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L'OR DANS LA JUNGLE

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Philippe Conrad

L'OR DANS LA JUNGLE

Philippe Lebaud

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

© Philippe Lebaud, 1991.

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Cet ouvrage a été réalisé sous la direction de

Ariette Dugas.

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Genèse d'un mythe

Le 12 octobre 1492, quand Christophe Colomb aperçut les premières îles de l'archipel des Bahamas, il se préoccupa de savoir si les indigènes qui les habitaient possédaient de l'or. Dès le lendemain, il remarquait dans son « J ournal » que certains d'entre eux « portaient à leur nez perforé de petits anneaux d'or ». Il précise même qu'après avoir pu s'entretenir par signes avec ces « indiens », il a pu apprendre l'existence, au sud, d'un roi « possédant une grande quantité de vases remplis d'or ». Persuadé qu'il avait atteint les Indes, le navigateur génois prit Cuba pour le Cipangu de Marco Polo (le J apon) et découvrit ensuite, également au cours de son premier voyage, l'île d'Hispaniola (Haïti) où il trouva de l'or en abondance. Les Indes se révélaient prometteuses et les caravelles mirent le cap à l'est pour porter l'heureuse nouvelle à la reine de Castille.

Les Rois Catholiques venaient de reconquérir Grenade et d'en chasser les Maures quand Isabelle décida d'accorder à Colomb les trois caravelles qu'il lui demandait pour décou- vrir par l'ouest une nouvelle route des Indes. Après l'ultime effort qui avait permis d'expulser les Maures de la péninsule, il était temps, pour les deux royaumes de Castille et d'Aragon, réunis depuis 1469 par le mariage de Ferdinand et d'Isabelle, de s'intéresser aux nouveaux horizons que les capitaines du prince portugais Henri le Navigateur avaient

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ouverts dans l'Atlantique, tout au long des côtes africaines. Présente aux Canaries, l'Espagne ne pouvait négliger les initiatives du petit royaume voisin, et les richesses des Indes pouvaient s'avérer décisives pour donner aux Rois Catholi- ques la place qu'ils ambitionnaient dans l'Occident chrétien du XV siècle finissant.

Les possessions italiennes de l'Aragon étaient menacées par les ambitions françaises. Le Portugal semblait décidé à imposer une véritable hégémonie maritime et commerciale, et il avait pris, sur ce terrain, une avance indiscutable.

A l'est de la Méditerranée, le péril ottoman se faisait toujours plus menaçant, au moment où la chrétienté venait de remporter à Grenade la victoire qui concluait plusieurs siècles d'une patiente reconquête. Fort des vertus guerrières de ses hidalgos et du travail de ses paysans, le royaume de Castille ne tirait guère de profits de ces activités maritimes et commerciales qui faisaient la fortune du Portugal ou de l'Angleterre des souverains Tudor. L'or d'Hispaniola fut donc le bienvenu quand Christophe Colomb le ramena à ses commanditaires royaux.

L'importance des espaces nouveaux qui pouvaient être conquis au-delà des horizons atlantiques fut immédiatement perçue par les souverains espagnols et, dès 1493, le pape Alexandre VI partageait les mondes à découvrir entre le Portugal et l'Espagne. Toutes les terres situées à l'est d'une ligne placée à cent soixante kilomètres à l'ouest des Açores devaient revenir au Portugal, toutes celles découvertes à l'ouest de cette même ligne appartiendraient désormais à l'Espagne. Ce partage, confirmé l'année suivante par le traité de Tordesillas, donnait à la couronne d'Espagne les immen- sités d'une Amérique dont l'existence demeurait ignorée, tant Colomb était persuadé, à cette date, d'être arrivé aux Indes orientales.

Les toutes dernières années du XV siècle furent mises à

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profit par les navigateurs espagnols pour reconnaître plus précisément les archipels antillais. Dès 1498 cependant, Colomb longea le littoral de ce qui allait être baptisé deux ans plus tard « Venezuela » par Alonso de Hojeda et son pilote Amerigo Vespucci. Les Espagnols trouvèrent sur cette côte de l'or et des perles, et ces découvertes les encoura- gèrent à pousser plus avant leurs explorations des rivages voisins. En 1500, Rodrigo de Bastidas débarqua sur les côtes caraïbes de l'isthme de Panama et, après avoir visité la région, put en ramener une quantité d'or non négligeable. A la même époque, Cristoval Guerra récoltait sur le littoral de l'actuelle Colombie une belle moisson d'or et de perles. Moins heureux, Vincente Yanez Pinzon reconnaissait les côtes guyanaises, mais faisait finalement naufrage devant les bouches du Maranon (l'Amazone).

Quand Christophe Colomb entreprit en 1502 son der- nier voyage, il rencontra à Hispaniola une flotte chargée de l'or des Antilles, qui s'apprêtait à faire voile vers l'Espagne, mais qui perdit, du fait des tornades survenues pendant la traversée, les deux tiers de ses bâtiments. Le découvreur du Nouveau Monde récolta encore de grandes quantités d'or, sur les côtes du Honduras cette fois. Interrogeant les Indiens, il apprit qu'un royaume riche et puissant se trouvait a l'ouest, à dix jours de marche, mais on lui signala aussi « qu'il n'était qu'à une semaine de l'embouchure du Gange »... Dès cette époque, on le voit, les découvreurs européens révélaient une fâcheuse tendance à prendre leurs désirs pour des réalités et à accorder aux témoignages indigènes une fiabilité qu'ils étaient loin de justifier.

Rentré en Espagne, Colomb termina ses jours dans la misère. Il avait été le premier à faire état de la présence de l'or dans le Nouveau Monde, mais cela ne lui avait guère profité. Le message avait cependant été reçu et, à Séville, à Palos, ou à San Lucar de Barameda, nombreux étaient les candidats au

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voyage qui rêvaient, une fois terminés les combats de la Reconquête, d'aller gagner à la pointe de l'épée quelque fabuleux royaume outre-Atlantique.

Par dizaines, des hidalgos en mal d'aventure vont solliciter de la couronne royale l'autorisation de gagner les Indes pour y chercher des trésors ou y conquérir des domaines à la mesure de leur valeur. En 1509, une flèche empoisonnée vint mettre un terme aux espoirs que nourrissait Alonso de Hojeda de s'installer sur la côte colombienne, à hauteur de la future Carthagène. Diego de Nicuesa n'eut pas plus de chance au Nicaragua. A l'évidence, l'Amérique ne se laisserait pas prendre sans résister, et les Espagnols durent payer un lourd tribut aux flèches indiennes, à la faim et aux maladies.

Installé sur la côte orientale de l'isthme de Darien, Vasco Nunez de Balboa y entra en contact avec des Indiens portant des pectoraux d'or qui firent l'admiration des Espagnols tout en suscitant leur avidité. Balboa, comme Colomb quelques années plus tôt, entendit parler en cette circonstance d'un « pays où l'on boit et mange dans de la vaisselle d'or, et où l'or n'a pas plus de valeur que le fer ». A l'ouest ou au sud (cela dépendait des versions), il existait un royaume de l'or dont les richesses supposées commençaient à enflammer les imagina- tions.

Dans une lettre adressée au roi Ferdinand en janvier 1513, Balboa fait allusion aux « secrets » dont il a eu connaissance « de diverses façons », secrets relatifs à des mines d'or très riches, susceptibles de fournir à la couronne d'Espagne le pouvoir de la domination du monde. La même année, il entreprend de s'enfoncer dans les jungles de l'ouest, à l'endroit où, par chance, l'isthme de Panama est le plus étroit. C'est ainsi qu'il est le premier Européen à apercevoir, le 25 septembre 1513, avant d'en prendre possession au nom de la couronne d'Espagne, les eaux de la Grande Mer du Sud, le futur océan Pacifique de Magellan.

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La géographie du Nouveau Monde demeurait toujours aussi mystérieuse, et les Indes orientales connues des voya- geurs médiévaux semblaient reculer encore plus loin au fur et à mesure que s'ouvraient les nouveaux horizons de l'ouest, mais une chose était sûre : la plupart des Indiens rencontrés affirmaient que le royaume de l'or se trouvait vers le sud, sur la côte nouvelle qui venait d'être découverte.

Ce royaume mystérieux, c'était celui des Incas du Pérou, mais ce ne fut pas dans cette direction que se tournèrent en premier lieu les conquérants espagnols. Dès 1518, en effet, Juan de Grijalva avait débarqué sur la côte mexicaine. Il en revint chargé de nombreux présents. Parures de plumes, bijoux et pierres précieuses lui avaient été offerts par les représentants du souverain aztèque Moctezuma II, troublé par une prophétie qui annonçait l'arrivée de dieux barbus à peau blanche venant de l'océan de l'est. L'Espagnol ne s'était pas risqué dans l'intérieur des terres, mais ce qu'il rapporta à Cuba suffit à persuader le gouverneur Diego Velasquez qu'il fallait envoyer vers le Mexique une véritable expédition.

Celle-ci fut confiée à Hernan Cortés, qui partit de Cuba en 1519, avec une troupe de plus de cinq cents hommes et une flotte de onze navires. Profitant de l'hostilité que manifestaient aux Aztèques les peuples qu'ils avaient récem- ment subjugués, Cortés entama sa marche vers Tenochtitlan, l'actuelle Mexico, capitale de Moctezuma. Dans l'espoir de s'assurer leurs faveurs, celui-ci couvrit de présents les nouveaux venus.

Bernai Diaz del Castillo, le plus célèbre des chroniqueurs de la conquête du Mexique, a décrit dans le détail les roues d'or et d'argent symbolisant le soleil et la lune, les nom- breuses statuettes d'or figurant les animaux les plus divers, les colliers, les pendentifs, les parures de plumes... Le malheureux souverain ne se doutait pas que ses présents allaient exciter davantage la cupidité des conquérants qui

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poursuivirent leur marche vers Mexico où ils entrèrent sans rencontrer de résistance. Les choses ne se passèrent pas aussi facilement par la suite, et la « noche triste » vit les Espagnols contraints d'abandonner pour un temps leur conquête, mais, en 1521, ils contrôlaient la situation et, au cours des années suivantes, le Mexique fut totalement conquis.

L'un des premiers soucis de Cortés fut d'expédier en Espagne une cargaison d'or mexicain. Il tenait ainsi à s'assurer la bienveillance de Charles Quint, car c'était contre les ordres du gouverneur Velasquez qu'il avait précipité son départ de Cuba. L'arrivée à Séville du trésor mexicain suscita en Espagne autant de surprise que d'admiration. Il fut présenté à Charles Quint à Tordesillas, devant les courtisans stupéfaits. Parmi les privilégiés admis à contempler l'or du Nouveau Monde, le peintre Albert Dürer ne fut pas l'un des moins enthousiastes... Charles Quint considéra comme une divine surprise l'arrivée de cet or tout à fait providentiel, au moment où il venait de se couvrir de dettes pour financer l'élection impériale de l'année précédente. Promu aux titres de gouverneur et de capitaine général de la Nouvelle Espagne (le Mexique), Cortés continua par la suite à envoyer vers Séville de nouveaux bateaux chargés d'or.

La conquête de Mexico et l'afflux en Espagne des trésors aztèques suscitaient, on s'en doute, de nouvelles vocations d'explorateurs et de chercheurs de trésors des deux côtés de l'Atlantique. En 1516, Juan de Solis avait découvert l'estuaire de la Plata. Il fut tué par les Indiens, mais plusieurs de ses compagnons s'enfoncèrent dans l'intérieur où ils entendirent parler d'un royaume riche et civilisé, situé plus à l'ouest. Dix ans plus tard, Sébastien Cabot recueillit, dans la même région, des échos relatifs à des Indiens se parant de plaques d'or. Il remonta le rio de la Plata et le Paraguay sur une longue distance en pensant arriver ainsi au mystérieux royaume de l'argent que les Indiens situaient toujours plus à

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l'ouest, mais il fut finalement contraint de rebrousser chemin.

Francisco Pizarro allait être plus chanceux. Compagnon d'Hojeda, il avait été lieutenant de Balboa avant de se ranger dans le camp de ses ennemis. En 1521, il apprit de Pascual de Andagoya, qui avait atteint les frontières septentrionales de l'Empire inca, l'existence de ce dernier. Ce témoignage confirmait ce qu'il avait à plusieurs reprises recueilli de la bouche des Indiens. En 1527, il se rendit à Tumbez, une petite localité de la côte péruvienne et put y vérifier la richesse de l'Empire inca. Revenu en Espagne en 1528, il y rencontra Charles Quint et obtint une capitulation l'autori- sant à entreprendre la conquête du Pérou. Il recruta pour cette entreprise quelques solides gaillards — dont quatre de ses frères — principalement originaires, comme lui, de cette province d'Extremadura qui fournit à la conquête un si grand nombre de figures marquantes. A la fin de 1530, il quitta l'isthme de Panama avec cent quatre-vingts hommes et vingt-sept chevaux.

L'entreprise pouvait paraître folle, mais le précédent mexicain fournissait la preuve que tout était possible. Comme l'Empire aztèque, l'Empire inca avait une structure pyramidale qui pouvait constituer une force, mais qui pouvait révéler aussi de grandes fragilités, le jour où le souverain tombait sous le contrôle d'un ennemi. Comme au Mexique, les Incas avaient eu connaissance de certaines prophéties relatives au retour de dieux blancs et barbus. Enfin, la guerre civile opposant l'Inca Atahualpa à son demi- frère Huascar constituait un atout supplémentaire.

Jouant de l'effet de surprise, Pizarro put s'assurer de la personne d'Atahualpa en novembre 1532. Tombé dans le guet-apens de Cajamarca, l'Inca était à la merci de son vainqueur. Les Espagnols découvrirent alors avec effarement les fabuleuses richesses accumulées par cette civilisation

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surprenante. Dans sa Chronique des Indes, Francisco Lopez de Gomara a décrit en termes émerveillés les trésors conservés dans la demeure de l'Inca : « Tous les vases de son palais, toute la vaisselle de sa table et de sa cuisine étaient en or et en argent. Les objets les plus simples étaient faits d'argent et de cuivre pour renforcer le métal. Il possédait des statues d'or semblables à des géants, et des représentations de toutes sortes d'animaux. Il y avait aussi des colliers, des coffres et des bassins d'or et d'argent... « Si l'on en croit Garcilaso de la Vega, l'auteur des célèbres Commentaires royaux, l'or et l'argent n'étaient estimés que pour leur beauté et leur éclat, et parce qu'ils convenaient à rehausser le faste des palais royaux et des temples élevés à la gloire du Soleil. » Dans son Histoire naturelle et morale des Indes, José de Acosta confirme que les Indiens n'utilisaient ni l'or ni l'argent en guise de monnaie et ne s'en servaient que pour l'ornementation.

D'abord étonnés par l'importance que les envahisseurs semblaient accorder à l'or, les indigènes comprirent rapide- ment qu'il y avait là un moyen de s'acheter leurs faveurs, et c'est ainsi qu'Atahualpa suggéra, en guise de rançon, de remplir d'or la pièce où il se trouvait. Un trésor colossal fut ainsi accumulé à Cajamarca, mais l'exécution de l'Inca, en août 1533, tarit la source de l'or et contraignit les Espagnols à engager de nombreuses campagnes de pacification. Le butin déjà rassemblé n'en était pas moins impressionnant. Plus d'un million cinq cent mille pesos d'or, dont cinquante- sept mille pesos pour Pizarro avec, en prime, le trône d'or d'Atahualpa. Tout le métal précieux ainsi distribué à la petite poignée d'hommes qui avaient réalisé la conquête ne leur servit guère car les prix de certains biens rares connurent une inflation délirante. C'est ainsi qu'une bouteille de vin, ou une selle, atteignit au Pérou le prix d'un grand domaine agricole en Espagne !

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À Séville, la Casa de Contractacion enregistrait l'arrivée du métal précieux provenant des Indes. Après l'or des Antilles dans les vingt premières années du siècle, il y avait eu l'arrivée des trésors aztèques à partir de 1520, mais surtout de 1530. Au-delà, les ressources du Mexique et du Pérou s'additionnent et, bientôt, la découverte des mines d'argent du Potosi fournira une rente inespérée au souverain d'Espagne. Une fois fondus les joyaux qu'avaient accumulés au fil des siècles les civilisations traditionnelles du Mexique et du Pérou, l'arrivée du métal jaune se ralentit très vite et il fut totalement supplanté par l'argent. Le déclin des fourni- tures d'or en provenance du Nouveau Monde rendait d'autant plus urgente la découverte de nouveaux trésors, peut-être ceux de ce mystérieux « roi doré » dont une légende voulait qu'il plongeât chaque année, le corps recou- vert de poudre d'or, dans un lac de montagne inconnu, loin à l'intérieur de cette Amérique qu'hidalgos et aventuriers commençaient à peine à découvrir...

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Des Allemands au Venezuela

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Avec une audace sans pareille, Cortés avait déjà conquis à la pointe de l'épée un empire riche et peuplé... Ouvrant un passage à travers les jungles de l'isthme, Balboa avait découvert la Grande Mer du Sud et en avait pris possession au nom du roi d'Espagne... Bientôt, Pizarro et une poignée d'hommes allaient subjuguer l'Empire inca... Partout, dans le nouveau monde des Indes occidentales, les farouches hidalgos venus d'Extremadura, de Castille ou de Grenade imposaient la force de leurs armes. L'Amérique était à conquérir et, avec elle, la gloire, l'or et peut-être le salut ou l'enfer... Sur d'immenses étendues encore vierges, territoires et richesses s'offraient à qui saurait les prendre, et les sujets de Charles Quint allaient rapidement ouvrir de nouveaux chapitres dans l'histoire de la Conquista.

Après celui des Aztèques du Mexique, d'autres empires, tout aussi riches, demeuraient sans nul doute à découvrir à l'intérieur du continent qui s'étendait vers le sud et dont on commençait seulement à reconnaître les côtes. A proximité des Antilles et de l'isthme de Panama, Alonso de Hojeda et Amerigo Vespucci avaient longé en direction du sud-est le pays que le pilote florentin avait baptisé Venezuela à cause des habitations sur pilotis qui lui rappelaient la cité des doges. En cette région particulière, ce ne sont point les Espagnols qui vont prendre la part la plus décisive à

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l'exploration et à la conquête, mais des sujets allemands de l'empereur, égarés en Amérique du Sud à l'issue du conten- tieux politico-financier qui opposait Charles Quint aux banquiers d'Augsbourg...

Petit-fils de Maximilien de Habsbourg, Charles allait en effet bénéficier de la politique matrimoniale mise en œuvre par ce dernier. Epoux de Marie de Bourgogne, qui lui avait apporté l'héritage de Charles le Téméraire, Maximilien avait, en 1496, marié son fils, l'archiduc d'Autriche Philippe le Beau, à Jeanne la Folle, héritière des Rois Catholiques d'Espagne. C'est de cette union qu'était né, à Gand, en février 1500, celui qui devait disposer un jour du plus grand empire que le monde ait connu jusqu'alors.

Prince des Pays-Bas, comte de Flandre et de Bourgogne, Charles devint en mars 1516, à la mort de son grand-père Ferdinand d'Aragon, roi de Castille sous le nom de Char- l e s I e t r o i d ' A r a g o n , d e N a p l e s e t d e S i c i l e s o u s c e l u i d e

C h a r l e s I V . L a m o r t d e M a x i m i l i e n , s o n g r a n d - p è r e p a t e r n e l ,

o u v r i t e n j a n v i e r 1 5 1 9 l a s u c c e s s i o n i m p é r i a l e . L a B u l l e d ' o r

p r o m u l g u é e e n 1 3 5 6 p a r l ' e m p e r e u r C h a r l e s I V r é g l a i t l e s

m o d a l i t é s d e l ' é l e c t i o n i m p é r i a l e . S e p t p r i n c e s — t r o i s

e c c l é s i a s t i q u e s , l e s a r c h e v ê q u e s d e T r ê v e s , M a y e n c e e t

C o l o g n e , e t q u a t r e l a ï q u e s , l e d u c d e S a x e , l e c o m t e p a l a t i n

d u R h i n , l e m a r g r a v e d e B r a n d e b o u r g e t l e r o i d e B o h ê m e —

d e v a i e n t d é s i g n e r c e l u i q u i s e r a i t a p p e l é à r é g n e r s u r l e S a i n t -

E m p i r e r o m a i n g e r m a n i q u e .

L e p e t i t - f i l s d e M a x i m i l i e n é t a i t u n c a n d i d a t t o u t d é s i g n é

a u t i t r e i m p é r i a l , m a i s i l d e v a i t c o m p t e r a v e c u n d a n g e r e u x

r i v a l , l e r o i d e F r a n c e F r a n ç o i s I q u i , e n c o u r a g é p a r l e s

s u c c è s d e s a p o l i t i q u e i t a l i e n n e , r ê v a i t l u i a u s s i d e r e s t a u r e r ,

m a i s à s o n p r o f i t , l ' u n i t é d e l a c h r é t i e n t é .

C e t t e a m b i t i o n p e u t p a r a î t r e s u r p r e n a n t e a u j o u r d ' h u i ,

t a n t n o t r e v i s i o n d e s c h o s e s a é t é d é f o r m é e p a r l e c a d r e d e s

É t a t s - n a t i o n s q u i s e s o n t f o r m é s u l t é r i e u r e m e n t , m a i s i l e n

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1569-1572 : Expédition de Quesada à la recherche de l'Eldorado. 1584-1595 : Vaines expéditions d'Antonio de Berrio qui

recherche l'Eldorado entre l'Orénoque et les Guyanes. 1595 : Première expédition de Walter Raleigh à la recherche de

l'or de Manoa.

1617-1618 : Seconde expédition de Raleigh en Guyane.

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Pour en savoir plus...

German Arciniegas : Germans in the conquest of America, New York, 1943; Jiménez de Quesada, Bogota, 1939.

Jean Babelon : L'Amérique des conquistadores, Paris, 1947. Herbert E. Bolton : Coronado, knight of pueblos and plains,

Albuquerque 1949.

Alvar Nuñez Cabeza de Vaca : Naufrages et relation du voyage fait en Floride. Commentaires de l'adelantado et gouverneur du Rio de la Plata, Paris, 1980.

Jacinto de Carvajal: Descubrimiento del rio Apure, Madrid, 1984.

Gaspar de Carvajal, Pedrarias et P. Teixeira : La aventura del Amazonas, Madrid, 1985.

Walker Chapman : The Golden dream, New York, 1967. Pedro de Cieza de León : La cronica del Peru, Madrid, 1984.

R. B. Cunningham Graham : The conquest of New Granada, Londres, 1922.

Jean Descola : Les Conquistadores, Paris, 1954.

Bernai Diaz del Castillo : Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle-Espagne, Paris, 1980.

Edward Edwards : The life of Sir Walter Raleigh, Londres, 1868.