L'ouverture du mariage et de la filiation aux couples de même sexe

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  • 7/28/2019 L'ouverture du mariage et de la filiation aux couples de mme sexe

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    SITUATION EN FRANCE ET EN EUROPE

    On lit parfois que 200 voire 300 000 enfants vivent dans des situations dhomo-parentalit*. Il est en fait trs difficile de le savoir puisque ces familles ne sont pasrecenses comme telles. LINED affirme par comparaison avec les statistiques tran-gres quentre 24 000 et 40 000 enfants enfants vivraient ainsi (sur une popula-tion de 15 millions denfants) (1). LAPGL (Association des Parents et Futurs ParentsGays et Lesbiens) compte, au dire de sa prsidente honoraire, 2 000 adhrents (2).

    Il existe une grande disparit des lgislations sur la question. Ainsi en Allemagne,les personnes de mme sexe ne peuvent pas se marier mais peuvent contracterun partenariat de vie commune et adopter lenfant de leur partenaire. En Es-pagne, en Belgique, en Sude et aux Pays-Bas, elles peuvent se marier, adopteret avoir accs la Procration Mdicalement Assiste*. Au Portugal, elles peuventse marier mais ne peuvent ni adopter ni avoir accs la PMA*.

    LE MARIAGE DANS SA FORME ACTUELLE

    La nature juridique du mariage est double : contrat

    (3)

    (les poux contractent ma-riage ) et institution puisque le mariage est un statut qui nest pas soumis la librengociation contractuelle. En se mariant les poux acceptent le statut impratif dumariage (4), cest--dire ses effets lgaux : entre les conjoints (devoir de respect, fi-dlit, secours, assistance, contribution aux charges du mariage, communaut devie), entre les familles (liens dalliance, obligations alimentaires, empchements mariage), lgard des enfants (prsomption de paternit) et lgard des tiers (so-lidarit des dettes mnagres). La rupture du mariage est contrle par la socitpuisque lengagement a t pris devant elle. Seul un juge peut dissoudre le mariage.

    Louverture du mariage et de

    la filiation aux couples de mme sexe

    Simple extension ou

    changement de nature dumariage et de la filiation ?

    Louverture du mariage auxcouples de mme sexenest-elle quune extensiondu mariage une nouvellecatgorie dindividus oubien est-ce un changementde nature du mariage et dela filiation ? Pour rpondre cette question, il faut

    identifier les implicationsde la mise entreparenthses de ladiffrence des sexescomme condition aumariage. Si le rfrentnaturel de la procrationest abandonn, par quoiest-il remplac ?

    * Les mots suivis dun astrisque sont dfinis en pages 2 et 3. [1] Patrick Festy, Le recensement des familles homoparentales , in Homoparentalits. Approches scienti-fiques et politiques, Paris, PUF, 2006, p.113 et 114 [2] Martine Gross, Quest-ce que lhomoparentalit ?, Payot, 2012, p.17 Bulletin officiel spcial n9 du 30 septembre2010, p.7 et 8. [3] Code civil, articles 146. [4] Code civil, articles 212, 213, 214, 215, 220 et 371.

    PROBLMA-TIQUE

    Juin 2011 LES NOTES DE LIFP

    LES NOTES DE LIFPsavoir pour comprendre

    N5 / Janvier 2013

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    Janvier 2013LES NOTES DE LIFP

    Le fondement du caractre institutionnel du mariage est la filiation (5) puisquela socit choisit par l doffrir un cadre stable la naissance et au dvelop-

    pement des futurs citoyens. Toutes les clauses du mariage sont subordon-nes cette intention.

    Cest parce que le rgime du mariage a pour objet dassurer la protectionde la famille (6), cest--dire des enfants, que la filiation a pour rfrent ul-time encore aujourdhui la procration naturelle, mme pour la procrationmdicalement assiste* (7) et ladoption plnire (8).

    LE PROJET DE LOI ET LE DBAT PARLEMENTAIRE

    Le projet de loi du gouvernement Ayrault adopt en Conseil des ministres le7 novembre 2012 consiste modifier larticle 143 du Code civil afin de le for-muler ainsi : Le mariage est contract par deux personnes de sexe diffrentou de mme sexe . Sont ensuite rappeles les autres conditions du mariagequi elles ne changent pas : tre majeur et ne pas tre frre et sur, nioncle/tante et nice/neveu.

    Le projet de loi ouvre aussi la possibilit aux couples de mme sexe dadopterconjointement un enfant soit de manire plnire (disparition de la filiationantrieure), soit de manire simple (maintien du lien de filiation antrieur).

    Il existe trois autres propositions de loi (9) dont une qui demande louverture

    de la procration mdicalement assiste (PMA*) pour les couples defemmes (10) et lautre qui rclame un dbat sur la gestation pour autrui (GPA*)lors de futurs tats gnraux sur la famille (11).

    Au vu de cet ensemble (12), on peut donc considrer que le primtre de la fu-ture loi ne porte pas que sur le mariage mais aussi sur les diffrents modes defiliation rservs jusque-l aux couples mixtes (homme/femme).

    AUJOURDHUI, FACE AU MARIAGE,LES PERSONNES HOMOSEXUELLES SONT-ELLES TRAITES INJUSTEMENT ?

    En janvier 2011, le Conseil Constitutionnel a estim que les dispositions envigueur du Code civil rservant le mariage aux couples de sexe diffrentntaient pas contraires la Constitution (13), texte qui a pour prambule laDclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789.

    [5] Aude Mirkovic, Le mariage, un service public redcouvrir , Revue Lamy Droit civil, n94, juin 2012, pp. 55-58. [6] Dcision n2011-155 QPC, consid.7, du 29 juil-let 2011. [7] Code civil, articles 311-19 et suivants. [8] Code civil, articles 343 370. [9] Un projet de loi mane du gouvernement ; une proposition de loi mane desparlementaires. [10] Dpose lAssemble Nationale le 24 juillet 2012 par cinq dputs dont Marie-Georges Buffet et Jacqueline Fraysse tendant lever les discrimi-nations reposant sur le sexe, le genre et lorientation sexuelle en matire de filiation . [11] Dpose au Snat le 27 aot 2012 par douze snateurs dont Esther Ben-bassa, Marie-Christine Blandin et Jean-Vincent Plac visant louverture du mariage aux personnes de mme sexe et lordonnancement des conditions de laparentalit . [12] La troisime proposition de loi a t dpose le 28 juillet 2012 lAssemble par cinq dputs, dont Marie-Georges Buffet et vise ouvrir le droit aumariage tous les couples sans distinction de sexe ni de genre. [13] Dcision n2010-92 QPC du 28 janvier 2011. [14] Martine Gross, p.7. [15] Le plus souvent, il sagitdun enfant qui a t conu par un couple homme/femme et dont un des deux parents sest mis en couple avec une personne de mme sexe. Cet enfant sait donc trsbien qui est sa mre et qui est son pre. Il existe aussi des cas o lenfant est n par insmination de sa mre, mre vivant avec sa compagne. Rappelons que ces cas sont

    Gay/Homosexuel :lhomosexualit est lorigineun terme mdical cr en 1869pour dsigner lattirance dunepersonne envers quelquun de sonsexe. Le mot gayest dusage plusrcent ( partir des annes 80 aux

    tats-Unis) et dsigne le mode devie et la culture dunecommunaut qui sidentifie sapratique sexuelle.

    GPA (Gestation Pour Autrui) :la gestation pour autrui estle contrat par lequel un coupleayant un projet parentaldemande une femmede recevoir dans son utruslembryon qui a t conuin vitro, den assurer le bon

    dveloppement et de le remettreau couple sa naissance.

    Homoparentalit : Nologisme cr en 1997par lAPGL pour dsigner toutesles situations familiales danslesquelles au moins un adultequi sauto-identifie commehomosexuel est le parent daumoins un enfant (14). Ce termeest descriptif et trs peu prcispuisquil renvoie des situationsen ralit diverses (15).Homoparentalit est un termemilitant car sans dnomination,les familles homoparentales

    DFINITIONS

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    Janvier 2013LES NOTES DE LIFP

    LInstitut de Formation Politique est le premier institut qui forme les jeunes aux ides et laction politiques.LIFP organise rgulirement des sminaires de formations ddis aux tudiants et publie des notes desynthse destines faire le point sur un thme, une organisation ou une personnalit. LInstitut de Formation

    Politique est une association loi 1901 but non lucratif. Tous les programmes sont financs par desparticipations et dons privs. Indpendant des partis politiques, lIFP naccepte aucun financement public.

    CONTINUIT OU CHANGEMENT DE MODLE ?

    Rcuser une des clauses du mariage (la diffrence des sexes) ouvre la porte la remise en cause des autres clauses(monogamie (23) et interdit de linceste (24)) et introduit une logique de radicale contractualisation (25) du mariage me-sure par la seule volont des individus. Si le mariage est ouvert aux couples de mme sexe, la filiation perdra sarfrence la procration naturelle et sera fonde sur la seule volont exprime par les parents (26). Pourquoi conti-nuer alors considrer quun enfant ne peut avoir que deux parents ? Pourront tre dclars parents tous les adultesayant particip volontairement la ralisation du projet parental. Pourquoi garder cette clause de monogamie ? (27)

    CE PROJET DE LOI EST-IL JUSTE ?

    [23] Code civil, articles 147. [24] Code civil, articles 161, 162, et 163. [25] Xavier Labbe, Le mariage homosexuel et lunion civile , La Semaine juridique, n37, 10 sep-tembre 2012, pp.1642-1648. [26] Marcela Iacub, LEmpire du ventre, Fayard, 2004, p.312. [27] On le voit en efffet avec la revendication au poly amour qui monte auxtats-Unis, en Belgique et mme au Brsil. [28] Claude Lefort, Les droits de lhomme et ltat-providence , Essais sur le politique, Seuil, 1986, p.55 et 56. [29] MichelVilley, Le Droit et les droits de lhomme, PUF, 1989. [30] Hans Jonas, Le Principe responsabilit, Cerf, 1990. [31] Voir ltude de Mark Regnerus, How different are the adultchildren of parents who have same-sex relationships? Findings from the New Family Structures Study , Social Science Research, Vol. 41, Issue 4, July 2012, pp.752-770.

    32, rue des Bruyres 92310 Svres / Tl. : 09 51 64 30 25 / www.ifpfrance.org / [email protected]

    Louverture du mariage et de la filiation aux cou-ples de mme sexe ne peut tre value poli-tiquement quen posant la question de la justice

    dune telle loi. Or deux conceptions de la justicesaffrontent, chacune commandant une rponseoppose :

    Soit on considre que la justice est synonymedgalit des droits dindividus neutres indif-frencis rclamant la reconnaissance pu-blique de leurs dsirs (28) ; auquel cas, toutediffrence de traitement allguant des diff-rences relles entre individus (ici les diffrencesdarticulation entre sexualit, procration etfiliation) est considre comme injuste etdiscriminatoire.

    Soit on considre que la justice consiste rendre chacun ce qui lui est d en raisondun ordre dans lequel il sinscrit (29), et alorsil nest pas injuste de traiter diffremmentdes situations diffrentes. Au regard de la na-ture du mariage et de son lien intrinsqueavec la procration, et en raison de linferti-lit de la relation entre deux hommes oudeux femmes, le mariage exige la diffrence

    des sexes des partenaires.

    Il convient galement de considrer lensemble des partiesconcernes, savoir les adultes dune part, les enfants dautrepart, et ltat lgislateur au milieu dont la responsabilit (30) est

    de dterminer les biens quil convient dattribuer chacune. Ilconvient donc de discerner les diffrents biens en prsence :

    du ct des personnes homosexuelles, la reconnaissancepublique de leur amour et le statut quoffre le mariage entermes de scurit reprsentent des biens. Le fait dtreparent est aussi un bien essentiel que tout tre humaindsire. Il se trouve que la relation entre deux personnes demme sexe est en soi strile. Laccs la parent* conjointenest possible que par la mdiation de la technique mdi-cale (PMA*) ou juridique (adoption).

    du ct de lenfant ; tout tre humain est issu dune doubleorigine, maternelle et paternelle. Le fait dignorer cette dou-ble origine et le fait de ne pas pouvoir vivre dans la conti-nuit de celle-ci privent objectivement lenfant de bienshumains fondamentaux (31). Lorsque cette privation est laconsquence dun choix volontaire, elle apparat commeinjuste et doit tre interdite.

    La mise en balance de ces deux sries de biens permet donc dejuger que louverture du mariage aux couples de mme sexeest injuste au nom du respect d aux enfants qui seraient sus-

    ceptibles dtre dsigns comme tant leurs enfants.