4
LRD Le Royaume-Uni montre la voie de l’adaptation au changement climatique Des glaciers qui se rétractent, une sécheresse qui s’aggrave, des trombes d’eau récurrentes. Les signes du changement climatique semblent bien là. Et la planète doit s’adapter. Les pays de l’hémisphère Nord, notamment en Europe, où la hausse des températures est plus marquée, commencent à peine à en prendre conscience. A une exception près, le Royaume-Uni, qui prend des mesures depuis une dizaine d’années. DOSSIER LaRevueDurable N°15 « Nous vous aidons à vous adapter au change- ment climatique. » Ce slogan n’annonce pas une marque de climatiseurs, mais le programme bri- tannique sur les impacts du changement clima- tique. Le seul, en Europe, à proposer une gamme de services très spécifiques. « A tort, on tend à penser que la réduction des émissions, c’est pour le Nord, et que l’adaptation, c’est pour le Sud », relève José Romero, représentant de la Suisse dans les négociations climatiques internationa- les. Grave erreur en effet, car le climat se désta- bilise. Et si les pays en développement paient et continueront de payer le plus lourd tribut aux événements climatiques extrêmes – 97 % des victimes des inondations et des sécheresses dans le monde y vivent (LaRevueDurable, 2003) –, les pays industrialisés ne réussiront pas à passer in- demnes entre les gouttes des intempéries. De 1900 à 2000, les précipitations au nord de l’Europe ont augmenté de 10 à 40 % tandis qu’au sud, il est tombé 20 % d’eau en moins. Depuis 1980, les glaciers alpins ont perdu plus de 30 % de leur masse. Les coûts financiers dus à une météo de plus en plus capricieuse sont passés, en Europe occidentale, de moins de 5 milliards de dollars voilà vingt ans à 11 milliards. Quatre des cinq années les plus coûteuses en termes de catastrophes climatiques se sont produites après 1997 (AEE, 2004). La liste est longue des signes de l’évolution climatique en marche. L’Europe est très concernée, puisque la température moyenne y augmente davantage qu’ailleurs : 0,95 degré Celsius depuis le XIX e siècle contre 0,6 °C en moyenne mondiale. D’ici à 2100, les climatologues prévoient une hausse de 1,4 à 5,8 °C pour le globe, ce qui devrait se traduire en Europe par une fourchette de 2 à 6,3 °C d’augmentation. Le besoin de s’adapter est d’autant plus urgent que, malgré le constant perfectionnement des modèles climatiques, cer- taines zones d’ombre sur les évolutions futures ne s’éclairciront pas demain matin. « Nous savons, par exemple, que la tempéra- ture moyenne sera à la hausse, mais nous igno- rons l’écart entre les températures effectives et la moyenne », explique Pascale Braconnot, qui dirige le pôle de modélisation de l’Institut Pier- re-Simon Laplace. Autrement dit, la moyenne peut cacher de très importantes variations de températures : une hausse d’un degré peut se manifester par un gain de 10 °C l’été dans cer- taines régions. Autre incertitude : la rapidité des évolutions. « Certains phénomènes pourraient aller plus vite que prévu », affirme encore Pasca- le Braconnot. Les gouvernements ont donc tout intérêt à mettre au point des stratégies d’adapta- tion s’ils ne veulent pas être pris de court. Message reçu dans les capitales française et danoise. A Paris, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) multiplie les réunions sur le thème de l’adap- tation au changement climatique. A Copenha- gue, l’Agence européenne de l’environnement prépare un rapport sur les stratégies nationa- les des pays membres de l’Union européenne. Les inondations de 2002 et la canicule de 2003 ont montré que le manque de préparation aux événements climatiques extrêmes conduit à d’immenses dégâts humains et matériels. Les Britanniques, eux, l’ont compris depuis bientôt dix ans. Les Britanniques, champions de la menace climatique « Notre programme est un pont entre la recherche scientifique et les décideurs qui tra- vaillent dans les administrations publiques et les entreprises », affirme Kay Jenkinson, res- ponsable de la communication du Programme britannique sur les impacts du climat (Ukcip). Depuis 1997, cette structure pionnière prépare l’île au réchauffement du climat. Douze person- « Nous suivons avec intérêt le travail de nos collègues bri- tanniques », indique Pascale Babillot, chargée de mission sur l’adaptation à l’Obser- vatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), organisme responsa- ble de la politique d’adapta- tion de la France. D’ailleurs, le guide sur l’adaptation à l’in- tention des collectivités publi- ques s’inspire largement du guide anglais. Aussi, une série de scenarii régionaux est en préparation sous la direction de Pascale Braconnot, de l’Ins- titut Pierre-Simon Laplace, en collaboration avec une équipe de Météo France. La première version des scenarii locaux, réalisée en 2000, a servi aux chercheurs à évaluer les impacts du changement clima- tique sur les bassins du Rhône et de la Seine, la gestion des forêts, l’agriculture et les marées dans les départements d’outre-mer. L’élément nouveau, avec les scenarii en préparation, c’est qu’ils seront largement diffusés et présentés au grand public, promet Pascale Babillot. En parallèle, l’Onerc prévoit de publier cet été une stratégie nationale faisant la part belle au travail avec les collectivités locales. Car si le corps de con- naissances sur ce qui menace d’arriver est très solide, c’est dans la capacité à créer la de-- mande pour ces informations que la stratégie française a du chemin à faire. Sur ce plan, la canicule de 2003 a beaucoup aidé à susciter l’intérêt des sec- teurs de la santé et des forêts pour l’évolution du climat en France. Le Conservatoire du littoral a commandé une étude pour évaluer la menace qui pèse sur ses sites du fait de la montée du niveau de la mer. « Tout se met gentiment en pla- ce », confirme Pascale Babillot, qui n’a toutefois que deux col- lègues pour mener à bien sa tâche. LRD L’approche britannique traverse la Manche 22

LRD Le Royaume-Uni montre la voie de l’adaptation au

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LRD Le Royaume-Uni montre la voie de l’adaptation au

LRD

Le Royaume-Uni montre la voiede l’adaptation au changement climatique

Des glaciers qui se rétractent, une sécheresse qui s’aggrave, des trombes d’eau

récurrentes. Les signes du changement climatique semblent bien là. Et la

planète doit s’adapter. Les pays de l’hémisphère Nord, notamment en Europe,

où la hausse des températures est plus marquée, commencent à peine à en

prendre conscience. A une exception près, le Royaume-Uni, qui prend des

mesures depuis une dizaine d’années.

DOSSIER LaRevueDurable N°15

« Nous vous aidons à vous adapter au change-ment climatique. » Ce slogan n’annonce pas une marque de climatiseurs, mais le programme bri-tannique sur les impacts du changement clima-tique. Le seul, en Europe, à proposer une gamme de services très spécifiques. « A tort, on tend à penser que la réduction des émissions, c’est pour le Nord, et que l’adaptation, c’est pour le Sud », relève José Romero, représentant de la Suisse dans les négociations climatiques internationa-les. Grave erreur en effet, car le climat se désta-bilise. Et si les pays en développement paient et continueront de payer le plus lourd tribut aux événements climatiques extrêmes – 97 % des victimes des inondations et des sécheresses dans le monde y vivent (LaRevueDurable, 2003) –, les pays industrialisés ne réussiront pas à passer in-demnes entre les gouttes des intempéries.

De 1900 à 2000, les précipitations au nord de l’Europe ont augmenté de 10 à 40 % tandis qu’au sud, il est tombé 20 % d’eau en moins. Depuis 1980, les glaciers alpins ont perdu plus de 30 % de leur masse. Les coûts financiers dus à une météo de plus en plus capricieuse sont passés, en Europe occidentale, de moins de 5 milliards de dollars voilà vingt ans à 11 milliards. Quatre des cinq années les plus coûteuses en termes de catastrophes climatiques se sont produites après 1997 (AEE, 2004). La liste est longue des signes de l’évolution climatique en marche.

L’Europe est très concernée, puisque la température moyenne y augmente davantage qu’ailleurs : 0,95 degré Celsius depuis le XIXe siècle contre 0,6 °C en moyenne mondiale. D’ici à 2100, les climatologues prévoient une hausse de 1,4 à 5,8 °C pour le globe, ce qui devrait se traduire en Europe par une fourchette de 2 à 6,3 °C d’augmentation. Le besoin de s’adapter est d’autant plus urgent que, malgré le constant

perfectionnement des modèles climatiques, cer-taines zones d’ombre sur les évolutions futures ne s’éclairciront pas demain matin.

« Nous savons, par exemple, que la tempéra-ture moyenne sera à la hausse, mais nous igno-rons l’écart entre les températures effectives et la moyenne », explique Pascale Braconnot, qui dirige le pôle de modélisation de l’Institut Pier-re-Simon Laplace. Autrement dit, la moyenne peut cacher de très importantes variations de températures : une hausse d’un degré peut se manifester par un gain de 10 °C l’été dans cer-taines régions. Autre incertitude : la rapidité des évolutions. « Certains phénomènes pourraient aller plus vite que prévu », affirme encore Pasca-le Braconnot. Les gouvernements ont donc tout

intérêt à mettre au point des stratégies d’adapta-tion s’ils ne veulent pas être pris de court.

Message reçu dans les capitales française et danoise. A Paris, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) multiplie les réunions sur le thème de l’adap-tation au changement climatique. A Copenha-gue, l’Agence européenne de l’environnement prépare un rapport sur les stratégies nationa-les des pays membres de l’Union européenne. Les inondations de 2002 et la canicule de 2003 ont montré que le manque de préparation aux événements climatiques extrêmes conduit à d’immenses dégâts humains et matériels. Les Britanniques, eux, l’ont compris depuis bientôt dix ans.

Les Britanniques, champions de la menace climatique

« Notre programme est un pont entre la recherche scientifique et les décideurs qui tra-vaillent dans les administrations publiques et les entreprises », affirme Kay Jenkinson, res-ponsable de la communication du Programme britannique sur les impacts du climat (Ukcip). Depuis 1997, cette structure pionnière prépare l’île au réchauffement du climat. Douze person-

« Nous suivons avec intérêt le travail de nos collègues bri-tanniques », indique Pascale Babillot, chargée de mission sur l’adaptation à l’Obser-vatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), organisme responsa-ble de la politique d’adapta-tion de la France. D’ailleurs, le guide sur l’adaptation à l’in-tention des collectivités publi-ques s’inspire largement du guide anglais. Aussi, une série de scenarii régionaux est en préparation sous la direction de Pascale Braconnot, de l’Ins-titut Pierre-Simon Laplace, en collaboration avec une équipe de Météo France.

La première version des scenarii locaux, réalisée en 2000, a servi aux chercheurs à évaluer les impacts du changement clima-tique sur les bassins du Rhône et de la Seine, la gestion des forêts, l’agriculture et les marées dans les départements d’outre-mer. L’élément nouveau, avec les scenarii en préparation, c’est qu’ils seront largement diffusés et présentés au grand public, promet Pascale Babillot.

En parallèle, l’Onerc prévoit de publier cet été une stratégie nationale faisant la part belle au travail avec les collectivités locales. Car si le corps de con-naissances sur ce qui menace

d’arriver est très solide, c’est dans la capacité à créer la de--man de pour ces informations que la stratégie française a du chemin à faire. Sur ce plan, la canicule de 2003 a beaucoup aidé à susciter l’intérêt des sec-teurs de la santé et des forêts pour l’évolution du climat en France. Le Conservatoire du littoral a commandé une étude pour évaluer la menace qui pèse sur ses sites du fait de la montée du niveau de la mer. « Tout se met gentiment en pla- ce », confirme Pascale Babillot, qui n’a toutefois que deux col-lègues pour mener à bien sa tâche.

LRD

L’approche britannique traverse la Manche

22

Page 2: LRD Le Royaume-Uni montre la voie de l’adaptation au

DOSSIERLaRevueDurable N°15

nes, l’équivalent de 8,5 emplois à plein-temps, travaillent dans ses bureaux, à Oxford.

Savoir comment le climat évoluera localement est le socle de toute stratégie d’adaptation. Depuis avril 2002, l’Ukcip met à disposition des organi-sations intéressées quatre scenarii possibles du climat établis à partir de différentes hypothèses sur l’intensité des émissions de CO2 et déclinés pour l’ensemble du Royaume-Uni découpé en douze régions. L’étape suivante consiste à évaluer les conséquences locales de ces scenarii pour les activités humaines. L’Ukcip conseille et accom-pagne les organisations – surtout des collectivités locales – qui commandent des études d’évalua-tion à des institutions spécialisées, par exemple le Centre Tyndall de l’Université de Norwich.

La Ville de Londres a ainsi commandé, avec toute une panoplie de partenaires, une étude pour comprendre, sur la base du travail de l’Ukcip, comment le changement climatique pourrait affecter la vie des Londoniens à l’ave-nir. Selon toute vraisemblance, il s’agit là d’une première mondiale en termes d’évaluation de l’impact du changement climatique sur une grande métropole (Entec, Tyndall Centre, Me-troeconomica, 2002).

Londres sous un soleil de plomb

En août 2002, les pluies incessantes ont con-traint les autorités de la ville à fermer plusieurs tronçons du métro devenus de véritables pisci-nes souterraines. L’étude attire l’attention sur le fait que, situé en partie dans la plaine d’inon-dation de la Tamise et de ses affluents, Londres sera de plus en plus vulnérable aux inonda-tions. Ainsi faudra-t-il investir 4 milliards de livres sterling durant les quarante prochaines années pour renforcer le système de digues qui protège la ville de la montée des flots. En paral-lèle, l’étude prévoit que le changement climati-que devrait entraîner une « augmentation de la mortalité liée aux canicules estivales ».

Entre la peste des pluies diluviennes et le choléra du temps des canicules, le second de ces deux maux suscite le plus de préparatifs dans la capitale, car sa menace est totalement inédite au Royaume-Uni, plus habitué à faire face à l’eau. Sur la base de l’étude, la ville a demandé à son fournisseur, Thames Water, de concevoir un plan pour parer à la raréfac-tion de l’eau potable, les ressources en eau par habitant de la capitale étant comparables à celles qui existent en Israël. Et plus le réchauf-fement progressera, plus le niveau des rivières et de la nappe qui approvisionnent la capitale en eau potable menacera de toucher le fond. Par ailleurs, une liste des critères à considérer dans la planification de toute nouvelle cons-truction à Londres et dans ses environs est en consultation.

Des simulations montrent qu’à l’horizon 2050, la température sur les lieux de travail des Londoniens sera inconfortable durant 25 % des heures de travail. La popularisation de la cli-matisation n’est toutefois pas retenue comme une mesure d’adaptation, car elle soumettrait le réseau électrique à trop rude épreuve. De plus, ces appareils renforceraient l’effet d’îlot de chaleur urbain qui entraîne un surcroît de

Londres devra payer cher pour garder les pieds au sec

Paul

Pre

ache

r

Le front de mer à Brighton

Les Britanniques n’auront bientôt plus besoin de descendre sur la Méditerranée pour trouver de la chaleur

Tim

Min

or

Zone industrielle et d’habitat sur la côte

Stev

e M

cWill

iam

23

Page 3: LRD Le Royaume-Uni montre la voie de l’adaptation au

température dans les grandes villes, à cause de la concentration des bâtiments et des sources de chaleur. Enfin, la température élevée devrait pousser les Londoniens à fuir le métro trans-formé cette fois en sauna pour davantage flâner à l’ombre des terrasses, des arbres des parcs et en tout lieu public susceptible de les rafraîchir. Cette évolution entraînera une redistribution de l’espace public, une réflexion sur la sécurité dans certains quartiers et un ramassage plus fréquent des ordures, dont les odeurs putrides se manifesteront plus vite.

Centraliser l’information

Autre exemple régional : l’Irlande du Nord. L’étude d’impact y signale une baisse des activi-tés de pêche, car les cycles de reproduction des populations de poissons sont très sensibles aux températures. Reliée au reste du Royaume-Uni par les seules voies maritimes et aériennes, cette partie du pays pourrait souvent se retrouver iso-lée, car les conditions météorologiques rendront

ces deux moyens de communication plus sou-vent impraticables.

L’Ukcip met également à disposition des ana-lyses générales sur les conséquences du change-ment climatique sur huit secteurs : agriculture,

biodiversité, environnement construit, entrepri-ses, jardins, santé, autorités, littoral et eau. Sur le chapitre santé, la mortalité hivernale – véri-table fléau outre-Manche – pourrait chuter de 20 000 victimes par année. Sur le versant né-gatif, la mortalité d’été, les empoissonnements alimentaires et les maladies respiratoires dues à l’ozone estival devraient croître.

Si les impacts sont potentiellement impor-tants dans un domaine auquel personne ne prête attention ou une région à laquelle personne ne s’intéresse, l’Ukcip a aussi pour mission de pren-dre contact avec des partenaires pour les sensibi-liser et les inciter à s’interroger sur ses scenarii. « Nous avons par exemple lancé un groupe de travail sur les jardins, activité de première im-portance ici », raconte Kay Jenkinson. Pour le financer, l’Ukcip a obtenu de la puissante Société horticole britannique et du National Trust, char-gé du patrimoine historique, qu’ils se penchent sur le projet.

D’une manière générale, l’Ukcip sensibilise les associations professionnelles, les groupes d’inté-rêt et les groupements économiques sur les con-séquences du changement climatique pour leurs activités. A en juger par la demande pour ses publications, ce travail de conscientisation porte ses fruits. En 2003, il a diffusé 11 000 documents, dont 4000 présentations des scenarii régionaux. C’est beaucoup si l’on considère que ces infor-mations s’adressent avant tout aux décideurs.

Cette information vise à inciter les entre-prises et les administrations publiques à s’in-

DOSSIER LaRevueDurable N°15

Il n’y a pas que le CO2 qui fasse exploser le thermomètre dans le métro londonien

Noe

l Cos

grav

e

Les catastrophes naturelles, on connaît En Suisse, la responsabi-lité d’établir les scenarii cli-matiques locaux revient au Laboratoire pour la science du climat et de l’atmosphère de l’Ecole polytechnique fédé-rale de Zurich. Des experts se servent de ces données pour plancher sur les impacts des différents climats possibles sur l’écologie, la santé, l’agricul-ture, le tourisme, la gestion de l’eau, les infrastructures, l’éner-

gie et les assurances. L’exercice a lieu sous l’égide de l’Organe consultatif sur les changements climatiques (Occc), dont le secrétariat, à Berne, comprend deux personnes.

Un rapport devrait être rendu public fin 2005. Mais le volet communication est peu déve-loppé. Le caractère très discret de la stratégie suisse s’explique, selon José Romero, par le fait

que le pays fait déjà beaucoup sur le plan de la prévention des catastrophes naturelles. « L’aménagement du territoire, la gestion des forêts et des infrastructures de montagne tiennent largement compte des menaces climatiques, justifie le fonctionnaire. La question reste de savoir si le niveau de pré-vention actuel est suffisant », admet-il.

LRD

L’agriculture à la vénitienne Après des siècles de lutte achar-née pour gagner des terres sur la mer, les Pays-Bas rangent les armes et agitent le mou-choir blanc en signe de paix. Dorénavant, la stratégie néer-landaise pour faire face à la montée du niveau de la mer consiste à… laisser plus de place à l’eau. Ce qui ne signifie pas

forcément que les horticulteurs, qui se situent principalement sur les régions les plus inon-dables, déménageront. Dura Vermeer, une grande entreprise de construction néerlandaise, est en train de leur concocter des serres flottantes. En plus d’éco-nomiser de l’espace, cette serre consomme jusqu’à 40 % moins

d’énergie, car elle utilise l’eau de mer pour réguler sa tempé-rature intérieure. Un prototype de 600 m2 barbotera bientôt à Naaldwijk et un site pilote de 50 hectares devrait voir le jour à Haarlemmermeer, un polder près de Schiphol.

LRD

24

Page 4: LRD Le Royaume-Uni montre la voie de l’adaptation au

DOSSIERLaRevueDurable N°15

POuR allER PluS lOIn

Une documentation très riche sur ce qu’impli-quent les changements climatiques en cours est disponible sur le site du programme britannique. Pour y avoir accès, il faut s’inscrire en ligne, puis tout est gratuit. www.ukcip.uk.org

De nombreux documents sont disponibles en français sur le site de l’Onerc. Particulièrement intéressant est le guide « Collectivités locales et changements climatiques : êtes-vous prêt ? »www.onerc.gouv.fr

Pour s’informer sur le réchauffement en Suisse : www.occc.ch

Le rapport complet des prévisions pour Londres, 300 pages passionnantes, est disponible sur le site de la mairie. Choisir la rubrique Mayor of London, cliquer sur Sustainability dans le menu à droite de la page, puis sur Climate Change en bas de la page. A cette adresse, figurent également une liste des paramètres à considérer dans la planification de toute nouvelle construction à Londres et ses environs, ainsi que des adresses intéressantes sur le changement climatique à Londres. www.london.gov.uk

BIBlIO gRa PhIE

Agence européenne de l’environnement (AEE). Impacts of Europe’s Changing Climate, Copenhague, report 2, 2004.

Entec, Tyndall Centre, Metroecono-mica. London’s Warming. The Impacts of Climate Change on London, the London Climate Change Partnership, 2002.

LaRevueDurable. Situation de l’eau douce dans le monde. LaRevueDurable, octobre-novembre 2003 (7) : 12-14.

LaRevueDurable. Aux Etats-Unis, le char-bon mine la campagne présidentielle de John Kerry, LaRevueDurable, septembre-octobre 2004 (12) : 62-63.

Simms A, Woodward D, Kjell P. Cast adrift, How the rich are leaving the poor to sink in a warming world, Londres, New eco-nomic foundation, 2004.

Washington R et coll., African climate report, Londres, Defra, 2004.

Le changement climatique au tribunal

Le procureur général de la Ville de New York et les procureurs géné-raux de huit Etats des Etats-Unis – Californie, Connecticut, Iowa, New Jersey, New York, Rhode Island, Vermont et Wisconsin – ont mis les pieds dans le plat. Ils ont déposé une plainte en juillet 2004 contre les cinq entreprises électriques les plus émet-trices en CO2 du pays. Ils demandent à ces entreprises de réduire de 3 % par an leurs émissions pendant dix ans. Ces entreprises – American Electric Power Company, the Southern Company, Tennessee Valley Authority, Xcel Energy Inc. et Cinergy Corporation – exploitent 174 centrales électriques dans vingt Etats. Ensemble, elles relâchent 650

millions de tonnes de CO2 par an, soit environ 10 % des émissions totales de CO2 du pays.

Les principales centrales électriques à charbon responsables du gros des émissions de gaz à effet de serre du secteur ne sont pas implantées sur les territoires des Etats plai-gnants et de la Ville de New York (LaRevueDurable, 2004). Les procu-reurs invoquent ainsi la loi fédérale sur la nuisance publique qui permet à un Etat de chercher à se protéger des nuisances engendrées par la pollution causée dans un autre Etat. En Californie, par exemple, les plai-gnants écrivent que « le réchauffe-ment climatique pourrait faire dou-

bler les morts dus à la canicule à Los Angeles, augmenter les cas d’asthme, entraîner des milliards de pertes à cause des inondations, etc. ».

On peut critiquer la méthode qui consiste à vouloir tout régler devant les tribunaux. Mais ce procès a de quoi donner des idées aux pays en développement qui subissent les méfaits d’une pollution largement produite ailleurs. Ils pourraient ainsi demander aux pays les plus fortement émetteurs d’assumer les coûts de leur adaptation au réchauf-fement du climat. Des coûts qui s’annoncent gigantesques, car cer-tains pays manquent parfois de tout. En Afrique, le système d’observation

du climat est dans un état pitoyable et sa condition se détériore. Les données font défaut et les modèles climatiques régionaux n’existent pas (Washington et coll., 2004). Lors de la septième conférence des parties de la Convention sur le change-ment climatique, à Marrakech, en 2001, les pays industrialisés se sont engagés à consacrer 400 millions de dollars par an à partir de 2005 pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions et à s’adap-ter au changement climatique. Pour l’heure, on n’a trouvé que 20 millions à allouer à cette noble tâche (Simms et coll., 2004).

LRD

terroger sur ce que le changement climatique implique pour leur organisation et à en tirer les conséquences qui s’imposent. L’Ukcip a même créé un logiciel, l’ « adaptation wizard », pour aider à poser les bonnes questions et à profiter de l’abondante littérature disponible en ligne pour élaborer une stratégie d’adaptation. Mal-gré tout, les exemples de telles stratégies restent pour l’instant l’exception.

Enfin, l’Ukcip centralise toutes les études d’impact et les stratégies d’adaptation réalisées sur le territoire britannique. Une base de don-nées d’études de cas d’adaptation émanant de toutes sortes d’organisations sera bientôt dispo-nible sur son site. g

25