

Il resulte de cela que (x(∞)ι )ι∈I est bien un element de l2R(I) et que cet element est

la limite dans l2R(I) (lorsque n tend vers +∞ et pour la norme ‖ ‖) de la suite((x

(n)ι )ι∈I

)n. La completude de l2R(I) pour la norme ‖ ‖ est donc assuree. ♦

Toujours a partir du meme ensemble d’indices I, on peut considerer dans le C-espacevectoriel CI = F(I,C) des fonctions de I dans C le sous-espace l2C(I) constitue deselements (zι)ι∈I tels que

supJ⊂I ;#J<∞

(∑ι∈J

|zι|2):= ‖(zι)ι∈I‖2 <∞ .

Page 19: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.4 Les exemples majeurs 15

Exactement comme dans le cadre reel (toujours en utilisant l’inegalite de Cauchy-Schwarz), on constate que si (zι)ι∈I et (wι)ι∈I sont deux elements de l2C(I), la famille(zιwι)ι∈I est sommable dans C. On definit donc un produit scalaire dans l2C(I) enposant ⟨

(zι)ι∈I , (wι)ι∈I

⟩:=∑ι

zιwι .

La proposition suivante se prouve exactement comme la proposition 1.1 (mais enutilisant la completude de C cette fois).

Proposition 1.2 Le C-espace vectoriel l2C(I) equipe du produit scalaire⟨(zι)ι∈I , (wι)ι∈I

⟩:=∑ι

zιwι .

est un espace de Hilbert.

Les deux espaces de Hilbert l2R(I) (dans le cadre reel) et l2C(I) (dans le cadre com-plexe) seront, on le verra plus tard , des modeles pour tout espace de Hilbert reel(dans ce cas le modele est l2R(I)) ou complexe (auquel cas le modele est l2C(I)). Serontplus interessants pour nous les modeles correspondant au cas ou I est denombrable 14.Les cas I = Z ou I = N seront des cas d’exemples de Hilbert tres importants auniveau des applications.

De fait, toute cette presentation des espaces de Hilbert l2K(I) (K = R ou C) pou-vait rentrer dans le cadre plus general des K-espaces L2

K(Ω, T , µ) qui sera evoqueplus loin : on prend ici Ω = I, pour T la tribu de toutes les parties, et pour µla mesure de decompte (µ(A) = card(A) si A est finie, µ(A) = +∞ sinon). Ladefinition du produit scalaire comme somme d’une famille sommable (Definition1.3) et la completude de l’espace prehilbertien ainsi obtenu (Propositions 1.1 et 1.2)se deduisent aussi de la theorie de l’integration telle qu’elle a ete developpee dans lecours de l’UE MA5012 (cf. le polycopie en ligne). On utilise en particulier pour cequi est de la completude le theoreme de Riesz-Fischer 15.

1.4.3 Les espaces L2K(U, dx), U partie mesurable de Rn, K = R

ou CSoit L(Rn) la tribu de Lebesgue sur Rn (plus petite tribu contenant la tribu

borelienne et tous les ensembles de mesure de Lebesgue nulle) 16.

Si U est un sous-ensemble mesurable de Rn (par exemple un sous-ensemble ouvert,un sous-ensemble ferme, Rn tout entier,...), l’espace L2

R(U,L(Rn)|U , dx) des fonctionsf : U −→ R mesurables (relativement a la tribu L(Rn) restreinte a U) telles que∫

U

|f(x)|2 dx <∞

14. Remarquons toutefois que si (xι)ι ∈ l2R(I), l’ensemble ι ∈ I ; |xι| ≥ 1/p (pour p ∈ N∗ fixe)est fini, de cardinal au plus p2‖(xι)ι∈I‖2 ; ceci montre que l’ensemble des indices ι tels que xι 6= 0est forcement au plus fini ou denombrable. Ceci vaut aussi pour un element donne (zι)ι∈I de l2C(I) :l’ensemble des indices ι tels que zι 6= 0 est au plus fini ou denombrable.15. Theoreme 4.1 dans http.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/mht512.pdf16. On pourrait d’ailleurs tout aussi bien se contenter de la tribu borelienne B(Rn) a la place de

la tribu de Lebesgue L(Rn) ; l’avantage que presente la tribu de Lebesgue sur la tribu borelienneest la propriete de completude (section 1.6 du cours de l’UE MA5012 de Theorie de l’Integration(Semestre 5)).

Page 20: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

16 Espaces de Hilbert

(dx est ici la mesure de Lebesgue) peut etre equipe d’une forme bilineaire symetriquepositive

(f, g) 7−→ 〈f , g〉 :=∫U

f(x)g(x) dx .

En effet, on sait (inegalite de Cauchy-Schwarz pour les fonctions mesurables) que∫U

|f(x)g(x)| dx ≤

√∫U

f 2(x) dx

√∫U

g2(x) dx < +∞ .

Cette forme bilineaire symetrique positive sur le R-espace vectoriel

L2R(U,L(Rn)|U , dx)

est dite forme bilineaire d’energie ; cette terminologie tient au fait que la quantitepositive

‖f‖22 :=∫U

|f(x)|2 dx

est (interpretee du point de vue physique) l’indicateur d’une energie (l’energie enphysique repose, on l’a rappele, sur une expression non pas lineaire, mais quadra-tique). Le R-espace vectoriel quotient

L2R(U,L(Rn)|U , dx) :=

L2(U,L(Rn)|U , dx)

Rou R est la relation d’equivalence

fRg ⇐⇒ f − g = 0 dx− presque partout sur U , (1.12)

est un R-espace norme avec une norme quotient

‖f‖2 := inff∈f‖f‖2

qui derive d’un produit scalaire 17, a savoir la forme bilineaire symetrique

(f , g) 7−→ 〈f , g〉 :=∫U

f(x)g(x) dx .

qui est en effet non seulement symetrique et positive, mais aussi definie (du fait dupassage au quotient modulo la relation R introduite en (1.12)). On a la propositiontres importante, avatar de la theorie de l’integration de Lebesgue :

Proposition 1.3 Si U est un sous-ensemble mesurable de Rn, le R-espace vectoriel

L2R(U, dx) ,

equipe du produit scalaire

(f , g) 7−→ 〈f , g〉 :=∫U

f(x)g(x) dx ,

est un espace de Hilbert reel.

17. En fait, il s’agit la le l’espace de Minkowski L2R(Ω, T , µ) defini dans le cours de l’UE MA5012

de Theorie de l’Integration (section 4.3) avec dans ce cas particulier ici Ω := U , T := L(Rn)|U ,µ := dx etant la mesure de Lebesgue sur Rn restreinte a U .

Page 21: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.4 Les exemples majeurs 17

Preuve. Voir le cours de theorie de l’integration (UE MA5012) ; il s’agit la d’un casparticulier du theoreme de Riesz-Fischer (theoreme 4.1 du cours de MA5012) 18. ♦

L’espace L2C(U, dx) := L2

C(U,L(Rn)|U , dx) des fonctions mesurables sur U , a valeurscomplexes, telles que

‖f‖22 :=∫U

|f(x)|2 dx <∞

se traite de maniere identique ; en quotientant par la relation d’equivalence R, onobtient encore un espace L2

C(U,L(Rn)|U , dx) equipe d’un produit scalaire, qui n’estrien d’autre que le C-espace norme L2

C(U,L(Rn), dx) de Minkowski (p = 2) rencontre,lui aussi, dans la section 4.3 du cours d’integration (MA5012).

Proposition 1.4 Si U est un sous-ensemble mesurable de Rn, le C-espace vectoriel

L2C(U, dx) ,

equipe du produit scalaire

(f , g) 7−→ 〈f , g〉 :=∫U

f(x)g(x) dx ,

est un espace de Hilbert complexe.

Preuve. Voir le cours de theorie de l’integration (UE MA5012, theoreme 4.1 deRiesz-Fischer dans le cas p = 2). ♦

Seront particulierement interessants pour nous les exemples correspondant au casU = Rn, espaces que nous noterons L2

R(Rn) (espace de Hilbert reel) et L2C(Rn)

(espace de Hilbert complexe).

Le cas periodique

Seront interessants aussi pour nous plus tard les espaces

L2R

( Rn

(2πZ)n)= L2

R(Tn) (resp. L2C

( Rn

(2πZ)n)= L2

C(Tn))

des classes de fonctions mesurables sur Rn, a valeurs reelles (resp. complexes), quisont periodiques de periode 2π en chacune des variables reelles θ1, ..., θn, et tellesque ∫

[0,2π]n|f(θ)|2 dθ <∞ .

Le produit scalaire sur ces espaces est

(f , g) 7−→ 〈f , g〉per :=1

(2π)n

∫[0,2π]n

f(θ) g(θ) dθ

18. C’est d’ailleurs dans ce cas particulier (p = 2) que ce theoreme fut formule en 1907 (etexploite dans le cadre de la theorie des series de Fourier que nous retrouverons au chapitre 2) parle mathematicien hongrois Frigyes Riesz (1880-1956) et le mathematicien autrichien Ernst Fischer(1875-1954).

Page 22: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

18 Espaces de Hilbert

(dans le cas de L2R(Tn)) ou

(f , g) 7−→ 〈f , g〉per :=1

(2π)n

∫[0,2π]n

f(θ) g(θ) dθ

(dans le cas de L2C(Tn)) ; le premier est un espace de Hilbert reel, le second un espace

de Hilbert complexe.

On verra plus loin dans le cours (chapitre 2) que c’est la transformation de Fourier :

f ∈ L2C(T) 7−→

( 1

∫[0,2π]

f(θ) e−ikθ dθ)k∈Z

qui realise precisement une isometrie (C-lineaire) entre le C-espace de Hilbert (dontla definition releve de l’integration integration continue ) qu’est L2

C(T) et le C-espace de Hilbert (dont la definition releve, elle, de l’integration discrete) l2C(Z) ; c’estla formule de Plancherel, incarnation ici du principe de conservation de l’energie,qui assure ici que la transformation de Fourier en question soit une isometrie.

Le cas des espaces L2 a poids

Si U est un sous-ensemble mesurable de Rn et ω une classe de fonctions mesu-rables sur U (modulo la relation R introduite en (1.12)), admettant un representantstrictement positif (i.e ω > 0 presque partout sur U au sens de Lebesgue) et quel’on appelle un poids , on peut definir les espaces

L2R(U, ωdx) :=

f ; f mesurable U → R ,

∫U

|f(x)|2 ω(x) dx <∞

et

L2C(U, ωdx) :=

f ; f mesurable U → C ,

∫U

|f(x)|2 ω(x) dx <∞

(suivant que les classes de fonctions envisagees sont des classes de fonctions a valeursreelles ou complexes). Ce sont des espaces de Hilbert, le produit scalaire etant definipar

〈f , g〉 :=∫U

f(x) g(x)ω(x) dx

(dans le cas reel) ou par

〈f , g〉 :=∫U

f(x) g(x)ω(x) dx

(dans le cas complexe) 19.

1.4.4 Les espaces L2K(Ω, T , P )

Soit (Ω, T , P ) un espace probabilise (Ω est un ensemble d’ evenements , T unetribu sur Ω, P une distribution de probabilite sur T 20).

19. Il s’agit la encore des espaces de Minkowski L2K(Ω, T , µ) de la section 4.3 du cours de MA5012

(ici avec p = 2), ou Ω := U , T = L(Rn) et µ = ωdx est la mesure a densite ω par rapport a lamesure de Lebesgue restreinte a U .20. C’est-a-dire une mesure positive P : T −→ [0,∞] telle que P (Ω) = 1.

Page 23: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.4 Les exemples majeurs 19

On peut considerer le R espace vectoriel L2R(Ω, T , P ) des variables aleatoires reelles

sur l’espace probabilise (Ω, T , P ) 21ayant de plus un moment d’ordre 2 fini, c’est-a-dire telles que ∫

Ω

X(ω)2 dP = Esperance[X2] <∞ ;

l’espace L2R(Ω, T , P ) est obtenu en quotient l’espace L2

R(Ω, T , P ) par la relationd’equivalence

X ∼ Y ⇐⇒ P (ω ∈ Ω ; X(ω) 6= Y (ω)) = 0 . (1.13)

Cet espace L2R(Ω, T , P ) peut etre equipe du produit scalaire

(X, Y ) 7−→ E[XY ] :=

∫Ω

X(ω)Y (ω) dP ;

ce produit scalaire est intimement lie a la notion de covariance puisque par definitionla covariance des deux variables aleatoires X et Y est definie par :

cov(X, Y ) := E[(X − EX)(Y − EY )] = E[XY ]− 2E[X]E[Y ] + E[X]E[Y ]

= E[XY ]− E[X]E[Y ]

(la covariance entre X et X etant par definition la variance de X). On rappelle dansce nouveau le resultat suivant, avatar du theoreme de Riesz-Fischer (theoreme 4.1du cours de MA5012) :

Proposition 1.5 Le R-espace vectoriel L2R(Ω, T , P ), equipe du produit scalaire

(X, Y ) 7−→ E[XY ] :=

∫Ω

X(ω)Y (ω) dP ,

est un espace de Hilbert reel.

Preuve. Voir le cours de theorie de l’integration MA5012 (theoreme 4.1). ♦On peut aussi envisager le C-espace vectoriel L2

C(Ω, T , P ) des variables aleatoires Xa valeurs complexes definies sur l’espace probalilise (Ω, T , P ) et telles que

E[|X|2] <∞ .

En quotientant cet espace par la relation d’equivalence ∼ introduite en (1.13), ontrouve un C-espace L2

C(Ω, T , P ) que l’on peut naturellement equiper du produitscalaire

(X, Y ) 7−→ E[XY ] :=

∫Ω

X(ω)Y (ω) dP ;

on definit de meme la covariance de X avec Y par

cov (X,Y ) = E[(X − E[X])(Y − E[Y ])] = E[XY ]− E[X]× E[Y ]

et la variance de X par

V (X) := cov (X,X) = E[|X − E[X]|2] = E[|X|2]− |E[X]|2 .

21. Rappelons que ce sont les applications X de Ω dans R telle que X−1(B(R)) ⊂ T .

Page 24: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

20 Espaces de Hilbert

Proposition 1.6 Le C-espace vectoriel L2C(Ω, T , P ), equipe du produit scalaire

(X, Y ) 7−→ E[XY ] :=

∫Ω

X(ω)Y (ω) dP ,

est un espace de Hilbert complexe.

Preuve. Voir le cours de theorie de l’integration MA5012 (theoreme 4.1 de Riesz-Fischer). ♦

Signalons que si X est une variable aleatoire reelle representant d’un element deL2R(Ω, T , P ), la tribu TX engendree par les ensembles X−1(B), ou B ∈ B(R), est une

sous-tribu de la tribu T ; c’est la tribu des evenements dependant de X . On peuttravailler cette fois sur l’espace probabilise (Ω, TX , P |TX) et introduire le R-espacede Hilbert L2

R(Ω, TX , P|TX ). Il existe une injection naturelle iX (isometrie au niveaudes normes) de L2

R(Ω, TX , P|TX ) dans L2(Ω, T , P ) qui consiste juste a associer a laclasse de Y (Y etant consideree comme variable aleatoire sur l’espace probabilise(Ω, TX , P|TX )) la classe de Y (cette fois consideree comme variable aleatoire surl’espace probabilise (Ω, T , P )). Le R-espace de Hilbert L2

R(Ω, TX , P|TX ) est ainsi unexemple de sous-espace vectoriel ferme du R-espace de Hilbert L2

R(Ω, T , P ).

La meme remarque vaut pour le cas complexe. SiX est un representant d’un elementX de L2

C(Ω, T , P ), le C-espace de Hilbert L2C(Ω, TX , P|TX ) est ainsi un exemple par-

ticulier de sous-espace vectoriel ferme du C-espace de Hilbert L2C(Ω, T , P ).

On profitera de cette configuration ulterieurement pour y faire entrer le mecanismede projection orthogonale ; ce sera la base de la definition du conditionnement parla variable aleatoire X 22.

1.5 Le theoreme de projection orthogonale sur un

convexe ferme

Soit H un espace de Hilbert (reel ou complexe).

Definition 1.4 Un sous ensemble C de H est dit convexe si et seulement si

∀h1 ∈ C , ∀h2 ∈ C , ∀ t ∈ [0, 1] , (1− t)h1 + th2 ∈ C .

L’ensemble C est dit strictement convexe si et seulement si

∀h1 ∈ C , ∀h2 ∈ C , ∀ t ∈]0, 1[ , (1− t)h1 + th2 ∈ interieur (C) .

Voici le premier theoreme majeur concernant la geometrie a la Pythagore dansun espace de Hilbert ; c’est ce resultat fondamental qui soutend toutes les figuresinspirees du concept d’orthogonalite et qui plus tard nous servira de guide et d’auxi-liaire constant dans les preuves ou les constructions algorithmiques que nous seronsamenes a faire dans un espace de Hilbert (reel ou complexe), telles celles proposeesdans les exemples 1.1 et 1.2 evoques dans la section 1.1.

22. Voir aussi l’UE M1MA6M11 (Probabilites).

Page 25: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.5 Le theoreme de projection orthogonale sur un convexe ferme 21

Theoreme 1.1 Soit C un sous ensemble ferme, convexe et non vide d’un espace deHilbert H reel ou complexe (la norme etant notee ‖ ‖). Soit h un element de H. Ilexiste un et un seul element a = ProjC(h) (dit projection orthogonale de h sur C),tel que

‖h− a‖ = minx∈C‖h− x‖ . (1.14)

Cet element a = ProjC(h) est caracterise par le jeu d’inegalites

∀x ∈ C, 〈h− a, x− a〉 ≤ 0 (1.15)

dans le cas reel et par le jeu d’inegalites

∀x ∈ C, Re 〈h− a, x− a〉 ≤ 0 (1.16)

dans le cas complexe.

Remarque 1.1. Les jeux d’inegalites (1.15) ou (1.16) s’interpretent geometriquement et de maniereintuitive en disant que pour tout x de C, les vecteurs x− a et h− a font un angle obtus . Onse souvient en effet d’avoir (dans la sous-section 1.3.2) defini le cosinus de l’angle de deux vecteursh1 et h2

cos (angle(h1, h2)) :=Re 〈h1, h2〉‖h1‖ ‖h2‖

.

Les conditions (1.15) et (1.16) se lisent donc

∀x ∈ C, cos(angle(h− a, x− a)) ≤ 0 .

Preuve. Soit d la distance de h a C ; d = infx∈C ‖x− h‖ > 0 puisque C est ferme.Soit (xn)n≥1 une suite de points de C telle que d2 ≤ ‖h− xn‖2 ≤ d2 +1/n (une tellesuite existe du fait de la definition de la borne inferieure). En utilisant la formulede la mediane (1.6), il vient

∀n,m ∈ N∗, ‖xn − xm‖2 = 2(‖h− xn‖2 + ‖h− xm‖2)− 4∥∥∥h− xn + xm

2

∥∥∥2≤ 4d2 +

1

n2+

2

m2− 4∥∥∥h− xn + xm

2

∥∥∥2≤ 2

n2+

2

m2

du fait que (xn + xm)/2 est dans C (C est convexe) et que par consequent

d = d(h,C) ≤ d(h,xn + xm

2

).

La suite (xn)n≥1 est donc une suite de Cauchy qui converge dans H (puisque H estcomplet), ce vers un point de C puisque C est ferme. L’element a = limn xn verifie(1.14). Un tel a s’avere unique puisque la formule de la mediane (1.6) implique aussi,si l’on dispose de deux candidats a1 et a2 pour (1.14)

‖a1 − a2‖2 + 4∥∥∥h− a1 + a2

2

∥∥∥2 = 4d2 ≥ 4d2 + ‖a1 − a2‖2

puisque ‖h− a1‖2 = ‖h− a2‖2 = d2 et que (a1 + a2)/2 ∈ C. Le premier volet de laproposition est acquis. Voyons maintenant ce qui concerne (1.15) (ou (1.16)). Pour

Page 26: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

22 Espaces de Hilbert

simplifier, nous nous placerons dans le cas complexe (c’est le plus general). Si arealise la distance de h a C, on a

∀t ∈ [0, 1], ∀x ∈ C, ‖h− a(1− t)− tx‖2 = ‖h− a− t(x− a)‖2 ≥ ‖h− a‖2

(1.17)

(puisque C est convexe et que ta + (1 − t)x est dans C quand x est dans C). Cecidonne en developpant

∀t ∈ [0, 1], t2‖x− a‖2 − 2tRe 〈h− a, x− a〉 ≥ 0 , (1.18)

et donc, apres division par t,

∀t ∈]0, 1], t‖x− a‖2 − 2Re 〈h− a, x− a〉 ≥ 0

ce qui prouve (en faisant tendre t vers 0) que (1.16) est remplie si a verifie (1.14). Lareciproque est immediate : si (1.16) est remplie, alors on a (1.18) et par consequent(1.17) pour tout x ∈ C. En prenant t = 1, on a ‖h−x‖2 ≥ ‖h−a‖2 pour tout x dansC, ce qui montre que a realise bien la distance de z a C. La preuve du theoreme estachevee. ♦Remarque 1.2. Quand C = F est un sous espace ferme de H, on peut ecrire les conditions (1.15)ou (1.16) (suivant le cas, reel ou complexe) sous la forme

〈h− a, x〉 = 0 ∀x ∈ F , (1.19)

ce que l’on traduit en disant que h− a est orthogonal a F (en abrege h− a ∈ F⊥).

La remarque 1.2 ci-dessus nous amene naturellement a la definition suivante :

Definition 1.5 Etant donne un sous espace F d’un espace de Hilbert H, on appelleorthogonal de F et on note F⊥ le sous espace vectoriel (necessairement ferme cettefois) defini comme

F⊥ := h ∈ H ; ∀x ∈ F, 〈x, h〉 = 0 .

Si F est un sous-espace ferme, la projection orthogonale ProjF (h) de h sur F estpar definition l’unique point a de F tel que h− a ∈ F⊥.

Il est aussi tres important d’etudier dans un Hilbert le comportement de la suite desprojections d’un point sur des convexes fermes C1, . . . , Cn, . . . deH. Voici un resultatlorsque les suites de convexes fermes (Cn)n sont des suites de fermes emboıtes.

Proposition 1.7 Soit C1, C2, . . . , Cn, . . . une suite de sous ensembles non vides,convexes et fermes dans un espace de Hilbert H. On note P1, . . . , Pn, . . ., les projec-tions orthogonales sur les convexes respectifs C1, C2, . . . , Cn, . . ..

1. Si Ck+1 ⊂ Ck pour tout k ∈ N∗ et si

∞⋂k=1

Ck = C∞ 6= ∅ ,

alors C∞ est aussi un sous ensemble convexe ferme de H et, pour tout h ∈ H,la suite (ak)k, ou

ak := Pk(h), k ∈ N∗,

converge vers P∞(z) = ProjC∞(h).

Page 27: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.5 Le theoreme de projection orthogonale sur un convexe ferme 23

2. Si Ck ⊂ Ck+1 pour tout k ∈ N∗ et

C[∞] :=∞⋃k=1

Ck ,

alors C[∞] est aussi un sous ensemble convexe ferme de H et, pour tout h ∈ H,la suite (ak)k≥1, ou

ak = Pk(h), k ∈ N∗,

converge vers P[∞](z) = ProjC[∞](h).

Preuve.

Preuve du point 1. Que C∞ soit aussi un sous ensemble convexe ferme est immediat(faire l’exercice, une intersection de convexes est convexe). On a, pour tout k ∈ N∗,

‖h− ak‖2 ≤ ‖h− ak+1‖2 ≤ ‖h− P∞(h)‖2

puisque C∞ ⊂ Ck+1 ⊂ Ck. La suite (‖h − ak‖2)k≥1 est donc une suite croissantemajoree convergent vers un nombre d > 0. La formule de la mediane (1.6) nousassure, comme dans la preuve du theoreme 1.1, que la suite ak est de Cauchy dansH pour la distance associee a la norme hilbertienne ; elle converge donc vers un pointa∞ de H (necessairement dans C∞). Mais on peut verifier que pour tout u ∈ C∞,

Re 〈h− a∞, u− a∞〉 = limk 7→∞

Re 〈h− ak, u− ak〉 ≤ 0

car u ∈ Ck pour tout k ; mais, d’apres le theoreme 1.1, la clause ci-dessus est rempliesi et seulement si a∞ = P∞(h).

Preuve du point 2. Que C[∞] est un sous ensemble convexe ferme est immediat (fairel’exercice, une union croissante de convexes est convexe). Pour tout k ∈ N∗, on acette fois

‖h− ak‖2 ≥ ‖h− ak+1‖2

puisque Ck ⊂ Ck+1. La suite (‖h − ak‖2)k≥1 (suite decroissante minoree par 0)converge vers un nombre d ≥ 0. La formule de la mediane (1.6) nous assure encore,comme dans la preuve du theoreme 1.1, que la suite (ak)k≥1 est de Cauchy ; elleconverge donc vers u element a[∞] (appartenant necessairement a C[∞]). Mais onpeut verifier a nouveau que, si k ∈ N∗, pour tout u ∈ Ck,

Re 〈h− a∞, u− a∞〉 = limk 7→∞

Re 〈h− ak, u− ak〉 ≤ 0 ;

Cette propriete est satisfaite pour tout u dans⋃k∈N∗

Ck,

donc pour tout u dans ⋃k∈N∗

Ck = C[∞] .

Comme C[∞] est convexe et ferme, a[∞] = P[∞](h) par definition de P[∞](h) (theoreme1.1). ♦

Page 28: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

24 Espaces de Hilbert

1.6 Systemes orthonormes, frames ; exemples

Soit (H, 〈 , 〉) un espace de Hilbert (reel ou complexe). Il sera important (pourpermettre la representation des elements de H de maniere non redondante) de dis-poser de systemes dits orthonormes .

Definition 1.6 Soit (H, 〈 , 〉) un espace de Hilbert (reel ou complexe). Un systemede vecteurs (eι)ι∈I indexe par un ensemble d’indices I est dit orthonorme si et seule-ment si, pour tout ι, ι′ dans I,

〈eι , e′ι〉 =1 si ι = ι′

0 si ι 6= ι′

Le systeme est dit orthogonal si les vecteurs eι sont tous non nuls et si 〈eι , eι′〉 = 0pour tout couple d’elements distincts ι et ι′ de l’ensemble d’indices I.

On remarque immediatement qu’un systeme orthogonal est toujours libre (au sensalgebrique), ce qui signifie que pour toute partie finie J ⊂ I, la famille (eι)ι∈J estlibre.

Exemple 1.3.Un exemple qui sera pour nous fondamental sera celui emprunte au cadre des espacesde Hibert l2R(I) ou l2C(I) (par exemple pour I = N ou I = Z qui seront pour nous les deux casimportants ulterieurement). Dans ce cas, le systeme de vecteurs (eι)ι∈I definis par eι = (eι,ι′)ι′∈I ,ou

eι,ι′ =1 si ι′ = ι0 sinon

est un systeme orthonorme, le produit scalaire etant, rappelons le, defini par

〈(xι)ι∈I , (yι)ι∈I〉 :=∑ι∈I

xιyι

(ici dans le cas complexe ; dans le cas reel, on ote la conjugaison complexe).

La notion de systeme orthonorme etant une notion ideale, souvent difficile a realiserdans la pratique (et on le verra, particulierement instable, l’orthogonalite etant unepropriete tres fragile), on introduira aussi une notion plus molle , mais souventbien utile dans la pratique, celle de frame 23. C’est cette derniere notion qui nouspermettra une representation certes redondante (au contraire de la representationdans un systeme orthonorme), mais stable (ce qui est important) des elements del’espace de Hilbert dans lequel on est amene a travailler.

Definition 1.7 Soit (H, 〈 , 〉) un espace de Hilbert (reel ou complexe). Un systemede vecteurs (eι)ι∈I indexe par un ensemble d’indices I est un frame si et seule-ment si il existe deux constantes strictement positives C1 et C2 telles que, pour toutepartie finie J de I, pour toute collection de scalaires (λι)ι∈J ,

C1

(∑ι∈J

|λι|2)≤∥∥∥∑

ι∈J

λιeι

∥∥∥2 ≤ C2

(∑ι∈J

|λι|2).

23. Difficile ici de donner une traduction francaise de cette terminologie anglo-saxonne ; le conceptle plus proche est sans doute celui de trame ou de bati (dans une structure).

Page 29: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.6 Systemes orthonormes, frames ; exemples 25

Un systeme orthonorme est bien sur un frame .

L’exemple de KN (K = R ou C). Le K-espace KN , vu ici comme le K-espace vectoriel desfonctions s de 1, ..., N dans K, equipe du produit scalaire usuel

〈s1, s2〉 =N∑j=1

s1(j) s2(j)

(c’est donc l’exemple 1.3, avec I = 1, ..., N) admet un systeme orthonorme canonique ,correspondant a la base canonique de KN , a savoir le systeme (ek)1≤k≤N constitue des fonctions pic :

ek : l ∈ 1, ..., N 7−→ ek(l) =1 si k = l0 sinon.

Mais on peut preferer d’autres systemes orthonormes, plus en relation avec la classe de signauxdigitaux que l’on pretend decomposer pour les traiter. Tel est le cas de la base orthonormeeconstituee des signaux oscillants :

l ∈ 1, ..., N 7−→ 1√NW

−(k−1)(l−1)/NN , k = 1, ..., N,

ouWN := exp(−2iπ/N). Cette base orthonormee jouera un role capital en analyse de Fourier (voir

la sous-section 2.2.1 au second chapitre).

Exemple 1.4. Soit H = L2C(T) le C-espace de Hilbert des classes de fonctions mesurables de R

dans C, 2π-periodiques, d’energie finie sur [0, 2π], equipe du produit scalaire (dit produit scalaireassocie a l’energie)

〈f , g〉 := 1

∫ 2π

0

f(θ)g(θ) dθ .

Les harmoniques fondamentales de periode 2π , c’est-a-dire les classes (en)n∈Z des fonctions

en : θ ∈ R 7−→ exp(inθ) = cos(nθ) + i sin(nθ)

forment un systeme orthonorme dansH. Ce systeme jouera plus tard un role essentiel dans l’analyse

de Fourier des signaux periodiques de periode 2π 24.

Exemple 1.5. Soit H = L2C([−1, 1], dt) l’espace de Hilbert des classes de fonctions mesurables de

[−1, 1] dans C, equipe du produit scalaire

〈f , g〉 :=∫ 1

−1

f(t) g(t) dt .

On verifie immediatement que, pour tout entier positif n, la fonction

t 7−→ 1

2nn!

√n+

1

2× dn

dtn[(1− t2)n] (1.20)

est une fonction polynomiale Ln de degre exactement n et que le systeme (Ln)n∈N est un systemeorthonorme de l’espace de Hilbert H 25. Le polynome Ln est appele n-eme polynome de Legendre 26

24. Notons que 2π ne joue aucun role particulier ici et que bien sur, on peut remplacer 2π parT > 0, le produit scalaire (sur le C-espace des classes de fonctions mesurables T -periodiques decarre integrable sur [0, T ]) devenant

〈f , g〉 := 1

T

∫ T

0

f(θ)g(θ) dθ

et les fonctions en les fonctions eT,n :

eT,n : θ ∈ R 7−→ exp(2iπnθ/T ) = cos(2πnθ/T ) + i sin(2πnθ/T )

(ce sont les harmoniques fondamentales de periode T ).25. Verifier ce dernier point constitue un exercice classique de L2 souvent utilise pour illustrer

l’utilisation de la formule d’integration par parties.26. Adrien-Marie Legendre (1752-1833) introduit ces polynomes en 1782 dans son traite Figure

des planetes.

Page 30: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

26 Espaces de Hilbert

et il est interessant de constater que plus n augmente, plus le graphe de Ln sur [−1, 1) presentedes oscillations de plus en plus accentuees (au niveau de l’amplitude) lorsque l’on s’approche desbornes de l’intervalles [−1, 1]. Voici par exemple, sur la figure 1.4 ci-dessous, le graphe de L30 :

−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1−2

−1

0

1

2

3

4

5

6

Figure 1.4 – Le graphe de la fonction polynomiale de Legendre L30 sur [−1, 1]

Ce constat sera important lorsque l’on sera amene a utiliser le systeme (Ln)n∈N a des fins pratiques

(en relation en particulier avec les methodes numeriques d’integration par quadrature proposees

par Gauss). On retrouve (avec le souci cause par l’amplification des amplitudes des oscillations

lorsque l’on s’approche du bord) un probleme aussi present dans l’interpolation de Lagrange faite

sur un intervalle [a, b] avec un pas de discretisation regulier 27. Voir aussi l’exercice 8 du guide 1

dans le contrat sous Ulysse accompagnant le deroulement de cette UE.

Exemple 1.6. Considerons l’espace L2C([−1, 1] , ω(t) dt), ou

ω(t) :=1√

1− t2, ∀t ∈]− 1, 1[ .

Il s’agit, rappelons le, de l’espace de Hilbert des classes de fonctions f mesurables (pour la mesurede Lebesgue) sur [−1, 1], telles que ∫ 1

−1

|f(t)|2√1− t2

dt < +∞ ,

equipe du produit scalaire

〈f , g〉 :=∫ 1

−1

f(t)g(t)dt√1− t2

.

C’est un exercice immediat que de constater que les classes des fonctions polynomiales (Θn)n∈Ndefinies par

Θ0(t) =1√π

Θn(t) =

√2

πcos(n arcos (t)) , n ≥ 1 , (1.21)

forment un systeme orthonorme de H (faire l’exercice en faisant le changement de variables t =cosu dans les integrales). Cette fois, l’amplitude des oscillations des fonctions Θn n’augmente

27. Pour ces questions relevant plus de l’analyse numerique, voir le polycopie du cours de l’UEN1MA3003, http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/CSSL.pdf, chapitre 3.

Page 31: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.6 Systemes orthonormes, frames ; exemples 27

plus (lorsque n croıt) lorsque l’on s’approche des bords de [−1, 1], mais par contre la frequencede ces oscillations augmente tres fortement au fur et a mesure que l’on s’approche du bord, cequi, on s’en doute, posera des problemes aigus au niveau numerique si l’on entend utiliser cesfonctions polynomiales (dites fonctions polynomiales de Tchebychev 28) pour coder une classe defonction mesurable sur [−1, 1]. Cependant, le fait que les oscillations se resserrent lorsque l’on serapproche du bord, mais sans que les amplitudes cette fois ne s’amplifient, feront, en accord avecle Theoreme d’approximation de Tchebychev en analyse numerique 29 de ce systeme orthonormeun systeme interessant du point de vue de l’approximation de Lagrange, et, par exemple, destechniques d’integration approchee par quadrature qui en resultent (section 5.2.2 dans le memecours d’Algorithmique numerique). Voici par exemple (sur la figure 1.5 ci-dessous) le graphe deΘ100 sur [−1, 1] :

−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1−1.5

−1

−0.5

0

0.5

1

1.5

Figure 1.5 – Le graphe de la fonction polynomiale de Tchebychev Θ100 sur [−1, 1]

L’exercice 3 propose dans le guide 3 du contrat sous Ulysse accompagnant ce cours complete aussi

cette breve sensibilisation au role important tenu par le systeme orthonorme des polynomes de

Tchebychev.

Exemple 1.7. Un autre exemple important (du point de vue de la physique) sera l’espace de

Hilbert L2C(R , e−t2 dt) des classes de fonctions mesurables sur R, a valeurs complexes, telles que∫

R|f(t)|2 e−t2 dt <∞ ,

equipe du produit scalaire

〈f , g〉 :=∫Rf(t) g(t) e−t2 dt .

Un systeme orthonorme de cet espace est le systeme des classes de fonctions polynomiales (Hn)n≥0

(Hn est une fonction polynomiale de degre exactement n, dite fonction polynomiale de Hermite)donne par

H0(t) :=1

π1/4

Hn(t) :=(−1)n

2n/2π1/4√n!× et

2

× dn

dtn[e−t2 ] , n ≥ 1 . (1.22)

28. On adopte cette terminologie en l’honneur du probabiliste et statisticien russe Pafnouti Tche-bychev (1821-1894).29. Voir par exemple la section 4.2.3 dans le cours d’algorithmique numerique :

http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/mht632.pdf

Page 32: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

28 Espaces de Hilbert

L’importance de cet espace de Hilbert (et du systeme orthonorme de Hermite) tient au fait que

la gaussienne t 7−→ exp(−t2) sera amenee a jouer (on le verra) un role tres important vis-a-vis

du principe d’incertitude en physique ou dans les theoremes limites du calcul des probabilites (le

theoreme limite central en particulier 30). Voir aussi les exercices 9 et 9bis du guide 1 dans le

contrat sous Ulysse accompagnant le deroulement de cette UE.

On retrouvera plus loin une maniere pratique de retrouver tous ces exemples apartir du systeme des fonctions monomiales t 7−→ tn, n = 0, 1, ..., qui lui n’estpas orthonorme (dans l’espace de Hilbert de classes de fonctions d’une variable oul’on travaille). La construction se fera de proche en proche suivant le procede d’or-thonormalisation algebrique bien connu de Gram-Schmidt. Voici un autre exempleimportant :

Exemple 1.8. Dans l’espace L2R([a, b] , dt), les classes de fonctions

t ∈ [a, b] 7−→√

2

b− asin[π(n+

1

2

) t− ab− a

], n ∈ N ,

forment un systeme orthonorme ; ce sont les harmoniques locales subordonnees a l’intervalle [a, b].

Ce systeme orthonorme (pensez que l’intervalle [a, b] peut se dilater ou se contracter tel un ac-

cordeon) jouera un role primordial pour le codage de la parole ou de la musique.

Voici enfin, pour conclure cette galerie d’exemples, un exemple de frame.

Exemple 1.9 (un exemple de frame ). Voici un exemple de frame important : consideronsl’espace de Hilbert (reel) H des fonctions continues, affines par morceaux sur R, a valeurs reelles,avec noeuds aux points d’un maillage τZ (τ > 0), telles que∫

R|f(t)|2 dt < +∞ ,

ce qui revient en fait a dire ∑n∈Z

|f(nτ)|2 <∞ ,

equipe du produit scalaire ∫Rf(t) g(t) dt .

Pour simplifier, on prendra τ = 1. Les fonctions triangle (ou splines dans la terminologie desmathematiques appliquees)

∆n : t 7−→ max(0, 1− |t− n|) , n ∈ Z ,

ne forment pas un systeme orthonorme deH, ni meme orthogonal (le produit scalaire de ∆n et ∆n+1

vaut 1/6) ; par contre, le systeme (∆n)n∈Z est, on le verra plus loin, un frame. Ces fonctions (quel’on a represente sur la figure 1.6 ci-dessous) forment un frame important car c’est souvent commeelements de cet espace de Hilbert que sont representes visuellement (sur un ecran d’ordinateur) lessignaux digitaux (xk)k∈Z elements de l’espace de Hilbert l2R(Z).

0 1 2 3 4 22 −1q q

Figure 1.6 – Les elements du frame (∆n)n∈Z avec τ = 1 et τ = 2

30. Voir l’UE M1MA6M11, ou l’UE N1MA6031 :http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/Proba6031.pdf

Page 33: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.6 Systemes orthonormes, frames ; exemples 29

Voir a propos de cet exemple 1.9 l’exercice 5 du guide 2 dans le contrat sous Ulysse accompagnant

le deroulement de cette UE.

Supposons maintenant que l’espace de Hilbert ne soit pas de dimension finie etadmette au moins un systeme orthonorme denombrable. La proposition 1.7 induitla proposition facile (mais tres importante) suivante :

Proposition 1.8 Soit H un K-espace de Hilbert (reel ou complexe : K = R ouC), la norme etant notee ‖ ‖ et le produit scalaire 〈 , 〉, et (en)n∈N∗ un systemeorthonorme denombrable de H. Soit V le sous-espace ferme de H defini commel’adherence (dans H) de l’ensemble constitue de toutes les combinaisons lineairesfinies

N∑k=1

λkek , λk ∈ K , N ∈ N∗ .

Alors

1. pour tout h ∈ H, on a l’inegalite suivante, dite de Bessel 31 :

∞∑k=1

|〈h , ek〉|2 ≤ ‖h‖2 ; (1.23)

2. pour tout h ∈ H, la serie de terme general 〈h , en〉 en ∈ H est convergente(dans H) et l’on a

ProjV (h) =∞∑k=1

〈h , ek〉 ek ; (1.24)

3. si (λn)n∈N∗ est un element de l2K(N∗), il existe un unique hλ dans V tel que

〈hλ , ek〉 = λk , ∀ k ∈ N∗ ;

cet element hλ est la projection orthogonale sur V de tout autre vecteur h deH tel que

〈h , ek〉 = λk , ∀ k ∈ N∗ .

Preuve. Pour prouver les points 1 et 2, on introduit la projection orthogonaleProjV (h) et on ecrit, du fait du theoreme de Pythagore

‖h‖2 = ‖h− ProjV (h) + ProjV (h)‖2 = ‖h− ProjV (h)‖2 + ‖ProjV (h)‖2

≥ ‖ProjV (h)‖2 . (1.25)

Si Vn designe le sous-espace vectoriel (de dimension finie) engendre par e1, ..., en, levecteur

n∑k=1

〈h , ek〉 ek

represente la projection orthogonale de h sur Vn. D’apres le volet 2 de la proposi-tion 1.7, la suite des projections orthogonales ProjVn

(h) converge vers la projectionorthogonale sur le sous-espace ferme

V =∞⋃k=1

Vk .

31. On l’attribue au mathematicien allemand Friedrich Wilhelm Bessel, 1784-1846.

Page 34: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

30 Espaces de Hilbert

On a donc bien

ProjV (h) =∞∑k=1

〈h , ek〉 ek

et la formule (1.24) du point 2 est ainsi demontree. En utilisant le theoreme dePythagore, on a

‖ProjVn(h)‖2 =

∥∥∥ n∑k=1

〈h , ek〉 ek∥∥∥2 = n∑

k=1

|〈h , ek〉|2

puisque le systeme (en)n∈N∗ est orthonorme. On a donc, par continuite de la norme

limn→∞

( n∑k=1

|〈h , ek〉|2)= ‖ProjV (h)‖2 ,

et en utilisant (1.25),

limn→∞

( n∑k=1

|〈h , ek〉|2)≤ ‖h‖2 ,

ce qui prouve l’inegalite de Bessel (1.23).

Reste a prouver le point 3. Si (λn)n∈N est un element de l2K(N∗), la suite

Sλ :=( n∑

l=1

λl el

)n∈N∗

est de Cauchy dans H car, pour tout p > n ≥ 1,∥∥∥ p∑l=1

λl el −n∑

l=1

λl el

∥∥∥2 = ∥∥∥ p∑l=n+1

λkel

∥∥∥2 = p∑l=n+1

|λl|2

en utilisant le theoreme de Pythagore et le fait que le systeme (en)n∈N∗ est ortho-norme. Cette suite Sλ converge donc (puisque H est complet) vers un element hλ deH ; en fait hλ ∈ V car le terme general Sλ,n de la suite Sλ est dans Vn. On a bien,par continuite du produit scalaire

〈hλ , ek〉 := limn→∞

⟨ n∑l=1

λl el , ek

⟩= λk .

Si h est un autre element de V tel que

〈hλ , ek〉 = λk , ∀ k ∈ N∗ ,

alors h− hλ est orthogonal a V , ce qui prouve que hλ est bien la projection ortho-gonale de h sur V . Le point 3 est ainsi completement demontre. ♦Si (vn)n∈N∗ est un systeme libre dans un espace de Hilbert, il existe un processusalgorithmique bien connu des algebristes pour construire a partir de v1, v2, ... (prisdans cet ordre) un systeme orthonorme (en)n∈N∗ , ce en faisant en sorte qu’a chaquecran n de l’algorithme, les sous-espaces vectoriels de dimension finie Vec (v1, ..., vn)et Vec (e1, ..., en) coıncident.

Page 35: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.7 Espaces de Hilbert separables ; notion de base hilbertienne 31

Voici ce procede (dit d’orthonormalisation de Gram-Schmidt 32), decrit a l’etapen, en supposant que e1, ..., en−1 ont ete construits (apres avoir demarre avec e1 =v1/‖v1‖) : on calcule la projection orthogonale de vn sur le sous-espace vectoriel Vn−1

engendre par v1, ..., vn−1 (qui est aussi le sous-espace engendre par (e1, ..., en−1), celapouvant se faire de deux facons :

– soit on utilise la formule

ProjVn−1(vn) =

n−1∑k=1

〈vn , ek〉 ek ;

– soit on calcule la matrice de Gram

Gn−1 :=[〈vi , vj〉

]1≤i,j≤n−1

(qui est symetrique ou hermitienne), puis on cherche les scalaires λ1, ..., λn−1

tels que

Gn−1 ·

λ1...

λn−1

=

〈vn , v1〉...

〈vn , vn−1〉

;

on a alors

ProjVn−1(vn) =

n−1∑k=1

λk vk .

On pose ensuite, le calcul precedent ayant ete fait d’une maniere ou d’une autre,

en :=vn − ProjVn−1

(vn)

‖vn − ProjVn−1(vn)‖

.

C’est ce procede qui a ete utilise dans les exemples 1.5 et 1.7 pour construire lesfonctions polynomiales de Legendre ou de Hermite a partir du systeme libre constituedes fonctions monomes 1, t, t2, ....

1.7 Espaces de Hilbert separables ; notion de base

hilbertienne

Definition 1.8 Un espace de Hilbert H (reel ou complexe) est dit separable si etseulement si s’il existe dans H un systeme de vecteurs (vn)n∈N∗ tel que l’on ait

∞⋃n=1

Vec (v1, ..., vn) = H

(on dit aussi que le systeme (vn)n∈N∗ est un systeme total).

Si H est un espace de Hilbert separable, deux configurations sont envisageables :

32. Si on l’attribue au mathematicien allemand Erhard Schmidt (1876-1959), specialiste d’analysefonctionnelle, et au mathematicien danois Jørgen Pedersen Gram (1853-1916), qui s’est penche surla methode des moindres carres, ce procede algorithmique est certainement bien plus ancien etconnu de Cauchy et Laplace des le debut du XIX-eme siecle (Cauchy le manipula expressementvers 1830).

Page 36: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

32 Espaces de Hilbert

– soit H est de dimension finie ;– soit il existe dans H un systeme libre et total de vecteurs (vn)n∈N∗ .

Dans l’un ou l’autre des cas, on peut construire (en utilisant le procede d’orthonor-malisation de Gram-Schmidt) soit une base orthonormee (e1, ..., en) dans le premiercas, soit un systeme orthonorme total (en)n∈N∗ dans le second cas. Cela nous conduitnaturellement a la definition suivante :

Definition 1.9 Soit H un espace de Hilbert separable. On appelle base hilbertiennede H tout systeme orthonorme fini (si H est de dimension finie) ou total (sinon).Tout espace de Hilbert separable admet toujours au moins une base hilbertienne(denombrable 33).

Le cas des espaces hilbertiens de dimension finie (Rn ou Cn) relevant totalementde l’algebre, nous nous interesserons surtout ici au cadre des espaces de Hilbertseparables mais non de dimension finie. On a alors la proposition tres importantesuivante, consequence immediate de la proposition 1.8 34 :

Proposition 1.9 Soit H un K espace de Hilbert separable et de dimension infinie(K = R ou C), (en)n∈N∗ une base hilbertienne de H (il en existe toujours). Toutelement h de H se represente comme la somme de la serie convergente

h =∞∑k=1

〈h , ek〉 ek

avec∞∑k=1

|〈h , ek〉|2 = ‖h‖2 .

De plus, l’application

inj : h ∈ H 7−→(〈h , ek〉

)k∈N∗

est un K-isomorphisme isometrique (conservant la norme) entre H et l’espace deHilbert l2K(N∗). Les scalaires 〈h , ek〉, k ∈ N∗, sont dits coordonnees de l’element hexprime dans la base hilbertienne (en)n∈N∗.

33. Il convient de faire attention ici a l’usage du mot base . Il faut signaler en effet a ce proposqu’il est impossible qu’un K-espace de Hilbert (voire meme simplement un K-espace vectoriel normecomplet) qui ne soit pas de dimension finie soit de dimension (au sens algebrique) denombrable : siH n’est pas de dimension finie, il ne saurait en effet exister dansH de systeme denombrable (ek)k∈Nqui soit en meme temps libre et generateur (au sens algebrique, ce qui signifie que tout element deHpuisse s’ecrire comme combinaison lineaire finie d’elements pris dans le systeme libre (ek)k∈N) ; cecin’interdit pas, au contraire, qu’il existe (c’est precisement ce que dit la derniere assertion de cettedefinition 1.9, lorsque H est suppose separable) une base hilbertienne denombrable. L’impossibiliteevoquee ci-dessus resulte du fait que les espaces normes complets partagent la propriete de Baire(vous le verrez en Master 1). Par exemple, le K-espace vectoriel K[X] ne saurait etre complet pourle choix d’une norme, comme vous l’avez d’ailleurs vu en TD. Dans le cas particulier des Hilbert,il est facile de constater qu’existe ce trou entre la dimension finie et la dimension (au sensalgebrique) infinie non denombrable (cf. l’exercice 5 dans le guide d’activites 3 du contrat sousUlysse accompagnant ce cours).34. Le resultat etabli dans cette proposition est indubitablement, avec le theoreme 1.1, un des

outils majeurs de l’analyse hilbertienne appliquee.

Page 37: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.8 Le cas des espaces de Hilbert non separables 33

Preuve. On applique la proposition 1.8, mais en remarquant cette fois que V (quiest par definition le plus petit sous-espace ferme contenant tous les vecteurs en) esttel que V = H. La premiere affirmation resulte donc du point 2 de la proposition1.8. La seconde affirmation tient au fait (voir la preuve de la proposition 1.8) que

‖ProjV (h)‖2 =∞∑k=1

|〈h , ek〉|2 = ‖h‖2 .

La surjectivite de inj est une consequence du point 3 de la proposition 1.8. Le faitque inj preserve la norme implique bien sur l’injectivite. ♦Ainsi, a isometrie pres, il n’y a qu’un seul K-espace de Hilbert separable (si K = R ouC, a savoir l2K(N∗). Meme si cela est vrai, chaque incarnation de cet espace l2K(N∗)aura son interet propre et sera etudiee separement : le lien en effet entre L2

K(U, dx),(ou U designe un sous-ensemble mesurable de Rn), L2(Ω, T , P ) (ou (Ω, T , P ) designeun espace probabilise 35), qui pourtant sont, on le verra, tous les deux des espaces deHilbert separables, et l2K(N∗), l2K(Z) (qui en sont d’autres bien sur) n’est nullement intuitif ! Les premiers relevent plutot du cadre de l’information continue (a moinsque P ne corresponde a une distribution de probabilites discrete), les deux autresrelevent du cadre des mathematiques discretes !

1.8 Le cas des espaces de Hilbert non separables

Dans ce cours, la majeure partie des situations que nous traiterons concernerale cas des espaces de Hilbert separables. Mais il existe, notons le des a present,d’importants exemples (meme au niveau applicatif ) d’espaces de Hilbert nonseparables ; on en propose un dans l’exercice 5 du guide 3 dans le contrat sousUlysse accompagnant le deroulement de cette UE.

Dans un espace de Hilbert quelconque (non reduit a 0, reel ou complexe) il existebien sur toujours des systemes orthonormes. L’ensemble E des systemes orthonormes(dans un espace de Hilbert donne) peut etre equipe naturellement d’un ordre : on diraque le systeme orthonorme (eµ)µ∈M precede le systeme (fν)ν∈N si pour chaqueµ dans le premier ensemble d’indices M , il existe ν = ν(µ) (forcement unique cartout systeme orthonorme est automatiquement libre) tel que eµ = fν(µ). On noteraceci

(eµ)µ∈M ≤ (fν)ν∈N .

Considerons maintenant une famille totalement ordonnee de systemes orthonormes

(eα,µα)µα∈Mα , α ∈ A ,

de l’espace de Hilbert H ; ceci signifie que si l’on prend deux systemes dans cettefamille, par exemple

(eα1,µα1)µα1∈Mα1

, (eα2,µα2)µα2∈Mα2

,

alors soit le premier precede le second pour l’ordre, soit l’inverse. On constate que,si l’on dispose d’une telle famille, on construit encore un systeme orthonorme en

35. Pourvu que la tribu T soit separable, c’est-a-dire puisse etre engendree par une familledenombrable d’elements pris dans T .

Page 38: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

34 Espaces de Hilbert

concatenant toutes ces familles : en effet si e et e′ sont deux elements du systemeconcatene, ils sont tous les deux dans le meme systeme

(eαj ,µαj)µαj∈Mαj

(soit pour j = 1, soit pour j = 2, cela depend de l’ordre entre les systemes corres-pondant aux indices α1 et α2) et on peut donc calculer leur produit scalaire (quivaut 0 si ces vecteurs sont distincts, 1 s’ils sont egaux) entre ces deux vecteurs ense positionnant dans le systeme adequat. Ce systeme orthorme majorant realiseen fait la borne superieure de la famille totalement ordonnee dont on est parti.

Ainsi, toute famille totalement ordonnee de systemes orthonormes de H admet tou-jours une borne superieure (on dit aussi que l’ordre est inductif). L’axiome de Zorn(equivalent de fait a l’axiome du choix) nous assure alors que E admet au moins unelement maximal (pour l’ordre que nous venons de definir). Nous remarquons alors :

Proposition 1.10 Si (eι)ι∈I est un systeme orthonorme maximal pour l’ordre entresystemes orthonormes de H decrit ci-dessus, alors le plus petit sous-espace vectorielferme contenant tous les eι, ι ∈ H, est H lui-meme ; on dit que le systeme (eι)ι∈I estorthonorme et total, ou encore que c’est une base hilbertienne de l’espace de HilbertH.

Preuve. On utilise un raisonnement par l’absurde. Soit V le plus petit sous-espacevectoriel ferme de H contenant tous les eι, ι ∈ I, et h un element de H n’appartenantpas a V . Le vecteur

h− ProjV (h)

‖h− ProjV (h)‖

formerait, avec les eι, ι ∈ I, un systeme orthonorme strictement plus grand (pourl’ordre mentionne sur les systemes) que le systeme pourtant maximal (eι)ι∈I . Ceciest absurde, ce qui montre que l’existence d’un tel h est impossible, donc que l’on abien V = H. ♦

Voici maintenant la raison pour laquelle les exemples des K-espaces de Hilbert l2K(I),K = R ou C) sont si importants :

Proposition 1.11 Soit H un K-espace de Hilbert et (eι)ι∈I une base hilbertiennede H (il en existe d’apres l’axiome de Zorn). L’application K-lineaire

h ∈ H 7−→(〈h , eι〉

)ι∈I∈ l2K(I)

realise un K-isomorphisme isometrique entre H et l2K(I).

Remarque 1.3. La proposition ci-dessus nous assure donc qu’a un K-isomorphisme isometrique

pres, les seuls K-espaces de Hilbert sont les espaces du type l2K(I) pour un certain ensemble d’indices

I. Lorsque I est denombrable, on recupere ainsi tous les espaces de Hilbert separables.

Preuve. Elle est immediate ; si h est dans H, alors, pour tout ε > 0, il existe unepartie J(ε) de I telle que, si VJ(ε) designe le K-sous-espace vectoriel engendre par leseι, ι ∈ J(ε),

‖h− ProjVJ(ε)(h)‖2 = min

x∈VJ(ε)

‖h− x‖2 ≤ ε .

Page 39: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.9 Exemples de bases hilbertiennes dans le cas separable 35

On voit tout de suite que si J est une partie finie contenant J(ε)

‖h− ProjVJ(h)‖2 = min

x∈VJ

‖h− x‖2 ≤ minx∈VJ(ε)

‖h− x‖2 ≤ ε

puisque VJ contient VJ(ε). La famille (〈h , eι〉eι)ι∈I est donc sommable et de sommeh. Ceci induit (avec le theoreme de Pythagore) l’egalite

‖h‖2 = supJ⊂I ,#J<∞

∑ι∈J

‖ProjVJ(h)‖2

= supJ⊂I ,#J<∞

∑ι∈J

|〈h , eι〉|2 .

On utilise ici le fait que si K est une partie finie de I ne rencontrant pas J(ε), on a∑ι∈K

|〈h , eι〉|2 ≤ ‖h− ProjVJ(ε)h‖2 ≤ ε .

Il reste a montrer que si (λι)ι∈I est dans l2K(I), alors la famille(λιeι

)ι∈I

est sommable, de somme un element hλ de H tel que

λι = 〈h , eι〉 , ∀ ι ∈ I .

La preuve du premier point repose sur le fait que pour toute partie finie K de I, ona ∣∣∣∑

ι∈K

λι eι

∣∣∣2 =∑ι∈K

|λι|2

(cela resulte du theoreme de Pythagore) ; on reprend ensuite le raisonnement faitpour montrer la sommabilite de (zιwι)ι∈I lorsque l’on a deux elements z et w de l2K(I).Pour le second point, on utilise simplement la continuite de la projection orthogonalesur chaque droite vectorielle Keι, ι ∈ I. La proposition est ainsi demontree. ♦

1.9 Exemples de bases hilbertiennes dans le cas

separable

1.9.1 Densite des classes de fonctions polynomiales dansL2K(U, dx) pour U mesurable borne

On rappelle 36 que si (εk)k≥1 et si g designe la gaussienne

(x1, ..., xn) 7−→1

(2π)n/2exp(−‖x‖2/2) ,

la suite (gεk)k≥1, ou gε(x) := ε−ng(x/ε) constitue une approximation de la massede Dirac dans L1

R(Rn,L, dx) (au sens de la definition 4.3 du cours de theorie de

36. Voir l’exemple 4.2 du cours de theorie de l’integration (UE MA5012), polycopie en ligne :http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/mht512.pdf

Page 40: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

36 Espaces de Hilbert

l’integration). On en deduit, en utilisant la proposition 4.10 du cours de theorie del’integration que, si f est un element de L2

K(Rn, dx), la suite (f ∗ gεk)k≥1, qui estune suite d’elements de L2

K(Rn, dx) d’apres le theoreme de Young 37, converge versf dans l’espace de Hilbert L2

K(Rn, dx).

Si f a un representant identiquement nul dx-presque partout hors d’un compact Kde Rn, un representant de f ∗ gε est la fonction

x 7−→∫K

gε(x− y)f(y) dy =1

εn(2π)n/2

∫K

( ∞∑k=0

(−1)k

2kk!ε2k‖x− y‖2k

)f(y) dy

=1

εn(2π)n/2

∞∑k=0

(−1)k

2kk!ε2k

∫K

‖x− y‖2kf(y) dy

qui se presente donc comme la limite uniforme sur K de la suite de fonctions po-lynomiales (PN)N , ou

PN(x) :=1

εn(2π)n/2

N∑k=0

(−1)k

2kk!ε2k

∫K

‖x− y‖2kf(y) dy .

On deduit de toutes ses remarques la proposition suivante :

Proposition 1.12 Si U est un sous-ensemble mesurable borne de Rn, les classes defonctions polynomiales a coefficients dans le corps K (K = R ou C) engendrent unK-sous espace dense dans le K-espace de Hilbert L2

K(U, dx).

Exemple 1.5 revisite. Suite a cette proposition, nous pouvons donc affirmer que les classes

(Ln)n des polynomes de Legendre introduits dans l’exemple 1.5 forment une base Hilbertienne

du K-espace de Hilbert L2K([−1, 1], dt). Ce systeme se construit pas-a-pas en utilisant le procede

d’orthonormalisation de Gram-Schmidt a partir du systeme libre constitue des fonctions monomes

t 7−→ tn, n = 0, 1, ....

1.9.2 Densite des classes de polynomes trigonometriquesdans L2

K(Tn)Le but de cette sous-section est de montrer dans un premier temps que les classes

de monomes trigonometriques complexes

ek := (θ1, ..., θn) 7−→ exp(i(k1θ1 + · · ·+ knθn)) = exp(i〈k , θ〉) , k ∈ Zn ,

engendrent un C-sous-espace dense dans le C-espace de Hilbert L2C(Tn). On en

deduira immediatement que les classes des monomes trigonometriques reels

(θ1, ..., θn) 7−→n∏

j=1

(cos θj)kj ×

n∏j=1

(sin θj)lj , k, l ∈ Nn ,

engendrent un K-sous-espace vectoriel dense dans L2K(Tn) (K = R ou C). Le materiel

introduit dans cette sous-section sera repris au chapitre 2.

Nous introduisons pour cela le concept d’approximation de l’unite dans L2R(Tn).

37. Theoreme 4.2 du cours de MA5012.

Page 41: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.9 Exemples de bases hilbertiennes dans le cas separable 37

Definition 1.10 Une approximation de la masse de Dirac dans L1R(Tn) est une

suite (ψk)k∈N∗ d’elements de L1R(Tn) telle que :

– pour tout k ∈ N∗, ψk a un representant (Rn,L(Rn))- (R,L)-mesurable, 2π-periodique en chaque variable θ1, ..., θn, tel que ψk ≥ 0 sur [0, 2π[n (donc surRn) ;

– ∀ k ∈ N∗, ‖ψk‖T,1 := 1(2π)n

∫[0,2π[n

|ψk(θ)| dθ = 1(2π)n

∫[0,2π[n

ψk(θ) dθ = 1 ;

– pour tout δ ∈ [0, π[,

limk→+∞

( ∫δ<|θj |<π

j=1,...n

ψk(θ) dθ)= 0 , (1.26)

conditions traduisant bien le fait que toute la masse (egale a 1) de ψk se concentresur l’origine 0 de Tn lorsque k tend vers +∞.

Exemple 1.10. Soit, pour k ≥ 1,

Ψk(θ) := (2π)n

n∏j=1

(1 + cos θj2

)k∫]−π,π[n

n∏j=1

(1 + cosuj2

)kdu

. (1.27)

Chaque fonction Ψk, k ∈ N∗, est une fonction 2π-periodique positive ou nulle en les n variables(c’est meme un polynome trigonometrique) et on a par construction meme ‖Ψk‖T,1 = 1 ; de plus,si δ ∈]0, π[, la convergence uniforme vers 0 sur [−π,−δ] ∪ [δ, π] de la suite de fonctions

θ 7−→

(1 + cos θ

2

)k4

∫ π/2

0

(sinu)2k du

(1 + cos θ

2

)k4

∫ π/2

0

(2u/π)2k du

≤ (2k + 1)(cos(θ/2))2k

nous assure que la condition (1.26) est satisfaite et donc que la suite (Ψk)k≥1 realise une approxi-

mation de la masse de Dirac dans L1R(Tn,B(Tn), dθ), approximation qui, il faut le souligner, est

donnee par des classes de polynomes trigonometriques.

On introduit la convolution d’un gper∗ f d’un element g de Lp

K(Tn) et d’un element fde Lq

K(Tn) lorsque p et q sont deux elements de [1,+∞] tels que 1/p+1/q = 1+1/r,r ∈ [1,∞] comme etant l’element

gper∗ f

de Lr(Tn) dont un representant est la fonction mesurable 2π-periodique en les nvariables θ1, ..., θn

θ 7−→ 1

(2π)n

∫[0,2π[n

g(θ − u)f(u) du =1

(2π)n

∫[0,2π[n

g(u)f(θ − u) du . (1.28)

On a d’ailleurs, d’apres les inegalites de Young 38 transposables a ce cadre periodique,

‖gper∗ f‖r ≤ (2π)n‖g‖p × ‖f‖q (1.29)

38. Voir le theoreme 4.2 du cours de MA5012 et sa transposition au cadre periodique dans ladefinition 4.5 de ce meme cours.

Page 42: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

38 Espaces de Hilbert

si

‖g‖p :=( 1

(2π)n

∫[0,2π[n

|g(θ)|p dθ)1/p

et

‖f‖q :=( 1

(2π)n

∫[0,2π[n

|f(θ)|q dθ)1/q

.

On peut en particulier appliquer cette operation a partir d’un element g de L1K(Tn)

et d’un element f de L2K(Tn), ce qui nous donne un element

gper∗ f ∈ L2

K(Tn) .

Dans exactement la meme veine que la proposition 4.10 du cours de theorie del’integration, nous avons (la preuve est quasiment identique) la proposition suivante :

Proposition 1.13 Soit K = R ou C et f ∈ L2K(Tn). Si (ψk)k≥1 est une approxima-

tion de la masse de Dirac dans L1R(Tn), la suite

(ψk

per∗ f)k≥1

est une suite d’elements de L2K(Tn) convergeant vers f dans le K-espace de Hilbert

L2K(Tn).

Le corollaire suivant de cette proposition 1.13 sera particulierement important ence qui concerne ulterieurement l’analyse de Fourier des signaux ou des imagesperiodiques :

Corollaire 1.1 Les classes de monomes trigonometriques complexes

ek : θ 7−→ exp(i(k1θ1 + · · ·+ knθn)) = exp(i〈k , θ〉) , (k1, ..., kn) ∈ Zn ,

engendrent un C-sous-espace vectoriel dense dans le K-espace de Hilbert L2C(Tn).

Les classes des monomes trigonometriques reels

(θ1, ..., θn) 7−→n∏

j=1

(cos θj)kj ×

n∏j=1

(sin θj)lj , k, l ∈ Nn

engendrent un K-sous-espace dense dans L2K(Tn) (K = R ou C).

Preuve. Il suffit de se souvenir que (Ψk)k≥1 (ou Ψk est le polynome trigonometriquedefini par (1.27)) est une approximation de la masse de Dirac dans L1

R(Tn) (voirl’exemple 1.10), d’appliquer la proposition 1.13, et de remarquer dans un secondtemps que si f ∈ L2

K(Tn), la fonction

θ 7−→∫[0,2π[n

f(θ − u)Ψk(u) du =

∫[0,2π[n

f(u)Ψk(θ − u) du

est un polynome trigonometrique complexe car, pour tout k = (k1, ..., kn) ∈ Zn,pour tout θ ∈ Rn∫

[0,2π[nf(u)ei〈k , θ−u〉 du = ei〈k , θ〉 ×

∫[0,2π[n

f(u)e−i〈k , u〉 du ,

Page 43: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.10 Le theoreme de dualite 39

ou 〈 , 〉 designe le produit scalaire canonique dans Rn. Le passage des monomestrigonometriques complexes aux monomes trigonometriques reels se fait a l’aide desformules de Moivre et d’Euler. ♦Exemple 1.4 revisite. Il resulte du resultat etabli dans l’exemple 1.4 (transpose du cadre monodi-mensionnel au cadre multidimensionnel, ce qui se fait immediatement) que les classes des monomestrigonometriques complexes

ek : (θ1, ..., θn) 7−→ exp(i(k1θ1 + · · ·+ knθn)) , k ∈ Zn ,

forment un systeme orthonorme dans L2C(Tn). Du fait du corollaire 1.1, ces classes ek, k ∈ Zn,

forment une base hilbertienne du C-espace de Hilbert L2C(Tn). Cette base hilbertienne jouera un

role majeur dans l’analyse de Fourier des phenomenes periodiques ; on la retrouvera au chapitre 2.

Exemple 1.6 revisite. Si f est un element de L2C([−1, 1], (1 − t2)−1/2 dt) et que f soit un

representant de f , la formule de changement de variables dans les integrales 39 assure que∫[−1,1]

|f(t)|2 dt√1− t2

=

∫ π

0

|f(cos θ)|2 sin θ dθ√1− cos2 θ

=

∫ π

0

|f(cos θ)|2 dθ < +∞ .

Or, d’apres le corollaire 1.1, les monomes trigonometriques reels pairs

θ 7−→ cos(nθ) , n ∈ N ,

engendrent un K-sous-espace dense dans le K-sous-espace de L2K(T) constitue des classes de fonc-

tions 2π-periodiques paires a valeurs dans K (ici K = R ou K = C). On en deduit que les classesdes polynomes de Tchebychev Θn definis precisement (voir (1.21)) par

Θn(cos θ) ≡ cos(nθ) , n ∈ N ,

engendrent un K-sous-espace dense de L2K([−1, 1], (1− t2)−1/2dt) et par consequent, compte tenu

de leur orthogonalite deux a deux (voir l’exemple 1.6) forment une base hilbertienne de ce K-

espace de Hilbert (toujours si K = R ou K = C). Ce systeme peut se reconstruire via le procede

d’orthonormalisation de Gram-Schmidt a partir du systeme libre constitue des classes des monomes

tn, n = 0, 1, ...

1.9.3 A propos des polynomes de Hermite

Nous verrons au chapitre 2 que les classes de fonctions polynomiales (a coeffi-cients dans K = R ou C) engendrent un K-sous-espace dense dans le K-espace deHilbert L2

K(R, e−t2dt) introduit dans l’exemple 1.7. Il en resulte que les classes Hn,n ∈ N des fonctions polynomiales de Hermite definies par

Hn(t) :=(−1)n

2n/2π1/4√n!× et2 × dn

dtn[e−t2 ] , n ∈ N , (1.30)

forment une base hilbertienne de L2K(R, e−t2dt). Ce systeme peut ici encore, se re-

construire via le procede d’orthonormalisation de Gram-Schmidt a partir du systemelibre constitue des classes des monomes tn, n = 0, 1, ...

1.10 Le theoreme de dualite

Nous revenons maintenant a l’etude generale des proprietes des espaces de Hil-bert. Nous donnons dans cette section une application clef du theoreme de projec-tion, qui nous dit que le dual d’un espace de Hilbert (au sens topologique) s’identifie

39. Formule (3.11) dans l’enonce du theoreme 3.5 du cours de MA5012.

Page 44: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

40 Espaces de Hilbert

isometriquement a l’espace lui meme. Rappelons que le dual (au sens topologique)du K-espace de Hilbert H est par definition le K-espace des formes K-lineaires conti-nues de H dans K ( continues s’entendant naturellement au sens de la topologiedefinie par la norme euclidienne ‖ ‖).

1.10.1 Quelques preliminaires a propos des formes lineairescontinues sur un Hilbert

Le fait qu’une forme K-lineaire L : H −→ K soit continue equivaut au fait qu’ilexiste une constante C telle que

∀x ∈ H , ‖x‖ ≤ 1 =⇒ |L(x)| ≤ C .

Si tel est le cas, on definit la norme de L par

‖L‖∗ := supx ; ‖x‖≤1

|L(x)| = supx ; ‖x‖=1

|L(x)| .

Cette norme ‖ ‖∗ est dite norme de l’espace norme dual du K-espace de Hilbert(H, ‖ ‖) (la norme ‖ ‖ etant la norme derivant du produit scalaire sur H) 40.

Dans la pratique, on ne dispose bien souvent de la description de l’action d’une formelineaire L que sur un sous-espace vectoriel dense dans H (et non explicitement surH) ; un exemple important est celui d’un espace de Hilbert separable ou l’on disposed’une base hilbertienne (ek)k∈Z (ou d’un frame engendrant un sous-espace denseV ) et ou l’on ne connaıt l’action de L que par le biais des L(ek), k ∈ Z. On neconnaıt donc a priori que l’action de L sur les combinaisons lineaires finies desvecteurs (ek)k∈Z :

L( N∑

−N

λkek

):=

N∑−N

λkL(ek) , N ∈ N∗ .

Une question naturelle se pose : celle de prolonger sans ambiguite L a l’espacede Hilbert tout entier (en une forme lineaire continue bien sur) de maniere a pouvoirvraiment travailler avec un element du dual de H. Le petit lemme de prolongementsuivant, anodin a premiere vue, est en fait tres important du point de vue pratique :

Lemme 1.1 (Lemme de prolongement des formes lineaires) Soit V un K-sous-espace dense (mais attention, pas necessairement ferme, c’est le probleme !) deH et L une forme lineaire de V dans H. Une condition necessaire et suffisante pourque l’on puisse prolonger L en un element du dual topologique de H est qu’il existeune constante positive C telle que

∀v ∈ V , |L(v)| ≤ C‖v‖ .

Preuve. Si L se prolonge de V a H en une forme lineaire continue, on peut prendreC = ‖L‖ et l’inegalite |L(h)| ≤ C‖h‖ est satisfaite pour tout h dans H, donc afortiori pour tout v dans V . Pour la reciproque, on approche un element arbitraire

40. Pour ne pas alourdir les notations, on omettra par la suite de faire figurer l’exposant ∗ dansl’expression de la norme duale ; on la notera aussi ‖ ‖ par souci de simplicite, ce lorsque la confusionavec la norme ‖ ‖ sur H s’averera impossible.

Page 45: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.10 Le theoreme de dualite 41

h de H par une suite (vn)n≥0 d’elements de V (V est dense, c’est donc possible). Onremarque que, puisque

|L(vn)− L(vm)| = |L(vn − vm)| ≤ C‖vn − vm‖ , ∀m,n ∈ N ,

la suite (L(vn))n≥0 est de Cauchy dans le corps K comme la suite convergente(vn)n≥0 ; elle converge donc et l’on peut poser

L(h) := limn→+∞

L(vn)

apres avoir remarque que cette limite ne dependait pas en fait de la suite (vn)n≥0

choisie pour approcher h. L’action de L est ainsi prolongee a H tout entier et laforme lineaire L : H −→ K definie ainsi prolonge l’action de L sur V , est unique etcontinue car on a bien sur

∀h ∈ H , |L(h)| ≤ C‖h‖ .

Le resultat repose donc essentiellement sur la completude de K. ♦

1.10.2 L’enonce du theoreme de dualite

Theoreme 1.2 Soit L une forme lineaire continue sur un K-espace de Hilbert H(le corps de base K etant R ou C) ; il existe un et un seul h ∈ H tel que

∀x ∈ H, L(x) = 〈x , h〉 .

De plus, l’applicationL 7−→ h = h(L)

est une isometrie anti-lineaire 41 entre H∗ (muni de la norme ‖ ‖∗ d’espace normedual definie ci-dessus) et H ; le dual H∗ herite donc naturellement ainsi d’une struc-ture de K-espace de Hilbert avec un produit scalaire defini par

〈L1 , L2〉 = 〈h(L2) , h(L1)〉

Preuve. Le sous espace F = KerL est un sous espace ferme F de H. A moins que Lne soit l’application nulle (auquel cas h = 0 convient dans l’enonce du theoreme), Fest strictement inclus dansH. De plus, d’apres le theoreme de projection orthogonale1.1, H est somme directe orthogonale de F et F⊥ puisque tout x ∈ H s’ecrit

x = ProjF (x) +(x− ProjF (x)

)∈ F

⊥⊕ F⊥,

la somme etant directe. On peut par consequent toujours trouver (lorsque L 6≡ 0)au moins un vecteur u non nul dans F⊥.

Remarquons aussi (toujours si L 6≡ 0) qu’il est impossible de trouver dans F⊥ deuxvecteurs independants u1 et u2 : en effet, si tel etait le cas, on aurait L(u1) = λL(u2)

41. L’anti-linearite signifie que pour toute paire de formes K-lineaires L1, L2, pour toute pairede scalaires λ1, λ2,

h(λ1L1 + λ2L2) = λ1h(L1) + λ2h(L2) .

Page 46: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

42 Espaces de Hilbert

pour un certain λ ∈ C∗ et par consequent u1 − λu2 ∈ F ∩ F⊥ = 0, ce quicontredirait l’independance de u1 et u2. On a donc

H = F⊥⊕ Cu .

Lorsque L 6≡ 0, choisissons un vecteur non nul u de F⊥, c’est-a-dire, d’apres ce quiprecede, une base de F⊥. Pour tout x ∈ F , on a L(x) = 〈x , u〉 = 0. Posons

h :=L(u)

‖u‖2u .

On a, avec ce choix,∀x ∈ H , L(x) = 〈x , h〉

et la premiere partie du theoreme est prouvee. L’unicite de h est immediate, car

〈x , h1〉 = 〈x , h2〉 , ∀x ∈ H

implique en particulier 〈h1 − h2 , h1 − h2〉 = 0, soit h1 = h2. Enfin, on a, du fait del’inegalite de Cauchy-Schwarz (1.9) (avec son cas d’egalite),

‖L‖ = sup‖x‖=1

|〈x , h〉| = ‖h‖ ,

ce qui montre bien queL 7−→ h = h(L)

est une isometrie. L’antilinearite de cette application est evidente. ♦

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint

Apres nous etre interesses a decrire le K-espace vectoriel des formes lineairescontinues sur un K-espace de Hilbert H, nous allons dans cette section nous interes-ser a l’etude (tres succinte) des operateurs K-lineaires continus d’un K-espace deHilbert dans lui-meme.

1.11.1 Preliminaires sur les operateurs lineaires continus deH dans H

Soit T : H −→ H une application K-lineaire du K-espace de Hilbert H danslui-meme 42. Dire que T est continue (pour la topologie d’espace norme definie parla norme ‖ ‖ derivant du produit scalaire) equivaut a dire qu’il existe une constanteC telle que

∀h ∈ H , ‖h‖ ≤ 1 =⇒ ‖T (h)‖ ≤ C .

On pose dans ce cas

‖T‖ := suph∈H ; ‖h‖≤1

‖T (h)‖ = suph∈H ; ‖h‖=1

‖T (h)‖ . (1.31)

Comme pour les formes lineaires, dans de nombreux problemes pratiques, on nedispose de la description de l’action d’un operateur que sur un sous-espace vectoriel

42. On dit aussi un operateur lineaire continu de H dans H.

Page 47: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint 43

dense dans H (et non explicitement sur H) ; un exemple important est celui d’unespace de Hilbert separable ou l’on dispose d’une base hilbertienne (ek)k∈Z (ou d’un frame engendrant un sous-espace dense V ) et ou l’on ne connaıt l’action de Tque par le biais des T (ek), k ∈ Z. On ne connaıt donc a priori que l’action de T surles combinaisons lineaires finies des vecteurs (ek)k∈Z :

T( N∑

k=−N

λkek

):=

N∑k=−N

λkT (ek) , N ∈ N∗ .

Une question naturelle se pose : celle de prolonger sans ambiguite T a l’espacede Hilbert tout entier (en un operateur K-lineaire continu bien sur) de maniere apouvoir vraiment travailler avec un operateur K lineaire continu de H dans lui-meme. Le petit lemme de prolongement suivant, anodin a premiere vue, est en faittres important du point de vue pratique :

Lemme 1.2 (Lemme de prolongement des operateurs) Soit V un K-sous-espace dense (mais attention, pas necessairement ferme, c’est tout le probleme !)de H et T une application K-lineaire de V dans H. Une condition necessaire etsuffisante pour que l’on puisse prolonger T de maniere unique en un operateur K-lineaire continu de H dans lui-meme est qu’il existe une constante positive C telleque

∀v ∈ V , ‖T (v)‖ ≤ C‖v‖ .

Preuve. Si T se prolonge de V aH en un operateur lineaire continu, on peut prendreC = ‖T‖ et l’inegalite ‖T (h)‖ ≤ C‖h‖ est satisfaite pour tout h dans H, donc afortiori pour tout v dans V . Pour la reciproque, on approche un element arbitraireh de H par une suite (vn)n≥0 d’elements de V (V est dense, c’est donc possible). Onremarque que, puisque

‖T (vn)− T (vm)‖ = ‖T (vn − vm)‖ ≤ C‖vn − vm‖ , ∀m,n ∈ N ,

la suite (T (vn))n≥0 est de Cauchy comme la suite convergente (vn)n≥0 ; elle convergedonc et l’on peut poser

T (h) := limn→+∞

T (vn)

apres avoir remarque que cette limite ne dependait pas en fait de la suite (vn)n≥0

choisie pour approcher h. L’action de T est ainsi prolongee a H tout entier et lenouvel operateur T : H −→ H defini ainsi prolonge l’action de T sur V , est uniqueet continu car on a bien sur

∀h ∈ H , ‖T (h)‖ ≤ C‖h‖ .

Le resultat repose donc sur la completude de H en place de celle de K utilisee pourle lemme 1.1. ♦Exemple d’application 1.11 (theme d’exercice). Voici un exemple d’application importantde ce lemme de prolongement dans un K-espace de Hilbert separable ou l’on dispose d’une basehilbertienne (ek)k∈Z. On se donne l’action d’un operateur lineaire T en se la donnant uniquementsur les vecteurs ek de la base hilbertienne. On veille simplement a ce que l’action de T ne deteriorepas trop l’orthogonalite, au sens suivant : il existe une suite (τk)k∈Z de nombres positifs telle que

‖τ‖1 :=∑k∈Z

τk <∞

Page 48: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

44 Espaces de Hilbert

et

∀k, l ∈ Z , |〈T (ek) , T (el)〉| ≤ τk−l

(on parle alors pour la famille (T (ek))k de famille presque orthogonale ). Alors, si N est unentier positif non nul et (λk)

Nk=−N des scalaires, on a, du fait du theoreme de Pythagore,

∥∥∥T( N∑k=−N

λkek

)∥∥∥2 =N∑

k=−N

N∑l=−N

λkλl

⟨T (ek) , T (el)

≤N∑

k=−N

N∑l=−N

|λk| |λl|τk−l

≤N∑

l=−N

−l+N∑p=−l−N

|λl||λl+p|τp

≤2N∑

p=−2N

τp

(∑l

|λl| |λl+p|)

≤∑p∈Z

τp

(√∑l

|λl|2√∑

l

|λl+p|2)

≤ ‖τ‖1 ×N∑

k=−N

|λk|2

si l’on convient de prolonger la collection (λk)k par des zeros hors de −N, ..., N, que l’on appliquel’inegalite de Cauchy-Schwarz (1.9) et l’invariance par translation de la mesure de comptage sur Z.On voit qu’il existe une constante C =

√‖τ‖1 telle que, pour tout h dans le sous-espace vectoriel

engendre par les ek, k ∈ Z, on ait ‖T (h)‖ ≤ C‖h‖. Le lemme de prolongement s’applique donc etl’action de T se prolonge bien en celle d’un operateur lineaire continu de H dans lui-meme.

Par exemple, si H = L2C(T) et si

ek : θ 7−→ eikθ , k ∈ Z ,

on definit un operateur lineaire continu de H dans lui-meme en posant

T (ek) : θ 7−→ ak(θ)eikθ , ∀ k ∈ Z ,

ou ak designe (pour tout k ∈ Z) une fonction C∞ 2π-periodique 43, avec la contrainte qu’il existeune constante absolue K ≥ 0 telle que

∀k ∈ Z , ‖ak‖∞ + ‖a′k‖∞ + ‖a′′k‖∞ ≤ K .

On voit en effet (en faisant deux integrations par parties successives) que, si tel est le cas, il existebien une constante C telle que, pour tout couple d’entiers (m,n) avec m 6= n,

|〈T (ek) , T (el)〉| =∣∣∣ 12π

∫ 2π

0

ak(θ)al(θ) e−i(k−l)θ dθ

∣∣∣ ≤ C

|k − l|2,

ce qui assure l’existence d’une suite (τk)k∈Z telle que

|〈T (ek) , T (el)〉| ≤ τk−l , ∀ k, l ∈ Z

(la serie de Riemann [1/k2]k≥1 etant convergente). La possibilite de prolonger T en un operateur

lineaire continu a l’espace L2C(R/2πZ) tout entier entre donc bien dans le cadre de l’exemple.

43. Il s’agit concretement d’un mecanisme de modulation de l’amplitude, dans la mesure ou l’onremplace l’amplitude constante egale a 1 de θ 7−→ eikθ par l’amplitude modulee (de facondouce) θ 7−→ ak(θ).

Page 49: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint 45

1.11.2 La notion d’operateur adjoint

La notion importante que nous attacherons dans ce cours a un operateur K-lineaire continu T : H −→ H sera celle d’operateur adjoint.

Soit T un tel operateur K-lineaire continu T : H −→ H. Pour tout h fixe dans H,l’application

x ∈ H 7−→ 〈T (x) , h〉

est une K-forme lineaire continue sur H. Il existe donc (d’apres le theoreme dedualite 1.2) , un unique element T ∗(h) tel que

〈T (x) , h〉 = 〈x , T ∗(h)〉 , ∀x ∈ H . (1.32)

Si l’on remplace h par λ1h1 + λ2h2 avec h1, h2 ∈ H, λ1, λ2 ∈ K, on constate que

〈T (x) , λ1h1 + λ2h2〉 = λ1〈T (x) , h1〉+ λ2〈T (x) , h2〉= λ1〈x , T ∗(h1)〉+ λ2〈x , T ∗(h2)〉

=⟨x , λ1T

∗(h1) + λ2T∗(h2)

⟩,

ce qui montre que l’application

h 7−→ T ∗(h)

definie suivant (1.32) est bien K-lineaire. La relation definissant completement cetteapplication K-lineaire T ∗ : H −→ H, soit

∀x ∈ H , ∀h ∈ H , 〈T (x) , h〉 = 〈x , T ∗(h)〉 (1.33)

est dite formule d’adjonction. Cette formule d’adjonction se lit aussi

∀x ∈ H , ∀h ∈ H , 〈T ∗(x) , h〉 = 〈h , T ∗(x)〉= 〈T (h) , x〉= 〈x , T (h)〉 ,

on constate que (T ∗)∗ = T .

Si h est de norme 1, on a, pour tout x dans H,

|〈x , T ∗(h)〉| = |〈T (x) , h〉| ≤ ‖T (x)‖ × ‖h‖ ≤ ‖T‖ × ‖x‖ ,

ce qui montre (en prenant x = T ∗(h)) que ‖T ∗(h)‖ ≤ ‖T‖, donc que T ∗ est uneapplication K-lineaire continue de H dans H (comme T ), avec ‖T ∗‖ ≤ ‖T‖. Comme(T ∗)∗ = T , on a aussi l’inegalite inverse

‖(T ∗)∗‖ = ‖T‖ ≤ ‖T ∗‖ .

Tout ce que nous venons de faire se resume en la proposition-definition suivante :

Proposition 1.14 Soit H un K-espace de Hilbert (K = R ou C) et T : H −→ Hune application K-lineaire continue de H dans lui-meme (on dit aussi un operateurK-lineaire continu de H dans H). La formule d’adjonction (1.33)

∀x ∈ H , ∀h ∈ H , 〈T (x) , h〉 = 〈x , T ∗(h)〉

Page 50: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

46 Espaces de Hilbert

permet de definir sans equivoque un autre operateur K-lineaire continu de H danslui-meme, dit adjoint de T . Les operateurs T et T ∗ sont tels que ‖T‖ = ‖T ∗‖ etl’operation de prise d’adjoint T 7−→ T ∗ est une involution isometrique antilineairedu K-espace vectoriel LK(H,H) des operateurs K-linaires continus de H dans H(equipe de la norme d’operateur continu definie par (1.31) a partir de la norme ‖ ‖derivant du produit scalaire sur H).

On remarque de plus (toujours grace a la caracterisation de l’adjoint via la formuled’adjonction (1.33)) que si T1 et T2 sont deux operateurs K-lineaires continus de Hdans lui-meme,

(T2 T1)∗ = T ∗1 T ∗

2 .

En particulier, si un operateur lineaire continu T : H −→ H admet un inverse aussilineaire continu T−1 : H −→ H, on a necessairement (T−1)∗ = (T ∗)−1.

Exemple 1.12 : le cas de la dimension finie. Si H = Rn ou H = Cn sont equipes d’un produit

scalaire 〈 , 〉 (pas necessairement le produit scalaire canonique), la notion d’adjoint rejoint celle que

l’on connaıt en algebre. Si M est la matrice de l’operateur T exprimee dans une base orthonormee

de Rn ou Cn (relativement au produit scalaire 〈 , 〉), la matrice de l’adjoint T ∗ (relativement a

la structure hilbertienne attachee au choix du produit scalaire) exprimee dans cette meme base

est exactement la matrice M∗, c’est-a-dire la transconjuguee de la matrice M (on transpose et on

conjugue les coefficients).

Exemple 1.13 : les shifts . Si H = l2K(Z), l’operateur (xk)k∈Z 7−→ (xk−1)k∈Z (dit shift d’un

pas vers la droite) a pour adjoint l’operateur (xk)k∈Z 7−→ (xk+1)k∈Z (dit shift d’un pas vers la

gauche).

Exemple 1.14 : le cas d’une projection orthogonale sur un sous-espace ferme. Si V estun sous-espace ferme de H, l’operateur ProjV (qui est continu de norme 1 puisque ‖ProjV x‖ ≤ ‖x‖avec egalite si et seulement si x ∈ V ) a pour adjoint

(ProjV )∗ = ProjV

car on a, pour tout x, h dans H,

〈x , ProjV (h)〉 = 〈ProjV (x) , ProjV (h)〉= 〈ProjV (x) , h〉 .

L’operateur ProjV est un exemple d’operateur auto-adjoint. La norme d’operateur d’une projection

orthogonale PV sur un sous-espace ferme V est egale a 1 car PV (x) = x pour x ∈ V et d’autre

part ‖PV (x)‖ ≤ ‖x‖ pour tout x dans H.

La proposition suivante nous sera utile car elle relie noyau et image d’un operateurlineaire continu T au noyau et image de son adjoint T ∗.

Proposition 1.15 Soit H un K-espace de Hilbert et T un operateur K-lineairecontinu de H dans lui-meme. On a les relations :

KerT = (ImT ∗)⊥

KerT ∗ = (ImT )⊥

H = KerT⊥⊕ ImT ∗

= KerT ∗ ⊥⊕ ImT (1.34)

Page 51: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint 47

Preuve. Si h est dans le noyau de T , on a

∀x ∈ H , 〈T (h) , x〉 = 0 .

En utilisant la formule d’adjonction (1.33), il vient donc

∀x ∈ H , 〈h , T ∗(x)〉 = 0 ,

ce qui signifie que h est orthogonal au sous-espace ImT ∗. Comme le produit scalaireest continu sur H × H, h est aussi orthogonal au sous-espace ferme ImT ∗, ce quiprouve bien l’inclusion

KerT ⊂ (ImT ∗)⊥ .

Prenons maintenant h orthogonal a ImT ∗ ; pour montrer que T (h) = 0, il suffit demontrer que pour tout x ∈ H,

〈T (h) , x〉 = 0 .

Mais, toujours d’apres la formule d’adjonction (1.33)

〈T (h) , x〉 = 〈h , T ∗(x)〉 = 0

puisque h ⊥ T ∗(x). On a donc bien aussi l’autre inclusion

(ImT ∗)⊥ ⊂ KerT

(on peut passer a gauche a l’adherence car l’on sait que KerT est ferme). Les for-mules des premiere et troisieme lignes de (1.34) sont donc prouvees (pour celle de latroisieme ligne, on applique le theoreme de projection orthogonale). En remplacantT par T ∗ et en utilisant l’involutivite de la prise d’adjoint (T ∗)∗ = T , on en deduitles formules des seconde et quatrieme lignes. ♦

1.11.3 L’interet de la prise d’adjoint ; deux exemples pra-tiques

Nous donnons dans ce paragraphe deux exemples de raisonnements ou l’operationde prise d’adjoint facilite la tache. Ces raisonnements conduisent chacun a une ap-plication pratique importante : la premiere concerne la poursuite d’une informa-tion inconnue par le biais de projections orthogonales iterees judicieuses, la secondeconcerne la possibilite, dans un espace de Hilbert separable, de perturberune basehilbertienne tout en conservant certaines des proprietes operationnelles qui lui sontattachees. Cette sous-section peut etre pensee comme deux themes de problemesa regarder a tete reposee. On peut la lire a titre d’exercice (ces exercices serontd’ailleurs partiellement repris dans les guides d’activites proposes sous Ulysse).

Iteration de projections

Le resultat de ce paragraphe est celui que soutend la figure illustrant l’exemple 1.2de la section 1.1.

Page 52: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

48 Espaces de Hilbert

1

2

3

4

x

1

2

,

M

m

m

m

D

D

D

D

3

A

Figure 1.7 – Iteration de projections (rappel de l’exemple 1.2)

Proposition 1.16 Soient V1, V2, . . . , VN , N sous espaces vectoriels fermes d’un es-pace de Hilbert H, h un element de H, et P1, . . . , PN , les projections orthogo-nales sur les sous-espaces affines respectifs D1 := h + V1, . . . , DN := h + VN . SoitV := V1∩· · ·∩VN et P la projection orthogonale sur le sous espace affine A = h+V .Alors, si Q est l’application affine Q = PN · · · P1, on a

Qk(x) −→ P (x) (1.35)

pour tout x dans H lorsque k tend vers l’infini. De plus, lorsque N = 2 et

cos θ := suph1∈V ∗

1 ∩V ⊥

h2∈V ∗2 ∩V ⊥

|〈h1, h2〉|‖h1‖ ‖h2‖

< 1 ,

alors, on a l’information quantitative permettant l’estimation d’erreur dans cet al-gorithme iteratif :

‖Qk(x)− P (x)‖ ≤ (cos θ)k‖x− P (x)‖ . (1.36)

Preuve. On se ramene au cas h = 0, ce qui nous permet de poser le probleme auniveau des sous-espaces vectoriels et non plus affines. Les projections orthogonalessur des sous-espaces vectoriels fermes etant des operateurs de norme egale a 1, onvoit que si x est dans le noyau de Q− Id, on a

‖x‖ ≥ ‖P1(x)‖ ≥ · · · ≥ ‖Q(x)‖ = ‖x‖ ,

et donc ‖Pj(x)‖ = ‖x‖ pour j = 1, . . . , N . Ceci implique (via le theoreme de Pytha-gore), que Pj(x) = x pour tout j = 1, ..., N , soit x ∈ V . On a donc

Ker (I −Q) = V .

Page 53: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint 49

Introduisons ici la prise d’adjoint. Comme Ker (I −Q∗) = Ker (I −Q) = V (il suffitd’inverser l’ordre des projections orthogonales Pk, qui sont toutes, on le rappelle, desoperateurs autoadjoints, cf. exemple 1.14 ci-dessus), on peut d’apres la proposition1.15 decomposer l’espace de Hilbert H sous la forme

H = Ker (I −Q∗)⊥⊕ Im (I −Q) = V

⊥⊕ Im(I −Q) .

Prouver le premier volet de la proposition revient donc a prouver (1.35) pour toutx dans Im (I −Q), ou encore, ce qui est suffisant par continuite de I −Q et puisquetous les operateurs T k sont de norme au plus 1 comme composes de projectionsorthogonales sur des sous-espaces fermes, pour tout x dans Im (I − Q). Mais six = (I −Q)(y), posons

a := limk 7→∞‖Qk(y)‖ .

(a existe bien car on a affaire a une suite decroissante de nombres positifs). Distin-guons maintenant deux cas.

– Si a > 0, on considere la suite (uk)k∈N, ou

uk =Qk(y)

‖Qk(y)‖;

on a ‖Q(uk)‖ −→ 1 ; ceci implique

(I −Q)(uk) −→ 0 ,

comme on le voit en utilisant une fois de plus le theoreme de Pythagore et enraisonnant par recurrence sur le nombre N de projecteurs impliques dans lafactorisation de Q ; comme a > 0, il en resulte

Qk (I −Q)(y) = (I −Q) Qk(y) −→ 0 .

– Si maintenant a = 0, on a egalement

(I −Q) Qk(y) 7→ 0 .

Ainsi, pour tout x dans Im (I−Q), on a Qk(x) −→ 0 = P (x), ce qui, avec le fait queQk(x) converge vers x = P (x) lorsque x ∈ V , conclut la preuve du premier volet dela proposition.

En ce qui concerne le second volet de cette meme proposition, il suffit de remarquerque, compte tenu de la definition de cos θ,

‖Q(x)‖ ≤ cos θ ‖x‖

pour tout x dans V ⊥ et d’appliquer cette inegalite de maniere iterative au vecteurx− P (x). ♦Application. Une application importante de ce resultat est la suivante : c’est celle qu’illustre lafigure deja introduite dans l’exemple 1.1 de la section 1.1 et que pour memoire nous redonnonsci-dessous.

Page 54: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

50 Espaces de Hilbert

F

F

F

2

2

1

S

S0

S +

S

S

1

2

Figure 1.8 – Iteration de projections (rappel de l’exemple 1.1)

On se donne deux sous-espaces F1 et F2 de H tels que F1 ∩ F⊥2 = 0. On note P1 (resp. P2) la

projection orthogonale sur F1 (resp. F2) et Q1 (resp. Q2) la projection orthogonale sur F⊥1 (resp.

F⊥2 ). On suppose que s est un element de F1 a priori inconnu, la seule information connue connu

etant s0 = P2(s). Alors, l’algorithme iteratif

s0 = P2(s)

......

sk+1 = s0 +Q2 P1(sk)

=(s−Q2(s)

)+Q2 P1(sk)

= s+Q2

(P1(sk)− s

)= s+Q2 P1(sk − s) , ∀ k ∈ N ,

(c’est plus parlant sur la figure) converge vers s. Il suffit d’utiliser la proposition 1.16. De plus, siF1 et F⊥

2 sont tels que

suph1∈F1\0h2∈F⊥

2 \0

|〈h1, h2〉|‖h1‖ ‖h2‖

= cos θ < 1 , (1.37)

on a une estimation de la vitesse de convergence de sk vers s en

‖sk − s‖ ≤ (cos θ)k‖s0 − s‖ = (cos θ)k‖Q2(s)‖ ≤ (cos θ)k‖s‖ ;

la decroissance de l’erreur d’approximation est exponentielle. Souvent, pareille idee est exploitee,

meme dans le cas ou l’ angle des deux sous-espaces F1 et F⊥2 est egal a 0 (cos θ = 1) ; l’algorithme

n’a plus alors, on s’en doute, la robustesse que l’on pourrait escompter.

Systemes bi-orthonormes dans un espace de Hilbert separable

Souvent les bases orthonormees des espaces de Hilbert sont amenees a se presentercomme perturbees , l’orthogonalite n’etant alors plus assuree. Il est neanmoinspossible de pallier a ce probleme grace a la proposition suivante 44.

Proposition 1.17 Soit (ek)k≥1 une base hilbertienne d’un K-espace de Hilbert sepa-rable et (fk)k∈N∗ un systeme de vecteurs tel qu’il existe une constante absolue τ ∈]0, 1[

44. Que l’on peut voir comme un resultat de stabilite concernant les bases hilbertiennes, memesi l’orthogonalite reste une notion fragile comparee a la redondance qui elle est une notionbeaucoup plus robuste ! Nous y reviendrons dans la section 1.12 suivante.

Page 55: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint 51

avec ∥∥∥ N∑k=1

λk(ek − fk)∥∥∥2 ≤ τ 2

N∑k=1

|λk|2 (1.38)

pour tout N ∈ N∗, pour tout choix de scalaires λ1, ..., λN dans le corps 45. Il existealors un systeme de vecteurs (gk)k∈N∗ tel que

〈fk , gl〉 =1 si k = l0 si k 6= l

et que tout element h de H puisse s’ecrire

h =∞∑k=1

〈h , gk〉 fk =∞∑k=1

〈h , fk〉 gk

avec

‖h‖1 + τ

≤( ∞∑

k=1

|〈h , gk〉|2)1/2

≤ ‖h‖1− τ

(1− τ)‖h‖ ≤( ∞∑

k=1

|〈h , fk〉|2)1/2

≤ (1 + τ)‖h‖ .

Preuve. On definit tout d’abord un operateur lineaire continu T : H −→ H endefinissant dans un premier temps son action sur les elements de la base hilbertienne(ek)k≥1 par

T (ek) = ek − fk , ∀n ∈ Z .

Ainsi, pour tout N ∈ N∗, pour tout choix de scalaires λ1, ..., λN ,

T( N∑

k=1

λkek

)=

N∑k=1

λk(ek − fk) .

Pour tout element h dans le sous-espace vectoriel engendre par les ek, k ≥ 1, on a

‖T (h)‖ ≤ τ‖h‖ (1.39)

d’apres l’hypothese (1.38), ce qui prouve (si l’on invoque le lemme 1.2 de prolon-gement des operateurs) que T se prolonge bien en un operateur lineaire continu deH dans lui-meme puisque le sous-espace vectoriel engendre par les ek, k ≥ 1 estdense. L’operateur T : H −→ H ainsi defini est de norme majoree par τ du faitde l’inegalite (1.39) (valable par prolongement pour tout h dans H). L’operateur Tetant de norme ‖T‖ ≤ τ < 1, l’operateur S = IdH − T = I − T admet un inversecontinu S−1 dont l’action est definie par

S−1(h) :=∞∑k=0

T k(h) , ∀h ∈ H , (1.40)

45. Ceci signifie que le systeme (fk)k≥1 est en quelque sorte une version perturbee du systemeorthonorme ideal qu’est la base hilbertienne (ek)k≥1.

Page 56: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

52 Espaces de Hilbert

ou T k designe, pour k ∈ N, l’itere k fois de l’operateur T (T 0 = Id) ; la serie ausecond membre de (1.40) est en effet absolument convergente car

∞∑k=0

‖T k(h)‖ ≤∞∑k=0

‖T‖k ‖h‖ ≤ ‖h‖∞∑k=0

τ k ≤ ‖h‖1− τ

,

ce qui prouve non seulement que S−1 : H −→ H est bien defini (comme operateurlineaire continu de H dans lui-meme), mais encore que

‖S−1‖ ≤ 1

1− τ.

Notons que l’on a, pour tout h dans H, les inegalites :

(1− τ)‖h‖ = (1− τ)‖S−1(S(h))‖ ≤ ‖S(h)‖ ≤ ‖h‖+ ‖T (h)‖ ≤ (1 + τ)‖h‖(1− τ)‖S−1(h)‖ ≤ ‖h‖ = ‖S(S−1(h))‖ ≤ (1 + τ)‖S−1(h)‖ .

(1.41)

Ici intervient l’operation de prise d’adjoint : nous introduisons en effet l’operateur S∗

adjoint de S ; la norme de cet operateur S∗ est egale a la norme de S, donc majoreepar 1 + τ . Du fait de la remarque suivant la proposition 1.14, l’operateur S∗ est unoperateur inversible, d’inverse l’operateur continu (S−1)∗ (de norme egale a ‖S−1‖) ;on a donc aussi, pour tout h dans H, l’encadrement

(1− τ)‖h‖ = (1− τ)‖(S∗)−1(S∗(h))‖ ≤ ‖S∗(h)‖ ≤ (1 + τ)‖h‖ . (1.42)

Posons, pour k ∈ N∗,

gk := (S−1)∗(ek) = (S∗)−1(ek) .

D’apres la formule d’adjonction (1.33), on a bien, pour tout couple (k, l) d’entierspositifs,

〈fk, , gl〉 = 〈S(ek) , (S−1)∗(el)〉 = 〈S−1 S(ek) , el〉

= 〈ek , el〉 =1 si k = l0 si k 6= l .

On a aussi, pour tout h dans H,

h = S(S−1(h)) = S( ∞∑

k=1

〈S−1(h) , ek〉 ek)

=∞∑k=1

⟨S−1(h) , ek

⟩S(ek)

=∞∑k=1

⟨h , (S−1)∗(ek)

⟩S(ek) =

∞∑k=1

〈h , gk〉 fk

et aussi

h = (S∗)−1 S∗(h) = (S∗)−1( ∞∑

k=1

〈S∗(h) , ek〉 ek)

Page 57: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.11 Operateurs de H dans H ; notion d’adjoint 53

=∞∑k=1

⟨S∗(h) , ek

⟩(S∗)−1(ek)

=∞∑k=1

⟨h , (S∗)∗(ek)

⟩gk

=∞∑k=1

⟨h , S(ek)

⟩gk =

∞∑k=1

〈h , fk〉 gk .

Comme de plus (toujours en utilisant la formule d’adjonction (1.33))∞∑k=1

|〈h , gk〉|2 =∞∑k=1

|〈h , (S−1)∗(ek)〉|2 =∞∑k=1

|〈S−1(h) , ek〉|2 = ‖S−1(h)‖2

∞∑k=1

|〈h , fk〉|2 =∞∑k=1

|〈h , S(ek)〉|2 =∞∑k=1

|〈S∗(h) , ek〉|2 = ‖S∗(h)‖2 ,

on conclut a toutes les assertions de la proposition en invoquant les doubles enca-drements (1.41) et (1.42). ♦Exemple 1.15. Dans l’espace de Hilbert L2

C(T) ou les classes de fonctions

ek : θ 7−→ eikθ , k ∈ Z ,

(correspondant aux harmoniques fondamentales) forment une base hilbertienne, on peut considererles classes perturbees des fonctions obtenues en 2π-periodisant les

fk : θ ∈ [−π, π[ 7−→ eiωkθ , k ∈ Z ,

ou les ωk sont des nombres reels avec

µ := maxk|ωk − k| <

log 2

π.

Comme on le verifie aisement, pour tout N ∈ N∗ et pour tout choix de scalaires complexes(λk)

Nk=−N ,

∥∥∥ N∑k=−N

λk(fk − ek)∥∥∥ =

(1

∫ π

−π

∣∣∣ N∑k=−N

λk(ei(ωk−k)θ − 1) eikθ

∣∣∣2 dθ)1/2

=

(1

∫ π

−π

∣∣∣ N∑k=−N

λk

( ∞∑l=1

(i(ωk − k))lθl

l!

)eikθ

∣∣∣2 dθ)1/2

≤∞∑l=1

πl

l!

(1

∫ π

−π

∣∣∣ N∑k=−N

λk(i(ωk − k))leikθ∣∣∣2 dθ)1/2

≤∞∑l=1

πlµl

l!

( N∑k=−N

|λk|2)1/2

≤ (eµπ − 1)( N∑

k=−N

|λk|2)1/2

≤ τ( N∑

k=−N

|λk|2)1/2

avec τ < 1 si µ < log 2/π. La proposition s’applique dans ce contexte et l’on peut associer un

systeme (gk)k∈Z au systeme perturbe (fk)k∈Z. Notons que ceci nous autorise a travailler dans

l’espace L2C(T) avec un systeme de fonctions de reference qui correspondent a des classes de fonc-

tions oscillantes, mais cette fois aperiodiques, puisque les frequences ωk, k ∈ Z, ne sont plus

entieres. Ceci est souvent tres interessant dans les problemes pratiques lies a l’analyse de Fourier

(sur laquelle on se penchera au chapitre 2 de ce cours).

Page 58: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

54 Espaces de Hilbert

1.12 Un procede algorithmique : le matching

Comme on l’a deja mentionne dans ce cours, les notions de systeme orthonorme etde base hilbertienne, si elles constituent des modeles mathematiques ideaux pourdecomposer un element dans un espace de Hilbert, ne sont pas des objets ro-bustes lorsqu’on les perturbe. Il est souvent preferable du point de vue pratiquede travailler avec des frames ou meme des dictionnaires souvent tres redon-dants : au contraire de ce qui se passe pour les systemes orthonormes, les elementsdistincts du dictionnaire sont autorises cette fois a etre correles entre eux, c’est-a-dire a ne plus etre necessairement orthogonaux relativement au produit scalaire aveclequel on travaille.

On utilise souvent, tant en mathematiques appliquees qu’en informatique, des algo-rithmes gloutons pour pister 46 un element d’un espace de Hilbert contre undictionnaire (en general redondant) d’elements test pris dans ce meme espacede Hilbert (en utilisant toute la force de l’algorithme de projection orthogonale).

Au titre d’annexe a ce cours (et de theme de probleme de revision), voici un exempled’un tel procede algorithmique ; on peut ici le voir comme un theme d’exerciceguide, mais c’est une methode tres couramment utilisee dans la pratique, notammenten informatique (par exemple en imagerie), dans toutes les questions relatives al’analyse, au stockage, au classement, a la compression (souvent aux fins de syntheseulterieure), de donnees experimentales. La traque d’un visage ou d’un objetdans un film video, la confrontation d’une image medicale pathologique avec undictionnaire d’images type , constituent des exemples illustrant parfaitement cetype de demarche algorithmique d’inspiration naturellement hilbertienne.

Proposition 1.18 Soit H un K-espace de Hilbert, h un element de H et D un dic-tionnaire d’elements (tous de norme 1) que l’on suppose denombrable et engendrantun sous-espace dense ; on suppose que l’on peut construire de maniere iterative unesuite d’elements d1, . . . , dn, ... du dictionnaire D (les dj dependent de h), une suitede scalaires λ1, . . . , λn, ... (dependant aussi de h) tels que

|〈h , d1〉| = maxd∈D|〈h , d〉|

λ1d1 = ProjKd1(h) ,

et, pour tout n ≥ 1,

∣∣∣⟨h− n∑k=1

λkdk , dn+1

⟩∣∣∣ = maxd∈D

∣∣∣⟨h− n∑k=1

λkdk , d⟩∣∣∣

λn+1dn+1 = ProjKdn+1

(h−

n∑k=1

λkdk

).

Alors, la suite

(hn)n≥1 :=( n∑

k=1

λkdk

)n≥1

46. C’est la l’origine de la terminologie anglo-saxonne de matching .

Page 59: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

1.12 Un procede algorithmique : le matching 55

converge vers h dans H ; on dit qu’elle realise le matching 47 du vecteur h contre ledictionnaire D.

Preuve. Posons vk := λkdk pour k ∈ N∗ et notons rn le reste de la decompositionde h une fois l’etape n de l’algorithme effectuee, soit

rn := h−n∑

k=1

vk

partant de r0 = h. Si 1 ≤ n < m, on a

rn = rm +m∑

k=n+1

vk .

Comme on effectue a chaque cran de l’algorithme une projection orthogonale unidi-mensionnelle sur la droite vectorielle engendree par le nouvel element du dictionnairetrouve (le procede est tres simple et tres naıf !), on a, pour tout k ∈ N∗,

‖rk‖2 = ‖rk−1‖2 − |〈rk−1 , dk〉|2 .

La suite (‖rk‖2)k≥0 est donc une suite decroissante minoree, donc convergente. Onen deduit aussi

∞∑k=1

‖vk‖2 <∞ . (1.43)

Pour montrer dans un premier temps que la suite (rk)k≥0 converge, nous allonsprouver qu’elle est de Cauchy. Fixons donc ε > 0. Comme on le voit aisement, on a,si 1 ≤ n < m,

‖rn − rm‖2 = ‖rn‖2 + ‖rm‖2 − 2‖rm‖2 − 2m∑

k=n+1

Re 〈rm , vk〉 .

Mais on a, pour tout k entre n+ 1 et m,

|〈rm , vk〉| ≤ ‖vk‖ × ‖vm+1‖ ; (1.44)

en effet, toujours pour k entre n+ 1 et m,

|〈rm , vk〉| =∣∣∣⟨rm , 〈rk−1 , dk〉 dk

⟩∣∣∣= |〈rm , dk〉| × |〈rk−1 , dk〉|= ‖vk‖ |〈rm , dk〉|≤ ‖vk‖ × ‖vm+1‖

du fait meme du principe de l’algorithme, puisque |〈rm , dm+1〉| (qui est par definitionla norme de vm+1) maximise tous les |〈rm , d〉| avec d ∈ D. On a donc

‖rn − rm‖2 ≤ ‖rn‖2 − ‖rm‖2 + 2‖vm+1‖m∑

k=n+1

‖vk‖ (1.45)

47. Comme le dictionnaire D peut fort bien etre redondant (on a d’ailleurs tout interet a ce qu’ilen soit ainsi), la decomposition de h suivant D n’a rien d’unique ; la methode proposee dans cescenario algorithmique fournit simplement une decomposition efficace en pistant (de maniere hierarchique ) les elements tests qui comptent le plus dans la representation de h.

Page 60: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

56 Espaces de Hilbert

Or

‖vm+1‖m∑

k=n+1

‖vk‖ ≤ ‖vm+1‖m+1∑k=1

‖vk‖ .

Mais la clause (1.43) implique

limp→∞

(infq≥p

(‖vq‖

q∑k=1

‖vk‖))

= 0 . (1.46)

Si n est assez grand, on est donc certain que

‖rn‖2 − ‖rm‖2 ≤ ε .

On choisira n assez grand pour qu’il en soit ainsi. Il resulte de (1.46) qu’il existeq > m tel que

‖vq‖q∑

k=1

‖vk‖ ≤ ε .

Mais on a‖rn − rm‖ ≤ ‖rn − rq‖+ ‖rm − rq‖ .

En appliquant (1.45) (mais cette fois avec les couples (n, q) et (m, q) au lieu de(m,n)), on voit que

max(‖rn − rq‖2, ‖rm − rq‖2) ≤ 3ε .

En mettant tout ensemble, on voit donc que

‖rn − rm‖ ≤ 2√3ε

pour ce choix de n, ce qui implique bien que la suite (rk)k≥0 est de Cauchy, doncconvergente. Mais on a aussi la convergence vers 0 de ‖vk‖ lorsque k tend vers l’infini.On a donc

limk→∞|〈rk , dk+1〉| = 0 .

Le principe de l’algorithme (applique une fois de plus) nous assure que pour toutelement d du dictionnaire

limk→∞|〈rk , d〉| = 0 .

Comme le dictionnaire forme une partie totale, la limite de la suite (rk)k≥0 doitetre orthogonale a tous les atomes du dictionnaire, est par consequent nulle, et laproposition est ainsi demontree. ♦Remarque 1.4. On peut raffiner de beaucoup de manieres cet algorithme. Une maniere consiste

par exemple (en utilisant le procede de Gram-Schmidt) a faire en sorte qu’a chaque etape le reste

rn soit orthogonal aux elements tests atomes d1, ..., dn du dictionnaire precedemment selectionnes.

Ceci evite de re-utiliser le dictionnaire complet a chaque cran du processus. Le risque est de

reintroduire la fragilite liee au souci d’orthogonalite.

Page 61: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Chapitre 2

L’analyse de Fourier et sesapplications

2.1 Introduction

Si l’analyse de Fourier puise ses sources dans le travail de pionnier de Jean-Baptiste Joseph Fourier (1768-1830) 1 et en particulier dans son memoire fondateur Sur la propagation de la chaleur dans les corps solides de 1807 ou il introduit latheorie des series trigonometriques, elle a federe tout au long du XIX-eme et du XX-eme siecles tant des mathematiciens (on retrouvera dans ce cours les noms de Frie-drich Bessel, Karl Weierstrass, Gustav Lejeune Dirichlet, Lipot Fejer, Alfred Tauber,Johannes Radon, Michael Plancherel,..., theoriciens des nombres ou analystes), quedes physiciens (on y croisera Wermer Heisenberg avec le celebre principe d’incerti-tude, Denis Gabor, Josiah Gibbs, des opticiens comme Joseph von Fraunhofer) et desingenieurs mathematiciens ou informaticiens (Claude Shannon, James W. Cooley etJohn W. Tukey,...). A travers ce second chapitre, ou l’on presentera l’analyse de Fou-rier tant en mathematiques discretes qu’en mathematiques continues , on tenterade mettre en lumiere non seulement les idees et resultats mathematiques, mais aussila maniere dont ces idees et ces resultats s’inserent aujourd’hui de maniere essentielle(et surtout depuis la revolution numerique survenue a l’aube des annees 1970 avecle celebre algorithme propose par les ingenieurs americains James Cooley et John Tu-key autour de 1965) dans de nombreuses branches relevant des mathematiques, de laphysique, de l’ingenierie ou de l’informatique : traitement des signaux et des images,theorie de l’information, cryptologie et cryptanalyse, optique, physique quantique,tomographie en instrumentation medicale (CAT-Scanner, IRM), analyse et synthesedu son et de la parole, telephonie mobile et telecommunications,...

Si les mathematiques (avec leur presentation pouvant parfois paraıtre acade-mique ) constituent le fil directeur des notes de ce chapitre, il est evident qu’ilconvient de prendre ici un certain recul qui permette aussi de voir ces mathematiques en situation dans le monde qui nous entoure ; cela etait deja vrai avec l’analysehilbertienne et l’algorithmique a la Pythagore presentee au premier chapitre,

1. Mathematicien, mais aussi conseiller scientifique et compagnon de Napoleon qu’il accompa-gna avec Champollion durant la campagne d’Egypte, homme politique aussi (il fut prefet de l’Isereet l’Universite Grenoble 1 porte aujourd’hui son nom), Joseph Fourier a marque profondementl’essor conjoint des mathematiques et de la physique a l’aube du XIX-eme siecle. Il faut veiller ane pas le confondre avec son homonyme le philosophe Francois-Marie Charles Fourier (1772-1837),le pere du Fourierisme et fondateur de l’Ecole Societaire.

57

Page 62: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

58 L’analyse de Fourier et ses applications

c’est bien sur encore plus criant pour cette seconde partie du cours, evidemmenttres en prise avec la premiere.

Nous suivrons l’analyse de Fourier depuis le cadre de la dimension finie (avec lesmodeles RN ou CN), relevant de l’algebre et de l’arithmetique, jusqu’aux cadresdiscret denombrable (lpK(Zn)) et continu (Lp

K(Rn)) ou LpK(Tn)), relevant, eux, plus

de l’analyse car la notion de dimension infinie y est presente (K = R ou C). Oninsistera en particulier sur le cadre p = 2 presentant l’interet majeur d’etre propicea l’algorithmique hilbertienne a la Pythagore etudiee au chapitre 1.

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre dis-

cret

Cette section sera devolue au cadre des mathematiques discretes : notre premiermodele sera celui des espaces (de Hilbert) l2K(0, ..., N − 1) (espace des signauxdigitaux de longueur N reels ou complexes) ou l2K(0, ..., N1 − 1 × 0, ..., N2 − 1),(espace des images digitales de taille N1 × N2), K designant le corps des reels oucelui des complexes. Ensuite, notre modele sera celui des espaces lpK(Z), p ≥ 1, parmilesquels les cas p = 1 et bien sur p = 2 (c’est le modele, on l’a vu, de K-espace deHilbert separable 2) retiendrons surtout notre attention.

Notre souci est d’introduire la transformation de Fourier avec les deux motivationsqui l’accompagnent :

– fournir un outil puissant de calcul pour transformer une operation (la convo-lution ) omnipresente mais difficile a gerer en une operation autrement plusmaniable (la multiplication) ;

– permettre la decomposition (dite harmonique) des phenomenes discrets enphenomenes periodiques (toujours discrets).

2.2.1 La transformation de Fourier discrete

Soit N ∈ N∗ un entier strictement positif. Un systeme orthonorme du C-espacede Hilbert l2C(0, ..., N − 1) des vecteurs (s(k))k=0,...,N−1 de nombres complexes,equipe du produit scalaire

〈s1 , s2〉 =N−1∑k=0

s1(k)s2(k) ,

est donne par les suites (ej(k))k=0,...,N−1, j = 0, ..., N − 1, ou ej(k) = 1 si j = k,0 sinon ; c’est la classique base canonique de Cn. Mais il existe d’autres systemesorthogonaux particulierement interessants ; l’un d’eux est constitue des suites(

exp(2iπjk/N))k=0,...,N−1

=(cos(2jkπ/N) + i sin(2jkπ/N)

)k=0,...,N−1

,

j = 0, ..., N − 1. Le signal digital fj := (exp(2iπjk/N))k=0,...,N−1 correspond a lasuite des valeurs prises successivement aux points t = 0, t = 1, ..., t = N − 1, par la

2. On choisit ici l’indexation par Z plutot que par N ou N∗ parce que Z est equipe avec l’additiond’une structure de groupe commutatif, ce qui jouera un role precieux a la fois dans la definition etle maniement de la transformation de Fourier.

Page 63: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret 59

fonctiont ∈ R 7−→ exp(2iπjt/N)

qui est une fonction du type t 7−→ exp(iωjt) avec ωj = 2πj/N , donc une fonctionperiodique de frequence j/N . Le systeme orthogonal constitue des N signaux digi-taux f0, ..., fN−1 constitue un systeme totalement different du systeme orthonormeconstitue par les ej = (ej(k))k=0,...,N−1 ; il est constitue de signaux discrets oscil-lants et non de fonctions pic ; en divisant ces vecteurs par

√N , on obtient donc

un nouveau systeme orthonorme (fj)j=0,...,N−1 de CN constitue de vecteurs corres-pondant a des signaux digitaux par essence tres differents des signaux pic ej,j = 0, ..., N − 1, correspondant aux vecteurs de la base canonique.

Changer de base orthonormee (ici remplacer (ej)j=0,...,N−1 par (fj)j=0,...,N−1) pourexprimer un vecteur de CN (que l’on pensera ici comme un signal digital a valeurscomplexes defini sur 0, ..., N − 1) ne change bien sur en rien le carre de la normel2 du vecteur des coordonnees ; si

s =N−1∑j=0

ξjej =N−1∑j=0

ξjfj ,

on a bien sur

‖ξ‖22 =N−1∑j=0

|ξj|2 =N−1∑j=0

|ξj|2 = ‖ξ‖22 = ‖s‖2 .

Mais il est une quantite qui, elle, peut changer de maniere drastique, c’est l’entropiedu signal lorsqu’il est exprime dans la base B = (ej)j=0,...,N−1 (resp. dans la base

B = (fj)j=0,...,N−1), definie par

Entr[s ; B] := −N−1∑j=0

|ξj|2 log2 |ξj|2

(resp. Entr[s ; B] := −

N−1∑j=0

|ξj|2 log2 |ξj|2).

Cette notion d’entropie se revele etre (pensez a son incarnation en thermodyna-mique) un indicateur du chaos ; plus l’entropie d’un signal digital exprime dans unebase est petite, mieux ce signal digital se presente comme organise dans la baseconsideree, ce qui se lit aussi de la maniere suivante : plus forte sera la pente dugraphe de la fonction j 7−→ |ξj| obtenue en reorganisant les |ξj| suivant l’indicej de maniere a ce que cette fonction soit decroissante. Trouver une base ortho-normee de CN dans laquelle l’entropie soit minimale est evidemment un challengetres interessant aux fins d’applications futures (compression, transmission, stockage,etc.). Il est intuitivement evident que la base canonique (ej)j=0,...,N ne saurait etre labase orthonormee de ce point de vue la plus adequate pour encoder un signal digital oscillant de meme que bien sur la base (fj)j=0,...,N−1 est surement bien moinsinteressante que ne l’est la base canonique pour encoder une combinaison lineairede fonctions pic . C’est face a ce type de problematique que se situe l’interet del’analyse de Fourier discrete.

En effet, prendre la transformee de Fourier discrete d’un signal digital

s = (s(k))k=0,...,N−1 ,

Page 64: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

60 L’analyse de Fourier et ses applications

ce n’est rien d’autre que precisement calculer (au facteur√N pres) les coefficients

de s dans cette nouvelle base orthonormee (fj)j=0,...,N−1 alors que les nombres s(k),k = 0, ..., N − 1 sont les coordonnees de s dans la base canonique.

Proposition 2.1 La N-transformee de Fourier discrete d’un element

(s(0), ..., s(N − 1))

de l2C(0, ..., N − 1 est par definition l’element (s(0), ..., s(N − 1)) defini par

s(j) :=⟨s , (exp(2iπjk/N))k=0,...,N−1

⟩:=

N−1∑k=0

s(k) exp(− 2iπkj

N

)=

N−1∑k=0

s(k)[exp

(− i 2πj

Nt)]

t=k, j = 0, ..., N (2.1)

Il s’agit d’une transformation lineaire inversible de CN dans CN , dont l’applicationinverse est donnee par

s(k) =1

N

N−1∑j=0

s(j) exp2iπjk

N

car la matrice symetrique MN =[exp(−2iπjk/N)

]0≤j,k≤N−1

verifie

MN · (MN)∗ = N IN .

Preuve. Pour voir que MN · (MN)∗ est N fois la matrice identite, on utilise simple-

ment le fait que WN = exp(−2iπ/N) est une racine de XN = 1 et que toutes les ra-cines ξ de cette equation autres que X = 1 (c’est a dire tous lesW k

N , k = 1, ..., N−1)verifient

1 + ξ + ξ2 + · · ·+ ξN−1 = 0 .

Le calcul de MN · (MN)∗ est alors considerablement simplifie. ♦

Dans le cas K = R, un systeme orthogonal interessant de l2R(0, ..., N − 1) est celuiqui est donne par les suites(

αj cosπj(2k + 1)

2N

)k=0,...,N−1

avec α0 =√1/N et αj =

√2/N si j > 0 (ces suites forment, elles, un systeme

orthonorme de l2R(0, ..., N − 1)) et la transformation qui associe au vecteur

(s(0), ..., s(N − 1)) ∈ Rn

le vecteur de coordonnees

scos(j) :=⟨s ,(αj cos

πj(2k + 1)

2N

)k=0,...,N−1

⟩= αj

N−1∑k=0

s(k) cosπj(2k + 1)

2N

= αj

N−1∑k=0

s(k)[cos

πj(2t+ 1)

2N

]t=k

, j = 0, ..., N − 1 ,

Page 65: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret 61

est appelee N-transformation en cosinus discrete. La transformation inverse estdonnee par les formules

s(k) =N−1∑j=0

αjscos(j) cos

πj(2k + 1)

2N, k = 0, ..., N − 1 .

Il faut donc interpreter ces transformations (N -transformation de Fourier discretedans le cas complexe ouN -transformation en cosinus discrete dans le cas reel) commel’effet sur la suite des coordonnees de changements de base ; dans les deux cas, oncherche a decomposer le vecteur (s(0), ..., s(N − 1)) de KN (exprime ainsi dansla base canonique de KN) dans une nouvelle base constituee de fonctions oscil-lantes discretisees aux points 0, ..., N − 1, la gamme de frequences etant [0, 2π[ (lesfrequences etant 0, 2π/N, ..., 2(N − 1)π/N) 3. Ces transformations se transposent aucadre des espaces de Hilbert

l2K(0, ..., N1 − 1 × 0, ..., N2 − 1) .

Par exemple, la (N1, N2)-transformee de Fourier discrete d’une matrice

[I(k1, k2)] 0≤k1≤N1−1

0≤k2≤N2−1

est la matrice [I(j1, j2)] 0≤j1≤N1−1

0≤j2≤N2−1dont les entrees sont donnes par

I(j1, j2) =

N1−1∑k1=0

N2−1∑k2=0

I(k1, k2) exp(− 2iπk1j1

N1

)exp

(− 2iπk2j2

N2

)pour j1 = 0, ..., N1 − 1, j2 = 0, ..., N2 − 1. Les formules inverses sont

I(k1, k2) =1

N1N2

N1−1∑j1=0

N2−1∑j2=0

I(j1, j2) exp2iπk1j1N1

exp2iπk2j2N2

pour k1 = 0, ..., N1 − 1, k2 = 0, ..., N2 − 1. Dans les versions bi-dimensionnelles, onprivilegie souvent pour des raisons pratiques de symetrie les transformations reelles,donc plutot la (N1, N2)-transformation en cosinus discrete plutot que la (N1, N2)-transformation de Fourier discrete 4.

Pour comprendre l’importance de la transformation de Fourier du point de vueoperationnel (on retrouvera toujours cette propriete par la suite), prenons deuxsuites (s1(0), ..., s1(N − 1)) et (s2(0), ..., s2(N − 1)) de l2K(0, ..., N − 1) et associons

3. En fait, cela n’aurait pas grand sens d’envisager des frequences au dela de ce seuil 2π carla discretisation aux entiers 0, 1, ..., N − 1 ne rendrait absolument plus compte des oscillations !Notons que exp(−2iπjk/N) = exp(2iπj(N − k)/N) pour j = [N/2] + 1, ..., N , ce qui fait que l’onpeut aussi considerer que la gamme des frequences explorees (si l’on entend prendre un intervallesymetrique autour de l’origine) est [−π, π].

4. C’est par exemple la version bi-dimensionnelle de la transformation en cosinus discrete quiest l’un des ingredients majeurs des algorithmes de traitement ou de compression d’image telsJPEG (la compression se faisant au niveau de la transformee en cosinus discrete de blocs 8× 8 enlesquels le tableau (N1, N2) a ete prealablement decompose).

Page 66: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

62 L’analyse de Fourier et ses applications

leur les deux polynomes

P1(X) := s1(0) + s1(1)X + · · ·+ s1(N − 1)XN−1 =N−1∑k=0

s1(k)Xk

P2(X) := s2(0) + s2(1)X + · · ·+ s2(N − 1)XN−1 =N−1∑k=0

s2(k)Xk .

Le reste de P1(X)P2(X) apres division euclidienne par XN − 1 est le polynome

N−1∑k=0

(s1 ∗N s2(k))Xk ,

ou

s1 ∗N s2(k) :=N−1∑l=0

s1(k − l)s2(l) =N−1∑l=0

s2(k − l)s1(l) , k = 0, ..., N − 1 , (2.2)

s1 et s2 designant les fonctions definies sur Z et a valeurs dans K prolongeant s1 ets2 par 1-periodicite. On a alors la proposition (et definition) immediate suivante.

Proposition 2.2 L’operation (s1, s2) 7−→ s1 ∗N s2 de (l2K(0, ..., N − 1))2 dansl2K(0, ..., N − 1) est appelee N-convolution cyclique. On a

s1 ∗N s2(j) = s1(j)× s2(j) , ∀ j ∈ 0, ..., N − 1 , (2.3)

ce qui fait de la N-transformee de Fourier discrete un isomorphisme entre le groupe(l2K(0, ..., N − 1, ∗N) et l2K(0, ..., N − 1) equipe de la multiplication terme aterme .

Preuve. On ecrit

P1(X)P2(X) ≡N−1∑k=0

(s1 ∗N s2(k))Xk (mod XN − 1) ,

puis on pose X = exp(−2iπj/N) ; on obtient ainsi

s1(j)s2(j) =N−1∑k=0

(s1 ∗N s2(k)) exp(−2iπjk/N) = s1 ∗N s2(j) ,

ce qui donne le resultat voulu. ♦Ce resultat tres simple (mais d’un interet majeur 5) soutend l’operation algorith-mique de multiplication rapide de polynomes. Multiplier deux polynomes de degreau plus N − 1 est une operation qui consomme N2 multiplications, comme ilest immediat de s’en convaincre si l’on utilise aucune astuce particuliere. Il en estde meme du calcul de la N -transformee de Fourier discrete d’un signal digital delongueur N (on doit multiplier un vecteur par une matrice carree de taille N ×N),sauf dans le cas certes tres particulier (mais pourtant essentiel) N = 2 ou aucune

5. On en retrouvera de nombreuses versions tout au long de ce cours, transposees du cadre finiau cadre discret, du cadre discret au cadre continu,...

Page 67: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret 63

multiplication n’entre en jeu (seulement une addition et une soustraction 6). Oncomprend aisement que si N est tres grand (pensez a N = 106), le cout d’un telcalcul numerique (N2 = 1012) echappe tres vite aux normes raisonnables !

Mais il y eut dans cette histoire un miracle ! Il fallut attendre 1965 pour que deuxingenieurs informaticiens americains, James William Cooley et John Wilder Tukey,mettent au point un algorithme recursif tres simple 7 exploitant la simplicite du casN = 2 et permettant, lorsque N = 2p, d’effectuer le calcul de la N -transformee deFourier discrete d’un signal digital avec p × N/2 = p × 2p−1 et non plus N2 = 22p

multiplications ! Le gain est enorme et declencha a l’aube des annees 1970 ce qui allaitetre la revolution numerique . Jusque la reste instrument theorique au servicedu mathematicien ou du physicien, la transformation de Fourier allait devenir leformidable outil technologique qu’elle n’a cesse d’etre depuis dans tous les domaines(telecommunications, imagerie, equations aux derivees partielles, ...).

La transformation de Fourier lorsque N est une puissance de 2 devient la FastFourier Transform (FFT) et l’on comprend pourquoi les ecrans de television oules consoles d’ordinateur sont souvent des configurations a 1024 sur 1024, 512 sur256,..., pixels. Un role majeur est joue dans de tels algorithmes par une racine 2p

de l’unite, a savoir W2p = exp(−2iπ/2p). Dans le cadre arithmetique, les nombresde Fermat (de la forme 22

m+ 1), avec m grand (donc a fortiori certainement de

la forme 2p + 1) seront amenes ouer un grand role car le groupe des elementsinversibles de Z/(22m + 1)Z (de cardinal precisement une puissance de 2, a savoir22

m) sera dans ce cas cyclique (puisque 22

m+ 1 est premier) et engendre par un

element a auquel on fera jouer le role deW22m ; des algorithmes copies de l’algorithme

de Cooley-Tukey pourront ainsi etre utilises pour implementer rapidement dansZ/(22m + 1)Z l’operation de correlation cyclique. Les calculs sont cette fois descalculs arithmetiques, donc sans pertes, et les applications en codage/decodage,cryptographie, traitement de l’information, analyse et synthese d’images (encodeesau format entier RGB) sont legion. L’algorithme de FFT devient dans ce cadrearithmetique l’algorithme de FNT (Fermat Number Transform). C’est l’algorithmepar exemple decouvert par R. Crandrall et C. Pomerance (2005), inspire de tellesidees et base sur le principe de la multiplication rapide des entiers via la prise spectrearithmetique qui permet aujourd’hui la multiplication rapide d’entiers enormes et,par exemple, la decouverte de nouveaux nombres de Mersenne (nombres premiersde la forme 2m − 1, on en est en 2012 au 46-ieme !) via l’utilisation des tests deprimalite.

6. La 2-transformation de Fourier discrete se resume aux deux formules s(0) = s(0) + s(1) ets(1) = s(0) − s(1) ; c’est d’ailleurs le seul cas ou la matrice de la N -transformation de Fourierdiscrete (dite dans ce cas matrice papillon car c’est sous la forme de ce type de diagrammeque l’on schematise cette transformation) est une matrice reelle.

7. On trouvera par exemple une presentation succinte de l’algorithme de Cooley-Tukeydans mes notes du cours de l’UE N1MA303 : Calcul scientifique et symbolique et initia-tion aux logiciels , en ligne sur http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼ yger/CSSL.pdf, sec-tion 3.1.4 (on trouvera le code MATLAB sur la page http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/initiationMATLAB/Corrige-TP5). La clef de cet algorithme tient simplement dans la re-

marque W 2p−1

2p = −1 si WN := exp(−2iπ/N), les entrees du vecteur colonne s etant prealablementtriees entre entrees d’indice pair et entrees d’indice impair.

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64 L’analyse de Fourier et ses applications

2.2.2 La transformee de Fourier sur l1C(Z)Comme on l’a vu dans la section precedente 2.2.1, le calcul de la transformee de

Fourier d’un element s = (s(0), .., s(N − 1)) de l2C(0, ..., N − 1) revient a calculerle produit scalaire de s avec les versions echantillonnees aux points 0, ..., N − 1 desfonction oscillantes

t 7−→ exp(iωjt) , ωj =2πj

N, j = 0, ..., N − 1 .

Plus N augmente, plus l’eventail de frequences j/N ; j = 0, ..., N − 1 remplitl’intervalle [0, 1[. Le fait maintenant d’imaginer que N tende vers +∞ nous incitea definir la transformee de Fourier d’une suite (sk)k∈Z de l1C(Z) (en calquant lesformules 2.1) comme suit :

Definition 2.1 Soit s = (sk)k∈Z un element de l1C(Z). La transformee de Fourier(ou spectre) de s est la fonction continue 2π-periodique sur R, a valeurs en generalcomplexes 8 :

s : ω ∈ R 7−→∑k∈Z

ske−ikω . (2.4)

L’application F : s 7−→ s ainsi definie est une application lineaire continue injectivedu C-espace de Banach l1C(Z) dans le C-espace de Banach C0(T,C) des fonctionscontinues 2π-periodiques de R dans C, equipe de la norme ‖ ‖∞.

Preuve des affirmations incluses dans la definition. La convergence des deuxseries de fonctions (ω 7→ ske

−ikω)k∈N et (ω 7→ s−keikω)k∈N∗ etant une convergence

normale puisque|s±ke

−±ikω| = |s±k|et ∑

k∈Z

|sk| = ‖s‖1 < +∞

par hypotheses, le spectre s d’un element s ∈ l1C(Z) est une fonction continue (engeneral a valeurs complexes, sauf dans le cas particulier ou s−k = sk pour toutk ∈ Z). De plus, on a

‖s‖∞ := sup[0,2π]

|s| ≤ ‖s‖1 ,

ce qui prouve la continuite de F .Il est immediat de retrouver s a partir de son spectre (cela prouvera donc l’injectivitede F) via les relations

1

∫ 2π

0

s(ω)eikωdω =1

∫ 2π

0

( ∞∑l=−∞

sle−ilω)eiωk dω

=∑l∈Z

sl

( 1

∫ 2π

0

eiω(k−l) dω)= sk

pour tout k ∈ Z (c’est la convergence normale qui permet l’interversion serie/integra-le a la seconde ligne du calcul ci-dessus). ♦

8. Le spectre de (sk)k∈Z est a valeurs reelles si et seulement si s−k = sk , ∀k ∈ Z.

Page 69: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret 65

Remarque 2.1. Attention ! Il est faux que F : s 7−→ s, consideree comme une application injectivede l1C(Z) dans l’espace C0(T,C), soit surjective. Par exemple, si (εk)k≥1 est une suite decroissante denombres positifs tendant vers 0, alors le lemme d’Abel (uniforme) montre que la suite de fonctions

(ω ∈ R 7−→

k∑l=1

εlsin lω

l

)k≥1

converge uniformement sur R vers une fonction continue 2π-periodique ; pour le voir, on utilise lefait qu’il existe une constante absolue C telle que

∥∥∥ω 7−→ N∑k=1

sin kω

k

∥∥∥∞≤ C ∀N ∈ N∗ ;

en effet 9 :

N∑k=1

sin kω

k=

∫ ω

0

( N∑k=1

cos ku)du

=1

2

∫ ω

0

( N∑k=−N

eiku − 1)du

=1

2

∫ ω

0

( sin(N + 1/2)u

sinu/2− 1)du ,

et l’on a a la fois ∣∣∣ ∫ ω

0

sinNu

udu∣∣∣ ≤ K1 , ∀N ∈ N∗ , , ∀ω ∈ [0, π]

et ∫ ω

0

∣∣∣ sin(N + 1/2)u

2 sinu/2− sinNu

u

∣∣∣ du ≤ K2 , ∀N ∈ N∗ , , ∀ω ∈ [0, π]

pour deux constantes absolues K1 et K2. Si l’on choisit par exemple comme suite (εk)k≥1 la suite((log(k + 1))−1)k≥1, on constate que la fonction

ω ∈ R 7−→∞∑k=1

sin kω

k log(k + 1)

est une fonction continue 2π-periodique qui ne peut pas etre la transformee de Fourier d’une suite

de l1C(Z) puisque la serie de Bertrand [1/(p log p)]p≥2 est divergente !

On a vu dans le cours de theorie de l’integration (proposition 4.9 du polycopiede l’UE MA5012) le role essentiel que revetait l’operation interne de convolutiondiscrete entre elements de l1K(Z) (K = R ou C), operation qui a deux suites (s1,k)k∈Zet (s2,k)k∈Z de l1K(Z) associe la suite de terme general

(s1 ∗ s2)k :=∑l∈Z

s1,ls2,k−l =∑l∈Z

s1,k−ls2,l = (s2 ∗ s1)k .

L’importance de cette operation tient surtout au fait que tout operateur lineairecontinu L de l1K(Z) dans lui-meme invariant par translation (c’est-a-dire tel queL[(sk−k0)k] = (L[s]k−k0)k pour tout s = (sk)k dans l1K(Z) et pour tout k0 dans Z 10)se represente precisement comme un tel operateur de convolution

L : s 7−→ h ∗ s ,

9. Le calcul sera conduit plus en details plus loin, voir la suite d’egalites 2.21 dans la section2.3.3.10. Un tel operateur est aussi appele boıte noire ou filtre digital.

Page 70: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

66 L’analyse de Fourier et ses applications

ou h = L[e0], e0 designant la suite (δ0,k)k∈Z, est un element particulier de l1K(Z) ditreponse impulsionnelle du filtre digital L.La proposition 2.2 devient dans ce nouveau contexte l’enonce suivant, confirmant lerole operationnel de la transformation de Fourier, role que l’on retrouvera dansle contexte continu plus tard :

Proposition 2.3 Si s1 et s2 sont deux elements de l1C(Z), on a

s1 ∗ s2(ω) = s1(ω)× s2(ω) , ∀ω ∈ R .

Preuve. C’est une application du theoreme de Fubini et de l’invariance par trans-lation de la mesure de decompte sur Z : on ecrit

s1 ∗ s2(ω) =∑k∈Z

(∑l∈Z

s1,ls2,k−l

)e−iωk

=∑k∈Z

∑l∈Z

s1,ls2,k−le−iωk

=∑k∈Z

∑l∈Z

s1,ls2,k−le−iω(k−l)e−iωl

=∑l∈Z

s1,le−iωl(∑

k∈Z

s2,k−le−iω(k−l)

)=

∑l∈Z

s1,le−iωl(∑

k∈Z

s2,ke−iωk

)= s1(ω)× s2(ω) .

On a applique Fubini deux fois (apres avoir verifie qu’en mettant des modules partoutl’integrale double est convergente, ce qui est vrai car les exponentielles introduitessont de module 1, donc invisibles lorsque l’on prend les modules des termes) : de laligne 1 a la ligne 2, puis de la ligne 3 a la ligne 4. De la ligne 4 a la ligne 5, c’estl’invariance par translation de la mesure de comptage que l’on a utilise. Mais il estclair que la formule exp(z1 + z2) = exp(z1)× exp(z2) (pour passer de la ligne 2 a laligne 3) a joue un role decisif (c’est en fait la clef du probleme). ♦Tout ce que nous avons fait dans cette sous-section s’adapte pour definir naturelle-ment la transformee de Fourier sur l1C(Zn). Par exemple, dans le cas n = 2 (corres-pondant au cadre des images digitales), si [I(k1, k2)]k1,k2∈Z est un tableau (indexepar Z2) d’entrees complexes tel que∑

k1∈Z

∑k2∈Z

|I(k1, k2)| <∞ ,

le spectre de I est la fonction continue (2π-periodique en les deux variables) :

(ω1, ω2) ∈ R2 7−→ I(ω1, ω2) :=∑k1∈Z

∑k2∈Z

I(k1, k2)e−i(k1ω1+k2ω2) . (2.5)

La convolution bidimensionnelle 11 de deux tels tableaux I1 et I2 est le tableau I1∗I2defini par

∀ (k1, k2) ∈ Z2 , (I1 ∗ I2)(k1, k2) =∑l1∈Z

∑l2∈Z

I1(l1, l2)I2(k1 − l1, k2 − l2)

11. On parle aussi de masque a propos d’une image I agissant par convolution sur toutes lesautres.

Page 71: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret 67

=∑l1∈Z

∑l2∈Z

I1(k1 − l1, k2 − l2)I2(l1, l2)

(2.6)

et on a la formule

∀(ω1, ω2) ∈ R2 , I1 ∗ I2(ω1, ω2) = I1(ω1, ω2)× I2(ω1, ω2) . (2.7)

2.2.3 La transformee de Fourier sur l2C(Z)L’espace l2C(Z) (contenant strictement l1C(Z) 12 ) est un cadre de travail plus

propice que celui de l’espace l1C(Z), ce pour deux raisons : d’une part parce que c’estun C-espace de Hilbert (et l’on peut y faire de la geometrie a la Pythagore ),d’autre part parce que la norme l2 correspond a une entite physique , la notiond’energie. Nous allons donc dans ce cadre elargi (par rapport au cadre de l1C(Z))definir la notion de spectre.

On a vu au chapitre 1 (exemple 1.4) que le systeme constitue des fonctions

ω 7−→ exp(ikω) , k ∈ Z ,

constitue une base hilbertienne du C-espace de Hilbert L2C(T). Par consequent, si

(sk)k∈Z est un element de l2C(Z), la serie bilatere des classes de fonctions

ω 7−→∑k∈Z

ske−ikω , k ∈ Z ,

converge (au niveau des classes dans L2C(T)) vers un element s de L2

C(T). Celaconduit a la definition suivante :

Definition 2.2 On appelle spectre s d’un element s = (sk)k∈Z de l2C(Z) l’element sde L2

C(T) (c’est donc une classe de fonction mesurable de R dans C, 2π-periodiqueet d’energie finie sur [0, 2π]) tel que

limN−→+∞

1

∫ 2π

0

∣∣∣s(ω)− N∑k=−N

ske−ikω

∣∣∣2 dω = 0 .

L’application F : s ∈ l2C(Z) 7−→ s ∈ L2C(T) realise une isometrie lineaire bijec-

tive entre ces deux espaces, qui coıncide sur l1C(Z) avec la transformation F de ladefinition 2.1.

Remarque 2.2. Le fait que l’application F de la definition 2.2 realise une isometrie correspond aun principe physique, le principe de conservation d’energie ; nous verrons en effet ulterieurementque la transformation de Fourier F (ou encore la prise de spectre), pensee dans le cadre continuet non plus comme ici discret, a une incarnation concrete en deux dimensions ou trois (on leverra dans une section ulterieure lorsque nous envisagerons la transformation de Fourier agissantsur L1

K(Rn)), a savoir le processus de diffraction a travers une lentille ou un prisme en optiqueou en cristallographie. La formule qui rend compte de ce principe (suivant le premier volet de laproposition 1.9), a savoir ici∑

k∈Z

|sk|2 =1

∫ 2π

0

|s(ω)|2 dω , ∀s = (sk)k∈Z ∈ l2C(Z) ,

12. Si (sk)k∈Z est dans l1C(Z) avec ‖s‖1 ≤ 1, alors on a |sk| ≤ 1 pour tout k ∈ Z et par consequent∑k |sk|2 ≤

∑|sk| = ‖s‖1 ≤ 1.

Page 72: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

68 L’analyse de Fourier et ses applications

est, dans ce cadre discret, connue comme la formule de Parseval 13. Cette formule se duplique dela maniere suivante : si s1 = (s1,k)k∈Z et s2 = (s2,k)k∈Z sont deux elements de l2C(Z),

1

∫ 2π

0

s1(ω)s2(ω) dω =∑k∈Z

s1,ks2,k . (2.8)

Remarque 2.3. Attention ! Au contraire de ce qui se passe concernant le spectre s d’une suite

s ∈ l1C(Z), le spectre d’une suite s de l2C(Z) est une classe de fonctions, non une fonction, donc n’a

pas de definition ponctuelle (s(ω0) pour une valeur specifique de ω0 n’a aucun sens !).

Contrairement a ce qui se passait dans le cadre de l1K(Z), la convolution n’est plusune operation interne sur l2K(Z) (K = R ou C). Cependant, du fait du theoreme deYoung dans le cadre discret (theoreme 4.3 du cours de theorie de l’integration del’UE MA5012), on a le resultat suivant. Si s1 = (s1,k)k∈Z et s2 = (s2,k)k∈Z sont deuxelements de l2K(Z), on peut encore definir leur convolution (sur le modele de ce quel’on a fait pour definir la convolution entre elements de l1K(Z)) ; en effet, pour chaquek ∈ Z, ∑

l∈Z

|s1,l| |s2,k−l| ≤√∑

l∈Z

|s1,l|2 ×√∑

l∈Z

|s2,k−l|2 = ‖s1‖2 × ‖s2‖2 ,

ce qui prouve que

s1 ∗ s2 :=(∑

l∈Z

s1,ls2,k−l

)k∈Z

est bien defini : c’est un element de l∞K (Z) avec

‖s1 ∗ s2‖∞ ≤ ‖s1‖2 ‖s2‖2 .

On a toujours commutativite et associativite de cette operation, e0 est elementneutre, et l’operation coıncide (si on la restreint a l1K(Z)) avec celle qui a ete definiedans le cadre l1.

Dans ce contexte l2, nous avons donc la proposition suivante :

Proposition 2.4 Soit L un operateur lineaire continu de l2C(Z) dans lui-meme telque, pour tout s = (sk)k∈Z ∈ l2C(Z), on ait 14

L[(sk−k0)k∈Z] =(L[s]k−k0

)k∈Z

, ∀k0 ∈ Z . (2.9)

Si h = (hk)k∈Z = L[e0], on a h ∈ L∞C (T). De plus, pour tout s ∈ l2C(Z), on a

L[s] = s ∗ h ∈ l2C(Z)

13. C’est au mathematicien francais Marc Antoine Parseval des Chenes (1755-1836), dontd’ailleurs on connaıt tres peu de la vie, que revient en 1799 l’intuition de la formule qui porteson nom ; la formule de Plancherel concerne plutot, elle, la theorie relative a la transformationintegrale de Fourier (point de vue continu, que l’on verra lorsque nous envisagerons la transforma-tion de Fourier agissant sur L2

C(Rn), et non, comme ici, dans un cadre discret.14. Cette derniere condition (2.9) signifie que les parametres de l’appareil realisant l’action L

sont immuables dans le temps. On dit qu’un tel operateur lineaire continu L est un filtre discretstationnaire, ce dernier qualificatif rendant precisement compte de l’immuabilite dans le temps desparametres de l’appareil realisant l’action du filtre.

Page 73: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.2 Transformation de Fourier dans le cadre discret 69

et

s ∗ h = s× h (2.10)

(la derniere egalite etant entendue au sens des fonctions 2π-periodiques a valeurscomplexes definies presque partout). Reciproquement, si h ∈ l2C(Z) est tel que l’on

ait h ∈ L∞C (T), l’operateur

s 7−→ F−1[s · h]est un operateur lineaire continu de l2C(Z) dans lui-meme, tel que L[e0] = h, se plianta la clause (2.9).

Preuve. Prouvons d’abord l’assertion directe. En utilisant la linearite et la conti-nuite de L), couplees avec la clause (2.9), on voit, si h = L[e0], que

∀k ∈ Z , L[s]k =∑l∈Z

slhk−l =∑l∈Z

hlsk−l .

On a donc bien L[s] = s ∗ h ; on a affaire avec L[s] a priori a un element de l∞C (Z),mais de fait cet element est dans l2C(Z) puisque L est suppose etre un operateur del2C(Z) dans lui-meme. La propriete (2.10) se montre en observant tout d’abord quela continuite de L, combinee avec la continuite de F , permettent de se ramener aucas ou les sk sont tous nuls pour |k| > M , M etant un entier positif (on approche

ensuite s dans l2C(Z) par ses versions tronquees s(n) ou s(n)k = sk si |k| ≤ n,

s(n)k = 0 sinon). Pour un tel s et pour tout N ∈ N, on a

N∑k=−N

(s ∗ h)k e−ikω =N∑

k=−N

( M∑l=−M

slhk−l

)e−ikω

=M∑

l=−M

sl

( N∑k=−N

hk−le−ikω

)=

M∑l=−M

sl

( N∑k=−N

hk−le−i(k−l)ωe−ilω

)=

M∑l=−M

sle−ilω( N−l∑

k=−N−l

hke−ikω

)(2.11)

(grace au theoreme de Fubini applicable ici car les ensembles d’integration sont finiset a l’invariance par translation de la mesure de comptage). Comme

limN→∞L2C(T)

(ω 7−→

N−l∑k=−N−l

hke−ikω

)= h

pour tout l ∈ −M, ...,M (par continuite de F sur l2C(Z)) et que

limN→∞L2C(T)

(ω 7−→

N∑k=−N

(s ∗ h)k e−ikω)= s ∗ h ,

on deduit bien de (2.11) en faisant tendre N vers l’infini et en prenant les limitesdans L2

C(T) la formule (2.10). Comme ‖L[s]‖2 ≤ C‖s‖2 pour tout s ∈ l2C(Z) (pour

Page 74: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

70 L’analyse de Fourier et ses applications

une certaine constante C ≥ 0) parce que L est continu de l2C(Z) dans lui-meme, ona

‖L[s]‖22 =1

∫ 2π

0

|s ∗ h(ω)|2 dω =1

∫ 2π

0

|s(ω)|2 |h(ω)|2 dω

≤ C2‖s‖22 = C2

∫ 2π

0

|s(ω)|2 dω

pour tout s dans l2C(Z), donc pour tout s dans L2C(T) ; on en deduit

|h(ω)|2 ≤ C2 pour presque tout ω ,

donc que h est dans L∞C (T), de norme ‖h‖∞ ≤ C.

L’assertion reciproque resulte de la continuite de F−1 et du fait que l’operateurde L2

C(T) dans lui-meme defini par multiplication par une fonction 2π-periodiquemesurable essentiellement bornee par une constante C est un operateur continu denorme inferieure ou egale a C. Le fait que l’operateur ainsi construit se plie a laclause (2.9) resulte du fait que la spectre de (sk−k0)k s’obtient en multipliant s parla classe du caractere ω 7−→ e−ik0ω. ♦Remarque 2.4 : le vocabulaire des ingenieurs. Etant donne un tel filtre discret stationnaireL, la classe de la fonction 2π-periodique h (ou h = L[e0]) est dite transformee de Fourier du filtre,tandis que la classe de la fonction 2π-periodique

ω ∈ R 7−→∑k∈Z

hkeikω

est dite fonction de transfert du filtre L. La classe DL de |h|2 dans L∞C (T) est appelee densite

spectrale de puissance du filtre L. L’energie de L[s] s’obtient donc (via la formule de Parseval) par

‖L[s]‖22 =1

∫[0,2π[

DL(ω) |s(ω)|2 dω .

Exemple 2.1. Un exemple important de cette proposition est celui des operateurs de la forme

s 7−→ s ∗ h

ou h = (hk)k∈Z est un element de l1C(Z). On remarque en effet dans ce cas que l’operateur

Lh : s ∈ l2C(Z) 7−→ F−1[h · s]

est bien continu de l2C(Z) dans lui-meme et que Lh[e0] = F−1[h] = h ; la convolee de s et de

h (considere comme element de l2C(Z)) est donc bien dans l2C(Z) et on definit ainsi un operateur

continu de l2C(Z) dans lui-meme.

Tous les resultats etablis dans cette section en dimension 1 se transposent naturel-lement, exactement comme nous l’avons vu a la fin de la section 2.2.2 (par exemple,dans le cas n = 2, memes definitions pour le spectre et pour la convolutions de deuxtableaux dont l’un des deux a un spectre dans L∞

C (T2) que les definitions (2.5), (2.6)et meme formule (2.7)).

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de

fonctions 2π-periodiques

On note toujours K = R ou C. Les deux espaces qui vont nous interesser danscette section sont les K-espaces de Hilbert L2

K(T) et les K-espaces de Banach L1K(T)

Page 75: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 71

(le premier K-espace vectoriel s’injecte ici continuement dans le second, alors quel’on avait l1K(Z) ⊂ l2K(Z)). On rappelle que, si p ∈ [1,∞], la norme ‖ ‖T,p est definiepar

‖f‖pT,p :=1

∫[0,2π[

|f(θ)|p dθ .

Ces definitions peuvent bien sur etre etendues au cadre multidimensionnel, avec ladefinition des K-espaces de Banach Lp

K(Tn), avec leur norme definie par

‖f‖pT,p :=1

(2π)n

∫([0,2π[)n

|f(θ)|p dθ ,

mais, pour simplifier les choses ici, nous nous limiterons essentiellement dans cettesection au cas n = 1.

2.3.1 La transformation de Fourier sur L2K(T)

On notera a partir de maintenant

‖f‖2T,2 :=1

∫ 2π

0

|f(θ)|2 dθ

le carre de la norme hilbertienne d’un element f du K-espace de Hilbert L2K(T), f

etant un representant de la classe f .

On a vu dans la section 2.2.3 que l’application F (prise de spectre ou transformationde Fourier) transformait les suites (sk)k∈Z de l2C(Z) de maniere isometrique en leselements s de L2

C(T). L’application inverse F−1 est l’application

F−1 : f ∈ L2C(T) 7−→

( 1

∫ 2π

0

f(θ)eikθdθ)k∈Z

. (2.12)

Comme on l’a vu des l’introduction de la transformation discrete (proposition 2.1),le principe de l’inversion de la transformee de Fourier est, du point de vue algebrique,celui qui consiste a remplacer un certain operateur (de matrice M dans le cas de latransformation de Fourier discrete) par l’operateur conjugue (de matrice M aune constante pres dans le cas de la transformation de Fourier discrete). Suivant ceprincipe, puisque F−1 : L2

C(T) 7−→ l2C(Z) est definie suivant le mecanisme (2.12), ilest naturel de definir la transformation de Fourier T F : L2

C(T) 7−→ l2C(Z) suivant lemecanisme

T F = F−1 : f ∈ L2C(T) 7−→

( 1

∫ 2π

0

f(θ)e−ikθdθ)k∈Z

. (2.13)

Le nombre

ck(f) :=1

∫ 2π

0

f(θ)e−ikθdθ, k ∈ Z ,

(qui est appele k-eme coefficient de Fourier complexe de f) represente le produit sca-laire (ou plus concretement la correlation ) entre f et l’harmonique fondamentaleek de periode 2π, classe de :

θ 7−→ eikθ , k ∈ Z .

Page 76: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

72 L’analyse de Fourier et ses applications

Remarquons que les seules fonctions oscillantes elementaires sur R du type

t 7−→ eiωt

avec ω ∈ R qui soient 2π-periodiques sont precisement les fonctions

θ 7−→ eikθ , k ∈ Z ,

et uniquement celles-ci. Le dictionnaire (denombrable) D constitue de classes deces fonctions est bien LE dictionnaire de toutes les classes de fonctions oscillanteselementaires de la forme t 7−→ eiωt qui soient 2π-periodiques. Calculer le spectred’une classe de fonction 2π-periodique f ∈ L2

C(R/2πZ), c’est chercher a exprimerf suivant precisement ce dictionnaire, ce aux fins de reconnaıtre en f une certainecombinaison de fonctions oscillantes elementaires 15. Ceci revient a calculer la listedes coordonnees (〈f , ek〉)k∈Z de f dans la base hilbertienne (ek)k∈Z de L2

C(T) (voirl’exemple 1.4).

Definition 2.3 On appelle spectre (complexe) d’un element f ∈ L2C(T) la suite

(ck(f))k∈Z = (〈f , ek〉)k∈Z ∈ l2C(Z)

de ses coefficients de Fourier. L’application T F de prise de spectre est une isometriebijective entre ces deux espaces, l’inverse etant l’application

(T F)−1 = F : (sk)k∈Z 7−→(θ 7−→

∑k∈Z

skeikθ),

ou la convergence de la serie∑

k skeik(·) est entendue au sens de la norme ‖ ‖T,2,

soit

f = limN→∞L2R(T)

(θ 7−→

N∑k=−N

ck(f)eikθ). (2.14)

Remarque 2.5. Le fait que T F soit une isometrie (ce qui correspond toujours a la conservationd’energie apres prise de spectre) nous assure que si f1 et f2 sont deux elements de L2

C(T), alors :

1

∫ 2π

0

f1(θ)f2(θ) dθ =∑k∈Z

ck(f1)ck(f2) . (2.15)

C’est la version dupliquee de la formule de Parseval (que nous avons en fait deja rencontre en

2.8).

Pour f ∈ L2C(T) et N ∈ N, le polynome trigonometrique

SN [f ] : θ 7−→N∑

k=−N

ck(f)eikθ

15. Il est intuitivement evident que cette prise de spectre n’est sans doute pas la chose la plusintelligente a tenter lorsqu’il est manifeste que f ne s’exprime pas naturellement dans le dictionnaireD ; pensez par exemple a la fonction obtenue en 2π-periodisant une fonction pic telle la fonctiongε, avec ε petit, definie par

gε(t) :=1√2πε

exp(− t2

2ε2

).

Page 77: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 73

est appele N -ieme somme partielle de Fourier de f . Du point de vue de la geometriehilbertienne, sa classe est la projection orthogonale de f sur le sous-espace vectorielengendre par les harmoniques fondamentales ek, −N ≤ k ≤ N , de representants

ek : θ 7−→ eikθ , k = −N, ..., N .

On remarque, si l’on pose

ak(f) :=1

π

∫ 2π

0

f(θ) cos(kθ) dθ , k ∈ N

bk(f) :=1

π

∫ 2π

0

f(θ) sin(kθ) dθ , k ∈ N∗ ,

on peut reecrire

SN [f ](θ) =a0(f)

2+

N∑k=1

(ak(f) cos(kθ) + bk(f) sin(kθ)

), ∀θ ∈ R . (2.16)

Ces remarques nous conduisent a la definition suivante (dans le cadre reel cettefois) :

Definition 2.4 On appelle spectre (reel) d’un element f ∈ L2R(T) la liste des sca-

laires (a0(f), (ak(f), bk(f))k≥1). Pour tout f ∈ L2R(T), on a

f = limN→∞L2R(T)

(θ 7−→ a0(f)

2+

N∑k=1

(ak(f) cos(kθ) + bk(f) sin(kθ)

)); (2.17)

de plus

‖f‖2T,2 =(a0(f))

2

4+

1

2

∞∑k=1

‖(ak(f), bk(f))‖2 .

Preuve. Les assertions completant cette definition sont de simples transcriptionsdes assertions de la definition 2.3 via la reecriture 2.16 et les relations a0(f) = 2c0(f)et ak(f) + ibk(f) = 2ck(f), ak(f)− ibk(f) = 2c−k(f) si k ≥ 1. ♦Les formules d’inversion (2.14) et (2.17) sont a la base meme de l’analyse de Fourierdes signaux periodiques 16. Tout ceci se transpose bien sur au cadre multidimension-nel.

2.3.2 La transformation de Fourier sur L1K(T)

Si K = R ou C, le K-espace de Banach L1K(T) contient strictement (comme K-

sous-espace ferme) le K-sous-espace L2K(T) ; l’injection du K-espace de Hilbert L2

K(T)(equipe de sa norme ‖ ‖T,2) dans L1

K(T) (equipe de sa norme ‖ ‖T,1) est d’ailleursune injection lineaire continue. L’action de la transformation de Fourier, definie a la

16. C’est l’idee de base du mathematicien francais Jean-Baptiste Joseph Fourier (1768-1830),sur laquelle repose l’etude des phenomenes physiques oscillants, qu’en un sens a preciser,tout phenomene physique 1-dimensionnel T -periodique se realise comme un empilement deT -harmoniques fondamentales complexes (resp. reelles), affectees de coefficients correspondantprecisement aux coefficients de Fourier complexes (resp. reels).

Page 78: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

74 L’analyse de Fourier et ses applications

section precedente sur L2K(T), s’etend de fait au cadre elargi qu’est celui du K-espace

de Banach L1K(T). L’aspect hilbertien sera toutefois perdu et l’on ne pourra donc

plus en profiter dans ce cadre elargi.

Si f est un element de L1C(T), on peut toujours definir la suite (ck(f))k∈Z de ses

coefficients de Fourier complexes :

ck(f) :=1

∫ 2π

0

f(θ) e−ikθ dθ , k ∈ Z ,

quand bien meme on ne peut plus interpreter ces nombres comme des produitsscalaires entre deux elements d’un C-espace de Hilbert.

Definition 2.5 On appelle spectre (complexe) d’un element f ∈ L1C(T) la suite

(ck(f))k∈Z de ses coefficients de Fourier. L’application T F de prise de spectre est uneapplication lineaire continue de L1

C(T) dans l’espace de Banach l∞,0C (Z) des suites de

nombres complexes tendant vers 0 a l’infini 17 , equipe de la norme uniforme. Cetteapplication prolonge l’application T F : L2

C(T) 7−→ l2C(Z) de la definition 2.3.

Preuve. On a immediatement

supk|ck(f)| ≤ ‖f‖T,1 . (2.18)

Pour tout k ∈ N∗, on introduit (comme dans l’exemple 1.10) la classe Ψk de L1R(T),

de representant la fonction polynomiale trigonometrique

θ 7−→ 2π

(1+cos θ

2

)k∫[−π,π[

(1+cosu

2

)kdu

.

D’apres la proposition 1.13 appliquee avec l’exemple 1.10, on peut, etant donneε > 0, choisir kε ∈ N∗ assez grand pour que

‖f − fper∗ Ψkε‖ < ε .

Or, si kε est ainsi fixe, la classe

fper∗ Ψkε

a pour representant une fonction de la forme

θ 7−→kε∑−kη

ckε,l(f)eilθ

et l’on verifie immediatement que l’on a

ck(fper∗ Ψkε) = 0

pour |k| > kε. On a donc

∀ k ∈ Z , |k| > kε =⇒ |ck(f)| = |ck(f − fper∗ Ψkε)| ≤ ε .

17. Cette propriete, pour la suite (ck(f))k∈Z des coefficients de Fourier d’un element de L1C(T),

de tendre vers 0 a l’infini, est la version discrete du lemme de Riemann-Lebesgue.

Page 79: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 75

Ceci prouve bien

lim|k|→+∞

|ck(f)| = 0

et donc le fait que l’operation T F de prise de spectre realise une application C-lineaire de L1

C(T) dans l’espace de Banach l∞,0C (Z), sous-espace ferme de l∞C (Z)

constitue des suites tendant vers 0 a l’infini. La continuite de la prise de spectrecomplexe resulte de la majoration 2.18. ♦Remarque 2.6. Attention ! La transformation de Fourier T F : L1

C(T) −→ l∞,0C (Z) n’est malheu-

reusement pas surjective : pour le voir, anticipons un peu le cours et prenons par exemple la suite(uk)k∈Z de l∞,0

C (Z) definie par

uk =

1

i log k, si k ≥ 2

0 si k = −1, 0, 1

− 1

i log |k|si k ≤ −2 .

S’il existait f dans L1C(T) tel que uk = ck(f) et que l’on introduise la fonction (necessairement

continue et 2π-periodique puisque f ∈ L1C(T) et que c0(f) = 0) definie par

F (θ) =

∫ θ

0

f(u) du , θ ∈ R ,

on verifierait par integration par parties que, pour tout k tel que |k| ≥ 2,

c|k|(F ) =1

∫ 2π

0

F (θ)e−ikθ dθ =1

[F (θ)

e−ikθ

−ik

]2π0

+1

ikck(f) = −

1

|k| log |k|.

Mais la serie de Bertrand [1/(p log p)]p≥2 est une serie divergente 18, alors que le theoreme de Fejerversion locale (que nous verrons plus loin, theoreme 2.3) nous indique que

limN→+∞

(c0(F )−

1

N

N−1∑n=0

n∑k=−n

k 6=−1,0,1

1

|k| log |k|

)= F (0) = 0 .

Or, commen∑

k=−n

k 6=−1,0,1

1

|k| log |k|∼ 2 log(log n)

n→+∞−→ +∞ ,

on a

limN→+∞

(− 1

N

N−1∑n=0

n∑k=−n

k 6=−1,0,1

1

|k| log |k|

)= −∞ ,

ce qui est contradictoire.

Comme dans le contexte discret (propositions 2.2, 2.3, 2.4), la transformation T Ftransforme l’operation de convolution 2π-periodique entre elements de L1

C(T), definieen (1.28) par le fait que f

per∗ g a pour representant

θ 7−→ 1

∫[0,2π[

f(θ − u)g(u) du =1

∫[0,2π[

f(u)g(θ − u) du p.p. ,

en multiplication terme a terme au niveau des spectres. On a le resultat suivant :

18. Voir par exemple le polycopie du cours d’Analyse 3 (Semestre 4).

Page 80: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

76 L’analyse de Fourier et ses applications

Proposition 2.5 Soit f1 et f2 deux elements de L1C(T). Pour tout k ∈ Z, on a

ck(f1per∗ f2) = ck(f1)× ck(f2) .

Preuve. On a

ck(f1per∗ f2) =

1

∫ 2π

0

( 1

∫ 2π

0

f1(u)f2(θ − u) du)e−ikθ dθ

=1

4π2

∫ 2π

0

f1(u)(∫ 2π

0

f2(θ − u)e−ik(θ−u)dθ)e−iku du

=1

4π2

∫ 2π

0

f1(u)e−iku

(∫ 2π

0

f2(θ)e−ikθdθ

)du

= ck(f1)× ck(f2)

(le theoreme de Fubini permet de passer de la ligne 1 a la ligne 2, puis vient lefait que l’exponentielle echange addition et multiplication, enfin pour finir on utilisel’invariance de la mesure de decompte par translation). ♦Pour envisager la restitution de f a partir de la connaissance des coefficients deFourier ck(f), k ∈ Z, on peut par exemple utiliser la propriete (proposition 1.13 etexemple 1.10) :

f = limk→∞L1C(T)

(fper∗ Ψk) ,

ou

Ψk : θ 7−→ 2π

(1+cos θ

2

)k∫[−π,π[

(1+cosu

2

)kdu

=l=k∑l=−k

γk,leilθ , k ∈ N∗ .

On remarque en effet, grace a la proposition 2.5, que l’on a

fper∗ Ψk =

l=k∑l=−k

γk,lcl(f) el ,

ce qui nous permet d’affirmer

limk→+∞

∥∥∥f − k∑l=−k

γk,lcl(f) el

∥∥∥T,1

= 0 . (2.19)

On dispose ainsi d’un procede en deux temps pour reconstituer f a partirde la connaissance de son spectre complexe : pour rendre l’erreur d’approximationassez petite, il faut commencer par fixer k assez grand, puis, ce choix etant fait,former la classe du polynome trigonometrique

θ 7−→k∑

l=−k

γk,lcl(f) eilθ .

Un tel procede s’appelle un procede tauberien 19.

19. La terminologie fait reference au mathematicien austro-hongrois Alfred Tauber, ne en 1866et mort en deportation autour de 1942, qui a introduit ce type de procede pour resommer desseries divergentes.

Page 81: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 77

Bien sur un resultat ideal au niveau de l’inversion de la transformation T F :L1C(T) 7−→ l∞,0

C (Z) aurait ete

limN→+∞

∥∥∥f − N∑k=−N

ck(f) e−ikθ∥∥∥T,1

= 0 .

Mais il se trouve que ce resultat est FAUX en general pour f ∈ L1C(T) ! 20. Nous y

reviendrons dans la section suivante et verrons comment rectifier le tir.

Il est un cas particulier important ou l’inversion de la transformation de Fourier estimmediate (vous avez surement croise l’exemple 2.2 qui l’illustre dans le cours deL2 sur les series de Fourier) :

Proposition 2.6 Si f est un element de L1C(T) tel que la suite (ck(f))k∈Z soit dans

l1C(Z), un representant de f est donne par la fonction continue 2π-periodique

θ 7−→∞∑

k=−∞

ck(f) eikθ , (2.20)

la serie ci-dessus etant normalement convergente sur R.

Preuve. La convergence normale de la serie (2.20) est immediate ; la suite (ck)k∈Zest aussi un element de l2C(Z) et f est aussi la limite dans L2

C(T) de la suite desclasses ( N∑

k=−N

ck(f)ek

)N∈N∗

(puisque l’injection de L2C(T) dans L1

C(T) est continue). La classe f est dans L2C(T)

et, d’apres le fait que l’on puisse extraire d’une suite (SN)N∈N convergeant dansL2C(T) une sous-suite dont les representants convergent presque partout (avatar du

theoreme de Riesz-Fischer, voir la proposition 4.6 du cours de theorie de l’integration),un representant de f est bien la fonction 2π-periodique continue

θ 7−→∞∑

k=−∞

ck(f) eikθ .

La proposition est demontree. ♦Exemple 2.2. Un exemple majeur d’application de ce resultat est celui ou f est la classe d’unefonction 2π-periodique continue et C1 par morceaux, c’est-a-dire telle qu’il existe une subdivision

a0 = 0 < a1 < a2 < . . . < aN = 2π

20. Ceci est cependant vrai des que que f admet un representant dans L2C(T), en vertu de la

formule (2.14) etablie a la section 2.3.1 et du fait que la convergence dans L2C(T) implique la

convergence dans L1C(T), ce qui complique singulierement le probleme pour exhiber un contre-

exemple. En fait, on peut exhiber un element f de L1C(T) tel que la suite de fonctions (SN [f ])N∈Z

diverge presque partout sur R ; on ne peut donc extraire de sous-suite convergente presque partout,ce qui aurait ete le cas si la suite (SN [f ])N≥0 avait converge vers f dans L1

C(T) (proposition 4.6 ducours de theorie de l’integration MA5012). Pour voir comment effectuer cette construction (subtile),voir par exemple le livre d’Y. Katznelson, An introduction to harmonic analysis, John Wiley andSons, 1968, pp. 59-61 (voir aussi les exercices p. 50 du meme ouvrage). Cette construction sort ducadre du cours, mais il etait utile de mentionner le resultat.

Page 82: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

78 L’analyse de Fourier et ses applications

de maniere a ce que la restriction de f a chaque segment [aj , aj+1], j = 0, ..., N−1, soit de classe C1.Alors, on verifie facilement en ecrivant (grace a des integrations par parties sur chaque [aj , aj+1],pour k ∈ Z∗,

2πck(f) =N−1∑j=0

∫ aj+1

aj

f(θ)e−ikθ dθ

=N−1∑j=0

([f(θ)

e−ikθ

−ik

]aj+1

aj

+1

ik

∫ aj+1

aj

f ′(θ)e−ikθ dθ),

que

(ik)ck(f) = ck(g) ,

ou g est definie par g(θ) = f ′(θ) sur R prive des aj+2πZ, j = 0, ..., N . Comme g est dans L2C(T), la

suite (ck(g))k∈Z est dans l2C(Z) et la suite (ck(f))k∈Z est dans l1C(Z) grace a l’inegalite de Cauchy-Schwarz (comme produit terme a terme de deux elements de l2C(Z)). La proposition 2.6 s’appliqueici et l’on peut affirmer que

f(θ) =∑k∈Z

ck(f)eikθ ∀θ ∈ R ,

la serie de fonctions au second membre etant normalement convergente sur R.

On termine cette section en disant deux mots du cas reel, ou la notion de spectreest plus mal commode a gerer (on preferera de loin a travailler, meme lorsque l’ona affaire a des elements de L1

R(T), avec le spectre complexe en pensant ces elementscomme des elements de L2

C(T)).

Definition 2.6 On appelle spectre (reel) d’un element f ∈ L1R(T) la collection(

a0(f), (ak(f), bk(f))k∈N∗

)de ses coefficients reels :

ak(f) :=1

π

∫ 2π

0

f(θ) cos(kθ) dθ , k ∈ N

bk(f) :=1

π

∫ 2π

0

f(θ) sin(kθ) dθ , k ∈ N∗ .

On a limk→+∞

‖(ak(f), bk(f))‖ = 0. Cette application prolonge l’application T F :

L2R(T) 7−→ l2R(Z) de la definition 2.4.

Le point important a retenir concernant la transformation de Fourier reelle et sarelation avec la transformee de Fourier complexe est la double ecriture des sommespartielles de Fourier

SN [f ](θ) =N∑

k=−N

ck(f)eikθ =

a0(f)

2+

N∑k=1

(ak(f) cos(kθ) + bk(f) sin(kθ)) , ∀N ≥ 1 .

et toujours les relations ak(f) + ibk(f) = 2ck(f), ak(f)− ibk(f) = 2c−k(f) si k ≥ 1.

Page 83: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 79

2.3.3 Les theoremes de Dirichlet et de Fejer

−3 −2 −1 0 1 2 3−1

−0.5

0

0.5

1

1.5

2

2.5

3

3.5

Figure 2.1 – Graphes sur [−π, π] de DN/2π, N = 1, 5, 10

Si f est un element de L1C(T), il est facile d’exprimer SN [f ] comme la convolee

2π-periodique de f et d’un certain noyau (dependant de N) ; on a en effet :

∀θ ∈ R , SN [f ](θ) =k=N∑k=−N

(1

∫ 2π

0

f(u)e−ikudu

)eikθ

=

∫ 2π

0

f(u)

[1

k=N∑k=−N

eik(θ−u)

]du

=

∫ 2π

0

f(u)

[1

(2Re

( N∑k=0

eik(θ−u))− 1

)]du

=

∫ 2π

0

f(u)

[1

(2Re

[1− ei(N+1)(θ−u)

1− ei(θ−u)

]− 1

)]du

=

∫ 2π

0

f(u)

[1

(2Re

[e−i

N(t−u)2

sin (N+1)(θ−u)2

sin θ−u2

]− 1

)]du

=

∫ 2π

0

f(u)

[1

(2 cos N(θ−u)

2sin (N+1)(θ−u)

2

sin θ−u2

− 1

)]du

=1

∫ 2π

0

f(u)DN(θ − u) du , (2.21)

ou DN est la fonction continue 2π-periodique continue definie par

DN(θ) :=k=N∑k=−N

eikθ =

sin(N + 1

2)θ

sin θ2

si θ 6= 0 mod. 2π

2N + 1 si θ = 0 mod. 2π .

Page 84: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

80 L’analyse de Fourier et ses applications

Cette fonction DN , dont nous avons represente le graphe pour diverses valeurs deN (N = 1, 5, 10) sur la figure 2.1, est appelee noyau de Dirichlet (d’ordre N) 21. Cegraphe sur [−π, π] presente un lobe central et des lobes lateraux ; on remarque quel’integrale sur [−π, π] de la fonction DN vaut 2π, mais que cette fonction DN n’estpas positive, ce qui representera, on le verra plus loin, un handicap important : lanorme ‖DN‖T,1 tend vers +∞ lorsque N tend vers l’infini !

Reprenons maintenant K = R ou C. On peut donc ecrire, pour tout f ∈ L1K(T) :

SN [f ] = fper∗ DN . (2.22)

Nous pouvons alors enoncer le resultat suivant dans le cadre L1K(T) :

Theoreme 2.1 (Theoreme de Jordan-Dirichlet) Soit f ∈ L1K(T) et θ0 ∈ R, l ∈

K deux scalaires tels que∫ π

0

|f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l||u|

du < +∞ . (2.23)

alors

limN→+∞

SN [f ](θ0) = l .

Remarque 2.7 et rappels de L2. Il s’agit ici d’un resultat de nature tres differente de ce que nousavons fait jusque la, a savoir un resultat local. On en connaıt depuis le cours de L2 22 l’applicationmajeure : si f a un representant f presentant une limite a gauche (f(θ0 − 0)) en θ0 ainsi qu’unelimite a droite (f(θ0 + 0)) en ce meme point, alors on peut affirmer que

limN→+∞

SN [f ](θ0) =f(θ0 − 0) + f(θ0 + 0)

2

a condition toutefois que soit remplie la clause de securite suivante :Le graphe de f presente des demi-tangentes a gauche et a droite respectivementaux points (θ0, f(θ0 − 0)) et (θ0, f(θ0 + 0)).Si tel est le cas, on peut ecrire en effet, dans ]0, ε] avec ε > 0 assez petit

f(θ0 + u) = f(θ0 + 0) + uf ′(θ0 + 0) + uϕ(u)

f(θ0 − u) = f(θ0 − 0)− uf ′(θ0 − 0) + uψ(u)

ou ϕ et ψ sont des fonctions bornees sur ]0, ε], et par consequent

|f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− (f(θ0 − 0) + f(θ0 + 0))||u|

= |f ′(θ0 + 0)− f ′(θ0 − 0) + o(1)| ≤ c

pour une certaine constante c > 0 ; la clause (2.23) est donc bien remplie et l’on a dans ce cas

limN→+∞

SN [f ](θ0) =f(θ0 + 0) + f(θ0 − 0)

2.

21. La terminologie fait reference a l’analyste et theoricien des nombres allemand Johann PeterGustav Lejeune Dirichlet (1805-1859) qui l’introduisit et le manipula en 1828.22. Voir le polycopie du cours d’Analyse 3 (ancienement MHT401), en ligne sur :

http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/mat401.pdf

Page 85: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 81

Preuve. On ecrit, en utilisant la formule (2.22) en θ0, la parite de DN et le fait queDN soit d’integrale 2π sur [θ0 − π, θ0 + π],

SN [f ](θ0)− l =1

∫ θ0+π

θ0−π

(f(θ0 − u)− l)DN(u) du

=1

∫ π

0

(f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l)DN(u) du

=1

∫ π

0

f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l

u

u

sin(u/2)sin[(N +

1

2

)u]du .

La fonction

u 7−→ χ[0,π](u)f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l

u

u

sin(u/2),

prolongee par 2π-periodicite, definit (du fait de l’hypothese (2.23)) une classe deL1K(T) et l’on conclut avec le lemme de Riemann-Lebesgue mentionne dans les

definitions 2.5 et 2.6. ♦Ce resultat est vraiment un resultat local ; pour nous en convaincre, voici un exempletroublant.

On considere la fonction 2π-periodique ϕ definie par

ϕ(θ) =

1 si θ ∈ [−π, 0[0 si θ ∈ [0, π[ .

(2.24)

Cette fonction definit un element de L1C(T).

−3 −2 −1 0 1 2 3−0.2

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

Figure 2.2 – Phenomene de Gibbs pour ϕ avec N = 10 et N = 25

Sur la figure 2.2, voici ce que l’on observe, en tracant les graphes de S10[ϕ] (entrait plein) et S25[ϕ] (en pointilles) : lorsque N augmente, il y a un phenomene de rehaussement de la fonction ϕ (lorsqu’on tente de l’approcher par SN [ϕ]) avantla singularite en 0 et d’ affaissement passee cette singularite ; l’amplitude de cephenomene ne flechit pas lorsque N augmente, c’est ce que l’on appelle un effet

Page 86: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

82 L’analyse de Fourier et ses applications

d’aliasing ; c’est le phenomene de Gibbs 23, qui refroidit ici nos espoirs d’approcherdans L1

K(T) la classe f par la suite (SN [f ])N≥0.

Pour tenter une parade, nous allons couper en douceur les composantes hautes-frequences , c’est-a-dire les contributions a f des

θ 7−→ eikθ , |k| > N .

On envisage pour cela

TN [f ] : θ 7−→N∑

k=−N

(1− |k|

N

)ck(f) e

ikθ

que l’on appelle la N-ieme somme de Fejer 24 de f . Reprenons ici les calculs detrigonometrie que nous avons fait pour exprimer SN [f ] en terme d’une convolution2π-periodique avec le noyau de Dirichlet (formule (2.22)). On a :

∀θ ∈ R , TN [f ](θ) =k=N−1∑

k=−(N−1)

N − |k|N

(1

∫ 2π

0

f(u)e−ikudu

)eikθ

=1

N

∫ 2π

0

f(u)

[1

k=N−1∑k=−N−1

(N − |k|)eik(θ−u)

]du

=1

N

∫ 2π

0

f(u)

[1

(2Re

(N−1∑k=0

(N − k)eik(θ−u))−N

)]du

Or, pour θ reel et non congru a 0 (modulo 2π)

2Re(N−1∑

k=0

(N − k)eikθ)−N = NΦN−1(θ)−

d

dθ[ΨN−1(θ)]

avec

ΦN−1(θ) := 2Re[N−1∑

k=0

eikθ]− 1 =

sin

[(N − 1

2

]sin θ

2

(voir le calcul du noyau de Dirichlet DN−1 fait precedemment) et

ΨN−1(θ) := 2 Im[N−1∑

k=0

eikθ]

= 2 Im

[1− eiNθ

1− eiθ

]= 2 Im

(ei

(N−1)θ2

sin Nθ2

sin θ2

)=

2 sin (N−1)θ2

sin Nθ2

sin θ2

= −cos[(N − 1

2

)θ]− cos

(θ2

)sin θ

2

.

23. H. Wilbraham l’observa en 1848 et c’est Josiah W. Gibbs (1839-1903) qui l’analysa ; ce n’estpas reellement une surprise, mais c’est, on le verra, un defaut qui entache l’operation consistant a couper les hautes frequences (par exemple lors du repiquage de vieux enregistrements).24. Cette idee a ete introduite en 1900 par le mathematicien hongrois Lipot Fejer (1880-1959).

Page 87: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 83

−3 −2 −1 0 1 2 3−0.2

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

Figure 2.3 – Graphes sur [−π, π] de KN/2π, N = 5, 10

On a donc, toujours pour θ reel et non congru a 0 (modulo 2π)

d

dθ[ΨN−1(θ)] = NΦN−1(θ)−

sin(N − 1

2

)+ sin θ

2

2 sin θ2

−cos θ

2

(cos θ

2− cos

[(N − 1

2

)θ])

2 sin2 θ2

= NΦN−1(θ) +cos(Nθ)− 1

2 sin2 θ2

= NΦN−1(θ)−sin2 Nθ

2

sin2 θ2

.

Finalement, tous calculs faits, on trouve

TN [f ] = fper∗ KN (2.25)

avec

KN(θ) :=k=N∑k=−N

(1− |k|

N

)eikθ =

1

N

(sin Nθ

2

sin θ2

)2

si θ 6≡ 0 (mod 2π)

N si θ ≡ 0 (mod 2π) .

Ce nouveau noyauKN , dit aussi noyau de Fejer est toujours d’integrale 2π sur [0, 2π],mais a cette particularite essentielle qui le differencie du noyau de Dirichlet qui estle fait d’etre positif. Pour les valeurs de N = 5, 10, on a represente sur la figure 2.3les graphes des fonctions KN/2π ; on remarque que, a valeurs de N egales, le lobecentral est plus enfle qu’il ne l’est pour le noyau DN de Dirichlet. Mais encoreune fois, le phenomene le plus frappant est la positivite du noyau KN . Si l’on utilisela suite (TN [f ])N≥1 pour approcher un element de L1

K(T) (comme l’element φ definien (2.24)), on voit cette fois que l’approximation, meme si elle est plus lente, n’est

Page 88: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

84 L’analyse de Fourier et ses applications

plus cette fois entachee du phenomene de Gibbs ; c’est ce que l’on voit par exemplesur la figure 2.4, ou nous avons approche par la suite des classes (TN [ϕ])N≥1 la classeϕ.

−3 −2 −1 0 1 2 3−0.2

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

Figure 2.4 – Graphes sur [−π, π] de TN [ϕ], N = 5, 10

Theoreme 2.2 (theoreme de Fejer, version L1) Pour tout f ∈ L1K(T), on a

limN→+∞

‖f − TN [f ]‖T,1 = 0 ,

soit encore

f = limN→+∞L1K(T)

(θ 7−→

N∑k=−N

ck(f)(1− |k|

N

)eikθ). (2.26)

Remarque 2.8. Il est clair que la formule (2.26) constitue la bonne formulation pour l’inversionde T F : L1

K(T) −→ l∞,0K (Z). Contrairement au procede tauberien en deux temps (2.19), il s’agit la

d’un procede en un temps. Pas tout a fait cependant si l’on pense a un procede depuis les sommesSN [f ], puisqu’il est immediat de constater que la N -ieme somme de Fejer

TN [f ] =S0[f ] + · · ·+ SN−1[f ]

N

est obtenue a partir de la suite des sommes partielles de Fourier (Sk[f ])k≥0 par le procede (lui

aussi tauberien) de Cesaro.

Preuve. On ecrit, en utilisant le fait que KN est d’integrale 2π sur [−π, π] et laformule (2.25), puis le theoreme de Fubini-Tonelli :

‖f − TN [f ]‖T,1 =1

∫ π

−π

∣∣∣ 12π

∫ π

−π

(f(θ)− f(θ − u))KN [f ](u) du∣∣∣ dθ

≤ 1

∫ π

−π

‖f − f(· − u)‖T,1 |KN(u)| du

=1

∫ π

−π

‖f − f(· − u)‖T,1KN(u) du .

Page 89: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.3 Transformation de Fourier sur les espaces de fonctions 2π-periodiques 85

C’est au passage de la ligne 2 a la ligne 3 qu’intervient de maniere cruciale lapositivite de KN (ceci ne marcherait pas avec DN en place de KN). Comme onl’a vu dans le cours de theorie de l’integration (lemme 4.1 du polycopie de l’UEMA5012, transpose ici du cadre de Rn au cadre periodique de Tn avec n = 1, ce quine pose pas de difficulte), quelque soit ε > 0, il existe η > 0 tel que

‖u‖ < η =⇒ ‖f − f(· − u)‖T,1 < ε/2 .

On peut donc poursuivre nos majorations :

‖f − TN [f ]‖T,1 ≤ε

∫ η

−η

KN(u)du+‖f‖T,1πN

∫η<|u|≤π

(sin(Nu/2)sin u/2

)2du

≤ ε

∫ π

−π

KN(u)du+‖f‖T,1N

1

(sin(η/2))2

≤ ε/2 +‖f‖T,1N

1

(sin(η/2))2≤ ε/2 + ε/2 = ε

des que N est assez grand. Le resultat est demontre. ♦Remarque 2.9. Du point de vue pratique, l’approximation de f par les sommes de Fejer (lorsquel’on se soucie de couper les composantes hautes-frequences ) a le defaut d’etre trop lente(cela tient au fait que le lobe central du graphe du noyau de Fejer KN est trop enfle ). Si l’onveut profiter du fait que celui du noyau de Dirichlet l’est beaucoup moins (mais que l’on veuilleeviter l’ecueil du phenomene de Gibbs), on imagine un noyau construit a partir de celui de Dirichletde maniere a recuperer presque la positivite sans perdre trop relativement a l’etroitesse du lobecentral. Les solutions proposees :

Hα,N (θ) = αDN (θ) +1− α2

(DN

(θ − 2π

2N + 1

)+DN

(θ +

2N + 1

))

avec α = 0.54 (Hamming 25) ou α = 0.5 (Hanning 26) sont les plus utilisees en pratique. On

approche f par les fper∗ Hα,N , N tendant vers l’infini.

Signalons au passage qu’une preuve tout a fait identique a deja ete conduite dansle cours de L2 27 pour obtenir le resultat suivant, dans la lignee du theoreme deJordan-Dirichlet vu precedemment (theoreme 2.1) :

Theoreme 2.3 (Theoreme de Fejer, version locale) Soit f ∈ L1K(T) et θ0 ∈

R, l ∈ K deux scalaires tels que, pour un certain representant f de f , on ait

limu→0+

(f(θ0 + u) + f(θ0 − u) = 2l .

Alorslim

N→+∞TN [f ](θ0) = l .

Remarque 2.10 et rappels de L2. Dans le cadre elementaire du cours de L2 ou l’on ne travailleque dans le contexte de l’integration au sens de Riemann, ce resultat se repercute au niveau desfonctions 2π-periodiques (definies cette fois partout, il ne s’agit plus de classes de fonctions) borneeset reglees, c’est a dire ayant une limite a gauche et a droite en tout point. Comme limite uniforme

25. Les travaux du mathematicien americain Richard Hamming (1915-1998) portaient principa-lement sur l’informatique et les telecommunications.26. En reference a Julius Ferdinand von Hann (1839-1921), meteorologiste autrichien, l’un des

pionniers de la meteorologie moderne.27. Voir le cours et le polycopie en ligne de l’UE Analyse 3 (anciennement MHT401).

Page 90: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

86 L’analyse de Fourier et ses applications

de fonctions en escalier, une telle fonction est integrable au sens de Riemann. On peut donc definirle spectre complexe (ck(f))k∈Z et les sommes partielles de Fourier SN [f ] et de Fejer TN (f), N ∈ N.On a, pour tout θ0 ∈ R, en adaptant la preuve du theoreme 2.3 (la preuve est quasiment identique) :

limN→+∞

TN [f ](θ0) =f(θ0 + 0) + f(θ0 − 0)

2.

Preuve. On ecrit, en utilisant la formule (2.25) en θ0, la parite de KN et le fait queKN soit d’integrale 2π sur [θ0 − π, θ0 + π],

|TN [f ](θ0)− l| =1

∣∣∣ ∫ θ0+π

θ0−π

(f(θ0 − u)− l)KN(u) du∣∣∣

=1

∣∣∣ ∫ π

0

(f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l)KN(u) du∣∣∣

≤ 1

∫ η

0

|f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l|KN(u) du

+1

2πN

∫ π

η

|f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l|(sin(Nu/2)

sin(u/2)

)2du

≤ supu∈[0,η]

|f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l|+ ‖f‖T,1 + 2|l|π2π sin2(η/2)

× 1

N.

On conclut en fixant η assez petit pour que

supu∈[0,η]

|f(θ0 + u) + f(θ0 − u)− 2l| < ε/2

(ε etant arbitraire), puis on choisit ensuite N , tenant compte du choix de η, pourque

‖f‖T,1 + 2|l|π2π sin2(η/2)

× 1

N< ε/2 .

Le theoreme est ainsi demontre. ♦.Remarque 2.11. Si f est une fonction 2π-periodique continue, la preuve ci-dessus, couplee avecle theoreme de Heine 28 montre que

supR|f − TN [f ]| 7−→ 0

lorsque N tend vers l’infini, autrement dit, la convergence des sommes de Fejer vers f est uniforme.

2.4 La transformation de Fourier des classes de

fonctions integrables sur Rn

Nous allons dans cette section definir la transformation de Fourier sur L1C(Rn, dx),

dx designant la mesure de Lebesgue. L’idee de base est toujours la meme : tenterde mesurer quantitativement comment une classe f de fonctions integrables estglobalement correlee sur Rn aux classes d’harmoniques spatiales

(x1, ..., xn) 7−→ ei(ω1x1+···+ωnxn) = ei〈x , ω〉 , ω ∈ Rn

28. Toute fonction 2π-periodique et continue de R dans C est uniformement continue car on peutla voir comme une fonction continue sur le compact R/(2πZ) = T (avec la metrique quotient) quis’identifie topologiquement (et metriquement) au cercle unite de R2.

Page 91: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 87

(dites harmoniques temporelles si n = 1, t designant dans ce cas une variablemodelisant le temps). Bien sur, ces harmoniques ne definissent pas des elementsde L1

C(Rn, dx) puisque ce sont des fonctions de module 1 qui ne sauraient donc etreintegrables sur Rn. Neanmoins, leur correlation avec un element f de L1

C(Rn, dx)(inspiree de la demarche hilbertienne que l’on a conduit par exemple dans la section2.3) a un sens puisque le produit d’un element f de L1

C(Rn, dx) par un element e deL∞

C (Rn, dx) est une fonction appartenant a L1C(Rn, dx), avec

‖f e‖1 ≤ ‖f‖1 × ‖e‖∞ .

2.4.1 Definition, exemples, et premieres proprietes

Definition 2.7 Soit f une classe de fonction mesurable et integrable sur Rn, avaleurs complexes ; la transformee de Fourier (ou spectre) de f est par definition la

fonction f : ω ∈ Rn 7−→ C definie ponctuellement par

f(ω1, ..., ωn) :=

∫Rn

f(x)e−i(x1ω1+···+xnωn) dx1 · · · dxn ,

f etant un representant arbitraire de f .

Remarque importante 2.12. Si la transformee de Fourier d’un element de L1C(Rn

x , dx) est bien

definie sur Rn = Rnx , il est important de se faire a l’idee que la copie Rn

ω de Rn sur laquelle est defini

le spectre de f (copie dans laquelle nous conviendrons de noter ω = (ω1, ..., ωn) le point courant)

n’est pas la meme que celle (Rnx) sur laquelle sont definis les representants de f (copie ou l’on note,

pour bien marquer cette distinction, x = (x1, ..., xn) le point courant 29). Cette derniere copie Rnx

est l’univers spatial sur lequel vivent les fonctions que l’on pretend traiter (on parle de plan des

images si n = 2, d’ espace des temps si n = 1), tandis que la copie Rnω sur laquelle vivent les

spectres des objets est appelee, elle, espace des frequences . On verra plus loin qu’il est naturel

de considerer l’espace Rnω des frequences comme le dual algebrique (Rn

x)∗ de l’univers spatial Rn

x .

On verra aussi (dans la section 2.4.2) comment il est physiquement concevable de separer ces

deux copies dans le cas n = 2 en intercalant entre elles un mecanisme optique diffractant. La

derniere assertion (formule 2.28 de la proposition 2.7 a venir) constituera une premiere indication

de la relation entre transformation de Fourier et dualite 30 en algebre lineaire.

Exemple 2.3 : un premier exemple basique (n = 1). Le spectre de la fonction caracteristiqueχ[a,b] d’un segment ferme borne de R est la fonction

ω ∈ R 7−→∫ b

a

e−iωt dt =1

iω(e−iωa − e−iωb) .

On remarque ici que

lim|ω|→0

|χ[a,b](ω)| = 0 ,

ce qui, on le verra, s’averera une propriete clef du spectre d’un element f de L1C(Rn, dx) en general

(voir la proposition 2.7 a venir). Lorsque [a, b] = [−T, T ], on trouve en particulier

χ[−T,T ](ω) =2

ωsin(ωT ),

29. Ou t lorsque n = 1.30. Voir le polycopie du cours de MIAS301, partie algebre, pages 31-36, disponible sur le site

http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/coursalg.pdf.

Page 92: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

88 L’analyse de Fourier et ses applications

et l’on voit apparaıtre ici une fonction jouant un role tres important en analyse de Fourier, lafonction sinus cardinal definie par

sinc : u ∈ R 7−→ sin(πu/2)

πu/2

(c’est en general ainsi qu’elle est normalisee, ce de maniere a ce que son integrale semi-convergente

sur [0,+∞[ vaille 1). Le spectre de toutes ces fonctions χ[a,b], notons le, n’est pas integrable sur

Rω, ce qui s’averera un handicap (en relation avec la tranposition au cadre continu du phenomene

de Gibbs, comme on le verra dans la section 2.4.5).

Exemple 2.4 : un second exemple tres important. Lorsque n = 1, le spectre de la gaussienne

g : t 7−→ 1√2π

e−t2/2

(qui est la densite de la loi normaleN (0, 1)) est la gaussienne ω 7−→ e−ω2/2, resultat qui se repercuteen n variables (via le theoreme de Fubini) sous la forme(

x 7−→ 1

(2π)n/2e−‖x‖2/2

)∧=[ω 7−→ e−‖ω‖2/2

], (2.27)

autrement dit, si l’on pouvait superposer les deux copies de Rn que sont Rnx et Rn

ω, on dirait quela gaussienne convenablement normalisee

g : x ∈ Rn 7−→ (2π)−n/2 e−‖x‖2/2

est un vecteur propre de la prise de spectre 31, ce avec la valeur propre (2π)n/2. Faisons le calculpour n = 1 32 ; on remarque, en appliquant le theoreme de derivation de Lebesgue (theoreme 3.2du cours de theorie de l’integration, MA5012), que

ω ∈ R 7−→ g(ω) =1√2π

∫Re−t2/2 e−iωt dt

est de classe C1, de derivee la fonction continue

ω ∈ R 7−→ 1√2π

∫Re−t2/2 d

dω[e−iωt] dt = − i√

∫Re−iωte−t2/2 tdt

= − i√2π

[− e−t2/2e−iωt

]∞−∞− ω√

∫Re−t2/2e−iωt dt

= −ωg(ω)

(on a utilise une integration par parties pour passer de la ligne 1 a la ligne 2). La fonction g etantdonc solution de l’equation differentielle lineaire homogene du premier ordre y′(ω) = −ωy(ω),on constate, en resolvant cette equation, que g(ω) = g(0)e−ω2/2 = e−ω2/2. On rappelle que laverification du fait que g(0) = 1 se fait en remarquant (grace au theoreme de Fubini) que(∫

Re−t2/2 dt

)2=

∫Re−x2/2 dx×

∫Re−y2/2 dy =

∫ ∫R2

e−(x2+y2)/2 dxdy

= 2π

∫ ∞

0

e−r2/2rdr = 2π

une fois l’integrale double exprimee en coordonnees polaires. Le resultat 2.27 est donc ainsi demon-

tre.

31. On verra plus loin, dans la section 2.5.3, l’importance de ce resultat qui explique, entre autres,pourquoi les gaussiennes sont de bons candidats mathematiques pour modeliser les particules enmecanique quantique.32. Ce calcul a deja ete fait dans le cours d’integration et dans les guides d’activites de ce

cours pour illustrer l’application du theoreme de derivation des integrales fonction d’un parametre,theoreme 3.2 du cours de l’UE MA5012.

Page 93: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 89

Exemple 2.5 : la distribution exponentielle symetrique. La fonction

f : t ∈ R 7−→ 1

2ne−|x1|−···−|xn|

definit une densite de probabilite interessante sur Rn, la loi associee est appelee loi exponentiellesymetrique. On la retrouve par exemple (lorsque n > 1) dans les processus d’evolution spaciaux.On verifie immediatement (en commencant par traiter le cas n = 1) que

f(ω) =

n∏j=1

1

(1 + ω2j ).

En effet

1

2

∫Re−|t|e−iωt dt =

1

2

∫ +∞

0

(e−(1+iω)t + e−(1−iω)t

)dt =

1

2

( 1

1 + iω+

1

1− iω

)=

1

1 + ω2.

La densite de probabilites sur l’espace des frequences Rnω definie par

ω 7−→( 1π

)n n∏j=1

1

(1 + ω2j )

(et qui est a une constante pres le spectre de la densite de probabilites d’un vecteur aleatoire

suivant une loi exponentielle dans Rn) induit la loi de probabilite dite loi de Poisson 33.

Exemple 2.6. Dans le cas n = 1, une loi tout aussi importante est la loi exponentielle sur [0,∞[de parametre λ > 0 : il s’agit de la loi de probabilite de densite la fonction definie presque partoutpar

fλ(t) := λχ[0,∞[(t)e−λt .

On la rencontre par exemple dans les processus de desintegration atomique. Le spectre de fλ apour representant dans l’espace des frequences la fonction

ω 7−→ λ

∫ ∞

0

e−iωt−λt dt =λ

λ+ iω;

c’est un spectre complexe de par la dissymetrie de fλ comparee a la symetrie de la densite f

introduite a l’exemple precedent.

Proposition 2.7 Le spectre f d’un element f de L1C(Rn, dx) est une fonction conti-

nue sur Rn, tendant vers 0 a l’infini 34. L’application lineaire f 7−→ f est doncune application lineaire continue (de norme inferieure a 1) du C-espace de BanachL1C(Rn, dx) dans le C-espace de Banach C(Rn,C)0 des fonctions continues de Rn

dans C tendant vers 0 a l’infini, autrement dit, on a ‖f‖∞ ≤ ‖f‖1. De plus, si Aest un R-isomorphisme algebrique de Rn, on a

f(A.(·)) = 1

| detA|f(A′.(·)) , (2.28)

ou A′ = (A−1)t designe la transposee de l’inverse de A, soit la matrice duale 35 deA.

33. Mathematicien francais, Simeon-Denis Poisson (1781-1840), fut l’un des pionniers de latheorie des series et des integrales de Fourier. Attention toutefois a ne pas confondre la loi dePoisson a densite sur R introduite ici avec la loi discrete sur N∗ (dite aussi loi de Poisson deparametre λ > 0), definie par P (X = n) = λne−λ/n! pour n ∈ N.34. Cette derniere assertion est connue sous la terminologie de lemme de Riemann-Lebesgue ;

c’est la version continue du resultat etabli lors de l’etude de la transformation de Fourier sur l1C(Z)(voir la definition 2.5).35. Si v1, ..., vn sont les vecteurs colonnes de A (exprimes dans la base canonique e1, ..., en) et

(v∗1 , ..., v∗n) la base duale de la base (v1, ..., vn), la j-eme colonne de A′ represente la liste des

coordonnees de v∗j exprime dans la base (e∗1, ..., e∗n), base duale de la base canonique (e1, ..., en) de

Rn.

Page 94: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

90 L’analyse de Fourier et ses applications

Preuve. La continuite de f est une consequence immediate du theoreme de Le-besgue (de continuite des integrales dependant d’un parametre) vu dans le coursd’integration (UE MA5012, theoreme 3.1) puisque, si f est un representant de f ,

|f(x)e−i〈x , ω〉| = |f(x)|et que |f | ∈ L1

R(Rn, dx) definit par consequent un chapeau majorant integrable.L’inegalite

‖f‖∞ ≤ ‖f‖1est immediate (le module de integrale d’une fonction est majore par l’integrale dumodule de cette fonction). La formule (2.28) resulte de l’application du theoreme dechangement de variables (theoreme 3.5 du cours de theorie de l’integration) :∫

Rn

f(A.x)e−i〈x , ω〉 dx =1

| detA|

∫Rn

f(y)e−i〈A−1.y , ω〉 dy

=1

| detA|

∫Rn

f(y)e−i〈y , (A−1)t.ω〉 dy =1

| detA|f(A′.ω) .

En particulier, si ε > 0, la transformee de Fourier de la fonction

x 7−→ gε(x) =1√

(2π)n εne−‖x‖2

2ε2

est la fonctionω 7−→ exp(−ε2‖ω‖2/2) .

Cette gaussienne tend uniformement vers 0 (ainsi d’ailleurs que chacune de sesderivees partielles a tout ordre) lorsque ‖ω‖ tend vers l’infini.

Il nous reste a prouver que f(ω) tend vers 0 lorsque ‖ω‖ tend vers +∞ (proprietedite de Riemann-Lebesgue). Fixons η > 0 et une suite (εk)k≥1 de nombres stricte-ment positifs tendant vers 0. Puisque la famille (gεk)k≥1 realise une approximationde la masse de Dirac dans L1

R(Rn, dx), on sait 36 que, pour k assez grand

‖f − fεk‖∞ ≤ ‖f − fεk‖1 ≤ η/2 , (2.29)

ou fεk a pour representant la fonction

x 7−→∫Rn

f(x− y)gεk(y) dy .

Fixons k ∈ N∗ pour qu’il en soit ainsi. On peut calculer le spectre de fεk en remar-quant ∫

Rn

(∫Rn

gεk(t)f(x− t) dt)e−i〈x , ω〉 dx =

∫ ∫Rn×Rn

gεk(t)f(x− t)e−i〈x , ω〉 dxdt

=

∫ ∫Rn×Rn

gεk(t)f(x− t)e−i〈t , ω〉 e−i〈x−t , ω〉 dxdt

=

∫Rn

gεk(t)e−i〈t , ω〉

(∫Rn

f(x− t)e−i〈x−t , ω〉 dx)dt

=

∫Rn

gεk(t)e−i〈t , ω〉

(∫Rn

f(x)e−i〈x , ω〉 dx)dt = f(ω) gεk(ω) = f(ω) e−ε2k‖ω‖

2/2

(2.30)

36. Voir la proposition 4.10 du cours de theorie de l’integration, UE MA5012 ; ce resultat ad’ailleurs ete rappele (dans le contexte L2, ici nous l’invoquons dans le contexte L1) dans lasection 1.9.1 du chapitre 1 du present cours.

Page 95: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 91

(la premiere egalite resulte de l’application de Fubini, la seconde de la proprieteclef de l’exponentielle echangeant addition et multiplication, puis vient finalementFubini une nouvelle fois et l’invariance de la mesure de Lebesgue par translation surRn) 37. On a donc

‖fε(ω)| ≤ ‖f‖1 e−ε2‖ω‖2/2 ,

d’ou il resulte qu’il existe, k etant ainsi choisi, un seuil Ω(η, k) tel que

‖ω‖ ≥ Ω(η, k) =⇒ |fεk(ω)| ≤ η/2 .

En combinant avec (2.29), on a donc

‖ω‖ ≥ Ω(η, k) =⇒ |f(ω)| ≤ ‖f − fεk‖1 + |fεk(ω)| ≤ η/2 + η/2 = η .

Comme η avait ete choisi arbitrairement (puis k fonction de η), on a bien

lim‖ω‖→+∞

|f(ω)| = 0

et la proposition est ainsi completement demontree. ♦Remarque 2.13. Nous avons choisi ici, par souci de coherence avec la trame du cours, ou les

gaussiennes sont appelees a jouer un role important, de demontrer la propriete de Riemann Le-

besgue en utilisant la regularisation par une approximation de la masse de Dirac du type (gεk)k≥1.

Nous aurions pu aussi remarquer que la propriete de Riemann-Lebesgue (le fait que le spectre de

f tende vers 0 a l’infini) est satisfaite lorsque f est la fonction indicatrice 38 d’un pave ferme borne

[a1, b1]× . . .× [an, bn] (voir l’exemple 2.3). On sait que les classes des combinaisons lineaires finies

a coefficients complexes de telles fonctions indicatrices constituent un sous-espace dense E dans

L1C(Rn, dx). En utilisant le meme schema de preuve que ci-dessus (fεk dans (2.29) etant remplacee

par une approximation fη precisement dans E), on prouverait egalement le resultat.

Exemple d’application 4.7. En appliquant la formule (2.28), on voit que si m ∈ Rn et σ ∈]0,+∞[n le spectre de

(x1, ..., xn) 7−→1

(2π)n/21

σ1 · · ·σnexp

(− 1

2

n∑j=1

|xj −mj |2

σ2j

)(2.31)

(loi d’un vecteur de variables aleatoires independantes Xj , avec Xj de loi N (mj , σj), j = 1, ..., n)est

(ω1, ..., ωn) 7−→ exp(− i〈m, ω〉 − 1

2

n∑j=1

σ2jω

2j

). (2.32)

On constate d’ailleurs sur l’exemple precedent un fait tout a fait general : si f est unelement de L1

C(Rn, dx) et m un vecteur de Rn, alors le spectre de la classe translateef(· −m) est [

f(· −m)]∧(ω) = e−i〈m,ω〉 f(ω) , ∀ω ∈ Rn . (2.33)

37. Le calcul fait ici est un cas particulier d’un calcul plus general que nous ferons une fois plusloin, en nous souvenant que fεk = f ∗ gεk .38. On prefere utiliser ici l’epithete indicatrice plutot que caracteristique (souvent utilisee

dans le cours d’integration) pour eviter la confusion avec la notion de fonction caracteristique d’unvecteur de variables aleatoires reelles (voir plus loin).

Page 96: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

92 L’analyse de Fourier et ses applications

L’effet d’une translation de m dans l’espace Rnx (ce qui revient a considerer les

fonctions de x comme fonctions de x −m) se traduit donc (dans l’espace Rnω) par

une modulation du spectre f par la fonction oscillante

ω 7−→ e−i〈m,ω〉 .

Si maintenant inversement f est modulee par multiplication par la fonction oscillante

x ∈ Rn 7−→ ei〈x ,m〉

alors le spectre de f est translate de m dans l’espace Rnω, ce que l’on resume en

ecrivant [f ei〈x ,m〉

]∧(ω) = f(ω −m) , ∀ω ∈ Rn . (2.34)

Une incursion du cote des probabilites. Puisque nous avons ici (en particulierdans notre galerie d’exemples 2.3 a 2.7) fait souvent reference aux probabilites,il est important de faire ici le lien avec une notion introduite dans le cours detheorie de l’integration (section 3.2.3 du cours de MA5012) ainsi que dans le cours deProbabilites de Semestre 6 : celle de fonction caracteristique d’un vecteur de variablesaleatoires reelles X = (X1, ..., Xn) definie sur un espace probabilise (Ω, T , P ) ; ils’agit, rappelons le, de la fonction continue ΦX : Rn −→ C definie par 39

ΦX(τ1, ..., τn) :=

∫Ω

ei〈τ1X1(ω)+···+τnXn(ω)〉 dP (ω) = E[ei〈τ ,X〉] .

On remarque que, si la loi de X est une loi a densite f ∈ L1R(Rn, dx), on a

ΦX(τ) =

∫Ω

e−i〈τ,X(ω)〉 dP (ω) =

∫Rn

f(x)e−i〈τ,x〉 dx = f(τ) ,

d’ou l’intime relation entre les notions de transformation de Fourier sur L1 et deprise de fonction caracteristique d’un vecteur de variables aleatoires suivant uneloi a densite sur Rn. Le concept de fonction caracteristique s’etend cependant auxvecteurs de variables aleatoires de loi quelconque et non plus a densite, ce qui elargitle cadre de la transformation de Fourier (meme si ici elle n’est envisagee que pour desclasses f de fonctions positives d’integrale 1, comme c’est le cas pour toute densitede probabilite). Notons deux regles de calcul importantes : si X1, ..., Xn sont desvariables aleatoires reelles mutuellement independantes, alors

∀ τ ∈ Rn , ΦX(τ1, ..., τn) =n∏

j=1

ΦXj(τj) (2.35)

et

∀ τ ∈ R ,∀λ ∈ Rn , Φλ1X1+···+λnXn(τ) =n∏

j=1

ΦXj(λjτ) , (2.36)

toutes les deux consequences de la mutuelle independance des Xj et du fait quel’exponentielle complexe realise un homomorphisme entre (C,+) et (C∗,×) :

∀ z, w ∈ C , exp(z + w) = exp z × expw ,

propriete algebrique dont on a tres souvent dans ce chapitre deja eu l’occasion desouligner l’interet majeur.

39. Attention ici ! on ne peut plus utiliser ω comme variable sur l’espace des frequences puisque ω est ici reserve a l’indexation des evenements dans l’ensemble abstraitΩ.

Page 97: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 93

z

x’

x

y O U

figure de diffraction

plan de l’image I

onde sphérique

ξ

ξ

η

π

,

d

Figure 2.5 – Realisation de la transformation de Fourier optique

2.4.2 La relation avec l’optique

C’est un dispositif optique qui (lorsque n = 2) permet de realiser comme unetransformation physique la transformation de Fourier ; c’est en effet la diffractionde Fraunhofer 40 qui realise de maniere optique la transformation d’une image 2Den son spectre. Utilisons donc ici un instant le langage des physiciens. Supposonsqu’une onde spherique monochromatique (λ),

(t, x, y, z) 7→ a exp(− iωt− ikx

2 + y2

2d

)(avec nombre d’onde k = 2π/λ), convergeant a la distance d du plan diffractantπ = xOy = z = 0 (voir la figure 2.5), eclaire un objet qui se trouve dans ce plandiffractant et dont la transmittance en amplitude realise une distribution d’image(x, y) 7→ I(x, y) ; alors (sous reserve que l’on puisse se placer dans le contexte ouest valide la regle d’approximation dite des petits angles ), l’amplitude diffracteedans le plan de convergence ξUη vaut

adiffract(ξ, η) =ka

2πidexp

(ikd− iωt+ ik

ξ2 + η2

2d

)I(ξk/d, ηk/d) . (2.37)

Cette formule montre donc que le mecanisme de diffraction de Fraunhofer realiseoptiquement la prise de spectre d’une image, a savoir ici l’image I dont le spectre selit a l’aide de la formule (2.37) a partir de l’amplitude lumineuse diffractee adiffract(on constate en particulier que le module de I correspond en particulier au modulede l’amplitude diffractee). Cette interpretation physique de la transformation deFourier expliquera le principe de conservation d’energie (que materialisera la formulede Plancherel) que nous enoncerons dans la section 2.5.2.

40. Mise en evidence et etudiee par Joseph von Fraunhofer, opticien allemand (1787-1828).

Page 98: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

94 L’analyse de Fourier et ses applications

2.4.3 Fourier et la convolution dans L1K(Rn, dx)

On rappelle 41 que la convolee f ∗ g de deux elements de L1K(Rn, dx) (K = R

ou C) est definie comme l’element de L1K(Rn) dont un representant est la fonction

definie dx-presque partout par

(f ∗ g)(x) :=∫Rn

f(x− y)g(y) dy ;

l’operation de convolution definie ainsi est une operation interne sur L1K(Rn, dx),

associative, commutative, mais sans element neutre 42.

Certes aucun element de L1K(Rn, dx) ne vient remplacer l’element e0,...,0 de la base

canonique de l1K(Zn) et l’on ne peut (comme on aurait envie de le faire) illustrer l’om-nipresence de l’operation de convolution dans le cadre continu aussi bien que commeon l’a fait dans le cadre discret 43 : la translation f −→ f(· − x0) est par exempleun operateur continu de L1

K(Rn, dx) dans lui meme, invariant par translation, maisne se represente pourtant pas comme un operateur de la forme

f 7−→ f ∗ h

avec h ∈ L1K(Rn, dx). Le cadre L1 (ou meme L2, le probleme est en fait le meme),

lorsque l’on travaille en continu et non plus en discret, s’avere en effet etre un cadretrop restreint pour que l’operation de convolution puisse reellement pendre toute sasignification. C’est la theorie des distributions (voir les cours ulterieurs de master1) qui permettra d’elargir ce cadre, de donner a cette operation tout son sens et decomprendre par la meme la raison de son omnipresence en ingenierie (lorsque l’ontravaille avec des appareils agissant de maniere lineaire, continue en un certain sens,et surtout presentant des caracteristiques immuables en temps ou en espace). Il estcependant bien utile a ce niveau de deja suggerer cet aspect pratique que revetl’operation de convolution en ingenierie.

La prise de spectre persiste dans le cadre L1 (comme elle le faisait dans le cadrefini, discret ou periodique, voir les propositions 2.2, 2.3, 2.4, 2.5) a echanger lesoperations de convolution et de multiplication ; on a en effet la :

Proposition 2.8 Soit f1 et f2 deux elements de L1C(Rn, dx) ; on a, pour tout ω dans

Rn, la formule[f1 ∗ f2]∧(ω) = f1(ω)× f2(ω) .

Preuve. Grace au theoreme de Fubini (on verifie la clause de securite car lesrepresentants f1 et f2 choisis sont integrables sur Rn) et a l’invariance de la me-sure de Lebesgue par translation, on a, pour ω fixe dans Rn :∫

Rn

(∫Rn

f1(y)f2(x− y) dy)e−i〈x , ω〉 dx =

∫ ∫Rn×Rn

f1(y)f2(x− y)e−i〈x , ω〉 dxdy

=

∫ ∫Rn×Rn

f1(y)f2(x− y)e−i〈y , ω〉 e−i〈x−y , ω〉 dxdy

41. Voir l’enonce du theoreme de Young (theoreme 4.2 du cours de theorie de l’integrationMA5012).42. Voir la troisieme sequence du guide d’activite 10 propose sous Ulysse pour le cours de MA512

(Contrat Automne 2009)43. Voir la section 4.5.1 du cours de theorie de l’integration.

Page 99: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 95

=

∫Rn

f1(y)e−i〈y , ω〉

(∫Rn

f2(x− y)e−i〈x−y , ω〉 dx)dy

=

∫Rn

f1(y)e−i〈y , ω〉

(∫Rn

f2(x)e−i〈x , ω〉 dx

)dy = f1(ω) f2(ω) .

La proposition est donc ainsi demontree. ♦.Exemple d’application 2.8. Considerons deux fonctions de la forme

ϕ : x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n/21

σ1 · · ·σnexp

(− 1

2

n∑j=1

|xj −mj |2

σ2j

)ϕ : x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n/21

σ1 · · · σnexp

(− 1

2

n∑j=1

|xj − mj |2

σ2j

),

ou m, m sont des elements de Rn et σ, σ des elements de ]0,+∞[n. En passant (aller-retour) parla transformation de Fourier (et en utilisant les calculs faits pour passer de (2.31) a (2.32) viaFourier), on observe que

ϕ ∗ ϕ : x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n/21

Σ1 · · ·Σnexp

(− 1

2

n∑j=1

|xj −Mj |2

Σ2j

)avec

M = m+ m

Σj =√σ2j + σ2

j , j = 1, ..., n .

Ceci montre en particulier que, si K = R ou C, le K-sous-espace vectoriel G 44 de L1K(Rn, dx)

engendre (au sens algebrique) par les classes des gaussiennes gε(· − x0), ε > 0, x0 ∈ Rn, est stablepar convolution. Remarquons aussi que, lorsque K = C, l’image de G par la transformation deFourier est un C-sous-espace G de L1

C(Rnω, dω). Le sous-espace G 45 engendre par les fonctions

x ∈ Rn 7−→ ei〈x , ω〉 gε(x− x0) , x0, ω ∈ Rn , ε > 0

(et contenant donc G) est, lui, stable par prise de spectre (et aussi en fait par convolution, verifiez le

en exercice) ; il contient a la fois G et G si l’on decide d’identifier les deux copies de Rn en jeu dans

la transformation de Fourier. C’est d’ailleurs le plus petit sous-espace de L1C(Rn

x ' Rnω, dx ' dω)

contenant a la fois G et G.

2.4.4 La formule d’inversion dans le cadre L1

L’un des resultats majeurs (et assez inattendu) de la theorie de Fourier au niveauL1 est la formule d’inversion qui nous assure que tout element de L1

C(Rn, dx) peuts’ecrire comme un empilement de fonctions oscillantes

x 7−→ ei〈x , ω〉 , ω ∈ Rn .

Pourquoi inattendu ? Aucune de ces fonctions oscillantes (sauf la fonction nulle),ne definit en effet une classe de fonctions integrable ; comment, en empilant as-tucieusement de telles fonctions, esperer recuperer toutes les fonctions integrables ?

44. La terminologie que l’on a choisi ici pour qualifier ce sous-espace particulierement interessant(car engendre par les classes des versions translatees, comprimees ou dilatees, de la gaussienne dereference g) fait reference (ce n’est pas une surprise) a Carl Friedrich Gauss (1777-1855).45. La terminologie choisie ici pour qualifier ce sous-espace (engendre cette fois par les classes

des versions translatees, comprimees ou dilatees, mais cette fois aussi modulees, de la gaussienne dereference g) fait reference aux travaux du physicien d’origine hongroise Dennis Gabor (1900-1979),prix Nobel de Physique en 1971, a qui l’on doit l’introduction d’un tel dictionnaire d’atomes.

Page 100: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

96 L’analyse de Fourier et ses applications

Tout est bien sur de fait cache dans l’ empilement qui permet, lui, les phenomenesde cancellation (ou de battements dans le langage des physiciens, employe surtouten dimension n = 1). On retrouve dans cette formule d’inversion la grande idee deFourier, suivant laquelle tout phenomene physique s’ecrirait comme un empilementde phenomenes ondulatoires elementaires.

Theoreme 2.4 (Formule d’inversion dans le cadre L1) Soit f un element de

L1C(Rn, dx), tel que f soit une fonction integrable sur l’espace des frequences Rn

ω.Alors f admet pour representant la fonction continue :

x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n

∫Rn

f(ω) ei〈x , ω〉 dω .

Preuve. Le point de depart est la proposition 4.10 du cours d’integration MA5012qui assure que si (εk)k≥1 est une suite de nombres strictement positifs tendant vers0, alors

limk→∞

L1K(Rn,dx)

f ∗ gεk = f .

Confondons un instant les deux copies de Rn que sont Rnx et Rn

ω. Pour ε > 0, lafonction

x ' ω 7−→ gε(x)

est en fait le spectre de la classe de fonction

x ' ω 7−→ 1

(2π)ne−ε2‖x‖2/2 = hε(x)

(il suffit de considerer cette classe sur le modele (2.31) et de calculer son spectresur le modele (2.32)). Fixons k ∈ N∗. On peut donc ecrire, en utilisant Fubini (laclause de securite est remplie car f et hεk sont dans L1

K(Rn, dx)) et le fait quegε(x− y) = gε(y − x) :

f ∗ gεk(x) =

∫Rn

f(y)(∫

Rn

hεk(ω)e−i〈ω , y−x〉 dω

)dy

=

∫ ∫Rn×Rn

f(y)hεk(ω)e−i〈ω , y−x〉 dy dω

=

∫Rn

ei〈x,ω〉hεk(ω)(∫

Rn

f(y)e−i〈y , ω〉 dy)dω

=1

(2π)n

∫Rn

ei〈x,ω〉e−ε2k‖ω‖2/2 f(ω) dω .

Si k tend vers l’infini, le theoreme de convergence dominee de Lebesgue (applicable

ici puisque f est supposee integrable sur Rnω) implique

limk→+∞

( 1

(2π)n

∫Rn

ei〈x,ω〉e−ε2k‖ω‖2/2 f(ω) dω

)=

1

(2π)n

∫Rn

f(ω) ei〈x , ω〉 dω .

Comme l’on sait d’autre part que f ∗ gεk converge vers f dans L1K(Rn, dx) et que ceci

implique donc 46 l’existence d’une suite (f ∗ gεkp )p≥0 convergeant en presque tout x

46. Voir la proposition 4.6 du cours de theorie de l’integration MA5012, avatar essentiel de lademonstration du theoreme de Riesz-Fischer.

Page 101: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 97

plan de l’image I lentille

masque

filtrée

x’

x

y

π

ξ

ξ

η

,

O

x

x

~

~ ,

~

y~

π~

dd

O

U

image

z

Figure 2.6 – Experience de Abbe

vers f(x), ou f est un representant de f , la conclusion du theoreme est donc biendemontree. ♦Une nouvelle incursion du cote de l’optique : l’experience de Abbe.

Voici une nouvelle incursion du cote de l’optique, a la lumiere de la formule d’inver-sion du theoreme 2.4. C’est l’experience de la double diffraction (voir la figure 2.6),dite aussi experience de Abbe 47 qui permet elle la realisation optique de la convo-lution comme operation optique. On suppose que le plan π = ξUη dans lequel seforme la premiere figure de diffraction de l’image I (I etant une image vivant dansle plan des images xOy) est le plan d’un masque de filtrage dont la transmittance

en amplitude est h(kξ/d, kη/d), ou h est une autre distribution d’image dans le planπ. L’effet du masque est de transformer l’amplitude lumineuse diffractee

adiffract(ξ, η) =ka

2πidexp

(ikd− iωt+ ik

ξ2 + η2

2d

)I(ξk/d, ηk/d)

en l’amplitude diffractee-masquee

adiffract(ξ, η)× h(kξ/d, kη/d) .

Comme le spectre de la distribution d’image

(ξ, η) 7→ I(kξ/d, kη/d)h(kξ/d, kη/d)

est formellement (d’apres le theoreme 2.4) donne en les variables (x, y) par

(x, y) 7→ 4π2d2

k2[I ∗ h](−dx/k,−dy/k) ,

l’image obtenue dans le plan xOy de la figure 2.6 apres la seconde diffraction est

(x, y) 7→ a exp(2ikd− iωt+ ik

x2 + y2

2d

)[I ∗ h](x, y)

47. Ernst Abbe (1840-1905) est un mathematicien et physicien allemand a qui l’on doit le schemade cette experience.

Page 102: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

98 L’analyse de Fourier et ses applications

et l’on realise bien via ce procede de double diffraction la convolution de maniereoptique. L’idee est toujours de prendre les spectres des deux etres I et h a convoler(c’est le but de la premiere diffraction), de multiplier terme a terme ces spectres

(c’est l’effet du masque correspondant a h dans le plan π), puis d’utiliser laformule d’inversion de Fourier, ce qui revient a effectuer une seconde transformee deFourier, donc une seconde diffraction, pour retrouver l’antecedent, en l’occurrenceI ∗ h. La proposition 2.8 soutend bien sur cette demarche.

Un avatar en probabilites : le theoreme limite central .

Concluons cette section par une nouvelle incursion vers la theorie des probabilites.Supposons que (Xk)k∈N∗ soit une suite de variables aleatoires reelles, mutuellementindependantes, toutes definies sur le meme espace probabilise (Ω, T , P ), toutes dememe loi, avec E[X2] = 1 et E[X] = 0 si X := X1. Si l’on calcule la fonctioncaracteristique de

Yk :=X1 + · · ·+Xk√

k

(notons que l’ecart type de Yk est ainsi normalise egal a 1), on constate, du fait del’independance mutuelle des Xk et donc de la formule (2.36), que

ΦYk(τ) = [ΦX/

√k(τ)]

k .

Or

ΦX/√k(τ) =

∫Ω

eiτX(ω)/√k dP (ω) = ΦX(τ/

√k) .

D’apres le theoreme de derivation des integrales dependant d’un parametre (appliquedeux fois), le fait que le moment d’ordre deux E[X2] soit fini implique que la fonctionΦX est deux fois differentiable en τ = 0 et que l’on peut ecrire, grace a la formulede Taylor-Young,

ΦX(τ/√k) = 1− τ 2

2kE[X2] + o((τ/

√k)2) = 1− τ 2

2k+ o((τ/

√k)2) ,

d’ou l’on deduit immediatement

limk→+∞

ΦYk(τ) = lim

k→+∞

(1− τ 2

2k+ o((τ/

√k)2)

)k= exp(−τ 2/2) = ΦN (0,1)(τ) ,

ou N (0, 1) designe n’importe quelle variable aleatoire reelle sur (Ω, T , P ) suivantune loi normale (de densite la gaussienne g). Si maintenant ϕ est un element deL1

R(R, dt) tel que le spectre de ϕ soit integrable 48, on peut ecrire, d’apres le theoreme2.4 et le theoreme de Fubini, que pour tout k ∈ N (PYk

designant la distribution deprobabilite de la variable Yk sur R),∫

Ω

ϕ(Yk) dP =

∫Rϕ(t) dPYk

(t) =

∫R

[ 1

∫Rϕ(τ)eiτt dτ

]dPYk

(t)

=1

∫Rϕ(τ)

[ ∫Ω

eiτt dPYk(t)]dτ

=1

∫Rϕ(τ)ΦYk

(τ) dτ

48. D’apres la formule d’inversion du theoreme 2.4, on peut donc considerer ϕ comme une fonc-tion continue tendant vers 0 a l’infini (mais attention, une fonction continue tendant vers 0 a l’infinin’est pas forcement du type envisage ici, les hypotheses faites ici sur ϕ etant plus restrictives).

Page 103: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 99

Comme ‖ΦYk‖∞ ≤ 1, on deduit du theoreme de convergence dominee de Lebesgue

et du fait que ΦYkconverge ponctuellement vers la gaussienne g que

limk→+∞

∫Ω

ϕ(Yk) dP =1

∫Rϕ(τ)g(τ) dτ =

1

∫Rϕ(t)g(t) dt =

∫Rϕ(t) g(t) dt ,

soit, utilisant le principe de transport des mesures de probabilites,

limk→+∞

∫Ω

ϕ(Yk) dP =

∫Ω

ϕ(N (0, 1)) dP . (2.38)

De fait, ce resultat est en fait valable pour toute fonction ϕ continue bornee surR (on l’admettra ici, c’est la consequence d’un celebre theoreme de Paul Levy 49,et le resultat (partiellement) prouve ici n’est rien d’autre que le celebre theoreme limite central 50 (voir l’UE M1MA6M11 ou l’UE N1MA6031 51). Ce theoreme(dont on vient de voir, ne serait-ce que par la preuve evoquee ici, qu’il n’etait pasetranger a la transformation de Fourier) est l’une des raisons expliquant le rolecrucial joue par la gaussienne (on en verra une autre raison lorsque nous evoqueronsdans la section 2.5.3 le principe d’incertitude de Werner Heisenberg, theoreme 2.7).La celebre experience de Galton consistant a laisser tomber un stock de billes audessus d’une grille avec des plots (la bille pouvant tomber indifferemment a gaucheou a droite lorsqu’elle rencontre un plot, ce suivant une loi binomiale) montre au finalque le tas de billes se repartit dans les canaux du receptacle suivant une distributionde Gauss, comme sur la figure 2.7 ci-dessous ; c’est l’illustration meme du theoremelimite central.

Figure 2.7 – Le triangle de Galton

2.4.5 L’inversion locale et la formule sommatoire de Poisson

Commencons dans cette section par enoncer un analogue continu du theoremede Jordan-Dirichlet (theoreme 2.1) concernant la restitution locale d’un element

49. Si une suite (Yk)k≥1 de variables aleatoires reelles toutes definies sur un meme espace deprobabilites est telle que la suite des fonctions caracteristiques (ΦYk

)k≥1 converge ponctuellementvers une fonction Φ continue en τ = 0, alors Φ est la fonction caracteristique d’une distribution deprobabilite PY et la suite des lois des variables aleatoires (Yk)k≥1 converge en loi vers la distributionde probabilite PY . Le probabiliste francais Paul Levy (1886-1971), certainement l’un des pionniersde la theorie des probabilites modernes, publia ce resultat en 1924 et son application au theoremelimite central en est une des applications les plus celebres.50. Il s’agit d’un theoreme limite, central dans la theorie.51. Polycopie en ligne sur http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/Proba6031.pdf

Page 104: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

100 L’analyse de Fourier et ses applications

f ∈ L1C(R, dt) a partir de la connaissance de son spectre. On oubliera dans cette

section les classes de fonctions f pour nous interesser plus specifiquement (parce queles valeurs ponctuelles des fonctions seront en jeu) a des representants particuliers fde ces classes. Nous nous placerons aussi en dimension n = 1 (la variable temporellesera donc le temps t).

Theoreme 2.5 (Theoreme de Jordan-Dirichlet, version continue) Soit f unelement de L1

C(R, dt) et t0, l deux nombres reels tels que∫ 1

0

|f(t0 + u) + f(t0 − u)− 2l||u|

< +∞ (2.39)

alors

limΩ→+∞

1

∫ Ω

−Ω

f(ω)eit0ω dω = l .

Preuve. Grace au theoreme de Fubini

1

∫ Ω

−Ω

f(ω)ei〈t0 , ω〉 dω =1

∫ Ω

−Ω

(∫Rf(t)e−iωt dt

)eit0ω dω

=1

∫Rf(t)

(∫ Ω

−Ω

e−i(t−t0)ω dω)dt

=1

π

∫Rf(t)

sinΩ(t− t0)t− t0

dt

=1

π

∫ ∞

0

(f(t0 + u) + f(t0 − u))sinΩu

udu .

On a, en utilisant le fait que

∀Ω > 0 ,

∫ ∞

0

sinΩu

udu =

∫ ∞

0

sin u

udu =

π

2

(il s’agit d’une integrale semi convergente, voir par exemple le cours de L2 et lepolycopie du cours d’Analyse 3 (anciennement UE MHT401) 52),

1

π

∫ ∞

0

(f(t0 + u) + f(t0 − u))sinΩu

udu− l

=1

π

∫ 1

0

(f(t0 + u) + f(t0 − u)− 2l)sinΩu

udu

+1

π

∫ ∞

1

(f(t0 + u) + f(t0 − u))sinΩu

udu− 1

π

∫ ∞

1

sinΩu

udu .

(2.40)

Les deux premieres integrales dans le membre de droite de (2.40) tendent vers 0 graceau lemme de Riemann-Lebesgue (proposition 2.7) puisque les fonctions mesurables

u 7−→ χ[0,1](u)f(t0 + u) + f(t0 − u)− 2l

u

u 7−→ χ[1,∞[(u)f(t0 + u) + f(t0 − u)

u

52. http://www.math.u-bordeaux1.fr/∼yger/mat401.pdf

Page 105: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.4 La transformation de Fourier des classes de fonctions integrables sur Rn 101

sont dans L1C(R, dt). Enfin

limΩ→+∞

1

π

∫ ∞

1

sinΩu

udu = lim

Ω→+∞

1

π

∫ ∞

Ω

sinΩu

udu = 0 .

La proposition est donc demontree. ♦Exemple d’application 2.9. Voici l’application majeure de ce resultat, comme dans le cadreperiodique (comparez avec l’application du theoreme 2.1) : si f presente une limite a gauche(f(t0 − 0)) en t0 ainsi qu’une limite a droite (f(t0 + 0)) en ce meme point, alors on peut affirmerque

limΩ→+∞

1

∫ Ω

−Ω

f(ω)eit0ω dω =f(t0 − 0) + f(t0 + 0)

2

a condition toutefois que soit remplie la clause de securite suivante : le graphe de f presente des

demi-tangentes a gauche et a droite respectivement aux points (t0, f(t0 − 0)) et (t0, f(t0 + 0)). Il

est important de souligner cependant que ce phenomene de restitution locale de f a partir de son

spectre est, comme dans le cadre periodique, entache du phenomene d’aliasing de Gibbs (figure 2.2

de la section 2.3.3).

Une autre application importante est la formule sommatoire de Poisson qui permetde resommer une serie numerique convergente de maniere a pouvoir ameliorerla vitesse de convergence des sommes partielles de la serie.

Proposition 2.9 (Formule sommatoire de Poisson 53) Soit f un element de

L1C(R, dt) tel que f ∈ L1

C(R, dω) et f son unique representant continu. La seriebilatere

[f(· − 2kπ)]k∈Z

est donc absolument convergente dans L1C([−π, π], dθ) et sa somme (dans cet espace

de Banach) definit un element ψ ∈ L1C([−π, π], dθ) que l’on suppose de plus avoir

un representant continu en θ = 0 et presentant des derivees a gauche et a droite ence point. Alors

limN→+∞

N∑k=−N

f(k) = limN→+∞

N∑k=−N

f(2kπ) ∈ C .

Preuve. Comme∫R|f(ω)| dω =

∞∑k=−∞

∫ (2k+1)π

(2k−1)π

|f(ω)| dω =∑k∈Z

∫ π

−π

|f(θ + 2kπ)| dθ

=

∫ π

−π

(∑k∈Z

|f(θ + 2kπ)|)dθ < +∞ ,

on a bien convergence absolue de la sere bilatere [f(·−2kπ)]k∈Z dans L1C(R, dθ) vers

un element ψ de cet espace. Grace a la formule d’inversion de Fourier (theoreme2.4), on sait que

f(t) =1

∫Rf(t)eiωt dω ∀ t ∈ R

53. On l’attribue au mathematicien francais Simeon-Denis Poisson (1781-1840) que nous avonsdeja evoque a propos de la loi de Poisson.

Page 106: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

102 L’analyse de Fourier et ses applications

et que par consequent

N∑k=−N

f(k) =1

∫Rf(ω)

( N∑k=−N

eikω)dω

=1

∫Rf(ω)DN(ω) dω

=1

∫ π

−π

ψ(u)DN(u) du .

Mais nous nous trouvons exactement dans conditions d’application du theoreme deJordan-Dirichlet (theoreme 2.1 et son application) en t0 = 0 a cause des hypothesesfaites sur ψ. On en deduit

limN→+∞

1

∫ π

−π

ψ(u)DN(u) du = ψ(0) ,

d’ou le resultat voulu. ♦Exemple 2.10. On a vu (exemple 2.5 de la section 2.4.1) que la fonction

t 7−→ e−|t|

2

avait pour spectre la fonction

ω 7−→ 1

1 + ω2.

D’apres la formule d’inversion de Fourier (theoreme 2.4), la fonction

f : t 7−→ 1

1 + t2

a pour spectref : ω 7−→ πe−|ω| .

On verifie que les conditions d’application de la proposition 2.9 sont ici remplies et que parconsequent, pour chaque τ > 0, ∑

k∈Z

1

1 + τ2k2=π

τ

∑k∈Z

e−2π|k|/τ

(on travaille avec t 7−→ f(τt) au lieu de f pour appliquer la formule). On obtient ainsi

2

∞∑k=1

1

1 + k2τ2+ 1 =

π

τ

(2

∞∑k=0

e−2kπ/τ − 1)

τ

1 + e−2π/τ

1− e−2π/τ.

C’est un exemple ou la serie de droite (serie geometrique) converge beaucoup plus vite que la seriede gauche (serie equivalente a une serie de Riemann) 54. Si l’on prend τ >> 1, on ecrit ceci

2

τ2

∞∑k=1

1

k2 + 1τ2

+ 1 =π

τ× τ

(2 +

1

6(2π/τ)2 + · · ·

)et l’on retrouve en mettant les deux membres sous la forme

1 +α1

τ2+ o(τ−2) = 1 +

π2

3

1

τ2+ o(τ−2)

54. Ceci sera un fait general dans l’utilisation de la formule de Poisson (c’est d’ailleurs une raisonmajeure de son interet) car on verra plus loin avec le principe d’incertitude d’Heisenberg (theoreme

2.7) que mieux f est localisee en temps, plus f est diffus en frequences (et vice-versa).

Page 107: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx) 103

la valeur de∞∑k=1

1

k2=α1

2=π2

6.

Exemple 2.11. Si τ > 0, la gaussienne t 7→ e−t2τ2/2 a pour transformee de Fourier la gaussienne

ω 7→√2πτ e−ω2/(2τ2) ; on deduit par consequent de la formule sommatoire de Poisson la formule

∑k∈Z

e−k2τ2/2 =

√2π

τ

∑k∈Z

e−2π2k2

τ2 ;

si τ est tres petit, disons par exemple τ ' 10−3, τ2 = 10−6 et il faut un nombre impressionnantde termes pour calculer la somme ∑

k∈Z

e−k2τ2/2

avec une erreur de 10−3 (entraınez vous a calculer combien !) ; en revanche, le calcul approche dela somme ∑

k∈Z

e−2π2k2

τ2

se fait lui avec tres peu de termes du fait que 1/τ2 ' 106 ! C’est la toute la force de la formule

sommatoire de Poisson !

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx)

2.5.1 Une isometrie de G dans lui-meme (pour la norme L2)

On rappelle la definition du C-sous-espace vectoriel G de L1C(Rn, dx) constitue

des classes de fonctions integrables de la forme

f : x ∈ Rn 7−→N∑j=1

λj ei〈ω(j) , x〉 gεj(x− x(j)) ,

ou x(j), ω(j), j = 1, ..., N , designent des points respectivement de Rnx et Rn

ω, εj,j = 1, ..., N , des nombres strictement positifs, λ1, ..., λN des coefficients complexes.

Nous avons la proposition suivante :

Proposition 2.10 Pour tout f ∈ G, on a, pour tout representant f de f :∫Rn

|f(x)|2 dx =1

(2π)n

∫Rn

|f(ω)|2 dω .

Preuve. On considere un representant f de f et la fonction

F : x ∈ Rn 7−→ f ∗ ˙f(− ·)(x) =

∫Rn

f(y)f(y − x) dy (2.41)

(il se trouve que l’integrale ci dessus est bien definie pour tout x ∈ Rn, la fonction de

x ainsi definie est donc bien un representant de l’element f ∗ ˙f(− ·) de L1

C(Rn, dx)).On remarque que la fonction F definie par (2.41) est toujours un element de G (carG est stable par convolution). Il resulte de la proposition 2.8 que l’on a[

f ∗ ˙f(− ·)

]∧= f ×

f(− ·)]∧,

Page 108: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

104 L’analyse de Fourier et ses applications

ce qui donne, pour tout ω ∈ Rnω :[

f ∗ ˙f(− ·)

]∧(ω) = f(ω)×

∫Rn

f(−x)e−i〈x , ω〉 dx

= f(ω)×∫Rn

f(x)ei〈x , ω〉 dx

= f(ω)×∫Rn

f(x)e−i〈x , ω〉 dx

= f(ω)× f(ω) = |f(ω)|2 .

Or la formule d’inversion de Fourier (theoreme 2.4) nous assure qu’un autre repre-

sentant (lui aussi continu, comme F ) de la classe f ∗ ˙f(− ·) est

F : x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n

∫Rn

|f(ω)|2ei〈x , ω〉 dω .

Comme F et F sont deux representants continus du meme element de L1K(Rn, dx),

ces deux representants coıncident et on a, en prenant leur valeur commune en x = 0,

F (0) =

∫Rn

|f(x)|2 dx = F (0) =1

(2π)n

∫Rn

|f(ω)|2 dω ,

ce qui est la formule escomptee. ♦.Les fonctions f representant les elements de G etant clairement des fonctions deL2

C(Rn, dx), on peut prendre leurs classes dans L2C(Rn, dx) et noter egalement G le

C-sous-espace que ces classes constituent dans L2C(Rn, dx) cette fois. On a alors le

resultat suivant :

Proposition 2.11 L’application qui a f ∈ G ⊂ L2C(Rn

x, dx) associe la classe de fdans G ⊂ L2

C(Rnω, dω) est un isomorphisme entre ces deux copies de G (l’une sur Rn

x,l’autre sur Rn

ω) et l’on a de plus

‖f‖22 =1

(2π)n‖f‖22 . (2.42)

L’isomorphisme inverse est l’application qui a f ∈ G ⊂ L2C(Rn

ω, dω) associe la classe(dans L2

C(Rnx, dx)) de la fonction

x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n

∫Rn

f(ω) ei〈x , ω〉 dω .

Preuve. C’est une application immediate de la proposition 2.10 et de la formuled’inversion de Fourier (theoreme 2.4) applicable ici puisque G (qui est invariant sousla transformation de Fourier si l’on decide d’identifier les deux copies Rn

x et Rnω en

jeu dans cette transformation) est dans L1C(Rn

x ' Rnω, dx ' dω). ♦

2.5.2 Extension a L2C(Rn, dx) et formule de Plancherel

Le C-sous-espace vectoriel G ⊂ L2C(Rn

x ' Rnω, dx ' dω) est invariant par prise de

transformation de Fourier et est d’autre part un C-sous-espace dense dans l’espace

Page 109: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx) 105

de Hilbert L2C(Rn, dx). Si en effet f est un element de L1

C(Rn, dx) ∩ L2C(Rn, dx)

orthogonal a G, on a∫Rn

f(y)e−i〈y , ω〉gε(y − x) dy =

∫Rn

f(y)e−i〈y , ω〉gε(x− y) dy = 0

pour tout x, ω dans Rn et pour tout ε > 0 (compte tenu de la definition de G). Enparticulier, on a f ∗ gε = 0 pour tout ε > 0, ce qui implique f = 0, puisque l’onsait que la suite (f ∗ gεk)k≥1 converge vers f dans L1

C(Rn, dx) lorsque (εk)k≥1 estune suite de nombres strictement positifs tendant vers 0 55. Comme le sous-espaceL1C(Rn, dx)∩L2

C(Rn, dx) est un sous-espace dense de L2C(Rn, dx) 56, on a bien densite

dans L2C(Rn

x ' Rnω, dx ' dω) du sous-espace G.

Le lemme 1.2 etabli dans la section 1.11.1 du chapitre 1, combine avec la formuled’isometrie (2.42) (valable pour tout g ∈ G) etablie dans la proposition 2.11, nousautorise a etendre (de maniere unique) l’action de l’operation

f ∈ G ⊂ L2C(Rn

x, dx) 7−→ classe (f) ∈ G ⊂ L2C(Rn

ω, dω)

en un operateur lineaire continu

F : f ∈ L2C(Rn

x, dx) 7−→ F(f) ∈ L2C(Rn

ω, dω) .

L’operation inverse

classe (f) ∈ G ⊂ L2C(Rn

ω, dω) 7−→ f ∈ G ⊂ L2C(Rn

x, dx)

peut egalement etre etendue en un operateur lineaire continu

F−1 : f ∈ L2C(Rn

ω, dω) 7−→ F−1(f) ∈ L2C(Rn

x, dx) .

D’une part la formule (2.42) demeure valide, d’autre part l’operateur F coıncide surle sous-espace L1

C(Rnx, dx) ∩ L2

C(Rnx, dx) avec l’operateur consistant a associer a f la

classe de f , f etant cette fois considere comme element de L1C(Rn

x, dx).

Tout cela peut etre resume en le theoreme suivant :

Theoreme 2.6 Soit f ∈ L2C(Rn

x, dx) et f ∈ L2C(Rn

ω, dω). Les limites

limT→+∞

L2C(Rn

ω ,dω)

[ω 7−→

∫[−T,T ]n

f(x)e−i〈x , ω〉 dx]:= F(f) ∈ L2

C(Rnω, dω)

limΩ→+∞

L2C(Rn

x ,dx)

[x 7−→ 1

(2π)n

∫[−Ω,Ω]n

f(ω)ei〈x , ω〉 dω]:= F−1(f) ∈ L2

C(Rnx, dx)

et definissent l’action de deux operateurs inverses l’un de l’autre que l’on appellerespectivement transformation de Fourier et transformation de Fourier inverse. Deplus, on a la formule, dite formule de Plancherel 57

∀f ∈ L2C(Rn

x, dx) , ‖f‖22 =1

(2π)n‖F(f)‖22 , (2.43)

55. Toujours la proposition 4.10 du cours de theorie de l’integration MA5012.56. Voir le cours de theorie de l’integration : ceci resulte du fait que ce C-sous-espace contient

les classes des fonctions indicatrices des paves [a1, b1]× . . .× [an, bn].57. On fait reference ici aux travaux du mathematicien suisse Michael Plancherel, 1885-1967.

Page 110: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

106 L’analyse de Fourier et ses applications

formule que l’on peut dedoubler en

∀ f1, f2 ∈ L2C(Rn

x, dx) ,

∫Rn

f1(x)f2(x) dx =1

(2π)n

∫Rn

F(f1)[ω]F(f2)[ω] dω .

(2.44)

Attention ! Contrairement a ce qui se passe pour f lorsque f ∈ L1C(Rn

x , dx), F(f) est un element de

L2C(Rn

ω, dω) (defini comme une limite dans cet espace de classes de fonctions elles ponctuellement

definies, a savoir les classes des spectres des fχ[−T,T ]n , T → +∞, qui, eux, sont des spectres

d’elements de L1C(Rn

x , dx)) et n’a donc pas de sens ponctuel. On ne saurait parler de F(f)[ω0] en

un point specifique ω0 de l’espace Rnω. Il faut prendre garde a ce point subtil mais essentiel. C’est

la meme chose en ce qui concerne F−1(f) lorsque f est un element de L2C(Rn

ω, dω).

Preuve. L’enonce est juste un resume de ce qui precede dans cette section 2.5.2.Tout a ete dit, si ce n’est le fait bien connu qu’un element de L2

C(Rnx, dx) (resp.

L2C(Rn

ω, dω)) s’approche dans cet espace par les classes des fonctions tronquees

fχ[−T,T ]n , T > 0 ,

en faisant tendre T vers l’infini. ♦Exemple 2.12. On a vu (exemple 2.3 dans la section 2.4.1) que le spectre de la fonction ca-racteristique χ[−T,T ] etait la fonction

ω 7−→ 2sinωT

ω.

Grace au theoreme 2.6, la transformee de de Fourier

F(t 7−→ 2

sinTt

t

)a pour representant dans L2

C(Rω, dω) la fonction

ω 7−→ 2π × χ[−T,T ] .

La transformee de Fourier de la fonction

sinc : t ∈ R 7−→ sin(πt/2)

πt/2

a pour representantω 7−→ 2χ[−π/2,π/2] .

2.5.3 Fourier versus la derivation ; le principe d’incertituded’Heisenberg

Plus le spectre d’un element f de L1C(Rn

x, dx) decroıt rapidement lorsque ‖ω‖tend vers l’infini, plus l’on peut affirmer que f est regulier, c’est a dire admet unrepresentant de classe Cm, avec m lie a la vitesse de convergence du spectre. Eneffet, on a la

Proposition 2.12 Si f ∈ L1C(Rn

x, dx) ∩ L2C(Rn

x, dx) et si ω 7−→ ‖ω‖m |f(ω)| definitun element de L1

C(Rnω, dω) ∩ L2

C(Rnω, dω) pour un certain entier m ∈ N, f admet un

representant f de classe Cm et pour tout operateur differentiel P (∂/∂x1, ..., ∂/∂xn)

Page 111: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx) 107

d’ordre total inferieur ou egal a m, P [D](f) definit un element de L2C(Rn

x, dx) dontla transformee de Fourier a pour representant

ω ∈ Rn 7−→ P (iω)f(ω) ;

de plus, on a ∫Rn

|P [D](f)(x)|2 dx =1

(2π)n

∫Rn

|P (iω)|2|f(ω)|2 dω .

Preuve. On utilise tout d’abord la formule d’inversion de Fourier (theoreme 2.4)qui nous assure que f admet pour representant

f : x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n

∫Rn

f(ω) ei〈x , ω〉 dω .

En appliquant a repetition le theoreme de derivation de Lebesgue des integrales aparametres 58, on voit que le fait que

ω 7−→ ‖ω‖m |f(ω)|

soit dans L1C(Rn

ω, dω) implique que f est de classe Cm et que l’on a, pour toutoperateur differentiel P (∂/∂x1, ..., ∂/∂xn) d’ordre au plus m,

P (D)[f ](ω) =1

(2π)n

∫Rn

P (iω) f(ω)ei〈x , ω〉 dω .

Le theoreme 2.6 nous assure que P (D)[f ] definit bien un element de L2C(Rn

x, dx)puisque

ω 7−→ ‖ω‖m |f(ω)|est aussi dans L2

C(Rnω, dω) et que le degre total de P est au plus m. De plus, ce meme

theoreme nous assure que F(P [D](f)) a pour representant

ω ∈ Rn 7−→ P (iω)f(ω) .

Enfin, on a ∫Rn

|P [D](f)(x)|2 dx =1

(2π)n

∫Rn

|P (iω)|2|f(ω)|2 dω

d’apres la formule de Plancherel (2.43). La proposition est ainsi demontree. ♦La proposition 2.12 peut aussi se lire en echangeant les deux mondes Rn

x et Rnω ; plus

f a un representant decroissant vers 0 rapidement, plus le spectre f est regulier. Ona la proposition :

Proposition 2.13 Si f est une fonction mesurable sur Rnx telle que

x 7−→ ‖x‖m|f(x)|

definisse un element de L1C(Rn

x, dx)∩L2C(Rn

x, dx) pour un certain entier m ∈ N, alorsf est de classe Cm et pour tout operateur differentiel P (∂/∂x1, ..., ∂/∂xn) d’ordre

total inferieur ou egal a m, P [D](f) definit un element de L2C(Rn

ω, dω), avec

P [D](f)(ω) =[x 7−→ P (−ix)f(x)

]∧(ω) ∀ω ∈ Rn

ω ;

58. Theoreme 3.3 du cours de theorie de l’integration MA5012.

Page 112: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

108 L’analyse de Fourier et ses applications

de plus, on a ∫Rn

|P [D](f)(ω)|2 dω = (2π)n∫Rn

|f(x)|2|P (−ix)|2 dx .

Preuve. Les hypotheses permettent d’appliquer a repetition (pas plus de m foiscependant) le theoreme de derivation de Lebesgue des integrales dependant d’unparametre a

ω ∈ Rn 7−→ f(ω) =

∫Rn

f(x)e−i〈x , ω〉 dx .

Cette fonction est donc de classe Cm et on a

P [D](f)(ω) =

∫Rn

P (−ix)f(x)e−i〈x , ω〉 dx ∀ω ∈ Rnω .

Le theoreme 2.6 nous permet d’affirmer que P [D](f) definit un element de l’espaceL2C(Rn

ω, dω) et que∫Rn

|P [D](f)(ω)|2 dω = (2π)n∫Rn

|f(x)|2|P (−ix)|2 dx

d’apres la formule de Plancherel (2.43). La proposition est demontree. ♦Derriere les enonces des propositions 2.12 et 2.13, on voit poindre la constructiond’une hierarchie d’espaces de Hilbert, tous sous-espaces de L2

C(Rn, dx), introduitspar le mathematicien russe Sergei Sobolev (1908-1989) vers 1935 59.

Si nous ne pouvons aller plus avant en direction des contributions de Sobolev, nouspouvons cependant formuler un principe essentiel en physique, soutendu par l’ana-lyse de Fourier, principe mettant une nouvelle fois en lumiere le role privilegie de lagaussienne dans cette analyse. Pour simplifier, nous nous limiterons a la dimensionn = 1.

Theoreme 2.7 (Principe d’incertitude d’Heisenberg 60) Soit f une fonctionmesurable sur R telle que la fonction t 7−→ |t| |f(t)| definisse un element de l’espace

L1C(Rt, dt) ∩ L2

C(Rt, dt), que la fonction ω 7−→ |ω| |f(ω)| definisse un element del’espace L1

C(Rω, dω) ∩ L2C(Rω, dω), et que de plus ‖f‖2 = 1 61. Alors√∫

R|t|2|f(t)|2 dt×

√∫R|ω|2|f(ω)|2 dω ≥

√π

2, (2.45)

l’inegalite ne devenant une egalite que si f est une gaussienne centree de la forme

f(t) = ± µ

π1/4e−µ2t2/2

avec µ ∈ R∗.

59. C’est a Sergei Sobolev en Union Sovietique et a Laurent Schwartz (1915-2002) en France quel’on doit les fondements de la theorie des fonctions generalisees (ou distributions), formidable outilde modelisation dans la theorie des equations aux derivees partielles ; le formalisme de la theoriedes distributions, enseigne en master 1, est malheureusement necessaire pour asseoir la definitionmathematique des espaces de Sobolev. Les deux propositions 2.12 et 2.13 ne font ici que suggerercette definition.60. Il fut formule par le physicien allemand Werner Heisenberg au printemps 1927, a l’aube des

developpements ulterieurs de la mecanique quantique.61. Cette derniere condition est juste une condition de normalisation.

Page 113: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx) 109

Preuve. D’apres la proposition 2.12, f admet un representant derivable (c’est luique nous noterons maintenant f), tel que f ′ definisse un element de L2

C(Rt, dt) etque ∫

R|f ′(t)|2 dt = 1

∫R|ω|2 |f(ω)|2 dω .

De plus, si u et v sont deux reels strictement positifs, alors, une integration parparties donne

Re(∫ v

−u

tf(t)f ′(t) dt)=

1

2

[t|f(t)|2

]v−u− 1

2

∫ v

−u

|f(t)|2 dt . (2.46)

Comme ∫R|t| |f(t)| dt < +∞ ,

il existe deux suites strictement croissantes et tendant vers +∞ de nombres reelsstrictement positifs (uk)k≥0 et (vk)k≥0 telles que

limk→+∞

(−uk)|f(−uk)|2 = limk→+∞

vk|f(vk)|2 = 0 .

De plus, tf et f ′ definissent des elements de L2C(Rt, dt), ce qui implique la convergence

(absolue) de l’integrale impropre ∫Rtf(t)f ′(t) dt .

Si l’on choisit u = uk, v = vk dans (2.46) et que l’on fasse tendre k vers l’infini, ontrouve donc

Re(∫ v

−u

tf(t)f ′(t) dt)= −1

2

∫R|f(t)|2 dt = −1

2.

Il vient donc, en utilisant l’inegalite de Cauchy-Schwarz et la proposition 2.12 (pourexprimer ‖f ′‖2),

1

2≤

∣∣∣ ∫Rtf(t)f ′(t) dt

∣∣∣ ≤√∫Rt2|f(t)|2 dt

√∫R|f ′(t)|2 dt

√∫Rt2|f(t)|2 dt× 1√

√∫R|ω|2 |f(ω)|2 dω , (2.47)

ce qui fournit l’inegalite voulue. Pour que cette inegalite ne soit pas stricte, il faut quel’on se trouve dans le cas d’egalite lors de notre utilisation de l’inegalite de Cauchy-Schwarz dans L2

C(Rt, dt) avec les deux elements que sont les classes de t 7−→ tf(t)et de t 7−→ f ′(t) (premiere etape de la chaıne d’inegalites (2.47)). L’egalite n’estpossible que s’il existe une constante λ ∈ C telle que

∀t ∈ R , f ′(t) + λtf(t) = 0 . (2.48)

On constate en fait que λ doit aussi etre un nombre reel (meme strictement posi-tif, i.e. λ = µ2, avec µ ∈ R∗, du fait que f est supposee integrable). L’equationdifferentielle (2.48) se resout alors immediatement et l’on trouve bien (compte tenude la normalisation ‖f‖2 = 1) :

f : t 7−→ ± µ

π1/4e−µ2t2/2

Page 114: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

110 L’analyse de Fourier et ses applications

avec µ ∈ R∗. ♦Voici l’interpretation du theoreme 2.7 ; les deux facteurs figurant au membre degauche dans l’inegalite (2.45) peuvent s’interpreter comme les racines carrees desmoments d’inertie (par rapport a l’origine) des repartitions d’energie |f(t)|2 dt et|f(ω)|2 dω. Plus le premier facteur est petit, meilleure est la concentration de l’ener-gie de f au voisinage de l’origine dans l’espace Rt des temps ; plus le second facteurest petit, meilleure est la concentration de l’energie du spectre de f au voisinagede l’origine dans l’espace Rω des frequences. Ce que dit l’inegalite (2.45), c’est quel’on est dans l’incapacite de rendre ces deux facteurs petits, autrement dit, on nepeut bien localiser a la fois l’energie de f et l’energie de son spectre. Le moins pire compromis s’avere etre le choix des gaussiennes, d’ou leur role pour modeliserles particules en mecanique quantique. Ce principe crucial conditionne autant enmathematiques qu’en physique l’outil qu’est la transformation de Fourier. Il fauttenter de faire avec . Il est important de bien l’avoir compris.

2.5.4 Fonctions L2 a spectre borne ; le theoreme de Shannon

Les deux dernieres section de ce chapitre (et du cours) doivent etre vues commedes digressions (pouvant servir de theme d’exercice ou de probleme de revision)autour des deux chapitres. La presente section est devolue a la notion de spectreborne et surtout au resultat majeur qu’est le theoreme d’echantillonnage de Shan-non-Nyquist.

Definition 2.8 Un element f ∈ L2C(Rn, dx) est dit a spectre borne s’il existe Ω > 0

tel queF(f) = 0 presque partout hors de [−Ω,Ω]n .

Du fait du theoreme 2.6, un tel element f admet toujours un representant continu,a savoir 62

f : x ∈ Rn 7−→ 1

(2π)n

∫[−Ω,Ω]n

F(f)(ω) ei〈x , ω〉 dω .

Nous allons montrer que dans cette section qu’en fait, si τ1, ..., τn sont des nombresstrictement positifs tels que τj ∈]0, π/Ω], j = 1, ..., n, alors cette fonction continueest entierement determinee par la donnee de tous les echantillons

f(k1τ1, ..., knτn) , k1, ..., kn ∈ Zn .

L’hypothese portant sur les τj (τj ≤ π/Ω pour j = 1, ..., n) est essentielle : parexemple, si ε ∈]0,Ω[, la fonction

f : t ∈ R 7−→ sin(Ω− ε)tt

× sin(εt) ,

qui definit bien un element f de L2C(R, dt) tel que F(f) = 0 presque partout hors

de [−Ω,Ω], ne saurait etre determinee a partir de ses echantillons f(πk/(Ω − ε)),k ∈ Z, car ces nombres sont tous nuls !

62. En fait, par exemple lorsque n = 1, ce representant est meme une fonction reelle analytique,c’est a dire une fonction s’exprimant sur R comme la somme d’une serie entiere de rayon deconvergence +∞ (il suffit de developper l’exponentielle en serie sous l’integrale, puis d’intervertir,ce qui licite ici d’apres le theoreme de Lebesgue, sommation et integration) ; c’est donc en particulierune fonction C∞ qui, a moins d’etre identiquement nulle, ne saurait presenter que des zeros isoles.

Page 115: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.5 La transformation de Fourier dans L2C(Rn, dx) 111

Nous enoncons pour simplifier le resultat dans le cas n = 1 mais il est immediatementtransposable au cadre multidimensionnel. Il s’agit, on s’en doute, d’un resultat tresimportant du point de vue pratique puisqu’il valide la possibilite d’echantillonnerune fonction continue d’energie finie et de spectre vivant dans [−Ω,Ω] sans courirle risque d’une perte d’informations (pourvu que le pas d’echantillonnage soit pluspetit que le seuil π/Ω que les ingenieurs qualifient de seuil de Nyquist) ; c’est letheoreme de Shannon-Nyquist 63 :

Theoreme 2.8 Soit f ∈ L2C(Rt, dt) une fonction a spectre borne, inclus dans l’in-

tervalle [−Ω,Ω] avec Ω > 0, et f un representant continu de f . Alors, pour toutτ ∈]0, π/Ω], la suite de fonctions (fN)N∈N, ou

fN : t ∈ R 7−→N∑

k=−N

f(kτ) sinc(2(t− kτ)

τ

), N ∈ N ,

converge uniformement vers f sur R 64.

Preuve. D’apres le theoreme 2.6, on sait que l’unique representant continu de f estla fonction

f : t ∈ R 7−→ 1

∫RF(f)(ω)eiωt dω =

1

∫ Ω

−Ω

F(f)(ω)eiωt dω

=1

∫ π/τ

−π/τ

F(f)(ω)eiωt dω

=1

1

τ

∫ π

−π

F(f)(ω/τ)eiωt/τ dω

=1

1

τ

∫ π

−π

F(f)(θ/τ)e−iθt/τ dθ

On fixe t ∈ R et on utilise maintenant la formule (2.15) (formule de Parseval)introduite dans la section 2.3.1 avec les deux fonctions

f1 : θ ∈ [−π,+π[ 7−→ F(f)(θ/τ)f2 : θ ∈ [−π, π[ 7−→ e−iθt/τ

(ces deux fonctions sont ensuite prolongees par 2π-periodicite en des fonctionsdefinissant des classes f1 et f2 dans L

2C(T)). Les coefficients de Fourier complexes de

f1 sont donnes par

ck(f1) =1

∫ π

−π

F(f)(θ/τ) e−ikθ dθ =τ

∫ π/τ

−π/τ

F(f)(−ω)eikτω dω

∫ Ω

−Ω

F(f)(−ω)eikτω dω = τf(−kτ) ∀k ∈ Z .

63. Ingenieur electrique americain, Claude Elwood Shannon (1916-2001) fut un des pionniers dela theorie de l’information ; on lui doit l’introduction de la notion d’entropie et la mise en evidencede son role majeur dans les problemes de gain ou de compression d’information, les bases de latheorie du codage, etc.. Le resultat que nous citons ici, attribue a Shannon et a Harry Nyquist(1889-1976), physicien suedois collaborateur de Shannon aux Bell Labs, est un principe majeur entheorie de la communication et dans le traitement des signaux ou des images.

64. On rappelle la definition de la fonction sinus cardinal sur R par sinc (u) = sin(πu/2)πu/2 .

Page 116: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

112 L’analyse de Fourier et ses applications

Les coefficients de Fourier complexes de f2 sont donnes, eux, par

ck(f2) =1

∫ π

−π

e−iθt/τe−ikθ dθ =1

ei(k+t/τ)π − e−i(k+t/τ)π

i(k + t/τ)

=sin(k + t/τ)π

(k + t/τ)π= sinc

(2(t− (−kτ))τ

)∀ k ∈ Z .

En appliquant la formule (2.15), on trouve

f(t) =k=+∞∑k=−∞

f(−kτ)sinc(2(t− (−kτ))

τ

)=

k=+∞∑k=−∞

f(kτ) sinc(2(t− kτ)

τ

)= lim

N→+∞fN(t)

(la convergence etant ici une convergence ponctuelle). Le fait que la convergence soituniforme resulte du fait que la fonction

t ∈ R 7−→∑k∈Z

sinc2(2(t− kτ)

τ

)soit une fonction τ -periodique continue, donc bornee 65 par une constante C > 0, etque (f(kτ))k∈Z ∈ l2C(Z). Pour N2 > N1, on a, d’apres l’inegalite de Cauchy-Schwarz,

‖fN2 − fN1‖∞ ≤√C( ∑

N1<|k|≤N2

|f(kτ)|2)1/2

.

Le critere de Cauchy uniforme est donc rempli car on peut realiser ‖fN2−fN1‖∞ < εpour N2 ≥ N1 ≥ N(ε) avec N(ε) assez grand ; on en deduit la convergence uniformede (fN)N∈N vers f et donc la conclusion du theoreme de Shannon. ♦

2.6 L’outil Fourier couple avec l’analyse hilber-

tienne ; deux exemples

Pour faire le pont entre les deux chapitres de ce cours, nous avons choisi deuxexemples ou analyse hilbertienne et analyse de Fourier se croisent et se completent :le principe mathematique du CAT-Scanner et le probleme de l’extrapolation desinformations.

2.6.1 Un premier exemple ; l’inversion de transformationsintegrales et le CAT-Scanner

Soit f ∈ L2R(Rn, dx), admettant un representant nul presque partout hors de la

boule euclidienne fermee de Rn de rayon R (avec R > 0) 66. Pour tout ξ ∈ Sn−1(R)(ou Sn−1(R) designe la sphere unite de Rn), il resulte du theoreme de Fubini que lafonction

p ∈ R 7−→∫y∈ξ⊥

f(p ξ + y) dξ⊥y

65. Il se trouve en fait que cette fonction est en fait constante et egale a 1, ce que l’on voit entravaillant un peu plus, mais nous n’en avons pas besoin ici.

66. La classe f admet donc un representant integrable.

Page 117: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.6 L’outil Fourier couple avec l’analyse hilbertienne ; deux exemples 113

(ou ξ⊥ designe l’hyperplan orthogonal a Rξ pour le produit scalaire usuel, dξ⊥ydesignant la mesure de Lebesgue sur Rn restreinte a cet hyperplan) est bien definiepresque partout (elle est nulle presque partout hors de [−R,R]) et induit (commefonction de p) une classe Rθ[f ] de L

2R(Rp, dp). L’application qui a un telle classe

f ∈ L2R(Rn

x, dx) associe la collection d’elements(Rθ[f ]

)ξ∈Sn−1(R)

est appelee transformation de Radon par les hyperplans. Etre capable de restaurerf a partir de la connaissance de toutes les coupes Rξ[f ], ξ ∈ Sn−1(R), est unprobleme d’un interet pratique majeur, on le verra plus loin. Nous allons ici proposerdeux solutions pour ce faire, l’une reposant sur l’utilisation de la transformation deFourier, l’autre sur le maniement de l’analyse hilbertienne.

Pour mettre en œuvre la premiere solution, fixons ξ ∈ Sn−1(R) et calculons latransformee de Fourier (au sens L2) de Rξ[f ]. Un representant de F(Rξ[f ]) est lafonction

τ ∈ R 7−→∫ R

−R

(∫ξ⊥f(p ~θ + y) dξ⊥(y)

)e−ipτ dp

=

∫Rn

f(x) e−i〈x , τξ〉 dx = f(τξ) .

Or, d’apres le theoreme 2.6, on a, en utilisant les coordonnees polaires,

f = limΩ→+∞

L2(Rnx ,dx)

1

(2π)n

[x 7−→

∫‖ω‖≤Ω

f(ω) ei〈x , ω〉 dω]

= limΩ→+∞

L2(Rnx ,dx)

1

(2π)n

[x 7−→

∫ξ∈Sn−1(R)

(∫ Ω

0

f(τξ) ei〈x , τξ〉 τn−1dτ)dSn−1(ξ)

]= lim

Ω→+∞L2(Rn

x ,dx)

1

(2π)n

[x 7→

∫ξ∈Sn−1

(∫ Ω

0

(Rξ[f ])∧(τ) ei〈x , τξ〉 τn−1dτ

)dSn−1(ξ)

](2.49)

ou nous avons convenu de noter ξ 7−→ dSn−1(ξ) la mesure de Lebesgue sur la sphereunite de Rn. Le procede d’inversion decrit dans (2.49) est un premier procede, basesur l’utilisation de la transformee de Fourier, pour recomposer la classe inconnue fa partir de toutes les coupes Rξ[f ], ξ ∈ Sn−1(R).

La seconde solution passe, elle, par l’utilisation de l’algorithmique hilbertienne, plusprecisement de la proposition 1.16 de la section 1.11.3 du chapitre 1. Soit H le R-espace des classes de fonctions mesurables sur la boule euclidienne B := Bn(0, R),telles ∫

B

|f(x)|2 dx < +∞

et, pour tout ξ ∈ Sn−1(R), soit

Rξ : f ∈ H 7−→ Rξ[f ] ∈ L2R([−R,R],

dp

(1− p2)(n−1)/2)

Page 118: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

114 L’analyse de Fourier et ses applications

qui a f associe la classe de fonction

p 7−→∫ξ⊥f(p ξ + y) dξ⊥y .

Il s’agit d’un operateur continu entre les deux espaces de Hilbert reels que sont Het L2([−R,R], dp). Le noyau Fξ de Rξ est donc un R-sous-espace vectoriel ferme deH. La projection d’une classe g de H sur l’orthogonal F⊥

ξ de ce noyau est la classede representant (defini presque partout)

x ∈ Bn(0, R) 7−→Rξ[g]

Rξ[χBn(O,R)](〈x , ξ〉) .

En effet on verifie immediatement que, si g est un representant de g,

x ∈ Bn(0, R) 7−→ g(x)− Rξ[g]

Rξ[χBn(0,R)](〈x , ξ〉)

est le representant d’une classe appartenant au noyau Fξ de Rξ ; d’autre part, pourtoute classe h (de representant h) dans ce noyau,∫

B

Rξ[g]

Rξ[χBn(0,R)](〈x , ξ〉)h(x) dx =

∫|p|2+‖y‖2≤R2

y∈ξ⊥

Rξ[g]

Rξ[χBn(0,R)](p)h(p ξ + y) dp dξ⊥y

=

∫|p|2+‖y‖2≤R2

y∈ξ⊥

h(p ξ + y)( ∫

[p|2+‖u‖2≤R2

u∈ξ⊥

g(p ξ + u)

Rξ[χBn(0,R)](p)dξ⊥u

)dp dξ⊥y

=

∫|p|2+‖u‖2≤R2

u∈ξ⊥

g(p ξ + u)

Rξ[χBn(0,R)](p)

( ∫[p|2+‖y‖2≤R2

y∈ξ⊥

h(p ξ + y) dξ⊥y)dp dξ⊥u

=

∫|p|2+‖u‖2≤R2

u∈ξ⊥

g(p ξ + u)

Rξ[χBn(0,R)](p)Rξ[h](p) dp dξ⊥u = 0 .

Si l’on choisit une collection finie ξ1, ..., ξM de directions dans Sn−1(R) et siP1, ..., PM designent les projections orthogonales respectivement sur les sous-espacesaffines fermes F1, ..., FM , ou Fj := f + Fξj , j = 1, ...,M , f designant un element apriori inconnu de H, alors, pour tout g dans H, la suite(

(PM PM−1 . . . P1)k(g)

)k≥1

converge lorsque k tend vers +∞ vers la projection de g sur le sous espace affine

f +M⋂j=1

Fξj .

En particulier, si l’on prend g = 0, on a

limk→+∞

(PM PM−1 . . . P1)k (0) −→ Projf+(Fξ1

∩...∩FξM) (0) ,

Page 119: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2.6 L’outil Fourier couple avec l’analyse hilbertienne ; deux exemples 115

ce qui fournit un moyen (iteratif) d’approcher f (modulo les elements du sous-espacevectoriel Fξ1 ∩ · · · ∩ FξM ) lorsque l’on dispose de la connaissance de representantspour les classes Rξj [f ], j = 1, ...,M (la connaissance de toutes ces classes fournit lemoyen de calculer de proche en proche tous les (PM PM−1 . . .P1)

k (0), on pourrale verifier en exercice dans le cas n = 2). Plus M est grand, plus le R-sous-espacevectoriel Fξ1 ∩ . . .∩FξM est petit 67 et par consequent, meilleure est l’approximationde f ainsi realisee.

Il a fallu attendre les anneees 1970 68 pour que les formules etablies en 1911 par lemathematicien autrichien Johannes Radon pour inverser la transformee qui porteaujourd’hui son nom trouvent, avec les progres de l’informatique et de l’algorith-mique de la transformation de Fourier (et l’irruption de l’algorithme de Fast FourierTransform propose par J.W. Cooley et J.W. Tukey en 1965 et dont nous avons parledans la section 2.2.1), leur pleine realisation au service de la tomographie medicaleet de son instrument clef, le CAT-scanner 69.

2.6.2 Un second exemple : l’extrapolation des signaux despectre borne

Pour cette seconde illustration (qui peut encore etre vue comme un theme deprobleme dirige), on se place dans le cadre n = 1. Le C-espace de Hilbert H =L2C(Rt, dt) contient deux types de sous-espaces fermes interessants :– d’une part, si T > 0, le C-sous espace HT constitue des classes f ayant unrepresentant presque partout nul hors de [−T, T ] ;

– d’autre part, si Ω > 0, le C-sous espace vectoriel HΩ constitue des classes ftelles que F [f ] admette un representant nul presque partout hors de [−Ω,Ω].

Si f ∈ H, la projection orthogonale de f sur HT a pour represntant la fonctionfχ[−T,T ], ou f est un representant de f .

Si f ∈ H, la projection orthogonale de f sur HΩ est

F−1[fχ[−Ω,Ω] ,

ou f est un representant de F [f ]. Il resulte du theoreme 2.6 et de l’etude de l’exemple2.12 qui l’accompagne qu’un representant de cette projection est la fonction

t ∈ R 7−→ 1

π

∫Rf(u)

sin(Ω(t− u))t− u

du ,

ou f est un representant de f .

Comme un element f de HΩ admet pour representant la fonction

t 7−→ 1

∫ Ω

−Ω

f(ω)eiωt dω

67. Notons que les elements de ce sous-espace sont les classes h telles que Rξj [h] = 0, j = 1, ...,M .68. Avec l’attribution en 1979 du prix Nobel de medecine au physicien (et mathematicien)

americain Allan M. Cormack et a l’informaticien et ingenieur electronicien anglais Godfrey N.Hounsfield pour leurs travaux en CAT-scanner tomographie.69. CAT pour Computed Axial Tomography.

Page 120: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

116 L’analyse de Fourier et ses applications

qui est une fonction reelle analytique et ne donc peut avoir (a moins d’etre identique-ment nulle) que des zeros isoles, on a HΩ ∩ (HT )⊥ = 0 puisque tout representantd’un element de (HT )⊥ doit etre presque partout nul hors de [−T, T ].Nous sommes donc en situation de mettre en œuvre l’application de la proposition1.16 de la section 1.11.3 du chapitre 1 : si f0 := ProjHT (f), alors, par le jeu dumecanisme iteratif

fk+1 = f0 + (1− χ[−T,T ])F−1[χ[−Ω,Ω]F [fk]

], k = 0, ...,

on approche f dans H, ce qui donne ainsi un procede (theorique !) pour extrapo-ler le representant continu de f (suppose ici seulement connu sur [−T, T ] puisquel’on ne dispose que de sa projection orthogonale sur HT ) a R tout entier. Ce procedealgorithmique, introduit dans les annees 1970, nomme du fait de ses inventeursprocede de Gerchberg-Papoulis 70, meme si bien sur il est tres difficile a realiser demaniere stable numeriquement (les signaux a spectre borne relevant de l’utopie cartout signal est inevitablement bruite et le bruit ne saurait etre a spectre borne),s’avere une bonne illustration du profit que l’on a a coupler les outils Fourier duchapitre 2 avec les notions d’analyse hilbertienne presentees au chapitre 1.

La presentation de ce dernier exemple, federant les deux chapitres de ce cours, leconclut tout naturellement. Elle souligne aussi combien les outils de l’algorithmiquepythagoricienne et ceux de l’analyse de Fourier sont intimement complementaires,le meilleur cadre pour travailler etant sans aucun doute celui des espaces de Hilbert,c’est-a-dire le cadre l2 ou L2.

FIN

70. A. Papoulis (1921-2002) est un theoricien du signal americain d’origine grecque contempo-rain ; ses ouvrages d’enseignement en analyse de Fourier, traitement du signal et processus stochas-tiques sont largement utilises tant par la communaute mathematique que celle des ingenieurs ; ilsont inspire la presentation du chapitre 2 de ce cours.

Page 121: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Quelques exercices (chapitre 2)

Exercice 1 (transformee de Fourier sur l1(Z) et l2(Z)).

(1) Soit (h(0), ..., h(M)) une suite de nombres reels (que l’on prolonge par 0pour en faire une suite indexee par Z) et

m0 : ω 7−→M∑k=0

h(k) e−ikω

le polynome trigonometrique correspondant (m0 est donc la transformeede Fourier du filtre digital de reponse impulsionnelle la suite indexee parZ

(..., 0, ..., 0,0

h(0), ...,M

h(M), 0, ...) .

L’operation R qui a un signal d’entree (e(k))k∈Z de l2C(Z) associe le signal(s(k))k∈Z ∈ l2C(Z) defini par

s(k) =∑l

h(l − 2k)e(l) , k ∈ Z

(vous verifierez pourquoi la suite (s(k))k∈Z est bien dans l2(Z)) est-elle unfiltre stationnaire (c’est-a-dire un operateur lineaire continu de l2(Z) danslui-meme invariant par translation) ? Decrivez explicitement l’operationR∗ adjointe de l’operation R.

(2) Exprimez, e = (ek)k∈Z etant un element de l2(Z), en fonction de m0 etde e (transformee de Fourier de la suite e = (ek)k∈Z) la transformee deFourier de la suite R∗[e].

(3) Calculez en utilisant la formule d’adjonction la transformee de Fourier dela suite R[e] lorsque e ∈ l2C(Z).

Exercice 2 (transformee de Fourier dans l1(Z) et noyau de Dirichlet 1).

(1) Verifiez qu’il existe une constante positive K1 telle que

∀ω ∈ [0, π] , ∀ k ∈ N∗ ,∣∣∣ ∫ ω

0

sin(ku)

udu

∣∣∣ ≤ K1

(pensez au changement de variables v = ku et a la semi-convergence del’integrale impropre de la fonction v 7−→ sin v/v sur [0,∞[ 2) puis qu’il

1. Cet exercice consiste en une version detaillee de la Remarque 2.1 du polycopie.

2. A propos, que vaut son integrale sur [0,∞[ ?

1

Page 122: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

2 QUELQUES EXERCICES (CHAPITRE 2)

existe une constante positive K2 telle que

∀ω ∈ [0, π] , ∀ k ∈ N∗ ,∣∣∣ ∫ ω

0

( sin[(k + 1/2)u]

2 sin(u/2)− sin(ku)

u

)du

∣∣∣ ≤ K2

(utilisez pour cela un peu de trigonometrie ainsi que les developpementslimites des fonctions sin et cos au voisinage de u = 0). Deduisez en (enutilisant l’expression “close” du noyau de Dirichlet donnee en cours suiteaux egalites de la chaine (2.21) 3), l’existence d’une constante positive Ktelle que

∀ k ∈ N∗ , supω∈[−π,π]

∣∣∣ k∑l=1

sin(lω)

l

∣∣∣ ≤ K .

(2) Montrez que, si (εk)k≥1 est une suite decroissante de nombres positifstendant vers 0, alors, pour tout η > 0, il existe un seuil N(η) ∈ N∗ tel que

∀ p > n ≥ N(η) , supω∈[−π,π]

∣∣∣ k=p∑k=n+1

εksin(kω)

k

∣∣∣ ≤ η

(ecrivez pour ce faire

k=p∑k=n+1

εksin(kω)

k=

p∑k=n+1

εk(Sk+1(ω)− Sk(ω)) ,

ou, pour k ∈ N∗

Sk(ω) :=k∑

l=1

sin(lω)

l

et utilisez la regle d’Abel d’“integration par parties discrete” vue en Ana-lyse 3 (L2), puis le dernier resultat etabli dans la question precedente).Deduisez en que la suite de fonctions 2π-periodiques(

ω ∈ R 7−→n∑

k=1

εksin(kω)

k

)n≥1

converge uniformement sur R vers une fonction 2π-periodique f .

(3) Verifiez que la serie de terme general

ρk :=1

k log(k + 1), k ≥ 1

est une serie a termes positifs divergente. Calculez les coefficients de Fou-rier complexes de la classe de fonction continue 2π-periodique f construitea la question 2 a partir de la suite (εk)k≥1, ou precisement

εk :=1

log(k + 1), k ≥ 1 .

Verifiez que la fonction f ne saurait etre la transformee de Fourier d’unsuite (sk)k∈Z de l1C(Z) (bien qu’etant une fonction continue 2π-periodiquesur R).

3. Vous pouvez d’ailleurs en profiter ici pour refaire soigneusement ces calculs !

Page 123: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

QUELQUES EXERCICES (CHAPITRE 2) 3

Exercice 3 (Transformation de Fourier sur L1C(T) et noyau de Fejer). Soit P

un polynome trigonometrique

θ ∈ R 7−→N∑

k=0

ck eikθ,

ou N ∈ N∗.

(1) Calculez (en exprimant dans un premier temps sa serie de Fourier) la

convolee KNper∗ Q, ou Q est la fonction 2π-periodique

Q : θ ∈ R 7−→ e−iNθ P (θ)

et KN le noyau de Fejer.

(2) Deduisez du calcul precedent l’inegalite de Bernstein :

supR

|P ′| ≤ N supR

|P |.

Exercice 4 (transformee de Fourier sur L1C(T) et theoreme de Fejer 4).

(1) Soit f un element de L1C(T) et (ck(f))k∈Z la suite de ses coefficients de

Fourier complexes. On considere la fonction F definie sur [0, 2π[ par

F (θ) :=

∫ θ

0

f(u) du

et prolongee ensuite a R en une fonction 2π-periodique. Pourquoi F definit-elle un element de L1

C(T) ? Calculez le spectre de F en fonction de celui

de f . A quelle condition la fonction F est elle une fonction continue 2π-periodique ?

(2) En utilisant l’identite remarquable

X2N − 1 = (X2 − 1)×N−1∑k=0

X2k ,

verifiez que, pour tout θ ∈]− π, π[,( sin(Nθ/2)sin(θ/2)

)2

= e−(N−1)θ ×(N−1∑

k=0

eikθ)2

et deduisez-en, pour tout θ ∈]− π, π[, la formule

1

N

( sin(Nθ/2)sin(θ/2)

)2

=

N∑k=−N

(1− |k|

N

)eikθ .

Que valent les coefficients de Fourier complexes de KN , ou KN est laclasse de la fonction 2π-periodique (de θ) ainsi definie ? Pourquoi la suite

(KN )N≥1 realise-t’elle une approximation de la masse de Dirac dans L1R(T) ?

(3) Reprenez l’element f de la question 1 ainsi que la fonction F correspon-dante et sa classe. On pose, pour tout N ∈ N,

uN =

N∑k=−N

ck(F ) .

4. Voir la Remarque 2.6 du polycopie.

Page 124: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

4 QUELQUES EXERCICES (CHAPITRE 2)

Verifiez que

u0 + u1 + · · ·+ uN−1

N=

1

∫ π

−π

KN (u)F (u) du

(vous calculerez pour cela en vous servant de la Proposition 2.5 du cours la

suite des coefficients de Fourier de KNper∗ F ) et deduisez en (en exploitant

le fait que (KN )N≥1 soit une approximation de la masse de Dirac dansL1R(T), etabli a la question 2) que

limN→+∞

u0 + · · ·+ uN−1

N=F (0+) + F (0−)

2= πc0(f) .

Est-il possible que la suite (Re(uk))k≥0 tende vers +∞ ? vers −∞ ?

(4) On suppose que f est un element de L1C(T) dont les coefficients de Fourier

ck(f) valent 0 si k = −1, 0, 1, 1/i log k si k ≥ 2 et −1/i log |k| si k ≤ −2.

Calculez les coefficients de Fourier ck(F ) de la classe F associee a f parla question 1. Verifiez que la suite (uk)k∈N de la question 3 est alors unesuite de nombres reels tendant vers +∞. Deduisez de la question 3 qu’unetelle classe f ne saurait exister.

Exercice 5 (Fourier sur L2C(T)). Soient f et g deux elements de L2

C(T) et f

un representant de f . Pourquoi, pour tout n ∈ N∗, la fonction

θ ∈ R 7−→ f(nθ)

est-elle bien le representant d’un element fn de L2C(T) ? Que vaut la norme de fn en

fonction de la norme de f ? En utilisant la formule de Parseval, verifiez la proprieteergodique suivante :

limn→+∞

〈fn , g〉T =1

4π2

∫[0,2π[

f(θ) dθ ×∫[0,2π[

g(θ) dθ .

Exercice 6 (Fourier sur L1C(Rn)). En utilisant la transformation de Fourier

sur L1C(Rn), montrez que l’operation de convolution entre elements de L1

C(Rn) nesaurait admettre d’element neutre.

Exercice 7 (Fourier sur L1C(Rn)). Considerez la fonction (integrable sur R)

∆ : R −→ R definie par

∀ t ∈ R , ∆(t) = max(0, 1− |t|) .Verifiez que la transformee de Fourier de ∆ est la fonction

∆ : ω ∈ R 7−→( sin(ω/2)

ω/2

)2

.

(avec la conventionsin(ω/2)

ω/2= 1 si ω = 0).

Exercice 8 (Equation de la chaleur, transformation de Fourier sur L1(R)).(1) Soit t > 0 et ω0 ∈ R. Montrez qu’il existe une fonction

x 7−→ E(t, ω0, x),

integrable sur R dont la transformee de Fourier est la fonction

ω 7−→ e−t(ω−ω0)2

Page 125: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

QUELQUES EXERCICES (CHAPITRE 2) 5

(on pourra dans un premier temps supposer ω0 = 0). Si ω0 = 0, verifiezque la fonction

(t, x) 7−→ E(t, 0, x)

est de classe C∞ dans ]0,∞[×R et verifie l’equation aux derivees partiellesdite de la chaleur :[ ∂

∂t− ∂2

∂x2

](E(t, 0, x)) ≡ 0 . (∗)

(2) Soit ϕ une fonction integrable sur R, nulle presque partout hors d’un seg-ment [−R,R]. Montrez que l’on peut, pour tout t > 0, definir la convoleede ϕ et de

x 7−→ E(t, 0, x)

et que la fonction

(x, t) 7−→∫RE(t, 0, x− u)ϕ(u) du = ϕt(x)

est une fonction de classe de classe C∞ dans ]0,∞[×R, solution de l’equationde la chaleur (∗) et telle que

limt→0

‖ϕt − ϕ‖1 = 0 .

Exercice 9 (transformee de Fourier sur L1C(Rn), transformee de Radon).

(1) Soit f : R2 −→ C une fonction de classe C3, identiquement nulle hors

d’un pave [−R,R]2 du plan. Verifiez que f definit un element f de L1C(R2)

et que la transformee de Fourier de f est integrable sur R2 (on pensera ade judicieuses integrations par parties). Deduisez en, pour tout (x, y) deR2, la formule

f(x, y) =1

4π2

∫ ∫]0,∞[×[0,2π[

f(reiθ)eir(cos θ x+sin θ y) r dr dθ .

(2) On reprend f comme a la question precedente. Pour tout p ∈ R, pour toutθ ∈ [0, 2π[, on pose

R[f ](p, θ) :=

∫Rf(p cos θ − t sin θ, p sin θ + t cos θ) dt ;

cette integrale correspond a l’integrale de la fonction f sur la droited’equation cartesienne

〈(x, y) , (cos θ, sin θ)〉 = p .

Calculez, θ etant fixe dans [0, 2π[, la transformee de Fourier de la classedans L1

C(R) de la fonction

p ∈ R 7−→ R[f ](p, θ)

(apres avoir montre que cette fonction etait bien integrable sur R relati-vement a la mesure de Lebesgue) et deduisez de la question precedenteun moyen de calculer f a partir de la connaissance de la fonction

R[f ] : R× [0, 2π[ 7−→ C .

Exercice 10 (la transformee de Fourier sur L2C(Rn)).

Page 126: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

6 QUELQUES EXERCICES (CHAPITRE 2)

(1) Calculez la transformee de Fourier de la fonction caracteristique de l’in-tervalle [−T, T ] de R, c’est-a-dire de la fonction

t 7−→ χ[−T,T ](t) =

1 si t ∈ [−T, T ]0 sinon .

lorsque T est un nombre strictement positif.

(2) Soit Ω > 0 ; la fonction definie par

∀ t ∈ R∗ , fΩ(t) =1

π

sin(Ωt)

t

et fΩ(0) = 0 est elle un representant d’un element de L1C(R, dt) ?

Montrez que la fonction fΩ est un representant d’un element d’une classefΩ ∈ L2

C(R, dt) et que la transformee de Fourier de fΩ a pour representantla fonction caracteristique de [−Ω,Ω], c’est-a-dire la fonction

ω 7−→ χ[−Ω,Ω](ω) =

1 si ω ∈ [−Ω,Ω]

0 sinon .

(pensez a utiliser le Theoreme 2.6 du cours et en particulier la formuled’inversion pour la transformee de Fourier L2, ainsi que le resultat etablia la question 1.).

Exercice 11 (la transformee de Fourier sur L2C(Rn)). Calculez l’integrale∫

R

( sin tt

)2

dt

en pensant a utiliser la formule de Plancherel dans L2C(R).

Exercice 12 (la transformee de Fourier sur L2C(Rn)).

(1) Soit ψ un element de L2(R, dt) (de representant la fonction t 7−→ ψ(t)).

Soient a > 0, b ∈ R. Calculer en fonction de a, b, ψ la transformee deFourier de la classe ψa,b dont un representant est

t 7−→ 1

aψ( t− b

a

)(on montrera d’abord que cette fonction definit bien un element de L2

C(R, dt)).(2) On considere f ∈ L2

C(R, dt) et on note, pour a > 0 et b ∈ R,

F (a, b) := 〈f , ψa,b〉 .Montrez que, si a > 0 est fixe, on a

limb→±∞

F (a, b) = 0

(pensez a utiliser la formule de Plancherel dans L2C(R)).

(3) On suppose de plus que ψ verifie de plus∫]0,∞[

|ψ(ω)|2

ωdω =

∫]0,∞[

|ψ(−ω)|2

|ω|dω = C ∈]0,+∞[

et que |ψ| est bornee sur R. Verifiez que, si f1 et f2 sont deux elementsde L2

C(R, dt), les fonctions

Fj : (a, b) ∈]0,∞[×R 7−→ 〈fj , ψa,b〉 , j = 1, 2,

Page 127: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

QUELQUES EXERCICES (CHAPITRE 2) 7

sont dans L2C(]0,∞[×R, da db/a) et que l’on a, si

H := L2C

(]0,∞[×R,

dadb

a

),

la formule〈F1 , F2〉H = 2πC〈f1 , f2〉

(pensez a utiliser deux fois la formule de Plancherel dans L2C(R)).

Exercice 13 (la transformee de Fourier sur L2C(Rn), la transformation de

Hilbert). On rappelle dans cet exercice la formule de Dirichlet :∫ ∞

0

sinu

udu := lim

T→+∞

∫ T

0

sinu

udu =

π

2.

(1) Soit ε ∈]0, 1[. Montrez que la transformee de Fourier de l’element hε deL1C(R, dt) dont un representant est defini par

hε(t) :=i

πtχ|t|∈[ε,1/ε](t)

verifie, pour tout ω ∈ R∗,

limε→0+

hε(ω) = signe (ω)

(utilisez la formule de Dirichlet rappelee dans l’en-tete de l’exercice).

(2) Verifiez qu’il existe un operateur lineaire continu H de L2C(R, dt) dans

lui-meme tel que

F(H(f)) = signe ( )×F(f)

(F designe la transformation de Fourier sur L2C(R, dt)) et que

limε→0+

‖hε ∗ f −H(f)‖2 = 0

pour tout f ∈ L2C(R, dt) (vous justifierez aussi pourquoi la convolution

hε ∗ f est licite et definit un element de L2C(R, dt) lorsque f ∈ L2

C(R, dt)).

Page 128: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de
Page 129: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Corriges

Corrige de l’exercice 1.

(1) D’apres l’inegalite de Cauchy-Schwarz, le theoreme de Fubini-Tonelli etl’invariance de la mesure de decompte par translation, on a∑

k∈Z

(∑l∈Z

|el| |h(l − 2k)|)2

≤∑k∈Z

(∑l

|h(l − 2k)| ×∑l

|h(l − 2k)| |el|2)

≤ ‖h‖1 ×∑k

(∑l

|h(l − 2k)| |el|2)

≤ ‖h‖1 ×∑l

(∑k

|h(l − 2k)| |el|2)

≤ ‖h‖21 × ‖e‖22 .

L’operateur R est donc bien lineaire continu de l2C(Z) dans lui-meme, denorme au plus

‖h‖1 =N∑

k=0

|h(k)| .

La reponse a suite (δ0,k)k∈Z est la suite (h(−2k))k ; la reponse a la suite(δ1,k)k est la suite (h(1 − 2k))k, qui est differente de la suite (h(−2k))kdecalee d’une unite vers la droite, en l’occurrence la suite

(h(−2(k − 1))k = (h(2− 2k))k .

L’operateur lineaire continu R n’est donc pas un filtre stationnaire (ausens de la definition introduite dans la Proposition 2.4). Son adjoint secalcule immediatement en utilisant la formule d’adjonction

〈R[(ek)k] , (fk)k〉 = 〈(ek)k , R∗[(fk)k]〉

On trouve, en utilisant le theoreme de Fubini,

R∗[(fk)k] =(∑

l

flh(k − 2l))k.

(2) La transformee de Fourier de R∗[e] est la limite dans L2C(T) de la suite

des classes de fonctions

ω 7−→N∑

k=−N

(R∗[e])k e−ikω .

9

Page 130: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

10 CORRIGES

Or, pour tout ω ∈ R, d’apres le theoreme de Fubini, la propriete d’ho-momorphisme de l’exponentielle et l’invariance de la mesure de decomptepar translation, on a

N∑k=−N

(R∗[e])k e−ikω =

=

N∑k=−N

(∑l∈Z

elh(k − 2l))e−ikω

=

N∑k=−N

(∑l∈Z

elh(k − 2l)e−i(k−2l)ω × e−2ilω)

=∑l∈Z

ele−2ilω

( N∑k=−N

h(k − 2l)e−i(k−2l)ω).

Lorsque N tend vers l’infini, on a convergence ponctuelle de la suite defonctions (

ω 7−→N∑

k=−N

h(k − 2l)e−i(k−2l)ω)N

vers la fonction

ω 7−→M∑k=0

h(k)e−ikω = m0(ω) .

La convergence est meme une convergence dominee sur [0, 2π[ (par lafonction constante ‖h‖1). La limite dans L2

C(T) de la suite des classes defonctions (

ω 7−→N∑

k=−N

(R∗[e])k e−ikω

)N

est donc

m0 × limL2(T)

( N∑k=−N

ele−2il(·)

).

Comme la transformee de Fourier de e est la limite dans L2C(T) de la suite

des classes de fonctions

(ω 7−→

N∑k=−N

ele−ilω

)N,

on a au final la relation

R∗[e] = m0 × e(2(·)) .

Page 131: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 11

(3) On a, d’apres la formule d’adjonction et la formule de Parseval (voir laRemarque 2.2 du cours), pour tout e, f dans l2C(Z),

〈R[e] , f〉 = 〈e , R∗[f ]〉

=1

∫[0,2π[

e(ω)m0(ω)f(2ω) dω

=1

∫[0,4π[

e(ω/2)m0(ω/2) f(ω)dω

2

=1

∫[0,2π[

e(ω) f(ω)dω

2

avec

e(ω) = e(ω/2)m0(ω/2) + e(ω/2 + π)m0(ω/2 + π) .

On a donc

R[e](2ω) =e(ω)m0(ω) + e(ω + π)m0(ω + π)

2

d’apres la formule de Plancherel.

Corrige de l’exercice 2.

(1) Si l’on effectue le changement de variables propose, on trouve que, pourω ∈ [0, π], pour k ∈ N∗,∫ ω

0

sin ku

udu =

∫ kω

0

sin v

vdv ;

or l’on sait (vous avez surement vu ce resultat en L2) que

limx→+∞

(∫ x

0

sin v

vdv

)=π

2,

ce qui prouve que la fonction continue

x ∈ [0,∞[ 7−→∫ x

0

sin v

vdv

est bornee en valeur absolue par une constante positive K1 sur [0,∞[, cequi prouve donc la premiere inegalite demandee. Pour la seconde inegalite,on remarque (en utilisant les formules de trigonometrie donnant l’expres-sion de sin(a+ b)) que, sur ]0, π],

sin[(k + 1/2)u]

2 sin(u/2)=

sin(ku) cos(u/2)

2 sin(u/2)+

cos(ku)

2

=sin(ku)

u+

sin(ku)

u

(u cos(u/2)2 sin(u/2)

− 1)+

cos(ku)

2

=sin(ku)

u+ sin(ku)ϕ(u) +

cos(ku)

2

avec, pour u ∈]0, π].

ϕ(u) :=u cos(u/2)− 2 sin(u/2)

2u sin(u/2);

Page 132: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

12 CORRIGES

or un developpement limite du numerateur montre qu’au voisinage deu = 0, on a

ϕ(u) =u− u3

8 + o(u3)− 2(u2 − u3

48 + o(u3))

2u sin(u2 )

=−u3

8 + o(u3)

2u sin(u2 )= −u

8+ o(u) ,

ce qui montre que la fonction ϕ se prolonge en une fonction continue, doncbornee en valeur absolue par une constante M sur [0, ω]. On a donc, sur[0, ω], l’inegalite∣∣∣ sin[(k + 1/2)u]

2 sin(u/2)− sin(ku)

u

∣∣∣ ≤M + 1/2 .

En integrant sur [0, π], on trouve donc la seconde inegalite demandee avecK2 := π(M + 1/2). D’apres l’expression du noyau de Dirichlet (chained’egalites (2.21) du cours), on a

1

2

k∑l=−k

eilω =1

2+

k∑l=1

cos(lu) =sin[(k + 1/2)u]

2 sin(u/2).

En integrant entre 0 et ω, il vient

∫ ω

0

sin[(k + 1/2)u]

2 sin(u/2)du =

ω

2+

k∑l=1

sin(lω)

l.

Utilisant les deux inegalites etablies precedemment, on en deduit que pourtout ω dans [0, π], pour tout k ∈ N∗,

∣∣∣ k∑l=1

sin(lω)

l

∣∣∣ ≤ K1 +K2 +π

2= K ;

cette inegalite reste vraie par parite pour ω ∈ [−π, 0] et la derniereinegalite demandee est ainsi prouvee.

(2) Grace a la methode d’Abel (qui n’est rien d’autre en fait que le mecanismede l’integration par parties, mais developpe dans le cadre discret et nonplus continu), on a

k=p∑k=n+1

εksin(kω)

k=

p∑k=n+1

εk(Sk(ω)− Sk−1(ω))

= −Sn(ω)εn+1 +

p−1∑k=n+1

(εk − εk+1)Sk(ω)

+εpSp(ω) ,

Page 133: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 13

et par consequent, pour tout ω ∈ [−π, π], en utilisant la derniere inegaliteetablie a la question 1 et la decroissance de la suite (εk)k≥1, l’estimation∣∣∣ k=p∑

k=n+1

εksin(kω)

k

∣∣∣≤ K

(εn+1 +

p∑k=n+1

(εk − εk+1) + εp

)≤ 2Kεn+1 .

Pour η > 0 donne, il existe N(η) tel que n > N(η) implique εn < η/2K ;on a donc bien

∀ p > n ≥ N(η) , supω∈[−π,π]

∣∣∣ k=p∑k=n+1

εksin(kω)

k

∣∣∣ ≤ η .

La suite de fonctions 2π-periodiques(ω ∈ R 7−→

n∑k=1

εksin(kω)

k

)n≥1

verifie donc le critere de Cauchy uniforme sur R et converge donc uni-formement (voir le cours d’Analyse 3) vers une fonction f (necessairement2π-periodique par passage a la limite uniforme comme toutes les fonctinsen jeu ici).

(3) La fonction

t ∈ [2,∞[7−→ 1

t log t

a pour primitive sur [2,+∞[ la fonction

F : t 7−→ log(log t)

qui admet +∞ comme limite en +∞ ; le critere de confrontation series/integrales(voir le cours d’Analyse 3) implique donc la divergence de la serie de Ber-trand [1/(k log k)]k≥2 ; la regle des equivalents permet de conclure a ladivergence de la serie [ρk]k≥1.

Le coefficient de Fourier complexe ck(f) vaut par definition

ck(f) =1

∫ 2π

0

f(ω)e−ikω dω .

Puisque f est limite uniforme sur R (donc sur [0, 2π]) de la suite de fonc-tions (

ω ∈ R 7−→n∑

k=1

εksin(kω)

k

)n≥1

,

on a (intervertion de limite et de prise d’integrale lorsque la limite estuniforme, voir le cours d’Analyse 3),

ck(f) = limN→+∞

1

∫ 2π

0

( N∑l=1

εlsin(lω)

l

)e−ikω dω .

Page 134: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

14 CORRIGES

On constate alors, en utilisant le fait que (ek) est une base hilbertiennede L2

C(T), queck(f) =

εk2ik

=ρk2i

si k ≥ 1, c0(f), c−k(f) = −ck(f) pour k ∈ N∗. Si la fonction f etait la

transformee de Fourier d’une suite (sk)k∈Z de l1C(Z), on aurait s−k = ck(f)pour tout k ∈ Z ; ceci est impossible car alors∑

k∈Z

|sk| = 2∞∑k=1

|ck(f)| = 2∞∑k=1

ρk = +∞ ,

ce qui contredit le fait que (sk)k∈Z ∈ l1C(Z).

Corrige de l’exercice 3.

(1) La fonction 2π-periodique Q s’ecrit :

Q(θ) =N∑

k=0

ckei(k−N)θ =

0∑k=−N

ck+Neikθ.

La convolee de cette fonction avec KN s’ecrit donc

Qper∗ KN (θ) =

N∑k=−N

ck(Q)ck(KN ) eikθ

=0∑

k=−N

ck+N (P ) (1 + k/N) eikθ

=1

N

N∑k=0

kck(P ) ei(k−N)θ

=1

Ne−iNθ P ′(θ).

(2) Comme le noyau de Fejer KN a pour integrale 2π sur [0, 2π], on deduitde la question 1 que, pour tout θ ∈ R,

|P ′(θ)|N

=1

∣∣∣ ∫ 2π

0

KN (u)Q(θ − u) du∣∣∣ ≤ sup

R|Q| = sup

R|P |.

Cela donne l’inegalite demandee.

Corrige de l’exercice 4.

(1) Si f est dans L1C(T), f est integrable sur [0, 2π[ et la fonction F definie

sur [0, 2π[ par

F (θ) :=

∫[0,θ]

f(u) du

est continue sur [0, 2π[ (il suffit d’invoquer le theoreme de convergencedominee de Lebesgue pour affirmer que si (θn)n est une suite convergeantvers θ∞ ∈ [0, 2π[, alors la suite (F (θn))n converge vers F (θ∞)) ; de plus,

cette fonction est bornee sur [0, 2π[ par 2π‖f‖T,1 et se prolonge donc enune fonction mesurable bornee 2π-periodique F , fonction definissant doncune classe F de L1

C(T).

Page 135: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 15

Concernant le calcul des coefficients de Fourier, on a (en utilisant au finalFubini)

c0(F ) :=1

∫ 2π

0

F (u) du

=1

∫ 2π

0

(∫ θ

0

f(u) du)dθ

=1

∫ 2π

0

f(u)(∫ 2π

u

dθ)du

=1

∫ 2π

0

f(u)(2π − u) du .

Si f etait continue, on pourrait affirmer, par integration par parties, que,pour k ∈ Z∗,

ck(F ) =1

∫ 2π

0

F (θ)e−ikθ dθ

=1

[F (θ)

e−ikθ

−ik

]2π0

+1

ikck(f)

=

∫ 2π

0f(θ) dθ

2iπk+

1

ikck(f) .

Ce resultat subsiste meme lorsque f cesse d’etre continue : il suffit pourcela d’approcher f|[0,2π] dans L1

C([0, 2π], dθ) par une suite de fonctionscontinues (fn)n (au sens de la semi-norme ‖ ‖1 sur [0, 2π]), d’appliquer laformule precedente pour chaque fn, puis de passer a la limite lorsque ntend vers +∞.Pour que F soit continue 2π-periodique, il faut et il suffit que

∫ 2π

0f(θ) dθ =

0, c’est-a-dire que c0(f) = 0, auquel cas

c0(F ) = − 1

∫ 2π

0

uf(u) du .

(2) La premiere formule trigonometrique a verifier est immediate : il suffit eneffet de remarquer que si l’on pose Xθ = eiθ/2, alors on a

sin(Nθ/2)

sin(θ/2)=XN

θ −X−Nθ

Xθ −X−1θ

=1

XN−1θ

X2Nθ − 1

X2θ − 1

et d’appliquer l’identite remarquable proposee, puis d’elever le tout aucarre. Pour obtenir la seconde formule, il suffit juste de diviser par N etde calculer le carre

(N−1∑k=0

eikθ)×(N−1∑

k=0

eikθ)

Page 136: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

16 CORRIGES

en developpant, ce qui donne (pour l’expression de ce carre) :

2(N−1)∑k=0

( ∑k1+k2=k

0≤k1,k2≤N−1

ei(k1+k2)θ)

=

2(N−1)∑k=0

( ∑k1+k2=k

0≤k1,k2≤N−1

1)eikθ

=

N−1∑k=0

(k + 1)eikθ +

2(N−1)∑k=N

(2N − 1− k)eikθ ;

il ne reste plus qu’a multiplier les deux membres par e−i(N−1)θ et a effec-tuer les changements d’indexation necessaires.Les coefficients de Fourier complexes de KN se calculent par simple iden-tification, sont nuls si |k| ≤ N et valent

ck(KN ) =N − |k|N

pour |k| ≤ N − 1.

Comme c0(KN ) = 1 et que KN est positive, on a ‖KN‖T,1 = 1 pour toutN ≥ 1. D’autre part, si δ > 0∫

δ≤|θ|≤π

KN (θ) dθ ≤ 2π

N sin2(δ/2)

puisque | sin(Nθ/2)|2 ≤ 1, ce qui implique

limN→+∞

(∫δ≤|θ|≤π

KN (θ) dθ)= 0 ;

la suite (KN )N≥1 realise donc bien une approximation de la masse deDirac dans L1

R(T) au sens de la Definition 1.10 du cours.

(3) On voit que l’on peut reecrire

u0 + u1 + · · ·+ uN−1

N=

N−1∑k=−N−1

N − |k|N

ck(F )

en utilisant le fait que, pour tout k entre 0 et N − 1, uk =k∑

l=−k

cl(F ) . En

utilisant ce qui a ete etabli a la question 2, on a donc

u0 + u1 + · · ·+ uN−1

N=

∑k∈Z

ck(F )ck(KN ) .

En utilisant la Proposition 2.5, on constate que ceci s’ecrit aussi

u0 + u1 + · · ·+ uN−1

N=

∑k∈Z

ck(Fper∗ KN ) .

La fonction 2π-periodique θ 7−→∑k∈Z

ck(Fper∗ KN ) eikθ (qui d’ailleurs est

un polynome trigonometrique) est un element de L1C(T) ayant pour spectre

complexe la suite (ck(Fper∗ KN ))k∈Z, donc meme spectre complexe que

Page 137: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 17

la classe fper∗ KN . Comme la transformation de Fourier sur L1

C(T) estinjective (voir la Proposition 2.6 ou la methode de restitution d’un elementdepuis sa transformee de Fourier vue en cours), on a egalite de ces deuxclasses et donc de leurs representants continus en tout point, en particulieren θ = 0, ce qui donne

u0 + u1 + · · ·+ uN−1

N= (F

per∗ KN )(0)

=1

∫ π

−π

KN (−θ)F (θ) dθ

=1

∫ π

−π

KN (θ)F (θ) dθ .

Si l est un nombre complexe, on peut ecrire

1

∫ π

−π

KN (θ)F (θ) dθ − l =1

∫ π

−π

(F (θ)− l)KN (θ) dθ .

Si l = F (0+)+F (0−)2 = 1

2

∫ 2π

0f(θ) dθ = πc0(f) , on sait que, pour tout ε > 0,

on peut trouver δε ∈]0, π[ tel que |θ| ≤ δε implique |F (θ) − l| ≤ ε. On adonc, pour ce choix de δε et pour tout N ∈ N∗,

1

∫|θ|≤δε

|F (θ)− l|KN (θ) dθ ≤ ε‖KN‖T,1 = ε ;

d’autre part, d’apres la question 2, on sait que pour N assez grand

1

∫δε≤|θ|≤π

|F (θ)− l|KN (θ) dθ

≤ sup |F |π

×∫δε≤|θ|≤π

KN (θ) dθ ≤ ε .

Au final, on a, pour N assez grand∣∣∣ 1

∫ π

−π

(F (θ)− l)KN (θ) dθ∣∣∣ ≤ 2ε ,

et, comme ε est arbitraire, il en resulte bien

limN→+∞

u0 + · · ·+ uN−1

N=F (0+) + F (0−)

2= πc0(f) .

Si la suite (Reuk)k≥0 tendait vers +∞, alors, pour tout A > 0, il y auraitun seuil NA tel que k ≥ NA implique Reuk > A. Mais alors

limN→+∞

Re[u0 + ..+ uNA

+ · · ·+ uNN

]≥ lim

N→+∞Re

[ (N −NA)A

N

]= A ,

ce qui, comme A est arbitrairement grand, contredit le fait que cette li-mite est finie (elle vaut πRe [c0(f)]). Ceci est donc impossible. Le memeraisonnement vaut dans le cas ou la suite (Reuk)k≥0 tendrait vers −∞.

Page 138: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

18 CORRIGES

(4) On applique le resultat de la question 1 pour calculer le spectre de F .

Pour k = ±1, on a c±1(F ) = 0 tandis que, pour k ≥ 2,

ck(F ) =ck(f)

ik= − 1

k log k

et que, si k ≤ −2,

ck(F ) =ck(f)

ik=

1

k log |k|= − 1

|k| log |k|.

Comme c0(f) = 0, on a

c0(F ) = − 1

∫ 2π

0

θf(θ) dθ .

La suite (uk)k≥0 de la question 3 a donc pour terme general, pour k ≥ 2,

uk =k∑

l=−k

cl(F ) = c0(F )− 2k∑

l=2

1

|k| log |k|.

Comme la serie de Bertrand [1/(p log p)]p≥2 est divergente (d’apres laconfrontation series/integrales et le fait que la primitive de t 7−→ 1/(t log t),soit la fonction t 7−→ log | log t|, tende vers 0 lorsque t tend vers l’infini, lasuite (uk)k≥0 est une suite de nombres reels tendant vers −∞. D’apres laquestion 3, il est impossible que la suite de terme general

u0 + · · ·+ ukN

converge vers une limite finie (a savoir ici πc0(f) = 0). L’existence de

f ∈ L1C(T) ayant pour spectre le spectre prescrit (qui pourtant tend vers

0 lorsque k tend vers ±∞) est donc impossible.

Corrige de l’exercice 5. La fonction fn est evidemment periodique deperiode 2π comme f . D’autre part

‖f‖2T,2 =1

∫[0,2π[

|f(nθ)|2 dθ

=1

∫[0,2nπ[

|f(θ)|2 dθn

=1

n× n ‖f‖2T,2 = ‖f‖22 .

D’apres la formule de Parseval, on a

〈fn , g〉T =∑k∈Z

ck(fn)ck(g) , .

Or, puisque, dans L2C(T),

f =∑k∈Z

ck(f) ek ,

ouek : θ 7−→ exp(ikθ) ,

on a par identification en replacant θ par nθ dans l’expression d’un representant,

ck(fn) = ck/n(f)

Page 139: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 19

si n divise k et ck(fn) = 0 sinon. Donc

〈fn , g〉T = c0(f)c0(g) +∑k∈Z∗

cnk(f)cnk(g) .

Or ∣∣∣ ∑k∈Z∗

cnk(f)cnk(g)∣∣∣ ≤ √ ∑

|k|≥n

|ck(f)|2 ×√ ∑

|k|≥n

|ck(g)|2

par Cauchy-Schwarz ; cette quantite tend donc vers 0 lorsque n tend vers l’infinipuisque l’on a sous chaque radical de droite le reste d’une serie convergente. On adonc bien le resultat demande.

Corrige de l’exercice 6. Si l’operation de convolution entre elements deL1C(Rn) admettait un element neutre e, on aurait, pour tout f ∈ L1

C(Rn), f ∗ e =

f . En prenant la transformee de Fourier des deux membres et en appliquant laProposition 2.8, on aurait, au niveau des spectres, la formule

∀ω ∈ Rn , f(ω)× e(ω) = f(ω) .

Si l’on prend pour f la gaussienne

x 7−→ exp(−‖x‖2/2)dont le spectre est

ω 7−→ (2π)n/2 exp(−‖ω‖2/2)(et en particulier ne s’annule pas), on trouve donc

∀ω ∈ Rn , e(ω) = 1 .

Mais ceci est en contradiction avec le lemme de Riemann-Lebesgue (voir la Pro-position 2.7) qui assure que le spectre d’un element de L1

C(Rn) est une fonctioncontinue sur Rn, tendant vers 0 lorsque ‖ω‖ tend vers l’infini. L’existence de eest donc impossible et l’operation de convolution sur L1

C(Rn) ne saurait admettred’element neutre.

Corrige de l’exercice 7. On a, par definition de la transformation de Fou-rier sur L1

C(R), pour tout ω ∈ R∗,

∆(ω) :=

∫R∆(t)e−iωt dt =

∫ 1

−1

∆(t)e−iωt dt

=

∫ 1

−1

(1− |t|)e−iωt dt

=

∫ 0

−1

(1 + t)e−iωt dt+

∫ 1

0

(1− t)e−iωt dt

= 2

∫ 1

0

(1− t) cos(ωt) dt

= 2[(1− t)

sin(ωt)

ω

]10+ 2

∫ 1

0

sin(ωt)

ωdt

=2

ω2(1− cos(ωt)) =

4 sin2(ω/2)

ω2

=( sin(ω/2)

ω/2

)2

.

Page 140: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

20 CORRIGES

La transformee de Fourier de la classe de fonction integrable ∆ etant une fonctioncontinue de ω, on a aussi

∆(0) = limω→0

ω 6=0

( sin(ω/2)ω/2

)2

= 1

et le resultat voulu est bien demontre.

Corrige de l’exercice 8.

(1) Supposons d’abord ω0 = 0. La fonction

ω 7−→ e−tω2

est une fonction integrable sur R dont la transformee de Fourier est lafonction

x 7−→∫Re−tω2

e−ixω dω

=1√2t

∫Re−u2/2e−ixu/

√2t du

=

√2π√2te−x2/(4t) .

Comme cette fonction est aussi integrable, on peut appliquer la formuled’inversion de Fourier (Theoreme 2.4 du cours) et en deduire donc que lafonction

ω 7−→ e−tω2

est la transformee de Fourier de la fonction

x 7−→ 1√4πt

e−x2/(4t) = E(t, 0, x) .

La fonctionω 7−→ e−t(ω−ω0)

2

est donc la transformee de Fourier de la fonction modulee

x 7−→ eiω0x

√4πt

e−x2/(4t) .

Le fait que

(t, x) 7−→ E(t, 0, x) =1√4πt

e−x2/(4t)

soit de classe C∞ dans ]0,∞[×R est immediat ; que cette fonction verifiel’equation aux derivees partielles de la chaleur releve juste d’un calculelementaire.

(2) On peut definir la convolee de ϕ et de x 7−→ E(t, 0, x) car il s’agit de deuxfonctions integrables sur R ; du fait que la fonction x 7−→ E(t, 0, x) estbornee sur R, on peut meme assurer que l’integrale∫

RE(t, 0, x− u)ϕ(u) du

est convergente pour tout t > 0. Le fait que la fonction

(t, x) 7−→∫ R

−R

E(t, 0, x− u)ϕ(u) du

Page 141: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 21

soit C∞ dans ]0,∞[ et solution de l’equation de la chaleur dans cet ouvertresulte de l’application du theoreme de derivation des integrales dependantd’un parametre. La propriete

limt→0

‖ϕt − ϕ‖1 = 0

resulte du fait que si tn est une suite de nombres positifs tendant vers 0, lasuite (E(tn, 0, x))n realise une approximation de la masse de Dirac (voirle cours de Theorie de l’integration, Proposition 4.10 dans le polycopie dece cours).

Corrige de l’exercice 9.

(1) La fonction f etant continue et a support compact, donc aussi bornee eta support compact, elle est donc bien integrable dans le plan. En utilisantle theoreme de Fubini et en integrant deux fois par parties, on voit que,pour ω1 6= 0,

f(ω1, ω2) =

∫ ∫[−R,R]2

f(x, y) e−i(ω1x+ω2y) dxdy

=

∫ R

−R

[ ∫ R

−R

f(x, y)e−iω1x dx]e−iω2y dy

=1

(iω1)3

∫ R

−R

[ ∫ R

−R

∂3f(x, y)

∂x3e−iω1x dx

]e−iω2y dy

=1

(iω1)3

∫ ∫R2

∂3f(x, y)

∂x3e−i(ω1x+ω2y) dxdy

et que, si ω2 6= 0,

f(ω1, ω2) =

∫ ∫[−R,R]2

f(x, y) e−i(ω1x+ω2y) dxdy

=

∫ R

−R

[ ∫ R

−R

f(x, y)e−iω2y dy]e−iω1x dx

=1

(iω2)3

∫ R

−R

[ ∫ R

−R

∂3f(x, y)

∂y3e−iω2y dy

]e−iω1x dx

=1

(iω2)3

∫ ∫R2

∂3f(x, y)

∂y3e−i(ω1x+ω2y) dxdy .

Si

Q[f ] :=∣∣∣∂3f(x, y)

∂x3

∣∣∣+ ∣∣∣∂3f(x, y)∂y3

∣∣∣(c’est une fonction continue, nulle hors de [−R,R]2 et bornee dans cepave), il en resulte, pour tout (ω1, ω2) dans R2,

(|ω1|3 + |ω2|3) |f(ω)| ≤∫ ∫

[−R,R]2|Q[f ](x, y)| dxdy

≤ 4R2 sup[−R,R]2

|Q[f ]|

et, par consequent, que f est integrable sur R3 puisque la fonction

ω 7−→ 1

‖ω‖3

Page 142: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

22 CORRIGES

est integrable dans la couronne ‖ω‖ ≥ 1. C’est donc le Theoreme d’In-version 2.4 (et le recours au changement de variables consistant a passer encoordonnees polaires) qui assure la formule demandee exprimant f(x, y)

en termes de la transformee de Fourier de f .

(2) Posons ξ := (cos θ, sin θ) et ξ⊥ := (− sin θ, cos θ). On a alors∫R|R[f ](p, θ)| dp ≤

∫R

[ ∫R|f(pξ + tξ⊥)| dt

]dp

≤∫ ∫

R2

|f(pξ + tξ⊥)| dpdt

≤∫ ∫

R2

|f(x, y)| dxdy <∞

grace au theoreme de Fubini-Tonelli et a la formule de changement devariables dans les integrales doubles, applique a la transformation ortho-gonale du plan

(p, t) 7−→ (x, y) = pξ + tξ⊥

(il s’agit de la rotation de centre l’origine et d’angle θ). La fonction

p 7−→ R[f ](p, θ)

est donc bien integrable sur R. En appliquant maintenant le theoreme deFubini (la clause de securite etant validee grace au theoreme de Fubini-Tonelli), on a, pour tout η ∈ R,∫

RR[f ](p, θ)e−iηp dp

=

∫R

[ ∫Rf(pξ + tξ⊥) dt

]e−iηp dp

=

∫ ∫R2

f(pξ + tξ⊥) e−iηp dpdt

=

∫ ∫R2

f(x, y) e−iη(x cos θ+y sin θ) dxdy

= f(η cos θ, η sin θ).

En utilisant la formule etablie a la question precedente, on voit donc que,pour tout (x, y) dans R2, on a

f(x, y) =1

4π2

∫ ∞

0

∫ 2π

0

[ ∫RR[f ](p, θ)e−iηp dp

]×eiη(x cos θ+y sin θ) ηdη dθ .

Corrige de l’exercice 10.

(1) Pour ω ∈ R, on a

χ[−T,T ](ω) =

∫ T

−T

e−iωt dt = 2sin(ωT )

ω.

(2) L’integrale ∫ ∞

0

| sin t|t

dt

Page 143: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 23

est divergente car∫ ∞

0

| sin t|t

dt ≥∞∑k=0

∫ (k+1)π

| sin t|t

dt

≥( ∞∑

k=0

1

(k + 1)π

)∫ π

0

| sin t| dt

= +∞ .

La fonction fΩ n’est donc pas une fonction integrable sur R (sinon parle changement de variable u = Ωt, f1 le serait, ce qui est impossibled’apres ce qui precede) ; ce n’est donc pas un representant d’un elementde L1

C(R, dt).La fonction fΩ est bien dans L2

C(R, dt) puisque la fonction t 7−→ | sinΩt|t

est bornee par Ω sur R (| sinu| ≤ |u| pour tout u ∈ R), en particulier sur[−1, 1], et que l’integrale impropre∫

|u|≥1

du

u2

converge du fait du critere de Riemann. La transformee de Fourier inverse(au sens L2, voir le Theoreme 2.6 du cours) de l’element de L2(R, dω)dont un representant est

ω 7−→ fΩ(ω)

est la classe de 12πχ[−Ω,Ω] dans L

2(R, dt) ; on a donc, d’apres la formule

d’inversion de la transformee de Fourier L2 (encore le Theoreme 2.6) :

1

2πχ[−Ω,Ω] = lim

N→+∞L2

[t 7−→ 1

∫ N

−N

fΩ(ω)eiωt dω

].

Du fait de la parite des fonctions de la variable t figurant aux deuxmembres de cette egalite, on a aussi

1

2πχ[−Ω,Ω] = lim

N→+∞L2

[t 7−→ 1

∫ N

−N

fΩ(ω)e−iωt dω

].

En renversant les roles de l’espace des temps et de celui des frequences(c’est-a-dire en echangeant les variables t et ω), on constate que la trans-

formee de Fourier au sens L2 de fΩ ∈ L2(R, dt) est χ[−Ω,Ω] ∈ L2(R, dω)(on utilise pour cela la definition de la transformation de Fourier au sensL2).

Corrige de l’exercice 11. D’apres le resultat de la question 2 de l’exercice10, la transformee de Fourier de la classe de

t 7−→ sin t

t= πf1(t)

dans L2C(R, dt) est la classe dans L2

C(R, dω) de la fonction

ω 7−→ π χ[−1,1](ω) .

Page 144: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

24 CORRIGES

D’apres la formule de Plancherel (formule (2.43) du polycopie), on a donc∫R

( sin tt

)2

dt =π2

∫ 1

−1

dω = π .

Corrige de l’exercice 12.

(1) C’est la formule de changement de variables du cours d’integration qui

assure que ψa,b est dans L2C(R, dt) et que l’on a d’ailleurs∫

R|ψa,b(t)|2 dt =

1

a

∫R|ψ(t)|2 dt .

Si ψ ∈ L1C(R, dt) ∩ L2

C(R, dt), on verifie (toujours grace a la formule dechangement de variables, c’est d’ailleurs un cas particulier de la formule(2.28) etablie dans la Proposition 2.7) que

ψa,b(ω) = e−ibωψ(aω) .

Si (ψk)k est une suite d’elements de G convergeant (dans L2C(R, dt)) vers

un element ψ, la suite des classes de fonctions

ω 7−→ e−ibωψk(aω)

converge dans L2C(R, dω) vers la classe de la fonction

ω 7−→ e−ibωψ(aω) ,

ou ψ est un representant de la transformee de Fourier de ψ ; cela vient dufait que, grace a la formule de Plancherel, la transformee de Fourier de ψk

converge vers celui de ψ dans L2C(R, dω) (on fait ensuite le changement de

variables ω 7−→ aω ; la multiplication par la fonction de module 1 qui a ωassocie e−ibω n’enraye pas cette convergence. La transformee de Fourierde ψa,b a donc pour representant

ω 7−→ e−ibωψ(aω) ,

ou ψ est un representant de la transformee de Fourier de ψ.

(2) En utilisant la formule de Plancherel (formule (2.43) dans l’enonce duTheoreme 2.6), on a

F (a, b) =1

∫Rf(ω)ψa,b(ω) dω

=1

∫Rf(ω)ψ(aω) eibω dω .

Comme la fonction

ω 7−→ f(ω)ψ(aω)

est integrable sur R, le lemme de Riemann-Lebesgue (une des assertionsde la Proposition 2.7) permet de conclure au fait que

limb→±∞

F (a, b) = 0 .

Page 145: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 25

(3) D’apres la formule de Plancherel appliquee dans l’espace de Hilbert L2C(R, dt),

on a, pour j = 1, 2,

〈fj , ψa,b〉 =1

∫Rfj(ω)ψ(aω) e

ibω dω .

Si a > 0 est fixe, on peut, puisque les fonctions

ω 7−→ fj(ω) ψ(aω) , j = 1, 2,

sont dans L2C(Rω, dω) (en effet les fj le sont et la fonction |ψ| est bornee),

utiliser dans L2R(b, db) cette fois a nouveau la formule de Plancherel pour

assurer que ∫b∈R

F1(a, b)F2(a, b) db

= 2π

∫Rf1(ω)f2(ω)|ψ(aω)|2 dω .

En integrant par rapport a la mesure da/a, on constate (en utilisant le

theoreme de Fubini-Tonelli et l’hypothese sur ψ) que∫a>0

∫b∈R

|F1(a, b)| |F2(a, b)|da db

a

≤ 2π

∫ω

|f1f2(ω)|(∫

a>0

|ψ(aω)|2

ada

)dω

= 2πC

∫R|f1f2(ω)| dω < +∞

d’apres l’inegalite de Holder. D’une part, ceci implique (en prenant f1 =

f2) que chaque Fj est dans H. D’autre part, cela nous met en situationfavorable pour appliquer le theoreme de Fubini (la clause de securite etantverifiee) et conclure que

〈F1, F2〉H = 2πC × 〈f1, f2〉 .

Corrige de l’exercice 13.

(1) On a, par definition de la transformee de Fourier,

hε(ω) :=i

π

(∫ 1/ε

ε

e−iωt

tdt+

∫ −ε

−1/ε

e−iωt

tdt)

=2

π

∫ 1/ε

ε

sin(ωt)

tdt

(on effectue le changement de variables t 7−→ −t dans la seconde integrale).Si ω ∈ R, on voit (par exemple en utilisant le theoreme de convergencedominee de Lebesgue) que

limε→0

∫ 1

ε

sin(ωt)

tdt =

∫ 1

0

sin(ωt)

tdt .

D’autre part, si ω ∈ R∗, on a

limε→0

∫ 1/ε

1

sin(ωt)

tdt =

∫ ∞

1

sin(ωt)

tdt

Page 146: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

26 CORRIGES

(l’integrale au second membre est ici semi-convergente au sens de Rie-mann). Finalement, on voit donc que pour tout ω ∈ R∗,

limε→0

hε(ω) =2

π

∫ ∞

0

sin(ωt)

tdt .

Si ω > 0, on voit (en faisant dans l’integrale semi-convergente le change-ment de variables t 7−→ ωt) que∫ ∞

0

sin(ωt)

tdt =

∫ ∞

0

sinu

udu =

π

2.

Il resulte de la formule de Dirichlet (rappelee dans l’en-tete de l’exercice)que, si ω > 0,

limε→0

hε(ω) = 1 .

Puisque hε est impaire, on a, pour tout ω < 0,

limε→0

hε(ω) = −1 .

(2) La fonction signe est une fonction de module 1, ce qui implique que lamultiplication par cette fonction definit une isometrie T de L2

C(Rω, dω)

dans lui-meme. Si l’on definit, pour tout f ∈ L2C(Rt, dt),

H(f) = F−1[T (F(f))

],

on definit l’action sur L2C(Rt, dt) d’un operateur lineaire continu

H = F−1 T F .

La convolution d’un element de L1C(Rt, dt) avec un element f ∈ L2

C(Rt, dt)est licite (d’apres les inegalites de Young vues dans le cours de Theoriede l’Integration (Theoreme 4.2 de ce cours) et definit un element deL2C(Rt, dt). On remarque d’autre part que, pour tout ε > 0, pour tout

ω ∈ R,

|hε(ω)| =2

π

∣∣∣ ∫ |ω|/ε

|ω|ε

sinu

udu

∣∣∣ ≤ C

ou

C =2

π× sup

0<x<y<+∞

∣∣∣ ∫ y

x

sinu

udu

∣∣∣ < +∞

puisque l’integrale de u 7−→ sinu/u sur [0,+∞[ est semi-convergente (cequi implique que les primitives de cette fonction sur [0,+∞[ sont bornees

en valeur absolue). Si f etait dans L1C(Rt, dt)∩L2

C(Rt, dt), on aurait, d’a-pres la Proposition 2.8 du cours,

hε ∗ f = hε ×F(f) ;

puisque |hε| est bornee par C, on a aussi, en utilisant la densite deL1C(Rt, dt) ∩ L2

C(Rt, dt) dans L2C(Rt, dt) et la continuite de F ,

F(hε ∗ f) = hε × (f) .

Page 147: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

CORRIGES 27

Grace a la formule de Plancherel (formule (2.43) du cours), il vient donc

‖hε ∗ f −H(f)‖22

=1

∫R|hε(ω)− signe(ω)|2|F [f ](ω)|2 dω .

C’est donc le theoreme de convergence dominee (qui s’applique ici, au se-

cond membre de cette egalite, car la majoration de |hε| par C est uniformeen ε) qui implique

limε→0+

‖hε ∗ f −H(f)‖22 = 0 .

Page 148: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Semestre 6, Annee 2012-2013 SESSION 1

UE : MA6012

Date : 02 Mai 2013, 14h-17h Duree : 3h

Texte (en italiques) et corrige (en roman)

EXERCICE (bases hilbertiennes, operateurs, adjonction, Fourier)

1. Soit h = (hl)l∈Z une suite de l1C(Z) et N ∈ N∗. En utilisant judicieusementl’inegalite de Cauchy-Schwarz, verifier, pour tout e = (el)l∈Z dans l2C(Z),l’inegalite : ∑

k∈Z

(∑l∈Z

|hl−Nk| |el|)2

≤ ‖h‖21 × ‖e‖22

(on pensera a exprimer |hl−Nk| sous la forme factorisee√|hl−Nk|×

√|hl−Nk|).

En deduire que l’on definit un operateur lineaire continu RN : l2C(Z) → l2C(Z)de norme inferieure ou egale a ‖h‖1, en posant

RN(e) :=(∑

l∈Z

el hl−Nk

)k∈Z

.

En utilisant l’indication proposee, puis l’inegalite de Cauchy-Schwarz, il vient :∑k∈Z

(∑l∈Z

|hl−Nk| |el|)2

≤∑k∈Z

(∑l∈Z

|hl−Nk|)(∑

l∈Z

|hl−Nk| |el|2).

Si l’on utilise maintenant le theoreme de Fubini-Tonelli, on observe que lemembre de droite de l’inegalite s’ecrit aussi :

∑l∈Z

|el|2(∑

k∈Z

|hl−Nk|(∑

λ∈Z

|hλ−Nk|))

.

En utilisant finalement l’invariance par translation de la mesure de decomptesur Z, on note que :

∑l∈Z

|el|2(∑

k∈Z

|hl−Nk|(∑

λ∈Z

|hλ−Nk|))

=∑l∈Z

|el|2(∑

k∈Z

|hl−Nk| ‖h‖1

)= ‖h‖1 ×

∑l∈Z

|el|2(∑

k∈Z

|hl−Nk|)

≤ ‖e‖22 × ‖h‖21 .

1

Page 149: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

C’est bien l’inegalite demandee. Puisque∣∣∣∑l∈Z

hl−Nk el

∣∣∣ ≤∑l∈Z

|hl−Nk| |el| ∀ k ∈ Z,

il en resulte que la suite (∑l∈Z

el hl−Nk

)k∈Z

est bien dans l2C(Z), de norme au plus egale a ‖h‖1 × ‖e‖2. L’application

e ∈ l2C(Z) 7−→(∑

l∈Z

el hl−Nk

)k∈Z

∈ l2C(Z)

est donc bien un operateur lineaire continu de norme au plus egale a ‖h‖1.2. Etant donnes deux suites e = (el)l∈Z et f = (fl)l∈Z dans l2C(Z), ecrire laformule d’adjonction pour l’operateur RN (impliquant ces deux suites) et endeduire l’expression du terme general de la suite R∗

N(f).

La formule d’adjonction s’ecrit (cf. la Proposition 1.14 du cours) :

∀ e ∈ l2C(Z), ∀ f ∈ l2C(Z), 〈RN(e), f〉 = 〈e,R∗N(f)〉.

En utilisant le theoreme de Fubini (on verifie qu’il s’applique grace encore al’inegalite de Cauchy-Schwarz), on observe que :

〈RN(e), f〉 =∑k∈Z

(RN(e))k fk =∑k∈Z

(∑l∈Z

hl−Nk el

)fk

=∑l∈Z

el

(∑k∈Z

hl−Nk fk

)=∑l∈Z

el (R∗N(f))l .

On en deduit :R∗

N(f) =(∑

k∈Z

hl−Nk fk

)l∈Z

.

3. Pourquoi, lorsque f = (fl)l∈Z ∈ l2C(Z), les deux series (bilateres) de (classesde) fonctions (de R/(2πZ) dans C)

θ 7→l=+∞∑l=−∞

fl e−ilθ, θ 7→

l=+∞∑l=−∞

(R∗N(f))l e

−ilθ

convergent-t-elles toutes les deux dans L2C(T, dθ) ? On note f et R∗

N(f) leurssommes respectives dans L2

C(T, dθ). Verifier que l’on a, dans L2C(T, dθ), l’egalite :

R∗N(f)(θ) =

(∑l∈Z

hl e−ilθ)× f(Nθ).

2

Page 150: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

La famille de (classes de) fonctions 2π-periodiques θ 7→ e−ilθ, l ∈ Z, constitueune base hilbertienne de l’espace de Hilbert L2

C(T, dθ), equipe du produitscalaire

〈ϕ, ψ〉 := 1

∫ 2π

0

ϕ(θ) ψ(θ) dθ.

Les deux suites (fl)l∈Z et((R∗

N(f))l)l∈Z, toutes les deux dans l2C(Z), peuvent

donc s’interpreter comme les listes des coordonnees dans cette base hilber-

tienne de deux elements de L2C(T, dθ) notes respectivement f et R∗

N(f). LaProposition 1.9 du cours assure que les series de fonctions

θ 7→l=+∞∑l=−∞

fl e−ilθ, θ 7→

l=+∞∑l=−∞

(R∗N(f))l e

−ilθ

convergent respectivement vers ces elements f et R∗N(f) dans le C-espace de

Hilbert L2C(T, dθ). La (classe de) fonction θ 7→ f(Nθ) s’exprime dans la base

hilbertienne comme

f(Nθ) =k=+∞∑k=−∞

fk e−ikNθ,

la convergence de la serie a droite ayant lieu dans L2C(T, dθ) et etant entendue

au sens de la norme sur cet espace de Hilbert. Comme la suite (hl)l∈Z estdans l1C(Z), la serie de fonctions

θ 7→l=+∞∑l=−∞

hl e−ilθ

est normalement convergente sur R (pour la norme uniforme) et sa sommedefinit une fonction 2π-periodique continue (donc bornee) sur R. La classede fonction

θ 7→(∑

l∈Z

hl e−ilθ)f(Nθ)

definit donc un element de L2C(T, dθ). Pour verifier la formule demandee, il

suffit de calculer la suite des coordonnees (cλ)λ∈Z de cet element dans la basehilbertienne definie par les θ 7→ e−iλθ, λ ∈ Z. On a, pour tout λ ∈ Z,

cλ =1

∫ 2π

0

( l=+∞∑l=−∞

hl e−ilθ)( k=+∞∑

k=−∞

fk e−ikNθ

)eiλθ dθ.

3

Page 151: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Si l’on developpe le produit sous l’integrale (et que l’on utilise la convergencedans L2

C(T, dθ) des deux series qui figurent sous l’integrale), on observe que lesseuls coefficients contribuant a une contribution non nulle dans l’expressionde cλ sont les coefficients hl fk, avec l+ kN = λ, i.e. l = λ− kN (cela resultede l’orthogonalite entre elles des classes de fonctions θ 7→ eiνθ, ν ∈ Z, dansL2

C(T, dθ)). Il en resulte

cλ =∑k∈Z

hλ−Nk fk = (R∗N(f))λ ∀λ ∈ Z .

L’egalite demandee en resulte.

4. Calculer, si e ∈ l2C(Z), le coefficient de Fourier complexe c0[ϕe,h] de laclasse de fonction 2π-periodique

ϕe,h : θ 7→ e(θ)×∑l∈Z

hl eilθ =

(∑l∈Z

el e−ilθ)×(∑

λ∈Z

hλ eiλθ).

En utilisant le resultat etabli a la question 3, prouver que, pour tout elemente = (el)l∈Z ∈ l2C(Z), pour tout element f = (fl)l∈Z ∈ l2C(Z),

limN→+∞

〈RN(e), f〉 = 〈e, h〉 × f0 .

Comme la classe de fonction ϕe,h se factorise en

ϕe,h(θ) =( l=+∞∑

l=−∞

ele−ilθ)×( λ=+∞∑

λ=−∞

hλ eiλθ),

on observe qu’une fois le produit effectue (les convergences des series defonctions impliquees etant entendues dans L2

C(T, dθ) pour la premiere, nor-malement pour la norme uniforme pour la seconde), le coefficient de Fourierc0[ϕe,h] s’obtient comme la somme des seules contributions des produits decoefficients el × hλ avec λ − l = 0, i.e. λ = l. Ce coefficient de Fourier vautdonc

c0[ϕe,h] =∑l∈Z

el hl = 〈e, h〉.

On a, d’apres la formule d’adjonction, si e et f sont deux elements de l2C(Z),

〈RN(e), f〉 = 〈e,R∗N(f)〉 ∀N ∈ N∗.

4

Page 152: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Il resulte de la formule de Plancherel, combinee avec le resultat etabli a laquestion 3, que :

〈RN(e), f〉 = 〈e,R∗N(f)〉 =

1

∫ 2π

0

e(θ)(∑

l∈Z

hleilθ)f(Nθ) dθ

=1

∫ 2π

0

ϕe,h(θ) f(Nθ) dθ ∀N ∈ N∗ .

En utilisant la formule de Plancherel a nouveau (mais dans l’autre sens cettefois), on trouve :

1

∫ 2π

0

ϕe,h(θ) f(Nθ) dθ = c0(ϕe,h) c0(f) +∑

k∈Z∗ ;N divise k

ck(ϕe,h) ck(f) .

Or, d’apres l’inegalite de Cauchy-Schwarz et le fait que

limN→

∑k∈Z∗ ;N divise k

|ck(f)|2 = 0

(car f ∈ L2C(T, dθ)) et que

∑k∈Z

|ck(ϕe,h)|2 = ‖ϕe,h‖2 < +∞, on a

limN→+∞

( ∑k∈Z∗ ;N divise k

ck(ϕe,h) ck(f))= 0 .

Cela conclut a la preuve du resultat demande.

PROBLEME (Fourier)

Partie I

I.1. Soit a un nombre reel strictement positif et fa la fonction de R dans Rdefinie par fa(t) = exp(−a|t|) pour tout t ∈ R. Verifier que fa represente unelement fa de L1

R(R, dt) et calculer la transformee de Fourier de fa.

L’integrale ∫Re−a|t| dt = 2

∫[0,∞[

e−at dt = 2/a

est convergente, donc fa represente un element fa de L1R(R, dt). La trans-

formee de Fourier est definie par :

fa(ω) =

∫Re−a|t|e−iωt dt =

∫[0,∞[

(e−(a+iω)t + e−(a−iω)t)

)dt

=( 1

a+ iω+

1

a− iω

)=

2a

a2 + ω2.

5

Page 153: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

I.2. Soit ω ∈ R. Deduire du resultat etabli a la question 1 le calcul del’integrale ∫

R

eiωt

t2 + a2dt .

On constate (d’apres le resultat obtenu a la question 1) que la transformee deFourier de fa est une fonction integrable sur R (car il y a integrabilite en ±∞en vertu du critere de Riemann). On peut donc appliquer la formule d’inver-sion de Fourier dans le cadre L1 (theoreme 2.4 du cours). Un representantcontinu de fa est donc donne par la fonction :

t ∈ R 7−→ 1

∫R

fa(ω) eitω dω =1

π

∫R

a

a2 + ω2eitω dω.

Comme fa est un autre representant continu de fa, les deux representantscontinus de la meme classe fa coincident et on a donc l’identite :

∀ t ∈ R, e−a|t| =1

π

∫R

a

a2 + ω2eitω dω.

En echangeant les notations t et ω, il vient :

∀ω ∈ R,π

ae−a|ω| =

∫R

eiωt

t2 + a2dt.

L’integrale a calculer vaut donc (π/a) e−a|ω|.

I.3. Montrer que fa ∗ fa admet un representant continu que l’on calculera.

La convolee de fa par elle-meme definit (puisque la convolution est uneoperation interne de L1

R(R, dt) un element de L1R(R, dt) dont un representant

est donne presque partout par

t 7−→∫Re−a|s|e−a|t−s| dt.

Or, il se trouve qu’en fait, pour tout t ∈ R, l’integrale∫Re−a|s|e−a|t−s| dt

converge et que la fonction

F : t ∈ R 7→∫Re−a|s|e−a|t−s| dt

6

Page 154: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

est une fonction continue (d’apres le theoreme de Lebesgue de continuite desintegrales fonctions d’un parametre : en effet, pour tout t ∈ R, la fonctions 7→ e−a|t−s|e−a|s|, qui depend continument du parametre t, est dominee parla fonction integrable s 7→ e−a|s|). La fonction F definit donc un representantcontinu de fa ∗ fa. Pour calculer F , on remarque qu’il s’agit d’une fonctionpaire (convolee de deux fonctions paires) et l’on peut se contenter de calculerF (t) pour t ≥ 0. On a pour un tel t ≥ 0 :

F (t) =

∫ 0

−∞eas−a(t−s) ds+

∫ t

0

e−as−a(t−s) ds+

∫ ∞

t

e−as−a(s−t) ds

= e−at

∫ 0

−∞e2as ds+ te−at + eat

∫ +∞

t

e−2as ds

=e−at

2a+ te−at +

e−at

2a= e−at

(at+ 1

a

).

On a donc :

∀ t ∈ R, F (t) = e−a|t|(a|t|+ 1

a

).

I.4. Deduire du calcul effectue a la question 3 la valeur de l’integrale∫R

eiωt

(t2 + a2)2dt lorsque ω ∈ R .

Puisque la transformee de Fourier de fa ∗ fa est egale au produit fa × fa(d’apres la Proposition 2.8 du cours), on a :

∀ω ∈ R,∫RF (t) e−iωt dt =

( 2a

a2 + ω2

)2=

4a2

(a2 + ω2)2.

Comme F est (comme F ) integrable, la formule d’inversion de Fourier dansle cadre L1 s’applique une nouvelle fois. Puisque F est continue, on a :

∀ t ∈ R, F (t) =1

∫RF (ω) eitω dω = 2π

∫R

eitω

(a2 + ω2)2dω.

En echangeant les notations t et ω, on en deduit :

∀ω ∈ R,∫R

eiωt

(a2 + t2)2dt =

F (ω)

2π=

1

2πe−a|ω|

(a|ω|+ 1

a

).

5. Soit b ∈ R. Determiner toutes les fonctions continues et integrables g deR dans C telles que :

∀ t ∈ R, g(t) = e−a|t|+b

∫Re−a|t−s| g(s) ds (discuter suivant la valeur de b).

7

Page 155: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Puisque g est supposee integrable et que fa : t 7→ e−a|t| l’est aussi, on peut,si g est solution de

g(t) = e−a|t| +

∫Re−a|t−s| g(s) ds = fa(t) + (g ∗ fa)(t) ∀ t ∈ R,

prendre la transformee de Fourier des deux membres (consideres commerepresentants de fonctions integrables), ce qui donne :

∀ω ∈ R, g(ω) = fa(ω) + b fa(ω) g(ω).

On en deduit :

∀ω ∈ R, g(ω)(1− 2ab

a2 + ω2

)=

2a

a2 + ω2

soit∀ω ∈ R, g(ω)

(a(1− 2b) + ω2

)= 2a.

On doit ici discuter suivant les valeurs de b.– Si a(1− 2b) = τ 2b > 0 (i.e. b < 1/2), on en deduit que

g(ω) =2a

τ 2b + ω2,

ce qui donne (d’apres le resultat etabli a la question 1) :

∀ t ∈ R, g(t) = gb(t) =a

τbe−τb|t| .

La fonction gb est donc l’unique fonction solution du probleme puisquela transformation de Fourier est injective sur L1

R(R, dt) (d’apres la for-mule d’inversion dans le cadre L1).

– Si a(1− 2b) = −τ 2b ≤ 0 (i.e. b ≥ 1/2), on trouve que, si g est solutiondu probleme pose, alors necessairement

∀ω ∈ R, g(ω) (ω2 − τ 2b ) = 2.

Mais la fonction

ω ∈ R \ ±a 7−→ 2

ω2 − τ 2b

ne represente pas dans ce cas une classe de L1R(R, dt) car elle n’est pas

integrable au voisinage de ±τb (en vertu du critere de Riemann). Leprobleme pose n’admet alors pas de solution.

8

Page 156: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Partie II

II.1. Soit f ∈ L1C(R, dt), tel que f ∈ L1

C(R, dω). Pourquoi existe-t-il un

unique representant continu de f ? Que vaut f(t) en fonction de f ? Onnotera f ce representant.

D’apres la formule d’inversion de Fourier dans le cadre L1 (theoreme 2.4 ducours), la fonction

f : t ∈ R 7→ 1

∫Rf(ω) eitω dω

est un representant continu de f . Ce representant continu est unique car deuxfonctions continues sur R egales dt-presque partout sont egales partout.

II.2. Montrer que la serie (bilatere) de fonctions

θ ∈ [−π, π] 7→j=+∞∑j=−∞

f(θ + 2jπ)

est normalement convergente dans L1C(T, dθ) si T = R/(2πZ) (c’est-a-dire

que∑j=+∞

j=−∞ ‖f(·+2jπ)‖L1C(T,dθ) < +∞). On note par la suite Ψ l’element de

L1C(T, dθ) defini comme la somme de cette serie de fonctions dans l’espace

de Banach L1C(T, dθ).

On a∫ π

−π

j=+∞∑j=−∞

|f(θ + 2jπ)| dθ =j=+∞∑j=−∞

∫ (2j+1)π

(2j−1)π

|f(θ)| dθ = ‖f‖L1C(R,dω) < +∞.

Ceci prouve la convergence normale de la serie (bilatere) de fonctions

θ ∈ [−π, π] 7→j=+∞∑j=−∞

f(θ + 2jπ)

dans l’espace norme complet L1C(T, dθ).

II.3. Donner, pour N ∈ N∗, les definitions des noyaux de Dirichlet DN et deFejer FN , leurs expressions analytiques simplifiees , et l’allure (sur unememe figure, et pour la meme valeur de N) de leurs graphes au dessus de[−π, π]. Pointer ce qui differencie ces deux graphes. Verifier que l’on a :

∀N ∈ N∗,

N∑k=−N

f(k) =1

∫ π

−π

ψ(θ)DN(θ) dθ

N∑k=−N

(1− |k|

N

)f(k) =

1

∫ π

−π

ψ(θ)FN(θ) dθ.

9

Page 157: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Le noyau de Dirichlet est la fonction polynomiale trigonometrique definie par

∀ θ ∈ R, DN(θ) =N∑

k=−N

eikθ.

La forme simplifiee est :

DN(θ) =

sin (2N+1) θ

2

sin θ2

si θ 6≡ 0 modulo 2π

2N + 1 sinon.

Le noyau de Fejer est la fonction polynomiale trigonometrique definie par

∀ θ ∈ R, FN(θ) =N∑

k=−N

(1− |k|

N

)eikθ.

La forme simplifiee est :

FN(θ) =

1N

(sin Nθ2

sin θ2

)2si θ 6≡ 0 modulo 2π

N sinon.

On a represente les deux graphes sur la figure suivante (rapporter l’untervalledes abscisses a l’echelle 1 = 2π) : Le noyau de Fejer est positif, le noyau deDirichlet ne l’est pas. Les deux noyaux sont d’integrale 2π sur [−π, π], mais lelobe central du noyau de Fejer est (approximativement deux fois) plus tasse(et en consequence plus d’autant plus elargi ) que ne l’est celui du noyaude Dirichlet. On note aussi la presence du facteur 1/N dans l’expressionanalytique simplifiee du noyau de Fejer, ce qui explique pourquoi le graphede FN s’ecrase (hors de l’origine) de maniere uniforme sur l’axe des abscisseslorsque N tend vers +∞. En ce qui concerne le noyau de Dirichlet, ceci estmoins net et se fait en tout cas de maniere oscillante.

Grace a la formule d’inversion de Fourier, appliquee a k = −N, ..., N , on a,

10

Page 158: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

−0.5 −0.4 −0.3 −0.2 −0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5−5

0

5

10

15

20

25

Figure 1 – Les graphes des noyaux de Dirichlet et Fejer (N = 20)

en ajoutant :

N∑k=−N

f(k) =N∑

k=−N

1

∫Rf(ω) eikω dω =

1

∫Rf(ω)DN(ω) dω

=1

∑j∈Z

∫ (2j+1)π

(2j−1)π

f(ω)DN(ω) dω (invariance de dω par translation)

=1

∑j∈Z

∫ π

−π

f(θ + 2jπ)DN(θ) dθ (DN est 2π − periodique)

=1

∫ π

−π

Ψ(θ)DN(θ) dθ (par Fubini) .

On repete exactement le meme raisonnement pour l’autre formule impliquantle noyau de Fejer (on pourrait tout aussi bien exploiter le fait que FN =(D0 + · · ·+DN−1)/N) et deduire ainsi la seconde formule de la premiere ensommant au sens de Cesaro).

II.4. On suppose que Ψ admet un representant 2π-periodique Ψ : R → C,

11

Page 159: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

continu en θ = 0 et admettant une derivee a gauche et une derivee a droiteen ce point. Verifier (en citant precisement le theoreme invoque) que

limN→+∞

N∑k=−N

f(k) = limN→+∞

N∑k=−N

(1− |k|

N

)f(k) = Ψ(0).

Que subsiste-t-il du resultat ci-dessus lorsque Ψ et seulement supposee conti-nue en 0, sans etre cette fois derivable a gauche et a droite en ce point ?

Lorsque Ψ : R → C est une fonction 2π-periodique, integrable sur [−π, π],continue en 0 et ayant une derivee a gauche et a droite en 0, on est dans lesconditions d’aplication du theoreme de Jordan-Dirichlet (theoreme 2.1 ducours). On a donc ici :

limN→+∞

( 1

∫ π

−π

Ψ(θ)DN(θ) dθ)= lim

N→+∞SN [ψ](0) = Ψ(0).

Comme

FN(θ) =1

N

(D0(θ) + · · ·+DN−1(θ)

)et que la convergence d’une suite de nombres complexes vers une limite finiel ∈ C implique sa convergence au sens de Cesaro vers la meme limite, on aaussi :

limN→+∞

N∑k=−N

(1− |k|

N

)f(k) = Ψ(0).

On deduit donc de la question II.3 le resultat voulu. Si Ψ est seulementsupposee continue en θ = 0, seul subsiste le resultat :

limN→+∞

N∑k=−N

(1− |k|

N

)f(k) = Ψ(0).

Ceci resulte du fait que la suite (FN/2π)N≥1 realise une approximation de lamasse de Dirac, ce que ne realise pas la suite (DN/2π)N≥1 (c’est le theoremede Fejer dans sa version locale, theoreme 2.3 du cours, et non plus celui deJordan-Dirichlet qu’il faut alors invoquer).

II.5. Soit a > 0, comme dans la partie I. En appliquant le resultat etabli ala question II.3, montrer que∑

k∈Z

e−a|k| = 2a∑j∈Z

1

a2 + 4π2j2. (∗)

12

Page 160: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Laquelle de ces deux series numeriques converge-t-elle le plus rapidement ?Deduire de l’identite (∗) l’identite :

∀ a > 0,a2

2π2

∑j∈Z

1

j2 + a2

4π2

= a1 + e−a

1− e−a. (?)

Effectuer un developpement limite a l’ordre 4 des deux membres de l’identite(?) en a = 0+ et prouver les egalites :∑

j≥1

1

j2=π2

6,∑j≥1

1

j4=π4

90.

Suggerer enfin (sans toutefois la mettre en route) une methode permettant decalculer explicitement les sommes

∑j≥1

1j2p

pour tout p ∈ N∗.

La classe fa verifie les hypotheses de la question II.1 car on a

fa : ω 7→ 2a

a2 + ω2∈ L1

C(R, dω).

De plus, il se trouve dans ce cas que la serie de fonctions

θ 7→j=+∞∑j=−∞

fa(θ + 2πj)

converge normalement dans C0(T) (equipe de la norme de la convergenceuniforme). On peut donc poser, pour tout θ ∈ R,

Ψ(θ) :=

j=+∞∑j=−∞

fa(θ + 2jπ) =

j=+∞∑j=−∞

2a

a2 + (θ + 2πj)2.

La fonction definie ainsi est non seulement continue, mais aussi de classeC1, comme on le voit en utilisant le theoreme de derivation des integrales(ici c’est l’integration discrete sur Z a laquelle nous avons affaire) dependantd’un parametre de Lebesgue. D’apres le resultat etabli a la question II.4, ona donc ∑

k∈Z

e−a|k| = limN→+∞

N∑k=−N

e−a|k| = Ψ(0) = 2a

j=+∞∑j=−∞

1

a2 + 4π2j2. (∗)

C’est evidemment la serie numerique figurant au membre de gauche quiconverge le plus rapidement (convergence exponentielle versus convergenceen O(1/j2)). Le membre de gauche de cette formule s’exprime comme :∑

k∈Z

e−a|k| = 2( ∞∑

k=0

e−ak)− 1 =

2

1− e−a− 1 =

1 + e−a

1− e−a.

13

Page 161: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

En multipliant par a les deux membres de la formule (∗), on obtient l’identite(?) voulue (pour tout a > 0). Le DL a l’ordre 4 du second membre de (?)(au voisinage de a = 0+) s’ecrit :

a1 + e−a

1− e−a= 2 +

a2

6− a4

360+ o(a4) (†)

On a d’autre part ∑j∈Z

1

j2 + a2

4π2

= 2∑j≥1

1

j2 + a2

4π2

+4π2

a2.

En utilisant le fait que∑j≥1

1

j2 + λ=∑j≥1

1

j2−∑j≥1

λ

j2(j2 + λ)

si λ = a2/4π2, on voit que

a2

2π2

∑j∈Z

1

j2 + a2

4π2

= 2 +a2

π2

(∑j≥1

1

j2

)− a2

π2× a2

4π2

(∑j≥1

1

j4

)+ o(|a|4). (††)

En identifiant les deux developpements limites (†) et (††), on trouve bien∑j≥1

1

j2=π2

6,∑j≥1

1

j4=π4

90.

FIN

14

Page 162: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

Semestre 6, Annee 2012-2013 SESSION 2

UE : MA6012

Date : 24 Juin 2013, 14h-17h Duree : 3h

Texte (en italiques) et corrige (en roman)

EXERCICE (transformation de Fourier)

1. Rappeler (sans demonstration) quelle est la transformee de Fourier dela gaussienne centree reduite

t ∈ R 7−→ 1√2π

exp(−t2/2).

On a, pour tout ω ∈ R,

1√2π

∫Rexp(−t2/2) e−iωt dt = exp(−ω2/2)

car l’on sait (voir l’exemple 2.4 du cours) que la gaussienne centreereduite est vecteur propre de la transformation de Fourier, associe a lavaleur propre

√2π.

2. Soient m ∈ R et σ > 0. Deduire de la question 1 l’expression de latransformee de Fourier de la fonction

gm,σ : t ∈ R 7−→ 1√2π σ

exp(− (t−m)2

2σ2

).

Il s’agit juste ici d’effectuer un changement de variables dans l’integrale

1√2π σ

∫Rexp

(− (t−m)2

2σ2

)e−iωt dt.

On pose

u =t−m

σ⇐⇒ t = σ u+m,

ce qui donne

1√2π σ

∫Rexp

(− (t−m)2

2σ2

)e−iωt dt =

1√2π

e−imω

∫Re−u2/2 e−iωσu du

= e−imω exp(−σ2ω2/2)

si l’on utilise le resultat rappele a la question 1.

1

Page 163: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

3. En utilisant le resultat etabli a la question 2, montrer que la convoleegm1,σ1 ∗ gm2,σ2 (lorsque m1,m2 ∈ R et σ1, σ2 > 0) est une fonction dutype gm,σ pour des constantes m et σ que l’on exprimera en fonction dem1,m2, σ1, σ2.

D’apres la Proposition 2.8 du cours, la transformation de Fourier trans-forme l’operation de convolution entre fonctions integrables en l’opera-tion de multiplication au niveau des spectres. La transformee de Fourierde gm1,σ1 ∗ gm2,σ2 est donc, d’apres le resultat etabli a la question 2 :

ω 7−→ e−im1ω e−σ21ω

2/2 × e−im1ω e−σ21ω

2/2 = e−i(m1+m2)ω e−(σ21+σ2

2)ω2/2.

On reconnait la transformee de Fourier de gm,σ, ou m = m1 + m2 et

σ =√σ21 + σ2

2. On a donc

gm1,σ1 ∗ gm2,σ2 = gm1+m2,

√σ21+σ2

2.

4. Soit t > 0 et ω0 ∈ R. Determiner l’unique fonction

Uω0,t : x ∈ R 7→ Uω0,t(x) ∈ C,

integrable sur R, et dont la transformee de Fourier est la fonction :

ω ∈ R 7−→ exp(−t(ω − ω0)2).

Verifier que la fonction (t, x) ∈]0,+∞[×R 7−→ U0,t(x) ∈ C est unefonction reelle, C∞ en les deux variables t et x, et solution de l’equationaux derivees partielles (dite de la chaleur)( ∂

∂t− ∂2

∂x2

)[U0,t(x)] ≡ 0

dans ]0,+∞[×R. D’apres le resultat etabli a la question 2, si l’on poset = σ2/2, on voit que la fonction

ω 7→ exp(−tω2) = exp(−σ2 ω2/2)

est la transformee de la gaussienne g0,σ, avec σ =√2t. Pour obtenir

apres transformation de Fourier la fonction translatee

ω 7→ exp(−t(ω − ω0)2),

il convient de multiplier l’antecedent g0,√2t par la fonction oscillante

x 7→ eiω0x (voir la formule (2.34) du cours). L’antecedent demande estdonc la fonction

x ∈ R 7−→ eiω0x g0,√2t(x) = eiω0x × 1√

4πtexp

(− x2

4t

).

2

Page 164: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

On a donc

∀ t > 0, ∀x ∈ R, U0,t(x) =1√4πt

exp(− x2

4t

).

Cette fonction est bien reelle, C∞ comme fonction composee de fonc-tions C∞ (ici t 6= 0). Qu’elle verifie l’equation aux derivees partiellesde la chaleur releve d’un calcul immediat.

EXERCICE II (series de Fourier)

Soit N un entier strictement positif.

1. Rappeler la definition des noyaux de Dirichlet DN et de Fejer FN sur[−π, π] en donnant les expressions developpees ainsi que les expressionssimplifiees de ces deux noyaux. Representer sommairement les graphesde DN et FN sur [−π, π] (pour une meme valeur de N) et lister ce quiles differencie. Le noyau de Dirichlet DN est la fonction 2π-periodiquedefinie sur [−π, π] par

DN(θ) =N∑

k=−N

eikθ =

sin(N+ 1

2

sin θ2

si θ 6= 0

2N + 1 si θ = 0.

Le noyau de Fejer FN est la fonction 2π-periodique definie sur [−π, π]par

FN(θ) =N∑

k=−N

(1− |k|

N

)eikθ =

1N

(sin N θ

2

sin θ2

)2si θ 6= 0

N si θ = 0.

Les graphes de DN et FN sont representes ci-dessous. Voici ce qui lesdifferencie :– le noyau de Fejer est positif, le noyau de Dirichlet ne l’est pas ;– les deux noyaux sont d’integrale 2π sur [−π, π], mais le lobe centraldu noyau de Fejer est (approximativement deux fois) plus tasse (eten consequence plus d’autant plus elargi ) que ne l’est celui dunoyau de Dirichlet ;

– on note enfin la presence du facteur 1/N dans l’expression analytiquesimplifiee du noyau de Fejer, ce qui explique pourquoi le graphe de FN

s’ecrase (hors de l’origine) de maniere uniforme sur l’axe des abscisseslorsque N tend vers +∞ ; en ce qui concerne le noyau de Dirichlet,ceci est moins net et se fait en tout cas de maniere oscillante.

3

Page 165: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

−0.5 −0.4 −0.3 −0.2 −0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5−5

0

5

10

15

20

25

Figure 1 – Les graphes des noyaux de Dirichlet [en trait plein] et Fejer [entraits pointilles] pour N = 20

2. Soit P un polynome trigonometrique

θ ∈ R 7−→N∑k=0

ck eikθ,

Calculer (en exprimant dans un premier temps sa serie de Fourier) la

convolee FN

per∗ Q, ou Q est la fonction 2π-periodique

Q : θ ∈ R 7−→ e−iNθ P (θ)

et exprimer cette convolee en termes de la fonction derivee P ′. Lafonction 2π-periodique Q s’ecrit :

Q(θ) =N∑k=0

ckei(k−N)θ =

0∑k=−N

ck+Neikθ.

4

Page 166: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

La convolee de cette fonction avec FN s’ecrit donc

Qper∗ FN(θ) =

N∑k=−N

ck(Q)ck(KN) eikθ

=0∑

k=−N

ck+N(P ) (1 + k/N) eikθ

=1

N

N∑k=0

kck(P ) ei(k−N)θ

=1

Ne−iNθ P ′(θ).

3. Prouver l’inegalite

supR

|FN

per∗ Q| ≤ sup

R|P |

et deduire du resultat etabli a la question 2 l’inegalite de Bernstein :

supR

|P ′| ≤ N supR

|P |.

On a, pour tout θ ∈ R,

FN

per∗ Q(θ) =

1

∫ 2π

0

FN(τ)Q(θ − τ) dτ.

Comme FN ≥ 0, on a (en prenant les valeurs absolues) :

∀ θ ∈ R, |FN

per∗ Q(θ)| ≤ sup

R|Q| ×

( 1

∫ 2π

0

FN(τ) dτ)

= supR

|Q| = supR

|P |

puisque FN est d’integrale 2π sur [0, 2π]. En tenant compte du resultatetabli a la question 2, on a donc :

∀ θ ∈ R, |P ′(θ)| = N |FN

per∗ Q(θ)| ≤ N sup

R|P | ,

d’ou le resultat demande.

PROBLEME (Fourier-Hilbert)

Soit (ωk)k∈Z une famille de nombres de R \ Z tels que ωk − ωl /∈ Z lorsquek 6= l et

µ = supk∈Z

|k − ωk| < +∞.

5

Page 167: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

On note ek la fonction 2π-periodique θ ∈ R 7−→ ek(θ) = eikθ et fk la fonction2π-periodique sur R obtenue en periodisant (avec periode 2π) la fonctionθ ∈ [−π, π[7−→ fk(θ) = eiωkθ.

1. Calculer, si k0 ∈ Z, la suite (ck0,k)k∈Z des coefficients de Fourier com-plexes de la fonction fk0, puis la valeur de la somme

∑k∈Z

(sin (π(ωk0 − k))

π(ωk0 − k)

)2.

Soit θ ∈ [−π, π]. Que vaut

limN→+∞

( N∑k=−N

ck0,k eikθ)?

On discutera si necessaire suivant la valeur de θ. On a, pour k ∈ Z,

ck0,k =1

∫ π

−π

fk0(θ) e−ikθ dθ =

1

∫ π

−π

ei(ωk0−k) θ dθ =

sin(π(ωk0 − k)

)π(ωk0 − k)

.

Compte-tenu de la formule de Plancherel (formule (2.15), remarque 2.5du cours), on a

∑k∈Z

(sin (π(ωk0 − k))

π(ωk0 − k)

)2=

1

∫ π

−π

|fk0(θ)|2 dθ = 1.

La fonction fk0 est une fonction C∞ sur ] − π, π[. Au points −π et π,cette fonction est derivable a gauche et a droite. D’apres le theoremede Jordan-Dirichlet (Theoreme 2.1 du cours et remarque 2.7), on a

limN→+∞

( N∑k=−N

ck0,k eikθ)=

fk0(θ−) + fk0(θ+)

2=

eiωk0

θ si θ ∈]− π, π[

cos(ωk0π) si θ = ±π.

2. On introduit le C-espace de Hilbert H = L2C(T) des classes h de fonc-

tions de R dans C, 2π-periodiques et telles que |h|2 soit integrable sur[−π, π], le produit scalaire etant

〈h1, h2〉 =1

∫ π

−π

h1(θ)h2(θ) dθ,

et l’on note ‖ ‖ la norme associee. Les (ek)k∈Z constituent-t-ils une basehilbertienne de H ? Meme question en ce qui concerne les (fk)k∈Z. Le

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Page 168: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

systeme (ek)k∈Z est une base hilbertienne de H (exemples 1.4 et 1.4revisite du cours). Par contre, le systeme (fk)k∈Z n’est pas orthogonalen general car, si k 6= l,

〈fk, fl〉 =1

∫ π

−π

ei(ωk−ωl)θ dθ =sin(π(ωk − ωl)

)π(ωk − ωl)

6= 0

(puisque ωk − ωl /∈ Z lorsque k 6= l).

3. En utilisant le developpement en serie de la fonction exponentielle etl’inegalite de Minkowski pour la norme ‖ ‖, verifier, pour toute partiefinie F de Z, pour toute collection de nombres complexes (λk)k∈F :

∥∥∥∑k∈F

λk (ek − fk)∥∥∥ =

(1

∫ π

−π

∣∣∣∑k∈F

λk (1− ei(ωk−k)θ) eikθ∣∣∣2 dθ)1/2

≤∞∑`=1

π`

`!

( 1

∫ π

−π

∣∣∣∑k∈F

λk

(i(ωk − k)

)`eikθ∣∣∣2 dθ)1/2.

La premiere formule est juste une reecriture utilisant la definition dela norme ‖ ‖, une fois que l’on a note que

∀ θ ∈ [−π, π[,∑k∈F

λk (ek(θ)− fk(θ)) =∑k∈F

λk eikθ(1− ei(ωk−k)θ

).

Pour la seconde formule, on utilise le fait que

∀ θ ∈ [−π, π[, 1− ei(ωk−k)θ = −∞∑`=1

i`(ωk − k)` θk

`!

et que, par consequent, pour tout θ ∈ [−π, π[,∑k∈F

λk (ek(θ)− fk(θ)) = −∑k∈F

λk eikθ( ∞∑

l=1

i` θ`

`!

(ωk − k)`

)= −

∞∑`=1

θ`

`!

(∑k∈F

λk

(i(ωk − k)

)`eikθ)

= −∞∑`=1

θ`

`!ϕ`(θ)

si l’on pose

∀ ` ∈ N∗, ∀ θ ∈ [−π, π[, ϕ`(θ) =∑k∈F

λk

(i(ωk − k)

)`eikθ.

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Page 169: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

L’inegalite de Minkowski permet d’affirmer que∥∥∥ ∞∑`=1

(·)`

`!ϕ`(·)

∥∥∥ ≤∞∑`=1

∥∥∥(·)``!

ϕ`(·)∥∥∥

≤∞∑`=1

π`

`!‖ϕ`‖.

On obtient ainsi l’inegalite demandee.

4. En utilisant la formule de Plancherel, deduire de l’inegalite etablie a laquestion 3 que pour toute partie finie F de Z, pour toute collection denombres complexes (λk)k∈F , on a l’inegalite :∥∥∥∑

k∈F

λk (ek − fk)∥∥∥ ≤ (eµπ − 1)

√∑k∈F

|λk|2.

On pourra eventuellement admettre cette inegalite et continuer ainsi leprobleme. D’apres la formule de Plancherel, on a

∀` ∈ N∗, ‖ϕ`‖2 =∑k∈F

|λk|2 |ωk − k|2` ≤ µ2`∑k∈F

|λk|2

d’apres la definition de µ. On a donc, en injectant ces inegalites dansl’inegalite etablie a la question 3 :∥∥∥∑

k∈F

λk (ek − fk)∥∥∥ ≤

∞∑`=1

π`

`!µ`

√∑k∈F

|λk|2

≤ (eµπ − 1)

√∑k∈F

|λk|2,

ce qui fournit l’inegalite requise.

5. Montrer qu’il existe un unique operateur lineaire continu T de H danslui-meme tel que T (ek) = ek − fk pour tout k ∈ Z (on construirad’abord T sur le sous-espace vectoriel engendre par les ek, k ∈ Z, puison expliquera comment cet operateur se prolonge de maniere uniquea l’espace de Hilbert H tout entier). L’action de T sur le sous-espacevectoriel engendre par les ek (au sens algebrique du terme, i.e. l’espacevectoriel des combinaisons lineaires finies des ek) est definie par

T(∑

k∈F

λk ek

)=∑k∈F

λk (ek − fk)

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Page 170: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

pour toute partie finie F de Z, pour toute collection de nombres com-plexes (λk)k∈F . Soit maintenant h ∈ H. On a

h = limN→+∞

( N∑k=−N

〈h, ek〉 ek).

Mais on a, pour tout p > q > 0,∥∥∥T( ∑p≤|k|≤q

〈h, ek〉 ek)∥∥∥ =

=∥∥∥ ∑

p≤|k|≤q

〈h, ek〉T (ek)∣∣∣ = ∣∣∣ ∑

p≤|k|≤q

〈h, ek〉 (ek − fk)∥∥∥

≤ (eµπ − 1)

√ ∑p≤|k|≤q

|〈h, ek〉|2

d’apres l’inegalite etablie a la question 5. La suite

(T( k=N∑

k=−N

〈h, ek〉 ek))

N≥1

est donc de Cauchy dans H, donc convergente vers une limite que l’ondefinit comme T (h). Si l’on prend une autre suite( ∑

k∈FN

〈h, ek〉 ek)N≥1

convergeant aussi vers h, on constate que la suite(T( ∑

k∈FN

〈h, ek〉 ek))

N≥1

est aussi convergente vers la meme limite T (h), ce qui rend la definitionde T (h) licite. L’inegalite etablie a la question 5 implique aussi

‖T (h)‖ ≤ (eµπ − 1) ‖h‖,

ce qui montre que l’application lineaire T , ainsi prolongee a H, est unoperateur continu, de norme au plus egale a eµπ − 1.

6. On suppose µ < (log 2)/π. Verifier que T est un operateur continu denorme ‖T‖ = τ strictement inferieure a 1, puis que S = IdH − T est

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Page 171: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

un operateur continu inversible dont l’inverse S−1 est aussi continu etdonne par :

S−1(h) = limn→+∞

( n∑k=0

T k(h))

(T k designant, pour k ∈ N∗, l’itere de T un nombre k de fois, T 0 =IdH). Verifier les inegalites

‖S‖ ≤ 1 + τ, ‖S−1‖ ≤ 1

1− τ.

Si µ < (ln(2))/π, on a eπµ < 2, soit eπµ − 1 < 1. On a donc bien‖T‖ = τ ≤ eπµ − 1 < 1. Pour tout h ∈ H, pour tout k ∈ N, on a (parune recurrence immediate), ‖T k(h)‖ ≤ τ k ‖h‖. On a donc

∞∑k=0

‖T k(h)‖ ≤( ∞∑

k=0

τ k)‖h‖ =

1

1− τ‖h‖. (†)

Comme H est complet, la serie absolument convergente

∞∑k=0

T k(h)

est donc convergente dans H. L’application

h 7−→∞∑k=0

T k(h) = limn→+∞

( n∑k=0

T k(h))

definit de plus (d’apres l’inegalite (†) etablie ci dessus) un operateurlineaire continu

U =∞∑k=0

T k

de norme au plus 1/(1− τ). D’autre part

(IdH−T )n∑

k=0

T k =( n∑

k=0

T k)(IdH−T ) = IdH−T n+1 ∀n ∈ N (††)

Comme‖T n+1‖ ≤ ‖T‖n+1 = τn+1 ∀n ∈ N

et que la suite geometrique (τn)n∈N tend vers 0 lorsque n tend versl’infini, on obtient bien, en faisant tendre n vers +∞ dans (††),

(IdH − T ) U = U (IdH − T ) = IdH ,

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Page 172: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

ce qui montre que S = IdH − T est inversible, d’inverse U = S−1, cequ’il s’agissait de montrer. Comme

‖S(h)‖ = ‖h− T (h)‖ ≤ ‖h‖+ ‖T (h)‖ ≤ (1 + τ) ‖h‖,

on a bien sur ‖S‖ ≤ 1 + τ .

7. On designe par S∗ l’adjoint de S. Montrer que S∗ est aussi inversible etd’inverse continu et que l’on a (S∗)−1 = (S−1)∗. Verifier les inegalites

‖S∗‖ ≤ 1 + τ, ‖(S∗)−1‖ ≤ 1

1− τ.

Comme S S−1 = S−1 S = IdH , on a, en prenant les adjoints

(S−1)∗ S∗ = S∗ (S−1)∗ = Id∗H = IdH .

Ceci montre que S∗ est inversible, d’inverse (S−1)∗. Comme la normed’un operateur est egale a celle de son adjoint (Proposition 1.14 ducours), les inegalites

‖S‖ ≤ 1 + τ, ‖S−1‖ ≤ 1

1− τ

etablies a la question 6 impliquent aussi les inegalites

‖S∗‖ ≤ 1 + τ, ‖(S∗)−1‖ ≤ 1

1− τ.

demandees ici.

8. On pose, pour tout k ∈ Z, gk = (S∗)−1(ek). Verifier (en utilisant laformule d’adjonction) que l’on a

∀ k ∈ Z, ∀ l ∈ Z, 〈fk, gl〉 = 〈ek, el〉 =

1 si k = l

0 sinon.

La formule d’adjonction (formule (1.33) du cours) implique :

〈fk, gl〉 = 〈fk, (S∗)−1(el)〉 = 〈fk, (S−1)∗(el)〉= 〈S−1(fk), el〉 = 〈S−1

(ek − T (ek)

), el〉

= 〈S−1(S(ek)), el〉 = 〈ek, el〉 =

1 si k = l

0 sinon.

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Page 173: Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier Licence de

9. En utilisant le fait que tout element h de H s’ecrit h = S(S−1(h)),montrer que

∀ h ∈ H, h =∑k∈Z

〈h, gk〉 fk,

la serie (bilatere) au second membre convergeant dans H. Verifier quel’on a aussi, en partant cette fois de h = (S∗)−1(S∗(h)),

∀ h ∈ H, h =∑k∈Z

〈h, fk〉 gk,

la serie (bilatere) au second membre convergeant dans H. On a, pourtout h ∈ H,

S−1(h) =∞∑k=0

〈S−1(h), ek〉 ek

(en vertu de la decomposition d’un element dans une base hilbertienne,la convergence de la serie ayant lieu dans H). On a donc, puisque S estlineaire et continu (et en invoquant la formule d’adjonction) :

S(S−1(h)

)=

∞∑k=0

〈S−1(h), ek〉S(ek) =∞∑k=0

〈S−1(h), ek〉 fk

=∞∑k=0

〈h, (S−1)∗(ek)〉 fk =∑k∈Z

〈h, gk〉 fk.

On a de meme, pour tout h dans H :

S∗(h) =∞∑k=0

〈S∗(h), ek〉 ek

(toujours en invoquant la decomposition d’un element dans une basehilbertienne, la convergence de la serie ayant lieu dans H). On a donc,puisque (S∗)−1 est lineaire et continu (et en invoquant encore la formuled’adjonction) :

(S∗)−1(S∗(h)

)=

∞∑k=0

〈S∗(h), ek〉 (S∗)−1(ek) =∞∑k=0

〈h, S(ek)〉 gk

=∑k∈Z

〈h, fk〉 gk

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