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générales Loi bioéthique : inquiétudes des professionnels de la FIV Des biologistes et des médecins impli- qués dans les techniques de FIV se sont inquiétés de ce que la révision de la loi de bioéthique, via certains amendements, pourrait présenter un risque pour la pratique de la congéla- tion de l’embryon. Si par exemple la congélation rapide de l’ovocyte, ou vitrification, peut rester autorisée, elle ne constitue pas une alternative à la congélation embryonnaire, comme certains le font croire. Le BLEFCO (Biologistes des labora- toires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf) estime qu’interdire ou limiter la congélation embryonnaire aurait des conséquences désastreuses pour les patients. L’adoption du modèle italien – seulement 3 ovocytes mis en fécondation, les autres vitrifiés – aurait des effets délétères pour les couples en AMP : diminution du taux de gros- sesses et augmentation des grossesses multiples avec risques pour la mère et pour l’enfant (transfert obligatoire des embryons si les 3 ovocytes sont fécon- dés). Le Conseil constitutionnel italien a depuis assoupli la loi restrictive de 2004, d’où augmentation du taux de grossesses et réduction des grossesses multiples. Cliniciens et biologistes en reproduction humaine 1 sont favorables à la vitrifica- tion, mais s’opposent à ce qu’on la pré- sente comme alternative à la congélation embryonnaire, au risque de conduire à son interdiction. Les professionnels s’inquiètent aussi de l’adoption en première lecture du projet de loi maintenant l’anonymat des don- neurs de gamètes et l’interdiction de la recherche sur l’embryon, sauf dérogation, tandis que le transfert d’embryon post- mortem serait autorisé. Cependant que la modification de l’article 9, concernant le diagnostic prénatal et les examens de biologie médicale et d’imagerie (échogra- phie obstétricale/fœtale) est contraire au droit d’information du patient. Selon cet article « les examens de bio- logie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse, sont proposés, lorsque les conditions médicales le nécessitent, à toute femme enceinte au cours d’une consultation médicale ». Ainsi, disent-ils, on ajoute 6 mots d’importance capi- tale : lorsque les conditions médicales le nécessitent… en contradiction avec le Code de la santé publique, les recom- mandations de la HAS et l’avis du Gou- vernement. L’information des patient(e)s est un devoir inscrit dans la loi et non un choix laissé aux professionnels, tenus à une équité d’information, délivrée en consultation individuelle, les femmes étant entièrement libres de leur décision. Aucune des étapes : dépistage, diagnos- tic, voire IVG, n’est obligatoire. Il s’agit d’une entrave au droit des patients alors soumis à la seule décision, aux seules convictions, du professionnel de délivrer ou non l’information. Avec cette modi- fication importante de l’article 9, deux principes éthiques ne sont plus respec- tés : le principe de justice – l’égalité de traitement dans l’accès au dépistage n’est plus garantie – et le respect de l’autonomie – c’est le médecin qui choisit en lieu et place du patient. Les professionnels signataires 2 disent « s’opposer à cet ajout qu’ils considè- rent comme une dérive inquiétante et inacceptable ». J.-M. M. 1. BLEFCO : présidente Pr Rachel Lévy : [email protected] - Groupe d’étude de la FIV en France (GEFF) : présidente : Dr Joëlle Belaisch-Allart : j.belaischallart@ ch4v.fr - Fédération française d’étude de la reproduction (FFER) : président : Pr Jean-Marie Grillo : [email protected] Collège national des gynécologues et obstétri- ciens français (CNGOF) : Pr Jacques Lansac : [email protected]. 2. CNGOF ; Commission nationale de l’échographie obstétricale et fœtale ; Association des biologistes agréés ; Société française de radiologie ; Fédération fran- çaise des ultrasons ; Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ; Fédération nationale des médecins radiologues ; Société française de médecine périnatale ; Collège national des sages- femmes ; Société francophone pour l’application des ultrasons en médecine et en biologie ; Société française de gynéco- logie ; Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale ; Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France ; Collège français d’échographie fœtale. © BSIP/CHASSENET REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 23 GÉNÉRALES I ACTEURS ÉCONOMIQUES I PRODUITS NOUVEAUX I LIVRES & AGENDA

Loi bioéthique : inquiétudes des professionnels de la FIV

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générales

Loi bioéthique : inquiétudes des professionnels de la FIVDes biologistes et des médecins impli-qués dans les techniques de FIV se sont inquiétés de ce que la révision de la loi de bioéthique, via certains amendements, pourrait présenter un risque pour la pratique de la congéla-tion de l’embryon. Si par exemple la congélation rapide de l’ovocyte, ou vitrification, peut rester autorisée, elle ne constitue pas une alternative à la congélation embryonnaire, comme certains le font croire.

Le BLEFCO (Biologistes des labora-toires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf) estime qu’interdire ou limiter la congélation embryonnaire aurait des conséquences désastreuses pour les patients. L’adoption du modèle italien – seulement 3 ovocytes mis en fécondation, les autres vitrifiés – aurait des effets délétères pour les couples en AMP : diminution du taux de gros-sesses et augmentation des grossesses multiples avec risques pour la mère et pour l’enfant (transfert obligatoire des embryons si les 3 ovocytes sont fécon-dés). Le Conseil constitutionnel italien a depuis assoupli la loi restrictive de 2004, d’où augmentation du taux de grossesses et réduction des grossesses multiples.Cliniciens et biologistes en reproduction humaine1 sont favorables à la vitrifica-tion, mais s’opposent à ce qu’on la pré-sente comme alternative à la congélation embryonnaire, au risque de conduire à son interdiction.Les professionnels s’inquiètent aussi de l’adoption en première lecture du projet de loi maintenant l’anonymat des don-neurs de gamètes et l’interdiction de la recherche sur l’embryon, sauf dérogation, tandis que le transfert d’embryon post-mortem serait autorisé. Cependant que la modification de l’article 9, concernant le diagnostic prénatal et les examens de biologie médicale et d’imagerie (échogra-phie obstétricale/fœtale) est contraire au droit d’information du patient.Selon cet article « les examens de bio-logie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de

la grossesse, sont proposés, lorsque les conditions médicales le nécessitent, à toute femme enceinte au cours d’une consultation médicale ». Ainsi, disent-ils, on ajoute 6 mots d’importance capi-tale : lorsque les conditions médicales le nécessitent… en contradiction avec le Code de la santé publique, les recom-mandations de la HAS et l’avis du Gou-vernement.L’information des patient(e)s est un devoir inscrit dans la loi et non un choix laissé aux professionnels, tenus à une équité d’information, délivrée en consultation individuelle, les femmes étant entièrement libres de leur décision. Aucune des étapes : dépistage, diagnos-tic, voire IVG, n’est obligatoire. Il s’agit d’une entrave au droit des patients alors soumis à la seule décision, aux seules convictions, du professionnel de délivrer ou non l’information. Avec cette modi-fication importante de l’article 9, deux principes éthiques ne sont plus respec-tés : le principe de justice – l’égalité de traitement dans l’accès au dépistage n’est plus garantie – et le respect de l’autonomie – c’est le médecin qui choisit en lieu et place du patient.

Les professionnels signataires2 disent « s’opposer à cet ajout qu’ils considè-rent comme une dérive inquiétante et inacceptable ». ■■

J.-M. M.

1. BLEFCO : présidente Pr Rachel Lévy : [email protected] - Groupe d’étude de la FIV en France (GEFF) : présidente : Dr Joëlle Belaisch-Allart : [email protected] - Fédération française d’étude de la reproduction (FFER) : président : Pr Jean-Marie Grillo : [email protected] Collège national des gynécologues et obstétri-ciens français (CNGOF) : Pr Jacques Lansac : [email protected]. CNGOF ; Commission nationale de l’échographie obstétricale et fœtale ; Association des biologistes agréés ; Société française de radiologie ; Fédération fran-çaise des ultrasons ; Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ; Fédération nationale des médecins radiologues ; Société française de médecine périnatale ; Collège national des sages-femmes ; Société francophone pour l’application des ultrasons en médecine et en biologie ; Société française de gynéco-logie ; Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale ; Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France ; Collège français d’échographie fœtale.

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