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Ludolphe le Chartreux LA GRANDE VIE DE JÉSUS-CHRIST. Tome septième, Vie glorieuse.

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Ludolphe le Chartreux

LA GRANDE VIE DE

JÉSUS-CHRIST.Tome septième, Vie glorieuse.

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LA GRANDE VIE de JÉSUS-CHRISTPAR LUDOLPHE LE CHARTREUX

NOUVELLE TRADUCTION INTÉGRALE AVEC PRÉFACE ET NOTES

PARLE P. DOM FLORENT BROQUIN

Religieux du même Ordre

TOME SEPTIÈMEVIE GLORIEUSE.

Troisième édition.

PARIS C. DILLET, LIBRAIRE-ÉDITEUR15, RUE DE SÈVRES, 15

1883

PARIS-AUTEUILIMPRIMERIE DES APPRENTIS-ORPHELINS. – ROUSSEL

40, rue de la Fontaine, 40

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Nous avons fait examiner avec soin la GRANDE VIE DENOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, par Ludolphe leChartreux, traduite et annotée par le Père dont Florent Broquin,religieux de notre Ordre. Sur le rapport favorable qui nous a été fait,nous en autorisons l'impression.

À la Grande-Chartreuse, le 19 juin 1869.FR. CHARLES-MARIE, prieur de Chartreuse.

IMPRIMATURFR. ANSELMUS MARIAPrior Cartusiæ et Vic. gen. Gratianop.22a Xbris 1882.

Paris-Auteuil.Imp. des App.-Orph. - Roussel.

40, rue La Fontaine

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CHAPITRE LXIX. RÉSURRECTION DE NOTRE SEIGNEUR. (Matth. XXVIII.)

« C'est maintenant, dit st Jérôme (in cap. 16Marc), qu'à l'exemple de l'Épouse et de ses jeunescompagnes nous devons préparer en notre Âmeune demeure parfumée des plus excellentsaromates. Le Roi va nous introduire dans sescelliers pour nous enivrer de délices ; déjà se lèvela bien-aimée Marie. Car l'hiver est passé et les pluiesont cessé ; les fleurs sont écloses en notre terre la tourterellea fait entendre sa voix dans nos campagnes et la vignefleurie a exhalé son agréable odeur (Cant. II, 11-13).L'Époux revient de l'ombre sous laquelle il areposé durant les chaleurs de l'après-midi.Désormais, la racine de la croix a perdu sonamertume, et l'arbre de vie a porté son fruit ;Celui qui était couché dans les ténèbres de la mortest ressuscité dans les splendeurs de la gloire ; leSoleil, qui s'était caché à l'occident, est remonté àl'orient ; les aigles [2] se rassemblent autour duCorps qui doit leur servir de pâture. Aux tristessesdu sabbat succèdent les consolations dulendemain tout radieux qui occupe le premierrang parmi les autres jours ; dès qu'il a commencéà projeter sur le monde ses premiers rayons, il avu le Christ s'élancer victorieux du tombeau ens'écriant (Ps. CXVII, 24) : Voici ce jour que leSeigneur a fait ; livrons-nous-y à la joie et tressaillonsd'allégresse. » Ainsi parle saint Jérôme. Saint

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Augustin sur le même sujet ajoute (Serm. deResurrect.) : « Après avoir enduré toutes sortes decoups et d'affronts, après avoir goûté le breuvagemélangé de fiel et de vinaigre, après avoir souffertle supplice de la croix avec de cruelles blessures,après avoir subi les douleurs de la mort et leshumiliations de la sépulture, la chair que l'onjugeait vouée à la corruption du sépulcre en sorttoute transformée, la vie qui semblait à jamaiséteinte reprend une nouvelle naissance, et la santéqui paraissait absorbée pour toujours revient plusbrillante après le trépas. »

« En effet au jour même du Seigneur c'est-à-dire le dimanche, de grand matin, le Sauveur,honorablement escorté par de nombreux espritscélestes se rendit au monument funéraire. Là, sabienheureuse âme se réunissant à son corps sacré,le ressuscita par sa propre vertu ; et sans ouvrir lesépulcre où il était enseveli, elle l'en retira plusfacilement qu'on ne retire quelqu'un du lit où ilest simplement endormi. C'est ce que le Christ avoulu signifier en disant par la bouche de sonProphète (Ps. III, 6) J'ai dormi et j'ai sommeillé puis jeme suis réveillé parce que le Seigneur m'a soutenu. Demême encore qu'il naquit sans violer l'intégrité desa Mère, de même aussi il ressuscita sans briser ouôter la pierre de sa tombe. Entre ces deux faits il ya toutefois cette différence, que sa sortie du sein[3] virginal fut un miracle de la toute-puissancedivine, tandis que sa sortie du sépulcre fermé fut

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le résultat de la subtilité propre à son corpsglorifié, dont rien de matériel ne pouvaitempêcher le mouvement. En outre selon laremarque du Vénérable Bède (Hom. I interæstivales), si le dimanche matin ce corps adorablefut relevé du tombeau où il avait été déposé levendredi soir, c'était pour accomplir l'oracle duPsalmiste qui avait dit Le soir apporte la tristesse et tematin ramène la joie (Ps. XXIX, 6).

Et tout à coup, à l'instant où le Sauveurressuscitait, une grande commotion de la terre se fitsentir. L'Évangéliste en signale la cause par ce qu'ilajoute : Car un Ange du Seigneur descendit du ciel(Matth. XXVIII, 2) ; d'où l'on peut conclure quele mouvement local de la matière est soumis à lavolonté supérieure des esprits célestes. Naguère,quand le divin Rédempteur avait expiré sur lacroix, la terre avait tremblé comme pourtémoigner sa douleur ; maintenant qu'il sort dutombeau, elle tressaille comme pour exprimer sonallégresse. D'après le Vénérable Bède (loc. cit.), ladouble commotion produite à l'occasion de cesdeux événements signifie que, par la foi à laPassion et à la Résurrection de Jésus-Christ, lescœurs terrestres doivent être saisis d'une craintesalutaire pour embrasser la pénitence ettransportés d'un saint zèle pour rechercher la vieéternelle. Selon la remarque de saint Sévérien(Serm. de Passione), si la terre fut agitéefortement lorsque le Seigneur ressuscita pour

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justifier les siens, comment ne serait-elle pasprofondément bouleversée lorsqu'il reparaîtrapour punir tous les coupables ? Et puisqu'elle n'apu supporter la présence d'un Ange, commentpourrait-elle soutenir celle d'un Dieu ? Jadis, à lapromulgation de la Loi sur le mont Sinaï, commel'atteste le Psalmiste [4] (Ps. LXVII. 9), la terreavait été ébranlée, elle le fut également à laPassion et à la Résurrection de Jésus-Christ, elle lesera davantage encore à l'avènement du souverainJuge. L'ébranlement miraculeux du globe en cesquatre circonstances nous fait entendre que lacontrition surnaturelle du cœur peut être excitéepar quatre motifs différents. En effet, si nousconsidérions l'importance des commandementsque le Seigneur a promulgués sur le mont Sinaï, sinous nous rappelions les souffrances qu'il aendurées dans sa Passion, si nous appréciionsl'excellence des biens spirituels qu'il a procuréspar sa Résurrection, enfin si nous redoutionsl'éternité des peines qu'il infligera au jugementgénéral, n'éprouverions-nous pas aussitôt un vifrepentir de toutes nos fautes passées ?

C'est bien justement que Dieu le Père a exaltéJésus-Christ par la gloire de la Résurrection,puisque, pour lui obéir, ce divin Fils s étaithumilié jusqu'à la mort de la croix. « Avant d'êtreélevé à la gloire de sa Résurrection, dit saintAnselme (lib. cur Deus homo), Notre-Seigneur avoulu subir les plus atroces injures et les plus

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barbares traitements, l'amertume du fiel etl'opprobre de la croix, enfin la mort la plusdouloureuse et la plus infâme, pour enseigner àses fidèles serviteurs qu'ils doivent supporteractuellement avec résignation les outrages et lescontradictions, les fatigues et les angoisses, s'ilsdésirent participer un jour au triomphe de leurMaître ; bien plus, il nous a appris, par sonexemple, à chérir, à souhaiter, à recevoir avecgratitude toutes les épreuves temporelles en vuedes récompenses éternelles. » De même donc quele Sauveur s'est profondément humilié en secondamnant au trépas pour nous délivrer de nosmaux, de même aussi il a été souverainementglorifié en sortant victorieux du [5] tombeau pournous enrichir de ses biens ; car, comme le déclarele grand Apôtre (Hom. IV, 25), il est livré pour nospéchés et il est ressuscité pour notre justification.

Ainsi, le divin Rédempteur par sa Passionnous a soustraits aux peines de l'enfer, puis par saRésurrection il nous a tiré des ombres de la mort.En effet, par suite du péché originel, la naturehumaine était assujettie à une double mort, cellede l'âme et celle du corps. Or, Jésus- Christ nousa justement rachetés de ces deux morts en secondamnant miséricordieusement à celle ducorps ; mais s'il s'était soumis à celle de l'âme, ilne nous aurait rachetés d'aucune. Néanmoins,tant que dure ce monde, il n'affranchit ses élusque de la mort spirituelle, en les laissant sujets à la

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mort corporelle pour les exercer et lesperfectionner ; mais il viendra détruire égalementcette dernière, quand le monde finira. LaRésurrection du Sauveur est donc pour nous lacause efficiente d'une double résurrection : l'unespirituelle s'opère dès maintenant par la grâce, etl'autre corporelle s'accomplira plus tard dans lagloire. La résurrection présente consiste dans lajustification ou dans la réconciliation de l'âmeavec Dieu ; c'est d'elle qu'il est dit dansl'Apocalypse (XX, 6) : Heureux et saint est celui qui apart à la première résurrection ! La résurrection futureconsiste dans la réunion de l'âme avec le corps ;elle est appelée seconde résurrection, parce qu'elledoit toujours être précédée de la première ; carnul ne ressuscitera pour la vie éternelle, s'il neressuscite préalablement à la vie surnaturelle.

Jésus-Christ est demeuré quarante heuresdans le tombeau, comme pour marquer qu'ilvoulait rendre la vie spirituelle aux hommes mortsdes quatre côtés de la terre par la violation duDécalogue. Au premier jour de la [6] semaine, ils'élance hors du sépulcre, afin de renouvelerl'univers en ce même jour où il avait commencé àle créer. Il ressuscite au troisième jour après saPassion, pour montrer qu'il venait retirer le genrehumain des abîmes du péché où il était restéplongé durant les trois époques antérieures de sonexistence, sous la loi naturelle, la loi mosaïque etla loi évangélique ; c'était aussi pour nous

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apprendre que, si nous avons le malheur detomber dans quelque faute par pensées, parolesou actions, nous ne pouvons en sortir sans la foi àla sainte Trinité. Selon saint Augustin (Lib. 4 deTrinitate), le Sauveur ressuscita trois jours aprèssa mort, afin de signifier que les trois personnesdivines avaient consenti à sa Passion ; car cesmêmes personnes adorables qui, à l'origine dessiècles, avaient concouru à la formation del'homme, voulurent, vers la fin des temps,coopérer à sa réparation par les souffrances deJésus-Christ.

Suivant saint Léon (Serm. I de Resurrect.),« Notre-Seigneur hâta le moment de saRésurrection, de crainte qu'une trop longueaffliction ne décourageât entièrement ses disciplesconsternés. I1 abrégea donc le plus possible ledélai fixé ; car des trois jours qu'il avait annoncés,il ne prit qu'une très-petite partie du premier et dudernier, à savoir la fin du vendredi soir et lecommencement du dimanche matin. Ainsi leSauveur ne laissa que peu de temps son âme dansles limbes et sa chair dans le tombeau ; son corps,resté sans corruption, recouvra si promptement lavie qu'il semblait avoir goûté le sommeil plutôtque ressenti la mort. La Divinité, qui ne s'étaitpoint séparée des deux substances essentielles à lanature humaine en Jésus-Christ, les réunit parl'effet de cette même puissance qui les avaitdivisées momentanément. » Telles sont les

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paroles de saint Léon. Ainsi notre divinRédempteur s'est proposé de nous [7] donnersuccessivement par sa Passion et par saRésurrection deux exemples de perfectionchrétienne ; par sa Passion, il affermit notrepatience et par sa Résurrection il excite notreespérance, en nous montrant deux viesdifférentes en la chair, l'une laborieuse que nousdevons supporter et l'autre bienheureuse quenous devons désirer.

Jésus-Christ ressuscita avec un corps quipossédait les quatre principales prérogatives de lagloire, la clarté, l'agilité, la subtilité etl'impassibilité. Sans doute, depuis le premierinstant de l'Incarnation, sa très-sainte âmepossédait les deux conditions essentielles de lagloire, la vision intuitive et la jouissance parfaitede la Divinité ; néanmoins, par une dispositiontoute particulière de la Providence, cette gloire nerejaillit point sur son corps sacré qui resta passibleet mortel, afin de fournir, par les mérites infinisde sa Passion et de sa mort, le prix nécessaire à larédemption du genre humain. Mais aussitôt que leSauveur eut accompli ce grand œuvre, son âme,reprenant son corps qu'elle avait quitté, luicommuniqua la gloire dont elle était douée ; car,comme le dit saint Augustin (Serm. deResurrect.), toutes les misères auxquelles la chairétait précédemment assujettie, furent absorbéessans retour par sa Résurrection. « En effet, ajoute

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saint Léon (Serm. I de Resurrect.), la Résurrectiondu Sauveur ne fut point la destruction mais latransformation de sa chair adorable ; sa substancene fut point anéantie mais perfectionnée ; ellechangea de qualité sans perdre sa nature. Enparlant de ce nouvel état, saint Paul a pu dire avecvérité : Si autrefois nous avons connu le Christ selon lachair, maintenant nous ne le connaissons plus de la sorte(II Cor. V, 16) ; car sa chair n'a rien conservé decorruptible ou d'infirme, et bien qu'elle soit restéeidentiquement la même quant à [8] l'essence, ellea été toute transfigurée par la gloire. »

En conséquence, ô mon âme, écartons toutsujet de chagrin, dissipons tout nuage de tristesse,et respirons l'air pur et serein de la joie. Aprèsavoir assisté avec larmes aux funérailles del'aimable Rédempteur qui, en expirant, a détruitnotre mort, contemplons avec allégresse letriomphe du Sauveur victorieux qui, enressuscitant, a réparé notre vie ; car, selonl'Apôtre (Rom. VI, 9), le Christ une fois sorti d'entreles morts ne meurt plus, la mort n'a plus d'empire sur lui.Son Père céleste l'a revêtu d'une impérissablebeauté, il l'a couronné d'une magnificencesouveraine, il l'a enrichi des plus précieux trésors,de telle manière qu'en lui réside la plénitude de lafélicité, le comble du bonheur et l'abondance detous les biens. Comme une fleur délicieuse éclosesur la tige de Jessé, le corps de Jésus s'étaitépanoui à l'époque de sa naissance lorsqu'il sortit

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sans tâche ni souillure du sein virginal de sachaste Mère ; il avait été flétri au temps de saPassion, où il parut sans forme ni beauté ; mais aumoment de sa Résurrection, quand il eut repristoutes les parties constitutives de sa naturehumaine avec le sang qu'il avait répandu sur leCalvaire, il brilla d'une splendeur nouvelle qui lerendit le chef-d'œuvre de la création. Ce corpsadorable, devenu subtil, agile, immortel etlumineux au suprême degré, est le type parfait dela gloire qui environnera les corps des élus à larésurrection générale. Alors, dit le Seigneur, lesjustes resplendiront comme le soleil, dans le royaume deleur Père (Matth. XIII, 43). Or, si telle sera lasplendeur de chaque juste, quelle n'est pas celle deleur divin Maître, ce véritable Soleil de justice !Assurément, il doit surpasser de beaucoup enéclat l'astre du jour avec toutes les [9]constellations célestes. En s'élançant hors dutombeau, le Christ, comme l'aigle, renouvelle sajeunesse et, comme le phénix, recouvre sa vie.Alors le lion de Juda réveille son lionceau ; letabernacle de David qui était tombé est rétabli ; lecandélabre du temple est revêtu d'or. Ainsi, aprèsque le premier vase a été brisé, le divin Potier enfabrique un autre à son gré avec le même limon ;après avoir été caché sous un nuage, le soleilreparaît étincelant plus que jamais ; le grain defroment qui avait péri dans la terre où il avait étéjeté, en sort plein de vigueur. Le nouveau Jonas

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s'échappe sain et sauf des entrailles du monstrequi l'avait englouti ; le nouveau Samson enlève lesportes de la ville où il était captif ; le nouveauJoseph, délivré de prison est établi gouverneur del'Égypte. Enfin Celui qui était couvert d'un sac etenveloppé d'un linceul, est maintenant revêtud'immortalité et environné d'allégresse.

Elle est donc bien mémorable cette grandesolennité de Pâques ; elle l'emporte à bon droitsur toutes les autres. Aussi, tous les dimanches del'année sont comme l'octave de celui-ci qui nousrappelle les principaux sujets de joie etd'admiration. Voulez-vous connaître l'excellenceet la dignité de ce saint jour dominical ? Il fut lepremier des jours sans qu'il ait été précédé de lanuit, et il sera le dernier des jours sans qu'il soitsuivi d'aucune nuit. C'est un dimanche que le cielet la terre furent créés, que les Anges furent tirésdu néant puis confirmés en grâce, après avoir étésoumis à l'épreuve. C'est un dimanche que leSeigneur donna sa loi aux Israélites sur le montSinaï, que le Sauveur naquit à Bethléem et sortitdu tombeau, que le Saint-Esprit descendit sur lesApôtres réunis dans le Cénacle. Enfin, ce sera ledimanche que nous ressusciterons tous pourcomparaître devant le souverain Juge, et qu'alors[10] les élus de Dieu entonneront l'hymne de lareconnaissance pour la continuer pendant toutel'éternité. Saint Grégoire dit à ce propos (Hom.22 in Evang.) : « De même que l'Écriture appelle

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Saint des saints ou Cantique des cantiques les plussublimes objets désignés par ces termes, de mémoaussi l'Église proclame justement cette fête dePâques la solennité des solennités ; car la Résurrectiondu Sauveur que nous y célébrons nous présenté lemodèle de notre propre résurrection ; elle disposenos cœurs à l'espérance de la céleste patrie, ennous donnant un exemple de la gloire qui nousest réservée dans le royaume éternel. C'est aussi àpareil jour que les âmes des justes, qui reposaientdans le sein d'Abraham, ont été retirées desprisons de l'abîme pour être admises aux joies duparadis. Combien donc est admirable cette fête,en laquelle notre divin Sauveur a brisé les portesde l'enfer de manière à nous ouvrir celles duciel ! »1

« Qu'il est beau ! s'écrie S. Augustin (Serm. deResurrect.), qu'il est brillant ce jour de Pâques !non qu'il soit éclairé extraordinairement par lesrayons du soleil matériel mais parce qu'il estmerveilleusement illustré par la lumière del'Agneau divin sortant du tombeau ; caraujourd'hui même le Christ, vrai Soleil de justice,s'est levé des régions inférieures où il étaitdescendu. Prenons donc la cithare du Roiprophète et chantons avec lui (Ps. CXVII, 24) :Voici le jour que le Seigneur a fait ; tressaillonsd'allégresse et livrons-nous à la joie. Considéronscombien est illustre la nuit qui a produit ce jour1 Voir la note I à la fin du volume.

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magnifique. C'est celle qui remplit de splendeur etde jubilation le ciel et la terre, comme si elle étaitilluminée par tous les astres du [11] firmament àla fois. C'est la nuit d'une heureuse naissance etd'une sainte régénération ; celle dont il est écritqu'elle sera lumineuse comme le jour (Ps.CXXXVIII, 12) ; celle d'où provient le dimanche,ce jour du Seigneur par excellence. Aussi, ce jour,dans lequel les ténèbres de l'aveuglement ont étédissipées, est appelé avec raison jour de lumière.A la vue de cette clarté nouvelle, les peuples assisdans les ombres de la mort ont été ravis ;d'accord avec les hommes, les Anges ont béni leSeigneur de ce qu'il avait daigné éclairer lespécheurs ; les démons épouvantés de cettesplendeur extraordinaire ont frémi ; toutes lespuissances de l'enfer, de la terre et des cieux ontfléchi le genou devant le Christ qu'elles ontreconnu pour leur souverain Maître. Aujourd'huidonc l'univers entier triomphe avec nous, et lesdifférents chœurs des esprits bienheureuxcélèbrent avec nous cette auguste fête. De notrecôté nous tâchons d'imiter leurs harmonieuxconcerts, en répétant ces cantiques célestes quedes voix terrestres ne peuvent reproduireparfaitement. – Réjouissons-nous donc dans leSeigneur, mais toutefois avec une certaine crainte,sans nous abandonner à une fausse sécurité.Ainsi, quoiqu'il eût bondi d'allégresse dans le seinde sa mère, Jean, le bienheureux précurseur du

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Christ, n'usa cependant d'aucune boissonenivrante, comme l'avait prescrit l'ange Gabriel.Quant à nous qui sommes faibles, buvonssobrement sans jamais dépasser les bornes, depeur que le dérèglement de notre corps ne viennetroubler la sérénité de notre âme ; car ce n'est quepar le calme de la tempérance que nousaborderons heureusement au port du salut. Aprèsavoir conquis la palme du jeûne quadragésimal,n'allons pas perdre par quelque excès la victoirede la solennité pascale ; car le Seigneur Jésus qui acombattu pour nous en sa [12] Passion, si noussavons être modérés, nous rendra victorieux en saRésurrection, de telle sorte que nous puissionsredire avec lui ce chant de triomphe : La mort, aété détruite par une complète victoire. Alleluia ! (I Cor.XV, 54). En ce jour glorieux, le Rédempteur abrisé le glaive flamboyant qui défendait l'entréedu paradis, ce que nul autre avant lui n'avait pufaire ; alors accompagné du larron pénitent, il apénétré en ce lieu de délices, en disant auxAnges : Ouvrez-moi les portes de la justice ; et une foisintroduit, je louerai le Seigneur (Ps. CXVII, 19).Depuis la mort du Sauveur ces portes sont restéesouvertes aux uns et fermées aux autres ; ouvertesaux justes et aux vrais chrétiens, mais fermées auxincrédules et aux pécheurs impénitents. – Demême que Marie, la glorieuse Mère du Sauveur,surpasse toutes les autres femmes ; de même aussil'illustre fête de Pâques domine toutes les autres

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solennités dont elle est comme la mère ; car elle avu finir la Synagogue juive et naître l'Églisechrétienne. Aussi, tous les privilèges réservés jadisau sabbat ont été transférés au dimanche qui,chaque semaine nous rappelle la Résurrection duSeigneur. Durant le sabbat les Juifs ne se livraientpoint aux œuvres serviles, et le dimancheégalement nous nous abstenons des travauxmanuels. Ils ne sortaient point de leurs maisonspendant le sabbat, et nous passons le dimanchedans l'église qui est la demeure de Dieu notrepère. Ils n'allumaient point de feu le sabbat, maisle dimanche au contraire nous devons allumer ennous celui dont Jésus-Christ a dit : Je suis venuapporter le feu sur la terre, et que désiré-je sinon de le voirbrûler (Luc. XII, 49) ? Le Sauveur ne souhaitedonc rien tant que de vous voir embrasés desardeurs du Saint-Esprit et consumés des flammesde la divine charité. De plus, la victime offertechez les Juifs était [13] un bouc ou un agneau ;chez nous c'est le Christ lui-même. Au souvenirdes merveilles qui ont été accomplies et desfaveurs qui nous ont été octroyées le dimanche,mes frères, chantons encore une fois de concert :Voici le jour que le Seigneur a fait, livrons-nous à la joieet tressaillons d'allégresse. » Ainsi s’exprime saintAugustin.

À propos du chant le plus ordinaire pendantle temps pascal, le même Saint Docteur ajoute :« Ne nous lassons point de chanter Alleluia, qui

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signifie : louez le Seigneur. Oui mes frères, louons leSeigneur tout à la fois de cœur et de bouche, parnotre conduite et notre vie ; car pour quel'Alleluia soit agréable à Dieu, il faut qu'il n'y aitaucune discordance entre nos mœurs et nos voix.Ô heureux Alleluia qui retentit au ciel, où lesAnges sont le temple de Dieu ! Là règne unparfait accord de volontés et de sentiments, parcequ'il n'y a jamais aucune révolte de la chair contrel'esprit et que jamais aucune rixe de cupidité necompromet le triomphe de la charité. Sur cetteterre, malgré de continuelles sollicitudes, nelaissons point de chanter le joyeux Alleluia, afinque nous puissions le chanter an ciel en toutesécurité, lorsque notre corps maintenant passibleet mortel, sera devenu incorruptible et immortel,et que nous serons à l'abri de toute tentation. Ôcombien harmonieux sera l'Alleluia dans celte vieéternellement paisible, où l'on ne trouve aucunadversaire et où l'on ne perd aucun ami ! Ici-basDieu est loué au milieu de nombreusesinquiétudes par des hommes périssables quel'espérance seule soutient dans leur triste exil ;mais là-haut il est loué avec une pleine assurancepar les élus à jamais sauvés qui possèdent larécompense éternelle dans la bienheureuse patrie.Chantons mes frères, non pas afin de jouir durepos présentement, mais afin de nousencourager [14] dans le travail. Imitons lesvoyageurs qui chantent en marchant pour alléger

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les fatigues de la route. Ne nous abandonnonspoint à la paresse ; mais tant que nous sommes ence monde, progressons toujours dans le bien.Avançons en chantant ; prenons garde de nouségarer, de reculer ou de nous arrêter dans lechemin de la vertu. » Ainsi parle S. Augustin. –Sur ce même sujet le Vénérable Bède dit (Hom. Iinter æstivales) : « Après avoir surmonté toutes lesépreuves de ce monde, les fortunés habitants duciel ne cessent de bénir Dieu pendant toutel'éternité ; aussi, afin de nous rappeler que telledoit être notre douce occupation dans le séjour dela béatitude, nous aimons à chanter plusfréquemment le joyeux Alleluia pendant cinquantejours depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte. Alleluiaest un terme hébreu que nous traduisons par cesmots : Louez Dieu ; c'est pourquoi dans le chantdes Psaumes quand nous disons : LaudateDominum, les Hébreux disaient autant de fois :Alleluia. Tel est le refrain mélodieux que saintJean l'Évangéliste entendit répéter par les chœursangéliques, comme lui-même l'atteste dans sonApocalypse (XIX). Le saint vieillard Tobie, éclairéd'une lumière prophétique, décrit en ces termesmystérieux la splendeur de la céleste Jérusalem etla gloire de ses heureux habitants : Les portes serontconstruites de saphirs et d'émeraudes, ses muraillesd'enceinte seront bâties de pierres précieuses, ses placesseront pavées d'or pur et ses rues retentiront du chant del'Alleluia (Tob. XIII, 21, 22). »

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En voyant ton Sauveur sortir du tombeau, ômon âme, quitte aussi le sépulcre infect du péchéoù tu es comme ensevelie ; élève-toi parl'espérance de la résurrection glorieuse et de labienheureuse éternité qui t'est promise. Par [15] lerenoncement volontaire. Chrétiens, mourons à lavie présente, afin qu'après la résurrection généralenous jouissions de la vie éternelle ; car si nousmortifions notre chair pour l'amour de notredivin Rédempteur, nous entrerons dans la félicitéde son royaume céleste. « Nous célébronsmaintenant les fêtes pascales, dit saint Grégoire(Hom. 22 in Evang.) vivons de telle sorte quenous méritions de parvenir aux fêtes éternelles.Toutes les solennités présentes passent ; ayonssoin de ne pas nous rendre indignes dessolennités futures qui dureront toujours. Quenous servirait d'avoir assisté aux premières avecles hommes, si nous ne devions point êtreassociés aux secondes avec les Anges ? Nousn'avons que l'ombre de la Pâque céleste dans laPâque terrestre ; aussi, nous ne célébrons celle-ciqu'une fois par an, afin de soupirer après celle-làque nous célébrerons sans fin. Par conséquentchaque fois que l'époque de l'une arrive, ravivonsle souvenir de l'autre ; c'est ainsi que le retourpériodique des joies transitoires de ce pèlerinageexcitera dans notre cœur l'ardent désir des joiespermanentes de la patrie. » Telles sont les parolesde saint Grégoire.

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Considérons de quelle manière laRésurrection de Notre-Seigneur avait été surtoutfigurée dans l'Ancien-Testament. Samson, douéd'une force prodigieuse, entra dans Gaza où ildormit durant la nuit ; les Philistins, habitants decette ville, enfermèrent et gardèrent les portesavec soin dans l'espoir de saisir au matin et demettre à mort leur plus redoutable adversaire ;mais Samson s'étant levé pendant la nuit, enlevales portes sur ses épaules et se retiratranquillement sur une montagne. De même,Jésus-Christ pénétra par sa puissance souverainedans la cité de ses ennemis, c'est-à-dire dansl'enfer, et après en avoir brisé les portes, [16] il ensortit triomphant avant la lumière du jour. Noustrouvons une autre image de Jésus ressuscité dansle prophète Jonas, qu'un monstre marin engloutittout entier en son ventre et qu'il vomit sain etsauf sur le rivage, après trois jours et trois nuits.Nous trouvons encore un symbole frappant decette même Résurrection dans la pierremystérieuse follement rejetée par ceux quiconstruisaient la maison de Dieu. L'édifice étaitcomme terminé ; car il ne s'agissait plus que deposer la clef de voûte pour réunir les muraillesopposées ; mais on ne rencontra point de pierremieux adaptée à cet usage que la précédenteécartée avec dédain. De même le Christ qui avaitété répudié durant sa Passion devint en saRésurrection la pierre angulaire de l'Église ; car

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c'est lui qui, des deux peuples séparés, des Juifs etdes Gentils, forma une seule société spirituelle ; etpour construire cet édifice qui est la maison duSeigneur, il employa comme ciment son sangprécieux et comme pierre son corps sacré. Ilaccomplit ainsi dans sa personne la prophétieexprimée par le verset 22me du Psaume CXVII,que nous chantons pour ce motif le jour même dePâques Lapidem quem reprobaverunt ædificantes hicfactus est in caput anguli.

Prière.Seigneur Jésus, source inépuisable de grâces,

vous qui après avoir rompu les liens de la mort,avez glorifié votre très saint corps en leressuscitant avec une ineffable splendeur, je vousen prie et je vous en conjure par votretriomphante Résurrection, faites sortir ma pauvreâme du tombeau des vices où elle git comme déjàmorte. Accordez-moi de produire les fleursfécondes de toutes les vertus ; afin que, menantune vie nouvelle, je cherche et je goûte les chosesdu ciel et non celles de la terre. Par la vertupuissante de vos clartés et de vos perfectionsadmirables, purifiez mon âme des ténèbres dupéché, puis au grand jour de la résurrectiongénérale revêtez ma chair des prérogatives de lagloire, afin que dans les deux parties constitutivesde mon être je participe éternellement aux joiesde votre bienheureuse humanité. Ainsi soit-il.

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CHAPITRE LXX. JÉSUS APPARAÎT D'ABORD À SA MÈRE.

De grand matin, à l'heure que le Sauveurressuscitait, plusieurs femmes qui lui étaientdévouées, entre autres Marie-Madeleine, Marie-Cléophas et Marie-Salomé, après en avoirdemandé la permission à sa divine Mère, sortirentde la maison où elles étaient assemblées. Tandisque Notre-Dame continuait de répandre en cemême lieu ses larmes et ses prières, elless'empressèrent d'aller au sépulcre, où lesentraînaient leur foi vive et leur ardent amour àl'égard de Jésus-Christ ; elles emportaient lesparfums qu'elles avaient préparés la veille au soirpour embaumer son corps sacré. Remarquonsque ces trois pieuses personnes étaient égalementappelées Marie, à juste titre ; ne convenait-il pasen effet de désigner par une dénominationsemblable celles qui étaient unies par une mêmevolonté et animées d'un commun désir ? Commeelles cherchaient pareillement Jésus-Christ, ellesreprésentent par la triple signification de [18] leurnom les trois états dans lesquels nous devonschercher le Rédempteur, si nous voulons trouveren lui le salut. Ces trois états, en dehors desquelsnul ne peut être sauvé, comprennent tous lesChrétiens qui débutent, ou qui progressent, ouqui sont déjà parfaits dans la vie spirituelle, end'autres termes, tous ceux qui s'adonnent auservice de Dieu par les œuvres de pénitence, les

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actes de vertu ou les exercices de lacontemplation.

Le premier état, celui des commençants oudes pénitents, est figuré par Marie-Madeleine qui,avant sa conversion éclatante, avait été une tropfameuse pécheresse. Bien qu'ailleurs elle soitmontrée comme le modèle des parfaits ou descontemplatifs, saint Marc, parlant d'elle en cetteoccasion, dit que Jésus l'avait délivrée de sept démons(XVI, 9) ; voilà pourquoi nous la comptons iciparmi les pénitentes, d'autant plus que saint Lucla nomme la première entre de telles personnes(VII, 2). Sous ce rapport, le nom de Marie luiconvient justement, en tant que, d'après sonétymologie latine (Maria) il signifie mer amère. Ilvient du mot hébreu Mara, synonyme d'amère,comme on le voit dans le livre de Ruth (I, 20), oùil est dit : Ne m'appelez plus Noémi ou belle, maisplutôt Mara ou amère parce que le Tout-puissant m'aremplie d'amertume. C'est là ce qui s'est réalisé dansMarie-Madeleine, quand elle lava dans ses larmesles taches de ses crimes en se prosternant auxpieds du Sauveur. Il est dit aussi de Pierre que,touché de regret à la vue de sa faute, il pleuraamèrement (Matth. XXVI, 75). En ce sens, onpourrait appliquer à chaque âme vraimentrepentante ces paroles de Jérémie : Fille de Sion, tacontrition est comme la mer (Thren, II, 13).

Le second état, celui des Chrétiens quiprogressent dans la vie spirituelle en se livrant aux

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actes de vertu, est figuré [19] par Marie-Cléophas,c'est-à-dire fille de Cléophas, laquelle fut mère deJacques le Mineur, un des douze Apôtres, et deJoseph, un des soixante-douze disciples. Commel'indiquent les noms de Jacques et de Joseph,dont l'un signifie lutteur et l'autre grandissant, il fautque les Chrétiens de cette classe luttent contre lesvices et grandissent en vertus ; ils seront ainsi filsde Marie, ou imitateurs de celle dont le nom enlangue syriaque veut dire maîtresse. En effet laraison doit dominer en eux comme une reine, afinde maîtriser les passions qui les portent au mal etles détournent du bien ; car l'oppositioncontinuelle qu'ils éprouvent entre l'esprit et lachair les oblige à dompter leurs inclinationsvicieuses et à produire des actions vertueuses,selon cette parole de saint Paul (II Cor. XII, 9) :Virtus in infirmitate perficitur.

Le troisième état, celui des parfaits ou descontemplatifs, est représenté par Marie-Salomé,c'est-à-dire fille de Salomé, laquelle était épousede Zébédée et mère de Jacques le Majeur ainsique de Jean l'évangéliste. Nous avons vu cettefemme solliciter pour ses deux fils les meilleuresplaces dans le royaume de Jésus-Christ. LesChrétiens de cette classe sont également toutoccupés de rechercher le royaume de Dieu ; bienplus, ils le possèdent en eux-mêmes déjà, de sortequ'ils commencent à goûter sur la terre lebonheur du ciel. Comme le père de cette femme

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était Salomé, dont le nom signifie pacifiant ainsil'âme livrée à la contemplation est vraiment ici-bas la fille de la paix ; à elle convient la troisièmeinterprétation donnée au nom de Marie qui veutdire illuminée ; à elle aussi s'adressent dans un sensmystique ces paroles d'Isaïe (LX, 1) : Lève-toi touteresplendissante, ô Jérusalem : car Celui qui est la lumières'avance. [20]

Chacune de ces trois Marie porte sesaromates avec elle. Ceux des pénitents sont ladouleur de la contrition, la honte de la confessionet le labeur de la satisfaction ; ces troisdispositions réunies forment un parfum spirituel,dont le Sauveur se plaît à être embaumé commed'une composition excellente de myrrhe, d'aloèset d'encens. La myrrhe par son amertumereprésente la contrition, l'aloès par son âcretéfigure la confession, et l'encens dont l'odeurs'élève avec la fumée signifie la satisfaction dontles œuvres doivent être dirigées vers Dieu par uneintention droite. Mais ces trois éléments neconstituent pas encore un parfum absolumentparfait, s'il ne s'y joint l'huile delà miséricordedivine, sans laquelle toute pénitence estinefficace ; quand cette huile vient s'y ajouter, leparfum ne laisse plus rien à désirer. Tel fut celuide Marie-Madeleine qui, assistée par la grâce duRédempteur, remplit exactement les troisconditions d'une rigoureuse pénitence, comme onle voit dans l'Évangile. En effet, touchée d'un

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amer repentir, elle versa des pleurs abondants ;elle ne rougit point d'accuser ses péchés enprésence des convives qui se trouvaient avecJésus dans la maison de Simon ; puis dans le vifdésir qu'elle éprouvait d'expier ses fautes passées,elle arrosa de ses larmes les pieds du Sauveur, lesessuya de ses cheveux, les baisa avec amour, lesoignit avec respect, et se dévoua tout entière pourle reste de ses jours au service du divin Maître.

Quant à ceux qui progressent dans la viespirituelle en se livrant à l'action extérieure, leursaromates sont la patience, l'humilité et lapersévérance qui forment un parfum composé demyrrhe, de gutte et de casse. Ce sont là lesessences aromatiques qui découlent de la vieméditée de Jésus-Christ. La myrrhe, bonne entout parfum, sert [21] particulièrement pour celuide la seconde espèce comme symbole depatience ; car de même que la myrrhe préserve lescorps des atteintes des vers, ainsi la patiencegarantit le cœur des affligés contre le ressentimentdes injures. Cette patience est indispensable àquiconque veut avancer dans la vie spirituelle,parce que selon saint Grégoire (Moral. l. 26, c. 5),les fleurs des vertus croissent parmi les épines destribulations. – La gutte, espèce de gommerésineuse, est l'emblème de l'humilité ; car demême que la gutte dissipe l'enflure et les tumeursde la chair, de même aussi l'humilité détruitl'orgueil et les bouffissures de l'âme. Cette vertu

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est nécessaire à ceux qui veulent progresser dansla vie spirituelle ; car, d'après le même saintGrégoire (Moral. 37, c 26), elle est la source et laracine des autres vertus qui sans elle ne peuventse conserver ni se fortifier. – La casse est l'imagede la persévérance, qui consiste à ne point selaisser abattre par le découragement ni ralentir parl'ennui, à ne mettre aucune borne à sonavancement mais à faire des progrès continuelsdans le bien ; car on ne peut demeurerstationnaire dans la voie de la perfection. Demême que la casse naît dans les terrains humidesoù elle prend des développements considérables,ainsi le Chrétien fervent, fécondé par les eauxsalutaires de la grâce divine, ne cesse de croître devertus en vertus sans s'arrêter jamais jusqu'à cequ'il voie le Dieu des dieux dans le céleste Sion(Ps. LXXXIII, 8). – Mais pour que ces différentsaromates de myrrhe, de gutte et de cassecomposent un parfum exquis, il faut y joindrel'huile de la joie spirituelle que possèdeintérieurement l'homme qui, dans ses œuvres, necherche point les vains applaudissements deshommes, mais le bon témoignage de saconscience. Tel fut le parfum de Marie-Cléophas,laquelle [22] eut quatre fils dont les nomsreprésentent les quatre précédentes qualités :ainsi, la patience est figurée par Jacques,synonyme de lutteur ; l'humilité par Simon, quiveut dire obéissant ; la persévérance par Joseph, qui

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signifie grandissant, et la joie spirituelle par Judas,c'est-à-dire glorifiant.

Les aromates des parfaits ou descontemplatifs sont une mortification absolue dela chair, une vie toute divine et une parfaitecharité. Ces trois dispositions réunies forment unexcellent parfum, composé de myrrhe, decinname et de baume. Cette myrrhe descontemplatifs figure la mortification des sens, quiconsiste à en réprimer les moindres révoltes poursoumettre entièrement la chair à l'esprit.L'Épouse des Cantiques distingue différentessortes de myrrhe, quand elle dit (V, 5) : Mes mainssont dégouttantes de myrrhe, et mes doigts sont pleins de laplus précieuse. Celle de la pénitence est précieuseassurément, et celle de la patience l'est davantageencore ; les bonnes œuvres, représentées ici parles mains, distillent l'une et l'autre myrrhe. Maiscelle de la mortification complète de la chair est laplus précieuse de toutes ; les exercices spirituelssignifiés ici par les doigts répandent cette myrrheprincipale. – Le cinname ou cinnamome estl'emblème de la vie surnaturelle ou divine. Eneffet, l'écorce du cinname, quand on la brise,exhale, sous forme de nuage ou de poussière, uneodeur délicieuse qui procure à la bouche unesaveur agréable ; de même, quand l'hommeparfait est accablé de reproches et d'outrages, demauvais traitements ou de nombreux travaux,d'épreuves et d'adversités, il ne cesse point

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d'exercer autour de lui une salutaire influence parses exemples et ses discours qui font estimer lareligion et goûter la piété. – Le baume est lesymbole de la [23] charité parfaite qui chassetoute crainte et repousse tout ce qui lui estincompatible. Comme le baume pur et sansfalsification préserve le corps de la corruption,ainsi la charité sincère et sans altération garantitl'âme du péché ; car si on peut recevoir tous lessacrements sans devenir bon, dit saint Augustin(in Psalm. 103), on ne peut toutefois avoir lacharité sans cesser d'être mauvais. –Ces troisaromates des contemplatifs ne composent pas unparfum précieux à moins d'être mêlés avec l'huilede la douceur divine qui doit toujours lesaccompagner. C'est en parlant de cette huileexcellente que le Prophète s'écriait : Grande estl'abondance des douceurs ineffables que vous avezréservées, Seigneur, pour ceux qui vous craignent (Ps.XXX, 20). Tel fut le parfum de Marie-Salomé,épouse de Zébédée, mère de Jacques le Majeur etde Jean l'Évangéliste. Les quatre susdites qualitéssont désignées par ces différents noms : lacomplète mortification de la chair est indiquéepar Jacques le Majeur qui signifie supplantateur ; lavie toute divine par Salomé, synonyme de pacifié ;la charité parfaite par Jean l'Apôtre bien-aimé ; ladouceur divine par Zébédée qui veut dire effusion.

À l'exemple de ces saintes femmes, nousdevons tous, Chrétiens, selon notre état respectif,

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chercher le Sauveur pour l'embaumer avec lesparfums convenables, soit en faisant pénitencesans relâche, soit en combattant les tentationsavec vigueur, soit en conservant la paix avec leprochain. Au moyen de ces dispositions commel'assure saint Bernard (Serm. 15 ex parvis serm.),nous mériterons que Jésus-Christ se manifeste ànous, en nous faisant participer aux joies de saRésurrection. – Entraînées par l'affection qu'ellesportaient au divin Maître, plusieurs saintesfemmes l'avaient accompagné et servi fidèlementpendant sa vie ; mais nulles ne lui témoignèrentplus [24] d'amour et de dévouement que les troisMarie ; car elles le suivirent jusqu'après sa mort, etle cherchèrent même jusque dans son tombeau,sans doute parce qu'ayant reçu plus de faveurs,elles étaient obligées à plus de reconnaissance.Jésus-Christ en effet n'avait-il pas délivré Marie-Madeleine des sept démons qui la tourmentaient ?Quant à Marie-Cléophas et Marie-Salomé, n'avait-il pas choisi particulièrement leurs fils pour sesapôtres et ses disciples privilégiés, pour princes etchefs de son Église ? et d'ailleurs ne lui étaient-elles pas unies par les liens du sang, puisqu'il étaitleur neveu selon la chair ?

De prime abord, on peut être étonné que laSainte-Vierge soit restée à la maison au lieu d'allerau sépulcre avec les autres femmes. Trois raisonspeuvent justifier cette conduite. La première, c'estqu'elle n'aurait pu voir sitôt le monument funèbre

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de son divin Fils sans éprouver une nouvelledouleur très-poignante qui eût transpercé sonâme comme d'un second glaive. D'ailleurs, il est àprésumer que, si elle eût voulu sortir, saint Jean,chargé de la garder, ne l'eût pas laissée partir, etmême que les autres Apôtres se fussent concertéspour la retenir, de crainte que son extrêmedésolation ne la réduisît à la dernière agonie sur letombeau de Celui qui faisait son bonheur et savie. Le second motif, c'est que cette tendre Mèreavait versé tant de larmes et poussé tant desoupirs qu'elle ne pouvait se soutenir. Elle avaitété tellement épuisée par la fatigue et brisée parl'affliction, dit saint Augustin (Epist. 58), qu'étanttombée en défaillance, elle avait pu à peineassister aux obsèques de son bien-aimé Jésus.Saint Bernard ajoute même que les disciplesl'avaient ramenée presque morte à la maison. Entroisième lieu, les pieuses femmes susdites,croyant que le corps du Sauveur [25] étaitdemeuré dans le sépulcre, voulaient l'embaumerconformément à l'ancien usage, afin de lepréserver de l'infection, de la pourriture et desvers ; mais elles se trompaient grossièrement, carle corps sacré uni inséparablement à la divinité nepouvait être assujetti à la décomposition, fût-ilresté dans la tombe plus de dix mille ans. Or laSainte-Vierge savait qu'il était déjà ressuscitéimmortel et incorruptible ; c'est pourquoi elle nevoulut point aller où il n'était plus. Depuis qu'elle

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avait vu son Fils unique déchiré par une sanglanteflagellation et cloué sur un gibet infâme, lessanglots et les angoisses, les veilles et les jeûnes,auxquels elle s'était livrée, avaient accablé sonesprit et son corps, de façon qu'elle préféraitrester seule retirée chez elle pour gémir et pleurerplus librement.

Pendant que Notre-Dame était ainsi plongéedans la tristesse et absorbée dans la méditation,voilà que tout à coup apparaît devant elle leSeigneur Jésus, tout éclatant de gloire et debeauté, décoré des vêtements splendides de saRésurrection triomphante ; il vient en cemagnifique appareil, avec un visage radieux,réjouir et consoler sa Mère si aimante et siaffligée. A cette vue, elle se prosterne et l'adoreprofondément ; puis elle se relève et l'embrasseaffectueusement, ayant les larmes aux yeux ; dèslors tous ses chagrins s'évanouissent et sa douleurse change en allégresse. Tous deux s'étant assis,elle contemple avec admiration la face de Jésus, etconsidère avec attention les cicatrices desblessures dont le corps sacré avait été couvert ;elle s'assure et se convainc qu'il n'éprouve plus depeine ni de souffrance. Ô de quelle jubilation futremplie la bienheureuse Mère, lorsqu'elle vit en saprésence son divin Fils, désormais impassible etressuscité non-seulement pour vivre durant toutel'éternité, mais encore pour [26] régner avec unepuissance absolue sur le ciel et la terre comme

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Maître souverain de toute créature ! Ilsprolongent leur suave entretien, et célèbrentensemble avec amour et bonheur la première foiede la Pâque chrétienne. Jésus apprend alors àMarie comment il a délivré des enfers ou limbesles âmes des justes et des patriarches ses ancêtres,comme aussi tout ce qu'il a fait pendant ces troisjours d'absence. Voilà donc maintenant la Pâquepar excellence.

Bien que les Évangélistes n'en fassent pasmention, on croit néanmoins que le Sauveurressuscité favorisa de sa première visite labienheureuse Vierge Marie. Comme ce sentimentest très-conforme à la piété, avant de rapporter lesautres apparitions, j'ai raconté celle-ci telle qu'onla trouve clairement exposée dans une respectablelégende. Ne convenait-il pas que Jésus-Christ semanifestât à sa très-digne Mère, avant de semontrer à tout autre ? N'était-il pas juste qu'ilconsolât et réjouît d'abord par sa glorieuseapparition Celle qui l'avait chéri et regrettédavantage, Celle qui était la plus affligée de samort douloureuse et qui seule attendait saprochaine Résurrection ? L'Église même de Romesemble confirmer ce sentiment ; car dès le matinde Pâque elle fait sa première station à Sainte-Marie-Majeure, comme pour indiquer Celle à quiNotre-Seigneur se fit voir en premier lieu aprèsêtre sorti du tombeau. Du silence desÉvangélistes on ne peut rien conclure contre cette

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croyance ; car saint Jean assure qu'il n'ont pointconsigné toutes les actions de Jésus-Christ (XXI,25). D'ailleurs, si on refusait de croire à cetteapparition, parce que les Auteurs inspirés n'enparlent point, on devrait supposer que le Sauveurressuscité ne s'est aucunement manifesté à laSainte-Vierge en particulier, puisque aucun d'euxne marque ni le temps ni le lieu de cette [27]manifestation. Mais gardons-nous de penserqu'un tel Fils ait montré tant d'indifférence pourune pareille Mère, lui qui nous recommanded'honorer nos parents. On peut justifier laréticence des Écrivains sacrés à ce sujet, en disantque, dans le récit de la Résurrection, ils ont vouluseulement signaler les témoignages irrécusablesaux yeux de tous. Or convenait-il à cette find'alléguer la déclaration de la Sainte-Vierge enfaveur de Jésus-Christ ? Si les dépositions desautres saintes femmes furent taxées de rêveriespar ceux qui les entendirent, n'auraient-ils pasattribué au délire l'attestation de la Mère enl'honneur de son propre Fils ?

Au reste, le fait que les Évangélistes ne nousont point appris par l'Écriture, ils nous l'ontenseigné d'une manière certaine par la tradition.Ainsi, d après saint Ignace d'Antioche, discipledes Apôtres, le Seigneur ressuscité apparutd'abord à sa Mère bien-aimée pour la consoler, etcette vue la jeta dans un tel ravissementqu'aussitôt elle oublia toutes les douleurs qu'elle

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avait éprouvées durant la Passion. Selon saintAmbroise (de Virginibus I. 3), la Vierge Marie futla première qui vit le Sauveur ressuscité et quicrut ; Marie-Madeleine le vit ensuite, quoiqu'elledoutât encore. Sédulius, poète chrétien ducinquième siècle, dit également : Avantd'apparaître à aucun autre, le Seigneur s'offrit toutbrillant de lumière aux regards de Celle quidemeurait toujours Vierge. « Si vous medemandez, ajoute saint Anselme (de ExcellentiaB. Virginis, c. 6), pourquoi les Évangélistes n'ontpoint écrit qu'après sa Résurrection Jésus-Christse présenta tout d'abord et principalement à satrès-douce Mère pour dissiper ses amers chagrins,je vous répondrai ce que j'ai entendu de la bouched'un sage docteur auquel on avait adressé cettemême question. Le [28] récit évangélique possèdela plus grande autorité, parce qu'il ne renfermerien d'inutile ou de superflu. Or, si on y lisait quele divin Rédempteur sortant du sépulcre apparut àsa glorieuse Mère, à notre souveraine Maîtresse,comme il le fit à plusieurs autres personnes, pourlui certifier la vérité de sa Résurrection, cetterelation ne semblerait-elle pas superflue ? car laReine du ciel et de la terre serait ainsi mise aurang des différentes personnes, hommes oufemmes, qui ont été favorisées d'une apparitionsemblable. En outre, l'Esprit-Saint, qui avait établien Marie sa demeure de prédilection, lui révélaitclairement toutes les actions de son divin Fils ;

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elle-même détermina plus tard aux Évangélistesles faits et les circonstances qu'ils devaientconsigner en leurs livres canoniques. »

De toutes les autorités et observationsprécédentes on doit conclure qu'en disant queJésus ressuscité se manifesta d'abord à Marie-Madeleine, saint Marc (XVI, 9) entend parler dela première apparition faite aux personnes quipouvaient rendre un témoignage constant ; car leSauveur s'était montré auparavant à la sainteVierge, non point pour lui donner une preuve desa Résurrection, mais uniquement pour lacombler de joie par sa présence radieuse.

Prière.Ô Marie, auguste Mère de Dieu et Vierge

pleine de grâces, vraie consolatrice de tous lesaffligés qui implorent votre assistance, je vous enconjure par cette vive allégresse dont vous fûtesremplie en voyant le Seigneur Jésus ressuscitéimpassible d'entre les morts le troisième jour ;ayez pitié de ma pauvre âme ; et au dernier jour,quand je sortirai du tombeau pour rendre uncompte rigoureux de toutes mes [29] actions,daignez me défendre auprès du Fils unique deDieu qui est aussi le fruit béni de votre chastesein. Par votre puissante intercession, ô tendreMère et Vierge clémente, faites que j'évite laformidable sentence de la damnation éternelle, etque, dans la bienheureuse compagnie de tous les

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élus, je goûte les célestes délices de la résurrectionglorieuse. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXI. LES SAINTES FEMMES ET DEUX APÔTRES COURENT AU TOMBEAU DU SEIGNEUR. (Matth. XXVIII – Marc. XVI – Luc. XXIV – Joan. XX.)

Marie-Madeleine, Marie-Cléophas et Marie-Salomé, portant les parfums qu'elles avaientpréparés, se rendirent au sépulcre le soir du sabbat,selon saint Matthieu (XXVIII, 1), c'est-à-dire enprenant la partie pour le tout, dans la nuit quisuivit le samedi ; car le même Évangéliste ajouteimmédiatement que déjà commençait à luire lelendemain du sabbat ou le premier jour de lasemaine, lequel maintenant est qualifié dedimanche.

Remarquons ici que les païens donnaient auxjour de la semaine le nom de leurs divinités oudes planètes ; ils appelaient ainsi lundi le jourconsacré à la lune, mardi celui qui était dédié àMars, et de même pour les autres jours.Pareillement, les Juifs nommaient chaque jour dela semaine selon son rapport avec le sabbat qu'ilshonoraient comme le jour principal, destinéspécialement au culte [30] religieux ; ainsi pourdésigner le premier et le second jour de lasemaine, ils disaient le premier et le secondd'après le sabbat (una vel prima sabbati, et secundasabbati), et semblablement pour les jours suivants.

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Nous autres Chrétiens, nous regardons commejour principal de chaque semaine le dimanche, oùla solennité du sabbat a été transférée, enmémoire de la Résurrection dominicale qui estpar-dessus tout la cause de notre sanctification etde notre joie comme aussi l'objet de notre foi etde notre vénération. En outre, conformément àun antique usage des Romains, l'Église nomme lesdifférents jours de la semaine féries ; ainsi,supposant que le dimanche est la première, ellecompte le lundi pour la seconde, le mardi pour latroisième ainsi de suite jusqu'au samediexclusivement. Ce mot ferie vient soit de feriare,cesser, soit de ferire, immoler ; en appliquant cemême terme aux différents jours, l'Église nousfait entendre qu'en tout temps nous devons nousabstenir du péché et nous sacrifier a Dieu.

Les saintes femmes vinrent au sépulcre degrand matin, comme les Évangélistes l'affirmentunanimement, quoique de différentes façons :ainsi, selon saint Jean (XX, 1), les ténèbres n'étaientpas encore dissipées ; d'après saint Luc (XXIV. 1),c'était dès le point du jour ; suivant saint Marc (XVI,2), le soleil était déjà levé. Cette contradictionapparente des Écrivains sacrés est facile àconcilier quant au sens littéral ; car on peut direque les saintes femmes partirent au moment oùl'obscurité régnait encore, que durant leur marchel'aurore se montra, et qu'à leur arrivée le soleil selevait. Ce n'est point sans une raison profonde

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que le Saint-Esprit a permis cette divergence delangage ; car nous voyons indiqués par là les troisétats où sont, relativement à la vie spirituelle, lesélus que représentent les [31] trois Marie, commeil a été expliqué dans le chapitre précédent. Selonle sens mystique, en effet, l'obscurité n'a pointencore cessé pour ceux qui débutent dans lapénitence, mais l'aurore paraît bientôt pour ceuxqui progressent dans la vertu, et le soleil est déjàlevé pour ceux qui sont arrivés à la contemplationou à la perfection.

Ainsi, les fidèles qui désirent sincèrementtrouver le Sauveur ne doivent être ni paresseux, niturbulents ; mais il doivent venir, dès le matin etaussitôt après le sabbat, c'est-à-dire sans négligenceet toutefois avec calme, pour chercher Jésus dansle sépulcre, qui est leur propre cœur. On peuteffectivement comparer à un sépulcre le cœur desChrétiens qui se livrent soit au deuil salutaire de lapénitence, soit au soin charitable d'ensevelir lesmorts, soit à la sainte quiétude de lacontemplation. Mais pour pénétrer dans cesépulcre de leur cœur, les uns et les autresrencontrent des obstacles qu'ils doivent écarter,afin de produire les actes de la vie spirituelle quileur sont propres. C'est ce que figurait la pierreroulée devant le tombeau de Gethsémani etrenversée par un Ange du ciel, comme nous leverrons bientôt. Or, la pierre qui arrête dansl'accomplissement de la pénitence, c'est

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l'inclination au mal ; dans la pratique de la vertu,c'est la difficulté du bien ; et dans l'exercice de lacontemplation, c'est la matérialité des objetssensibles. L'obstacle particulier de chaque état estordinairement levé par la grâce du Saint-Esprit,sur le simple désir de l'âme appliquée à chercherson Seigneur. Heureuse cette âme pieuse qui,comme une autre Marie, vient le visiter par uneméditation assidue, le pleurer par une tendrecompassion, et l'embaumer par une ferventedévotion. À l'imitation des saintes femmes,comme l'explique saint Grégoire (Hom. 21 inEvang.), allons avec un affectueux empressementporter [32] à notre divin Maître les aromates desbonnes œuvres, les essences des vertuschrétiennes et les parfums de nos prières ;toutefois cherchons-le non plus dans le tombeaud'où nous savons qu'il est sorti triomphant, maisdans le ciel où nous croyons qu'il est monté pourrégner à jamais.

Ce même passage de l'histoire évangélique estsusceptible d'une autre interprétation mystique,donnée par le Vénérable Bède (in cap. ultimumMarc.). Ainsi, le sépulcre où nous devons surtoutchercher le Sauveur, c'est le sacrement del'Eucharistie et l'autel même du sacrifice où lecorps de Jésus-Christ est présent en réalitécomme mort spirituellement. Nous devons enapprocher le lendemain du sabbat, c'est-à-dire aveccette paix de la conscience que figure le jour du

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repos ; de grand matin, c'est-à-dire avec le granddésir qu'inspire un ardent amour ; dès le moment del'aurore, ou en d'autres termes, aussitôt que lalumière de la grâce commence à chasser de notreâme les ténèbres des vices ; nous devons yapporter en même temps les aromatesodoriférants des actions vertueuses et les suavesparfums des ferventes oraisons. Quiconqueoserait se présenter à l'autel comme au tombeaudu Seigneur sans ces dispositions convenables,devrait craindre d'y trouver son jugement et sacondamnation.

En voyant ici les généreux exemples quedonne la femme, remarquons comment elleprend alors pour le bien, l'initiative qu'elle avaitprise autrefois pour le mal. Elle, qui avaitcommencé à perdre notre race, commencemaintenant à solliciter son pardon ; elle, qui dansle paradis de délices avait montré sa perfidie avantl'homme, manifeste avant lui sa foi au sépulcre duRédempteur ; elle, qui la première avait puisé lamort à la source de la vie, est aussi la première quivient chercher la vie dans le sein même de lamort. [33]

Comme le Sauveur était déjà sorti dutombeau avant que les saintes femmes y fussentarrivées, on demande quand est-ce qu'ilressuscita ? Il est bien certain que ce fut lelendemain du sabbat au matin, comme l'assure saintMarc (XVI, 9). Quant au moment précis, selon

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saint Augustin (de consensu Evang. I. 3, c. 24), ceserait à l'aube du jour (diluculo), c'est-à-dire avantle lever du soleil, qui en ce temps de l'équinoxecommence à briller vers six heures du matin.Ainsi, comme le pense ce saint Docteur, le corpsdu Seigneur resta trente-six heures enseveli dansle sépulcre, depuis le soir du vendredi jusqu'àl'aurore du dimanche ; et il demeura quaranteheures séparé de son âme bienheureuse, encomptant les quatre heures de la journée duvendredi qui précédèrent sa sépulture, depuisl'instant où il expira sur la croix, entre sexte etnone, vers deux heures de l'après-midi. SaintJérôme paraît adopter une opinion contraire (incap. 16 Marc.) ; car, selon cet illustre Père, Jésus-Christ serait sorti du tombeau vers le milieu de lanuit, de même qu'autrefois vers minuit Samsonétait sorti de Gaza où il était prisonnier, enlevantles portes de cette ville jusqu'au sommet d'unemontagne. Pierre le Chantre, célèbre théologiende Paris, prétend concilier les deux explications,en disant que le Sauveur est ressuscité dansl'intervalle de minuit au jour naissant. L'Églisesemble suivre ce sentiment, puisqu'elle faitcélébrer le matin vers l'aurore les laudes enl'honneur de la Résurrection dominicale.

Cependant, lorsque les saintes femmes, allantau sépulcre, eurent franchi les portes deJérusalem, elles repassaient en leurs cœurs tout ceque leur bon Maître avait souffert en ces derniers

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jours ; et dans chacun des lieux marqués parquelques circonstances douloureuses, elles [34]s'arrêtaient, puis fléchissant les genoux, ellesbaisaient la terre qu'elles arrosaient de leurslarmes. C'est ici, disaient-elles avec des soupirs etdes sanglots, que nous l'avons rencontré portantla croix sur ses épaules et qu'en le voyant ainsi, sasainte Mère est restée à demi-morte ; c'est là qu'ils'est retourné vers nous afin de nous consoler,c'est sur cette pierre qu'il s'appuya pour se reposerun peu ; c'est en cet endroit, qu'épuisé de fatigue,il tomba sous le fardeau, tandis que ses bourreauximpitoyables le forcèrent par leurs cruelstraitements de se relever aussitôt et de marcherplus vite ; voici le lieu où ils le dépouillèrent detous ses vêtements, et où ils le clouèrent au gibetinfâme sur lequel il expira. Alors ellesredoublaient leurs gémissements et leurs larmes ;elles se prosternaient avec respect et embrassaientavec vénération la croix encore teinte du sangprécieux dont elle avait été inondée naguère.S'étant relevées, elles poursuivaient leur chemin ;mais songeant à leur propre faiblesse et à la masseénorme qui fermait l'entrée du sépulcre, elles sedisaient l'une à l'autre : Qui nous ôtera la pierre poséedevant le tombeau ? Car elle était fart grande, au pointqu'il fallait plusieurs hommes pour la mouvoir(Marc. XVI, 3 et 4). Quoique convaincues de leurinsuffisance pour écarter cet obstacle, ellescontinuaient néanmoins leur route, dans la

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persuasion que ce qui était impossible à la naturehumaine était facile à Dieu. Comme ellesapprochaient du tombeau, elles s'aperçurent que lapierre était enlevée (Luc. XXIV, 2) ; car un Ange,descendu du ciel, pour annoncer que le Christ étaitdéjà ressuscité, avait renversé cette pierre, sur laquelle ils'était assis, en dehors du monument (Matth.XXVIII, 2).

Ce monument funéraire peut représenterl'Écriture, où le Messie futur était jadis caché sousde nombreux symboles ; [35] mais après qu'il futressuscité, l'Ange du grand conseil, qui n'est pasautre que lui-même, dissipa l'obscurité del'Écriture. En effet, selon le Vénérable Bède (incap. 16 Marc), la loi ancienne, gravée sur destables de pierre, était justement signifiée par cettepierre sépulcrale, dont l'enlèvement miraculeuxfigurait la révélation des mystères chrétiens,contenus sous l'enveloppe des termes légaux. Deplus, selon le même interprète, comme pourmontrer que Notre-Seigneur, par sa propre vertu,avait détruit les barrières des enfers, un Ange étaitassis sur la pierre qu'il avait renversée àl'ouverture du tombeau. Dans un sens moral, lagrosseur de cette pierre marque la difficulté de lapénitence, dont la première vue effraie lespécheurs désireux de se convertir au Seigneur ; ilscraignent d'abord de ne pouvoir accomplir laréforme de vie qu'ils veulent commencer, et ilssemblent dire en gémissant : Qui nous ôtera la pierre

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mise à l'entrée du sépulcre, c'est-à-dire à la porte ducœur dans lequel Jésus-Christ souhaite d'êtreenseveli ? Mais qu'ils ne perdent point confianceet qu'ils n'abandonnent pas leur bonnerésolution ; à l'exemple des saintes femmes, qu'ilsmarchent toujours avec courage, et bientôt ilsverront avec joie que l'obstacle a disparu ; carl'Ange du Seigneur ou plutôt la grâce du Saint-Esprit descendra sur eux et leur rendra facile cequ'ils jugeaient naturellement impraticable. LeSauveur en effet n'a-t-il pas dît lui-même (Matth.XI, 30) : Mon joug est doux et mon fardeau est léger,quand on est aidé du secours divin ?

Cependant les pieuses femmes pénétrèrent parle côté oriental dans le monument, c'est-à-dire dansla grotte où était le tombeau ; là, elles virent un jeunehomme assis du côté droit et revêtu d'une robe blanche ;elles en furent stupéfaites d'admiration (Marc. XVI, 5).Sous cette forme [36] extérieure d'un jeunehomme, l'envoyé céleste, différent du précédent,représentait l'immortalité de la résurrectionbienheureuse, par laquelle la jeunesse de l'hommese renouvelle comme celle de l'aigle sans subirjamais les atteintes de la vieillesse. Il était placé ducôté droit, c'est-à-dire vers la partie méridionalede ce lieu où l'on avait déposé le corps duSauveur, en mettant sa tête à l'occident et sespieds à l'orient, par conséquent sa droite vers lemidi et sa gauche vers le nord ou septentrion. Delà, chez les Chrétiens l'ancien usage d'inhumer les

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corps couchés dans une position semblable. Ladroite où se tient l'Ange signifie la vie éternelle, etl'éclat de son vêtement indique la splendeur de lasolennité qui cause sa joie comme la nôtre. Car,par sa Résurrection, dit saint Grégoire (Hom. 21in Evang.), Jésus-Christ a reconquis pour leshommes l'immortalité qu'ils avaient perdue, et acomblé parmi les esprits célestes les places quiétaient restées vacantes par la chute des démons.Dans la blancheur de la robe que portait lemessager de la Résurrection on peut encore voirun emblème de l'innocence ou de la pureté quel'on doit conserver, après avoir reçu le Sacrementde la régénération ; voilà pourquoi l'Église revêtles nouveaux baptisés d'une robe blanche, ensigne de la glorieuse résurrection à laquelle ilssont destinés.

Ce fut pour rendre un témoignage irrécusableà la Résurrection du Sauveur que deux Angesapparurent ainsi aux saintes femmes ; car, d'aprèsle principe de la loi que rappelle saint Paul (IICor, XIII, 1), on doit tenir pour véritable tout ce qui estconfirme par la déposition de deux ou trois témoins. Déjàs'était fait sentir le tremblement de terre quiaccompagna la Résurrection du Seigneur, et lui-même s'était retiré du tombeau en le laissantscellé, ainsi [37] que le soir de ce même jour, enlaissant les portes closes, il pénétra dans la maisonoù ses disciples étaient réunis. Ce fut seulementaprès l'événement que l'Ange renversa la pierre,

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afin de montrer que le sépulcre était vide, et queCelui qui naguère y était renfermé s'en étaitéchappé de lui-même ; car pour s'affranchir desliens de la mort, il n'avait pas besoin d'être aidépar les esprits célestes, lui qui, par sa proprepuissance, avait brisé les portes de l'enfer.Pourquoi donc dit saint Chrysostôme (Hom. 84in Joan.), un Ange vint-il enlever la pierretumulaire après la Résurrection ? Ce fut à causedes femmes, afin que, ne trouvant plus dans letombeau le corps qu'elles y avaient vu déposé,elles pussent croire qu'il était vraiment ressuscité.Le Vénérable Bède dit également (in cap. 16Marc.) : « Un Ange ôta la pierre du sépulcre, nonpour livrer passage au Sauveur avant qu'il en fûtsorti, mais pour montrer aux hommes qu'il enétait déjà sorti ; car Celui qui, en naissant mortel,avait pu entrer dans le monde sans ouvrir le seinde sa Mère, ne pouvait-il pas, en ressuscitantimmortel, s'élancer hors du monde sans lever lapierre de son tombeau ? » Cependant, commenous l'avons déjà remarqué, il y a une différencenotable entre ces deux faits ; car Notre-Seigneurnaquit ainsi d'une façon miraculeuse, tandis qu'ilressuscita de la sorte avec un corps glorieuxauquel rien de matériel ne pouvait faire obstacle.

En cherchant le Sauveur avec leurs parfums,les saintes femmes méritèrent de voir les Anges,dit saint Grégoire (Hom. 21 in Evang.) ; de mêmeles âmes fidèles qui tendent à Dieu par de pieux

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désirs, en lui offrant la bonne odeur des vertuschrétiennes, se rendent dignes de participer à lasociété des esprits célestes. L'Évangéliste (Matth.XXVIII, 3) représente l'Ange assis près dusépulcre avec un [38] visage éblouissant comme l'éclairpour terrifier les méchants, et avec un vêtement blanccomme la neige pour rassurer les bons, en portantles uns et les autres à croire à la Résurrection duSeigneur ; car la crainte et l'amour doivent inclinerl'esprit vers la foi. Si l'éclat éblouissant du visageétait propre à inspirer la frayeur, la douceblancheur du vêtement était un signe de la joieque devait causer le triomphe du Sauveur ; car leshabits de cette couleur servent en Palestine pourles jours de fête, et l'Église a conservé cet ancienusage pour la solennité pascale. Cependant, à lavue de l'Ange, les gardes furent saisis d'effroi, parcequ'ils n'avaient point la confiance de la charité, etils devinrent comme frappés de mort, parce qu'ilsrejetaient la vérité de la Résurrection, commel'explique Raban Maur (in cap. XXVIII, 4,Matth.). Ces soldats veillaient sur le tombeau duSauveur, non point par zèle ou piété, mais parhaine et malice, ajoute saint Sévérien ; faut-ils'étonner s'ils n'ont pu rester calmes, eux quiétaient agités par les remords d'une consciencecoupable ? – Apprenons ici à distinguer dès leprincipe les bons Anges des mauvais. Les bons,s'ils effraient d'abord par leur splendeurextraordinaire, rassurent bientôt par de suaves

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discours et réjouissent enfin par de salutairesconsolations ; les mauvais, au contraire,épouvantent d'abord par leur affreux langage,trompent ensuite par de fallacieuses promesses, etaffligent enfin par de cruelles déceptions.

Voulant tranquilliser les saintes femmes qu'ilvoyait effrayées, l'Ange leur dit : Quant à vous,n'ayez point peur (Matth. XXVIII, 5). Selon saintGrégoire (Hom. 21 in Evang), c'est comme s'ildisait ouvertement : Qu'ils craignent ceux quin'aiment pas la présence des célestes habitants !qu'ils tremblent ceux qui, se laissant séduire pardes désirs [39] charnels, désespèrent de participerà leurs joies éternelles ! Mais vous, que pouvez-vous redouter en voyant les serviteurs de Celuique vous cherchez, c'est-à-dire vos concitoyens etvos frères ? Voilà comment les bienheureuxesprits se montrent doux envers les bons etterrible à l'égard des méchants. C'est ainsiqu'après la résurrection générale, Jésus-Christappelé l'Ange du grand conseil se montreraformidable aux réprouvés et aimable aux justescar, aux uns il dira avec indignation : Retirez-vousde moi, maudits, allez dans le feu qui ne s éteindrajamais ; et aux autres il dira avec bonté : Venez,vous qui êtes bénis de mon Père, entrez en possession duroyaume qui vous est préparé de toute éternité.Pareillement, le prélat ou le pasteur, qui veutparaître aussi l'ange du Dieu des vertus, doittraiter avec rigueur les pécheurs obstinés, mais

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user de miséricorde vis-à-vis des coupablesrepentants. Par conséquent, deux conditions ouqualités doivent se trouver réunies dans lesprêtres et les prédicateurs qui sont les anges ouministres du Seigneur : il faut qu'ils tâchentd'inspirer l'horreur du péché par l'appréhensiondes châtiments, et l'amour de la vertu parl'espérance des biens éternels.

L'Ange ajouta : Vous cherchez Jésus, le Nazaréencrucifié (Marc. XVI, 6). Par la qualification deNazaréen, le céleste messager indique la patrieterrestre de l'Homme-Dieu, afin de le distinguerdes autres personnages qui ont porté ce mêmenom de Jésus ; puis par le titre de Crucifié, ilrappelle le bienfait de la Passion que nous nedevons jamais oublier, suivant cetterecommandation de saint Paul (Hebr. XII, 3) :Souvenez-vous de Celui qui a souffert une si grandecontradiction de la part des pécheurs insurgés contre lui.Les saintes femmes sont justement louées de ceque, sans respect humain, elles s'attachaientencore au Sauveur, même [40] après sa mortignominieuse. Combien au contraire cherchentJésus comme sauveur mais non point commecrucifié ! car ils ne veulent point le suivre sur lacroix qui est la seule voie pour arriver jusqu'à lui.C'est là ce qui fait dire à saint Chrysostôme(Hom. 90 in Matth.) : Beaucoup cherchent ledivin Rédempteur dans son triomphe et sa gloire,mais peu le cherchent dans ses humiliations et ses

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souffrances ; néanmoins on ne peut le trouver surle trône, si on ne l'a suivi préalablement sur leCalvaire. Maintenant, continua l'Ange, il n'est plusici, du moins avec sa chair et son corps, bien qu'ilsoit présent partout quant à sa divinité et à samajesté. Il est ressuscité comme homme, lui quicomme Dieu est immuable ; et il est sorti dutombeau, ainsi que lui-même l'avait annoncéavant sa Passion (Matth. XXVIII, 6). À présentvenez et voyez l'endroit où était déposé le Seigneur(Matth. XXVIII, 6). C'était dire équivalemment :Voulez-vous être certaines de sa Résurrection,regardez vous-mêmes avec attention la place où ilavait été mis ; vous voyez bien qu'elle est vide. Sidonc vous ne croyez pas à mes paroles,rapportez-vous-en du moins à vos propres yeux.En effet la pierre qui fermait le tombeau avait étérenversée, dans le but de montrer que le corpssacré n'y était plus renfermé. Ce même corps estici désigné sous le nom de Seigneur, parce que,selon saint Chrysostôme (loc. cit.), la divinité n'enfut jamais séparée un seul instant par la mort.

S'adressant toujours aux mêmes personnes :Hâtez-vous leur dit le député du Seigneur, allezannoncer à ses disciples et spécialement à Pierre qu'ilest ressuscité. Voilà qu'il vous précède en Galilée ;c'est làque vous le verrez, comme il vous l’a déclaré avant saPassion. Ne tardez donc pas à le suivre au rendez-vous qu'il vous a donné (Matth. XXVIII, 7).C'était dire en d'autres termes : La joie que vous

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procure une [41] semblable nouvelle, vous nedevez pas la concentrer dans le secret de votrecœur ; empressez-vous plutôt de la communiqueraux amis de votre Maître, non point aux amateursdu monde mais aux disciples du Christ. Or, selonsaint Grégoire (Hom. 21 in Evang.), ils ne sontpas véritablement disciples du Sauveur cesChrétiens indifférents qui refusent de célébrer laPâque avec lui, ni les inconstants qui après leurconversion regardent en arrière, ni ceux qui selaissent entraîner par de vaines sollicitudes, oucaptiver par les charmes de la volupté, ou arrêterpar les épines du scandale. Jésus voulut précéderles siens en Galilée, afin que cette contrée, lapremière favorisée des merveilles de sa grâce,devint aussi la première témoin des splendeurs desa gloire ; c'était encore pour manifester d'unemanière éclatante la vérité de sa Résurrectiondans le pays où il avait opéré la plupart de sesmiracles, où il avait séjourné plus longtemps et oùil était mieux connu. Si l'Ange avait commande àdes femmes de notifier aux Apôtres laRésurrection du Sauveur, c'est en réparation de ceque le démon persuada jadis à Ève de porter àAdam le fruit de mort ; car de même que lapremière tentation de ruine générale fut suggéréepar le démon à Ève et par Ève à Adam, de mêmeaussi la première assurance de vie nouvelle devaitêtre transmise par un Ange à des femmes et pardes femmes aux Apôtres. – Cette heureuse

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annonce devait être faite principalement à Pierrepour plusieurs raisons ; soit à cause de saprééminence sur les autres disciples, soit pourqu'il ne désespérât point d'obtenir le pardon de sacriminelle apostasie, soit afin qu'il ne redoutât pasde paraître avec ses collègues en présence duSeigneur ; car suivant saint Jérôme (in cap. 16Marc.), depuis sa chute il se regardait commeindigne de l'apostolat. Après avoir renoncé [42]son Maître, dit saint Grégoire (Hom. 21 inEvang.), il n'eût jamais osé se joindre auxdisciples, si l'Ange ne l'eût expressément désigné ;c'est donc de crainte qu'il ne fût découragé parson triple reniement, qu'il est ici appelé par sonpropre nom. Concluons de là, avec le même saintJérôme (loc. cit.), que les péchés passés nesauraient nous nuire si nous cessons de les aimer.

Examinons avec saint Augustin (de consensuEvang. l. 3) pourquoi le Seigneur avait prédit à sesdisciples qu'après sa Résurrection il lesdevancerait en Galilée, où ils le verraient, commesi là seulement ou premièrement il devrait semontrer aux siens, tandis qu'il a daigné semanifester à eux plusieurs fois ailleurs et mêmeauparavant. Selon le même saint Docteur, cettepromesse de Jésus-Christ et du messager célestedoit s'entendre d'une façon prophétique etmystique tout à la fois, selon la double étymologiedu mot Galilée qui signifie transmigration et aussirévélation. Selon le premier sens, il vous précédera en

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Galilée, c'est-à-dire : dans la transmigration quevous ferez en passant des Juifs chez les Gentils, ilmarchera devant vous en préparant les cœurs àécouter vos prédications. C'est là que vous le verrezcar parmi ces Gentils qui vous accueillerontfavorablement, vous trouverez les membres quicomposent l'Église, son corps mystique. Selon lesecond sens, il vous précédera en Galilée c'est-à-dire :dans la jouissance de la nature divine qui luiappartient, non comme à un simple serviteur,mais comme au Fils consubstantiel du Pèreéternel, il vous préviendra, parce qu'il disposeravos âmes à en recevoir la glorieuse participationau ciel. C'est là que vous le verrez car, comme l'assuresaint Jean (I Ep. III, 2), lorsqu'il apparaîtra nous luiserons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est.Telle sera la révélation parfaite à laquelle [43]nous conduira une heureuse transmigration de cetexil à l'éternelle patrie, si nous suivons les traceset si nous observons les préceptes du Sauveur. –Puisque le nom de Galilée signifie transmigrationou passage, ajoute saint Grégoire (Hom. 21 inEvang.), c'est avec une juste raison que leSeigneur a fait annoncer qu'il se manifesterait auxsiens en Galilée. Il est effectivement passé d'unevie corruptible et mortelle à une autreincorruptible et immortelle ; et ceux qui désirentle contempler en ce nouvel état de bonheur et degloire doivent auparavant passer du vice à lavertu, de l'amour du monde à celui de Dieu, en

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évitant le mal pour accomplir le bien, et enrenonçant aux choses de la terre pour s'attacher àcelles du ciel. – C'est là que vous le verrez. Ô quellesimmenses promesses renferment ces courtesparoles ! s'écrie saint Jérôme (in cap. 16 Marc.),car c'est là que nous trouverons la source d'unejoie inépuisable et le principe du salut éternel ;c'est là que seront réunis les fidèles jusqu'alorsdispersés et que les cœurs affligés serontparfaitement consolés.

Stupéfaites à l'apparition insolite des espritscélestes, les pieuses femmes n'osèrent pas tropcroire aux nouvelles extraordinaires qu'ellesentendaient de la part de ces personnagesinconnus ; et elles demeurèrent toutes désolées dene point rencontrer le corps sacré qu'ellesvenaient visiter. Déçues dans leur espoir, ellesretournèrent en gémissant vers les Apôtres pourchercher, ou du moins pour pleurer avec eux leMaître qu'elles avaient perdu. Madeleine qui lesconduisait courut donc trouver Pierre et Jean ; etsans parler des Anges qu'elles avaient vus, ni desavertissements qu'elles avaient reçus, elle secontenta de dire : On a enlevé du sépulcre le Seigneur,et nous ne savons où on l'a mis (Joan. XX, 2). À cettenouvelle, Pierre et Jean sortirent [44] aussitôt,poussés par le désir de connaître la vérité ; carleur amour ardent était pareil à un feu dévorantdont on ne peut comprimer l'activité. Ils allèrent ausépulcre avant tous les autres, parce qu'ils étaient

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les plus attachés à Jésus-Christ ; et comme ilsétaient aussi plus étroitement unis entre eux, ilscouraient tous deux ensemble. Toutefois, Jean, plusjeune et plus agile que Pierre, arriva le premier aumonument ; il se baissa pour regarder dansl'intérieur ; mais il n'entra point, par considérationpour Pierre, supérieur en âge et en dignité, qu'ilattendit avec respect (Ibid. 3-5). Après eux,Madeleine et ses compagnes se dirigentpromptement vers le tombeau ; tous s'empressentde chercher Celui qui faisait l'unique objet de leurregret et de leur désir. La vitesse avec laquelle ilsmarchent, témoigne de leur fidélité et de leuraffection. Quant à vous, admirez et imitez le zèleet le dévouement qu'ils montrent à l'égard dudivin Maître ; suivez-les ou plutôt courez vous-même avec eux, afin de trouver comme eux laconsolation et la joie.

Lorsqu'ils furent arrivés au sépulcre, saintPierre y pénétra d'abord, puis saint Jean qui luiavait cédé le pas comme à son chef. Ici, selonsaint Grégoire (Hom. 22 in Evang.), Jeanreprésente la Synagogue et Pierre figure l'Égliseou la Gentilité convertie. La Synagogue, en effet,vint la première au tombeau du Sauveur, mais ellen'y entra point alors ; car bien que, initiéed'avance aux prophéties de l'Écriture, elle refusad'abord de croire aux mystères de la Passion duSauveur. La Gentilité vint ensuite et entra toutaussitôt car dès qu'elle connut le Christ mort en

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tant qu'homme, elle crut qu'il était le Dieu vivant.Toutefois, en pénétrant à la suite de Pierre dans lesépulcre du Rédempteur, Jean montra par là qu'àla fin du monde les Juifs se réuniront aux Gentilsdans la même foi du christianisme. [45]

Quand les deux Apôtres se furent avancésjusque dans l'intérieur du tombeau, ils n'ytrouvèrent point le corps qui y avait été déposé,mais ils virent seulement les linges dont il avaitété enveloppé. Le suaire de la tête était séparé dulinceul et plié dans un endroit à part, comme à dessein(Joan. XX, 7). Tout semblait disposé de la sortepour attester que Jésus-Christ était vraimentressuscité. Néanmoins ils crurent tout lecontraire ; et saisis de stupeur, ils se retirèrentconvaincus que, comme les femmes l'avaientdéclaré, le corps avait été furtivement enlevé ; carils n'avaient point encore l'intelligence del'Écriture qui annonce la Résurrection duSeigneur. Ce qu'ils avaient observé aurait dûnaturellement suffire pour leur prouver que soncorps n'avait point été dérobé. « En effet, selon laremarque judicieuse de saint Chrysostôme (Hom.84 in Joan.), des voleurs ne l'auraient pointdépouillé pour l'emporter nu, mais ils l'auraientpris simplement tel qu'ils le trouvaient enveloppé.La myrrhe, avec laquelle le Sauveur avait étéembaumé, a pour propriété spéciale de coller lesbandelettes aux membres qu'elles entourent ; ordes hommes pressés de consommer leur larcin en

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cachette auraient-ils perdu le temps à les arracherles unes après les autres, puis à plier les lingesavec soin et à les placer séparément en desendroits divers ? de pareilles gens n'ont pointcoutume de prendre ainsi des précautionsminutieuses pour des choses qui leur semblentsuperflues. »

Dans un sens moral, le tombeau ouvert, oùl'on ne retrouve plus le corps du Sauveur maisseulement les linges avec lesquels il avait étéenseveli, est l'image du monastère relâché, où l'onne conserve plus de la religion que les apparenceset l'habit sans les vertus ni l'esprit intérieur. Ainsi,ceux qui cherchaient David en son lit n'ydécouvrirent que [46] son simulacre ; et Jacob quiredemandait Joseph n'en retrouva que la robe. Onne rencontre plus là que des sépulcres blanchis, etdes loups déguisés sous la peau de brebis.

Saint Grégoire (Hom. 22 in Evang.) nous faitadmirer ici la mystérieuse conduite de laProvidence divine à l'égard des disciples duSauveur : elle les remplit d'ardeur pour lerechercher, et cependant ne leur accorde point laconsolation de le recouvrer aussitôt. En lesfaisant passer par de douloureuses épreuves, ellevoulait purifier leurs dispositions imparfaites, afinqu'ils fussent mieux préparés à le recevoir, etqu'après lavoir trouvé, ils fussent plus vigilantspour ne pas le perdre de nouveau. Sachonscompatir à l'extrême désolation des Apôtres et

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des femmes pieuses qui s'affligent de n'avoirpoint obtenu le résultat espéré de leurs anxieusesperquisitions ; les uns et les autres ignorent dequel côté désormais ils doivent diriger leurs pasincertains. N'osant rester plus longtemps auprèsdu sépulcre à cause des Juifs ennemis, les discipless'en retournèrent chez eux, tout chagrins (Joan. XX,10) ; et sans savoir d'une manière certaine ce queleur Maître était devenu, ils revinrent se renfermerdans la maison d'où ils n'étaient sortis que pourcourir à son tombeau.

Les trois Marie restèrent là cependant,occupées à considérer comment avait étérenversée l'énorme pierre qui fermait l'entrée dusépulcre. Comme elles étaient consternées de voir que lecorps si digne de vénération avait disparu, ellesaperçurent tout-à-coup devant elles deux hommes avec deshabits éclatants (Luc. XXIV, 4). C'étaient des Angesqui se présentaient deux ensemble pourconfirmer d'une façon plus solennelle laRésurrection triomphante du Seigneur ; et commeils se montrent toujours en la forme convenable àleur mission et à notre instruction, ilsapparaissaient alors [47] revêtus de robesbrillantes, symbole de la joie et de la gloire qu'ilsvenaient proclamer. Le Vénérable Bède dit à cesujet (in cap. 24 Luc.) : « Comme on lit que desAnges se tenaient près du sépulcre où avait étéenseveli naguère le corps du Sauveur, de mêmeaussi on doit croire qu'au temps de la

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consécration ils se tiennent près de l'autel où cemême corps adorable est offert ; c'est pourquoil'Apôtre recommandait aux femmes chrétiennes(I Cor. XI), de ne point venir à l'assemblée desfidèles sans y porter un voile sur la tête par égardpour les Anges. » Celles dont nous parlons icibaissaient les yeux à terre, parce qu'elles étaient saisies decrainte à l'aspect inaccoutumé des messagerscélestes (Luc. XXIV, 5). Mais ceux-ci tâchèrent deles rassurer en leur certifiant la Résurrection deJésus-Christ. Pourquoi, dirent-ils avec douceur,pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui estvivant ? Comme s'ils disaient : Ne pensez pastrouver dans le tombeau, séjour de la mort, Celuiqui en est sorti plein de vie. Il n'est point ici,ajoutent-ils ; ou en d'autres termes : Il n'est plusdans le sépulcre avec son corps Celui qui estpartout avec sa divinité. Il est ressuscité par sapropre vertu. À l'appui de cette déclaration,rappelez-vous comment il vous parlait, lui qui ne peut nimentir ni tromper ; quand il était encore dans laGalilée, il vous disait que le Fils de l'homme devait êtrelivré entre les mains des pécheurs, et qu'après avoir étécrucifié, il devait ressusciter le troisième jour (Ibid, 5-7).Puisque ces événements vous ont été d'avanceannoncés, ne soyez donc point surprisesd'apprendre qu'ils sont accomplis ; car le souvenirdes prédictions que vous avez entendues doitvous porter à croire plus fermement les faitsaujourd'hui réalisés.

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Le Vénérable Bède dit encore ici (loc. cit.) :« Prenant pour modèles ces femmes gui furenttoutes dévouées au [48] Seigneur Jésus, toutes lesfois que nous pénétrons dans le lieu saint ou quenous participons au divin sacrifice, nous devonsêtre remplis d'une humilité profonde et d'unereligieuse terreur, tant par respect pour laprésence des esprits célestes, que par révérencepour la célébration des sacrés mystères. Or nousnous courbons devant les Anges, lorsque,contemplant leur gloire et leur félicité, nousreconnaissons que nous sommes cendre etpoussière comme le patriarche Abraham leconfessait de lui-même devant le Seigneur (Gen.XVIII, 27). Remarquons, ajoute le mêmeinterprète, qu'en cette circonstance solennelle, à lavue des sublimes envoyés, les pieuses femmes nese prosternent point mais s'inclinent seulement.De là vient l'usage suivi dans l'Église de ne pointfléchir le genou mais de pencher la tête pour prierpubliquement chaque dimanche, comme aussidurant tout le temps pascal. »

Cependant les trois Marie, qui cherchaientuniquement le Seigneur des Anges et non pointses illustres messagers, ne firent pas attention àleurs avertissements et ne ressentiront aucuneconsolation de leurs visites. Bien plus, terrifiées etéperdues, deux d'entre elles, savoir MarieCléophas et Marie Salomé, quittèrentpromptement le sépulcre et se retirèrent à

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quelque distance où elles s'assirent avec unedouloureuse anxiété (Matth. XXVIII, 8). La vuedes Anges et des gardes les avait plongées dansune telle consternation et stupeur, qu'ellen'osèrent rien dire à ceux-ci et rien répondre àceux-là (Marc. XVI, 8) ; et c'est alors qu'elles setinrent dans le plus complet silence, comme le faitobserver saint Augustin (I. III de consensuEvang. c. 24).

Prière.Seigneur Jésus Fils unique du Très-Haut,

vous qui, [49] après avoir été enseveli dans letombeau, aviez inspiré à plusieurs personnespieuses le désir de vous chercher, mais qui, pouraccroître leur ferveur, ne leur avez point accordésans quelque délai le bonheur de vous trouver, etqui de plus leur aviez promis par vos saints Angesla faveur de vous voir en Galilée, je vous ensupplie, malgré mon indignité, ô doux Sauveur,faites aussi que je vous cherche avec ardeur, queje vous trouve avec joie, que passant alors du viceà la vertu et de l'amour du monde à celui de vous-même, je mérite de passer un jour de cette tristevie à la bienheureuse éternité ; daignez ainsi meréunir à vos élus dans la véritable Galilée, afin queje puisse vous contempler face à face comme leDieu des dieux en la céleste Sion, Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXII. JÉSUS APPARAÎT À MARIE-MADELEINE. (Joan. XX.)

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Le cœur rempli d'amertume et brûlantd'amour, Marie-Madeleine ne savait quel partiprendre ; car elle ne pouvait se passer du divinMaître qu'elle ne voyait point où elle avait espéréle trouver. Ignorant où elle irait le chercher, elle setenait avec une ferveur constante, sans s'asseoir nise reposer, près du tombeau, en dehors toutefois,c'est-à-dire dans le jardin contigu (Joan. XX, 11).C'est là qu'en face du monument sacré elle pleuraitet gémissait sur la perte de son adorable Seigneur.Les flammes qui la consumaient, les charmes quil'attiraient, les liens qui la [50] captivaient ne luipermettaient pas de s'éloigner un instant dusépulcre qu'elle arrosait de ses larmes. Lavéhémence de sa charité lui faisait oublier lafaiblesse de son sexe ; car, sans redouter lacruauté des persécuteurs, elle demeurait là touteseule, tandis que les autres disciples étaient partis.Le désir impatient dont elle était tourmentée nelui laissait goûter aucun soulagement ; elle ne seplaisait qu'à pleurer, en sorte qu'elle aurait pus'appliquer justement ces paroles du Psalmiste :Mes larmes m'ont servi de nourriture le jour et la nuit,pendant qu'on me disait : Où est ton Dieu ? (Ps. XLI,4). Selon saint Augustin (in sabbato Paschæ),Marie était plus dévouée et plus fortementattachée que ses compagnes à Jésus-Christ aussi,elle en reçut toutes les faveurs insignes qu'ellesollicita par les larmes de componction, decompassion et de dévotion qu'elle répandit

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successivement. Elle obtint d'abord que tous sespéchés lui fussent pleinement remis sans aucunretard, ensuite que son frère enseveli depuisquatre jours revînt à la vie corporelle, et enfin queson doux Sauveur la consolât lui-même en larendant la première témoin de sa glorieuseRésurrection. « Admirons, dit saint Grégoire(Hom. 25 in Evang.), la généreuse piété deMadeleine qui ne voulut point abandonner letombeau du Seigneur, même après le départ desApôtres ; en restant seule pour le chercher, ellemérita seule de le voir sur le champ, parce que lapersévérance est le couronnement de toute bonneœuvre. » Ainsi, conclut saint Augustin (Tract. 121in Joan.) le sexe naturellement le plus faible semontra le plus fort en cette circonstance ; cartandis que la crainte chassait les hommes loin dusépulcre, l'affection y retenait une simple femme ;et Celui qu'elle ne pouvait encore apercevoir deses propres yeux, elle ne se lassait point del'appeler par [51] ses larmes éloquentes. Plusdésolée de ce qu'il avait disparu du tombeau quede ce qu'il était mort sur la croix, elle semblaitoublier la cruelle Passion qu'il avait subie pour nesonger qu'au monument funèbre où on l'avaitdéposé naguère. »

À ce propos écoutons les touchantesréflexions qu'Origène exprime en ces termes(Hom. X in divers.) « L'Évangile nous montreMarie qui se tenait debout et éplorée près du

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sépulcre ; l'amour y arrêtait ses pas et la douleurfaisait couler ses larmes. Elle regardait de touscôtés si elle ne découvrirait pas enfin Celui qu'elleconvoitait uniquement. Cette absence imprévuerenouvelait en elle une douleur plus poignanteencore que celle qui avait déchiré son âme lors ducrucifiement ; alors du moins elle éprouvaitquelque consolation de voir que ce corps inanimélui restait ; maintenant qu'il lui est enlevé, elle netrouve plus aucun adoucissement à son amèreaffliction. Elle craint que son amour, n'étant plusréchauffé par la vue du divin Maître, ne soitbientôt refroidi. Elle s'efforce donc de noyer seschagrins dans ses larmes ; mais ne pouvant yréussir, elle sent défaillir son esprit et son corpssans savoir que faire ni que devenir. Pierre et Jeans'étaient retirés, parce qu'ils étaient saisis defrayeur. Madeleine au contraire n'était plusaccessible à la peur, parce qu'elle croyait n'avoirplus rien à redouter en ce monde. Après avoirperdu le Maître qu'elle estimait et chérissaitexclusivement, elle ne pouvait plus rien aimer nidésirer sur la terre, parce qu'il était la joie et la viede son âme ; désormais elle préférait mourir dansl'espoir de trouver ailleurs Celui qu'elle ne pouvaitrencontrer ici-bas. Si, comme l'assure le célesteÉpoux du Cantique (VIII, 6), la dilection est fortecomme la mort, que ne devait-elle pas faire enMarie ? Cette chaste amante ne voyait [52] etn'entendait pas plus que si elle n'avait point eu

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d'yeux ni d'oreilles, elle n'avait aucun sentiment niaucune pensée que pour son Bien-aimé ; car sonâme était là où se trouvait, non pas son proprecorps, mais son cher Maître, dont elle ignoraitnéanmoins le séjour. Dans cette incertitudenavrante elle ne savait plus que soupirer après lui,et, sans quitter le sépulcre, elle ne cessait de selamenter. N'espérant et ne craignant plus rien, elleavait tout oublié, excepté Celui qu'elle regrettait etsouhaitait par-dessus tout. » Ainsi parle Origène.

Pendant quelle pleurait sur la disparition duSeigneur, Marie se pencha pour regarder dans l'intérieurdu sépulcre, parce qu'elle espérait toujoursl'apercevoir à l'endroit où on l'avait mis naguère(Joan. XX, 11). Ainsi, lorsque nous avons perduquelque objet précieux, quoique nous lecherchions de tous côtés, nous revenons depréférence au lieu même où nous nous rappelonsqu'il était présent. Madeleine également cherchaitpartout avec une inquiète sollicitude le corps duChrist, mais d'une manière plus spéciale dans letombeau où elle savait qu'on l'avait enseveli.« Celui qui aime véritablement, dit saint Grégoire(Hom. 25 in Evang.), ne se contente point deregarder une fois, mais il se plaît à tournersouvent les yeux du côté où il croit trouver l'objetde ses affections. Marie continuait donc sesperquisitions sans se lasser ; et ses désirsdevenaient d'autant plus intenses que leuraccomplissement était plus longtemps différé,

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jusqu'à ce qu'elle méritât de voir enfin ses effortscouronnés de succès. C'est ainsi que, par lapersévérance, nous nous rendrons dignesd'arriver à la perfection ; car les obstacles, bienloin de rebuter, ne font qu'enflammer d'avantagele cœur animé d'un amour sincère pour la vertu. »Cette sainte femme avait déjà [53] remarqué quele corps du Sauveur n'était plus renfermé dans letombeau, et néanmoins elle examinait encore sielle n'en découvrirait pas quelque trace ou vestige.En se baissant pour mieux regarder dans lesépulcre, elle nous donne à entendre que nousdevons considérer la mort du divin Rédempteuravec un sentiment d'humilité profonde ; et enréitérant ses recherches infatigables à la mêmeintention, elle nous montre que ce douloureuxsouvenir doit être l'objet habituel de nos plussérieuses méditations.

Lorsque Marie s'inclinait de la sorte, elleaperçut deux Anges, les mêmes probablement queses compagnes avaient vus précédemment ; maisen récompense de sa ferveur constante, elleméritait bien cette nouvelle vision toute spéciale.Ils étaient vêtus de blanc pour honorer laRésurrection du Sauveur, et assis l'un à la tête etl'autre au pied du tombeau, par respect pour le lieuoù avait reposé le corps adorable de l'Homme-Dieu (Joan. XX, 12). L'Ange placé à la têtefigurait par sa position la divinité de Celui dontsaint Paul a dit : Le Christ a pour chef Dieu lui-même

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(I Cor. XI, 3). L'Ange placé au pied représentaitl'humanité de cette même personne qui nous arachetés miséricordieusement en prenant notrefaible nature. Femme, pourquoi pleurez-vous ? direntles messagers célestes à Madeleine ; en d'autrestermes : Vous n'avez pas sujet de vous attristermais plutôt de vous réjouir, puisque le Christ estressuscité ; ce jour-ci est un jour d'allégresse etnon point de deuil. Nous venons vous annoncerune heureuse nouvelle ; cessez donc vos larmes etjetez plutôt vos regards vers Celui qu'avec tantd'amour vous désirez de voir.

Mais Marie, qui prenait ces deux personnagespour des hommes et non pour des Anges, crutqu'ils lui demandaient la cause de sa douleur sansla connaître. Je pleure, [54] répondit-elle, parcequ'ils ont enlevé mon Seigneur du sépulcre je ne sais oùils l'ont mis (Joan. XX, 13). Elle semblait dire :Pourrais je jamais pleurer assez une telle perte, etpourrais-je n'être pas accablée de la plus profondetristesse ? Elle craignait que les Juifs, jaloux de lasépulture honorable décernée au corps de Jésus,ne l'eussent emporté pour le jeter en quelque lieuinfâme, ou pour le traiter d'une manière plusignominieuse encore. Les vives alarmes que luiinspirait la véhémence de son amour étaient parconséquent le motif de son affliction ; et dans lacruelle persuasion que le précieux dépôt avait étédérobé, elle était désolée de ne pas savoir où ellepourrait le découvrir pour lui rendre ses pieux

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devoirs. Prenant le tout pour la partie, elle ne ditpas qu'ils ont enlevé le corps de son Seigneur,mais son Seigneur de même, dans le symbole de lafoi, nous confessons que Jésus-Christ a étéenseveli, bien que son corps seulement ait été misdans le tombeau.

Considérons ici dans Madeleine lesadmirables effets de l'amour spirituel. Peuauparavant, un Ange lui avait annoncé que leSauveur était ressuscité ; maintenant, deux Angesà la fois l'assurent qu'il est vivant ; néanmoins,comme si elle ne s'en souvenait pas, elle dit : Je nesais où ils l'ont mis. C'est son extrême affection quila faisait agir et parler de la sorte ; car suivant laremarque d'Origène (loc. cit.), son âme étaitplutôt dans le corps de son Maître qu'au dedansd'elle-même ; elle ne savait s'occuper ets'entretenir que de lui. Voyant que la pierretumulaire avait été renversée, elle supposait toutnaturellement que le corps sacré avait été ravi ;car c'était une entreprise facile, une fois que cetobstacle était levé. De même tant que la craintede Dieu garde l'entrée de notre cœur, Jésus-Christqui y réside ne peut [55] lui être enlevé ; mais sicette salutaire impression s'efface, l'hôte divindisparaît bientôt.

Tandis que Marie s'abandonnait à la douleursans prêter attention aux discours des Anges, leSauveur ne put résister plus longtemps à tantd'amour ; il en fit part à sa Mère qu'il était allé

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visiter aussitôt après être ressuscité ; et en prenantcongé d'elle, il lui dit qu'il allait consolerMadeleine. Il revint donc au sépulcre, et trouvaMadeleine qui pleurait dans le jardin. Au momentmême où, après avoir répondu aux envoyés du ciel,elle se retournait par derrière, Jésus se présenta devantelle (Joan. XX, 14). Ce fait nous montre que pourvoir le Seigneur, il faut se retourner vers lui ; carnul ne peut jouir de sa sainte présence à moins dese convertir à lui par un amour sincère. « Maispourquoi, demande saint Chrysostôme (Hom. 85in Joan.), pourquoi donc, sans attendre la réponsedes Anges, Marie se retourna-t-elle par derrière ?ne semblait-elle pas manquer de la déférence laplus commune vis-à-vis de personnages qui enétaient si dignes ? C'est qu'à l'instant même où elleachevait de parler, le Sauveur parut ; alors lesdeux sublimes messagers s'étant levés pourhonorer leur divin Maître, Madeleine étonnée fitun mouvement de tête pour découvrir ce qui avaitoccasionné cette marque de vénération. » Elleaperçut Jésus qui était là, mais elle ne savait pas quec'était lui ; car elle ne le voyait point sous cetteforme éclatante que les esprits bienheureuxcontemplaient avec une respectueuse admiration.Parce qu'elle ne croyait pas encore à la réalité desa Résurrection, il ne s'offrait à ses yeux quecomme elle se l'imaginait en son esprit. Ce n'estpas toutefois, comme quelques hérétiques l'ontprétendu, que le Sauveur changeât de figure à

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volonté ; mais c'est qu'elle ne le reconnaissaitpoint à cause de la stupeur qui [56] troublait saraison. « Ô spectacle délicieux pour la piété,s'écrie saint Bernard, Celui qui est cherché avecempressement se cache en se manifestant ; s'il secache ainsi, c'est pour être recherché avec plusd'ardeur, trouvé avec plus de joie, gardé avec plusde sollicitude, en sorte qu'après en avoir acquis lapossession on ne la perde jamais. » Selon saintGrégoire (Hom. 25 in Evang.), Marie se détournapar derrière pour voir Jésus, parce qu'elle luitournait le dos de quelque façon en ne le croyantpoint ressuscité. Elle le vit néanmoins, parcequ'elle l'aimait ; mais elle ne le reconnut point,parce qu'elle doutait. L'amour lui faisaitapercevoir Celui que le doute l'empêchait dedistinguer.

Jésus lui dit alors : Femme, pourquoi pleurez-vous ?qui cherchez-vous ? Il feint d'ignorer les choses, afinde la mieux instruire par la réponse qu'elle luifera. D'après saint Grégoire (loc. cit.), il luidemande la cause de ses larmes pour accroître laflamme de ses désirs, afin que, nommant Celuiqu'elle regrette, elle sente se raviver tout l'amourqu'elle lui porte. En voyant tout-à-coup cethomme qu'elle ne reconnaissait pas, Madeleine leprit pour le jardinier lui-même ; car elle ne pensaitpas trouver de si grand matin en ce même lieud'autre personne que le gardien chargé de lecultiver. Dans un sens spirituel, Jésus-Christ était

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en effet pour Madeleine un véritable jardinier ; carn'est-ce pas lui qui avait arraché de ce cœur lesépines de l'infidélité et des vices ? n'est-ce pas luiqui avait jeté dans cette âme les germes fécondsde la foi et des vertus chrétiennes ? Comme unbon horticulteur doit déraciner les herbesnuisibles afin de laisser toute la place aux plantesutiles, Notre- Seigneur ne cesse égalementd'extirper de l'Église qui est son jardin les vicesqui empêchent les vertus de s'y développer. « ÔMadeleine ! s'écrie Origène (Hom. X in diversos),[57] si vous cherchez Jésus, pourquoi donc ne lereconnaissez-vous pas ? Celui que vous désirez siardemment de trouver daigne venir à vous, etvous le prenez pour un jardinier ! Il est l'un etl'autre tout ensemble ; car c'est lui qui a répandudans le jardin de votre âme la bonne semence,comme il la répand chaque jour dans les cœursdes fidèles. Celui qui arrose et qui fertilise lesâmes de tous les Saints, c'est Jésus lui-même quien ce moment s'entretient avec vous. » LeSauveur apparut à Madeleine sous la figure d'unjardinier pour apprendre aux imparfaits qu'ilsdoivent en exercer les fonctions, c'est-à-dire,détruire et retrancher les inclinations mauvaisesde leur cœur, afin d'y planter et d'y cultiver leshabitudes salutaires ; c'est le moyen d'attirer eneux-mêmes Celui qui est le Jardinier parexcellence.

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Madeleine cependant toute troublée répondità Jésus, comme s'il eût été simplement le jardinierde ce lieu : Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé,indiquez-moi. où vous l'avez mis, et je l'emporterai ; cartout mort qu'il soit, il est mon unique trésor(Joan. XX, 15). Afin de gagner la bienveillance decet inconnu, elle le qualifie de Seigneur, et elle nelui dit pas en termes précis : Si vous avez enlevéJésus qui a été crucifié, mais d'une manièregénérale : Si vous l'avez enlevé. Elle ne nomme pointCelui qu'elle désire, elle ne désigne point Celuiqu'elle cherche ; car dans l'excès de son amour,elle croit que tous doivent le connaître et que nulne peut l'ignorer. Appréhendant que les Juifs nefissent subir à ce corps sacré quelques traitementsindignes, elle voulait le cacher en un lieu où il fûtà l'abri de toute profanation. Admirable couraged'une femme délicate ! Dans l'ardeur de son zèle,elle oublie sa propre faiblesse ; car bien loin d'êtreeffrayée par l'aspect d'un mort, elle s'imaginequ'elle transportera sans peine Celui qui est [58]l'objet de son affection. Le propre de l'amour estde ne voir aucun obstacle ; ce qui paraîtimpossible aux autres semble toujours facile àcelui qui aime véritablement. « Par crainte desJuifs, dit Origène (Hom. X in diversos), Josephd'Arimathie n'avait osé descendre de la croix lecorps de Jésus que vers le soir, après en avoirobtenu l'autorisation de Pilate. Madeleine, aucontraire, n'attend point l'obscurité, ne sollicite

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point de permission ; mais sans redouterpersonne ni réclamer de secours, elle dithardiment d'une manière absolue : Moi-même, je leprendrai. Ô femme supérieure à votre sexe !généreuse Madeleine ! que votre confiance estgrande, que votre amour est fort ! Aussi mérita-t-elle de revoir vivant Celui qu'elle cherchaitcomme mort. Considérez-la suppliant aveclarmes, conjurant avec instances le Sauveur lui-même qu'elle croit être le jardinier, de lui révélerle lieu où est le corps du Seigneur ; car elleespérait toujours recevoir quelque nouvelletouchant son Bien-aimé,

Voulant mettre fin à la douloureuse anxiétédune personne qui lui était si dévouée, Jésus nel'appelle plus d'un nom générique : Femme,comme s'il ne savait pas distinctement qui elleétait ; mais pour fixer davantage son attention, ill'appelle maintenant par son nom propre : Marie,comme s'il disait clairement : Reconnais doncenfin Celui dont tu es bien connue. Or, commeDieu dans ses décrets éternels a déterminé d'unemanière spéciale ceux qui devaient êtrecertainement sauvés, il accorde une faveur insigneà ceux qu'il désigne par leur nom individuel ; car ilmontre par là qu'il les connaît comme ses élus ouamis privilégiés. Aussitôt qu'elle eut entendu sonnom, Madeleine se retourna vers le Sauveur, non-seulement de corps, comme auparavant, maisaussi de cœur ; elle le regarda [59] avec les yeux de

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l'esprit plus encore qu'avec ceux de la chair, carelle le reconnut à la voix, comme une brebisfidèle entend celle de son pasteur. Semblable àune personne qui renaîtrait à la vie, elle l'adore, etdans un transport d'allégresse elle s'écrie :Rabboni, c'est-à-dire Maître (Joan. XX, 16). C'estainsi qu'elle avait coutume de le désigner avant laPassion ; car chez les Juifs on qualifiait de ce titreles docteurs qui instruisaient les autres. Ellesemblait dire : C'est vous que je cherchais avectant de regrets ; pourquoi vous êtes-vous silongtemps dérobé à mes regards ? En continuantde le chercher elle obtint de le trouver enfin ; car,selon saint Grégoire (loc. cit.), Celui-là mêmequ'elle cherchait extérieurement lui enseignaitintérieurement la manière de le chercher. « Ôchangement merveilleux opéré par la droite duTrès-Haut ! s'écrie Origène. Une grande tristesseest convertie en une joie non moins grande, leslarmes de la douleur sont remplacées par celles del'amour et de la joie. A peine Jésus a-t-il prononcéce nom de Marie qui lui était familier, elle ressentune douceur inexprimable qui lui fait aussitôtdiscerner la voix de son Maître chéri.

À ce sujet écoutons saint Anselme.« N'abandonnez pas la compagnie de Madeleine ;mais, après avoir préparé des aromates avec elle,allez visiter ensemble le tombeau du Sauveur.Appliquez-vous à contempler, intérieurement enesprit ce qu'elle mérita de voir extérieurement en

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réalité. Considérez à la porte du monument unAnge assis sur la pierre qu'il a renversée, puisdans l'intérieur de la grotte deux envoyés célestesplacés l'un à la tête et l'autre au pied du sépulcre.Après les avoir entendus annoncer laRésurrection du Seigneur, tandis que Marie necesse de pleurer la disparition du corps sacré,admirez le Seigneur [60] lui-même qui la regardeavec bonté et qui lui dit avec douceur : Marie !Aussitôt que cette parole divine a frappé sonoreille, de nouveaux torrents de larmes jaillissentde ses yeux, et du fond de ses entrailles s'exhalentde nouveaux soupirs. Ô femme privilégiée, que sepassa-t-il dans votre esprit et dans votre cœur,lorsque, reconnaissant le divin Maître à sa voix,vous vous êtes prosternée en répondant à sonsalut : Rabboni ? Oh ! avec quelle intensitéd'affection et avec quelle ardeur de sentimentvous avez poussé cette exclamation ! Les sanglotsvous empêchent d'y rien ajouter, et l'émotionvous impose silence, parce que tous les sens devotre âme et de votre corps sont commeabsorbés par la véhémence de l'amour. » Lemême saint Docteur dit encore : « Dès que leSeigneur prononça le nom accoutumé de saservante, celle-ci distingua promptement la voixordinaire de son Maître bien-aimé ; car en cemoment elle goûta la suavité qu'elle éprouvaitchaque fois qu'elle s'entendait appeler par lui :Marie ! Ô voix délectable ! que de charmes tu

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renfermes, que d'affections tu inspires ! Un seulmot te suffit pour faire comprendre ce que tu eset ce que tu veux. Alors les larmes que répandaitMarie ne furent point arrêtées, mais plutôtchangées ; elles sortirent d'un cœur non plusdésormais oppressé par la douleur mais dilaté parla jubilation.

Quand Madeleine eut reconnu Jésus, elles'empressa de l'adorer en courant se jeter à sespieds ; elle voulait même les embrasser commeelle avait coutume de le faire. Ô sainte impatienced'une ardente dilection ! La vue et la conversationde son Bien-aimé ne lui suffisait pas, elle n'étaitpas contente qu'elle ne l'eût touché ; car elle savaitpar sa propre expérience que de lui émanait unevertu puissante, capable de guérir tous les maux.Mais le divin [61] Jardinier voulut faire germerune foi parfaite en cette âme si bien disposée, et ilessaya de l'élever vers les choses célestes par cesparoles mystérieuses : Ne me touche pas, car je ne suispas encore monté vers mon Père (Joan. XX, 17).Comme s'il lui disait : Je veux que tu me touchesspirituellement en m'estimant égal à mon Père, etnon point corporellement en me jugeant inférieurà lui ; mais parce que tu me pleures comme unpur homme, tu ne mérites pas de saisir de tesmains Celui que tu ne sais pas encore atteindrepar tes sentiments comme Dieu véritable ; car jene suis pas encore monté dans ton esprit jusqu'àmon Père, puisque tu me cherches dans le

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sépulcre parmi les morts. En d'autres termes : Tune seras digne de toucher mon corps vivant etglorieux que quand tu le croiras non point enlevépar des mains étrangères, mais ressuscité par mapuissance souveraine ; cette faveur te serajustement accordée, lorsque dans ta pensée jeserai élevé à la hauteur même de Dieu, commeétant son Fils coéternel et consubstantiel. « Ôdoux Jésus ! s'écrie saint Anselme, pourquoiéloignez-vous de votre personne adorable cellequi vous est si fortement attachée ? Eh quoi !Seigneur, semble-t-elle vous dire : M'empêcherez-vous d'embrasser ces pieds sacrés qui pour monsalut ont été percés de clous aigus et teints devotre sang précieux ? Seriez-vous devenu plussévère, parce que vous êtes maintenant plusglorieux ? Non, divin Maître, je me garderai biende vous quitter ; je ne cesserai de pleurer et degémir jusqu'à ce que vous me permettiez de voustoucher. Rassure-toi, semble répondre Jésus, lebonheur que tu ambitionnes ne t'est point refuséabsolument, il n'est que différé pour un temps. »A cause de l'inquiétude et de la tristesse trophumaine dont elle était accablée, Marie avait doncbesoin d'être préparée [62] graduellement àl'honneur d'approcher de la Sainteté suprêmepour traiter familièrement avec elle. Or, si cettesainte femme toute dévouée et très-chère à Jésus-Christ qui l'avait purifiée de toutes ses fautes, sicelle qui, après la Vierge-Mère, mérita la première

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visite du Sauveur ressuscité, ne fut pas encorejugée digne de baiser ses pieds sacrés, à plus forteraison est-il défendu aux Chrétiens souillés devices de prendre son divin corps, soit en l'offrantsur l'autel du sacrifice, soit en le recevant à latable de communion.

Après avoir consolé et réjoui Madeleine,Jésus ajouta (Joan. XX, 17) Va maintenant trouvermes frères les Apôtres ; et en les informant de maRésurrection, dis-leur que je monte vers Celui qui est àla fois mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu. Ilest mon Père, puisque je suis son Fils pargénération et par nature ; il est aussi votre Père,puisque vous êtes ses enfants par adoption et pargrâce. De plus, il est mon Dieu, parce que commehomme j'ai reçu de lui l'existence et que je lui doisà ce titre la soumission ; il est pareillement votreDieu, parce qu'il vous a retirés d'abord du néant etensuite de l'erreur ; je suis moi-même médiateurentre lui et vous. Comme s'il disait : bientôt vousme verrez monter au ciel. Ici Jésus-Christ parleévidemment comme homme ; car en tant queDieu il ne saurait être élevé davantage, puisqu'encette qualité il est infiniment supérieur à toutes lescréatures. En outre, s'il appelle les Apôtres sesfrères, c'est à cause de la ressemblance naturelle etde l'amitié spirituelle qu'il a daigné contracter aveceux par son humanité, c'est aussi parce qu'ils sontles enfants adoptifs de ce même Père dont il est lepropre Fils. D'après saint Sévérien, Jésus-Christ

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qualifie de frères ceux qu'il a choisis pour sesproches et ses parents selon la chair, ceux qu'il arendus par sa grâce [63] les enfants de son Père etles cohéritiers de son royaume, ceux auxquels il atémoigné spécialement son affection et satendresse. « Seigneur Jésus, dit saint Ambroise (incap, 24 Luc.), en devenant Fils de l'homme, vousavez voulu venir en ce monde sans quitter votrePère ; et vous êtes ainsi descendu pour nous surla terre, afin que, vous voyant extérieurement,nous vous reconnaissions intérieurement par lafoi. Montez donc aussi pour nous dans le ciel,afin qu'en cessant de vous apercevoircorporellement, nous puissions du moins voussuivre en esprit par l'ardeur de nos désirs. »

Contemplons un instant le divin Sauveur etsa digne servante ; ils goûtent le bonheur et la joiede se retrouver ensemble et de converser l'unavec l'autre, comme un ami avec son ami. Et c'estencore ici une grande Pâque, c'est-à-dire un grandpassage de la douleur à l'allégresse. Ainsi, aprèsavoir visité sa très-sainte Mère, Notre-Seigneurapparut premièrement à Marie-Madeleine, avant de semontrer à ses Apôtres ou à quelques autrespersonnes (Marc. XVI, 9). Selon la remarque desaint Jérôme (in cap. 16 Marc), s'il se manifestad'abord à celle dont il avait chassé sept démons,c'était sans doute pour signifier par là que lescourtisanes et les publicains précéderaient laSynagogue ou les Juifs endurcis dans le royaume

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des cieux, comme le larron pénitent y devança lesApôtres eux-mêmes. Or le lieu où le Sauveur sedécouvrit à Madeleine est à une distance dequinze pas du sépulcre. – Quant à nous, imitonsle zèle de cette femme admirable qui tout éploréecourt de grand matin rechercher son Maître bien-aimé, et qui mérite par sa ferveur extraordinairede le voir avant tous les autres disciples. À sonexemple, ne nous lassons point de rechercherconstamment le Seigneur avec larmes, [64] afinque, comme elle, nous puissions le rencontrerheureusement avec toutes sortes de consolations.

« Ayons les sentiments affectueux deMadeleine, dit Origène (Hom. X in diversos), etnous verrons nos désirs également satisfaits.Poussons vers Jésus-Christ des soupirsaccompagnés de larmes ; cherchons-le de toutnotre cœur, car il ne fait défaut à personne, et il semontre débonnaire à l'âme qui l'implore (Thren. III,25). Ô pécheur, apprends d'une femme autrefoispécheresse, à laquelle néanmoins furent remistous ses crimes, apprends d'elle à pleurerl'absence de ton Dieu et à désirer son retour entoi. A l'imitation de Madeleine, aime Jésus, espèreen lui, et cherche-le sans cesse. Qu'aucunedifficulté ne t'épouvante, que nulle prospérité nete séduise, méprise tout ce qui lui est étranger. Ledivin Maître qu'elle cherchait dans le sépulcre,cherche-le pareillement en ton cœur ; ôte la pierrequi en ferme l'entrée, c'est-à-dire fais disparaître

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ton endurcissement et ton incrédulité ; bannis decette demeure toute concupiscence et toutesouillure, puis examine avec grand soin s'il y estprésent. Si tu ne l'y trouves pas, reste dehors àgémir sans perdre confiance ; et considèreattentivement autour de toi, s'il ne se trouve pointquelque part ailleurs. Redoublant alors tes larmes,conjure-le d'approcher de toi et de venir en toifixer son séjour. Mais de crainte que ton orgueilne vienne à l'éloigner, humilie-toi profondément,et en t'abaissant regarde de nouveau dans lemonument que tu dois avoir préparé au Seigneuren toi-même. Si tu y aperçois deux Anges, placésl'un à la tête et l'autre au pied ; en d'autres termes,si tu découvres dans ton cœur certains désirscélestes par rapport à la vie contemplative ou à lavie active, sans que toutefois tu puisses encorecontempler et posséder Jésus, garde-toi de t'entenir là, mais continue [65] de l'appeler par tesgémissements jusqu'à ce qu'il daigne répondre àtes désirs. Si tu parviens à reconnaître et à sentirde quelque manière sa divine présence en toi,n'attribue point cette faveur à ton propre méritemais à sa seule bonté et à sa compassion pour tamisère ; prie-le et supplie le alors de se manifesterlui-même à toi de plus en plus. Si tu t'appliques àchercher le Sauveur avec de semblablesdispositions, tu ne manqueras point de letrouver ; il se montrera certainement à toi, sansque tu aies besoin de demander à personne où il

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est ; et tu pourras l'annoncer aux autres, en disantcomme Madeleine : J'ai vu le Seigneur, et il m'a parléde telle façon (Joan. XX, 18). » Ainsi s'exprimeOrigène.

Après avoir conversé quelques instants avecMadeleine, le Seigneur la quitta, lui disant qu'ilallait consoler d'autres personnes. Avant de partir,il bénit sa pieuse servante qu'il laissa ravie de joie ;dans l'élan de sa foi, elle alla rejoindre sescompagnes, et leur raconta tout ce qui venait delui arriver. Celles-ci, très-heureuses d'apprendre laRésurrection du Seigneur, regrettèrent vivementde ne pas encore l'avoir vu lui-même. Saisies decrainte et transportées d'allégresse, elles s'éloignèrentpromptement du sépulcre, et avec Madeleine ellescoururent porter ces nouvelles aux disciples (Matth.XXVIII, 8). Selon la Glose, deux sentimentsexcitaient ces saintes femmes à précipiter leurmarche, d'abord la crainte que leur inspirait lagrandeur du miracle récent, puis la joie que leurcausait la gloire du divin Maître.

Prière.Seigneur miséricordieux, très-doux Maître !

combien vous êtes plein de bonté et de suavitépour ceux qui vous [66] désirent et vousaffectionnent sincèrement ! Bienheureux ceux quicourent après vous et qui espèrent en vous ! Ouivraiment, vous chérissez ceux qui vous chérissent,et vous n'abandonnez point ceux quis'abandonnent à vous. Ainsi votre fidèle servante

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Madeleine qui vous cherchait avec empressement,vous a rencontré avec jubilation ; elle vous avaitdonné sa confiance, et vous ne lui avez pointrefusé votre assistance ; elle a même obtenu devous plus de faveurs qu'elle n'attendait. Animépar son exemple, je vous en supplie, Seigneur,faites que je vous aime, afin de mériter que vousm'aimiez ; apprenez-moi à vous chercher, afinque je puisse vous trouver ; accordez-moi detoujours espérer en vous, afin que vous ne medélaissiez jamais. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXIII. JÉSUS APPARAÎT AUX TROIS

MARIE. (Matth. XXVIII, 9-10.)

Pendant que les trois Marie, revenant dusépulcre, cheminaient ensemble vers la cité, Jésuss'offrit à leurs yeux étonnés. Selon la remarque desaint Jérôme (in cap. 28 Matth.) « elles couraienttrouver les Apôtres, afin que par eux la semencede la foi fût répandue dans tout l'univers. » Maiselles marchaient avec tant de vitesse pourannoncer la Résurrection, et elles avaient cherchéle Seigneur avec un tel empressement qu'ellesméritaient bien de le rencontrer [67] dans le trajet.Par cette nouvelle apparition, d'après RabanMaur, le Sauveur voulut montrer comment ilvient en aide à tous ceux qui désirent progresserdans le chemin de la vertu, afin qu'avec sonsecours ils puissent arriver au bonheur éternel.Jésus donc, pour ranimer leur courage et dissiper

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leur tristesse, se présenta devant elles en leur disantavec une douce bonté : Je vous salue (Ave). Ainsipar l'heureuse inversion d'un seul mot, ilchangeait Eva en Ave. Et suivant saint Jérôme(loc. cit.), « par cette formule de bénédiction qu'iladressait tout d'abord à de pieuses femmes, leSauveur ressuscité les affranchissait de la sentencede malédiction fulminée jadis contre leurpremière mère. » Remplies d'une allégresseineffable et éclairées d'une foi vive, elless'approchèrent de leur divin Maître ; car, comme ledéclare l'Apôtre (Hebr. XI, 6), pour s'approcher deDieu il faut croire premièrement qu'il existe. Puis afinde témoigner leur profonde vénération enversson humanité sainte qu'elles voyaient, ellesembrassèrent ses pieds, et certaines alors de saRésurrection glorieuse, elles l'adorèrent lui-mêmecomme vrai Dieu, en professant par ce cultesuprême qu'elles reconnaissaient l'auguste Trinité(Matth. XXVIII, 9). En ce moment Madeleine,ravie de toucher le Sauveur, obtint la faveur quilui avait été différée, tant qu'elle cherchait commemort dans le tombeau Celui qui en était sortivivant.

« Mes frères, dit à ce propos saintChrysostôme (Hom. 90 in Matth.), quelqu'un devous désirerait peut-être se trouver à la place destrois fortunées Marie, afin de tenir et de baiseraffectueusement les pieds sacrés de Jésus ; ehbien ! vous pouvez tous dès maintenant, si vous le

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voulez, presser sur vos lèvres non-seulement sespieds, mais encore ses mains et sa têtesouverainement respectable, pourvu que [68]vous participiez avec une conscience pure auxredoutables mystères de l'autel. Bien plus, si vousvous appliquez avec un zèle constant aux œuvresde miséricorde, vous mériterez de le voir danstoutes les splendeurs de sa majesté au joursolennel où, accompagné d'Anges innombrables,il viendra juger l'univers ; et vous entendrez alorsde sa propre bouche ces paroles à jamaisconsolantes : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père,recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès lecommencement du monde (Matth. XXV, 34). » –Nousvoyons en ce trait de l'Évangile le moyen quenous devons employer pour obtenir sûrement lepardon de nos fautes ; c'est d'aller par deferventes prières nous prosterner aux pieds duSauveur en considérant son humanité sainte, car ilfaut le prendre de ce côté d'abord, afin deparvenir jusqu'à la divinité elle-même. Ainsi donc,approchons-nous de lui par les lumières de la foi,attachons-nous à lui par les liens de la charité, etadorons-le en lui rendant les hommages qui luisont dus comme au souverain Seigneur. Imitonsde la sorte les saintes femmes, joyeuses decontempler et d'entendre leur bon Maître, aveclequel elles font une Pâque délicieuse et célèbrentune grande fête. Jouissons de son aimableprésence, tant que nous pouvons ; et sans que ni

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le sommeil ni le tumulte extérieur puissent nousen éloigner ou distraire, répétons avec l'Épousedes Cantiques (III, 4) : Je l'ai saisi, et je ne le laisseraipoint aller.

Pour les rassurer tout à fait, Jésus leur ditencore : Ne craignez point car la frayeur qui les avaitsaisies n'était point entièrement dissipée. Allezannoncer à mes frères qu'ils se rendent en Galilée ; c'est làqu'ils me verront (Matth. XXVIII, 10). Selon laremarque de saint Jérôme (in hunc locum), leSeigneur convoque ses disciples, non point enJudée mais en Galilée, au milieu des peuples [69]infidèles, parce que la grâce devait passer des Juifsaux Gentils, et que lui-même, eu précédant sesApôtres dans le pays indiqué, allait préparer lescœurs à la recevoir. Ici comme plus haut, Jésusappelle les Apôtres ses frères, soit pour leurmarquer plus de tendresse et d'affection, et leurinspirer plus d'amour et de confiance, soit afinqu'ils ne craignissent point de revenir après leurlâche défection, et qu'ils pussent rendretémoignage à sa glorieuse Résurrection. RabanMaur dit à cette occasion : « La véritable fraternitéconsiste à traiter nos frères avec respect et à lesreprendre avec douceur, à les obliger quand ilssont présents et à ne point les dénigrer quand ilssont absents, à se réjouir de leurs prospérités et àles assister dans leurs infirmités, enfin à ne pointprovoquer leur emportement. » En parlant desApôtres, l'Ange les avait qualifiés de disciples par

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un juste honneur pour le divin Maître ; Celui-cinéanmoins les qualifie de frères par un motif decharité et de modestie. Il apprenait de la sorte auxsupérieurs à montrer de la bienveillance et de ladéférence envers leurs subordonnés,conformément à cet avis de l'Esprit-Saint : Vousa-t-on établi pour diriger les autres ? n'en soyez pointorgueilleux ; regardez-vous comme leur semblable (Eccli.XXXII, 1). Bien que souverain Seigneur, Jésus necessa jamais de pratiquer l'humilité, à laquelle ilresta fidèle durant toute sa vie, même après samort et jusqu'après son ascension. Ne l'avons-nous pas vu, la veille de sa Passion, laver les piedsà ses disciples et au traître Judas ? En sesoumettant au supplice infâme de la croix, nes'est-il pas mis au rang des scélérats ? Après êtresorti triomphant du tombeau, n'a-t-il pas donné ledoux titre de frères à ses disciples qui l'avaienthonteusement abandonné lors de sonarrestation ? N'était-il pas déjà monté au ciel,lorsqu'il [70] interpellait comme son égal l'ennemiacharné des Chrétiens, en lui disant : Saul, Saul,pourquoi me persécuter ! Et dans cette circonstance, ilne se nomma point Dieu, mais simplement Jésus leNazaréen (Act. XXII, 7 et 8). Enfin, au jour dujugement, lorsqu'il siégera sur le trône de sagloire, il s'exprimera encore de cette manièremodeste : Tout ce que vous avez fait à l'un de mesmoindres frères, c'est à moi-même que vous l'avez fait(Matth. XXV, 40). Assurément, ce n'est point

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sans raison que le Sauveur aima tant l'humilitéjusqu'à la recommander de toutes façons et parses paroles et par ses exemples ; car si on neprend cette vertu comme fondement, c'est envain qu'on essaie de construire ou d'éleverl'édifice des autres vertus. Ainsi ne faites aucunfond sur la chasteté, sur la pauvreté volontaire, nisur quelque bonne œuvre que ce soit, si elle nerepose sur la base nécessaire de l'humilité.

Marie-Madeleine, en compagnie des deuxautres Marie, alla donc trouver les disciples qui étaientplongés dans le deuil et l'affliction (Marc. XVI, 10) ;elle leur porta la bonne nouvelle en disant : j'ai vule Seigneur et il m'a chargée de vous en avertir (Joan.XX, 18). Ces saintes femmes remplissent ici lesfonctions d'évangélistes et deviennent les apôtresdes Apôtres, en se hâtant de leur annoncer dès lematin les merveilles que le Seigneur venaitd'opérer en sa miséricorde. Ainsi quiconquecomprend bien les choses utiles doit lestransmettre aux autres, suivant cette prescriptionde l'Apocalypse (XXII, 17) : Que celui qui entenddise aussi : Venez. Madeleine qui, comme la plusempressée de visiter le saint sépulcre, mérita lapremière de voir son Maître ressuscité, représentetoute personne qui, par son vif désir de savoir lavérité divine, mérite d'en acquérir une claireconnaissance ; à l'exemple de Madeleine, cette[71] personne zélée doit instruire les autres desvérités salutaires quelle a pu découvrir, autrement

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elle encourrait un juste reproche pour n'avoirpoint fait fructifier le talent reçu. Apprenons delà, dit le Vénérable Bède (in Joan.) que tous quique nous soyons, mais principalement si noussommes prédicateurs ou pasteurs, nous sommesobligés de communiquer au prochain les lumièrescélestes dont Dieu daigne nous favoriser.

Admirons ici la bonté miséricordieuse duSeigneur envers le sexe féminin. La femme reçoitla première nouvelle de la Résurrection, et par safidélité à remplir l'ordre qui lui est intimé ellerépare l'antique erreur de la prévarication. D'aprèssaint Grégoire (Hom. 25 in Evang.) « la femmedans le paradis avait communiqué la mort àl'homme, mais en revenant du sépulcre elleannonce la vie aux hommes ; elle qui avaittransmis le conseil pernicieux du démon rapportemaintenant l'avis salutaire du Rédempteur ; enpersuadant la désobéissance elle avait ouvert laporte de l'enfer, en proclamant aujourd'hui laRésurrection elle montre la porte du ciel. De cettefaçon. Dieu semble dire à l'humanité déchue : dela main qui vous présenta jadis le poison fatalrecevez l'antidote assuré. » En effet, selon saintAugustin (Serm. 144 de tempore) la femmeproposait la damnation à l'homme dans le jardinde délices, mais ensuite des femmes révélèrent lesalut aux hommes dans l'Église ; car ellesapprirent la Résurrection du Sauveur aux Apôtresqui la publièrent parmi toutes les nations. Ainsi

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donc, suivant saint Ambroise (in cap. 24 Luc.) « lafemme induite la première au mal fut aussi initiéela première au remède ; elle qui avait goûté le fruitde perdition avant l'homme vit avant lui leprodige de la réhabilitation. Et pour ne pas porterl'opprobre d'une [72] culpabilité perpétuelledevant l'homme, la femme qui l'avait renducomplice de sa faute le rendit participant de sagrâce ; car par l'annonce de la Résurrection ellecompensa le malheur de la chute originelle, ensorte qu'après avoir été l'occasion de notre ruineelle devint la messagère de notre réparation. »« Heureuses, s'écrie le Vénérable Bède, heureusesles trois Marie, choisies pour notifier d'abord letriomphe de la Résurrection et la victoireremportée par le Christ sur la mort qu'Èveséduite par le serpent avait introduite dans lemonde ! Plus heureuses encore seront au jour dujugement toutes les âmes tant des hommes quedes femmes qui, par leur fidèle correspondance àla grâce divine, auront mérité d'être affranchiesdes liens de la mort et admises aux joies de larésurrection glorieuse, tandis que les réprouvéssaisis d'effroi seront condamnés au suppliceéternel ! »

La femme, chargée de porter la bonnenouvelle aux Apôtres, tient ici la place de l'Églisedont elle est la figure. Elle n'exerce point cettemission extraordinaire en qualité de simplefemme, car le ministère de la prédication est

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réservé aux hommes ; aussi saint Paul défend auxpersonnes du sexe d'enseigner publiquement dansl'assemblée des fidèles (I Cor. XIV, 31 et 35).Néanmoins, la première messagère de laRésurrection fut justement Marie-Madeleine, queJésus-Christ avait autrefois délivrée des septdémons qui la tourmentaient, c'est-à-dire de tousles vices et de tous les péchés dont elle s'étaitsouillée précédemment. Ainsi, où le péché avaitsurabondé la grâce parut surabondante. De cetexemple mémorable apprenons qu'aucun pénitentsincère ne doit désespérer d'obtenir un pardoncomplet, quels que soient ses crimes antérieurs ;car celle qui était tombée si bas, nous la voyonsélevée [73] tout-à-coup jusqu'à devenir l'apôtredes Apôtres pour leur annoncer le miracle de laRésurrection. Apprenons encore à ne pointprésumer de notre propre innocence et à ne pointmépriser les plus grands coupables ; car avec lesecours tout-puissant de la grâce divine lepécheur peut devenir meilleur que le juste ;d'ailleurs le juste lui-même n'est point garanti detoute chute, mais le mal se change en bien pourles élus du Seigneur.

Prière.Ô Jésus, l'auteur de notre rédemption et de

notre salut, l'objet de nos affections et de nosvœux, après être ressuscité d'entre les morts, vousvous êtes bénignement offert aux yeux ravis despieuses femmes qui revenaient du sépulcre où

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elles vous avaient cherché sans vous trouver. Jevous cherche aussi moi sur cette terre sans vous yrencontrer, ô doux Maître que mon âme chéritpar-dessus tout ! veuillez enfin vous montrer àmoi qui désire ardemment de vous contemplercomme le Fils unique de Dieu le Père. Si cebonheur inestimable ne m'est point accordé en cemonde, du moins qu'il ne me soit pas refusé dansl'autre. Au dernier jour de la résurrectiongénérale, daignez m'apparaître avec un visagepropice, afin que, dans la compagnie de vosfidèles élus, je puisse jouir éternellement de votredélicieuse présence. Ainsi soit-il. [74]

CHAPITRE LXXIV. AVEU, PUIS MENSONGE DES GARDES AU SUJET DE LA RÉSURRECTION. (Matth. XXVIII, 11-15.)

Après que les saintes femmes se furentéloignées pour remplir leur joyeux message,quelques-uns des gardes, surpris des prodiges qu'ilsavaient observés au sépulcre, allèrent en ce mêmejour à la ville de Jérusalem ; et ils racontèrent auxprinces des prêtres qui les avaient a postés ce qui étaitarrivé au moment de la Résurrection (Matth.XXVIII, 11). Bon gré, mal gré, en déposant de cequ'ils avaient alors vu et entendu, ils assurèrentque Jésus était sorti du tombeau et que parconséquent il avait triomphé de la mort. En effet,selon saint Chrysostôme (Hom. 91 in Matth.), lamerveilleuse apparition des Anges ainsi que le

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violent tremblement de terre avaient eu lieu en cemoment solennel, afin que les soldats effrayésrendissent un témoignage irrécusable à la vérité ;car elle ne paraît jamais plus manifeste que quandelle est divulguée par ses ennemis eux-mêmes.C'est ce qui arriva en cette circonstance, lorsqueles sentinelles vinrent faire leur rapport aux chefsdes Juifs. Remarquons ici comment ceux quiveulent entraver les desseins de la divineProvidence ne font qu'en accélérerl'accomplissement contre leur propre intention.Ainsi, jadis les frères de Joseph qui l'avaientvendu pour ne pas être obligés de l'adorer,comme il le leur avait prédit, furent précisémentcontraints de l'adorer parce qu'ils l'avaient vendu.De même aussi, les princes des prêtres pouranéantir le nom du Christ avaient eu soin deplacer à son [75] tombeau des gardes qui, enconstatant le miracle de sa Résurrection,proclamèrent la gloire de son nom.

Souvent, dit à cette occasion Raban Maur (incap. 28 Matth.), les gens simples et grossierslaissent éclater sans déguisement la vérité, tandisque les grands et les politiques s'efforcentd'accréditer la fausseté par de spécieux artifices.En effet, après la déclaration des gardes, la malicedes chefs ne se donna point de repos. Les princesdes prêtres s'assemblèrent aussitôt avec les anciens dupeuple pour empêcher que la Résurrection duChrist fût publiée ; et ils prirent le parti de donner aux

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soldats une grosse somme d'argent, en leur recommandantde dire : Ses disciples survenus la nuit ont enlevé son corps,pendant que nous étions plongés dans le sommeil (Matth.XXVIII, 12 et 13). « Aveugles et insensés quevous êtes ! s'écrie Remi d'Auxerre (in Matth.)vous produisez comme témoins de l'enlèvementdes hommes qui dormaient ! S'ils dormaientvraiment, comment ont-ils pu le remarquer ? S'ilsne l'ont pas vu, comment peuvent-ils l'attester ?Mais s'ils l'ont vu pourquoi ne s'y sont-ils pasopposés comme ils le devaient ? » – « Une telleallégation est une imposture évidente, dit saintChrysostome (Hom. 91 in Matth.). Comment desdisciples pauvres, inhabiles et qui n'osaient pasmême se montrer publiquement, auraient-ils tentéde ravir par ruse ou violence le corps de leurMaître ? Tandis que le Christ vivait encore, ilsl'avaient abandonné lors de son arrestation ;comment donc après sa mort auraient-ilsaudacieusement affronté la troupe armée quigardait le sépulcre ? Auraient-ils pu, sansoccasionner de bruit ni rencontrer de résistance,pénétrer dans le tombeau qui était fermé d'unepierre énorme et muni du sceau public ? Ainsi, lessuppositions imaginées pour expliquerl'enlèvement du corps sont [76] invraisemblables,et les mensonges inventés pour obscurcir la véritéde la Résurrection la rendent plus éclatante. Carprétendre que le corps avait été enlevé, c'étaitavouer qu'il avait disparu réellement ; mais cette

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disparition ne provenait point d'un enlèvementque la pusillanimité des disciples et la vigilancedes gardes rendaient impossible et incroyable. »

Néanmoins par une telle calomnie, les Juifsperfides cherchaient non-seulement à décrier leMaître, mais encore à perdre les disciples, en lesfaisant passer pour des voleurs. Dans le sensspirituel, ces disciples ont été effectivement desravisseurs ; car ils ont soustrait à la profanation dela Synagogue les livres saints du Nouveau et del'Ancien Testament qu'ils ont transférés à l'usagede l'Église. Lorsque les Juifs obstinés dans leurincrédulité étaient comme endormis durant lanuit, les Apôtres leur ont retiré le Sauveur qui leuravait été promis, et ils l'ont confié aux Gentils quien sont devenus les possesseurs. Ainsi, selon laremarque de saint Sévérien, le Maître que lessoldats ont laissé échapper et que les Juifs ontperdu, les disciples et les Chrétiens l'ont pris etretenu, non point par crime, fraude ou larcin,mais par la foi, la vertu et la sainteté dont ils ontfait profession.

Après avoir entendu leurs délégués rapportertant de prodiges, les chefs si criminels auraient dûrevenir à de meilleurs sentiments, dit saint Jérôme(in cap. 28 Matth.) mais au lieu de chercher Jésusressuscité, ils persévérèrent dans leur maliceinvétérée. Déjà pour acheter son sang et sa vie ilsavaient remis trente deniers à Judas ; maintenant,ils donnent une forte somme aux gardes pour

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détruire sa gloire et sa réputation. Cet argent neprovenait point de leurs bourses, mais du trésordu temple qu'alimentaient les offrandes despauvres. Ainsi beaucoup sont prodigues [77] desbiens communs qu'ils administrent, et très-avaresdes biens propres qu'ils possèdent ; ils ménagentce qui est à eux, et n'épargnent point ce qui neleur appartient pas spécialement. A ces scribes età ces prêtres prévaricateurs qui payaient lemensonge et la trahison ressemblent tous ceuxqui emploient à satisfaire leurs passions ou leurscaprices l'argent destiné à l'entretien des églises etau soulagement des indigents, tous ceux aussi quitravaillent avec de grands frais et de grandsefforts à renverser ou étouffer la vérité, comme lefont tant d'astucieux avocats et de docteursambitieux. « Ne soyons pas étonnés, dit saintChrysostôme (Hom. 91 in Matth.) si l'argent a puséduire les sentinelles du sépulcre ; n'avait-il pasdéjà réussi à pervertir un disciple du Seigneur ? Iln'y a point de secret qu'on ne puisse pénétrer nid'obstacle qu'on ne puisse surmonter au moyende l'argent. De là cette maxime du Sage : il n'y apoint d'iniquité que ne fasse commettre l'amour du gain(Eccli. X, 10). » – « Ô détestable avarice ! s'écrieRaban Maur (in Matth.) tous les cœurs honnêtesdoivent te fuir comme la peste la plus dangereuse,car il n'est rien que tu ne puisses infecter etcorrompre. N'est-ce pas toi qui as perdu le genrehumain ? toi qui d'un Apôtre as fait un infâme

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apostat ? toi qui as rendu calomniateurs lessoldats témoins de sa Résurrection ? Aussi n'a-t-on pas dit justement ? Tout obéit à l'argent (Eccl. X,19). » Ô combien ces Juifs et ces gardes iniquestrouvent encore aujourd'hui d'imitateurs, surtoutparmi les grands et les puissants du siècle, quis'appliquent à suborner les autres et se laissentgagner eux-mêmes à force d'argent ! Attachésqu'ils sont aux biens temporels et périssables, ilsespèrent vainement que leurs âmes pourrontreposer en paix et ressusciter avec gloire à la suitedu Sauveur. [78]

Les gardes soudoyés firent ce qu'on leur avaitcommandé (Matth. XXVIII, 15) pendant que nousdormions, répétèrent-ils, les disciples de Jésus ontdérobé le corps de leur Maître. Mais l'iniquité setrahit elle même en cette circonstance, comme ilarrive souvent (Ps. XXVI, 12) car l'avarice dessoldats corrompus, ainsi que celle du traître Judas,tourna à leur propre confusion. En achetant ainsià grand prix leur fausse déposition, dit RabanMaur, les Juifs tombèrent eux-mêmes dans unefuneste erreur qui les empêche encored'embrasser la foi chrétienne. Bien que dénué detoute vraisemblance, ce bruit d'un enlèvementnocturne est demeuré répandu parmi eux jusqu'à présentde sorte qu'en s'obstinant à nier la Résurrectiondu Sauveur ils continuent de subir la juste peinede leur première perfidie. Cependant la calomniedivulguée dans la multitude ne prévalut point

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dans tous les esprits, parce que le mensonge desgardes fut aussitôt combattu victorieusement parle témoignage des défunts rappelés à la vie.

En effet, comme l'Évangile nous l'apprend(Matth. XXVII, 52-53) plusieurs corps des Saints quiétaient morts ressuscitèrent après Jésus-Christ, et sortantde leurs tombeaux vinrent dans la ville sainte, àJérusalem. Celte ville est appelée sainte pour ladistinguer des cités païennes où l'on adorait lesidoles, car elle seule renfermait avec le Saint dessaints un temple consacré au culte légitime duvrai Dieu ; ou bien encore, elle est ici nomméesainte pour indiquer ce qu'elle avait étéprécédemment, de même que saint Matthieu estqualifié de publicain même après être devenuapôtre (Matth. X, 3), Selon saint Chrysostôme(Hom. 91 in Matth.) ces morts ressuscitésentrèrent à Jérusalem pour rendre inexcusablel'incrédulité de ses habitants en confirmant lacertitude de la Résurrection. La [79] divineProvidence le permit ainsi, afin de prouver contreles Juifs et les gardes infidèles que Jésus-Christétait vraiment ressuscité comme les prémices d'entreles morts (I Cor. XV, 20). Ces saints personnagesétaient peut-être ceux qui avaient demandé d'êtreensevelis dans la Terre promise pour ressusciteravec le Sauveur, comme on le lit dans uncommentaire sur l'Épître aux Hébreux. Quoi qu'ilen soit, ils se montrèrent à plusieurs à ceux sans doutequi étaient plus dignes et mieux disposés, mais

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non point à tous sans distinction ; car cetterésurrection n'était point générale, comme le seracelle à laquelle assisteront les bons et lesméchants. Si on en croit l'Évangile desNazaréens, deux de ces saints personnages,décédés depuis plus de quarante ans, apparurentce jour-là même dans le temple ; et ils racontèrentcomment les âmes dans les limbes tressaillirentd'allégresse et comment les démons dans lesenfers frémirent de rage, quand Jésus-Christdescendit jusqu'à leurs demeures souterraines.

Par les circonstances de sa Résurrection, ditsaint Grégoire (Moral, lib. 14), le Seigneur a vouluéclairer notre ignorance et fortifier notre faiblesse.S'il était ressuscité seul, notre résurrection futureaurait pu nous sembler douteuse ; car noussommes de purs hommes, tandis qu'il est lui-même un Homme-Dieu. Mais en voyant desimples mortels ressuscités en même temps quelui, notre propre résurrection doit nous paraîtrecertaine. D'après saint Léon (Serm. deResurrect.), ce qui s'est opéré jadis dans les corpsqui ressuscitèrent avec le Sauveur doit s'opérermaintenant dans les cœurs ; car les hommes quigisent comme ensevelis dans leurs sépulcres dechair doivent lever les obstacles qui s'opposentaux progrès de l'esprit et montrer dans la Citésainte ou l'Église de Dieu les [80] signesprécurseurs de leur résurrection bienheureuse.

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Par ce qui précède, apprenons combiengrande fut la malice des Juifs qui ne cessèrent depersécuter Jésus-Christ même après sa mort, etcombien aussi fut grande la bonté du Sauveur qui,malgré leur endurcissement, mit tout en œuvrepour les attirer à lui et procurer leur salut. Al'exemple de notre divin Modèle, efforçons-nousde rendre le bien pour le mal, en nous montranttoujours charitables et indulgents à l'égard mêmede ceux qui nous chargent d'injures et demalédictions.

Prière.Seigneur Jésus, en considérant que, pour

empêcher la renommée de votre Résurrection, lesJuifs ont donné une forte somme d'argent auxgardiens de votre tombeau, je vous supplie de nepas permettre que l'argent serve à me corrompreou que je l'emploie à corrompre les autres ; nesouffrez pas que pour des biens temporels etpérissables je commette jamais d'injustices ou depéchés ; mais accordez-moi de rester toujoursfidèle à la vérité, afin qu'elle me délivre de toutmal. À l'exemple des saints personnages quiressuscitèrent aussitôt après vous, afin de vousrendre témoignage par leur apparition sur la terre,miséricordieux Sauveur, faites que je vive demanière à vous rendre témoignage ici-bas par mesparoles et mes œuvres ; qu'ainsi je mérite departiciper un jour à votre triomphanteRésurrection avec tous les élus, et de me réjouir

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éternellement avec eux dans votre célesteroyaume. Ainsi soit-il. [81]

CHAPITRE LXXV. JÉSUS APPARAÎT À PIERRE, À JOSEPH D'ARIMATHIE, À JACQUES ET AUX SAINTS PÈRES.

Lorsque les saintes femmes en compagnie deMarie-Madeleine furent arrivées à la maison oùles disciples étaient assemblés, elles leurrapportèrent comment elles avaient vu le Sauveurressuscité. Pierre, attristé de n'avoir point obtenucette insigne faveur, ne put rester en repos ; etentraîné par son ardente affection, il sortit pourchercher son divin Maître. Ne sachant où ilpourrait le rencontrer, il se dirigea seul vers lesépulcre. Soudain, à un moment et à un endroitque l'Évangile ne détermine point, le Seigneurapparut à Simon (Luc. XXIV, 34). A cette vue,l'Apôtre humblement prosterné lui demandapardon de l'avoir abandonné lâchement et reniémême plusieurs fois. Le Sauveur lui remit toutesses fautes avec une touchante bonté, et le rassuraen lui recommandant de confirmer aussi sesfrères affligés. Ô colloque admirable ! quellesdélicieuses paroles furent échangées de part etd'autre en cette conversation remplie de la joiepascale !

De tous les hommes que mentionnent lesAuteurs sacrés, saint Pierre fut le premier à qui leSeigneur daigna se manifester. 1° C'était pour

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récompenser d'abord celui qui le premier avaitproclamé la divinité du Christ ; 2° c'était pourrelever avant tout par la certitude de laRésurrection celui que la crainte de la Passionavait fait tomber plus profondément ; 3° pourconsoler son amour pénitent, en l'assurant de vivevoix que son triple renoncement était pardonné ;[82] 4° pour confirmer par cette marqued'honneur la prééminence qu'il avait reçue surtous les autres ; 5° pour lui apprendre avec quellecharitable indulgence lui-même devait traiter sessujets repentants, quelque criminels qu'ilsfussent ; 6° pour inspirer à tous les pécheurs unevive confiance à l'égard de la miséricorde divinequi ne rejette point les coupables sincèrementcontrits ; 7° d'après saint Chrysostôme (Hom. 38in Epist. I ad Corint.), c'était pour répandre d'unemanière progressive la semence delà foi dans lescœurs. Ainsi Jésus-Christ ne se montra pointd'abord à tous les Apôtres ensemble, mais à leurChef en particulier ; car il voulait que celui-ci,honoré comme le plus digne de sa première visite,préparât les autres par son témoignage irrécusableà jouir bientôt d'une pareille faveur. LorsquePierre eut reçu la bénédiction du Seigneur, ilrevint trouver ses collègues réunis avec la sainteVierge, et leur raconta tout ce qui s'était passé.Désormais inébranlable dans la foi, il demeurafidèle à Dieu jusqu'à la mort qu'il souffrit pourson nom. Saint Pierre, dont le nom signifie

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obéissant, est le type et le modèle des Chrétiensqui, par leur soumission parfaite, méritent derecevoir en leurs âmes la visite privilégiée deJésus-Christ.

Quand le Sauveur eut quitté le Prince desApôtres, il apparut à Joseph d'Arimathie qui luiavait donné la sépulture. Voici ce que nous lisonsà ce sujet dans l'Évangile des Nazaréens. Enapprenant qu'après avoir demandé à Pilate lapermission d'enlever le corps de Jésus, Josephl'avait transporté honorablement dans le tombeauconstruit pour lui-même, les Juifs furent saisisd'indignation. Dès le soir même de la Passion, ilss'emparèrent de sa personne, et l'enfermèrentdans une étroite prison où ils l'attachèrent a unecolonne. Ils voulaient le tuer après le sabbat ;mais [83] le jour même de la Résurrection, leSauveur vint le consoler. Essuyant les larmes quicoulaient de ses yeux, il l'embrassa tendrement ;et, après l’avoir fait sortir de prison sans brisermême les sceaux apposés sur la porte, il leconduisit à Arimathie dans sa propre demeure.Admirons ici la conduite du Sauveur qui n'oubliepoint et n'abandonne jamais ses amis et sesserviteurs ; quand ils sont dans les peines et lesafflictions, il vient toujours à temps pour lessecourir et les délivrer, comme le fait remarquersaint Chrysostôme. Nicodème qui avait aidé àensevelir Jésus-Christ parvint aussi à, éviter lafureur des Juifs en se cachant plusieurs jours.

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Joseph, sou illustre associé, dont le nom signifieaccroissement ou augmentation, est le type ou modèledes Chrétiens qui, par leur persévérance dans lapratique des bonnes œuvres, se rendent dignes derecevoir également la visite du Sauveur.

Comme nous l'apprend saint Paul (I Cor.XV, 7), le Seigneur apparut ensuite à saint Jacquesle mineur. En effet, selon que saint Jérôme lerapporte (de Viris illust.), ce disciple dévoué avaitjuré de ne prendre aucune nourriture jusqu'à cequ'il eût vu son Maître ressuscité d'entre lesmorts. Aussi Jésus, se présentant à lui, dit auxassistants : Dressez la table et préparez le repas ;prenant alors du pain, il le bénit et le rompit ; puisil l'offrit à Jacques, en lui disant : Mon frère,mange maintenant, parce que le Fils de l'hommeest sorti du tombeau. Ainsi ce fervent discipleéprouvait une plus grande faim du pain surnaturelqui est Jésus-Christ que du pain matériel ; aussimérita-t-il d'être rassasié de l'un et de l'autre toutà la fois pour son entière satisfaction. LeSeigneur, en effet, ne laisse point succomberd'inanition ceux qui ont faim de lui, ou à cause delui ; mais il sait leur fournir les secours nécessairesen temps [84] opportun, et il comble de sessaintes bénédictions ceux qui mettent en luitoutes leurs espérances. Saint Jacques, dont lenom est synonyme de lutteur, représente lesChrétiens qui, en résistant avec courage aux

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tentations, méritent d'être visités particulièrementdu Sauveur.

Quand le Seigneur daigne se manifester dequelque façon à une âme pieuse, il ne se retirepoint sans la consoler et l'instruire d'une manièresalutaire ; nous en voyons des preuves sensiblesdans les diverses apparitions qui suivirent sasortie du tombeau. En effet, s'il se découvred'abord triomphant et joyeux à sa très-sainteMère, souverainement affligée de sa mort maisassurée de sa Résurrection, c'est pour la délivrerde toute tristesse et la remplir d'une allégresseineffable. S'Il se présente sous la figure d'unjardinier à Madeleine inquiète et éplorée, c'estpour tarir ses larmes en l'appelant par son nompropre Marie, puis pour lui intimer des ordres enlui disant avec douceur : Va trouver mes frères, afinde leur déclarer que je monte vers mon Père. S'il s'offreaux trois saintes femmes qui, saisies de stupeur,revenaient ensemble du sépulcre, c'est pourrelever leur courage en leur disant avec bonté : Jevous salue, ne craignez point, puis pour leurcommuniquer sa volonté en ajoutant : Allezannoncer à mes frères qu'ils se rendent en Galilée ; là ilsme verront. S'il se montre sous la forme d'unpèlerin aux deux disciples qui vont à Emmaüs,c'est pour leur expliquer les Écritures et échaufferleurs cœurs en conversant et mangeant avec euxcomme un compagnon de voyage et de table. S'ilse révèle enfin en sa propre forme aux Apôtres

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réunis, c'est pour confirmer leur foi et ranimerleur confiance par ces paroles familières : La paixsoit avec vous. N'ayez pas peur, c'est moi. Voyez mespieds et mes mains etc. Alors il éclaira leur [85]intelligence afin qu'ils comprissent les Écritures. C'estainsi que Dieu console et instruit encoreaujourd'hui ses amis qu'il daigne visiter par sagrâce. Or nous pouvons mériter cette divinefaveur par les sentiments de crainte respectueuse,les larmes de dévotion, la patience au milieu desépreuves, l'amour des humiliations, la fuite desjouissances terrestres et la considération desrécompenses éternelles.

Cependant, depuis sa Résurrection, leSauveur n'avait point encore visité les saints Pèresqu'il avait laissés dans le paradis de délices aprèsles avoir retirés des limbes, comme nous l'avonsdit. Accompagné de tous ses Anges, il alla doncles trouver. A la vue de leur divin Libérateurrevêtu de son humanité glorieuse, ces Saintsfurent remplis d'une indicible jubilation :Entonnant leurs hymnes d'action de grâces, ilss'avancèrent à sa rencontre et se prosternèrent ensa présence pour l'adorer avec une profondehumilité ; puis se relevant, ils entourèrent de leuraffectueuse vénération Celui qu'ils honoraientcomme le Rédempteur si longtemps désiré. Oh !qui pourrait concevoir et décrire leurs joyeuxtransports et leurs concerts ravissants !Bienheureux ceux qui assistèrent à cette

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solennelle réception, ou du moins ceux qui yparticipent en quelque manière ! Unissez-vous,autant que vous le pourrez, à cette triomphanteassemblée ; mêlez vos faibles voix à leurscantiques harmonieux, ou du moins écoutez-lesde loin pour bénir intérieurement le Seigneur aveceux.

Prière.Seigneur Jésus, faites que je sois obéissant

comme saint Pierre pour accomplir vospréceptes, mortifié comme saint [86] Jacquespour combattre mes vices, zélé comme le nobleJoseph pour progresser dans la vertu etpersévérer dans le bien ; et de même, que vousavez daigné apparaître à ces illustres personnagesdans l'affliction où ils étaient plongés, veuillezaussi me visiter souvent par votre grâcemiséricordieuse. A l'exemple des anciens justesqui furent comblés d'allégresse par votre présencequand ils virent la gloire de votre Résurrection,puissé-je goûter éternellement dans lacontemplation de votre Majesté le bonheurineffable dont ils jouissent dès maintenant auciel ! Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXVI. JÉSUS APPARAÎT À DEUX DISCIPLES D'EMMAÜS. (Luc. XXIV, 13-35.)

Le jour même de la Résurrection, deux dessoixante douze disciples, sortis de Jérusalem, serendaient au bourg d'Emmaüs, éloigné de la ville de

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soixante stades, c'est-à-dire de sept mille cinq centspas, environ deux ou trois lieues (Luc. XXIV, 13).Saint Luc nous apprend que l'un de ces discipless'appelait Cléophas (Ibid. 48) mais il ne nommepoint le second, probablement par humilité ; car,d'après saint Grégoire, c'était l'Évangéliste mêmequi rapporte le fait. Saint Ambroise prétend aucontraire que c'était Amaon, fils de Rufus. Quoiqu'il en soit, ces deux disciples, désespérant derevoir leur Maître, cheminaient tristement, lecœur en proie au chagrin. Ils s'entretenaient [87] detout ce qui venait d'arriver, en gémissant surl'injustice et la cruauté des Juifs qui avaient faitmourir Jésus, malgré l'innocence de sa vie et lasainteté de sa doctrine (Ibid. 14). Tandis qu'ilsconversaient ensemble, Jésus lui-même s'approchacorporellement et spirituellement à la fois ; ilmarchait avec eux comme un compagnon de route,les interrogeant ou leur répondant pour lesinstruire et les édifier. (Ibid. 15). De cettemanière, dit le Vénérable Bède (in cap. 24 Luc), ilvoulait ranimer dans leurs esprits la foi en saRésurrection, et réaliser cette promesse qu'il avaitfaite précédemment : Lorsque deux ou trois personnessont réunies en mon nom je suis au milieu d'elles (Matth.XVIII, 20). Plus tard, dans le lieu même où Jésusse joignit aux deux voyageurs on fit construireune chapelle. Mais d'abord leurs yeux étaient retenusde telle sorte qu'ils ne le reconnaissaient point (Luc.XXIV, 16) car à cause de l'incrédulité qui les

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captivait alors, ils ne pouvaient encore découvrirla vérité. Voilà pourquoi saint Marc déclare queJésus leur apparut sous une forme étrangère, c'est-à-dire différente de celle qu'ils avaient coutume devoir en lui, comme l'explique saint Augustin (deConsensu Evang. 1. III, c. 20). Ainsi ces disciplesvoyaient réellement le Seigneur, parce qu'ilsl'aimaient sincèrement ; mais parce qu'ilsdoutaient de sa Résurrection, ils ne distinguaientpas bien sa personne.

Néanmoins Jésus leur dit : de quoi vous entretenez-vous là tout tristes en marchant (Ibid. 17) ? S'il leuradresse cette question, assurément ce n'est pointpar ignorance, mais seulement afin de trouverdans leur propre réponse une occasion favorablede reprendre leur incrédulité ; car, selon laremarque de saint Grégoire, ils parlaient entre euxcomme des hommes affligés d'avoir à jamaisperdu le [88] Christ qu'ils ne croyaient point êtreressuscité. Cléophas répondit alors : êtes-vous siétranger dans Jérusalem que vous ne sachiez point ce quis'y est passé durant ces derniers jours (Ibid. 18) ? End'autres termes : parmi les nombreux pèlerins quisont venus à Jérusalem pour les fêtes pascales, ilest étonnant que vous ignoriez ce que tous lesautres connaissent. Ou bien, selon saintThéophile, si vous ne connaissez pas les grandsévénements dont cette ville vient d'être le théâtre,vous y êtes seul comme un étranger qui demeureloin de ce pays sans en recevoir de nouvelles.

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Suivant le Vénérable Bède, ces deux disciplesregardaient Jésus comme un étranger, parce qu'ilsne le reconnaissaient pas ; en effet, il était bienétranger aux faiblesses de leur nature dont il étaitaffranchi par la Résurrection, et aux pensées deleur cœur qui n'était point éclairé par la foi.Cependant comme le Seigneur continuait às'enquérir de ce qui était arrivé, ils lui dirent : C'estrelativement à Jésus de Nazareth, qui était un Prophètepuissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devanttout le peuple : ne savez vous pas que les pontifes et lesmagistrats l'ont fait condamner à mort et attacher à lacroix (Ibid. 19, 20) ? D'après le Vénérable Bède,soit parce qu'ils ne croyaient pas parfaitement,soit parce qu'ils craignaient de se compromettreaux yeux des Juifs persécuteurs, ces disciples nedéclarent point que Jésus était Fils de Dieu, maisils avouent simplement qu'il était un Prophète.Puis, comme si leur espérance s'était évanouie, ilsajoutent : Nous nous attendions qu'il rachèterait Israël ;cependant voici déjà le troisième jour que ces choses se sontpassées (Ibid. 21). Il avait promis de ressusciter ence jour ; mais nous ne l'avons pas encore vuparaître, quoique la nuit approche. Ils rapportentensuite comment ils avaient été consternés [89]d'apprendre que quelques-uns d'entre euxn'avaient point trouvé son corps dans letombeau ; car ils appréhendaient beaucoup qu'iln'eût été enlevé.

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Le Seigneur, blâmant alors leur peu de foi etde confiance, répliqua : Ô esprits aveugles et cœurslents à croire toutes les choses qu'ont annoncées lesProphètes touchant la mort et la Résurrection duMessie ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât tout celapour accomplir la volonté de son Père céleste etopérer la rédemption du genre humain, afin qu'ilentrât ainsi par la Passion dans sa gloire ? car nul nepeut parvenir au terme du bonheur éternel sansavoir passé par la voie des tribulations. Ensuite,parcourant tous les Prophètes depuis Moïse, il se mit àleur interpréter tous les passages des Saintes Écritures-quile concernaient lui-même (Ibid. 25-27). Par lestémoignages qu'il allégua et par les mystères qu'ilexpliqua, il fit voir clairement que tout ce qui luiétait arrivé avait été prédit exactement ; car ce quimontre la solidité inébranlable de la foichrétienne, c'est le parfait accord des événementsévangéliques avec les anciennes prophéties.

Admirons ici les différentes manières dont leSauveur manifeste son extrême bonté. Et d'abord,son ardent amour ne peut laisser plus longtempsses chers disciples dans l'affliction et l'erreur.Comme un ami dévoué et un compagnon fidèle,il se présente sur leur route, se mêle à leurconversation, s'informe de leur tristesse, lesinstruit des Saintes Écritures et les enflamme decélestes affections. N'est-ce pas ce que Jésus-Christ opère chaque jour spirituellement dans nosâmes ? Si dans nos peines et nos angoisses nous

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parlons de lui pieusement, il vient aussitôt éclairernos esprits et embraser nos cœurs ; car le remèdele plus efficace contre les chagrins, c'est deprendre [90] Dieu pour l'objet habituel de nospensées et de nos discours. À l'exemple de cesdeux disciples, lorsque nous sommes en voyage,entretenons-nous volontiers de ce qui regarde lesalut ; le Sauveur ne manquera pas alors de nousaccompagner et de nous enseigner, comme il le fitautrefois sur le chemin d'Emmaüs. Il est bond'avoir son nom présent à l'esprit et à la boucheen tout temps et en tout lieu ; car, ainsi que nousle voyons ici, il n'oublie point ceux qui songent àlui. N'a-t-il pas dit en effet Quand deux ou troispersonnes sont réunies en mon nom, je suis au milieud'elles (Matth. XVIII, 20). Mais il se plaît surtoutavec ceux qui s'entretiennent de sa Passion et dece qu'il a souffert pour notre salut ; de là cetterecommandation spéciale qu'il nous adresse par labouche du Prophète (Jérém. III, 19) : Souvenez-vous de ma pauvreté et de mon anéantissement, del'absinthe et du fiel dont j ai été abreuvé ; cesouvenir vous portera sûrement à renoncer auxrichesses, aux honneurs, aux plaisirs et auxjouissances de ce monde.

En second lieu, admirons la bonté de Jésus-Christ, non-seulement dans la tendre affectionqu'il témoigne à ses deux disciples, mais encoredans l'humilité profonde avec laquelle il agit à leurégard. Bien qu'il soit le Maître du ciel et de la

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terre, il ne refuse pas de marcher et de converseravec eux comme s'il était un de leurs collègues oude leurs égaux. Ne semble-t-il pas être revenu àcette humilité qu'il avait pratiquée pendant toutesa vie mortelle ? Ces disciples sont inférieurs auxApôtres ; n'importe, il s'approche d'eux, se joint àeux et leur parle familièrement, Qu'ils sont loind'imiter la modestie et la condescendance duSauveur, ces grands et puissants personnages quicraindraient de se déshonorer et de s'avilir s'ils setrouvaient et s'entretenaient avec les petits et lespauvres, ces [91] orateurs orgueilleux quicroiraient perdre leur temps et leur peine s'ilsadressaient quelques pieuses exhortations à unauditoire peu considérable ! Le souverainSeigneur au contraire n'a point dédaigné le petitnombre ; n'a-t-il pas révélé ses mystères à deuxsimples disciples, et même précédemment à unefemme toute seule, à la Samaritaine, lorsqu'il étaitassis près du puits de Jacob ?

En troisième lieu, admirons la bonté aveclaquelle Notre-Seigneur instruit et console sesdeux disciples, en leur expliquant les Saintes-Écritures et en leur rappelant ses propresexemples. Afin de nous inspirer également la foiet la patience, il semble nous dire : Hommesinsensibles et négligents à rechercher et à remplirles préceptes et les volontés de Dieu ! Ô stulti ettardi corde ad credendum ! Humilions-nous doncpour apprendre et pour observer les

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commandements contenus dans les Livres saints ;humilions-nous jusqu'à supporter les adversitéscomme Jésus-Christ, afin qu'après avoir participéà ses peines nous soyons associés à sestriomphes ; car nul ne peut régner avec lui, s'il necommence par souffrir comme lui ici-bas. « Noussommes doublement obligés de nous humilier, dità ce propos le Vénérable Bède (in cap. 24 Luc.)parce que nous ne connaissons point comme ilfaut ce qu'enseigne l'Écriture, et parce que nousn'accomplissons point comme il convient ce quenous connaissons. En effet, si tous les Prophètesdepuis Moïse ont parlé du Christ on prédisantqu'il arriverait à la gloire par la souffrance,comment seraient-ils véritablement Chrétiensceux qui ne s'efforcent point de tout leur pouvoird'arriver à la science du Christ par l'intelligencedes Écritures, et à la participation de sa gloire parla voie des souffrances ? Insensés ceux quiprétendraient parvenir au royaume de Dieu sans[92] passer par le chemin de la tribulation ! SiNotre-Seigneur à qui ce royaume appartient parnature voulut y passer, à plus forte raison doiventy passer ceux à qui ce royaume appartientseulement par grâce. De simples sujetsrefuseraient-ils d'entrer par la même porte queleur propre Roi et que tous ses serviteursdévoués ? « Nous voyons notre Chef entrer auciel par la douleur, dit saint Bernard (Serm. dePassione), et nous présumerions d'y pénétrer

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d'une autre manière ? Est-ce que le corps pourraits'introduire par une autre ouverture que la tête ?Ne serait-ce pas une chose monstrueuse que desmembres vécussent dans la délicatesse sous unchef couronné d'épines ? » Ajoutons que, quandun héritage se présente avec des avantages et descharges, il faut remplir les charges pour recueillirles avantages. Or Dieu n'a promis l'héritagecéleste qu'à ceux qui souffriraient patiemment surla terre ; c'est à cette onéreuse condition qu'il l'adonné à Jésus-Christ, aux Apôtres et à tous lesélus. Vouloir parvenir à la béatitude éternelle sanssupporter aucune tribulation serait se croire plusdigne que Jésus-Christ lui-même, plus saint queles Apôtres, meilleur enfin que tous les élus.

Lorsque les deux disciples furent proches du villageoù ils se rendaient, le Seigneur feignit d'aller plus loin(Luc. XXIV, 28). « Il faisait semblant de passeroutre, dit saint Bernard (Serm. 74 in Cant.) nonpas qu'il voulût effectivement les quitter, maisafin qu'ils le suppliassent de rester avec eux. » Decette façon le Seigneur ne blessait pas la vérité ;car pourquoi la fiction ne serait-elle pas permiseen action comme elle l'est en parole ? Nous lavoyons, on effet, employée souvent dans lesparaboles ou allégories de l'Ancien et duNouveau-Testament pour représenter plusconvenablement la vérité sous certaines images.Selon la [93] remarque de saint Augustin (deQuæst. evang. 1. 2, c. 51), la fiction n'est un

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mensonge que quand elle signifie une fausseté,mais quand elle signifie une réalité elle est unefigure de la vérité, et de cette sorte on peut, sansmentir, feindre une chose non-seulement enparlant, mais aussi en agissant. Ainsi, Jésus-Christfeignit justement d'aller plus loin que les deuxdisciples pour montrer que leurs cœurs nepouvaient le suivre par défaut de foi. Maisquoiqu'ils ne reconnussent pas encore leur divinMaître, ils éprouvaient un tel désir de l'entendrequ'ils le contraignirent de rester, en le prenant par lesmains et le conjurant avec instances. Demeurez avecnous, disaient-ils : car la nuit approche et le jour baisse(Luc. XXIV, 29). Par cet exemple, dit saintGrégoire (Hom. 23 in Evang.), apprenonscomment nous devons exercer l'hospitalité ; il nesuffît pas d'inviter, il faut obliger en quelque sorteles étrangers à entrer dans nos maisons. En outre,quiconque voit arriver pour lui le soir delà vie etles ténèbres de la mort devrait se tourner versDieu de toutes ses forces, en répétant de cœur etde bouche la touchante prière des deux disciples :Mane nobiscum, quoniam advesperascit.

Cédant avec bonté à leurs sollicitations, Jésusentra avec eux ; et tandis qu'ils étaient ensemble à table, ilprit du pain et le bénit ; puis l'ayant rompu, il le leurprésenta, comme il avait coutume de le faire avantsa Passion, lorsqu'il vivait parmi les siens. Leursyeux s'ouvrirent et ils le reconnurent à la fraction dupain (Luc. XXIV, 29-31). L'Évangile rapporte en

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effet plusieurs circonstances dans lesquelles leSauveur bénit et rompit le pain de cette manière :d'abord dans le désert lorsqu'il nourrit cinq millehommes avec cinq pains d'orge, puis dans unepareille occasion lorsqu'il rassasia quatre millehommes avec sept [94] pains ; ensuite à ladernière cène quand il consacra son corpsadorable ; enfin ici où il éclaira les yeux des deuxdisciples. Ces quatre circonstances figurent lesquatre différentes manières d'interpréter lesSaintes-Écritures selon les sens historique,tropologique, allégorique et anagogique. D'aprèssaint Augustin (de Consensu Evang. 1. 3, c. 25),le démon lui-même avait obscurci les yeux desdisciples pour qu'ils ne reconnussent point leSeigneur ; et le Seigneur le permit ainsi, pourmontrer comment la communion de son corpsdissipe les ténèbres répandues dans notre espritpar l'ennemi du salut. Suivant saint Théophile (inLucam), nous apprenons par là quelle vertuineffable possède la chair du Sauveur ; car elle lefait reconnaître clairement en ouvrant les yeux deceux qui reçoivent le pain eucharistique.

Jésus-Christ opère chaque jour dans nosâmes ce qu'il fit d'une manière sensible à l'égardde ces deux disciples, pour notre instruction. Iln'a rien tant à cœur que de se voir invité et retenuen nous par l'ardeur de nos désirs et la ferveur denos oraisons. Ne nous lassons donc point deprier, comme lui-même nous y engage : Oportet

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semper orare et non deficere (Luc. XVIII, 1).Appliquons-nous en même temps à exercer lacharité et l'hospitalité ; car il ne suffit pas decomprendre les livres inspirés, si l'on n'exécute cequ'ils recommandent. Aussi le Seigneur ne se fitpoint reconnaître des deux disciples, lorsqu'ilsl'entendaient expliquer les Prophètes, maislorsqu'ils le contraignirent de partager leur repas.Comme il est plein de miséricorde, il se plut à lasignaler surtout à l'égard de ceux-ci qu'il trouvafidèles à la pratiquer. Cet exemple remarquablenous prouve que la foi sans les œuvres est morte (Jac.II, 26). Ces disciples en effet furent illuminéssurnaturellement, non point [95] en écoutant,mais en accomplissant les préceptes divins, c'est-à-dire à la fraction du pain, quand ils eurent presséet forcé le Seigneur de loger et de manger en leurcompagnie. Aussi le grand Apôtre a dit : Ceux quiseront justifiés devant Dieu, ce ne sont point les auditeurs,mais les observateurs de la Loi (Rom. II, 13). Ainsi ondécouvre Dieu plus parfaitement par la pratiquedes vertus que par la science des Écritures ; car lameilleure manière de parvenir à l'intelligence de lavérité, c'est de suivre ses enseignements plusencore que de les étudier, comme aussi elle-mêmese manifeste beaucoup mieux par les œuvres quepar les paroles.

Nous sommes des pèlerins sur cette terre,puisque nous n'avons point ici-bas de cité permanente etque nous cherchons notre habitation future ailleurs (Heb.

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XIII, 14). Or, si nous sommes disposésspirituellement comme l'étaient les deux disciples,le Seigneur lui-même nous accompagnera dans lechemin de la vie. C'est pourquoi, à leur exemple,nous devons éviter un funeste repos, une vainejoie et toute conversation mondaine. Marchonsdonc vers la perfection chrétienne, livrons-nous àune sainte tristesse, et entretenons-nous dechoses pieuses ; le Sauveur alors s'approchera denous et se joindra à nous, il éclairera notre espritet embrasera notre cœur en nous faisantcomprendre et goûter les divines Écritures ; s'ilfeint néanmoins de nous quitter, ce ne sera quepour nous éprouver. En outre, un voyageurétranger se débarrasse et s'éloigne de tout ce quiné lui appartient point ou ne le concerne point ; ils'informe soigneusement de sa route et soupireardemment après sa patrie ; il n'arrête point sesaffections et ses regards sur ce qui pourrait ledétourner du but proposé. À ceux qui vivent ainsidans le monde comme des voyageurs [96]étrangers, Jésus-Christ lui-même daigne semontrer pour leur accorder trois sortes defaveurs : il les console par de doux colloques, illes dirige par des lumières surnaturelles, et il lesnourrit par les dons eucharistiques ; s'il semblevouloir les abandonner quelquefois, il se laisseretenir par la sainte violence dont on use à sonégard. Comme Emmaüs signifie désir du conseil, lesdeux disciples qui allaient vers ce lieu

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représentent les Chrétiens fervents qui tendent auparfait accomplissement des conseilsévangéliques ; le Seigneur se plait souvent à leurapparaître pour les assister de ses grâcesprivilégiées.

Le Sauveur cependant ne laissa paslongtemps les deux disciples jouir de sa présencesensible ; car aussitôt après leur avoir partagé lepain qu'il venait de bénir, il se déroba à leurs yeux,afin d'exciter leurs désirs par son absence même(Luc. XXIV, 31). Il montrait ainsi que son corpsdésormais glorieux pouvait disparaître tout à coupen vertu de son agilité ; et en retirant à leursregards charnels les humbles apparences qu'ilavait prises devant eux, il faisait entrevoir à leursesprits étonnés les prérogatives merveilleusesdont il était doué. Alors convaincus que leur divinMaître était vraiment ressuscité, les deux disciplesse dirent l'un à l'autre : Notre cœur n'était-il pas toutbrûlant, tandis qu'il nous parlait sur la route et qu'il nousinitiait aux Écritures ? (Ibid. 32.) Hélas ! Pourquoine l'avons-nous pas reconnu plus tôt et retenudavantage ? Pourquoi ne nous sommes-nous pasprosternés à ses pieds pour lui rendre noshommages ? Où le chercher maintenant ? Où letrouver désormais ? Par ce témoignage, ditOrigène (Hom. 7 in Exod.), nous apprenons queles paroles de Jésus-Christ avaient allumé dansl'âme de ses dociles auditeurs le feu de l'amourdivin. Lorsqu'on entend ainsi la voix du Seigneur,

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[97] dit saint Grégoire (Hom. 30 in Evang.), lacharité s'enflamme et la tiédeur se dissipe, lesconcupiscences terrestres s'éteignent et lesaffections célestes se raniment ; on écoute avecplaisir et on observe avec empressement tous lespréceptes divins qui deviennent comme autant decharbons ardents pour entretenir la ferveur. Si leSeigneur quitta promptement ces deux disciples,c'est qu'il avait hâte de consoler les autres, commenous le verrons dans les chapitres suivants.

Prière.Seigneur Jésus qui, en apparaissant à vos

deux disciples sur la route d'Emmaüs, avez daignééclairer et embraser leurs cœurs, je vous pried'illuminer et d'échauffer également le mien, afinque je courre avec joie dans la voie de voscommandements et que je tende avec zèle àl'accomplissement de vos conseils. Accordez-moidonc, ô Fils unique de Dieu, d'éviter toutes lesactions mauvaises et d'exercer les différentesbonnes œuvres envers le prochain, afin qu'audernier jour de la résurrection générale j'aie lebonheur d'avoir part à votre délicieuse invitationadressée à tous les élus : Venez, vous qui êtes bénis demon Père, entrez en possession du royaume, qui vous a étépréparé dès l'origine du monde. Ainsi soit-il. [98]

CHAPITRE LXXVII. JÉSUS APPARAÎT EN L'ABSENCE DE THOMAS AUX DISCIPLES RÉUNIS. (Luc. XXIV, 33-50 – Joan. XX, 19-26.)

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À l'heure même où Jésus disparut à leurs yeux,les deux disciples se levèrent de table ; et en ce mêmejour ils revinrent à Jérusalem vers leurs frères (Luc.XXIV, 33). Selon la remarque de saint Théophile,le feu de la charité que le Seigneur avait déposédans leur âme n'y restait pas oisif ; car ne pouvantcontenir leur joie, ils étaient impatients de lacommuniquer aux autres. Admirons ici l'ardeurde la foi qui leur inspire le zèle de la prédication.Quoique la soirée soit avancée et que le soupersoit servi, sans être arrêtés par la fatigue de laroute ni par la crainte de la persécution, ilscourent annoncer aux Apôtres la Résurrection deleur bon Maître. Pour fournir par leur témoignagela preuve de ce joyeux événement, ils partent surle champ, afin qu'on ne les accusât point denégligence ; car s'ils avaient différé leur voyage, ilsauraient pu appréhender quelque reprochecomme ceux qui disaient autrefois : Voici un jourde bonne nouvelle : si nous demeurons dans le silence sansen donner avis avant demain matin, on nous en fera uncrime (IV Reg. VII, 9). Apprenons par cet exempleque nous ne devons point taire, mais révélerpromptement aux autres ce qui intéresse leursalut commun ; les supérieurs principalementdoivent être très diligents à instruire leurssubordonnés des vérités évangéliques.

Arrivés à Jérusalem, les deux disciples trouvèrentsur la [99] montagne de Sion les onze Apôtres réunisavec plusieurs autres personnes. Ainsi la joie de la

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Résurrection rassemblait ceux que l'horreur de laPassion avait naguère dispersés ; ils disaient : LeSeigneur est vraiment ressuscité, et il s'est montré à Simon(Luc. XXIV, 33 et 34). Les nouveaux venus,confirmant cette déclaration, racontèrent ce qui s'étaitpassé dans leur voyage, et comment ils l'avaient reconnu àla fraction du pain (Ibid. 35). Considérez avec quellesatisfaction ils s'entretiennent tous ensemble dece que les uns et les autres avaient vu et entendu.Quelques-uns cependant, peu convaincus de tous cesrécits prodigieux, n'y croyaient pas encore (Marc.XVI, 13). Thomas entre autres, qui persévéraitdans son incrédulité, sortit alors de la maison.

Après le départ de Thomas, les dix autresApôtres continuèrent à parler de leur divin Maîtredurant toute la soirée de ce même jour qui était lepremier d'après le sabbat, c'est-à-dire le dimanchede la Résurrection (Luc. XXIV, 36) ; mais tandisqu'ils étaient assemblés, les portes restaient fermées dansl'appréhension des Juifs (Joan. XX, 19). Jésus alors,attiré par les vœux ardents de ses chers disciples,vint avec les vêtements éclatants de son humanitérenouvelée. Selon le Vénérable Bède (in Joan.), ilapparut dans la nuit pour les rassurer de la frayeurqui les agitait surtout alors. Suivant saintThéophile, il entra sans ouvrir les portes, afin deprouver que son corps désormais glorieux neconnaissait plus d'obstacles. Il se présenta lorsqueles disciples étaient réunis en son nom, pourmontrer qu'il se manifeste aux hommes unis entre

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eux par la charité, comme le fit également leSaint-Esprit au jour de la Pentecôte. Il se tint aumilieu d'eux, afin que tous le reconnaissant aveccertitude fussent consolés par sa présence. [100]Le milieu, étant la place d'honneur, dit Salluste,est réservé aux personnages les plus dignes. Voilàpourquoi le Sauveur ressuscité se tint au milieu deses Apôtres, comme le soleil au milieu des astrespour les illuminer, comme le lis au milieu desfleurs pour les embellir, comme un roi au milieude ses soldats pour les encourager, comme unmaître au milieu de ses élèves pour les instruire,comme un père au milieu de ses enfants pourmaintenir la concorde, comme le cœur au milieudes membres pour leur communiquer la vie,comme un ami dévoué au milieu de ses amis pourse donner à tous en même temps. N'est-ce pasaussi la manière dont nous agissons nous-mêmes,quand nous sommes plusieurs réunis ensemble ?Si un ami commun survient alors, ne le plaçons-nous pas au milieu de nous, afin que tous à la foisnous puissions mieux jouir de sa compagnie ?

En se montrant à ses Apôtres au moment oùils s'entretenaient de lui, le Sauveur a voulu nousapprendre encore ici qu'il daignera se manifester ànous-mêmes, si nous aimons à parler de lui, de cequi intéresse sa gloire et notre salut ; c'est alorsqu'il accomplira cette promesse : Quand deux outrois personnes se trouveront réunies en mon nom, je seraiau milieu d'elles. – Lorsque le Seigneur apparut ainsi

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au milieu de ses disciples, ils étaient effrayés,pendant que les ténèbres étaient répandues autourd'eux ; et ils étaient assemblés, tandis que lesportes étaient fermées sur eux. Ces diversescirconstances indiquent les quatre dispositions oùnous devons être pour recevoir la visite duSauveur. La première disposition est cette craintesalutaire qui purifie la conscience de toutesouillure, selon cette maxime de l'Ecclésiastique(I, 27 et 28) : La crainte du Seigneur bannit le péché, desorte que [101] sans elle on ne peut devenir juste. Laseconde disposition est le renoncement généreuxqui nous fait mépriser la gloire humaine commeune profonde obscurité. La troisième dispositionest la charité parfaite qui doit unir tous les cœurs,suivant cette recommandation de l'Apôtre :Gardez la paix et le Dieu de la dilection sera avec vous(II Cor. XIII, 11). La quatrième disposition est lerecueillement qui consiste à tenir l'âme éloignéede toute vaine curiosité dans l'attente du Sauveur.Les disciples qui se trouvent dans l'occasionprésente figurent spécialement les religieuxfervents qui, pour l'amour du divin Maître,ferment avec soin les portes de leurs sensextérieurs ; aussi méritent-ils d'être souvent visitéspar Jésus-Christ qui les comble de consolation etde joie.

Jésus dit avec tendresse : La paix soit, avec vous(Joan. XX, 19). Comme le remarque saintChrysostôme (Hom. 85 in Joan.), le Sauveur

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ressuscité avait exhorté à la joie les saintesfemmes qui étaient accablées de tristesse,maintenant il exhorte à la paix les hommes pieuxqui étaient menacés par la Synagogue. Cette paixqu'il leur souhaite n'est point temporelle oumondaine, puisqu'ils doivent être exposés auxsouffrances et aux persécutions ; mais elle estspirituelle et céleste, parce qu'ils doivent latrouver dès à présent dans leur cœur et plus tarddans le ciel. En disant : Pax vobis, il leur annoncela paix du pardon et de la réconciliation à l'égardde Dieu ; il leur recommande aussi la paix de laconcorde et de la charité envers le prochain ; illeur promet enfin la paix de l'éternité et del'immortalité pour eux-mêmes. Il commence parleur offrir cette triple paix qu'il était venu leurprocurer avant tout. En souhaitant tout d'abord lapaix à ses disciples après sa Résurrection, ilmontre que, s'ils veulent [102] participer à sagloire, ils doivent auparavant vivre en paix.Apprenons par là que nous ne pouvons êtrevraiment disciples du Sauveur sans être amis de lapaix. En mémoire de cette première parole que leSeigneur ressuscité adressa aux Apôtresassemblés, le pontife, qui célèbre la messe commeson principal représentant, dit au peuple verslequel il se tourne une première fois : Pax vobis ;mais ensuite, pour montrer qu'il est semblable auxautres, il dit comme les simples prêtres : Dominusvobiscum. En signe de l'union fraternelle qui doit

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régner entre tous les Chrétiens, les fidèlesassemblés se donnaient autrefois le baiser de paix.Or le moyen nécessaire pour entretenir la paixchrétienne, c'est la communion sacramentelle ;aussi dans les premiers siècles les fidèles larecevaient toutes les fois qu'ils assistaient au saint-sacrifice, c'est-à-dire tous les jours ou du moinstous les dimanches ; mais dans la suite lorsque laferveur se fut relâchée, l'Église rendit cettecommunion obligatoire aux trois principales fêtesde l'année, et enfin au seul temps de Pâques.

Et de peur que ses disciples ne le prissentpour un autre personnage quelconque ou nesoupçonnassent quelque illusion diabolique, Jésusleur dit : C'est moi, ne craignez point (Luc. XXIV,36). Cependant la stupeur et l'admiration lesavaient remplis de trouble et de terreur ; car il estordinaire aux vivants d'éprouver quelque horreurou épouvante en présence des morts. Ilss'imaginaient voir, non point un corps, mais unesprit ; ils ne croyaient pas encore qu'une chairvéritable pût sortir du tombeau le troisième jour,ou qu'étant ressuscitée elle pût entrer dans leurdemeure les portes fermées (Ibid. 37). La divineProvidence permit ainsi le doute des Apôtres, afind'établir d'une manière plus certaine la foi de laRésurrection. Pour les rassurer et [103]détromper, Jésus leur dit : Pourquoi tremblez-vous ?et pourquoi vos cœurs faibles et chancelantss'abandonnent-ils à ces pensées vaines et fausses ?

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Regardez mes mains et mes pieds qui ont ététranspercés ; c'est moi-même qui ai souffert. Commes'il disait : par ces cicatrices vous pouvezreconnaître que je suis ressuscité avec le mêmecorps qui a été crucifié. Puis il ajouta : pour vousconvaincre par vos yeux et par vos doigts mêmes,touchez et considérez ; car un esprit n'a ni chair ni os,comme vous voyez que j'en ai (Ibid. 38 et 39). D'aprèscette expérience sensible, vous pourrez juger queje possède un corps réel et non point fantastique.Ainsi le Seigneur avait voulu conserver en soncorps les traces de ses plaies, afin de guérir enleurs âmes les plaies qu'y avait faites l'incrédulité.Il leur montra donc ses mains pour exciter leurcourage, son côté pour provoquer leur affection, etses pieds pour les porter efficacement à lapersévérance (Ibid. 40 et Joan. XX, 20). Ilsemblait leur dire par là : Ces mains qui ont étéblessées prouvent que j'ai vaillamment combattupour vous ; combattez aussi pour moi, parce queje ferai siéger le vainqueur avec moi sur mon trône (Apoc.III, 21). Ce côté qui a été entr'ouvert atteste queje vous ai beaucoup aimé ; aimez-moipareillement. Ces pieds ont été fixés naguère surl'arbre de la croix, afin d'affermir vos pas dans lapratique de la vertu. Que les sollicitations et lesmenaces, non plus que les succès ou les revers, nevous détournent jamais de mes préceptes, nimême de mes conseils, si vous avez promis de lessuivre.

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Or, remarquons-le bien ici, dans la viespirituelle il y a cinq grandes tentations contrelesquelles nous devons lutter avec énergie. Lapremière est la concupiscence vicieuse, c'est-à-dire l'amour excessif des richesses, des plaisirs et[104] des honneurs qui fait oublier à un grandnombre d'hommes le bonheur souverain de lacéleste patrie. La seconde est le désespoir oudécouragement de ceux qui, n'attendant point lesecours et la grâce de Dieu, regardent commeimpossible ou trop difficile de se soutenir dans lapratique delà pénitence et de la vertu. Lesinsensés ! ils ne pensent point qu'ils s'exposentpar leur négligence et leur lâcheté à des peinesincomparablement plus longues et plus terriblesqu'ils souffriront dans l'enfer durant toutel'éternité. La troisième tentation est la douleur oule regret qu'on éprouve en renonçant auxjouissances de la chair et aux vanités du siècle. Ôaveugle créature ! oserais-tu donc préférer lamaladie à la santé, la mort à la vie, la tristesse à lajoie, des supplices interminables à une gloireimmense ! La quatrième tentation est le respecthumain ou la fausse honte qui empêche beaucoupde cœurs faibles de faire le bien, par exemple dejeûner ou de prier, dans la crainte d'être méprisés,raillés, tournés en ridicule. La cinquième tentationest la présomption des imprudents qui font le malpar l'espoir du pardon, en se disant : Le Seigneurqui est tout miséricordieux ne saurait nous

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condamner à des châtiments éternels ; Dieu nenous a pas créés pour nous perdre ; puisque noussommes chrétiens nous serons sûrement sauvés.Ô funeste présomption qui conduit à uneconfusion inévitable ! Prenons garde de noustromper nous-mêmes ; car la véritable espérancechrétienne consiste à attendre avec certitude la viebienheureuse, si nous travaillons à la mériter ;autrement, nous ne pouvons y prétendre sansfolie.

En se laissant toucher par ses disciples, Jésus-Christ opérait un nouveau miracle, parce que soncorps devenu incorruptible et immortel nepouvait plus être touché [105] naturellement pardes hommes encore sujets à la corruption et à lamort. Selon saint Grégoire, en effet (Hom. 26 inEvang.), c'est d'une manière merveilleuse etineffable qu'il l'a rendu palpable pour établir notrefoi et qu'il l'a montré incorruptible pour exciternotre espérance ; s'il le faisait paraître en mêmetemps palpable et incorruptible, c'était afin deprouver qu'il avait conservé sa nature précédentemais qu'il avait acquis une gloire nouvelle. Ainsi,dans la manifestation de sa propre RésurrectionJésus-Christ nous a donné une image sensible dela résurrection générale, dans laquelle nos corpsdevenus subtils comme le sien pourrontnéanmoins être touchés par d'autres semblables ;car alors notre chair sera pour toujours affranchiede la mort en cette même substance qu'elle avait

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auparavant. Le Vénérable Bède dit à ce propos (inLuc.) : Non content de se découvrir aux regardsde ses disciples, Jésus-Christ leur permit de letoucher de leurs mains, afin que dans l'état réel desa Résurrection présente ils trouvassent le modèlecertain de notre résurrection future. En effet,ajoute saint Grégoire (Moral. lib. 14, c. 29), noscorps ressuscites et glorieux ne seront pointtellement impalpables qu'on ne puisse les toucher,ni tellement subtils qu'ils puissent être emportésau gré des vents, comme l'a supposé Eutychès ;mais ils seront subtils par une vertu spirituelle etpalpables de leur propre nature. Suivant laremarque de saint Augustin (lib. 22 de Civit.),Jésus-Christ possédait la clarté qui rendra lesjustes resplendissants comme le soleil dans leroyaume de Dieu leur Père ; cependant lorsqu'ilapparut à ses disciples après sa Résurrection, ilvoila à leurs faibles yeux cette éblouissante clartéqu'ils n'auraient pu contempler, de manière à lereconnaître.

Malgré ces preuves évidentes de laRésurrection, les [106] disciples ravisd'étonnement et de joie hésitaient encore àcroire ; pour les mieux convaincre Jésus leurdemanda s'ils n'avaient rien à lui donner àmanger. Alors ils lui présentèrent un morceau de poissonrôti et un rayon de miel (Luc. XXIV, 41 et 42). Cen'est point sans raisons mystiques que ces deuxobjets lui furent offerts préférablement à bien

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d'autres ; car par la souffrance que son humanitéavait indurée, n'était-il pas lui-même comme lepoisson rôti ? et par la douceur que sa divinitéavait conservée, n'était-il pas aussi comme lerayon de miel ? De plus ce rayon, dans lequel lemiel se trouvait joint à la cire, signifiait l'union dela nature divine avec la nature humaine en lapersonne de Jésus-Christ. Aussi voulut-iljustement qu'on lui servit pour nourriture unrayon de miel en même temps qu'un poisson rôti.Lui-même, en effet, avait daigné être comme unpoisson plongé dans les abîmes et agité par lesflots de ce monde, puis saisi dans les filets de lamort, brûlé par les feux de la tribulation et cuitsur le gril de la croix. Après avoir été comme unpoisson rôti dans sa Passion, il est devenu pournous dans sa Résurrection comme un très-suaverayon de miel. Voilà pourquoi ceux qui croientégalement à sa Passion et à sa Résurrection luiprésentent en quelque sorte un poisson rôti et unrayon de miel. Ces deux espèces d'aliments sontaussi les symboles de ce que nous devons offrirau Sauveur, savoir la mortification delà chairfigurée par le poisson rôti, et la dévotion de l'âmesignifiée par le rayon de miel. En outre, d'aprèssaint Théophile (in Luc.), le poisson rôti estl'emblème de la vie active, qui par des œuvresferventes consume les faiblesses humaines ; et lerayon de miel est l'image de la vie contemplative,

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qui fait goûter d'ineffables délices dans les divinesoraisons.

Le Seigneur ressuscité mangea devant sesdisciples [107] incrédules, afin de leur prouverqu'il avait un corps animé ; car la manducation estla fonction propre d'un corps vivant. Selon leVénérable Bède (in Luc.), si Jésus-Christ daignamanger en présence des Apôtres, ce n'est pasqu'après sa Résurrection il eût besoin d'unenourriture matérielle, puisque nous-mêmes nousn'en aurons pas besoin après notre résurrection ;mais par ce fait il voulait montrer qu'il n'étaitpoint un pur esprit, qu'il avait une chair véritable,et que son apparition était réelle et non pointimaginaire. – Ainsi donc, en cette occasionmémorable, le Sauveur garantit la certitude de saRésurrection de trois manières différentes ; parles sens de la vue, du toucher et du goût, c'est-à-dire en se faisant voir, se laissant toucher etdaignant manger lui-même. – Selon le sensmystique, ils voient Jésus ressuscité, ceux quiméditent sur sa gloire ; ils le touchent en quelquesorte, ceux qui s'unissent à lui par la charité ; ilslui présentent comme un poisson grillé, ceux qui,pour son honneur, supportent avec patience lesflammes de la tribulation ; et ceux qui exercentenvers le prochain les œuvres de miséricorde luioffrent comme un rayon de miel. Quant à lui, iladmet en son corps mystique afin de les associerà son repos éternel ceux qui subissent pour Dieu

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l'ardeur des afflictions temporelles, et quisoupirent après la douceur des joies célestes.

Lorsqu'il eut mangé devant ses disciples, il leur remitce qui restait, afin qu'ils reconnussent de leurspropres yeux qu'il avait absorbé l'autre partie(Luc. XXIV, 43). Il signifiait de la sorte qu'il leurlaissait à imiter sa Passion, amère par la douleurqu'elle lui avait causée, mais suave par la gloirequ'elle lui avait méritée. Puis pour confirmer deplus en plus la vérité de sa Résurrection, il ajouta[108] (Ibid. 44) : C'est là ce que je vous annonçais,lorsque je demeurais avec vous en ce monde avant maPassion ; car ainsi devait s'accomplir tout ce qui avait étéécrit à mon sujet dans la Loi de Moïse, dans les Prophèteset dans les Psaumes. Ces trois parties de l'Ancien-Testament ont effectivement rendu témoignage àJésus-Christ de quelque façon. Par ces parolesprononcées d'une manière sensible et opportunepour rappeler ce qu'il avait dit, il prouvait qu'ilpossédait comme auparavant le même corps douéd'une âme sensitive et intelligente. Alors, par sagrâce intérieure, il ouvrit leur intelligence, ferméejusqu'à ce moment, afin qu'ils entendissent lesÉcritures (Ibid. 45). Auparavant, il avait prouvé lavérité de sa Résurrection relativement à sa divinitémême ; car il n'appartient qu'à celle-ciproprement d'éclairer tout à coup l'esprit designorants en leur donnant une parfaiteconnaissance des livres inspirés. De cettemanière, après sa Résurrection comme avant sa

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Passion, Jésus-Christ a montré qu'il était tout à lafois vrai Dieu et vrai homme.

Le Sauveur conclut ses instructions en disant(Ibid. 46) : Il était ainsi écrit comme il est arrivé, etpar conséquent vous devez croire à ce que vousvoyez se réaliser en moi ; car il fallait que le Christsouffrît de la sorte sur la croix, et qu'il sortît du tombeaule troisième jour. D'après le Vénérable Bède (inLuc.), s'il n'était pas ressuscité véritablement, c'esten vain qu'il serait mort. Il était nécessaire, nonpoint pour lui mais pour nous, que par sa Passionimméritée il nous délivrât des peines dues à nosforfaits, et que par sa glorieuse Résurrection ilnous introduisît dans son royaume éternel ; c'estpourquoi le grand Apôtre disait (Rom. IV 25) : LeChrist est mort pour expier nos fautes, et il est ressuscitépour opérer notre justification. Alors donc, [109]comme l'atteste l'Apocalypse (V), l'Agneau quiavait été immolé fut jugé digne de prendre le livremystérieux, et d'en ouvrir les sept sceaux, c'est-à-dire de révéler tout ce qui était écrit touchant lesmystères de son incarnation, de son baptême, desa prédication, de sa puissance, de sa Passion, desa Résurrection et de son Ascension. Apprenonspar là que nous ne saurions comprendresuffisamment les Saintes-Écritures, si Jésus-Christpar sa grâce ne nous en donnait l'intelligence ; carlui seul possède la clef de David qui peut ouvrir etfermer sans le secours d'une autre personne(Apoc. in, 8).

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Faisant connaître le but, la fin de sa mort etde sa Résurrection, le Sauveur ajouta (Luc. XXIV,47) : Il fallait de plus qu'au nom du Christ la pénitenceet la rémission des péchés fussent prêchées parmi toutes lesnations, en commençant par Jérusalem. Il déclarait ainsiqu'il voulait l'unité de son Église, sans faireacception des personnes ; car, selon saintThéophile, il ne voulait plus que le genre humainfût divisé en deux peuples opposés, commel'étaient jusqu'alors les Juifs et les Gentils. Ainsi lapénitence, annoncée précédemment dans un seulpays par le divin Maître et par son saintPrécurseur, devait être désormais annoncée dansle monde entier par les Apôtres et leurssuccesseurs. Jérusalem, étant située au centre de laterre habitée, fut convenablement choisie pourêtre le berceau de cette prédication universelleque les disciples du Seigneur devaient propagerjusqu'aux extrémités de l'univers. D'après leVénérable Bède (in Luc), si l'Évangile futpromulgué premièrement à Jérusalem, ce n'estpoint que les Juifs fussent seuls destinés àconserver le dépôt de la sainte parole et à recevoirla gloire de l'adoption divine ; mais c'était afin queles Gentils plongés en diverses erreurs pussentmieux espérer la rémission de [110] leurs péchés,en voyant que, par un ordre miséricordieux deJésus-Christ, le pardon était offert d'abord à ceuxmêmes qui l'avaient crucifié. Que nul donc,quelque coupable qu'il soit, ne désespère

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d'obtenir la grâce de Dieu, puisqu'elle a étépromise avant tout aux habitants de Jérusalemqui, par leurs mains cruelles et leurs criminellessollicitations, avaient répandu le sang précieux duRédempteur. En outre, dit saint Chrysostôme(Hom. 70 in Matth.), de peur que plusieurs nerefusassent de croire en Jésus-Christ, sousprétexte qu'il ne s'était point manifesté à descompatriotes mais à des étrangers, les Apôtrescommencèrent à produire les preuves de saRésurrection devant les auteurs de sa mort, danscette capitale où avait été consommé le sacrilègeattentat ; aussi la foi de ces meurtriers convertisrendit le plus éclatant hommage à la divinité duSauveur ressuscité.

Avant sa Passion, Jésus avait dit à sesdisciples : Je vous verrai de nouveau, et votre cœur seréjouira (Joan. XVI, 22). Il accomplit maintenantsa promesse ; car à la vue du Seigneur, les disciplesfurent ravis d'allégresse (Joan. XX, 20). Ils étaientnaguère tristes et consternés, ils sont alorsconsolés et contents. Qui pourrait n'être pasrempli d'admiration et de joie en voyant Celui quiest la source de toute miséricorde et félicité ? Illeur montre ses mains qui sur la croix avaient étépercées de clous pour le salut du monde, sespieds qui s'étaient souvent fatigués à courir aprèsles brebis égarées d'Israël, son côté sacré d'oùavaient jailli les sacrements de notre rédemption ;dans toutes ces parties de son corps il conservait

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les marques brillantes de ses plaies, afin de guérirles cœurs déchirés par les incertitudes. À cemerveilleux spectacle, les Apôtres ravis sesentirent délivrés des poignantes inquiétudes queleur avaient causées [111] la mort douloureuse deJésus et la persécution imminente des Juifs.Désormais qu'avaient-ils à regretter ou àredouter ? N'avaient-ils pas retrouvé Celui qu'ilsavaient perdu ? Et puisqu'il avait pu se ressusciterlui-même, ne pouvait-il pas les protéger eux-mêmes ? – Il leur dit donc de nouveau : la paix soit avecvous (Ibid. 21). Par cette même salutation deuxfois répétée, il recommande les deux préceptes dela charité, soit envers Dieu, soit envers leprochain ; car quiconque veut jouir d'une doublepaix doit posséder en son cœur un double amour.Il enseigne aussi de cette manière qu'il a rétabli lapaix dans le ciel et sur la terre ; car en mourantsur la croix, il a réconcilié les hommes non-seulement avec leurs semblables, mais surtoutavec leur Créateur et avec ses Anges. Selon saintChrysostôme (Hom. 85 in Joan.), par cettedéclaration réitérée de la paix le Sauveur montrela merveilleuse efficacité de sa Passion, qui nous aaffranchis des maux éternels et comblés de biensspirituels.

Jésus ajouta : De même que mon Père m'a envoyépour annoncer la véritable foi dans la Judée, jevous envoie aussi pour la répandre dans l'univers(Joan. XX, 21). En d'autres termes, je vous établis

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mes représentants, je vous transmets mesfonctions, je vous communique mes pouvoirspour enseigner, prêcher, baptiser, procurer lagloire de mon nom et celle de mon Père. Enparlant ainsi, Jésus-Christ se déclare médiateur ;car si son Père l'envoya prendre notre nature, lui-même à son tour envoya les Apôtres publier, sonincarnation. Par ces paroles : Je vous envoie commemon Père m'a envoyé, Jésus-Christ semble dire à sesApôtres, d'après saint Grégoire (Hom. 28 inEvang.) : Mon Père qui m'aime parfaitement m'aenvoyé souffrir et mourir pour le salut deshommes ; de même, quoique je vous aimespécialement, je [112] vous envoie subir toutessortes d'humiliations et de persécutions pourl'honneur de mon Père. – Mais l'homme nesaurait remplir une pareille mission, s'il n'était aidépar la grâce puissante de l'Esprit-Saint. Voilàpourquoi, aussitôt après les derniers motsadressés à ses disciples, Jésus souffla sur eux, endisant : Recevez le Saint-Esprit (Joan. XX, 22). I1leur conféra l'Esprit-Saint en soufflant sur eux,pour montrer que c'était lui-même qui avaitrépandu un souffle de vie sur le visage du premierhomme (Gen. II, 7). Selon saint Augustin (deTrinit. 1. III, c. 20), le souffle du Sauveur sur lesApôtres n'était pas le Saint-Esprit, mais il en étaitun symbole convenable ; car il signifiait que cedivin Esprit ne procède pas seulement du Père,mais aussi du Fils, comme le souffle corporel qui

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sortait de sa poitrine sacrée. De là vient dansl'Église la coutume que le prêtre souffle sur levisage des catéchumènes avant de les baptiser,pour indiquer qu'ils vont être régénérés par lagrâce vivifiante du Saint-Esprit.

Le fruit principal du Saint-Esprit, c'est lajustification, qui lui est spécialement attribuéecomme l'œuvre de sa bonté suprême. Aussi, aprèsavoir donné le Saint-Esprit à ses Apôtres, Jésus-Christ leur dit : Les péchés seront remis à ceux à quivous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vousles retiendrez (Joan. XX, 23). Par ces paroles, ilconféra à ses Apôtres le pouvoir de lier et dedélier ceux qu'ils jugeraient devoir absoudre ou nepas absoudre, pourvu toutefois que leur jugementfût conforme à celui de Dieu. Il les établit ainsinon point précisément les auteurs mais lesministres du pardon ; car comme l'explique saintAugustin (Hom. 23 lib. 50 homil.) s'ils peuventremettre ou retenir les péchés ce n'est point parl'effet de leurs mérites personnels, mais par lavertu du Saint-Esprit [113] qui, étant Dieu même,réside en l'Église comme dans son peuple.Quoique Dieu seul principalement par sa propreautorité remette les péchés, les prêtressecondairement y coopèrent par leur ministèrelégitime dans l'Église, comme ayant reçu lepouvoir des clefs afin d'ouvrir ou de fermer leroyaume des cieux. Mais les péchés ne sontvéritablement remis qu'à ceux qui sont membres

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de l'Église par l'unité de la foi. Déjà le pouvoir deconsacrer le corps de Jésus-Christ avait étécommuniqué aux Apôtres la veille de la Passion,quand le Seigneur leur avait dit dans la dernièrecène : Faites ceci en mémoire de moi. Mais le pouvoirdes clefs qui avait été promis à saint Pierre, et enlui à ses collègues, ne leur fut concédé qu'au jourmême de la Résurrection. C'est alors aussi qu'ilsfurent ordonnés évêques. Personne ne doute, ditsaint Augustin (Tract. 121 in Joan.), que Jésus-Christ n'ait conféré la consécration épiscopale àses Apôtres au moment où il souffla sur eux, endisant : Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remisà ceux à qui vous les remettrez.

Dans cette soirée de la Résurrection qu'ilfaisait bon demeurer sur la montagne de Sion !Par sa présence et par sa parole le Seigneur yremplit ses heureux disciples de lumières et degrâces inouïes jusqu'alors. Mais comme la nuitétait avancée, il resta peu de temps en leurcompagnie. Les instances qu'ils firent pour leretenir ne pouvaient assurément lui déplaire ;néanmoins il ne tarda point à se retirer après leuravoir donné sa bénédiction. Il avait disparu,lorsque Thomas rentra dans cette même maison.Les autres disciples, ravis de lui apprendre la bonnenouvelle, lui dirent : Nous avons vu le Seigneur ; c'estainsi qu'ils appelaient leur Maître avant la Passion(Joan. XX, 25). Thomas leur répondit qu'il necroirait point [114] avant d'avoir vu et même

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touché les cicatrices des plaies, afin que, s'il étaittrompé par ses yeux, il fût détrompé par sesmains. Il voulait constater la vérité de laRésurrection par la vue et par le toucher ; car cesdeux sens sont moins sujets à l'erreur, lorsqueleurs témoignages sont réunis. Cependant, aprèsque le Sauveur les eut quittés, les autres disciplesrestèrent affamés et altérés de sa divine présence ;car accoutumés qu'ils étaient à vivrefamilièrement avec lui, ils soupiraient sans cesseaprès le bonheur de le contempler de nouveau.

Les nombreuses apparitions que nous avonssignalées jusqu'à présent ont toutes eu lieu le jourmême de la Résurrection ; mais l'Évangile signaleseulement les cinq qui eurent successivementpour témoins, d'abord Marie-Madeleine, puis lessaintes femmes, ensuite saint Pierre, plus tard lesdeux disciples d'Emmaüs, et enfin dix Apôtresassemblés. En mémoire de ces cinq apparitionsdu Seigneur ressuscité, le prêtre, qui le représentedans la célébration de la messe, se tourne cinqfois vers les fidèles assistants. La troisième foisseulement il se tourne en silence pour signifierl'apparition faite à saint Pierre d'une façon plusmystérieuse, sans qu'on en connaisse aucunecirconstance ; les autres fois il se tourne en disantà haute voix : Domimus vobiscum. Vous avezentendu cette parole, mais vous n'en avez peut-être pas senti la réalité, parce que vous n'avezpoint compati aux souffrances du Sauveur. Si

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vous désirez jouir de sa divine présence, vousdevez vous y disposer par le recueillementhabituel. Chaque dimanche surtout vouséprouveriez les heureux effets de sa Résurrection,si le vendredi et le samedi vous méditiez lesdouleurs salutaires de sa Passion ; car commel'assure saint Paul (II Cor. I, 7), nous n'auronspart aux consolations de [115] Jésus-Christqu'autant que nous aurons participé à ses peines.

Après avoir pris congé de ses disciples bien-aimés, le Seigneur retourna vers les saints Pèresqu'il avait laissés, comme nous l'avons dit, dans leparadis terrestre. De concert avec les espritscélestes, ils s'empressèrent de lui témoigner leurrespect et leur amour en exaltant ses perfectionset célébrant ses triomphes. Oh ! comme ilsfaisaient éclater leur reconnaissance et leur joiepar des hymnes et des cantiques harmonieux !Chrétiens fervents, associez-vous à cesbienheureux personnages en les félicitant de leurbonheur ; apprenez par leur exemple à louer leSeigneur ressuscité ; comme eux, rendez-lui grâcepour les bienfaits dont il vous a comblés ; ne vouslassez point de tendre de toutes vos forces vers ceséjour de délices, où, en la noble compagnie desélus, vous contemplerez et chanterezéternellement la gloire de l'Homme-Dieu.

Prière.Illustre Fils de Dieu le Père, qui avez apparu

à vos chers disciples sans ouvrir les portes de la

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maison où ils étaient réunis, je vous prie de tenirmes sens intérieurs et extérieurs fermés à tous lespérils des tentations par la sainte crainte de votresuprême majesté ; captivez-les par les liens devotre douce charité, éclairez-les par les lumièresde la foi divine, pour que je mérite d'être consolépar la vue de votre beauté ravissante. Sauveurmiséricordieux, faites que je goûte ici-bas la paixdu cœur et que je possède au ciel la paix del'éternité, afin de vous bénir sans cesse d'accordavec tous les Anges et les Saints dans les sièclesdes siècles. Ainsi soit-il. [116]

CHAPITRE LXXVIII. JÉSUS APPARAÎT EN PRÉSENCE DE THOMAS AUX DISCIPLES ASSEMBLÉS. (Joan. XX 26-30.)

Malgré le témoignage de ses collègues,Thomas continuait à ne point croire que leSeigneur fût vraiment ressuscité. Comme cedoute obstiné venait de l'ignorance plutôt que dela malice, le tendre Maître ne voulut point lelaisser dans cette incrédulité funeste. Huit joursdonc après sa Résurrection, tandis que les disciples étaientencore dans la même maison où se trouvait alors Thomas,ce bon Pasteur, plein de sollicitude pour son petittroupeau, vint les portes étant fermées ; et debout aumilieu des siens pour être mieux remarqué de tous,il leur dit : La paix soit avec vous (Joan. XX, 26). I1nous apprend de la sorte qu'il n'y a point devéritable paix dans une société quelconque, si le

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supérieur n'est au milieu de ses sujets d'unemanière égale et impartiale, sans incliner plus versl'un que vers l'autre et sans les traiter tous avec lamême affection. De même, une colonne nesoutient jamais mieux un édifice que quand elleest placée au centre. Si dans l'Évangile nousvoyons souvent le Sauveur promettre ouannoncer, souhaiter et recommander la paix à sesdisciples, c'est que sans elle il est impossible deplaire à Dieu ; car il n'établit sa demeure que dansceux qui aiment la concorde et la tranquillité,factus est in pace locus ejus (Ps. LXXV, 3). AussiJésus-Christ venant sur la terre y apporta la paixqu'il y laissa en remontant au ciel ; c'est pourquoitoute la perfection chrétienne et religieuse [117]consiste à vivre constamment dans cette paix queproduit l'amour envers Dieu et envers leprochain. Nous devons donc la rechercher avecempressement et la conserver avec soin. Prenonsgarde, dit saint Grégoire de Nazianze (Orat. dePace), de négliger ou de perdre la grâce que leSauveur a daigné nous accorder avant de nousquitter. La paix ! Oh ! que son nom est doux, etque ses fruits sont délicieux ! Elle est un don deDieu, et Dieu en est l'auteur, puisque l'Écrituredit tantôt pax Dei (Philip, IV, 7) et tantôt Deuspacis (II Cor. XIII, 11) ; bien plus, la paix c'estDieu même, selon cette parole : Ipse est pax nostra(Epbes. II, 14). La paix est un bien précieux quetous réclament, mais, hélas ! que peu possèdent.

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Quelle en est donc la cause ? C'est que la plupartdes hommes, tourmentés par l'ambition ou lacupidité, courent éperdument après les richesseset les honneurs de ce monde ; c'est que beaucoupse laissent entraîner à la jalousie, à la haine, aumépris du prochain et à l'oubli du Créateur.

Jésus, s'adressant à Thomas, comme poursatisfaire à sa demande, lui dit (Joan. XX, 27) :Mets là ton doigt et vois mes mains, ou en d'autrestermes : Touche et vérifie toi-même. Ici le motvoir signifie sentir, comprendre car la vue est souventprise pour les autres sens. C'est ainsi que nousdisons fréquemment : Entendez et voyez commeces chants sont harmonieux ; sentez et voyezcombien cette fleur est odorante ; touchez etvoyez comme cette étoffe est moelleuse ; goûtezet voyez combien cette liqueur est agréable. Selonsaint Augustin (Tract. 121 in Joan.), la vue estprise non-seulement pour les quatre autres sens,mais parfois même pour l'intelligence ; ainsi ondit : Ne voyez-vous pas, au lieu de dire : Necomprenez-vous pas telle chose. – Suivant uneautre explication, le Seigneur répond simplementà la [118] protestation de Thomas qui voulaits'assurer de la Résurrection par la vue et par letoucher tout à la fois. Cet Apôtre avait dit : Si jene vois dans ses mains la marque de ses clous, et- si je nemets mon doigt à l'endroit des clous et ma main dans soncôté, je ne croirai point (Joan. XX, 25). Montrant sascience divine, Jésus prouva qu'il connaissait ces

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paroles prononcées en son absence corporelle ;car comme pour y répondre, il dit à l'incrédule(Ibid. 27) : Mets ton doigt ici à l'endroit des clous, etvois mes mains avec la marque des clous ; approcheaussi ta main, et pose-la dans mon côté percé par lalance. Reconnais donc enfin que je suis bien cemême homme naguère suspendu à la croix. Oh !combien large et profonde devait être cette plaiepratiquée dans le flanc sacré du Sauveur,puisqu'on pouvait y mettre non seulement ledoigt, mais encore la main tout entière ! – LeSeigneur ajouta : Ne sois plus incrédule, mais fidèle.En d'autres termes : Ne sois plus lent à croire,mais inébranlable dans la foi ; car par toninfidélité coupable tu me crucifies de nouveau, enrenouvelant la cause de ma Passion. En effet, tantque Thomas refusait d'admettre la vérité de laRésurrection, il ne pouvait profiter dessouffrances endurées par le Sauveur. Lorsquenous considérons l'incrédulité de ce discipleobstiné, dit saint Chrysostome (Hom. 86 inJoan.), admirons aussi la clémence de son divinMaître qui, pour sauver cette âme seule, daigne luimontrer ses plaies cicatrisées. Cet Apôtre n'a lebonheur de contempler Jésus ressuscité que huitjours après les autres, afin que leur communtémoignage lui fasse désirer davantage cettegrande faveur et qu'après l'avoir obtenue, sa foidevienne plus ferme.

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Thomas, touchant alors les cicatrices duSauveur, non seulement crut de cœur, maisencore confessa de bouche, [119] comme il estnécessaire pour le salut ; car il répondit par ce crisublime : Mon Seigneur et mon Dieu ! (Joan. XX, 28).Comme s'il disait : Oui, désormais je reconnaissans hésitation votre Résurrection et je proclameavec certitude votre immortalité ; vous êtesvraiment mon Seigneur, celui qui m'a conquis etracheté de l'enfer par son sang très-précieux ;vous êtes aussi mon Dieu, celui qui m'a créé et tirédu néant par sa bonté toute-puissante. Telle estma croyance sincère, et j'en fais en ce moment àvos pieds une profession irrévocable. Ôbienheureux Apôtre ! quelle insigne faveur vousavez reçue de votre divin Maître ! Jusqu'à quelleintime familiarité il daigna descendre en vouspermettant de sonder de votre propre doigt sesblessures adorables ! Quel honneur privilégié ilvous octroya en vous faisant mettre la main dansce côté sacré, d'où sont sortis le sang et l'eau quinous ont délivrés de terribles châtiments, purifiésde nombreuses souillures, mérité la grâce de larégénération spirituelle et la gloire de la vieéternelle ! – Les deux états différents où se trouvaThomas avant et après cette apparition duSauveur sont indiqués par les deux significationsde son nom qui veut dire Didyme et abîme. Eneffet, il est justement appelé Didyme, c'est-à-direjumeau ou double, à cause du doute qui partagea

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son cœur en deux sentiments, et abîme, à cause dela foi par laquelle il découvrit la divinité sous lesvoiles de l'humanité.

Le Sauveur lui-même loua la foi véritable del'Apôtre converti, en disant : Parce que tu as vu,Thomas, tu as cru (Joan. XX, 29). Les choses qu'onvoit ne sont pas proprement l'objet de la foi ; car,selon saint Paul (Heb. XI, 1), la foi est la convictiondes choses qu'on ne voit point. Saint Thomascependant produisit un acte de foi excellent ; carlorsqu'il vit en Jésus-Christ l'humanité ressuscité,il crut en lui la [120] divinité cachée qu'il ne voyaitpas. Quand il s'écria : Dominus meus, il confessaque cette humanité était maîtresse souveraine detoute créature ; et quand il ajouta : Deus meus, ilproclama que cette divinité était la cause premièrede toute existence ; il déclara de la sorte que lemême Jésus-Christ était en même temps vraiDieu et vrai homme. Après avoir touché les plaiessacrées du Sauveur, dit saint Théophile (in Joan.),d'infidèle qu'il était, Thomas devint un parfaitthéologien ; car il reconnut l'union hypostatiquedes deux natures dans la seule personne de Jésus-Christ.

Pour nous consoler de n'avoir pas ététémoins de ses apparitions, le Sauveur ajouta(Joan. XX, 29) : Heureux ceux qui ont cru sans avoirvu ! Par ces paroles il prédit le salut des Chrétiensà venir ; car c'est comme s'il disait : Vous êtesheureux d'avoir cru, Thomas, mais heureux aussi

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et plus heureux encore ceux qui, sans me voircorporellement, croiront spirituellement. En effet,selon saint Augustin (Tract. 121 in Joan.), Notre-Seigneur emploie ici la forme du prétérit, pourmarquer la certitude avec laquelle il parle ; car auxyeux de Dieu, les choses futures sont aussi claireset aussi manifestes que si elles étaient déjàpassées. Aujourd'hui peut-être, dit saintChrysostôme (Hom. 26 in Joan.), plusieursChrétiens envient le sort des Apôtres, en disant :Plût au ciel que j'eusse vécu de leur temps pourêtre spectateurs des miracles opérés par leSauveur ; mais qu'ils se rappellent cette paroleprononcée par sa bouche divine : Heureux ceux quiont cru sans avoir vu ! Selon saint Grégoire (Hom.26 in Evang.), cette parole doit bien nous réjouir ;car elle s'applique spécialement à nous quicroyons de cœur en lui-même, quoique nous nel'ayons point vu dans la chair. Mais pour que noussoyons [121] vraiment heureux, il faut que nouscroyions sincèrement en conformant notreconduite à notre foi ; car suivant saint Jacques (II,26), la foi sans les œuvres est morte. Malheureusement,il en est beaucoup qui, comme l'atteste saint Paul(Tit. I, 16), reconnaissent Dieu dans leursdiscours et le renoncent par leurs œuvres.

Il peut se faire qu'après avoir entendul'éclatante confession de Thomas, Notre-Seigneurlui ait donné le Saint-Esprit avec le pouvoir deremettre les péchés, comme il l'avait fait huit

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jours auparavant pour les autres Apôtres. Il estvrai que l'Écriture n'en fait pas mention ; mais,selon saint Jean lui-même (XX, 30), Jésus a fait enprésence de ses disciples beaucoup de choses qui ne sontpoint rapportées dans l'Évangile. Cependant, commela puissance du Sauveur ne dépend point desSacrements, il a bien pu n'employer aucun signesensible pour conférer à saint Thomas le caractèreépiscopal. Quoi qu'il en soit du mode, il estcertain que cet Apôtre a été ordonné évêque aussibien que ses collègues.

Dans les circonstances de cette apparition,saint Grégoire nous fait admirer les dispositionsde la Providence, quand il dit (Hom. 26 inEvang.) : « Ce n'est point par hasard qu'unmembre choisi du collège apostolique s'est trouvéabsent à une première manifestation du Seigneurressuscité ; que ses frères assemblés lui en ontcommuniqué la joyeuse nouvelle ; que l'ayantapprise, il ait douté ; qu'en ayant douté, il aittouché ; et qu'après avoir touché, il ait cru. Noncertes, toutes ces circonstances ne se sont pointrencontrées fortuitement, mais par unepermission spéciale de la bonté divine. Elle l'avoulu de la sorte, afin qu'en maniant les plaiescorporelles de son Maître le disciple incertainguérit les blessures spirituelles de notre cœur. Et,en effet, [122] l'incrédulité de Thomas a pluscontribué à nous donner la certitude que laconviction des autres disciples ; car lorsque nous

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voyons cet Apôtre forcé de reconnaître la véritéde la Résurrection par le témoignage réuni de sesyeux et de ses mains, nous sommes plusfortement portés à bannir toute hésitation pourembrasser cette même vérité. » La double épreuveque fit ce disciple obstiné est non-seulement unesolide garantie pour les Chrétiens orthodoxes,mais encore la meilleure réfutation des sectairesqui ne veulent pas admettre en Jésus-Christ unechair réelle. Pour convaincre Thomas, dit saintLéon (Serm. de Ascensione), il lui suffit deremarquer ce qu'il apercevait, mais afin de mieuxnous convaincre, il lui fallut en outre toucher cequ'il voyait. Saint Grégoire ajoute (Hom. 29 inEvang.) : « La peine que les disciples onttémoignée à croire la Résurrection du Sauveur n'apas tant fait ressortir leur faiblesse qu'elle n'a servià confirmer notre foi ; car leur doute a contraintle Seigneur de prouver ce fait important par denombreux témoignages, et la connaissance quel'Évangile nous en donne affermit notre créancepar leur incrédulité. Ainsi, Madeleine qui crut plusfacilement y a moins contribué que Thomas quidouta plus longtemps ; car en palpant lescicatrices de notre Sauveur, il fit disparaître lesblessures de notre infidélité. »

Jésus-Christ voulut conserver, après saRésurrection, sur son corps devenu glorieux etincorruptible, les marques des plaies qu'il avaitreçues durant sa Passion. Sans doute, ce ne fut

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point par impuissance de les guérir ; puisqu'ilvenait de renverser l'empire de la mort, nepouvait-il pas effacer les traces qu'elle avaitlaissées sur sa propre chair ? Il ne le voulut pascependant pour plusieurs raisons digues de sasouveraine sagesse. 1° C'était pour affermir la foi[123] chancelante de ses disciples, en prouvantd'une manière évidente la réalité incontestable desa Résurrection ; car les cicatrices qu'il présentaità leurs yeux démontraient clairement qu'il étaitsorti du tombeau avec le même corps qui avait étécloué sur la croix ; voilà pourquoi il leur disait :Voyez mes pieds et mes mains, c'est moi-même (Luc.XXIV, 39). 2° C'était afin que les signesmanifestes de sa mort passée fussent les preuvesconstantes de l'affection qu'il nous porte et lesmotifs continuels de l'affection que nous luidevons ; car, comment n'aimerions-nous pas detout notre cœur Celui qui nous a lavés dans sonsang répandu par toutes ses blessures ? 3° C'étaitpour nous rappeler la grâce de la rédemption qu'ilnous a méritée par ses plaies ; car, comme leProphète l'avait prédit (Is. LIII, 5) il a été percé pournos iniquités, il a été brisé pour nos crimes ; ne cessonsdonc de célébrer les miséricordes infinies de Celuiqui a bien voulu être notre libérateur, au prix detant de souffrances. 4° C'était pour nous instruired'une façon plus efficace ; car s'il a daigné garderen son corps glorieux les marques de sesblessures, nous devons aussi les imprimer dans

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notre cœur, en compatissant à ses douleurs et leremerciant de ses bienfaits, selon larecommandation de l'Apôtre (Philip, II, 5) :Ressentez en vous-mêmes ce que Jésus-Christ a ressentipour vous. 5° C'était afin de montrer que noussommes toujours présents à sa mémoire ; carpourrait-il nous perdre de vue un seul instantCelui qui a souffert si cruellement pour nous ?Lui-même nous le déclare par la bouche d'Isaïe(XLIX, 15,16) : Je ne saurais vous oublier, puisquevotre souvenir est gravé dans mes mains. 6° C'était afinde solliciter plus instamment de Dieu le Père lepardon du genre humain pour lequel Dieu le Filsa bien voulu mourir. Aussi, selon saint Jean (I Ep.II 1 et 2), [124] notre avocat auprès du Père est Jésus-Christ qui a satisfait pour nos péchés. Il intercède etsupplie le Père en notre faveur, parce qu'il luirappelle sans cesse ce qu'il a fait pour lui obéir etce qu'il a enduré pour nous sauver. « Ô homme,s'écrie saint Bernard (Serm. de Adventu),approche avec confiance du trône de la Divinité ;tu y trouveras le Fils en présence de son Père, etla Mère en présence de son Fils. Le Fils montre àson Père les blessures qu'il a subies, et la Mèreprésente à son Fils les mamelles qui l'ont allaité.En voyant ces marques d'amour, le Fils pourrait-ilrejeter les prières de sa Mère, et le Père ne pointexaucer les demandes de son Fils. 7° Le Sauveur aconservé les cicatrices de ses plaies pourconfondre les pécheurs, en montrant qu'ils sont

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condamnés avec justice comme les auteurs de samort. Au dernier jour, selon saint Augustin (deSymbolo l. II, c. 8), il convaincra les impiesd'avoir causé sa Passion, quand il leur dira : Voicil'homme que vous avez crucifié ; considérez lesblessures dont vous l'avez criblé ; reconnaissez cecôté que vous avez transpercé, ce cœurentr'ouvert par vous et pour vous, dans lequelvous avez refusé d'entrer. 8° Il a conservé lestraces de ses plaies pour réjouir les élus. Quelbonheur, s'écrie le Vénérable Bède, quelleallégresse pour les Saints, quand ils verrontétinceler sur le corps désormais impassible duRédempteur, les cicatrices des blessures parlesquelles il a vaincu l'enfer et sauvé le monde !Ainsi, lorsque Jésus-Christ viendra pour jugertous les hommes, il se montrera sous cette mêmeforme aux justes comme aux pécheurs ; auxjustes, afin d'exciter davantage leur amour et leurreconnaissance ; aux pécheurs, afin d'accroîtreleur regret et leur châtiment par le souvenir de sesbienfaits et de ses souffrances.

9° Enfin, pour relever la pompe et perpétuerla mémoire [125] de son triomphe, le Seigneurveut manifester à tous les hommes au dernier jouret garder durant toute l'éternité les traces de sesblessures, comme les titres de sa gloire et commeles insignes de la victoire qu'il a remportée sur lesdémons dans les siècles des siècles. Supposez uncourageux soldat qui, après avoir chassé l'ennemi

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et délivré la patrie par d'héroïques exploits,revient couvert de blessures ; si un médecin luidisait : Voulez-vous que je vous guérisse enfaisant disparaître les cicatrices de vos plaies, oubien en les laissant subsister sans aucunedifformité ? ce vaillant guerrier ne préférerait-ilpoint conserver ses glorieuses cicatrices commeun témoignage de sa bravoure, et comme unstimulant d'honneur pour animer les autres aucombat ? C'est ce que notre divin Sauveur a faitlui-même. Ses cicatrices, loin de défigurer soncorps, ne servent qu'à rehausser sa beauté ; car,selon saint Chrysostôme, elles resplendissent sursa chair sacrée d'un plus vif éclat que les rayonsmêmes du soleil. Dans le royaume céleste, ditsaint Augustin (de Civit. Dei l. XXII, c. 20), lescorps des Martyrs garderont éternellement lesmarques des supplices qu'ils ont supportés en cemonde pour le nom du Christ ; leurs cicatricesbrilleront comme les étoiles au firmament,comme des pierres précieuses enchâssées dansl'or pur, comme des fleurs sur leurs tiges, commel'incarnat des roses. Au lieu d'être une difformité,elles deviendront un ornement dans les corpssaints, de telle sorte qu'elles y feront reluire lesvertus admirables des âmes bienheureuses.N'allons pas cependant nous imaginer qu'à larésurrection générale les Martyrs sortiront destombeaux sans avoir recouvré leurs membresautrefois coupés et séparés ; non assurément,

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mais ces membres rétablis porteront les traces descoups qui les avaient frappés et tranchés. [124]

Admirons ici la bonté condescendante dudivin Sauveur, qui ne dédaigne point de semanifester à de faibles mortels. Considérons avecquelle douce familiarité il montre ses noblescicatrices à Thomas et aux autres disciples, afin dedissiper tous les doutes au sujet de saRésurrection, et pour notre instruction commepour la leur. Il demeure quelques instants aumilieu d'eux, les rassurant et les entretenant duroyaume de Dieu. Comme ils sont transportésd'allégresse ! comme ils écoutent avec attentionles suaves paroles du divin Maître ! comme ilscontemplent avec amour ce visage ravissant oùbrillent tout à la fois la grâce et la majesté !Accourons nous joindre à eux pour partager leurpieuse joie ; ou plutôt tenons-nous dans unrespectueux éloignement, attendant avec humilitéque le miséricordieux Sauveur daigne nousappeler à lui, malgré notre indignité. Enfin Jésusleur recommande d'aller en Galilée où il doit leurapparaître, selon qu'il l'a promis ; puis, après leuravoir donné sa bénédiction, il se retire. Lesdisciples consolés restent encore quelque tempsainsi réunis, et ils aspirent ardemment après lebonheur de le revoir de nouveau.

Prière.Seigneur Jésus, qui avez retiré du doute et de

Terreur Thomas incrédule, en lui faisant voir les

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traces des clous et de la lance, et en lui faisantmettre le doigt et la main sur les cicatrices de vosplaies, faites aussi que, conservant toujours lesouvenir de vos blessures et de votre Passion,j'applique et je consacre à votre service mesdoigts et mes mains, c'est-à-dire tout lediscernement et toute l'activité dont je suiscapable. Donnez-moi de confesser, comme cetApôtre converti, que vous êtes mon Seigneur, parceque vous [127] m'avez racheté, et que vous êtesmon Dieu, parce que vous m'avez créé. Accordez-moi d'expérimenter en ma propre personne ceque vous avez prédit du salut futur des vraiscroyants, afin que, par le secours de votre grâce,je sois trouvé heureux devant vous. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXIX. JÉSUS APPARAÎT PRÈS DE LA MER DE TIBÉRIADE À SEPT DISCIPLES. (Joan. XXI.)

Quelque temps après, Jésus apparut une autre fois àses disciples ; et ce fut sur le rivage de la mer de Tibériade.Alors se trouvaient réunis Simon Pierre, Thomas appeléDidyme, Nathanaël de Cana en Galilée, les deux fils deZébédée, Jean et Jacques, et deux autres disciples quel'Évangile ne nomme point, soit qu'ils fussentinférieurs aux précédents, soit que ce fussentAndré et Philippe (Joan. XXI, 4 et 2). Pour seprocurer la nourriture, ils péchaient ensembleavec une barque qui ne leur appartenait point enpropre ; car au moment de leur vocation, ils

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avaient abandonné les navires et les filets qu'ilspossédaient auparavant. Selon saint Augustin(Tract. 22 in Joan.), afin de gagner leur vie, ilspouvaient licitement reprendre leur ancienneprofession sans blesser la dignité de leurapostolat, puisqu'ils n'avaient pas d'autres moyensde subsistance. Aussi saint Paul lui-même, commeil le rapporte, apprit à fabriquer des tentes, afinque dans le besoin il pût vivre du [128] travail deses mains sans être à charge aux fidèles. Après laconversion, dit saint Grégoire (Hom. 24 inEvang.), on peut exercer la même professionqu'auparavant, si elle est innocente et honnête ;mais on doit y renoncer absolument, si elle estmauvaise ou dangereuse par elle-même. Ainsi,quoiqu'il eût été appelé à la prédicationévangélique, saint Pierre revint à la pêche, tandisque saint Matthieu ne retourna plus à son bureaucomme publicain. Les sept disciples mentionnéstravaillèrent toute la nuit sans prendre aucunpoisson ; car ils manquaient du secours divin,sans lequel nous sommes plongés dans la plusprofonde obscurité. Dieu le permit de la sorte,pour faire mieux ressortir le miracle suivant.

Lorsque vint le matin, symbole de laRésurrection glorieuse, Jésus parut sur le rivage. Il nese montra point sur l'onde mobile, mais sur laterre ferme, pour signifier qu'il n'était plus exposéaux flots orageux de ce monde périssable, maisqu'il était parvenu désormais à l'état permanent de

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la vie éternelle. D'abord les disciples ne le reconnurentpoint (Joan. XXI, 4). Selon saint Chrysostôme(Hom. 86 in Joan.), il ne se découvrit pointaussitôt à eux, afin qu'ils le reconnussent ensuiteau prodige qu'il allait opérer sous leurs yeux.Considérez ici de quelle façon il leur ménage uneagréable surprise. Comme un homme ordinaire, ilsemble vouloir leur acheter des poissons pourpréparer quelque mets. Enfants, leur cria-t-il, n'avez-vous pas quelque aliment à me donner ? Dans unsens mystique, le Seigneur nous adresse unepareille demande : ce qu'il désire de nous, c'estl'obéissance fidèle aux commandements divinsque tous doivent observer. Lui-même n'avait-ilpas dit précédemment à ses disciples : Manourriture consiste dans l'accomplissement de la volonté deCelui qui m'a envoyé [129] (Joan. IV, 34) ?Néanmoins, le prenant pour un marchand quicherchait quelque provision, ils lui répondirent :Non, nous n'avons absolument rien (Ibid. XXI,5). Jetez le filet à droite de la barque, ajoutait-il, et vousprendrez quelque chose. Ils le jetèrent donc ; et bientôt ilsne pouvaient plus le retirer, tant il était rempli de poissons(Ibid. 6). Parce qu'ils avaient ponctuellement obéi,ils recueillaient aussitôt le fruit de leur docilité.

Les sept pêcheurs ici mentionnésreprésentent tous les prédicateurs évangéliques.Sans la vertu du Sauveur, ils n'obtiennent aucunsuccès et ne retirent aucun profit ; parce que si sagrâce ne parle au cœur, c'est en vain que leur voix

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retentit aux oreilles des auditeurs. Mais quand lematin arrive, c'est-à-dire, quand, par la puissancedu Seigneur, apparaît la lumière céleste, la pêcheest abondante. C'est ce qui arriva par laconversion du monde presque entier à laprédication des Apôtres et de leurs successeurs.La pêche dépend beaucoup des instruments oumoyens qu'on emploie ; ainsi, dit-on, les poissonss'éloignent des filets sales et fétides où ils ne selaissent prendre que difficilement ; ils se laissentprendre au contraire plus facilement dans les filetsbien nettoyés et de bonne odeur qui les attirent.Or, la parole de Dieu est le filet de Jésus-Christ ;les poissons, ce sont tous les pécheurs ; la barque,c'est l'Église à la droite de laquelle sont les biensspirituels et à la gauche les biens temporels. Celuidonc qui prêche pour acquérir la gloire mondaine,ou quelque avantage matériel, pêche à gaucheavec des filets infects ; aussi réussit-il peu oupoint du tout. Celui au contraire qui prêche pourprocurer la gloire de Dieu et le salut du prochain,pêche à droite avec des filets bien conditionnés,et ses efforts sont récompensés. N'en soyons passurpris : le [130] Sage n'a-t-il pas dit dans le livredes Proverbes (IV, 27) : Le Seigneur recherche lesvoies qui sont à droite, mais il réprouve celles qui sont àgauche.

Jean reconnut son bon Maître dans laréalisation merveilleuse de ce que Celui-ci avaitannoncé ; et s'adressant à Pierre qu'il aimait et

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qu'il respectait surtout comme son chef, il lui dit :C'est le Seigneur, Celui auquel obéissent lespoissons de même que toutes les créatures (Joan.XXI, 7). Le titre de Seigneur marque justement icila souveraine puissance par laquelle Dieu semanifestait lui-même en ce prodigieuxévénement. Ainsi, avant tous ses collègues, ledisciple bien-aimé discerna le Sauveur, parcequ'étant vierge il était plus pur et plus clairvoyantque les autres ; car c'est principalement la puretéde cœur et de corps qui dispose l'homme àpercevoir les choses divines et spirituelles. Selonle Vénérable Bède, saint Jean fut le premier quidistingua le Seigneur, soit par le son de la voix quilui était familière, soit par la vue du miracleprésent, soit par le souvenir de l'ancienne pêchedont il avait été témoin. Suivant Pierre le Chantre,l'apôtre saint Pierre représente ici encore la vieactive et laborieuse, tandis que l'évangéliste saintJean figure la vie contemplative et paisible : celle-ci considère d'abord Dieu qu'elle découvreensuite à celle-là. Ne nous laissons donc pointtellement distraire par les œuvres extérieures quenous le perdions complètement de vue àl'intérieur ; si l'action nous occupe durant le jour,que la nuit du moins la contemplation nous lemontre en disant : « Voici le Seigneur, Dominusest ! »

Ayant appris que le Seigneur était là, Pierre secouvrit de sa tunique, pour se présenter à lui avec

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plus de respect ; car il était nu, ou en d'autrestermes, selon le Vénérable Bède, il était peu vêtu,parce qu'il avait quitté ses habits [131] ordinairesde dessus, afin d'être plus agile pour la pêche.Entraîné par l'amour qu'il portait à son Maître,Pierre aussitôt se jeta dans la mer, afin d'arriver pluspromptement jusqu'à lui (Joan. XXI, 7). Selon leVénérable Bède, avec la même ardeur qu'il avaitsouvent montrée, il vint non pas toutefois sur leseaux, mais à la nage ou à pied. Moins empressésque leur chef, les autres disciples vinrent dans labarque, ramenant le filet rempli de poissons ; car ilsn'étaient éloignés de la terre que de deux cents coudéesenviron (Ibid. 8). En cette occasion, dit saintChrysostôme (Hom. 86 in Joan.), parurentadmirablement les qualités distinctives de saintPierre et de saint Jean : celui-ci l'emporta par laperspicacité de l'intelligence, et celui-là par laferveur de l'affection ; si avant tous les autres Jeanreconnut le Seigneur, saint Pierre courut à luiavant eux. Ceux qui veulent pareillement aller àJésus doivent braver les flots de la mer, c'est-à-dire affronter les peines de ce monde ; car nous nepouvons entrer dans le royaume de Dieu sans passer parde nombreuses tribulations (Act. XIV, 21).Néanmoins le serviteur de Jésus-Christ qui,comme le prince des Apôtres, marchecourageusement parmi les vagues des afflictions,arrivera sûrement au rivage de l'éternité. Labarque où étaient montés les autres disciples est la

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figure de l'Église, dans laquelle tous les Chrétienssont réunis à l'abri du danger ; et c'est d'eux que lePsalmiste disait au Seigneur : Vous les protégerezdans votre tabernacle (Ps. XXX, 21).

Quand ils furent descendus à terre, ils y trouvèrentdes charbons allumés, un poisson dessus et du pain à côté(Joan. XXI, 9). Le Seigneur avait voulu opérer cenouveau miracle pour confirmer de plus en plusla réalité de sa Résurrection. Alors il leurcommanda d'apporter [132] quelques-uns despoissons qu'ils venaient de prendre. Toujoursdisposé à exécuter les ordres de son Maître, Pierrecourut à la barque et tira sur le rivage le filet rempli decent cinquante-trois gros poissons ; et malgré leurmultitude, le filet ne se rompit point (Ibid. 11). Quandil fut de retour, Jésus les invita à manger et daignamanger lui-même avec eux, afin de leur prouverqu'il n'était pas un fantôme, comme quelques-unsauraient pu se l'imaginer encore. Nul d'entre euxn'osa lui demander : Qui êtes-vous ? car ils savaient bienque c'était le Seigneur (Ibid. 12). I1 était inutile del'interroger à ce sujet, dit saint Augustin (Tract.123 in Joan.) car tous étaient tellementconvaincus de sa présence, qu'aucun n'aurait pu lanier ni même en douter ; et quand une vérité estainsi évidente, toute question devient superflue.C'est pourquoi, ajoute saint Chrysostôme (Hom.86 in Joan.), ils se tenaient assis dans un religieuxsilence ; et saisis d'une crainte révérencielle, ils

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considéraient avec un profond étonnement cevisage transformé d'une manière admirable.

Jésus, qui avait l'humble habitude de servirlui-même ses disciples, voulut agir après saRésurrection comme avant sa Passion, pourmontrer qu'il était bien le même personnage.S'approchant donc, il prit du pain et du poisson qu'ilbénit et rompit, puis les distribua (Joan. XXI, 13).Voyez ces sept disciples, pénétrés d'une joierespectueuse, entourer le divin Maître avec lequelils prennent leur réfection. Ils reçoivent chacunleur portion de ses mains sacrées ; et pendant queleurs yeux sont ravis de contempler son aimablefigure, leurs âmes sont restaurées non moinsagréablement que leurs corps. Ô l'excellent, ledélicieux festin ! Tâchez d'y assister et d'yparticiper spirituellement car c'est un grandbonheur que vous pouvez et devez [133]ardemment souhaiter. Jésus-Christ en effet apréparé un semblable festin pour tous les fidèlesqui composent son Église. N'a-t-il pas apportésur la terre le feu de la charité qu'il désire allumerdans tous les cœurs ? Le poisson rôti sur lescharbons brûlants, n'est-ce pas le Sauveur lui-même dévoré par les flammes de son amour,lorsqu'il fut étendu sur le bois de la croix ? Lepain mystérieusement placé sur le rivage, n'est-cepas encore le Seigneur lui-même qui devient notrenourriture spirituelle par sa doctrine salutaire etsurtout par le sacrement adorable de son corps et

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de son sang précieux ? Jésus-Christ distribue à sesdisciples le poisson et le pain, afin de leurmontrer qu'ils doivent partager ses souffrances etses récompenses. – Pourquoi dans ce repas qu'ilfit avec les sept disciples, le Seigneur réunit-il lepain et le poisson qu'il avait préparés avec lespoissons qu'ils avaient pris ? Selon saint Augustin(Tract. 123 in Joan.), il voulait nous apprendre parlà que, pour être admis à sa béatitude éternelle,nous devons être associés à sa douloureusePassion ; car le poisson rôti est l'emblème duChrist souffrant, qui est aussi le pain vivantdescendu du ciel ; et les autres poissons joints aupremier sont le symbole des sept disciples, quireprésentent tous les Chrétiens fervents.Pourquoi, ajoute saint Grégoire (Hom. 24 inEvang.), Jésus-Christ voulut-il célébrer ce dernierfestin avec sept de ses disciples, si ce n'est pournous enseigner qu'il ne doit introduire à sonbanquet céleste que les fidèles remplis des septdons du Saint-Esprit ? Et comme ces septheureux convives péchaient auparavant sur lamer, ils figurent spécialement les élus qui aurontsurmonté les flots de ce monde, en travaillant àgagner les âmes,

Nous lisons dans l'Évangile qu'il y eut deuxpêches miraculeuses, l'une avant la mort duSauveur et l'autre après [134] sa Résurrection. Lapremière figure l'Église telle qu'elle estaujourd'hui sur la terre, et la seconde représente

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l'Église telle qu'elle sera après le jugement général.La mer est l'image de la vie présente, et le rivageest l'emblème de la vie éternelle. A la premièrepêche, Jésus était monté dans la barque, parcequ'il était encore exposé, comme ses disciples, auxvicissitudes de ce monde ; à la seconde pêche aucontraire, il se tient sur le rivage, parce qu'il estparvenu désormais à l'état d'immortalité.Autrefois, sans déterminer aucun endroit, ni àdroite ni à gauche, il disait simplement à sesApôtres : Jetez vos filets ; ici il dit expressément :Jetez vos filets à la droite de la barque. Par là, d'abord ilsignifiait que tous les hommes devaient êtreévangélisés, sans distinction de bons ou demauvais ; mais ensuite, il signifie que les bonsseuls doivent être sauvés. Dans la première pèche,le nombre des poissons n'est point indiqué, parceque la multitude des fidèles doit êtrecontinuellement augmentée jusqu'à la fin dessiècles. Dans la seconde pêche, le nombre despoissons est exprimé par le chiffre centcinquante-trois, dans lequel nous voyonsreproduit trois fois le nombre cinquante, symboledu jubilé perpétuel ou repos éternel dont jouirontles Saints, et de plus le nombre trois, marquantl'ineffable Trinité dont la contemplation doit faireleur souverain bonheur. Dans le dernier filet, iln'y a que de gros poissons ; car dans le ciel, tousles élus seront grands, bien qu'ils soient élevés àdifférents degrés de gloire. Le premier s'était

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rompu pour montrer que l'Église militante devaitêtre déchirée par des schismes ; mais le second nese brise point, parce que dans l'Églisetriomphante tous les Saints seront parfaitementunis.

Le Seigneur vient d'accorder un bienfaitcommun aux sept disciples, en daignant mangeravec eux, il va [135] maintenant conférer à leurchef une faveur spéciale. Lorsqu'ils eurent achevé leurrepas, Jésus dit à Pierre : Simon, fils de Jean, m'aimes-tuplus que ceux-ci (Joan. XXI, 15) ? Comme s'il luidisait : Quelle preuve me donneras-tu d'undévouement plus grand que le leur ? Selon laremarque d'Alcuin, puisque le nom de Simonsignifie obéissant et celui de Jean grâce, saint Pierreest ici justement appelé Simon fils de Jean, c'est-à-dire fils obéissant de la grâce, pour montrer par là quel'ardente affection dont il était animé lui venaitd'une vertu surnaturelle. Le Seigneur n'avait-il pasvu cet Apôtre lui témoigner en de nombreusesoccasions un plus vif attachement que tous sescollègues ? Pourquoi donc cependant luidemande-t-il solennellement en leur présence, s'ill'aime véritablement plus qu'eux ? Au moment del'établir son vicaire, comme Chef suprême del'Église universelle, il voulait montrer que le prélatdoit surpasser les autres non-seulement enautorité, mais aussi en charité, en cet amour deDieu qui est le lien de la perfection ; que parconséquent il faut élire pour prélat celui qui,

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toutes choses égales d'ailleurs, est le plus excellentet le plus parfait. En effet, dans tout genred'administration, celui qui préside et gouvernedoit être supérieur en pouvoir et en mérite, parcequ'il a des obligations plus nombreuses, plusimportantes et plus difficiles que tous sessubordonnés ; car par rapport à eux il doit seconduire comme l'âme relativement au corps,comme la raison à l'égard des autres facultés,comme le pasteur envers le troupeau. Dans lesélections ou promotions ecclésiastiques, il fautdonc choisir de préférence le meilleur, non pas leplus lettré ou le plus habile, mais celui que,d'après toutes les conditions bien pesées, onestime être le plus apte à procurer la gloire deDieu et l'utilité de l'Église ; quiconque agitautrement ne [136] sera point exempt de faute anjugement de Dieu. Néanmoins, suivant la règle dudroit, quiconque se contente d'élire un hommebon et capable est exempt de punition aujugement des hommes. En effet, selon saintAugustin, pour éviter des désordres plus graves,les tribunaux humains tolèrent certaines actionsincorrectes ou défectueuses qui doivent êtrecorrigées ou réformées au tribunal divin ; car cequi suffît aux yeux des mortels ne suffit pastoujours aux yeux du Seigneur. Ainsi, devant laloi, il suffit que l'élu soit capable et que sonélection soit régulière ; car les électionsdeviendraient presque impossibles, si elles étaient

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annulées par le seul motif qu'on n'a pas élu lemeilleur. Cependant, en conscience, on est obligéde choisir le meilleur, comme nous l'avonsexpliqué ; c'est pourquoi, si, poussé par quelquesentiment d'affection charnelle ou par quelqueespoir d'avantage temporel, on préfère un sujetmoins bon à un meilleur, on fait acception depersonne et on commet une injustice, de sorteque l'élection est frauduleuse, quoique valide.

Pierre, qui ne pouvait lire dans le cœur desautres, ne pouvait par conséquent connaître àquel degré ils aimaient eux-mêmes le Seigneur ;n'osant donc pas répondre qu'il l'aimait plusqu'eux, il se contenta de dire simplement : Oui,Seigneur, vous savez que je vous aime (Joan. XXI, 15).Comme s'il disait : Vous qui seul pénétrez le fonddes cœurs, soyez mon témoin et mon juge ; carvous seul pouvez savoir si je vous aime plus queles autres ; quant à moi, je ne le sais pas ; mais ceque je sais, c'est que je vous aime de tout moncœur. Ainsi, depuis qu'il avait renié son divinMaître, Pierre avait appris à ne pas compter surses propres forces. Se déliant de lui-même, il n'enappelle point à son propre témoignage qui l'avaittrompé naguère, mais [137] à celui de Jésus-Christqui pénètre les secrets des âmes. Il répond alorsavec une prudente modestie : Mieux que moi,Seigneur, vous savez que je vous aime ; et par unerespectueuse humilité vis-à-vis de ses collègues, iln'ajoute pas : Je vous aime plus que les autres,

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nous montrant ainsi que nous ne devons jamaisnous préférer aux autres, mais au contrairepréférer les autres à nous-mêmes. Par cetteréponse très-réservée, il affirme uniquement cequ'il sait, c'est-à-dire qu'il aime sincèrement sonMaître et il tait ce qu'il ignore, à savoir s'il l'aimeplus que les autres. Par cet exemple de sagesse,apprenons à ne point juger des choses cachéesavec une téméraire précipitation, mais àsuspendre notre opinion tant que le doute existe.

Voulant confier à saint Pierre la chargepastorale, Jésus lui dit : Pais mes agneaux (Joan.XXX, 15). Comme s'il lui disait : Tu meprouveras l'affection que tu as pour moi par lesoin que tu prendras de mon troupeau ; carl'affection se prouve par les œuvres. Ainsi celuiqui aime vraiment Dieu, aime aussi le prochain ;mais celui qui n'exerce point la charité à l'égard deses frères montre qu'il n'en a point non plus àl'égard de leur Père céleste. Jésus-Christ, dit saintAugustin (Serm. 49 de tempore), recommandeson troupeau à l'Apôtre qui lui protestait sonamour, comme si saint Pierre ne pouvait mieuxtémoigner une parfaite dilection envers le divinMaître qu'en devenant un pasteur fidèle sous laconduite de ce Chef suprême. – Le Seigneuradressa cependant une seconde fois la mêmequestion à son fervent disciple, dont il reçut lamême réponse ; aussi lui dit-il encore : Pais mesagneaux (Joan. XXI, 16). Mais comme Jésus lui

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demanda pour la troisième fois s'il l'aimait, Pierrefut contristé d'une pareille insistance de la part deCelui qui n'ignorait point la vérité avant mêmed'en [138] exiger la déclaration (Ibid. 17). Il en futalarmé et tout troublé ; car sachant bien que sonMaître connaissait l'avenir comme le présent, ilcraignit que, par cette interrogation réitérée, leSeigneur ne voulût lui prédire quelque chutenouvelle, comme au temps de sa Passion. Selonsaint Chrysostôme (Hom. 87 in Joan.), le princedes Apôtres appréhendait alors que, s'il n'aimaitpoint véritablement tandis qu'il le pensait, il en fûtrepris et puni, comme il l'avait été récemment àcause de sa présomption quand il s'était cru fermeet inébranlable. Dans sa juste appréhension, ils'en remit à Jésus-Christ, en poussant vers lui cecri du cœur : Seigneur, vous savez toutes choses, soitactuelles soit futures ; par conséquent vous savezque je vous aime maintenant ; que m'arrivera-t-ilensuite ? vous le savez aussi, mais je ne le sais pas.Après avoir entendu cette dernière exclamation,le Seigneur ajouta : Pais mes brebis (Joan. XXXI,17).

En demandant trois fois à saint Pierre s'ill'aimait, Jésus-Christ n'ignorait point sans doutecombien il en était aimé ; mais, selon saintAugustin (Tract. 123 in Joan.), il voulait que leprince des Apôtres réparât la faute d'un triplereniement par le mérite d'une triple confession.Ne convenait-il pas que l'affection du disciple

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pénitent lui fit louer son divin Maître autant defois que la crainte le lui avait fait renoncer ? Deplus, suivant saint Ambroise (de Apologia David),le Seigneur interrogea saint Pierre non point pours'instruire lui-même, mais pour instruire celui qu'ilallait laisser comme son vicaire en ce monde, aumoment de monter au ciel ; car, après avoir aiméson troupeau jusqu'à sacrifier sa vie pour lui, il neveut le confier qu'au disciple dont il estspécialement aimé lui-même. C'est pourquoiavant d'établir saint Pierre chef de l'Église, ill'oblige à lui [139] faire une triple protestation desincère attachement ; et il apprend ainsi à l'Apôtreconverti qu'après avoir eu le malheur de montrersa lâcheté en reniant le Pasteur, il doit désormaismontrer son dévouement en paissant le troupeau.Selon saint Chrysostôme (Hom. 87 in Joan.),« Jésus-Christ semble dire à saint Pierre : Si tum'aimes vraiment, dirige sagement tes frères ; tuprouveras de cette manière l'amour fervent que tum'as témoigné en tout. Et puisque tu as promisde livrer ta vie pour moi, donne-la pour mesbrebis ; c'est en leur rendant service que tu mecauseras plus de plaisir. » Donc, conclut saintGrégoire (Epist. 1. VI, 5), si le soin qu'on prenddu troupeau est le signe de l'amour qu'on a pourle Maître, il s'ensuit que quiconque ne soigne pasle peuple dont il est chargé, n'aime pas Dieu quien est le Pasteur suprême. « M'aimes-tu ? dit leSauveur. Pais mes brebis par conséquent, comme

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l'explique saint Augustin (Tract. 124 in Joan.), nedésire point te repaître toi-même, mais montroupeau ; nourris-le comme étant à moi et nonpoint à toi ; cherche en lui ma gloire et non latienne, mon avantage et non le tien. »

« Ce n'est point sans motif, dit saint Bernard(Serm. 76 in Cant.), qu'avant de recommander sesbrebis à saint Pierre, le Seigneur lui a demandéplusieurs fois : Simon, m'aimes-tu ? c'était dire end'autres termes : Si tu ne m'aimes pointparfaitement, plus que tes biens, plus que tesproches, plus que toi-même, tu ne peuxconvenablement gouverner mon troupeau, pourle salut duquel j'ai versé mon sang. Parolesterribles, qui devraient effrayer tous les maîtreségoïstes, durs envers leurs sujets comme destyrans ! Vous donc qui exercez le ministèrepastoral, veillez non-seulement sur vous-mêmes,mais encore sur le dépôt précieux qui vous a étéconfié. » Remarquons comment [140] Jésus-Christ, en conférant à saint Pierre la juridictionspirituelle, l'examine lui-même jusqu'à trois foispar rapport à la divine charité ; car les supérieursecclésiastiques doivent en être animés plus que lesautres hommes. Par conséquent, on ne doit pointélever à quelque dignité dans l'Église celui qui n'adonné aucune preuve d'affection sincère enversDieu et le prochain. « N'est-ce pas à bon droit,ajoute saint 'Bernard (Serm. 23 in Cant.), que leSeigneur recherche s'il possède vraiment l'amour

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de l'Apôtre destiné à régir tout son troupeau ?Celui qui est chargé de conduire les âmes doit êtretellement rempli de la charité qu'il en soit commeenivré et enflammé, au point de s'oublier lui-même pour songer aux seuls intérêts de Jésus-Christ. » Enfin, par l'exemple de Notre-Seigneur,apprenons avec quelle attention on doit examinerquelqu'un avant de le revêtir de l'autoritépastorale.

Pourquoi Jésus-Christ a-t-il dit à saint Pierredeux fois d'abord : Pais mes agneaux, et une foisensuite : Pais mes brebis ? C'est que, dans l'Église deDieu, il y a trois classes de Chrétiens fidèles. Lesparfaits sont figurés par les brebis auxquelles ilfaut une nourriture solide ; et les imparfaits dedeux sortes qui débutent ou qui progressent dansla vie spirituelle sont représentés par tes agneauxqui ont besoin de quelque lait. Ceux-ci encorefaibles et tendres dans la foi réclament lasollicitude et la vigilance du pasteur plus que lesautres assez forts et assez grands pour seconduire facilement eux-mêmes. Néanmoins, lesuns comme les autres ont été simultanémentconfiés à saint Pierre, puisqu'il a été chargé depaître en même temps les agneaux et les brebis,c'est-à-dire les enfants et les mères, les sujets etles prélats ; et comme dans l'Église il n'y a que desagneaux et des brebis, il s'ensuit qu'il est lepasteur [141] commun de tous ceux quicomposent le troupeau de Jésus-Christ. – Mais

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pourquoi le Sauveur établit-il saint Pierre le chefsuprême de l'Église entière préférablement à saintJean qu'il chérissait d'une manière spéciale ?D'abord, c'est que saint Jean était encore très-jeune, tandis que saint Pierre était âgé déjà ; parconséquent le choix de celui-ci pouvait moins êtreun sujet de scandale pour les autres Apôtres. Deplus, Notre-Seigneur voulait montrer par là quedans les promotions ou élections ecclésiastiqueson ne doit pas tenir compte de l'amitié et de laparenté. Plut à Dieu que cet exemple eût étéconstamment imité ! – Admirons encore ici labonté condescendante de Jésus-Christ enversnous. Avec quelle affectueuse précaution ilrecommande nos âmes à saint Pierre comme àson vicaire ! Il commence par exiger du princedes Apôtres une triple protestation d'amourcomme garantie solennelle de dévouement ; puisil lui remet son propre troupeau, en disant nonpas : Tonds, trais et tue ; mais en répétant troisfois : Pasce, c'est-à-dire : Nourris-le de troisfaçons : par de salutaires paroles, de vertueuxexemples et des secours temporels, autant quepossible. Mais, hélas ! combien de mauvaispasteurs négligent de remplir ces trois devoirsenvers les sujets qui leur sont confiés ! au lieu deles instruire, de les édifier et de les assister, ils lesoppriment par leurs exactions, les corrompent parleurs discours et les perdent par leurs scandales.

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Saint Pierre venait de donner une tripleassurance de son amour présent ; il ne tarda pointà recevoir l'assurance prophétique de son amourconstant jusqu'à la fin ; car le Seigneur lui préditaussitôt comment il devait subir le martyre, parceque les pasteurs animés d'une généreuse charitédoivent être prêts à souffrir la mort pour leur[142] troupeau. Jésus-Christ ajouta donc dans unlangage figuré (Joan. XXI, 18) : En vérité, en vérité,je te le déclare : Quand tu étais plus jeune, tu te ceignaistoi-même et tu marchais où il te plaisait ; mais lorsque tuseras devenu vieux, un autre te ceindra et te mènera où tune veux pas. En effet, dans un âge très-avancé,saint Pierre étendit les mains sur la croix, où lebourreau le ceignit ; car au lieu de l'y fixer avecdes clous, il l'y attacha avec des cordes, afin deprolonger le tourment avec la vie du patient.L'Apôtre fut alors traîné avec violence oùnaturellement il ne voulait point, à la mort cruelleque fuyait son appétit sensitif mais qu'acceptanéanmoins son appétit intellectuel ouraisonnable ; car à la suite de son divin Maître quidisait au Père céleste : Qu'il soit fait selon votrevolonté et non point selon la mienne, saint Pierreconsentit par raison à être conduit au supplicepour y être réuni à Jésus-Christ dans la vieéternelle, quoiqu'il souhaitât par instinct d'yarriver sans passer par les angoisses du trépas.

À ce propos, remarquons qu'il y a dansl'homme deux appétits distincts ; l'un vient des

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sens et l'autre de l'intelligence. Le nom de volonténe convient proprement qu'à l'appétitintellectuel ; néanmoins dans un sens large onl'applique également à l'appétit sensitif. Dans saintPierre donc, quoique la volonté raisonnable ousupérieure fût disposée au martyre, la volontésensible ou inférieure y était opposée, parce que lanature redoute la mort comme son mal suprême.Nous avons vu qu'il en avait été de même enJésus-Christ, au moment de son agonie dans leJardin des Olives. N'en soyons pas étonnés ; carentre le corps et l'âme il existe une sympathietellement profonde qu'ils souhaiteraient n'êtrejamais séparés l'un de l'autre. Voilà pourquoiNotre-Seigneur dit à saint Pierre en lui parlant de[143] la mort : Tu ne veux point y aller. Cependantce sentiment de la nature que la vieillesse ne putlui enlever, l'attrait de la grâce le lui fit surmonter,en sorte qu'il put dire comme saint Paul (Philip. I,23) : Je me trouve pressé de deux côtés ; mais je désire,comme un plus grand avantage, être dégagé du corps pourêtre avec Jésus-Christ. Cependant, selon saintChrysostôme (Hom. 87 in Joan.), pour que leshommes ne fussent point portés à se causer unemort violente, Dieu a voulu sagement leur eninspirer une horreur naturelle. Mais, comme leremarque saint Augustin (Tract. 123 in Joan.),puisque Jésus-Christ a daigné mourir pour nous,l'amour que nous devons avoir pour lui doit êtreassez fort pour vaincre la répugnance que nous

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fait ressentir la chair à l'égard de la mort. « Sidonc, ajoute saint Grégoire (Moral. lib. 31), siPierre eût absolument refusé d'aller à la mort, iln'aurait pu souffrir pour Jésus Christ ; mais par lavertu de l'esprit il embrassa courageusement lemartyre qu'il repoussait par la faiblesse de la chair.Ainsi, tandis que la chair lui faisait appréhender lapeine capitale, l'esprit lui faisait rechercher lagloire céleste, de sorte que le martyre fut à la foisl'objet de ses vœux et de ses craintes. De même,nous consentons à goûter l'amertume d'unremède pour recouvrer la joie de ta santé, car si lapotion que nous devons prendre nous déplaît, laguérison que nous devons en retirer nous plaît. »

Comme récompense de l'affection que saintPierre venait de lui témoigner, le Seigneur luiprédit donc la prérogative du martyre, au moyenduquel il devait paître les brebis et les agneaux,multiplier les enfants de l'Église et suivre lestraces de son Maître. Alors, selon la Glose,« Jésus-Christ annonça la passion glorieuse decelui dont il avait annoncé le honteux reniement ;car désormais l'Apôtre devenu plus [144] fort seracapable de souffrir pour sou divin Maître, commeil l'avait promis trop tôt lorsqu'il était encorefaible. Maintenant il ne craint plus la perte decette vie fragile, depuis qu'il a vu dans laRésurrection du Sauveur l'exemple d'une autre viemeilleure. » Et d'après cette prédiction, comme leremarque saint Chrysostôme (Hom. 87 in Joan.),

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saint Pierre fut certain d'obtenir ce qu'il avaitvoulu et demandé en disant au Seigneur : Jedonnerai ma vie pour vous (Joan. XIV, 37). Quandmême il me faudrait endurer la mort avec vous, je ne vousrenoncerai point (Marc. XIII, 31). Comme donc cegénéreux disciple souhaitait toujours davantagelui prouver son entier dévouement au milieu desplus grands périls, Jésus-Christ semble lui dire :Aie courage ; j'accomplirai enfin ton ardent désir,de telle sorte que tu souffriras dans ta vieillesse ceque tu n'as pas souffert dans ta jeunesse. » « Ainsi,comme l'explique saint Augustin (Tract. 123 inJoan.), tu étendras tes mains, c'est-à-dire tu serascrucifié ; mais pour en venir là, un autre te ceindra ette mènera ; car c'est avant d'être crucifié que tuseras conduit où tu ne voudrais pas aller. »Toutefois, ô bienheureux Apôtre, cela n'arriveraque quand tu seras vieux. En effet, trente-sept anss'écoulèrent depuis le moment de cette prophétiejusqu'au jour de sa réalisation. En subissant ainsile supplice de la croix dans un âge très-avancé,saint Pierre nous apprend que, même après avoirobtenu le pardon de nos péchés, nous devons enfaire pénitence et en subir la peine pendant toutenotre vie. Selon la Glose, le châtiment dure pluslongtemps que la faute, de peur que celle-ci parûtlégère si celui-là finissait en même temps qu'elle.Considéré aux deux époques de sa jeunesse et desa vieillesse, saint Pierre est la figure des séculierset des religieux ; car le séculier, maître de sa [145]

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volonté, va où il lui plaît ; mais le religieux, que saprofession et sa règle ont rendu plus grave et plusmûr, se laisse souvent conduire par l'ordre de sonsupérieur là où il ne voudrait point aller, s'il n'yconsentait pour le mérite de l'obéissance.

Ainsi Jésus-Christ signifia par quel genre demort Pierre devait glorifier Dieu (Joan. XXI, 49).D'abord, aux yeux des Juifs témoins de sa lâcheté,cet Apôtre avait rendu son Maître méprisable, enle renonçant de crainte d'être attaché avec lui ;mais ensuite, aux yeux des bourreaux témoins desa constance, il le rendit estimable, en leconfessant lorsqu'il consentit à être crucifié aveclui. De la sorte, bien que Jésus-Christ ne soit pasglorifié directement par les injustes persécutionsdes méchants et des infidèles, il l'est néanmoinschaque jour par les vertueux exemples des saintset des fidèles, dont elles sont l'occasion. La mortdes Martyrs fait donc la gloire du Seigneur ; carelle montre la grandeur de Celui pour laconfession duquel ils sacrifient leur propre vie ; eten se soumettant aux plus grands maux pour sonamour et son honneur, ils prouvent qu'il mérited'être honoré et aimé souverainement.Remarquons ici que le Sauveur avait été crucifié latête en haut, mais que, par respect pour son divinMaître, saint Pierre demanda d'être crucifié la têteen bas ; saint André, son frère, subit un pareilsupplice, mais en travers, sur une croix dont lespièces étaient disposées obliquement.

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Après ces paroles, qui annonçaient à saint Pierresa mort violente, le bon Maître essaya de rendrecette prophétie moins dure, en proposant sonpropre exemple : Suis-moi, lui dit-il (Joan. XXI,19). Or suivre le Seigneur, qu'est-ce sinonl'imiter ? Il semblait donc dire : Veux-tu aller plusvolontiers au martyre, pense que tu marches surmes [146] traces ; car tu dois endurer pour laconfession de mon nom le même supplice de lacroix que je n'ai point balancé de subir pour lesalut de ton âme ; et tu mériteras ainsi unecouronne d'autant plus illustre que tu acquerrasune ressemblance plus parfaite avec ton souverainSeigneur. D'ailleurs, cet Apôtre ne s'était-il pasoffert déjà lui-même à l'accompagnerparticulièrement, quand il avait dit : Pourquoi nepuis-je vous suivre ? Je veux donner ma vie pour vous(Joan. XIII, 37). Le Sauveur exige l'exécution decette promesse en lui disant : Suis-moi ou end'autres termes : Si tu m'aimes, viens après moi ;et puisque je suis mort pour toi, meurs à ton tourpour mon amour ; monte comme moi sur lacroix, pour sortir de ce monde de la mêmemanière que moi. Cette invitation ne s'adressaitpas à saint Pierre seulement, mais à luispécialement, parce que lui-même entre tous lesautres devait donner sa vie pour le troupeauconfié à sa sollicitude pastorale. En lui parlantainsi, le Seigneur se leva pour quitter le lieu durepas ; et par ce mouvement corporel, il indiqua

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d'une façon plus sensible ce qu'il venait d'exprimerde vive voix ; c'est ainsi que les anciens Prophètessignifiaient les volontés divines tantôt par leursdiscours et tantôt par leurs actions.

Fidèle à l'ordre qu'il avait reçu, Pierre suivaitdéjà le Sauveur, lorsque, s'étant retourné, il vit veniraprès lui le disciple que Jésus aimait (Joan. XXI, 20).Voulant savoir comment mourrait Jean qu'ilaimait aussi particulièrement, il dit : Seigneur, etcelui-ci que deviendra-t-il ? (Ibid. 21). Il semblait dire :Je vais souffrir comme vous, mais celui-ci quinous est cher à tous deux va-t-il mourir avecmoi ? Selon saint Chrysostôme (Hom. 87 inJoan.), après avoir appris qu'il devait être crucifié,saint Pierre désira connaître si, dans son martyre,il aurait pour associé saint [147] Jean avec lequel ilétait très-lié ; car il souhaitait de partager avec soncollègue le plus affectionné le sort glorieux qui luiétait réservé, c'est-à-dire l'honneur de suivreJésus-Christ sur la croix où il les avait précédés.Saint Jean, pieusement jaloux de cette faveursignalée, aurait bien posé cette même questionque saint Pierre, s'il l'avait osé. Entre les autresApôtres, il était tendrement chéri de son divinMaître, qui lui donna plusieurs preuves d'unedilection spéciale, surtout en le laissant exhaler ledernier soupir en paix et sans violence. Il étaitainsi devenu l'ami privilégié du Sauveur pourd'excellentes raisons : 1° pour l'éclat de sa pureté,qui le porta à demeurer toujours vierge, après

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comme avant sa vocation à l'apostolat ; 2° pour lasublimité de sa sagesse, qui lui permit de pénétrerdans les plus profonds mystères de la divinité ; 3°pour la ferveur de sa charité envers Jésus-Christ,qui ne se laisse jamais vaincre en affectionsincère.

Au sujet de ce disciple bien aimé, Jésusrépondit à Pierre : Je veux qu'il reste ainsi jusqu'à ceque je vienne, c'est-à-dire qu'il demeure sur la terrejusqu'à ce que je l'introduise dans le ciel par unemort paisible. En d'autres termes : Je ne veuxpoint qu'il me suive dans la voie de la Passion,mais plutôt qu'il se livre au repos de lacontemplation, en attendant que je l'appelle àpasser doucement de cette vie en l'autre. Onraconte en effet que, dans une extrême vieillesse,saint Jean reçut la visite de Jésus-Christaccompagné de ses disciples, qui l'invitait à laparticipation de sa gloire et de leur félicitééternelle. – Mais que t'importe ? ajouta le Sauveur àPierre. Comme s'il lui disait : Il ne t'appartient pasde savoir quel sort je destine à Jean ; il t'importeseulement d'accomplir avec promptitude ethumilité l'ordre que je t'ai donné ; aussi je te lerépète ; Suis-moi jusqu'au [148] supplice de la croix(Joan. XXI, 22). Selon saint Chrysostôme (loc.cit.), Jésus-Christ par cette réponse nous apprendà ne point nous préoccuper et inquiéter derecherches et de connaissances qui ne nous sontpoint nécessaires et ne lui sont point agréables.

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En faisant une pareille question, Pierre étaitpoussé par un sentiment inopportun à l'égard deJean. Puisque tous deux devaient être chargésd'évangéliser diverses contrées, il n'était pasexpédient qu'ils fussent constamment réunis ;autrement l'univers en aurait éprouvé un gravedommage. Aussi le Seigneur semble répliquer àPierre : Veille, travaille et combats jusqu'audernier soupir pour exercer la charge que je viensde te confier ; mais si je veux laisser celui-citranquille, que t'importe ?

Là-dessus le bruit que ce disciple ne mourrait pointcourut parmi les frères, c'est-à-dire parmi les autresdisciples unis ensemble par une charité très-étroite (Joan. XXI, 23). Cette opinion publiquevenait du sens qu'on attachait aux paroles duSauveur ; et on en concluait que saint Jeancontinuerait de vivre jusqu'au moment où leSeigneur viendrait juger le monde. Mais s'il enavait été ainsi, cet Apôtre privilégié n'aurait pasreçu un grand avantage ; car mieux vaut êtreaffranchi de cette chair corruptible pour êtreassocié à Jésus-Christ, comme le déclare saintPaul. (Philip. I, 23). Ce sentiment était doncerroné, puisque l'ancienne Église d'Éphèse s'estglorifiée de posséder le tombeau de saint Jean.Cet Apôtre devait être soumis à la sentenceportée contre tous les hommes conçus ainsi quelui dans le péché originel. Aussi, comme pourdétromper les fidèles d'une fausse interprétation,

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lui-même fait remarquer dans son Évangile queJésus n'avait pas dit : il ne mourra point ; mais : Je veuxqu'il reste ainsi jusqu'à [149] ce que je vienne. En effet,il n'a point subi la douleur du martyre commesaint Pierre ; mais, après qu'il eut vécu quatre-vingt-dix-neuf ans et qu'il eut prêché soixante-huit ans, le divin Maître l'enleva de ce monde parune mort naturelle et le transporta dans la célestepatrie. Ce même disciple a écrit ces choses qu'il a vues etentendues ; par conséquent le témoignage qu'il en rendest vrai et irrécusable (Ibid. 24). Jésus-Christassurément ne pouvait avoir un historien plusconvenable qu'un témoin aussi assidu de sesparoles et de ses actions.

Les deux principaux Apôtres désignés dans lascène qui vient d'être racontée représententencore les deux sortes de vie spirituelle. SaintPierre, auquel le Sauveur dit : Suis-moi, figure leChrétien adonné aux labeurs de la vie active ; iltravaille pour le prochain afin de l'assister en soncorps ou en son âme, et il combat jusqu'à la mort,s'il est nécessaire, pour défendre la justice et lavérité. D'un autre côté, saint Jean, dont Jésus dit :Je veux qu'il reste ainsi jusqu'à mon arrivée, figure leChrétien appliqué aux douceurs de la viecontemplative ; il s'efforce de renoncer à tous lessoins temporels pour s'occuper de Dieu seul, et iltâche de demeurer en ce paisible état jusqu'à ceque le souverain Juge vienne l'élever à la visionintuitive de sa gloire. L'une et l'autre vie ont pour

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objet et pour fin Dieu lui-même. Le Chrétientémoigne plus d'amour à Dieu dans la vie active,parce que, ressentant davantage les angoissesprésentes, il désire plus vivement d'en être délivrépour aller à lui ; mais Dieu témoigne plus d'amourau Chrétien qu'il laisse dans la vie contemplative,car il lui fait commencer sur la terre les saintsexercices qu'il lui fera continuer éternellement auciel. De là cette parole du Psalmiste : Le Seigneuraime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob[150] (Ps. LXXXVI, 2). En effet, tandis que leSeigneur dit aux uns de le suivre dans lasouffrance, il dit aux autres de l'attendre en paixjusqu'à ce qu'il les transporte en son royaume.Ainsi, la vie active s'exerce et se consommeexclusivement en ce monde, tandis que la viecontemplative y est simplement ébauchée et yreste imparfaite.

Après tout ce que nous venons de rapporter,pour consoler les sept disciples de son absence,Jésus les bénit avec effusion et disparut à leursregards. Si nous voulons profiter de cette salutairevisite, n'oublions point les prodiges et lesenseignements nombreux que nous y avonsremarqués. Saint Jean déclare que cettemanifestation était la troisième (Joan. XXI, 14),non pas sans doute en comptant toutes celles quieurent lieu en un même jour, mais celles quieurent lieu en divers jours : ainsi le Sauveur se fitvoir la première fois, à différentes reprises, le

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dimanche même de Pâques ; la seconde fois, ledimanche suivant ; et la troisième fois, en un jourindéterminé sur le bord de la mer. Ou plutôt, cefut alors la troisième fois que le Seigneurressuscité apparut à ses disciples réunis ; car saintJean lui-même raconte comment le divin Maîtres'était montré auparavant à eux, d'abord enl'absence de Thomas, puis en présence de cetApôtre. Cette nouvelle apparition aux septdisciples qui péchaient dans le lac de Tibériade futsuivie de plusieurs autres jusqu'à l'Ascension duSauveur ; mais elles ne sont point toutesmentionnées dans les Évangiles.

Prière.Seigneur Jésus, dans mon extrême misère,

accordez-moi de vous servir la nourriture quevous désirez en accomplissant votre saintevolonté ; car notre obéissance vous [151] plaîttellement qu'elle devient votre réfection. Malgréma profonde indignité, faites-moi participer àvotre festin mystique, de telle sorte qu'ensouffrant pour vous, je sois restauré par vous-même, poisson sacré rôti pour nous sur le bois dela croix. Puisque vous êtes aussi le pain vivantdescendu du ciel, faites que je sois rassasié dèsmaintenant par la foi de votre doctrine salutaire etla communion de votre adorable sacrement, puispar la jouissance de votre glorieuse société duranttoute l'éternité. Bon Maître, donnez-moi de vousaimer comme saint Pierre vous a aimé, en me

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sacrifiant pour vous généreusement ; daignezm'aimer aussi comme vous avez aimé saint Jean,en m'attachant à vous uniquement ; aidez-moi, jevous en conjure, à progresser sans cesse et àpersévérer jusqu'à la fin dans ce bienheureux étatde l'amitié divine. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXX. JÉSUS APPARAÎT SUR UNE MONTAGNE DE GALILÉE AUX ONZE APÔTRES ET À PLUS DE CINQ CENTS FRÈRES. (Matth. XXVIII.)

Selon la remarque du Vénérable Bède, Jésus-Christ avait dit à ses disciples réunis avant laPassion : Lorsque je serai ressuscité, je vous précéderai enGalilée (Matth. XXVI, 32) ; ensuite il avait dit auxsaintes femmes accourues à son sépulcre : Allezannoncer à mes frères qu'ils se rendent en Galilée, c'est làqu'ils me verront (Ibid. XXVIII, 10). Cet [152]ordre, que les Anges avaient également transmis(Marc. XVI, 7), ne manqua pas d'être rempli.L'apparition du Sauveur sur le bord du lac deTibériade eut bien lieu dans la Galilée, mais cen'était point celle qui avait été principalementannoncée ; car les disciples n'étaient alors quesept, tandis que tous se trouvèrent à une autreplus importante. En effet, comme saint Matthieunous l'apprend (XXVIII, 16), les onze disciples serendirent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avaitassignée. Si nous en croyons quelques interprètes,l'endroit ici désigné serait une montagne, portant

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le nom de Galilée, laquelle est située dans laprovince de Judée, à un mille du mont desOliviers, vers le nord. Mais d'après l'opinion laplus vraisemblable, le lieu mentionné est lacélèbre montagne du Thabor, qui s'élève dans laprovince même de Galilée. C'est là que, pendantsa vie, le Sauveur avait voulu donner unéchantillon de sa gloire future à trois Apôtresseulement ; c'est aussi là qu'après sa mort, ilvoulut manifester à tous ses disciples la vérité desa triomphante Résurrection.

Saint Matthieu ne désigne comme témoins decette nouvelle manifestation que les onzeApôtres, parce qu'ils étaient les plus notablespersonnages ; mais on croit que beaucoupd'autres disciples étaient alors présents. En effet,selon Eusèbe, c'est de cette apparition solennelleque saint Paul disait aux Corinthiens (I Ep. XV,6), en parlant du Sauveur ressuscité : Il s'est faitvoir à plus de cinq cents frères ensemble. Puisque lesdisciples étaient si nombreux sur cette montagne,comment n'étaient-ils que cent vingt dans leCénacle, où tous cependant étaient réunis au jourde la Pentecôte, selon le livre des Actes ? C'estqu'en cette dernière circonstance se trouvaienttous les fidèles logés alors à Jérusalem ; maisauparavant le Seigneur s'était [153] montré àbeaucoup d'autres fidèles de différentes villespour les consoler par sa présence et les affermirdans la foi. D'après Raban Maur (in cap. 28

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Matth.), en se manifestant ainsi à ses disciples surle sommet d'une montagne, Notre-Seigneur avoulu signifier que son corps, précédemmentsoumis aux infirmités humaines, était élevédésormais au-dessus de toutes les chosesterrestres, et que, pour participer aux sublimesprérogatives de sa glorieuse Résurrection, nousdevons renoncer aux basses affections de cemonde et aspirer aux jouissances supérieures de lacéleste patrie.

À la vue de leur bon Maître rendu à la vie, lesdisciples, pénétrés d'une joie respectueuse,l'adorèrent humblement ; le visage prosterné contreterre, ils lui rendirent leurs profonds hommages,en reconnaissant tout à la fois sa divinité et sonhumanité très-sainte. Quelques-uns cependant surprisd'un événement si extraordinaire, éprouvèrent dudoute touchant la réalité de sa Résurrection (Matth.XXVIII, 17). D'où l'on doit conclure que lesApôtres n'étaient pas seuls présents ; car dèsauparavant tous étaient convaincus de la vérité,sans excepter Thomas lui-même qui avait été leplus incrédule. Mais l'hésitation des autresdisciples servit encore à la confirmation de notrefoi ; car plus leur incertitude fut grande et plusleur examen fut attentif, plus leurexpérimentation fut constante et plus leurcroyance fut ferme ; non-seulement ilscorroborèrent ainsi la doctrine des catholiques,mais ils confondirent par avance la perversité des

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hérétiques qui devaient ensuite attaquer le dogmede la Résurrection. Le Seigneur très-clément vintexprès affermir ceux qui croyaient déjà et éclairerceux qui doutaient encore. Afin donc de rendre saRésurrection plus évidente pour tous sesdisciples, il s'approcha d'eux et s'entretint avec eux.[154]

D'abord il leur dit : Toute puissance m'a étédonnée au ciel et sur la terre (Ibid. 18). Cettepuissance, Jésus-Christ la possédait de touteéternité en sa divinité, et depuis sa conception enson humanité ; mais il ne voulut pas l'exerceravant d'être ressuscité d'entre les morts ; etjusqu'à ce moment, Il demeura sujet auxsouffrances, afin d'opérer notre rédemption.Jésus-Christ parle donc ici selon cette naturecréée, en laquelle il s'était rendu inférieur auxAnges sous quelque rapport, et non point seloncette nature créatrice en laquelle il était égal à sonPère de toutes manières. En effet, comme Dieu, ila toujours joui d'une autorité suprêmeconjointement avec le Père et le Saint-Esprit ; entant qu'homme, il a été revêtu d'une semblableautorité dans l'univers entier ; car en cettedernière qualité, il peut couronner au ciel etchoisir sur la terre ceux qu'il lui plaît ; sa volontés'exerce partout sans obstacle. Bien plus, ainsi quele déclare saint Paul (Philip. II, 9-11), Dieu l'aexalté au-dessus de toute créature, en le faisantsiéger à sa propre droite ; et il lui a donné un nom

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supérieur à tout autre, afin qu'au nom de Jésus tout genoufléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers, et afin quetoute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ estassocié à la gloire de Dieu son Père. En effet, à qui deshommes ou des Anges fut donné le droit d'êtreappelé Fils de Dieu par nature, sinon à Jésus-Christ dont le Père céleste a dit : Voici mon Filsbien-aimé en qui reposent toutes mes complaisances(Matth. III, 17) ? A qui des Saints ou des espritsbienheureux fut accordé le privilège de racheter lemonde, sinon à Jésus-Christ, dont le Prince desApôtres a dit : Le salut ne peut venir d'aucun autre(Act. IV, 12) ? Ainsi, ce que Notre- Seigneur avaittoujours possédé comme Dieu avec son Père, ill'a reçu comme homme de son Père ; et d'après[155] saint Sévérien, on peut dire que sonhumanité a tout reçu de sa divinité, car en lui leFils du Très-Haut a tout donné au Fils de laVierge.

Bien qu'il soit tout-puissant, le Sauveur nedédaigne point les pauvres pécheurs, mais il lesaccueille tous également avec bonté, quand ilssont sincèrement convertis. C'est pourquoi envertu de son autorité souveraine, il dit à sesdisciples : Allez donc enseigner toutes les nations. Il fautpar conséquent que les ministres de l'Évangile nesoient point négligents, ni ignorants ; mais qu'ilsveuillent aller partout où ils sont envoyés et qu'ilssachent enseigner comme il convient ; il faut deplus qu'ils instruisent indistinctement les pauvres

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et les riches sans faire acception de personne.Après avoir prêché l'Évangile aux différentspeuples, baptisez-les, dit Jésus-Christ, au nom duPère, et du Fils et du Saint-Esprit (Matth. XXVIII,19) ; car quiconque ne renaît par l'eau et le Saint-Espritne peut entrer dans le royaume de Dieu (Joan. III, 5).Ce baptême nécessaire doit être administré aunom des trois personnes divines, pour marquerque la grâce de la régénération spirituelle doit êtreproduite en l'âme par la vertu de la Trinité toutentière. Non contents de baptiser ainsi toutes lesnations, apprenez-leur, ajouta le Sauveur, à observertout ce que je vous ai commandé ; c'est-à-dire à mettreen pratique tout ce qui est ordonné par rapportaux sacrements de la loi nouvelle, aux dogmes dela foi catholique, et aux préceptes de la moralechrétienne (Matth. XXVIII, 20). Avant saPassion, Jésus-Christ avait recommandé à sesdisciples de ne point prêcher sa doctrine auxGentils mais aux Juifs seulement, parce qu'iln'était pas temps de répandre l'Évangile dans toutl'univers ; mais après sa Résurrection, il les envoyavers tous les peuples pour les instruire d'abord etles [156] baptiser ensuite. Les adultes, en effet,avant d'être baptisés doivent connaître ce queJésus-Christ a révélé, parce que sans la foi il estimpossible de plaire à Dieu (Hebr. XI, 6) ; et aprèsavoir été baptisés ils doivent pratiquer ce que leSauveur a prescrit ; car pour être sauvé, il ne suffitpas d'écouter mais il faut en outre accomplir la

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parole de Dieu, comme le déclare saint Jacques (I,22). Ainsi le baptême ne doit être conféré qu'auxpersonnes instruites préalablement des véritésnécessaires, et il ne peut être profitable qu'auxChrétiens appliqués à des actions vertueuses ; carde même qu'un corps sans âme n'a plus de vie, ainsi la foisans les œuvres est morte (Ibid. II, 26).

S'il vous semble difficile ou même impossiblede pratiquer toutes les prescriptions divines,efforcez-vous simplement d'acquérir et de garderla charité. « Celui dont le cœur est plein decharité, dit saint Augustin (lib. 1 de Doct. Christ.),embrasse sans erreur et observe sans peine lesdivers enseignements des Saintes-Écritures, seloncette parole de l'Apôtre (Rom. XIII, 10) :L'accomplissement de la loi consiste dans l'amour. De làcette recommandation du céleste Législateur :Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur,de toute votre âme ; et vous aimerez votre prochain commevous-même. Ces deux préceptes renferment toute la Loi etles Prophètes (Matth. XXII, 37-40). Si donc vous nepouvez lire toutes les pages, ni comprendre toutesles maximes, ni approfondir tous les mystères deslivres inspirés, ayez du moins la charité qui en estla le sommaire et l'abrégé. L'homme qui s'attachefermement à la foi, à l'espérance et à la charité, n'abesoin de la science des Écritures que pourl'instruction des autres ; avec ces trois excellentesvertus, beaucoup de solitaires ont vécu très-saintement sans aucun livre. « Remarquez [157]

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combien la charité a d'efficacité, dit ailleurs lemême saint Docteur (in Psal. 121) ; si, dans votrecondition particulière, vous ne pouvez accomplirquelque prescription divine, aimez du moins celuiqui l'accomplit, et vous l'accomplissez en lui de lasorte. » Saint Grégoire dit également : « Si nousne pouvons imiter les bonnes œuvres dont noussommes témoins, qu'elles nous soient chères dansles autres, et elles nous deviendront propres ànous-mêmes. » « Que les hommes envieuxconsidèrent l'excellence de la charité, ajoute saintAugustin (Tract. 5 in Epist. Joan.) ; elle nous faitjouir des biens d'autrui sans travail de notre part.En effet, si vous aimez l'union fraternelle, tout cequi appartient à un autre appartient aussi à vous-même ; faites disparaître l'envie, et tout ce que j'aiest à vous, comme aussi tout ce que vous avez està moi. La charité nous rend ainsi commun ce quela jalousie nous rend étranger. » Le Chrétien quipossède cet amour surnaturel participe à tous lesbiens de L'Église ; mais il n'en retire aucun profit,et perd même tout le mérite de ses bonnesœuvres, s'il n'a pas cette dilection nécessaire.Aussi, selon saint Bernard, la charité est une vertuqui donne du prix aux moindres actions, et sanslaquelle les œuvres les plus éclatantes n'ont pointde valeur. Concluons que la charité est la reine detoutes les vertus ; sans elle nul ne peut parvenir àla perfection, car l'homme n'est parfait que quandil est rempli de charité.

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Afin que les Apôtres ne fussent point effrayésde leur sublime mission, le Sauveur voulut lesrassurer en ajoutant (Matth. XXVIII, 20) : Je suisavec vous tous les jours jusqu'à ta consommation dessiècles ; c'est-à-dire : Je reste au milieu de vousd'une manière continuelle et perpétuelle, par laprésence de ma divinité et de ma grâce, pour vousaider [158] et vous assister jusqu'à ce qu'aprèsavoir terminé vos travaux et vos œuvres, vousveniez partager ma récompense et ma gloire ; etcomme gage de ma parole, je vous laisse laprésence de mon corps dans le sacrement del'autel. Comme s'il leur disait, selon saintChrysostôme (Hom. 91 in Matth.) : Ne vousexcusez point en alléguant la difficultéd'accomplir les ordres que je vous ai donnés ; carje serai toujours avec vous afin de vous enfaciliter l'exécution. Dans cette promesseadmirable nous trouvons la plus sûre garantiepour surmonter tous les obstacles, car si Dieu estpour nous, qui sera contre nous ? (Rom. VIII, 31.)Avec un pareil défenseur, que pouvons-nouscraindre des ennemis les plus acharnés ? Disonshardiment comme le Psalmiste : Avec le secours deDieu nous remporterons des victoires, et lui-mêmeexterminera nos persécuteurs (Ps. LIX, 14). C'estsurtout aux prédicateurs de l'Évangile que leSauveur semble dire ici : Je suis avec vous, afin derendre vos discours efficaces pour le salut de vosauditeurs et l'accroissement de vos mérites. Selon

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saint Chrysostôme (loc. cit.), Jésus-Christ nes'adresse pas seulement aux disciples qui étaientdevant lui, puisqu'ils ne devaient pas rester sur laterre jusqu'à la consommation des siècles ; maisen parlant à ses Apôtres, il parlait aux fidèles quidevaient hériter de leur foi, de manière à formerle corps de son Église dans le cours des temps ;c'est avec eux tous successivement qu'il s'engage àdemeurer comme leur chef au milieu de sesmembres. De là, dit Raban Maur (in cap. 28Matth.), nous devons conclure que, jusqu'à la findu monde, il y aura toujours ici-bas des Chrétiensfidèles qui, par leurs vertus, mériteront deposséder parmi eux le Sauveur.

Jésus-Christ allait retirer à ses disciples laprésence sensible de son humanité, mais nonpoint la présence salutaire [159] de sa divinité quidevait leur continuer l'assistance de sa grâcejusqu'au dernier jour du monde. Un sage pilote nequitte pas le vaisseau qui lui a été confié avant del'avoir conduit heureusement au port. L'Église estle vaisseau qui a Jésus-Christ pour pilote ; aussi necessera-t-il point de la diriger avant de l'avoirintroduite sûrement dans la bienheureuse éternité.En remontant vers son Père, dit saint Léon(Serm. de Ascens.), le Sauveur n'a pointabandonné ceux qu'il avait adoptés pour sesenfants ; et du trône où il est assis, il les invite àvenir dans son royaume en les excitant à lapatience. Bien que l'humanité du Seigneur ne soit

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plus présente parmi nous d'une manière visible,elle n'y est pas moins d'une façon très-réelle ; caril est caché tout entier dans l'Eucharistie sous lesapparences du pain et du vin, jusqu'à ce qu'enfinil se manifeste à nous face à face, sans nuage niobscurité. En promettant ainsi d'être avec sesdisciples jusqu'à la consommation des siècles, ditle Vénérable Bède (in Homil.), Jésus-Christindique le fini pour l'infini ; car s'il demeure encette vie avec ses élus pour les protéger et lesdiriger continuellement, il ne demeurera pasmoins avec eux en l'autre vie pour lesrécompenser et les glorifier éternellement. Selonsaint Chrysostôme (loc. cit.), le Sauveur rappelle àses disciples la consommation et la fin de cemonde, pour les attirer plus fortement à lui, enleur inspirant par là le mépris des biens terrestreset périssables ainsi que le désir des biens futurs etpermanents ; car c'est comme s'il leur disait : Lespeines que vous endurerez pour mon amourfiniront avec cette vie ; mais les récompenses quevous aurez méritées par votre résignationdureront éternellement.

Arrêtons-nous à considérer les disciplesréunis sur le Thabor ; comme ils entourent avecallégresse et écoutent [160] avec attention le divinMaître qui leur adresse de solennelles paroles ! caril leur révèle sa puissance souveraine et leurconfère une mission universelle, en les chargeantd'enseigner et de baptiser toutes les nations ; puis

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il leur communique une vigueur merveilleuse, enleur promettant son assistance continuelle. Avecquelle douce familiarité il les instruit ! avec quelleexquise bonté il les console, en leur parlant duroyaume de Dieu ! S'ils ont mérité de le contemplerheureusement, c'est qu'ils n'avaient pas manquéde le désirer ardemment ; et nous pourrons jouird'un pareil avantage, si nous nous disposonscomme eux à recevoir la visite divine. Cesdisciples fervents, auxquels le Seigneur voulutencore apparaître sur la montagne de latransfiguration, représentent les Chrétienscontemplatifs, auxquels il daigne souvent semanifester au sommet de la perfection. Aprèsavoir conversé quelque temps avec eux, Jésus lesquitta pour rejoindre, selon sa coutume, les âmessaintes qui l'attendaient dans le paradis terrestre.De leur côté, les disciples satisfaits ne tardèrentpas à reprendre le chemin de Jérusalem.

Prière.Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, qui avez

rempli d'une joie inénarrable les disciples affligésde votre mort, en les rendant témoins de votreprésence sur une montagne de Galilée, daignezactuellement me retirer de la profonde misère oùje suis plongé, pour m'attirer à une sublimeperfection ; apprenez moi à fouler aux pieds lesaffections terrestres et à tendre de toutes mesforces vers les biens supérieurs, afin que je méritede vous contempler un jour dans les hauteurs des

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cieux. Bon Maître, aidez-moi [161] à observertout ce que vous avez commandé ; et commevous l'avez promis, restez avec nous afin de nousprotéger et diriger constamment en ce monde,puis, après cette vie afin de nous récompenser etrassasier éternellement par la vue de votre gloire.Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXI. ÉPILOGUE DES APPARITIONS DE JÉSUS RESSUSCITÉ.

Nous avons signalé douze apparitions duSauveur ressuscité qui eurent lieu avant le jour deson Ascension, où nous en remarquerons deuxautres. De ces quatorze apparitions dix seulementsont rapportées dans les Évangiles ; car ils nenous disent point, ce que nous savons d'ailleurs,que le Seigneur se montra d'abord à la très-sainteVierge, puis séparément à saint Jacques le Mineur,à Joseph d'Arimathie et aux justes des limbes. Ilest vraisemblable néanmoins que le divin Maîtrevisita souvent sa digne Mère, ses chers Apôtres etsa servante la plus dévouée Marie-Madeleine,pour conforter et réjouir ces personnes quiavaient été si vivement effrayées et affligées de sadouloureuse Passion. Tel parait être le sentimentde saint Augustin, quand il dit (in cap. 20 Joan.) :Tout ce qui concerne le Sauveur ressuscité n'estpoint écrit ; car avant de monter au ciel, ilconversa fréquemment avec les disciples qu'ilallait laisser sur la terre. Peut-être même les saints

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Patriarches, surtout Abraham et David, auxquelsle Fils de [162] Dieu avait été promisspécialement, venaient avec lui voir leur très-excellente fille qui avait trouvé grâce pour euxcomme pour tous auprès de Dieu, en devenant laMère de leur Rédempteur. Oh ! avec quellecomplaisance ils contemplaient et avec quellevénération ils saluaient cette Vierge bénie entretoutes les femmes ! Comme ils s'empressaient delui rendre leurs hommages, sans être aperçusnéanmoins de ceux qui étaient là présentscorporellement !

Mais après être sorti du tombeau et aprèsavoir triomphé de la mort, pourquoi le Sauveurn'alla-t-il pas immédiatement au ciel jouir durepos et de la gloire qu'il avait mérités par trenteannées de labeurs et de sacrifices, surtout par lesignominies et les douleurs de sa Passion ? C'estpour plusieurs raisons très-dignes de sa sagesse etde sa bonté. Il voulait d'abord nous enseigner lapatience, en nous apprenant par son exemple quenous devons attendre avec résignation notrerécompense. Il voulait dès ici-bas dédommagersurabondamment ses disciples des peines que sestourments leur avaient fait éprouver ; car, aprèsêtre resté victime de la mort pendant quaranteheures, il les rendit témoins de sa Résurrectiondurant quarante jours, en montrant ainsi qu'ilprocure à ses fidèles serviteurs des consolationsbien supérieures à leurs tristesses. De plus, il

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voulait instruire et confirmer ses Apôtres, nonpoint simplement par des Anges, comme il lepouvait facilement, mais par lui-même enpersonne ; car afin de leur prouver surtout lavérité de sa Résurrection, il leur apparut pendantquarante jours qu'il leur parla du royaume de Dieu (Act.I, 3). Ne pensons pas néanmoins que durant cetemps il leur apparut chaque jour ; car pour mieuxfaire ressortir la gloire de sa Résurrection, ilconvenait qu'il ne se rendit point constammentvisible comme il l'était autrefois, de [163] peurqu'on ne supposât qu'il avait repris une viemortelle ; aussi ne se manifesta-t-il quemomentanément à diverses reprises, pour fairesentir qu'il était doué d'une vie immortelle, biendifférente de l'existence commune des hommes.

Dans les diverses occasions où Jésus-Christapparut depuis sa Passion, il montra par de nombreusespreuves qu'il était vivant (Ibid.). Pour établir la foivéritable et ne laisser aucun doute à cet égarddans l'esprit de ses disciples et de leurssuccesseurs, il fit voir en son propre corps deseffets sensibles qui n'étaient point réclamés par sanature incorruptible. Ainsi, quoique sa chairdésormais impassible ne pût être défigurée par sesblessures antérieures, il n'en garda pas moins lescicatrices perpétuelles ; et aussi, quoiqu'elle ne pûtêtre assujettie à des nécessités animales, il but etmangea cependant avec ses disciples. En effet,comme l'explique saint Augustin (de Civit. l. 13, c.

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22), les corps glorieux, qui possèdent laprérogative inviolable de l'immortalité, conserventencore la faculté de manger et de boire sans enéprouver la nécessité ; ils peuvent, s'ils le veulent,user de nourriture sans en avoir besoin. LeSauveur ressuscité en usa donc, afin de témoignerpar là que sa nouvelle vie était réelle et non pointfantastique ; car le fruit de sa Passion eût étéperdu, si la vérité de sa Résurrection n'eût étésûrement constatée. Toutefois remarquons ici unedifférence notable entre la nouvelle et l'anciennevie de Jésus-Christ. Avant sa mort, les alimentsqu'il prenait d'habitude servaient à le restaurer,parce qu'il se les assimilait ; mais après saRésurrection, ceux qu'il prit par accident neservirent nullement à le sustenter, parce qu'il nese les assimila point ; car par la vertu spirituelledont jouissait son corps glorifié, ils étaientaussitôt enlevés comme l'eau jetée dans le feu.C'est ainsi que le [164] soleil brûlant a la force deconsumer l'eau, tandis que la terre desséchée abesoin de l'absorber pour entretenir sa proprefécondité.

Le Sauveur ressuscité s'est montré non pointà des impies et à des mondains, mais à sesApôtres et à ses disciples ; car il ne convenait pasqu'étant désormais sorti du tombeau et revêtud'immortalité, il se découvrit à des hommesensevelis dans le péché et privés de la grâce quiest la vie de l'âme. C'est pourquoi il avait dit à

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ceux qui le suivaient avant sa Passion : Encore unpeu de temps, et le monde ne me verra plus, tandis quevous au contraire vous me verrez (Joan. XIV, 19).Dorénavant, dit saint Théophile (in Joan.), il ne semêla plus parmi le peuple ; car le commun deshommes n'était pas digne de converser avec leSauveur ressuscité dont la vie était divine ; et àson exemple, quand nous serons ressuscites, nousne devrons converser qu'avec les Anges, si noussommes vraiment enfants de Dieu. Ainsi, selonsaint Augustin (Tract. 76 in Joan.), il se manifestaexclusivement à ses amis, c'est-à-dire à ceux quivivaient spirituellement comme lui. De là vientque saint Pierre disait (Act. X, 40) : Après l'avoirressuscité le troisième jour, Dieu le fit voir non point à toutle peuple, mais à des témoins prédestinés par Dieu, ànous-mêmes qui avons mangé et bu avec lui, depuis qu'ilfut revenu d'entre les morts. Il convenaiteffectivement que Jésus-Christ ne commençâtpoint par manifester sa Résurrection à tous leshommes sans distinction, mais à des témoinsspéciaux préparés d'avance ; car, comme il acoutume d'employer des intermédiaires pourélever les êtres inférieurs à des degrés supérieurs,il choisit premièrement quelques médiateurs pourfaire connaître à l'univers entier la victoire qu'ilavait remportée sur la mort. Lors donc quedurant quarante [165] jours il se montrafamilièrement de diverses manières à ses disciplesprivilégiés, par les preuves qu'il leur fournit et par

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les promesses qu'il leur fit, il nous disposa à croireet à espérer en lui, afin que bientôt, après leuravoir communiqué ses dons d'en haut, il nousexcitât plus efficacement à l'aimer. Selon saintJérôme (in cap. 16 Marc.), le Sauveur, voulantnous inspirer une juste reconnaissance pour lebienfait de la rédemption, a fait voir son corpsimmortel à de simples mortels, afin de rappeler ceque nous devions être avant le péché et de révélerce que nous devons être depuis sa Résurrection.

Écoutons comment le Vénérable Bèdeapplique aux divers états des fidèles les différentesapparitions du Sauveur (Serm. de Resur.). « Parles manifestations réitérées de sa divine personne,Notre-Seigneur a voulu signifier qu'il est présenten tout lieu d'une manière effective selon lesdésirs des bons. Il apparut aux saintes femmes quipleuraient près de son tombeau vide ; et il nousassiste quand nous sommes pieusement affligésde son absence. Il apparut encore aux saintesfemmes qui couraient annoncer sa joyeuseRésurrection ; et il nous assiste encore lorsquenous nous empressons d'adresser au prochain desalutaires avertissements. Il se découvrit à ceuxqui, le prenant pour un voyageur, lui avaientoffert l'hospitalité ; et il se découvre à nous aussiquand nous communiquons volontiers nospropres biens aux pèlerins et aux pauvres ; mais ilse découvre à nous plus spécialement à la fractiondu pain, lorsque nous recevons avec une

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conscience pure le sacrement de son corps sousles espèces eucharistiques. Il se présenta à ceuxqui s'entretenaient de sa merveilleuseRésurrection dans un lieu retiré ; et il se présenteà nous maintenant que nous nous entretenons dece même sujet, [166] comme aussi toutes les foisque nous suspendons les occupations extérieurespour vaquer à des conférences spirituelles. Il semanifesta, lorsque ses disciples, redoutant lesJuifs ennemis, se tenaient renfermés dans unemaison commune, puis quand, moins effrayés, ilsallèrent le chercher sur la montagne qu'il leuravait assignée, et lorsque ensuite il vint lesconforter par son divin Esprit au moment où lespersécuteurs incrédules les empêchaient deprêcher en public. Il se manifeste également à sonÉglise, maintenant que la majesté royale, soumiseà la foi chrétienne, ne lui fait plus appréhender desanglantes persécutions, parce que les puissancesséculières s'inclinent avec respect devant lesprescriptions apostoliques. Il se montra aux septpêcheurs, qu'il dédommagea de leurs longuesfatigues par un prodigieux succès ; et il se montreà nous, en nous prêtant un secours efficace,quand nous travaillons utilement avec une droiteintention. Il se montra de nouveau aux Apôtresqui étaient réunis à table ; et il se montrepareillement à nous, lorsque, comme saint Paul lerecommande, nous agissons pour la gloire deDieu, soit que nous mangions ou buvions, soit

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que nous fassions autre chose. Il se fit voirpremièrement en Judée, puis en Galilée, etpostérieurement en Judée, au jour où il s'élevadans les cieux. Ainsi il était présent avec l'Église,lorsqu'elle était composée seulement des Juifsfidèles ; il est aussi présent avec l'Église,maintenant que, après avoir abandonné les Juifsopiniâtres, elle embrasse les Gentils convertis ; ilsera présent encore avec l'Église, quand vers la findu monde, après avoir admis toutes les nationsdans son sein, elle y recevra la Synagogue entière,comme saint Paul l'a clairement prédit (Rom. XI,26). En dernier lieu, il apparut aux siens lorsqu'ilétait près de quitter la terre ; Il se présentera demême à nous, [167] pour que nous méritions dele suivre au ciel après notre mort, si auparavantnous tâchons de le suivre en Béthanie, c'est-à-diredans la maison d'obéissance, d'où il est parti. Il y vintpar le fait avant de monter sur le trône de sagloire ; c'est pourquoi l'Apôtre disait : Parce qu'ils'est fait obéissant jusqu'à la mort de la croix, Dieu l'àexalté (Philip. II, 9). Nous aussi, venons àBéthanie, en accomplissant ce qu'il prescrit et enespérant ce qu'il promet ; car il dit : Soyez fidèlejusqu'à la mort, et je vous décernerai la couronne de vie(Apoc. II, 10). Grâce aux largesses de samiséricorde ! non-seulement il restera avec nousjusqu'au terme de notre carrière, mais de plus ilnous transportera avec lui dans le séjour de labéatitude, afin de nous y communiquer

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éternellement les richesses de son royaume. »Ainsi parle le Vénérable Bède.

Le même illustre Docteur des Anglaisconvertis expose clairement la raison mystique dutemps pascal, en disant (loc. Cit.) : « Les deuxépoques solennelles de la sainte quarantaine et dela cinquantaine pascale ont été primitivementinstituées, non point par l'autorité de quelqueshommes mais par celle même de notre divinSauveur. Il a d'abord inauguré le Carême, lorsqu'iljeûna quarante jours et quarante nuits dans ledésert où, aussitôt après, il déjoua la fourberie deSatan et reçut les services des Anges. Il a ensuiteinauguré le temps pascal, lorsqu'à sa sortie dutombeau, il apparut vivant à ses disciples en diversesoccasions durant quarante jours. Par la fréquence deses apparitions il fit de ces mêmes jours une suitede fêtes ; et de cette manière, non-seulement ilprésagea l'éternelle félicité que nous devonsgoûter en sa compagnie, mais encore il prouva lacharité affectueuse qu'il ne cesse d'avoir à notreégard. En effet, quoique, par la vertu de saRésurrection, [168] il se fût dépouillé de nosfaiblesses corporelles et revêtu de glorieusesprérogatives, il daigna néanmoins participerencore au repas de ses disciples, afin qu'il pût lesassocier un jour à son bonheur dans le ciel ; c'étaitaussi afin de leur inculquer plus vivement parcette familiarité renouvelée les préceptes qu'il leuravait donnés précédemment, et surtout afin de

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leur rappeler la promesse qu'il avait faite avant saPassion, quand il disait : Je vous prépare le royaumeque mon Père m'a préparé, pour que vous mangiez etbuviez à ma table dans mon royaume (Luc. XXII, 29,30). Mais en montant au ciel, le Sauveur ne leurenleva point la douceur de sa présence effective, ill'accrut plutôt par l'annonce de son Esprit-Saintqui allait les combler de grâces. C'est pourquoi,après l'Ascension de leur divin Maître, ils rentrèrentpleins d'allégresse à Jérusalem, et ils étaient habituellementdans le temple où ils louaient et bénissaient Dieu (Luc.XXIV, 52 et 53). Par ces transports de joie et cesexercices de dévotion, auxquels ils se livrèrent enattendant la visite du Saint-Esprit, les Apôtresnous ont appris à prolonger la solennité du tempspascal jusqu'au cinquantième jour appeléPentecôte. C'est donc à bon droit que nouspassons ces très-saints jours en des fêtescontinues, soit pour honorer la Résurrection duSeigneur, soit en souvenir de ses manifestationsréitérées, soit par l'espérance de notre repos futuret de la vie immortelle. Pendant cette époquesolennelle, nous ne fléchissons point les genouxdans l'office divin ; car cette pratique est un signede pénitence et de deuil que nos pères ontordonné d'omettre pareillement tous lesdimanches pour témoigner notre foi à laRésurrection. Mais afin de nous rappeler que,durant notre carrière terrestre, nous devonstravailler à mériter la récompense céleste, nous

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jeûnons chaque année pendant la [169]quarantaine qui précède Pâques ; puis nouscélébrons la cinquantaine qui suit, en suspendantle jeûne, en chantant alleluia, en priant debout,pour exprimer par ces signes extérieurs que nousespérons le repos céleste, la glorieuse résurrectionet le bonheur éternel. » Ainsi parle le VénérableBède.

Prière.Sauveur débonnaire, je vous en supplie, faites

que, d'accord avec les premiers témoins choisispar vous, je rende témoignage à votre glorieuseRésurrection, non-seulement par ma langue etmes paroles mais aussi par ma conduite et mesœuvres. Je vous demande cette grâce enconsidération de ce que, après être sorti dutombeau, durant quarante jours vous avez daignéapparaître de différentes façons comme vivant etimmortel à vos Apôtres et à vos disciples, mangeret converser familièrement avec eux, les affermiret les instruire en leur parlant du royaume deDieu, de manière à les délivrer entièrement dudoute et à les convaincre parfaitement de lavérité. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXII. ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR.2 (Marc. XVI – Luc. XXIV – Act. Apost. I.)

L'Ascension de Notre-Seigneur doit êtrecélébrée avec une grande dévotion, parce que la

2 Voir la note II à la fin du volume.

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mémoire de cet illustre [170] événement estl'objet d'une fête très-solennelle. Pour nous ypréparer, méditons attentivement toutes lescirconstances de ce jour où Jésus-Christ, aprèsavoir terminé sa carrière sur la terre, transportadans le ciel son humanité glorieuse. Afin de serecommander humblement à lui et de se détacherparfaitement de tout le reste, l'âme fidèle doitconsidérer avec une fervente affection tout ce queson divin Époux a daigné dire et faire au momentd'achever son pèlerinage.

Le Sauveur voulut que son Ascensiontriomphante eut lieu quarante jours après sajoyeuse Résurrection, comme pour signifier quenous pouvons parvenir à la patrie céleste enaccomplissant les dix commandementsdéveloppés par les quatre Évangiles. Au bout desquarante jours, voyant que l'heure était arrivée depasser de ce monde à son Père, Jésus, après avoiraimé les siens pendant sa vie, leur prouvaparticulièrement alors qu'il les aimait jusqu'à la fin(Joan. XIII, 1). D'abord, il alla chercher toutes lesâmes des Patriarches et des Justes qu'il avaitconduites dans le paradis terrestre ; puis, aprèsavoir béni Énoch et Élie qu'il y laissa vivants, il serendit avec son illustre cortège sur la montagnede Sion. C'est là que sa divine Mère et ses onzeApôtres habitaient dans le Cénacle, tandis que lesautres disciples et les saintes femmes logeaientdans les maisons voisines. En ce même lieu où il

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avait célébré sa dernière Cène, le Sauveur apparutaux onze Apôtres pendant qu'ils étaient à table avec laSainte-Vierge, et peut-être aussi avec d'autrespersonnes ; car eux seuls sont désignés commeétant les principaux personnages (Marc. XVI, 14).Avant de les quitter, ce bon Maître voulut leurdonner une marque de satisfaction et leur laisserun souvenir d'affection ; parce qu'ils ne devaientplus le revoir [171] corporellement sur la terre, ildaigna manger encore une fois en leurcompagnie, comme font des amis qui vontbientôt être séparés. Tous alors, vers l'heure detierce, goûtèrent le bonheur ineffable de setrouver réunis avec le Seigneur ressuscité, afin depouvoir raconter comme témoins dignes de foi cequ'ils avaient vu et entendu tous ensemble.

Sur le point de retourner vers Celui qui l'avaitenvoyé, le Sauveur, en ce dernier repas qu'il pritavec ses Apôtres, voulut ranimer la vivacité deleur foi et l'ardeur de leur-charité ; dans ce but, illeur reprocha l'incrédulité et la dureté de cœur qu'ilsavaient montrées, en ne croyant point au témoignage deceux qui l'avaient vu ressuscité, jusqu'à ce qu'ilsl'eussent vu de leurs propres yeux. En leuradressant ce reproche au moment de les envoyerprêcher l'Évangile à tout l'univers, Jésus-Christsemblait leur dire : Sur votre témoignage lesnations doivent croire à ma Résurrection sansm'avoir jamais vu, à plus forte raison deviez-vousy croire avant de m'avoir vu, puisqu'elle vous était

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certifiée par des preuves évidentes et par desdéclarations irrécusables. Avant de les priver de saprésence sensible, le divin Maître leur fit une telleréprimande, afin que le souvenir de leur faute lesremplît pour toujours d'humilité ; car à sondépart, il voulut leur montrer encore combiencette vertu lui était agréable ; et il semblait leur enfaire une recommandation plus spéciale par sesdernières paroles qui devaient rester impriméesplus profondément dans leurs cœurs.

Après cette correction salutaire, le Seigneurconféra une mission spirituelle à ses Apôtres,quand il leur dit (Marc XVI, 15) : Allez, en faisantde continuels progrès par vos instructions, dans lemonde entier et non plus seulement dans la Judée ;prêchez l'Évangile, qui l'emporte sur [172] touteautre doctrine, comme la tête sur tout le reste ducorps. L'Évangile, en effet, selon le papeInnocent III, c'est l'expression du Verbe éternelqui résidait en Dieu dès le commencement (Joan.I, 1) ; c'est l'écho de cette parole sublime quiretentit des célestes demeures (Sap. XVIII, 15) ;c'est la manifestation de cette Sagesse incréée quiagit toujours avec force et suavité (Ibid. VIII, 1).Annoncez donc cette bonne nouvelle à toutecréature, dit Jésus-Christ, omni creaturae, c'est-à-direà tout le genre humain, ou à tout homme sansacception ni distinction de personne ; car tout aété créé pour l'homme qui est comme le but de lacréation. Ainsi, prêcher à l'homme, c'est en

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quelque manière prêcher à toute créature,puisqu'il n'en est aucune avec laquelle il n'aitquelque relation, ressemblance ou affinité. Voilàpourquoi il est appelé justement un microcosme, oupetit monde qui contient en soi comme en abrégéles différents êtres de l'univers. Il possèdeeffectivement l'existence comme les minéraux, etla vie comme les végétaux ; il partage aussi lasensibilité avec les animaux, et il jouit del'intelligence ainsi que les Anges ou les pursesprits. En outre, ces mots prêchez l'Évangile à toutecréature, peuvent signifier simplement : Annoncez-le à tous ceux auxquels il doit être annoncé ; caron trouve dans les Livres saints beaucoup depassages qui peuvent être traduits et interprétésd'une manière analogue, entre autres celui-ci :Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi,c'est-à-dire tous ceux qui doivent être attirés(Joan. XII, 32). – Cette prédication universelle nedevait commencer qu'après la Pentecôte ; car ledivin Maître défendit expressément à ses disciplesde quitter Jérusalem avant d'avoir reçu le Saint-Esprit, comme nous le verrons bientôt. En leurconfiant cette mission suprême, le Sauveurmarquait [173] clairement la réprobation des Juifset l'élection des Gentils. Autrefois, avant saPassion, il avait dit : N'allez point sur les terres desGentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains(Matth. X, 5). Aujourd'hui, au contraire, il dit àces mêmes Apôtres : Allez dans le monde entier,

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prêchez l'Évangile à toute créature, ou, en d'autrestermes, à tous les peuples, d'abord aux Juifs, puisaux Gentils ; car, ainsi que le déclare saint Paul (ITim. II, 4), Dieu veut sauver tous les hommes, en lesfaisant parvenir à la connaissance de la vérité.

Le Seigneur ensuite détermina quelle devaitêtre la sanction de l'Évangile, par les promessesde salut et les menaces de damnation qu'ilexprima, en disant d'abord (Marc. XVI, 16) : Celuiqui croira et qui aura été baptisé sera sauvé, c'est-à-direil sera affranchi du péché et de l'enfer, de manièreà mériter la grâce de Dieu et la gloire du ciel. Pourobtenir ce bonheur souverain, deux conditionssont nécessaires, la foi et le baptême. Il faut, eneffet, que les adultes croient par eux-mêmes àl'Évangile, et que les enfants y croient par autrui ;car n'est-il pas convenable que ceux-ci, ayant étésouillés par la faute des parents, puissent êtrejustifiés par la foi des parrains ? Il faut de plusque les enfants et les adultes soient baptisés afinde devenir chrétiens ou membres spirituels del'Église, ce corps mystique de Jésus-Christ. Dansle cas où le baptême d'eau est impossible, celui desang suffit, comme il arrive dans les Martyrs quisacrifient leur vie pour Jésus -Christ ; le baptêmede désir suffit même en ceux qui meurent avecl'amour du Sauveur, après avoir souhaité lesacrement de la régénération. Voilà pourquoi leSeigneur n'ajoute point : Quiconque ne sera pasbaptisé, mais simplement : Quiconque n'aura point

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cru sera Condamné, c'est-à-dire [174] soumis auchâtiment éternel en punition de son incrédulité.On peut donc être sauvé par la foi sans lebaptême proprement dit, lorsqu'on se trouve dansl'impossibilité de le recevoir, sans le méprisernéanmoins. Ainsi, quand Jésus-Christ dit àNicodème (Joan. III, 3) : Quiconque ne renait de l'eauet du Saint-Esprit ne peut entrer dans le royaume descieux, ces paroles doivent être entendues de ceuxqui négligent, dédaignent ou refusent de recevoirle sacrement de la régénération. – Ne présumonspas, néanmoins, trop facilement avoir la foinécessaire ; car pour être vivante, elle doit êtreaccompagnée de la charité qui lui fasse produirede bonnes œuvres. Selon la remarque de saintGrégoire (Hom. 29 in Evang.), « si vous dites envous-même : Je crois, donc je serai sauvé, vousdites vrai, pourvu que dans votre conduite voussuiviez la foi ; car pour avoir une foi sincère ilfaut que les mœurs ne soient point encontradiction avec les paroles, et celui-là seul croitd'une manière salutaire qui agit conformément àce qu'il croit » Mes frères, dit saint Jacques (II, 14,26), à quoi sert à quelqu'un de prétendre qu'il a la foi,s'il n'a pas également les œuvres ? Est-ce que cette foipourra le sauver ? Non sans doute ; car de même qu'uncorps sans âme est mort, la foi sans les œuvres estpareillement morte, comme aussi les œuvres sans lafoi sont inutiles.

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Notre-Seigneur promit ensuite à ses disciplesle don des miracles comme moyen de confirmeret de propager la foi dans les cœurs (Marc. XVI,17, 18) : Quant à ceux qui croiront, dit-il, voici lesprodiges qu'ils réaliseront, par le mérite de leur foi,lorsque les temps et les circonstances l'exigeront.En mon nom par ma puissance qu'ils invoquerontet honoreront, ils chasseront les démons ; souvent eneffet à la voix des premiers disciples les espritsimpurs [175] abandonnèrent les corps de ceuxqu'ils possédaient depuis longtemps. Ils parlerontdes langues nouvelles, qui leur étaient auparavantinconnues ; c'est ce que firent surtout au jour dela Pentecôte les Apôtres et plusieurs autres. Ilsmanieront les serpents, les prendront et rejetterontsans en être incommodés, comme il est rapportéspécialement de saint Paul. S'ils boivent quelquepoison mortel, ils n'en éprouveront aucun mal ; c'est cequi est arrivé particulièrement à saint Jeanl'Évangéliste. Ils imposeront les mains sur les malades etleur rendront la santé ; ainsi est-il raconté d'un grandnombre. Dans la primitive Église en effet, non-seulement les principaux saints personnages telsque les Apôtres, mais même les simples Chrétiensont accompli de semblables merveilles, qui étaientalors nécessaires pour convertir les infidèles etaffermir les croyants. Maintenant que la foi estsolidement établie et répandue partout, lesmiracles jadis si multipliés ne sont plus égalementutiles ; il doit nous suffire de connaître ceux qui

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ont été produits autrefois. Si on demandepourquoi les prédicateurs et les Chrétiens de nosjours n'opèrent plus de pareils prodiges, il fautrépondre avec saint Grégoire (Hom. 29 inEvang.) : Puisque la foi catholique a été prouvéemanifestement par les œuvres éclatantes de Jésus-Christ et des Apôtres, elle n'a pas besoindorénavant de l'être par de nouveaux miracles.Quand on a planté des arbres, on continue de lesarroser tant qu'ils sont faibles ; mais lorsqu'ilssont bien enracinés, on cesse de leur prodiguer lesmêmes soins qui deviennent désormais superflus.Dieu néanmoins a daigné faire bien des miraclesdans la suite des siècles pour la consolation de sesdignes serviteurs, comme nous l'apprennent lesactes des saints Martyrs et les biographies dessaints Confesseurs. [176]

D'après le même saint Grégoire (loc. cit.), lesprodiges qui s'opéraient autrefois sur les corps sereproduisent encore aujourd'hui sur les âmes dansl'Église. Les ministres de Jésus-Christ, quand ilsexorcisent et baptisent les peuples, ou qu'ilsexhortent à la pénitence, ne chassent-ils pasvéritablement les démons ? Lorsque,abandonnant les maximes du monde, ilsenseignent les mystères de l'Évangile, ne parlent-ils pas un langage nouveau ? Lorsque, par desages instructions, ils arrachent les vices descœurs et qu'ils détruisent de pernicieusescoutumes, n'éloignent-ils pas les serpents ?

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Quand ils lisent les blasphèmes des hérétiquespour les réfuter, ou qu'ils entendent lesconfessions des pécheurs pour les absoudre, sansen être aucunement souillés, ne boivent-ils pasalors du poison sans en éprouver de mal ? Toutesles fois que par leurs charitables avis ilsaffermissent les faibles dans la foi, ou que parleurs bons exemples ils excitent les négligents à lavertu, ou que par leurs ferventes prières ilsamènent les coupables à résipiscence et lesréconcilient avec Dieu, ne guérissent-ils pas lesmalades de leurs différentes infirmités ? Cessortes de miracles sont d'autant plus estimablesqu'ils procurent, entretiennent ou rétablissent nonpoint simplement la vie naturelle mais bien la viesurnaturelle. Concluons de là que, si les prêtresveulent rendre leurs prédications efficaces, ilsdoivent les confirmer par leurs saintes œuvres.Les fidèles eux-mêmes ne chassent-ils pas lesdémons, quand ils repoussent les tentations deces perfides ennemis par le mérite de la foi et parle signe de la croix ? Ne parlent-ils pas deslangues nouvelles, ceux qui, fuyant lesconversations frivoles ou dangereuses, publientles louanges divines ou rappellent de pieusesmaximes ? N'enlèvent-ils pas des serpents, ceuxqui répriment fortement les détracteurs ? [177]Ne boivent-ils pas du poison sans ressentir demal, ceux qui entendent des sollicitationscriminelles ou des invectives amères sans en être

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ni troublés ni offensés ? Ne guérissent-ils pasdivers malades de leurs infirmités, ceux qui pardes actes ou des discours édifiants détournent lesautres du péché et les portent au bien ? Tous cesprodiges de l'ordre spirituel surpassent autantceux de l'ordre physique que les intérêts de l'âmel'emportent sur ceux du corps.

Le Sauveur dit encore à ses Apôtres (Luc.XXIV, 48) : Quant à vous spécialement, vous êtesles témoins de ces choses que j'ai dites ou faites envotre présence ; et vous serez dans tout le mondeles prédicateurs des mystères que vous avez vusou appris touchant mon Incarnation et madoctrine, ma Passion et ma Résurrection. Mais lesApôtres, effrayés d'une pareille mission, auraientpu penser : comment, nous qui sommes illettréset ignorants, pourrions-nous rendre témoignagede vous devant les Gentils et devant les Juifs quivous ont mis à mort ? Aussi le Seigneurs'empressa d'ajouter (Ibid. 49) : Afin que voussoyez capables d'attester et d'annoncer partoutconstamment la vérité de l'Évangile, je vous envoieCelui que le Père vous a promis. Il emploie ici leprésent au lieu du futur, pour mieux marquer lacertitude et la proximité de l'événement, commes'il disait : bientôt, je vous enverrai d'une manièrevisible le Saint-Esprit qui vous assisterapuissamment. Le Père céleste en effet l'avaitpromis, en disant par la bouche du prophète Joël(II, 28) : Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Jésus-

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Christ l'avait aussi promis, en disant à l'heure desa dernière Cène : Je vous enverrai de la part du Pèreéternel le Paraclet, cet Esprit de vérité qui procède du Père(Joan. XV, 26). Mais de crainte que les Apôtres necommençassent leurs prédications avant d'êtredevenus [178] plus parfaits, le Seigneur mangeantavec eux leur recommanda de ne point sortir de Jérusalemavant d'avoir vu l'accomplissement de la promesse que lePère avait faite (Act. I, 4). Il leur dit alors : Resteztranquilles en cette ville jusqu'au jour où vous serez revêtusde la vertu d'en haut, ainsi que d'une armurespirituelle (Luc. XXIV, 49). Comme s'il leurdisait : Maintenant vous n'êtes pas suffisammentpréparés pour prêcher mon Évangile avecconstance ; attendez un peu, et lorsque vousaurez été fortifiés surnaturellement par la grâcedivine, vous irez sans frayeur annoncer la vérité àla face des princes et des rois de la terre.

À ce propos écoutons saint Chrysostôme« de même qu'un bon général ne lance point sesnouvelles troupes contre de nombreux ennemissans les avoir complètement armées, ainsi Notre-Seigneur ne laissa point ses disciples engager laguerre avant que le Saint-Esprit ne les eûtparfaitement disposés. Mais pourquoi ce divinParaclet n'est-il pas descendu tandis que Jésus-Christ demeurait encore sur la terre, ou du moinsau moment où il remontait au ciel ? Il convenaitque les Apôtres ne reçussent le bienfait promisqu'après en avoir conçu un grand désir ; car nous

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sommes plus fortement attachés à Dieu, lorsquenous y sommes contraints par la nécessité. Enoutre, pour maintenir ses disciples dans lavigilance, le Sauveur ne leur détermine pointcombien de temps ils devaient attendre l'arrivéedu Consolateur. Puisqu'il n'a pas voulu leurdécouvrir ce jour cependant prochain, faut-ils'étonner ensuite s'il ne nous a point faitconnaître le dernier jour de ce monde ou de notrevie ? » Telles sont les judicieuses réflexions desaint Chrysostôme.

Déjà Jésus-Christ avait communiquél'intelligence de l'Écriture et confié la prédicationde l'Évangile à ses Apôtres ; néanmoins, il ne leurpermit pas d'exercer leur [179] ministère avantqu'ils eussent reçu le Saint-Esprit sous une formesensible ; il a voulu nous montrer par là que pourannoncer convenablement la parole divine, il nesuffît pas d'avoir la science de la Religion, il fautde plus posséder la grâce de Dieu d'une manièreau moins probable, en sorte que la conscience nesoit pas souillée de péché mortel. À l'exemple desApôtres, les ministres zélés de Jésus-Christdoivent demeurer en une communauté ferventecomme dans une cité paisible, afin d'y acquérirpar l'étude et la contemplation les connaissancesqu'ils doivent ensuite transmettre aux autres par laprédication. « Ne regardons comme orthodoxe,dit saint Jérôme, que la doctrine que nous avonsreçue comme traditionnelle ; c'est pourquoi

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écoutons longtemps comme disciples ce que nousdevons enseigner plus tard comme maîtres.Néanmoins, hélas ! combien prêchentpubliquement ce qu'ils ignorent eux-mêmes ? Onn'apprend point les différents arts sans suivre desguides spéciaux ; la science religieuse est seuleregardée comme si peu importante ou si facile,qu'on prétend l'acquérir par soi-même sans avoirbesoin de consulter aucun docteur. » SaintGrégoire ajoute (Pastoral. III, 26) : « Il en est quis'empressent de prendre la charge si grave de laprédication sans avoir la maturité nécessaire oul'instruction suffisante. Mais qu'ils prennent gardede se fermer à jamais par leur téméraireprécipitation le droit chemin d'une vie meilleure.Qu'ils considèrent attentivement ici la conduitedu Sauveur. Étant la vérité même, il aurait pu sansdoute former tout d'un coup ses propres disciplesau ministère évangélique ; néanmoins, pourmontrer que les imparfaits ne doivent pointl'exercer sans y être préparés, après avoir confiéuse pareille mission à ses Apôtres, il leur fit cetterecommandation expresse : Restez tranquilles encette ville, jusqu'au [180] moment où vous serez revêtusd'une force supérieure. Nous aussi demeurons en paixdans la cité, c'est-à-dire renfermons-nous avec depieuses pensées dans l'intérieur de notre âme, enévitant les conversations inutiles ; puis, lorsquenous serons bien remplis de la vertu divine, nouspourrons sortir de notre recueillement sans péril

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pour nous livrer avec succès à la prédication. »Ainsi parle saint Grégoire.

Tandis que le Seigneur à table donnait sesderniers avis, les Apôtres joyeux de sa présenceétaient néanmoins troublés à cause de son départqu'il leur avait annoncé ; ils l'aimaient avec tantd'affection que la seule pensée d'une séparationprochaine les plongeait dans la tristesse.Lorsqu'ils se furent levés de table, Jésus les conduisitdehors vers Béthanie (Luc. XXIV, 50). Afin de lesrendre témoins de son Ascension glorieuse, il faitsortir ses disciples du lieu où ils avaient mangé,nous montrant par là que nous devons renoncer àla consolation des sociétés humaines pour vaquerà la contemplation des choses divines. Il les mènehors de la ville, pour indiquer qu'en ce mondenous n'avons point de cité permanente. Il lesdirige vers Béthanie qui signifie maison d'obéissance,pour marquer qu'après être descendu, du ciel parobéissance, il allait y remonter en récompense decette même vertu, selon la parole de saint Paul(Philip. II, 8, 9) : Il s'est humilié lui-même en se faisantobéissant jusqu'à la mort de la croix ; c'est pourquoi Dieul'a exalté jusqu'au sommet des cieux. Nousapprenons ainsi qu'après avoir été banni duparadis à cause de son insubordination, l'homme nepeut désormais y être introduit que par le méritede sa soumission. Selon le Vénérable Bède (incap. 24 Luc.), le Sauveur conduit ses disciples versBéthanie, parce que ce village, situé sur le versant

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du mont des Oliviers, figure l'Église, cettevéritable maison [181] d'obéissance, édifiée surl'Incarnation du Verbe par les fondements de lafoi, de l'espérance et de la charité. – Après avoirfait sortir ses Apôtres, Jésus leur dit de se rendresur la montagne des Oliviers, parce qu'il voulaitde là s'élever au ciel en leur présence ; puis ildisparut à leurs yeux. Cette sainte montagnereprésente l'élévation de l'esprit adonné à lacontemplation divine ; et les olives qui croissentsur cette montagne bénie figurent les fruitsonctueux produits par la vraie dévotion ; l'âmequi les goûte n'a plus rien à désirer que le reposéternel dans la céleste patrie. Fidèles à l'ordrequ'ils avaient reçu, les onze Apôtres, ainsi que lesautres disciples et les saintes femmes avec laSainte-Vierge, s'empressèrent d'aller sur le montdes Oliviers, où le Sauveur leur apparut pour laseconde fois en ce même jour. Considérons lesâmes bienheureuses des saints Pères quiaccompagnent le divin Rédempteur, quoiqued'une manière invisible ; comme ils admirent avecrespect et bénissent avec affection cette glorieuseReine qui leur a donné un si puissant Libérateur !Comme ils regardent avec joie ces héros et ceschefs illustres de l'armée chrétienne, que leSeigneur a choisis entre tous pour combattre etconquérir le monde entier !

Plusieurs de ceux qui étaient réunis sur lamontagne interrogèrent Jésus en ces termes (Act.

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I, 6) : Seigneur, est-ce en ce temps-ci que vous rétablirez leroyaume d'Israël ? Par cette question ainsi posée, lesplus simples et les plus charnels, encorepréoccupés d'un règne temporel du Messie, luidemandaient : N'allez-vous pas maintenantrelever le trône de David, en ramenant les dixtribus et en assujettissant tous les peuples ? Caren voyant que les Juifs étaient alors commandéspar un prince étranger et soumis à un gouverneurromain, ils désiraient et ils croyaient avoir [182]bientôt pour puissant libérateur et pour souverainmonarque Jésus-Christ lui-même. C'est en ce sensque les deux disciples, désolés de sa mort siprompte, disaient sur la route d'Emmaüs : Nousespérions pourtant qu'il délivrerait Israël (Luc. XXIV,21). Par la même question précédente, les autresplus instruits et plus éclairés, qui attendaient lerègne spirituel du Sauveur, lui demandaient :N'est-ce point présentement que, comme vousl'avez promis, vous devez fonder l'empire del'Église dans tout l'univers ? Ainsi, selon laremarque de saint Augustin (Serm. de Ascens.),les Apôtres, près de perdre la présence visible dudivin Maître, l'interrogent, pour savoir quand ilmanifesterait sa gloire au monde. Seigneur, quandviendra le royaume d'Israël, ce royaume dontnous sollicitons l'avènement par cette prière :Adveniat regnum tuum, ce royaume dont les élusrecevront la possession par cette sentence :Venite, benedicti Patris mei, percipite regnum ? Quand

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commencera le règne de vos humbles serviteurs ?et quand cessera la domination de vos orgueilleuxadversaires ? Mais que nous importe de savoir cetinstant ? Vivons chacun comme s'il devait arriveraujourd'hui même, et nous ne craindrons pointlorsque nous le verrons arriver tout à coup. »

Sans résoudre la question proposée, Jésus-Christ donna à comprendre que le parfaitrétablissement du royaume d'Israël devait êtrebeaucoup différé. Il commença par dire (Act. I,7) : Ce n'est point à vous de connaître les temps et lesmoments dont le Père s'est réservé la disposition.Chercher à découvrir ce que nous révèlentl'Écriture et la Tradition, c'est une louableérudition ; mais prétendre scruter ce que ni l'uneni l'autre ne nous révèlent, c'est une coupableprésomption. Jésus-Christ semblait donc dire : Ilne vous appartient pas de connaître les chosesfutures dont [183] l'accomplissement dépend deDieu seul, comme est, entre autres, lerétablissement du royaume d'Israël. Ce royaumene doit point être rétabli temporellement, maisspirituellement, lorsque, vers la fin du monde, àl'approche du jugement général, les Juifs croironten Jésus-Christ comme en leur véritable Roi ;c'est alors qu'il régnera sur la maison de Jacob àjamais, pendant les siècles des siècles. – Quant àvous, ajouta le Sauveur, sans vouloir sonder dessecrets que vous ne pouvez maintenant pénétrer,appliquez-vous à vous rendre dignes de nouvelles

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grâces. Bientôt vous recevrez la vertu du Saint-Espritqui descendra sur vous, pour vous purifier, vousfortifier, afin que vous soyez capables decommuniquer mes enseignements. En publiantma vie et ma doctrine, ma Passion et maRésurrection, vous me servirez de témoins à Jérusalem,dans toute la Judée, puis dans la Samarie et jusqu'auxextrémités de la terre (Ibid. 8). C'était dire : Avantque le royaume d'Israël soit rétabli, le bruit del'Évangile aura retenti partout, et même dans lespays les plus reculés. Les Apôtres, en effet,commencèrent leurs prédications à Jérusalem ;mais, après que saint Etienne eut été lapidé etsaint Jacques décapité, ils se répandirent dans laJudée puis dans la Samarie, et se dispersèrentensuite dans l'univers entier.

À cette occasion, saint Augustin (Epist. 80)demande : Comment les Apôtres ont accomplil'ordre qu'ils avaient reçu d'évangéliser toutes lesnations, puisqu'il y a des peuples qui jusqu'à cejour n'avaient point été évangélisés et qu'il y en amême d'autres qui ne le sont point encore ? Sansdoute, répond le saint Docteur, le Seigneur n'apoint confié aux Apôtres cette missionuniverselle, comme si elle devait être remplie parles seuls personnages auxquels il parlaitactuellement. C'est dans un sens analogue qu'il a[184] dit : Je suis moi-même avec vous jusqu'à laconsommation des siècles (Matth. XXVIII, 20). Eneffet, quoique cette promesse parût s'adresser aux

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seuls disciples alors présents, elle doit s'appliquercertainement à l'Église entière, qui durera jusqu'àla fin du monde par la succession continuelle deshommes qui naissent pour remplacer ceux quimeurent. Parce que la doctrine du salut a étéprêchée d'abord dans la ville de Jérusalem, quandnous entendons lire le saint Évangile à l'église,nous tournons le Visage vers l'Orient, en disant :Gloria tibi, Domine ; ainsi nous remercions Dieuqui nous a fait apporter de ce même côté laBonne Nouvelle, selon cet oracle d'Isaïe (II, 3) :La loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur viendra deJérusalem. « En effet, dit saint Augustin, l'Églisechrétienne a pris son origine dans la Jérusalemterrestre, afin de trouver sa félicité au sein mêmede Dieu dans la Jérusalem céleste ; la première aété le berceau de sa foi, et la seconde sera le termede sa réunion bienheureuse. » Remarquons enoutre que, pour chanter l'Évangile le Diacretourne le visage contre le nord ou aquilon ; ilmontre ainsi que la parole de Dieu est dirigéecontre Satan désigné par l'aquilon ; car n'est-cepas Lucifer qui poussait ce cri de révolte (Isaï.XIV, 13, 14) : Je placerai mon trône du côté del'aquilon, et je serai semblable au Très-Haut.

Après avoir parlé à ses disciples pour les consoler(Marc. XVI, 19), le Seigneur Jésus les embrassatous les uns après les autres avec une grandeaffection ; à son départ, il leur donna le baiser depaix, comme l'atteste saint Ambroise (in cap. 24

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Luc.). Prenant congé d'eux, il éleva les mains pourles offrir à Dieu son Père ; puis il les bénit en leursouhaitant toutes sortes de biens, leur promit depuissants secours et leur conféra des dons célestes[185] (Luc. XXIV, 50). Par cette dernièrebénédiction, comme le pense saint Théophile, illeur assura sa protection efficace contre tous leursadversaires, afin qu'ils attendissent sans craintel'avènement du Saint-Esprit. De là vient cet usagepratiqué dans l'Église, que les Évêques donnentau peuple leur bénédiction solennelle, à l'issue dela messe. D'après Origène, en élevant les mainspour bénir ses disciples, Jésus-Christ a voulusignifier que celui qui bénit les autres doit exercerdes œuvres surnaturelles. Comme un tendre pèrequi bénit ses chers enfants avant de s'en séparer,le Sauveur près de quitter ce monde bénit sesdisciples pour deux raisons : d'abord, c'était parcequ'alors ils avaient un plus grand besoin del'assistance divine, pour éviter tous les nombreuxpérils auxquels ils allaient être exposés ; c'étaitaussi pour leur prouver jusqu'à la fin la dilectionqu'il n'avait cessé de leur témoigner pendant sonséjour sur la terre. Par ce touchant exemple, il amontré aux prélats ou supérieurs ecclésiastiques àne point s'éloigner de leurs sujets sans les avoirbénis et recommandés à Dieu.

Alors tournant le visage vers l'Orient, commele dit saint Jean Damascène (Serm. de Ascens.),Jésus s'éleva dans les airs par sa propre puissance,

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devant les témoins privilégiés qu'il avaitrassemblés sur la montagne (Act. I, 9). En vertude son agilité, le Roi de gloire remontatriomphalement au plus haut des cieux d'où ilétait miséricordieusement descendu. Il permit àses disciples de le suivre des yeux afin d'exciter deplus en plus dans leurs cœurs le désir d'aller à lui.À cette vue, tous les assistants réunis à la Sainte-Vierge se prosternèrent pour « dorer humblementle Sauveur. Bien qu'ils fussent ravis de contemplersa glorieuse Ascension, ils ne pouvaient retenirleurs larmes en pensant qu'ils ne jouiraient plus desa présence sensible. Avec [186] quel bonheurMarie aurait quitté ce monde pour accompagnerson divin Fils ! Mais le Seigneur voulut que, dansl'intérêt de l'Église naissante, elle restât quelquetemps encore sur la terre, afin de consoler etd'affermir les nouveaux Chrétiens. « Ô douxJésus ! s'écrie saint Anselme (de Excellentia B.V.), ô vous le meilleur des fils, pourquoi délaisserainsi dans un triste exil la meilleure des mères,exposée sans vous à toutes sortes de misères ?Pourquoi ne pas la conduire immédiatement dansla céleste patrie, afin de l'associer aux joies devotre triomphe ? Ah ! j'en conçois le motif : ilétait expédient qu'après le départ du Seigneur elledemeurât en la compagnie des Apôtres pour laconfirmation de notre foi. Sans doute, le Saint-Esprit leur révéla toutes les vérités nécessaires ;Marie néanmoins contribua beaucoup à leur en

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donner une parfaite intelligence par d'utilesinstructions. Beaucoup plus éclairée que tous lesdisciples, elle comprenait incomparablementmieux tous les divins mystères ; car elle ne lesconnaissait pas simplement d'une scienceabstraite, mais effectivement par sa propreexpérience, puisqu'elle y avait pris une partimportante. D'ailleurs, le délai de son Assomptionou de sa glorification ne pouvait en rien nuire àl'immensité de l'amour et du bonheur dont elleétait actuellement comblée dès ici-bas ; elleéprouvait même une consolation ineffable, en sevoyant au lieu où la voulait principalement Dieu,l'objet souverain de ses affections. Aussi, quelquepart qu'elle se trouvât, elle se réjouissait en Dieuet Dieu en elle ; la satisfaction qu'elle ressentait decet heureux état lui faisait désirer partout depréférence ce qu'elle savait plaire davantage à laSagesse suprême. » Ainsi parle saint Anselme.

Dans le récit précédent remarquons quatrecirconstances [187] principales. Le Sauveur faitsortir de la ville ses disciples fidèles, il les dirigevers Béthanie, leur donne sa bénédiction et opèreson Ascension. Ces quatre circonstancesindiquent ce que Jésus-Christ accomplitspirituellement à l'égard des pêcheurs convertis : illes retire du péché ; puis en les faisant passer dumal au bien, il les conduit à l'Église, cette maisond'obéissance signifiée par le nom de Béthanie ;ensuite il les bénit, en les comblant de grâces ;

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enfin il les élève à la perfection, en les faisantmonter de vertus en vertus, jusqu'à ce qu'ilsparviennent heureusement à la gloire de l'éternité.

Jésus-Christ, prenant un sublime essor, emmena denombreux captifs qui composaient son illustrecortège (Ephes. IV, 8). C'étaient les âmes desjustes qu'il avait délivrées des limbes. Après avoirfait ouvrir la porte du ciel, il marchait devant euxpour leur frayer le chemin, comme l'avait prédit leprophète Michée (II, 13). Il les précédait avecmajesté, tout éclatant de lumière et de gloire,resplendissant de joie et de beauté. Les anciensexilés qui le suivaient comme leur puissantlibérateur célébraient avec allégresse etreconnaissance ses bienfaits et ses triomphes ; caril allait les introduire dans son royaume commedans leur patrie, les rendre habitants de la mêmecité que les Anges et domestiques de la maison deDieu ; il allait remplir les places laissées vacantespar les esprits rebelles, réparer l'honneur de sonPère, se montrer lui-même le Vainqueur desenfers et le Seigneur des armées. Cependantl'archange saint Michel avait annoncé à la courcéleste l'arrivée de son Roi. Tous les espritsbienheureux, rangés par ordre selon leursdifférentes hiérarchies, s'avancent à la rencontrede leur souverain Monarque ; ils s'inclinentdevant lui avec amour et respect, l'accueillent avecdes hymnes et des cantiques [188] ineffables. Quipourrait en effet décrire leurs harmonieux

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concerts et leurs mélodieux accords ? Quipourrait aussi dépeindre l'immense jubilation desâmes saintes dans cette première entrevue avecles légions célestes ? Parmi leurs acclamationsunanimes, le Seigneur s'élevait environné de leurstroupes joyeuses ; les mains jointes devant lapoitrine et dirigées en haut, il montait avec unemajestueuse lenteur, afin que sa divine Mère etses chers disciples pussent jouir plus longtempsde sa vue consolante.

Mais lorsqu'il fut arrivé à une certainehauteur, un nuage lumineux, s'abaissant sous sespieds sacrés, le déroba à leurs yeux mortels (Act. I, 9)car la clarté dont il fut enveloppé les empêchadésormais de l'apercevoir, en sorte que, aprèsl'avoir connu selon la chair, ils ne le connurentplus que selon l'esprit. Ce nuage lui servit ainsiplutôt de voile que de véhicule, car il n'avait pasbesoin d'être transporté par aucun secoursétranger. Néanmoins la présence de ce météore etl'assistance des Anges contribuèrent à la pompede son Ascension pour montrer que les diversescréatures, tant matérielles que spirituelles, sontassujetties à sa volonté suprême. Jusqu'alors Jésusavait conservé son corps sous la forme extérieurequ'il présentait avant sa Passion ; mais aussitôtqu'il eut disparu aux regards des hommes, ildevint brillant comme au jour de saTransfiguration. Un instant après, il parvint dansle séjour de la béatitude avec les purs esprits et les

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âmes saintes qui l'accompagnaient en sontriomphe ; il pénétra ainsi dans le. hauteurs descieux par sa propre vertu, soit à raison de sadivinité toute puissante qui domine sur tous lesêtres, soit à raison de son humanité glorieuse quipossède une merveilleuse agilité. Il n'en fut pas delui [189] comme d'Énoch et d'Élie qui avaient étéenlevés dans les airs, le premier par le ministèredes Anges et le second sur un char de feu ; tousdeux n'étant que de simples hommes, encorerevêtus de leurs corps mortels, ne pouvaient êtretransportés de la sorte sans un secours étranger.

Cependant, immobiles d'admiration, lesApôtres et les disciples avec la Sainte-Vierge etMarie-Madeleine suivirent du regard le Seigneurjusqu'à ce qu'il disparut dans la nuée ; puis, selonsaint Ambroise (in cap. 24 Luc.), quand ilscessèrent de l'apercevoir, ils continuèrent del'accompagner jusqu'au trône de sa gloire parl'ardeur de leur foi ; c'est pourquoi l'Apôtre disaitdes premiers Chrétiens : Nos pensées sont dans lescieux (Philip. III, 20). Ô spectacle ravissant quecelui du Sauveur élevé de la terre au milieu deschœurs angéliques et des âmes bienheureuses !qui aurait pu en être témoin sans désirer de leurêtre associé ? Bien qu'ils ne vissent plus leur divinMaître, les disciples tenaient toujours les yeuxfixés en haut (Act. I, 10). Alors deux hommes, ouplutôt deux Anges qui en avaient la figure, semontrèrent à eux, revêtus d'habits blancs en signe de

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réjouissance. Hommes de Galilée, leur dirent-ils,pourquoi vous arrêtez-vous à regarder en haut ? (Ibid.11.) Comme s'ils disaient : Étrangers que vousêtes, pourquoi restez vous là tout stupéfaits ?Avez-vous oublié ce que vous devez faire ?Retournez à Jérusalem pour y recevoirl'accomplissement prochain des divinespromesses. Ne demeurez pas ici plus longtemps àattendre Celui que vous ne devez pas revoir desitôt. À la fin des siècles, ce même Jésus redescendra dela même manière que vous l'avez vu monter au ciel, c'està-dire en sa nature humaine et sous une formesensible. En effet, selon la remarque de saintAugustin (Serm. 178 de tempore), puisque ses[190] ennemis l'ont jugé comme homme, il lesjugera à son tour en cette qualité, afin de réalisercette prophétie de Zacharie (XII, 10) : Ilsconsidéreront Celui qu'ils ont percé. Il parut avec uncorps passible et mortel à son premieravènement ; mais au second, il paraîtra avec cemême corps devenu glorieux et immortel, dans lemême état où il l'a transporté aux cieux. Si nouscroyons que le Seigneur doit venir pour nousjuger, ajoute saint Augustin (Serm. 179 detempore), nous devons nous préparer à lerecevoir ; car si nous ne sommes point corrigéspar les châtiments présents, nous seronscondamnés à des peines éternelles.

Admirons ici la touchante sollicitude duSauveur à l'égard de ses disciples. À peine a-t-il

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disparu à leurs yeux qu'il leur envoie ses Angespour les consoler de son absence et les assurer deson retour. Ces sublimes messagers étaient aussichargés de leur apprendre qu'il n'avait point ététransféré dans le paradis terrestre comme Hénochet Elie, mais qu'il était vraiment monté dans leciel empyrée où habitent les esprits bienheureux.Et dans la crainte que ses pieux amis ne sefatiguassent inutilement à rester dans le mêmelieu, il les fit inviter par ses députés célestes de seretirer à Jérusalem pour y attendre en paix le divinParaclet. Lorsque les Anges se furent éloignés, lesdisciples, humblement prosternés à l'endroit où leSeigneur les avait quittés, l'adorèrent commeréunissant en sa personne la divinité à l'humanité.Ils revinrent ensuite de la montagne, située près deJérusalem, à la distance du chemin qu'on peut faire le jourdu sabbat, c'est-à-dire l'espace de mille pas (Act. I,12) ; car dans le jour consacré spécialement auservice religieux les Juifs ne devaient point faireune plus longue route. Cette sainte montagne,dite communément des Oliviers, est aussi appeléedes trois lumières ; car la [191] nuit elle étaitilluminée à l'occident par les reflets continuels dufeu allumé dans le temple, le matin elle étaitéclairée à l'orient par les premiers rayons du soleillevant, et de plus elle était couverte d'arbres quiproduisaient beaucoup d'huile pour alimenter leslampes. Les disciples rentrèrent donc à Jérusalem toutjoyeux d'avoir vu la réalisation parfaite des

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mystères relatifs à Jésus-Christ (Luc. XXIV, 52).Les justes motifs d'allégresse ne leur manquaientpas en effet ; c'étaient la suprême glorification dudivin Maître, la rédemption complète du genrehumain, la restauration des chœurs angéliques,l'expulsion des esprits rebelles, la confusion desJuifs infidèles, la promesse du Saint-Esprit,l'espérance certaine de la résurrection générale, lafuture ascension et exaltation de tous les élusréunis dans la céleste patrie ; car les membresfidèles ne devaient-ils pas avoir confiance deparvenir à cet état et en ce séjour de bonheur etde gloire, où leur Chef venait de s'élevertriomphant ?

Ainsi, les disciples qui, sous la conduite duSauveur, étaient sortis tous ensemble deJérusalem, y rentrèrent aussi tous ensemble aprèsl'Ascension de leur divin Maître. C'est ce quel'Église a voulu représenter par la processionsolennelle qu'elle célèbre, non-seulement en cettefête, mais encore chaque dimanche avant la messesolennelle. Précédé de la croix, le clergé sort dutemple ou seulement du chœur et y entreégalement à la suite de la croix, comme pourrappeler que, si Jésus-Christ n'est plus présentavec nous d'une manière sensible, il l'est toujoursd'une manière spirituelle, selon cette promessequ'il a faite : Voilà que je suis avec vous jusqu'à laconsommation des siècles (Matth. XXVIII, 20).

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Plusieurs faits merveilleux ont servilongtemps à rappeler [192] le souvenir de1'Ascension. Si nous en croyons d'anciennestraditions très-respectables que rapportentplusieurs saints Pères, le Seigneur, montant auciel, laissa sur la roche, l'empreinte de ses piedssacrés ; et quoique les pieux fidèles ne cessassentde creuser ce lieu vénérable pour en prendre lapoussière, le vide se remplissait toujours, de façonque les divins vestiges restaient ineffaçables.Quand on les entoura d'une magnifique basiliqueen forme de rotonde, on ne put ni paver ni voûterl'endroit où ils étaient gravés ; les pierres n'ypouvaient tenir. Ainsi, on fut contraint de laisserapparentes les dernières traces du Sauveur en cemonde, comme aussi de laisser ouvert l'espacepar où son corps glorieux s'était élevé dans le cielpour nous y frayer un-libre passage.

Aussitôt après l'Ascension du Seigneur, lesApôtres et les autres disciples avec la Sainte-Vierge et les autres saintes femmes se retirèrentsur le mont Sion, dans le Cénacle, pour obéir àl'ordre qui leur avait été donné d'attendrel'accomplissement prochain des divinespromesses. C'est là qu'avant la Pentecôte saintMathias fut élu pour remplacer dans l'apostolat letraître Judas. Et tous d'un commun accord persévéraientdans la prière, à laquelle ils vaquaient assidûmentaux heures convenables (Act. I, 14). Réunis dansun grand recueillement, ils se préparaient à

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recevoir dignement le Saint-Esprit par l'oraisonet, en outre, par la mortification ou pénitence,comme plusieurs le croient pour de justes motifs ;car Jésus-Christ, parlant de ses disciples, avait ditprécédemment (Luc. V, 35) : Quand viendront lesjours où l'Époux leur sera enlevé, c'est alors qu'ilsjeûneront. Maintenant que Jésus, le véritable Épouxde leurs âmes venait de les quitter, ils devaientdonc jeûner. À leur imitation, de ferventsChrétiens s'appliquent à joindre le jeûne [193] à laprière, spécialement depuis l'Ascension jusqu'à laPentecôte. Alors séparés du monde, ils étaientcontinuellement dans le temple, comme dans le lieu leplus propre au service divin ; là, tout occupés à loueret à bénir le Seigneur ils ne cessaient de le glorifierpour les œuvres prodigieuses qu'il leur avaitmanifestées, et ils le conjuraient de leur accorderpromptement les dons magnifiques qu'il leur avaitpromis (Luc. XXIV, 53). A leur exemple, tenons-nous toujours en la sainte présence de Dieu,constamment appliqués à le remercier des faveursinsignes dont il nous a comblés ; c'est ainsi quenous mériterons d'obtenir les grâces nouvellesdont nous avons besoin.

Selon la remarque du Vénérable Bède (Hom.de Ascens.), en ce jour de la glorieuse Ascensionde Jésus-Christ, nous devons surtout nousrappeler ces paroles qu'il adressait autrefois à sesdisciples : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez(Luc. X, 23). Ils furent heureux, sans doute, de le

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considérer lorsqu'il demeurait sur cette terre, oùils étaient témoins de ses miracles et de sesenseignements ; mais ils furent plus heureuxencore de le contempler lorsqu'il montait au ciel,afin de leur en ouvrir la porte et de leur y préparerune place. Ce ne fut, néanmoins, pour eux unbonheur de le voir ainsi, que parce qu'ils eurent lemérite de croire ensuite. Aussi est-il beaucoupplus grand le bonheur de ceux qui ont consenti àcroire sans le voir, comme Notre-Seigneur lui-même l'a déclaré à saint Thomas, en lui disant :Vous avez cru, parce que vous avez vu ; heureux ceux quin'ont point vu et qui cependant ont cru (Joan. XX, 29).En effet, à tous ceux qui ont une foi sincère,qu'ils aient vécu soit avant soit après sonIncarnation ou son Ascension, le Sauveur apromis le plus grand bien auquel la créaturepuisse jamais aspirer, quand il a dit : Heureux [194]ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu, nonplus seulement en son humanité, mais en sonessence, tel qu'il est en lui-même (Matth. V, 8).

Le Seigneur, accompagné de son illustrecortège, entra le premier, comme un joyeuxtriomphateur, dans le paradis fermé jusqu'alors augenre humain. Il monta dans les hauteurs descieux, par-dessus tous les astres, les espritsbienheureux et les êtres créés, parce qu'il avaitreçu un nom supérieur à tout autre pour le tempset l'éternité. Pour concevoir son degréd'exaltation, il faut distinguer trois sortes de

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cieux : selon saint Augustin (lib. 12 de Genes, c.2) le premier est le ciel physique où brillent lesoleil, la lune et les étoiles ; le second est le cielspirituel où habitent les chœurs angéliques ; letroisième est le ciel empyrée où Dieu résideprincipalement comme dans son palais et sur sontrône. C'est à celui-ci que saint Paul fut ravi,quand il fut admis, non point simplement à lavision des corps célestes ou à la connaissance descélestes intelligences, mais à la sublimecontemplation de l'essence divine. Selon le mêmesaint Augustin, c'est aussi à ce troisième ciel queJésus-Christ fut élevé (Marc. XVI, 19). Là, il estassis à la droite de Dieu, non point corporellement,mais spirituellement, comme assesseur du Pèreéternel qui lui communique sa puissance judiciairesur le monde entier. Il siège ainsi, soit à raison desa divinité, qui le rend égal en dignité à Celuiauquel il est par nature consubstantiel, commeétant son propre Fils unique, soit même encore àraison de son humanité, considérée sous undouble rapport. D'abord, en elle-même, cettetrès-sainte humanité de Notre-Seigneur estcomblée des biens les plus excellents, qui laplacent au premier rang par-dessus toutes lespures créatures, comme étant la plus proche deDieu. Bien plus, en tant qu'unie [195]hypostatiquement au Verbe, elle estinséparablement associée à la vénération suprêmequi est due à cette personne divine ; ainsi le

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vêtement que porte un monarque en cérémoniepartage l'honneur souverain que reçoit lapersonne royale. Quand donc l'Évangéliste nousreprésente Jésus assis à la droite de Dieu, il nous lemontre justement dans la position d'un juge, d'unroi, et surtout d'un vainqueur ; après avoirsupporté tant de travaux, d'humiliations etd'adversités, ne méritait-il pas à bon droit de sereposer dans la possession de la joie, du bonheuret de la gloire, qui appartiennent à Dieu lui-même ? Si cependant saint Etienne le vit ensuitedebout à la droite de Dieu (Act. VII, 55), c'est quel'illustre martyr, combattant alors pour la foi,l'apercevait dans l'attitude d'un défenseur qui luiprêtait secours. Tandis que le Sauveur se tienttoujours à la droite de son Père, il ne cessed'intercéder pour nous, en lui montrant lescicatrices des plaies qu'il a daigné souffrir pournotre salut.

Réunis avec leur divin Chef dans l'éternellepatrie, les bienheureux esprits et les anciens justess'empressèrent de lui témoigner toute leurreconnaissance et leur joie. En effet, si, aprèsavoir miraculeusement évité les poursuites dePharaon et traversé les eaux de la mer Rouge,Moïse et tous les Hébreux entonnèrent descantiques d'allégresse, si Marie la prophétesse etles autres femmes employèrent alors desinstruments de musique pour remercier leSeigneur de leur conservation et de leur

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délivrance ; avec quels transports de jubilation etquelles actions de grâces les saintes âmes nedurent-elles pas glorifier le Sauveur qui les avaitsoustraites aux dangers du monde et arrachéesdes abîmes de l'enfer ? Ce fut alors surtout queretentirent dans la céleste Jérusalem lesapplaudissements et les hymnes [196] detriomphe avec le continuel refrain de l'Alleluia.Depuis l'origine du monde, il n'y eut jamais auciel pareille solennité, et il n'y en aura jamais, si cen'est aussitôt après le jugement général, quandtous les élus s'y trouveront assemblés avec leurscorps glorieux devant le trône de l'Emmanuel.

Grande assurément est cette fête del'Ascension ; car tout ce que Dieu avait faitauparavant, c'était afin d'y arriver. En effet, toutce que renferme l'univers a été créé pour leservice de l'homme, et l'homme lui-même a étédestiné à la gloire du ciel ; mais quelque vertueuxqu'il pût être, depuis le péché d'Adam, il n'ypouvait aucunement parvenir, jusqu'à ce que laporte lui eût été ouverte en ce jour tant désiré del'Ascension. C'est principalement la fête deNotre-Seigneur, puisque aujourd’hui même ilvient siéger à la droite de son Père, afin d'y goûterun repos éternel, après les extrêmes fatiguesendurées pour le salut du monde. – C'estproprement aussi la fête de tous les espritsbienheureux ; aujourd'hui, ils s'applaudissent decontempler parmi eux, pour la première fois,

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l'humanité sainte de leur souverain Monarque ; etils se félicitent de voir que les vides, causés dansleurs rangs par la défection des intelligencesrebelles, sont remplis par la glorification dessaintes âmes. Si, comme l'assure Jésus-Christ, lesAnges du ciel se réjouissent dans le ciel à laconversion d'un pécheur, combien n'ont-ils pasdû tressaillir à la vue de tant de nouveaux frèresassociés à leur bonheur ? – C'est également la fêtedes Patriarches, des Prophètes, et de tous lesautres justes, admis aujourd'hui dans le paradisaprès lequel ils avaient si longtemps soupiré. Sinous célébrons l'entrée de quelque Saint au ciel,combien plus devons-nous célébrer celle deplusieurs milliers de Saints à la fois, et en mêmetemps [197] celle du Saint des Saints ? – C'estspécialement la fête de Notre-Dame ; car cetteglorieuse Mère voit aujourd'hui le Fils uniquequ'elle avait conçu, s'envoler au delà de tous lesastres avec son corps glorifié, s'élever au-dessusde toutes les simples créatures comme leurMaître, et s'asseoir à la droite de Dieu comme sonégal.

Mais l'Ascension est particulièrement notrefête ; car en ce jour notre nature a été exaltée par-dessus les cieux ; l'homme a été rappelé dans leroyaume de Dieu d'où il avait été bannijusqu'alors, et il a été associé aux chœurs desAnges par la médiation de son Rédempteurtriomphant. En effet, le Fils de Dieu qui était

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sorti de son Père, non point par un changementlocal mais par la génération éternelle, commepersonne distincte de son principe, estaujourd'hui sorti de ce monde qu'il a privé de saprésence sensible ; il est retourné à son Père, enfaisant participer la nature humaine à la gloiredivine (Joan. XVI, 28). Ce jour est donc très-solennel ; et toute âme vraiment attachée à Jésus-Christ devrait être remplie d'une vive allégresse.Aussi la veille de sa mort, le Sauveur disait à sesdisciples : Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez sansdoute de ce que je vais à mon Père (Joan. XIV, 28).D'après saint Léon (Serm. 1 de Ascens.), c'estcomme s'il disait : Mon Ascension vous sera très-avantageuse ; car, en ma personne, votre humblenature sera transportée dans les hauteurs descieux pour y être assise à la droite de Dieu. Jevous ai uni à moi, et j'ai voulu devenir Fils deDieu, afin que vous puissiez devenir enfants deDieu. Ainsi l'Ascension de Notre-Seigneur est lefondement de notre propre élévation, et la gloireà laquelle notre divin Chef a pu atteindre nousdonne l'espoir de l'y rejoindre comme sesmembres mystiques. Livrons-nous à de pieuxsentiments de gratitude et de jubilation.Aujourd'hui, [198] non-seulement nous avonsrecouvré la possession du ciel, mais en lapersonne de Jésus-Christ nous avons pénétréjusque dans les plus sublimes demeures de ladivinité, la grâce de ce puissant Rédempteur nous

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fait acquérir des biens supérieurs à ceux quel'envie de Satan nous avait fait perdre ; et lesmêmes hommes que cet ennemi perfide avaitarrachés au bonheur du paradis terrestre, le Filsde Dieu, en se les unissant comme frères, les aplacés à la droite de son Père céleste.

Écoutons ce que saint Augustin nous dit del'Ascension (Serm. 175 de tempore) :« Aujourd'hui, mes très-chers frères, Notre-Seigneur s'est élevé dans les cieux ; que notrecœur y monte avec lui. Il s'est élancé par-dessusles astres, sans toutefois nous abandonner ; quenotre esprit s'empresse de l'accompagner, enattendant que notre corps puisse le rejoindre,comme lui-même nous l'a promis. Quoiquemaintenant séparés de lui par les lieux, restons-luitoujours unis par les sentiments. Il ne refuse pointde nous communiquer son royaume, mais il nouscrie en quelque sorte : Soyez mes membres, sivous voulez le posséder avec moi comme avecvotre Chef. Tandis que nous sommes encorevoyageurs sur la terre, tendons de tous nos vœuxet travaillons de toutes nos forces à devenir sesconcitoyens dans la patrie. Pour que notre chairsoit un jour affranchie de ses infirmités, purifionsactuellement notre âme de ses souillures ; car plusl'esprit sera déchargé des péchés quil'appesantissent, plus notre corps sera facilementtransporté par delà les astres. » Le même saintDocteur ajoute : « Privés ici-bas de la présence

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temporelle de Jésus-Christ, tâchons de nousrendre dignes de sa vision éternelle, et disons-luiavec le Prophète royal : Mes désirs vous ont appelé,mes yeux vous ont cherché, Seigneur ; je soupire après lebonheur de [199] contempler votre visage (Ps. XXVI,8). En prenant notre nature, Jésus-Christ n'a paseu d'autre but que d'élever notre intention ; et iln'a rien négligé pour nous disposer à lamanifestation éclatante de sa face glorieuse, afinde nous combler d'une félicité inépuisable. » –« Le but de cette solennité dit encore saintAugustin, c'est que nous considérions des yeux dela foi notre Sauveur régnant déjà à la droite deson Père, et que dès maintenant nous nousenvolions à sa suite sur les ailes de l'espérance etde la charité, afin de participer à son règnependant l'éternité. Suivons-le de cœurprésentement, et bientôt nous le suivrons decorps, quand viendra le jour promis. »

Saint Grégoire dit aussi (Hom. 29 in Evang.) :« Nous devons monter spirituellement où nouscroyons que Jésus-Christ est montécorporellement. Renonçons donc à toutes lespensées terrestres et charnelles ; à quoi pourrions-nous être attachés ici-bas, sachant que notrevéritable Père habite là-haut ? Si la faiblesse denotre chair nous retient encore loin de lui sur laterre, que la vivacité de notre amour noustransporte déjà près de lui dans le ciel. LeSeigneur qui nous inspire cet ardent désir ne le

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rendra pas inutile et vain. » Ajoutons que si leSauveur nous a retiré temporairement sa vue et saprésence, c'est afin d'exciter davantage notreaffection et notre ferveur. N'estimons et nesouhaitons rien par conséquent qui ne puissenous conduire là où il réside. C'est ce que compritheureusement un pieux chevalier dans un voyaged'outre-mer. Il avait visité avec grande dévotiontous les lieux sanctifiés par le passage du Sauveur.Parvenu sur la montagne qui avait été le théâtrede l'Ascension triomphante, il pria longtemps etpleura beaucoup ; enfin il s'écria tout hors de lui-même : ô mon aimable Rédempteur ! j'ai marchéreligieusement [200] sur vos traces dans tous lesendroits que vous avez parcourus ; me voicimaintenant arrivé au lieu béni d'où vous êtesmonté dans le ciel. Où pourrais-je désormais vouschercher en ce monde ? Accordez-moi, Seigneur,de vous suivre dans la gloire ; faites que j'aille sansretard vous contempler assis à la droite de votrePère. À peine ces mots étaient-ils prononcés, queson âme, se détachant de son corps sans douleur,s'envola tout à coup dans la patrie. À l'exemple dece saint personnage, cherchons Jésus-Christ aveczèle par la pratique des bonnes œuvres, parl'exercice des vertus chrétiennes ; et nousmériterons comme lui de trouver dans le séjourde la béatitude Celui qui nous y a précédés.

L'Ascension du Sauveur avait été jadissignifiée dans la vision de Jacob par cette échelle

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merveilleuse, au moyen de laquelle les Angesdescendaient sur la terre et remontaient au ciel.Jésus-Christ est également descendu sur la terre etremonté au ciel, afin de réunir ces deux extrêmes.Comme médiateur entre Dieu et l'homme, ildevait être tout à la fois l'un et l'autre, pour opérerleur parfaite réconciliation. Entre la majestésuprême du Très-Haut et la créature infime de cebas monde il est cette échelle mystérieuse, à l'aidede laquelle les Anges descendent sur la terre pournous apporter des grâces et remontent au cielpour y transporter nos âmes. – Le Sauveur lui-même nous a donné une image de son Ascensiondans la parabole de la brebis perdue et retrouvée.L'homme en effet devint une brebis perdue,quand il transgressa le précepte divin. Maislaissant au ciel les quatre-vingt-dix-neuf autres quisont les neuf chœurs des esprits bienheureux, lebon Pasteur vint en ce monde courir duranttrente-trois années après la brebis égarée ; et il sefatigua tellement à la [201] chercher qu'une sueurde sang coula de tout son corps jusqu'à terre.Après l'avoir enfin retrouvée, il la chargea sur sespropres épaules, lorsque lui-même porta lefardeau de la croix pour expier nos égarements.Puis il invita ses amis à se réjouir de son heureuxretour, lorsque, revenant avec notre humanitéréhabilitée, il remplit d'une nouvelle allégresse lacour céleste tout entière. Nous trouvons uneautre figure de cette admirable Ascension dans le

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sublime ravissement d'Élie. Cet illustre Prophèteavait prêché la loi de Dieu aux Juifs, sans craindrede réprimander ceux qui la violaient ; aussi pourse venger, ils lui suscitèrent de violentespersécutions ; mais pour le récompenser, Dieu letransporta dans le paradis terrestre en corps et enâme. De même, le Sauveur enseigna la voie de lavérité aux Juifs, qui ne répondirent à sescharitables instructions que par leurs mauvaistraitements ; mais Dieu l'exalta, en lui donnant unnom supérieur à tout autre (Philip. II, 9). Ne fallait-ilpas que le Christ passât par la voie de la souffrance pourparvenir à la gloire qui lui était réservée (Luc. XXIV,26) ? A plus forte raison, ne devons-nous pasendurer tous les maux de cette vie temporelle afind'obtenir les biens ineffables de la vie éternelle ?

Prière.Ô Jésus, qui, après être ressuscité d'entre les

morts, avez été couronné d'une gloireincomparable, en allant siéger à la droite du Pèrecéleste, faites que mon âme vous suive avecempressement comme l'unique objet de ses désirset de ses recherches. Accordez-moi, je vous prie,de tendre de tous mes vœux et de tous mesefforts vers le bienheureux séjour où vous êtesmonté ; que je sois retenu seulement [202] decorps en ce misérable monde, mais que je soisconstamment attaché à vous par la pensée etl'affection ; que mon cœur soit toujours là oùvous êtes comme mon trésor très-précieux et

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très-cher. Attirez-moi si fortement que, par votregrâce, montant de vertu en vertu, je mérite devous voir en Sion, ô Dieu très-haut ! Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXIII. DE L'ÉCRITURE ANGÉLIQUE ET DE LA FOI CHRÉTIENNE.

Outre les miracles que racontent lesÉvangélistes, Jésus a opéré beaucoup d'autres prodigesqui n'ont point été consignés (Joan. XX, 30). Ainsi detout ce qu'a dit ou fait Notre- Seigneur sur laterre, soit avant soit après sa Résurrection, nousignorons bien des choses qui concernent sapersonne sacrée et ceux avec lesquels il vivait. Eneffet, si toutes ses œuvres avaient été écrites en détail avecleurs circonstances particulières, je ne crois pas,ajoute saint Jean (XXI, 25), que le monde pût recevoirles livres où elles seraient rapportées ; car, à cause de lamultitude et de la profondeur des mystères qu'ilsexprimeraient, ils ne seraient point comprissuffisamment ni admis facilement, par défautd'intelligence ou de docilité de la part des lecteurset des auditeurs. Les actions et les paroles deJésus-Christ ne sont point simplement d'unhomme, mais d'un Dieu, car en sa personneadorable l'humanité servait d'organe à la divinité.Aussi ses œuvres ne peuvent être expliquées etsaisies dans [203] toute leur étendue par desimples mortels. Ce qui le montre clairement,c'est que, depuis l'origine de l'Église, les saintsPères et les docteurs catholiques se sont appliqués

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successivement à exposer et élucider les faitsévangéliques ; néanmoins, malgré les beauxouvrages qu'ils ont écrits, si le monde duraitencore des millions d'années, pendant lesquelleson ne cesserait de composer de nouveaux livresdans le même but, on ne parviendrait point àépuiser les richesses infinies cachées dans le dépôtde la révélation chrétienne.

Puisque les paroles et les actions d'un Dieusont incompréhensibles pour nous, soit à causede leur propre excellence, soit à cause de notrefaiblesse intellectuelle, nous devons captiver notreesprit sous l'obéissance de Jésus-Christ ; et ennous assujettissant à le connaître d'une manièreénigmatique par la foi, nous mériterons de lecontempler un jour face à face. D'après saintChrysostôme (Hom. 86 in Joan.), les Évangélistesont rapporté simplement ce qui était nécessairepour convaincre leurs lecteurs et leurs auditeurs,de telle sorte que quiconque ne croit pas à leursrelations abrégées ne croirait pas à de plusdéveloppées. En effet, éclairés et dirigés parl'Esprit-Saint, les auteurs sacrés ont écrit ce qu'ilssavaient être propre spécialement à établir la foiet à procurer le salut, comme le déclare saintAugustin (Tract. 49 in Joan.). Ainsi parmi lesnombreux faits de Notre-Seigneur, ils en ontchoisi seulement quelques-uns qui pouvaient êtremieux compris et appréciés, acceptés et retenusplus aisément.

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Or l'objet ou la matière qu'ont traitée lesquatre Évangélistes, ce sont les grands mystèresde la Trinité et de l'Incarnation que manifestentles paroles et les actions de l'Homme-Dieu vivantsur la terre. Le but ou la fin que se [204] sontproposée les écrivains inspirés, c'est d'amener lespeuples à croire en Jésus-Christ par l'exposé deses œuvres et de ses enseignements. Aussi saintJean termine son Évangile en disant (XX, 31) :Ces choses ont été écrites pour que vous croyiez que Jésusest le Christ Fils de Dieu, ou en d'autres termes, qu'ila été engendré par le Père éternel comme égal àlui en puissance, de manière à ne former avec luiqu'un seul et même Dieu. Voilà ce que nousdevons croire de cœur pour être justifiés,confesser de bouche pour être sauvés, et prouverpar notre conduite afin de produire quelque fruitde vie ; car la foi sans les œuvres est morte, commel'assure saint Jacques (II, 26). Cette foi fécondéepar la charité est le premier avantage que procurenon-seulement l'Évangile, mais l'Écriture saintetout entière, soit de l'Ancien soit du Nouveau-Testament ; car l'Ancien annonce, figure etprépare le Nouveau, tandis que celui-ci conduitl'âme humaine à la béatitude suprême. Aussi saintJean proclame cette utilité de la foi chrétienne,quand il ajoute (XX, 31) : Ces choses ont été écrites,afin qu'en croyant vous obteniez la vie, soit la viebienheureuse de l'éternité dans laquelle vousverrez clairement un jour ce que vous attendez

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maintenant, soit la vie spirituelle de la grâce en cemonde et de la gloire en l'autre. Mais cette viesouverainement désirable vous ne l'obtiendrezqu'au nom de Jésus-Christ, c'est-à-dire par la foi en lavertu puissante de ce divin Rédempteur ; car sousle ciel il n'a point été donné aux hommes d'autre nom parlequel nous puissions être sauvés, comme l'atteste saintPierre (Act. IV, 12). Notre-Seigneur lui-mêmes'adressant à son Père dit : La vie éternelle consiste àvous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, commeaussi Jésus-Christ que vous avez envoyé (Joan. XVII, 3).[205]

Les vérités que nous devons croire sontcontenues dans les symboles ou formulairesabrégés des principaux dogmes nécessaires ausalut. Il y a trois symboles : celui des Apôtres,celui de Nicée, celui de saint Athanase. Lepremier a été fait pour enseigner, le second pourexpliquer et le troisième pour défendre les véritésde la foi catholique. Ici nous parlerons seulementdu premier qui sert de base aux deux autres.Relativement aux personnages qui l'ont rédigé, ilse divise en douze articles, suivant le nombre desdouze Apôtres ; et relativement aux matières quile composent, il se divise en quatorze articles,dont sept regardent la Divinité et sept le Sauveuren son humanité. C'est ce qui est signifié dansl'Apocalypse par les sept étoiles et par les septcandélabres dorés, au milieu desquels sepromenait le Fils de l'homme.

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Dans le Symbole des Apôtres nous trouvonssept articles qui ont rapport à la Divinité. Je croisen Dieu. Ce premier article enseigne qu'il y a unseul Dieu. Remarquons à ce propos que croireDieu, c'est reconnaître son existence ; croire àDieu, c'est recevoir sa parole et admettrel'Écriture sainte qui en est l'expression inspirée ;croire en Dieu, c'est tendre vers lui d'esprit et decœur par la foi jointe à la charité. – Je crois enDieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.Ce second article enseigne d'abord que le Père estDieu. Le nom de Père désigne ici la premièrepersonne divine ; mais il indique aussi l'essencedivine elle-même, là où il s'agit de la paternité soitd'adoption soit de création ; car la Trinité toutentière est père spécialement des bons qu'elleadopte comme ses enfants, et généralement detous les êtres qu'elle a créés. En outre, Dieu lePère est ici qualifié de tout-puissant, quoique Dieule Fils et Dieu le Saint-Esprit le soient également ;c'est que [206] par appropriation on attribueparticulièrement la puissance à la premièrepersonne comme la sagesse à la seconde et labonté à la troisième. De plus, le Père est iciproclamé Créateur du ciel et de la terre, c'est-à-dire detoutes les créatures tant spirituelles quecorporelles ; car comme l'action provientdirectement de la puissance, la création semblel'effet propre de la puissance plutôt que de lasagesse et de la bonté. Cependant comme le Père

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crée toute chose par le Fils avec le concours duSaint-Esprit, la création appartient conjointementaux trois personnes divines qui font un seulCréateur. – Je crois aussi en Jésus-Christ, son Filsunique, Notre-Seigneur. Ce troisième article nousenseigne d'abord que le Fils est Dieu comme sonPère, puisque nous croyons en l'un comme enl'autre. Dans le Nouveau Testament le Fils estsouvent désigné de même qu'ici par les deuxnoms réunis de Jésus-Christ. Le nom de Jésus quisignifie Sauveur indique sa divinité ; car c'est entant que Dieu qu'il a sauvé les hommes. Le nomde Christ qui signifie consacré indique sonhumanité ; car c'est en tant qu'homme qu'il a étéconsacré préférablement à tous ses semblables. Ilest ensuite qualifié de Fils unique du Père éternel,non point simplement par adoption mais bien parnature ; il est aussi son Fils unique, parce qu'il n'y apas en lui deux fils, l'un Dieu et l'autre homme,mais un seul fils en deux natures, savoir la divinitéet l'humanité, et en trois substances, savoir ladivine, la spirituelle et la corporelle. Il est encoreappelé Notre-Seigneur, car il est le souverain Maîtrede l'univers comme Dieu son Père qui lui a donnétout pouvoir au ciel et sur la terre. – Je crois dans leSaint-Esprit. Ce quatrième article enseigne que leSaint-Esprit est Dieu, puisque nous croyons en luicomme dans le Père et dans le Fils. Cettedénomination d'Esprit-Saint [207] peut avoirdeux significations différentes, selon que l'exige le

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sens de la phrase où elle est employée ; dans unsens restreint elle indique la troisième personnedivine, et dans un sens plus étendu elle marquel'essence divine. Ainsi les quatre premiers articlesdu Symbole expriment l'unité de l'essence divineen même temps que la trinité des personnesdivines.

Le cinquième article nous apprend que lespéchés sont remis aux fidèles chrétiens. C'estpourquoi nous disons d'abord : Je crois la sainteÉglise catholique, la communion des Saints, c'est-à-dire : Je crois que la sainte Église catholique, soitmilitante, soit triomphante, est la réunion,l'assemblée, la société des Saints ; ou bien : Jecrois la sainte Église catholique encore militantesur la terre, et je crois aussi la communion desSaints, l'association des bienheureux quicomposent au ciel l'Église triomphante ; c'estcomme si l'on disait ; Je crois l'une et l'autreÉglise. Remarquons ici que la sainte Églisecomprend trois parties distinctes : celle quicombat sur la terre vit encore dans la crainte etl'attente ; celle qui triomphe au ciel n'a plus rien àredouter ni à désirer ; et celle qui souffre dans lepurgatoire tient le milieu entre les deux autres.Cette dernière est encore dans l'attente, puisqueles âmes ne sont point en possession de la gloireéternelle, elle est néanmoins sans crainte, parceque les âmes ont leur volonté confirmée dans lebien. La sainte Église est justement appelée

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catholique ou universelle pour deux raisons ; car sesenseignements sont prêchés partout dans lesdiverses parties du monde, et ils sont vrais en toutpoint sans aucun mélange d'erreur. Nousajoutons : Je crois la rémission des péchés, c'est-à-dire :Je crois que les péchés sont remis aux hommespar le Baptême, par celui d'eau, [208] ou celui defeu, ou celui de sang ; et que les péchés commisaprès le Baptême sont remis par la Pénitence. –Le sixième article nous fait professer larésurrection des corps en ces termes : Je crois larésurrection de la chair. En effet, la même chair quiavait été dissoute par la mort sera réunie par larésurrection à la même âme qu'auparavant. – Leseptième article nous fait reconnaître larémunération des justes et la punition descoupables, quand nous disons chacun : Je crois lavie éternelle, comme si nous disions : Je crois que lavie éternelle sera la récompense des bons, tandisque la mort éternelle sera le supplice desméchants. Ces trois derniers articles que nousvenons d'expliquer se rapportent à la divinitécomme les quatre précédents ; car la rémissiondes péchés qui produit la vivification des âmes,comme aussi la résurrection des corps, et enfin laglorification simultanée des corps et des âmespendant l'éternité ne sauraient provenir que de latoute-puissance ou de la vertu divine.

Les sept autres articles du Symbole serapportent à l'humanité du Sauveur. Le premier

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consiste à croire que Jésus-Christ a été conçu duSaint-Esprit, c'est-à-dire que le Saint-Esprit l'aformé non point de sa propre substance mais parson opération spéciale ; car en un seul et mêmeinstant, il tira du corps virginal de Marie la chairsacrée du Sauveur, qui fut aussitôt jointe à uneâme raisonnable et unie hypostatiquement à ladivinité. Ce grand mystère de l'Incarnation estassurément l'œuvre commune de la Trinité toutentière ; car une personne divine ne fait rien sansque les deux autres le fassent également. Onattribue néanmoins particulièrement au Saint-Esprit l'opération merveilleuse par laquellel'humanité fut unie hypostatiquement à ladivinité ; car cette œuvre admirable de la grâce estle [209] principal résultat de la charité oubénignité qui est le caractère distinctif du Saint-Esprit. Dieu en effet nous a rachetés au moyen del'Incarnation de son Fils, non point précisémentparce qu'il est tout-puissant ou infiniment sage,mais plutôt parce qu'il est souverainement bon etmiséricordieux. – Le second article nous faitconnaître que Jésus-Christ est né de la Vierge Marie,c'est-à-dire qu'il est sorti du chaste sein où il avaitété formé miraculeusement. – Le troisième articleexprime que Jésus-Christ a souffert sous Ponce-Pilate,gouverneur romain de la Judée ; qu'il a été crucifié,en subissant le supplice le plus douloureux et leplus infâme celui des larrons et des scélérats ; qu'ilest mort, de façon que son âme a été vraiment

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séparée de son corps, bien que tous deux soientrestés toujours unis à la divinité ; qu'il a été enseveli,sans que toutefois sa chair ait été soumise à lacorruption et réduite en poussière comme celledes autres hommes. – Le quatrième articleenseigne que Jésus-Christ est descendu dans lesenfers ; car tandis que son corps reposait dans letombeau, son âme descendit dans les limbes oulieux inférieurs de la terre. – Par le cinquièmearticle nous professons que Jésus-Christ estressuscité d'entre les morts le troisième jour, après avoirdemeuré dans le sépulcre non point trois joursentiers, mais seulement le soir du vendredi ettoute la journée du samedi ainsi que le matin dudimanche. Ces deux derniers articles indiquenttout ce que Jésus-Christ nous a mérité par samort ; il a délivré notre âme, en descendant auxenfers pour en briser les portes ; et il a ressusciténotre chair, en sortant le premier du tombeaupour glorifier nos corps. – Par le sixième articlenous croyons que Jésus-Christ est monté aux deuxavec son humanité tandis qu'il est partout avec sadivinité, et de plus qu'il [210] est assis à la droite deDieu le Père tout-puissant, c'est-à-dire qu'en saqualité de Dieu il partage la suprême autorité duPère comme son égal, et qu'en sa qualitéd'homme il possède les biens excellents du Pèrecomme son associé, que par conséquent il jouitde la paix et de la gloire, qu'il juge et dispose detout conjointement avec le Père. – Le septième

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article nous apprend que de là (indè), c'est-à-dire àla fin des temps, ou bien du haut des cieux Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts. Celas'accomplira littéralement, parce que les vivantscomme les morts devront être jugés ; néanmoinsceux qui seront alors vivants au dernier jourmourront tous, mais ils ressusciteront aussitôt enun instant afin de comparaître au suprêmetribunal avec tous les autres hommes.

Ces quatorze articles sont renfermés dans leSymbole que les douze Apôtres ont eux-mêmescomposé.3 Saint Pierre formula les deux premiersarticles qui concernent la Divinité, saint André letroisième, saint Barthélemy le quatrième, saintSimon le cinquième, saint Thaddée le sixième etsaint Mathias le septième. Les deux premiersarticles touchant l'humanité de Jésus-Christ furentdressés par saint Jacques le Majeur, le troisièmepar saint Jean, le quatrième par saint Thomas, lecinquième par saint Matthieu, le sixième par saintJacques le Mineur et le septième par saintPhilippe. Sommes-nous tenus de croire d'autresvérités qui ne sont point contenues dans ceSymbole des Apôtres ? Oui, sans doute, puisquenous devons croire à Dieu, c'est-à-dire ajouter foià sa parole communiquée soit par la Traditionorale, soit par l'Écriture-Sainte.

À ce propos, il importe de savoir que. lapartie de [211] l'Écriture-Sainte comprenant3 Voir la note III à la fin du volume.

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l'histoire de la révélation chrétienne est contenuedans les quatre livres des Évangiles. Ils sontrangés entre eux selon l'ordre où ils ont étépubliés, sans tenir compte de la qualité desauteurs ou de la dignité des matières. Bien qu'ilsaient pour objet le même personnage, à savoirJésus de Nazareth, ils nous le présentent chacunsous un point de vue particulier ; car ils sedistinguent les uns des autres par le but spécialque chaque Évangéliste s'est proposé, enrapportant comme témoin ce que Jésus a fait etdit devant ses propres disciples ou devant d'autresJuifs.

L'apôtre saint Matthieu écrivit le premierÉvangile en hébreu et dans la Judée pour sescompatriotes convertis, afin de prouver que Jésusest le Christ ou Messie annoncé dans l'Ancien-Testament. Ainsi, il montre que les nombreusesprophéties relatives au Messie ont été accompliesen Jésus ; et il commence par relater la généalogielégale et la naissance temporelle de Celui qui avaitété prédit comme devant être issu de David et filsd'une Vierge. Voilà pourquoi, parmi les quatrefigures mystérieuses qui représentent les quatreÉvangélistes, celle de l'homme désigne saintMatthieu.

Saint Marc, disciple de l'apôtre saint Pierre,composa le second Évangile en grec et dansl'Italie, surtout pour les Romains devenuschrétiens, afin de prouver que Jésus est le Roi et

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le Maître de l'univers, conformément aux oraclesde Daniel (II, 44. – VII, 13 et 14). Sans s'étendrebeaucoup sur les enseignements de Notre-Seigneur, il s'attache à raconter les principauxmiracles qui font ressortir le domaine absolu decet homme extraordinaire sur toutes les créatures.Aussi le lion, supérieur en force à tous les autresanimaux, est l'emblème de saint Marc, quicommence son récit par [212] rappeler la voixretentissant au désert comme le rugissement dulion.

Saint Luc, disciple de l'apôtre saint Paul,rédigea le troisième Évangile en grec, pendantqu'il parcourait l'Achaïe et la Bithynie. D'aprèssaint Jérôme (de Viris illust.), comme il avaitexercé l'art médical, il lui convenaitparticulièrement de nous révéler le célesteMédecin. Afin donc de prouver que, selon ladéclaration de l'Ange aux bergers de Bethléem,Jésus est le Sauveur du monde, il expose les acteset les discours qui font éclater davantage laclémence et la miséricorde de Notre-Seigneur àl'égard des pécheurs ; ainsi, il est le seulÉvangéliste qui raconte la conversion deMadeleine et qui mentionne la sueur de sang,répandue au jardin des Olives comme pour nousservir de remède spirituel. Le bœuf, autrefoisimmolé comme victime principale, est l'emblèmede saint Luc qui, dès le début de son livre, nous

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fait assister au sacrifice offert dans le temple deJérusalem par le prêtre Zacharie.

L'apôtre saint Jean, pendant qu'il résidait enAsie, écrivit en grec le quatrième Évangile,destiné à combattre les hérésies gnostiques. Afinde prouver que Jésus n'est pas simplement le filsadoptif, mais le propre fils de Dieu, ce disciplebien-aimé cite les faits et les paroles par lesquels-son illustre Maître s'est manifesté comme égal àDieu même et consubstantiel au Père éternel.Pour décrire la splendeur du Verbe, dès le débutde son livre, cet Évangéliste se transporte dans leshauteurs des cieux sur les ailes de lacontemplation ; aussi est-il représenté par l'aiglequi, dans son vol sublime, ose regarder fixementla lumière du soleil.

Les quatre Évangiles, qui nous élèvent pardegrés à la connaissance parfaite de Jésus-Christ,sont comme l'échelle de Jacob, sur laquelle leSeigneur apparaissait appuyé. Les [213] œuvresmerveilleuses, à l'aide desquelles il a vouludescendre jusqu'à nous et nous élever jusqu'à lui,nous sont rapportées par les quatre Évangélistesqui, selon la remarque de saint Jérôme (Proem. inMatth.), sont comme autant de vrais Chérubins.

Prière.Seigneur Jésus, je vous remercie de m'avoir

appelé à la foi chrétienne au moyen de l'Écritureet de la doctrine évangélique, afin que, par cettecroyance catholique, j'obtienne la vie de la grâce

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sur la terre et de la gloire au ciel en votre nomtout-puissant ; car il n'y a point ici-bas d'autrenom en vertu duquel nous puissions être rachetés.Bien que je sois l'homme le plus misérable et leplus indigne, accordez-moi de croire en vous decœur pour être justifié, de vous confesser debouche pour être sauvé, et de vous louer partoute ma conduite en produisant des œuvresutiles, de telle façon qu'avec votre secoursmiséricordieux je ne cesse d'aspirer maintenant etque je mérite de parvenir enfin à la béatitudeéternelle, ô Jésus, l'unique Sauveur du monde !Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXIV. LA PENTECÔTE.4 (Act. Apost. II.)

Au jour de la Pentecôte, qui est lecinquantième après sa Résurrection et le dixièmeaprès son Ascension, le Seigneur [214] Jésusrappelle à son Père céleste la promesse qu'il afaite à ses bien-aimés Apôtres de leur envoyerprochainement le Saint-Esprit. De concert alors,les deux premières personnes divines confient à latroisième la mission spéciale de descendre sur lesdisciples fidèles pour les consoler, les fortifier etles instruire, pour les remplir de grâces, les ornerde vertus et les combler de joie. Selon laremarque du Vénérable Bède, cette troisièmepersonne accomplit de plein gré cette grande

4 Voir la note IV à la fin du volume.

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fonction, parce qu'étant égale et consubstantielleaux deux autres, elle a la même volonté et lamême puissance. Ainsi le Saint-Esprit fut envoyéconjointement par le Père et le Fils, dont ilprocède pareillement. Il vint donc en la fête de laPentecôte. C'était, avec celle de Pâques et celledes Tabernacles, une des trois principales dont lasolennité durait sept jours consécutifs chez lesJuifs. A cette fête, qui se célébrait cinquante joursaprès Pâques, on avait donné le nom grec dePentecôte (πεντηκοστή), qui signifie cinquante ; carles Israélites, dispersés parmi les nations, parlaientcommunément la langue grecque, qui était alors laplus répandue et en quelque sorte universelle.

Lorsque la solennité de la Pentecôte étaitcommencée, les disciples étaient tous ensemble dans lemême lieu, où leur divin Maître avait célébré sadernière Cène, sur le mont Sion (Act. II, 1). C'estlà que, réunies dans l'attente du divin Paraclet,cent vingt personnes environ de l'un et l'autresexe continuaient de prier ; ainsi le nombre desdisciples était déjà dix fois plus grand que celuides Apôtres (Ibid. I, 14 et 15). Vers l'heure detierce, tout à coup on entendit venir du ciel comme lebruit d'un souffle violent c'est-à-dire d'un ventimpétueux, ou plutôt de l'Esprit-Saint lui-mêmequi faisait sentir son action véhémente ; car ilvenait ainsi avec un bruit éclatant pour effrayerles cœurs rebelles, et avec [215] un soufflepuissant pour ranimer les pieux fidèles (Ibid. II,

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2). Ce vent impétueux remplit toute la maison où lesdisciples étaient assis ; ou mieux encore, le Saint-Esprit remplit tous ceux qui étaient assemblésdans le cénacle, selon la parole du Seigneur quileur avait dit : Retirez-vous dans la ville jusqu'à ce quevous soyez revêtus de la force d'en haut (Luc. XXIV,49). Apprenons ici que Dieu ne communique sesdons surnaturels qu'aux Chrétiens unis par lacharité et disposés par le recueillement à recevoirsa visite bienfaisante.

Les assistants virent alors apparaître comme deslangues de feu, c'est-à-dire des rayons de feu sousforme de langues, qui se partagèrent et s'arrêtèrent surla tête de chacun d'eux (Act. II, 3). Ce n'est pas sansmotif, dit S. Grégoire (Hom. XXX in Evang.),que le Saint-Esprit se manifesta sous la figure deflammes ; car dans tous les cœurs qu'il remplit, ildissipe l'engourdissement du froid et excite ledésir ardent de son éternité. Suivant Origène,notre Dieu est un feu qui consume, tant qu'il trouve desvices à détruire en nous ; puis quand il les a faitdisparaître, il est un feu qui illumine. Selon S.Jérôme (in Ps. LXXVII), comme le feu a ladouble propriété d'éclairer et de brûler, de mêmeDieu éclaire les justes et brûle les pécheurs qu'ilchâtie dans l'enfer. De plus, les sept dons queconfère le Saint-Esprit sont convenablementsignifiés par les sept effets que produit le feu.Ainsi, comme le feu purifie les corps, liquéfie lacire, embellit les métaux, durcit la brique, soulève

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les vapeurs, éclaire les lampes et adoucit lesaliments ; de même le Saint-Esprit purifie lescœurs par le don de crainte, les attendrit par ledon de piété, les décore par le don de science, lesaffermit par le don de force, les élève par le donde conseil, les éclaire par le don d'intelligence etles adoucit par le don de sagesse. [216]

Tous aussitôt furent pleins du Saint-Esprit, etcommencèrent à parler diverses langues, selon qu'il leur enmettait l'expression à la bouche (Act. II, 4), car l'Espritqui souffle où il veut, comme Jésus-Christ le disait(Joan. III, 8), distribue ses dons ainsi qu'il lui plaît,ajoute saint Paul (I Cor. XII, 11). Aussi, par lalumière resplendissante de la science, il lesinstruisit de toute vérité ; par l'ardeurinextinguible de sa charité, il les embrasa de toutedilection ; par la force invincible de sa puissance,il les confirma en toute vertu ; et de plus il leurcommuniqua la connaissance infuse de toutes leslangues, selon cette prédiction de la Sagesse (I,7) : L'Esprit du Seigneur remplit le globe de la terre, etcelui qui contient tout, c'est-à-dire l'homme, petitmonde, abrégé de la création, possède la science de laparole. En d'autres termes : l'Esprit-Saint remplit lemonde entier, en conférant aux disciples le dondes langues afin qu'ils pussent parler le langage detous. C'était un signe prophétique que l'Églisechrétienne, d'abord contenue dans la Judée seule,devait s'étendre à toutes les nations dont elleparlait déjà les différents idiomes. Les premiers

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Chrétiens qui s'exprimaient ainsi dans toutes leslangues marquaient que dans toutes ces langues ily aurait de fidèles croyants. Comme la langue estl'instrument de la parole, et comme le feu est unprincipe de lumière, de chaleur et aussi de soliditépour la terre qu'il durcit, le Saint-Esprit, endescendant sur les Apôtres sous forme de languede feu, montrait d'une manière sensible ce qu'ildevait produire en eux ; car il venait leur mettreles paroles à la bouche, éclairer leur intelligence,échauffer leur cœur et fortifier leur volonté.

Remarquons que le Saint-Esprit est descendudeux fois ostensiblement sur les Apôtres, ainsique sur Jésus-Christ [217] auparavant. Il descenditsur Jésus-Christ, à l'époque du Baptême, sousforme de colombe ; puis au moment de laTransfiguration, sous forme de nuéetransparente ; la raison, en est que le Saint-Espritdevait communiquer la grâce du Rédempteur aumoyen des sacrements, figurés par la colombe quiest un oiseau fécond, et au moyen de la doctrine,représentée par la nuée lumineuse d'où sortit cettevoix céleste : Voici mon Fils bien-aimé, écoutez-le(Matth. XXII, 5). Il descendit aussi sur lesApôtres, en premier lieu sous forme de souffle,pour indiquer l'effusion de la grâce dont ilsdevaient être les ministres ; ce fut lorsque leSeigneur leur dit, en soufflant sur eux : Recevez leSaint- Esprit, les péchés que vous remettrez seront remis(Joan. XX, 22 et 23). Il descendit en second lieu

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sur tous les disciples, sous forme de langues defeu, pour marquer la diffusion de la grâce par ladoctrine dont ils devaient être les prédicateurs ; cefut lorsque, tous remplis du Saint-Esprit, ilscommencèrent à parler en diverses langues. Ainsi,comme le fait observer saint Grégoire (Hom. 30in Evang.), les Apôtres reçurent le Saint-Espritdeux fois manifestement après que le Sauveur futressuscité ; d'abord quand Jésus-Christ leurapparut encore sur la terre, puis quand il futmonté au ciel. Cette communication réitérée duSaint-Esprit signifiait le précepte de la charitérépandue dans les cœurs par sa grâce ; car demême que la charité est une et comprend deuxpréceptes, de même aussi le Saint-Esprit est un etvint néanmoins deux fois. Jésus-Christ, étant surla terre, le donna pour inspirer l'amour duprochain, ensuite il l'envoya du ciel pour exciterl'amour de Dieu ; mais s'il ne l'envoya du cielqu'après l'avoir donné étant sur la terre, c'estparce que l'amour du prochain doit nousconduire à l'amour de Dieu, selon cette maximede saint Jean (I Epist. IV, 20) : [218] Celui quin'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimerDieu qu'il ne voit pas ?

Avant la Passion du Sauveur, les Apôtresavaient déjà reçu deux fois le Saint-Esprit ;d'abord pour purifier leurs âmes, quand ils furentbaptisés ; puis pour opérer des miracles, quand leSeigneur les envoya prêcher dans la Judée en leur

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disant : Guérissez les malades, ressuscitez les morts,chassez les démons (Matth. X, 8). Saint Jérôme dit àce propos (Quæst. 9 ad Hedibiam) : « J'oseaffirmer que, depuis le moment où ils ont cru enJésus-Christ, les Apôtres ont toujours eu le Saint-Esprit, et que, sans sa grâce, ils n'auraient puaccomplir aucun prodige ; mais ils ne l'avaientreçu que dans une faible mesure selon leursdispositions imparfaites. Au jour de Pâques, leSeigneur ressuscité le leur conféra de nouveau,afin qu'ils pussent administrer les sacrements ; etau jour de la Pentecôte, il le leur envoya plusspécialement, pour qu'ils fussent capablesd'évangéliser toutes les nations. » – « Il est certain,ajoute saint Léon (Serm. 2 de Pentec.), qu'enremplissant les Apôtres au jour de la Pentecôte, leSaint Esprit n'a point alors distribué ses premiersdons, mais plutôt qu'il a répandu ses nouvelleslargesses. En effet, il avait déjà dirigé et sanctifiéles Patriarches et les Prophètes, les prêtres del'ancienne loi et tous les justes des premierssiècles ; il n'y eut jamais de sacrements institués,ni de mystères célébrés sans sa grâce, de tellemanière que ses secours ont toujours étéégalement nécessaires, bien que ses faveursn'aient pas toujours été aussi largementaccordées. »

Remarquons encore que le Saint-Esprit secommunique aux hommes de deux manières,visiblement ou invisiblement. Il s'est manifesté

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visiblement par cinq espèces de signes extérieurs :sous forme de colombe au Baptême du [219]Seigneur, sous forme de nuée en laTransfiguration du Sauveur, sous forme desouffle le jour de Pâques, sous forme de feu et delangue le jour de la Pentecôte. Il se donneinvisiblement, lorsqu'il descend dans les cœurspurs pour les sanctifier, selon cette parole deJésus-Christ : L'Esprit souffle où il veut ; mais vousignorez d'où il vient et où il va. On ne doit pas en êtresurpris ; car, comme le dit saint Bernard (Serm.74 in Cant.), il ne pénètre dans l'âme ni par lesyeux puisqu'il n'a point de couleur, ni par lesoreilles puisqu'il n'a point de son, ni par lesnarines puisqu'il n'est point aérien, ni par labouche puisqu'il n'est point matériel ; il n'estsusceptible ni d'être mangé ou bu, ni d'êtretouché ou palpé. Si ses voies sont étrangères auxsens extérieurs, comment puis-je savoir qu'ildemeure en moi ? Par le mouvement du cœur jedécouvre sa présence véritable ; par la fuite desvices j'éprouve sa vertu puissante ; par l'examen etla désapprobation de mes secrètes pensées jecomprends sa profonde sagesse ; par un certainamendement de mes mœurs je ressens sa bontémiséricordieuse ; par la forme et la rénovation demes sentiments je perçois son admirable beauté ;par l'ensemble de toutes ces observations intimesje reconnais sa merveilleuse grandeur. » Ainsiparle saint Bernard.

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Dans les premiers temps du christianisme, ditsaint Augustin (Serm. 2 de Adventu Spir. S.), leSaint-Esprit descendait sur les fidèles, et il leurapprenait à parler des langues qui leur étaientinconnues jusqu'alors. Ces miracles étaient alorstrès-opportuns ; car il fallait que le Saint-Esprit semanifestât dans toutes les langues, au moyendesquelles le divin Évangile devait être prêchédans tout l'univers. Mais lorsque ce but eut étérempli, ces miracles ont cessé. Voulez-vous savoircomment le divin Paraclet atteste sa [220]présence aujourd'hui, et comment vous pouvezconnaître si vous l'avez reçu véritablement ?Interrogez votre cœur ; si vous y trouvez l'amoursincère envers le prochain, soyez assuré que leSaint-Esprit habite en vous ; car cette dilectionsurnaturelle ne peut venir que de la grâce céleste,comme l'Apôtre le déclare en disant : La divinecharité a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Espritqui nous a été donné (Rom. V, 5). Saint Chrysostômeajoute (Hom. 3 in Marc.) : Si nous ne désironsrien que le bien, sachons que l'Esprit-Saintdemeure en nous ; mais il s'est retiré de nous, sinous voulons le mal. De ce qui précèdeconcluons que, si la présence du Saint-Esprit dansune âme n'est pas visible en elle-même, elle ledevient par ses effets extérieurs.

Nous ne pouvons reconnaître avec certitudela présence du Saint-Esprit en une âmequelconque, parce que nous ne savons ni d'où il

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vient ni où il va, comme Jésus-Christ le disait àNicodème (Joan. III, 8). Cependant, d'après leseffets extérieurs qu'il produit ordinairement, nouspouvons conjecturer avec plus ou moins devraisemblance qu'il existe ou agit en telle ou tellepersonne. Ces effets qui sont les signes probablesdu Saint-Esprit varient suivant les trois états de lavie spirituelle ; car il n'opère point de la mêmemanière en tous les hommes ; il souffle ou respire(spirat) en ceux qui débutent, il habite en ceux quiprogressent, et il remplit les parfaits. Or, selonsaint Bernard (Serm. 74 in Cantic.), il y a troissignes particuliers pour distinguer si l'Esprit-Saintinspire vraiment les commençants ou pénitents.Le premier est la douleur d'avoir commis lepéché ; car le Saint-Esprit, qui déteste toutesouillure, ne peut diriger une personne vicieuseencore livrée à l'iniquité. Le second signe est leferme propos de ne plus commettre le péché ; carnul ne peut former de lui-même cette salutaire[221] résolution, si sa propre faiblesse n'est aidéepar la grâce efficace du Saint-Esprit. Le troisièmesigne est une prompte disposition à faire le bien ;car, selon saint Grégoire (Hom. 30 in Evang.),l'amour divin que produit le Saint-Esprit n'estjamais oisif, et il accomplit de grandes chosespartout où il est.

Quant aux âmes plus avancées et déjàvertueuses, il y a pareillement trois signes pourdiscerner si le Saint-Esprit habite vraiment en

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elles. Le premier est un exact et fréquent examende sa propre conscience, non-seulement à l'égarddes péchés mortels, mais encore à l'égard desfautes vénielles ; car, de même que le Saint-Espritest opposé aux péchés mortels, ainsi la charitéfervente qu'il excite est ennemie des fautes mêmevénielles qu'elle s'empresse de proscrire pour nepas lui déplaire. Le second signe est la diminutionde la concupiscence, parce que plus la charités'accroît dans un cœur, plus la cupidité s'y affaiblità l'égard des choses temporelles. Le troisièmesigne est l'observation fidèle des préceptes divins,parce que sans elle il n'y a point de véritablecharité. Selon la remarque de saint Augustin, neserait-ce pas se moquer que de dire : J'aimel'empereur, mais je déteste sa loi ? Si donc vousaimez Dieu sincèrement, gardez sescommandements.

Quant aux parfaits, trois autres signespeuvent nous indiquer s'ils sont vraiment remplisdu Saint-Esprit. Le premier est la manifestationdivine ; comme l'Esprit de Dieu estessentiellement un Esprit de vérité, il ne sauraitposséder une âme sans l'instruire et luicommuniquer sa doctrine ; aussi révèle-t-il dessecrets particuliers à ses amis privilégiés comme àd'intimes confidents. Le second signe consiste àne craindre que Dieu seul, non point d'unemanière servile, mais filiale, qui n'a rien depénible ; car la [222] charité parfaite chasse la crainte,

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que ressent un esclave à l'égard de son maître(Joan. I Ep. IV, 18) ; voilà pourquoi l'Apôtredisait (II Cor. III, 17) : Où est l'Esprit du Seigneur, làest aussi la liberté, qui porte l'homme à se conduireenvers Dieu comme un enfant à l'égard de sonpère. Le troisième signe est le désir même de lamort ; car celui qui est embrasé de l'amour divinsouhaite d'être délivré de la vie présente pour êtreréuni à Jésus-Christ. Heureuse l'âme qui éprouvece généreux sentiment, à l'exemple de saint Paul !elle peut très-justement présumer qu'elle estremplie du Saint-Esprit ; car lui seul peut ainsi ladétacher de toute affection terrestre.

Outre les signes précédents, trois autres quiconviennent aux différents états induisent à croireque le Saint-Esprit agit ou existe vraiment dansune âme. Le premier est l'abondance des larmespieuses, le second est le pardon des injures, et letroisième est le désir des biens célestes. Ces troissignes sont représentés par les trois formes souslesquelles le Saint-Esprit a paru. En effet, surJésus-Christ transfiguré il est descendu sousforme de nuée ; et comme les nuées se résolventen pluies au souffle du vent du midi, de mêmeaussi à l'approche du Saint-Esprit les âmes serépandent en larmes. De plus, sur Jésus-Christbaptisé il est descendu sous forme de colombe ;et comme cet oiseau n'a point de fiel, il estl'emblème de la mansuétude qui doit régner dansle cœur du Chrétien. Sur les Apôtres assemblés, il

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est descendu sous forme de feu ; et comme cetélément tend toujours en haut, il est l'image duSaint-Esprit qui porte toujours les cœurs vers leciel.

Il y avait alors à Jérusalem des Juifs pieux de toutesles nations qui sont sous le ciel (Act. II, 5) ; car lesHébreux, que leurs différentes captivités avaientdispersés de toutes [223] parts s'étaient réunis parune disposition providentielle pour célébrer lasolennité de la Pentecôte. Au bruit de ce qui s'étaitpassé, ils accoururent en grand nombre au lieu où lesdisciples étaient assemblés ; et ils furent fort surprisde ce que chacun d'eux les entendait parler en sa proprelangue (Ibid. 6). D'autres cependant se moquaient desdisciples, en affirmant qu'ils étaient pleins de vin nouveau,c'est-à-dire qu'ils étaient plongés dans une ivresseextrême ; car celle qui vient du vin nouveau est laplus violente. Quoique ces incrédules parlassentainsi par ironie, ils disaient vrai de quelque façon ;car les disciples étaient pleins, non point de ce vinvieux qui jadis avait été servi aux noces de Cana,mais de ce vin nouveau dont le Sauveur disait :On ne met point le vin nouveau en de vieux vaisseaux(Luc. V, 37).

Pierre, se levant à la tête des Apôtres, prouvaqu'ils n'étaient point ivres, comme on leprétendait, puisque, selon l'usage, ils n'avaient nibu ni mangé avant cette heure-là, qui était latroisième du jour ou neuvième du matin ; ilmontra qu'ils étaient plutôt remplis du Saint-

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Esprit, ainsi que l'avait annoncé le prophète Joël(II, 28). Jésus-Christ en effet, après être montédans les cieux, venait de distribuer ses dons auxhommes, en leur envoyant le Saint-Esprit qui estla source de tous nos biens. Il avait ainsi accomplien ses disciples ce qu'il leur avait promis avant saPassion, quand il leur disait (Joan. XVI, 7) : Si jene m'en vais point, le Consolateur ne viendra point àvous ; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. En d'autrestermes : Vous ne pouvez recevoir pleinement leSaint-Esprit, tant que je suis avec vous en la chair,parce que vous m'aimez d'une manière trophumaine. Aussi, après avoir reçu le Saint-Esprit,l'Apôtre disait (II Cor. V, 16) : Si nous avons connuJésus-Christ selon la chair, maintenant nous ne leconnaissons [224] plus de la sorte. A ce propos voicicomment s'exprime saint Bernard (Serm. 3 deAscens.) : « Si les Apôtres, encore attachés àl'humanité du Sauveur, quoiqu'elle fût très-saintecomme appartenant au Saint des saints, nepouvaient être remplis de son divin Esprit avantd'être privés de sa présence visible, à plus forteraison, étant liés et collés à votre propre chair quiest souillée et infectée par des imaginationsimpures, vous ne pouvez recevoir l'Espritsanctificateur à moins que vous ne tâchiez derenoncer à toute consolation sensuelle. Il est vraique vous éprouverez d'abord de la peine, mais sivous persévérez en cette abnégation, votretristesse se changera en joie ; car lorsque votre

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affection sera purifiée et votre volontérenouvelée, vous exécuterez avec beaucoup defacilité et de ferveur des choses qui vousparaissaient auparavant difficiles et impossiblesmême. » Si donc vous désirez goûter les délicesspirituelles, vous devez rejeter les voluptéscharnelles ; car selon saint Grégoire (Hom. 30), ilfaut refuser au corps les plaisirs qui le flattentpour procurer à l'âme les douceurs qui lacharment. Mais aujourd'hui, hélas ! même parmiles personnes dévotes ou religieuses, combien peusavent préférer les jouissances divines auxdélectations mondaines !

L'Apôtre distingue deux classes d'hommesbien opposés, quand il dit -. Ceux qui sont charnelsaiment les choses de la chair, ceux au contraire qui sontspirituels aiment les choses de F esprit (Rom. VIII, 5).Dans la pratique, on reconnaît un hommevraiment spirituel d'après plusieurs signesparticuliers, par exemple : s'il ne montre pasmoins d'ardeur pour fuir les dangers ou pourrechercher les remèdes de l'âme que ceux ducorps ; car autant celle-là l'emporte sur celui-ci,autant on doit soigneusement éviter ce quipourrait la blesser et employer ce qui pourrait laguérir. En outre, de [225] même que le corpstrouve son plaisir et sa force dans la nourriturematérielle, l'âme en doit trouver pareillement dansla nourriture spirituelle que lui fournissentl'oraison, la prédication, l'Écriture Sainte, la

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lecture pieuse, l'adorable Eucharistie et l'officedivin ; aussi quand l'âme est privée de sa réfectionaccoutumée, elle n'en doit pas éprouver moins depeine que le corps quand il est privé de la siennepropre. On reconnaît encore d'une manièregénérale les hommes spirituels, quand ils veillentà tous les besoins de l'esprit avec la mêmesollicitude que les hommes charnels à ceux de lachair. Or les hommes charnels s'empressent depourvoir en temps convenables à leurs diversesnécessités pour le vivre ou le vêtement, pour lefroid ou le chaud ; l'homme spirituel doitégalement songer aux vertus et aux grâces qui luisont nécessaires dans l'adversité ou la prospérité,par rapport à ses amis et à ses ennemis ; il doitaussi examiner attentivement sa conduite enversDieu dans les exercices religieux, et envers leprochain dans ses relations sociales. Mais oùrencontrer celui-là pour lui décerner nos éloges ? (Eccli.XXXI, 9.) De nos jours on en voit encoreplusieurs qui font le bien, mais ils ne le font qu'enpartie ; car s'ils se montrent généreux, ils sont enmême temps voluptueux ; si au contraire ils sontchastes, ils ne sont pas toujours désintéressés ;ceux-ci témoignent de la douceur, mais parfaiblesse de caractère ils tombent souvent dans lapusillanimité ; ceux-là oublient les injures qu'ilspardonnent sans difficulté, mais, en ne veillantpoint assez sur leur cœur, ils provoquent des rixespar leur emportement ; les uns se glorifient des

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dons qu'ils ont obtenus de la miséricorde divine,comme s'ils les avaient acquis par leur propreindustrie ; les autres se condamnent à desmacérations, à des jeûnes et à des veilles, mais ilss'abandonnent à différents vices, [226] à l'orgueil,à l'avarice ou à l'envie ; beaucoup même déchirentla réputation d'autrui par leurs détractions. Aussion peut dire avec le Prophète (Mich. VII, 4) : Lemeilleur d'entre eux est comme une ronce, et le plus justecomme l'épine d'une haie ; ils piquent et blessent toutce qui les approche et les touche.

Quiconque veut tendre à la perfection etplaire à Dieu dans la vie spirituelle doit suivreavant tout les règles suivantes : 1° Il doit avoirune connaissance claire et complète de sesdéfauts et de ses faiblesses ; 2° combattre aveccourage et constance ses mauvaises inclinationsou passions ; 3° trembler en pensant aux graves etnombreux péchés qu'il a commis, parce qu'il n'estpas certain d'en avoir fait une pénitence suffisanteni même d'en avoir obtenu le pardon ; 4° il doitcraindre beaucoup que sa propre fragilité nel'entraîne en de nouveaux péchés, aussi grands oumême plus considérables que les précédents ; 5°garder avec soin et mortifier avec énergie ses senscorporels pour assujettir tous ses membres auservice de Jésus-Christ ; 6° fuir avecempressement, comme on fuirait un démon del'enfer, toute personne, toute créature qui porteau péché ou même à quelque imperfection de la

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vie spirituelle ; 7° il doit rendre au Seigneur decontinuelles actions de grâces pour les bienfaitsdont il l'a comblé jusqu'à présent et qu'il luiprodigue encore chaque jour ; 8° prier nuit etjour ; 9° enfin porter sans cesse la croix duSauveur, en pratiquant les quatre prescriptions duSauveur qui sont comme les quatre bras de cettecroix, savoir : la mortification des vicespernicieux, l'éloignement des biens terrestres, lerenoncement aux affections charnelles et lemépris de soi-même.

Après que le Saint-Esprit les eut éclairés deses lumières, embrasés de ses feux, fortifiés deson secours et de sa [227] puissance, remplis dejoie et de consolation, quelques hommes simples,c'est-à-dire les Apôtres, ébranlèrent le mondeentier et le soumirent du moins en grande partie àla loi du Seigneur. Par la vertu de leurs parolesenflammées, de leurs sublimes exemples, de leursadmirables prodiges, ils établirent en toutl'univers l'Église chrétienne. L'Esprit-Saint lapurifia, l'instruisit et la perfectionna de telle sorteque, par la variété de ses dons et de sesornements, elle devint la glorieuse fiancée,l'épouse chérie du Roi céleste, et en même tempsterrible aux légions infernales comme une arméerangée en bataille. Les Apôtres, premiers chefs decette nouvelle armée, n'allèrent faire la conquêtedu monde qu'après la Pentecôte, comme leurdivin Maître l'avait ordonné ; et même lorsqu'ils

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eurent reçu le Saint-Esprit, ils restèrent encoredouze années dans la Judée pour y annoncerl'Évangile. Partis enfin, ils se dispersèrent parmi lesdifférentes nations ; et ils prêchèrent partout ce qu'ilfallait savoir, croire, accomplir et désirer. LeSeigneur, sans lequel ils ne pouvaient rien, soutintleurs efforts et confirma leurs paroles par les signes qui lesaccompagnaient (Marc. XVI, 20) ; car en invoquantle nom de Jésus, les disciples commandaient àtoutes les créatures et à toutes les maladies. Lesmiracles étaient alors nécessaires pour accréditerles vérités qu'ils publiaient ; et des mystèresincompréhensibles à la raison devaient êtreprouvés au commencement par des merveillessupérieures à la nature. Saint Grégoire dit à cepropos : Au commandement du divin Maîtrerépondit l'obéissance des disciples fidèles qu'ilrécompensa par des opérations étonnantes.« Maintenant encore, selon saint Théophile, tousles prédicateurs, à l'exemple des Apôtres, doiventconfirmer leurs enseignements évangéliques pardes signes caractéristiques qui sont [228]principalement leurs bonnes œuvres. Accordez-nous donc, Seigneur Jésus, de garantir auxhommes par notre louable conduite votreexcellente doctrine que nous sommes chargés deleur communiquer ; faites ainsi qu'avec votreconcours efficace nous soyons parfaits en tousnos discours et nos actes ; car nous devonscontribuer à votre gloire souveraine par nos

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paroles et nos œuvres, puisque vous êtes la forceet la sagesse même de Dieu dans les siècles dessiècles. »

Alors fut réalisé l'oracle du Prophète royalqui avait dit : Leur voix a retenti par toute la terre, etleur parole a pénétré jusque dans les plus lointainescontrées (Ps. XVIII, 5). Les effets salutaires et lesfruits abondants que la prédication des Apôtres aproduits montrent avec quelle allégresse et avecquelle ferveur nous devons solenniser laPentecôte. « Mes frères, dit saint Grégoire (Hom.30 in Evang.), après l'Incarnation du Verbe divin,une des plus grandes fêtes est celle où noushonorons la descente du Saint-Esprit sur lesApôtres. Dans l'Incarnation, Dieu, restant ce qu'ilétait auparavant, s'est fait homme par nature ; et àla Pentecôte, les hommes eux-mêmes sontdevenus dieux par adoption. Quel grand jour quecelui où le Créateur vint établir son habitationdans ses créatures ! Qu'il se purifie donc avec soinde toute souillure celui qui prépare une demeureau Très-Haut en son propre cœur ! » Maispourquoi Jésus-Christ envoya-t-il l'Esprit-Saintaux Apôtres dix jours précisément après latriomphante Ascension ? Ce fut d'abord pourqu'ils pussent se disposer par le jeûne et la prièreà cette importante visite, puis pour signifier quequiconque veut attirer le Saint-Esprit doitobserver les dix commandements. En outre,pourquoi le Saint-Esprit est-il descendu

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ostensiblement cinquante jours après la glorieuseRésurrection. [229] C'était afin que, comme lepeuple juif avait reçu la loi de crainte cinquantejours après avoir été délivré de l'Égypte, le peuplechrétien pareillement reçut la loi d'amourcinquante jours après avoir été racheté de l'enfer.De plus, comme en chaque cinquantième année,qui était celle du jubilé, les Juifs recouvraient leurliberté, s'ils l'avaient perdue, et leur patrimoine,s'ils l'avaient aliéné, de même au cinquantièmejour après Pâques, nous autres Chrétiens noussommes rentrés en possession de la grâce dontnous avions été privés et du paradis dont nousavions été bannis.

Ainsi, la fête de la Pentecôte, que l'Églisecélèbre, avait été figurée par celle que laSynagogue célébrait, suivant l'ordre de Dieu : ence jour mémorable, de même que le Seigneur étaitdescendu sur le mont Sinaï, parmi les flammes etles tonnerres, pour graver le Décalogue sur destables de pierre, de même aussi il est descendu surle mont Sion, sous forme de feu et au bruit de latempête, pour imprimer l'Évangile dans le cœurdes fidèles. Cette solennité de la Pentecôte avaitété signifiée encore par le prodige opéré en faveurd'une pauvre veuve, dont il est parlé au troisièmelivre des Rois (XVII). Le prophète Élisée touchéde compassion obtint par ses ferventes prièresque Dieu soulageât la misère de cette femme, enmultipliant le peu d'huile qu'elle avait conservé.

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Cette veuve indigente représente la sainte Église,qui était restée sur la terre dans un tristeisolement, après avoir vu son divin Épouxmonter au ciel ; mais le Seigneur ému de pitié luienvoya l'Esprit-Saint pour la consoler parl'onction abondante de ses grâces merveilleuses.Entre autres dons qu'il lui accorda, celui de parleret d'entendre diverses langues était devenu très-utile depuis qu'elles avaient été créées à la tour deBabel ; car autrefois pour confondre les hommesorgueilleux, d'une [230] seule langue Dieu en avaitformé plusieurs ; et au moment de la Pentecôte, ildonna l'intelligence de toutes à chacun desdisciples, pour confondre les Juifs rebelles ; maisil n'aurait pas effectué ce dernier miracle, si lui-même n'avait déjà produit le premier.

Dans cette solennité de la Pentecôte louonsle Seigneur de toutes nos forces, parce qu'elle aété le principe de grâces insignes pour nous tousChrétiens, et aussi l'occasion de grandes joiespour Notre-Dame la glorieuse Vierge Marie,comme le remarque saint Anselme (de ExcellentiaB. Virg.). « En effet, dit-il, aussitôt que le Saint-Esprit fut descendu sur les premiers disciples, ladivine Mère fut ravie de voir qu'à leur prédicationune nombreuse multitude s'empressa d'embrasserla foi chrétienne. Elle reconnut alors par uneheureuse expérience que son cher Fils n'avait passouffert la mort inutilement, puisque la foi à cettemort opérait efficacement en ceux mêmes qui en

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avaient été les auteurs. La conversion immédiatedes hommes réunis de différentes contrées luimontra d'une manière sensible le genre humainappelé réellement au salut, pour lequel Jésus-Christ s'était incarné en son sein et avait expirésur la croix. Comme elle s'applaudit alors d'êtretémoin de cet événement merveilleux qu'elleespérait depuis longtemps ! De concert avec leurdouce Maîtresse, les fidèles se félicitent en ce jourd'avoir recouvré au centuple les précieuxavantages qu'ils avaient perdus, et d'être devenusles frères et les enfants du souverain Seigneurdont ils étaient auparavant les serviteurs ou plutôtles esclaves révoltés. » Ainsi parle saint Anselme.

Nous devons louer Dieu de la sorte non-seulement dans les fêtes solennelles qui nousrappellent ses bienfaits principaux, mais encore àtous les instants parce que toutes les [231]créatures nous représentent ses perfectionsadmirables, comme le dit saint Grégoire. Maispour remplir ce pieux devoir, la grâce divine nousest absolument nécessaire. Aussi, d'après saintBernard (Serm. de Dedicatione), quiconque estnégligent à bénir Dieu prouve par là qu'il nepossède point en lui-même l'Esprit-Saint ; car cethôte adorable nous excite à glorifier Dieu partoutoù il habite. Invoquant donc le Paraclet qui nousa été promis, ne cessons de louer le Seigneur,puisqu'il nous a créés pour remplir cette finsublime durant toute l'éternité. Voilà l'unique

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occupation des citoyens célestes, dont la vieentière est une fête permanente, consacrée àglorifier le Très-Haut par des chants continuelsd'allégresse et de reconnaissance. De là vient quele Prophète royal s'écriait : Bienheureux, Seigneur,ceux qui demeurent en votre maison ; ils vous louerontdans tous les siècles ! (Ps. LXXXIII, 5). Ce que lesAnges font dans le ciel, dit saint Jérôme (in Psal.115), les moines le font sur la terre, enpsalmodiant nuit et jour ; et ils doivent être purscomme les saints Martyrs, puisqu'ils sont martyrseux-mêmes. Suivant saint Bernard, il n'y a pointici-bas d'état plus semblable à celui des chœursangéliques que celui des religieux fervents,toujours occupés à louer Dieu.

Si nous désirons goûter un bonheur éterneldans le service du souverain Maître, ne nouslassons point de soupirer de tout cœur après lapossession de la céleste patrie. Soyons tristes ence monde de nous voir éloignés du Seigneur, tantque nous sommes enchaînés à notre corps ;mieux vaudrait assurément pour nous sortir decette prison terrestre pour nous réunir à Jésus-Christ. Ne nous complaisons point en cette chaircorrompue qui nous retient captifs loin du Biensuprême ; disons plutôt avec saint Paul (Rom.VII, 24) : [232] Malheureux homme que je suis, quim'affranchira de ce corps mortel ? Souhaitons etdemandons continuellement une pareilledélivrance que nous devons attendre de Dieu

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seul, sans en accélérer le moment définitif. Pournous y préparer du moins, mourons au mondeprésent, à ses pompes et à ses convoitises ;renonçons avec une constante fermeté aux chosescaduques et aux consolations sensibles, qui sontpour nous des occasions de vices pernicieux etdes obstacles aux vertus chrétiennes. En effet,suivant saint Grégoire, celui qui recherche lesbiens visibles perd les biens invisibles ; et selonsaint Chrysostôme, rien n'est plus nuisible auxforces morales que les voluptés corporelles.Aussi, d'après saint Léon (Serm. de Jejunio), c'estsurtout en aimant les objets extérieurs quel'homme corrompt ses qualités intérieures, et sonâme est d'autant plus épurée que sa chair est plusmortifiée. Pour estimer le Créateur seul, dit saintAugustin, il faut mépriser toute créature. En effet,comme l'atteste l'Apôtre (Rom. VIII, 20), lacréature est sujette à la vanité, de telle sorte qu'elle yassujettit également ses amateurs, en trompantbeaucoup d'imprudents. Heureux donc celui quine se laisse point séduire par la frivolité dumonde présent, si funeste à un grand nombre !C'est principalement aujourd'hui qu'il convient derépéter : Vanité des vanités, et tout n'est que vanité(Eccles. I, 1). « Si les puissants comprenaient biencette sentence, dit saint Chrysostôme (Serm. inEutropium), ils l'inscriraient sur toutes lesmurailles et sur leurs propres vêtements, ils lagraveraient sur les portes d'entrée et de sortie,

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mais surtout ils l'imprimeraient au fond de leursconsciences, pour n'en jamais perdre la vue et lapensée. Puisque les hommes sontcontinuellement assiégés de fausses images etsouvent abusés par des figures trompeuses, ilsdevraient se rappeler [233] les uns aux autres dansleurs repas et leurs réunions cette profondemaxime : Vanité des vanités, et tout n'est que vanité. »

Voulons-nous donc être sages, transportonsaux choses incorruptibles l'amour que nousprostituons aux choses périssables ; et puisquenous sommes destinés pour le ciel, ne demeuronspoint courbés vers la terre. Réjouissons-nousuniquement de ce qui réjouit les Saints ; pleinsd'une louable émulation, souhaitons et tâchons deparvenir avec eux à la gloire et à la félicité qui nefiniront jamais ; imitons maintenant leurgénérosité, afin de partager éternellement leurdignité. Soutenus par cette espérance, efforçons-nous de répondre au Seigneur qui nous appelle detoutes manières ; car, selon la remarque de saintAugustin, afin de nous ramener à lui, il s'estélancé du haut des cieux comme un géant dans lacarrière qu'il a parcourue sur la terre, en nousinvitant à le suivre par ses paroles et ses actions,par sa vie et sa mort, par son Incarnation et sonAscension. S'il a disparu à nos yeux, c'est pourqu'en réfléchissant sur nos souvenirs nous letrouvions plus parfaitement. L'esprit et le cœurtoujours attachés à ce divin Chef, ne cessons

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point de combattre vaillamment, parce que cettevie entière est une guerre incessante. En effet, laprospérité et l'adversité, la ferveur et la tiédeur,l'abondance et l'indigence, le sommeil et la veille,la sollicitude et le désœuvrement, le deuil et lajoie, le repos et le travail, la santé et la maladie, ladouleur et la volupté, ainsi que tous les diversaccidents temporels, nous suscitent tour à tourdes difficultés et des dangers. Et comme nousrencontrons partout des adversaires disposés ànous attaquer, notre volonté doit toujours êtreprête à leur résister, en songeant que la lutte seracourte tandis que la récompense sera éternelle.Ne déposons [234] jamais les armes ; car quelquevictoire que nous avons pu remporter, il nous enreste toujours d'autres à gagner. « Quoique Dieuaccorde chaque jour à ses fidèles serviteurs lagrâce nécessaire pour triompher, dit saint Léon(Serm. de Pentec.), néanmoins il ne leur enlèvepoint toute occasion de combattre ; car par uneffet de sa miséricorde, en daignant nousprotéger, il nous laisse lutter constamment, decrainte que notre nature inconstante nes'enorgueillisse d'avoir surmonté touteopposition. » Saint Chrysostôme dit également :Les Saints, étant des hommes spirituels, nepeuvent être vaincus par la chair, mais ils peuventen être troublés, parce qu'ils sont des êtrescorporels.

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En conséquence, lorsque s'offre à nousquelque agrément ou quelque déboire passager,considérons-le aussitôt comme déjà passé, etdirigeons notre attention vers ce qui duretoujours ; car tout ce qui est dans le mondedisparaît promptement comme une ombre, desorte qu'il est bientôt oublié comme s'il n'avaitjamais existé. Ainsi les joies et les douleurs nesont que transitoires en cette vie, au lieu que dansl'autre elles sont permanentes ; et tout ce quenous pouvons faire ou endurer sur la terre n'estrien en comparaison de ce que nous espéronsobtenir ou éviter après la mort. Aussi, selon saintBernard, les tribulations temporelles n'ont pointde proportion avec les péchés que nous avonscommis, avec les bienfaits que nous avons reçus,avec les peines infernales que nous avonsencourues, avec les récompenses célestes quenous attendons. Les biens futurs surpassenttellement les maux présents que quiconque lesapprécierait à leur juste valeur préférerait êtretourmenté par les plus violents supplices durantde nombreuses années, pour ne pas perdre lamoindre partie des précieux avantages qui lui sontréservés pendant toute l'éternité ; [235] carl'épreuve finira bientôt, tandis que larémunération ne cessera jamais. « Ô mon âme,s'écrie saint Augustin (in Speculo), si, pourcontempler la gloire du Sauveur et partager lacompagnie des Saints, il nous fallait auparavant

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souffrir chaque jour en ce monde ou même brûlerlongtemps dans l'enfer, ne devrions-nous pasnous résigner à toutes les afflictions afin demériter les jouissances éternelles ? Ainsi donc,que les démons me dressent des embûches etm'assiègent de tentations ; que les unsm'outragent et que les autres me tourmentent,que mon corps soit exténué par les jeûnes,desséché par les veilles, accablé de travaux, transide froid et consumé de chaleur ; que ma tête sebrise, que ma poitrine s'échauffe, que monestomac s'irrite, que mon visage se décompose etque tous mes membres s'épuisent ; que mesannées se passent dans les gémissements et quema vie s'éteigne dans la douleur ; que lapourriture pénètre jusque dans mes os et lacorruption dans mes chairs ; qu'importe tout cela,pourvu qu'au jour formidable du jugement je soisintroduit dans le lieu du repos et admis aubonheur de la patrie pendant tous les siècles dessiècles. »

De là la conclusion que saint Chrysostômeexprime en ces termes (Hom. 63 ad populumAntiochenum) : « Mettons tout en œuvre pour nepas être frustré de la gloire qui nous est promise.Il n'est point impossible ni même difficiled'atteindre ce but suprême, pourvu que nous levoulions et que nous y tendions. En effet, selon ladoctrine de l'Apôtre (II Tim. II, 12) : Nousrégnerons avec le Christ, si nous souffrons avec lui, c'est-

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à-dire si nous supportons courageusement lestribulations ou les persécutions, et si nousmarchons jusqu'à la fin dans la voie étroite ;quoique laborieuse, cette voie nous sembleradouce, si nous la suivons dans l'espoir de [236]parvenir au céleste royaume. Tenons nos regardsfixés sur cet heureux terme, pour ne jamais perdrede vue les trésors qui nous sont réservés. Si nousne cessons point de les estimer et de les désirer,nous ne ressentirons plus ni volupté ni tristesse,mais seulement de l'indifférence ou du dédain àl'égard des objets présents ; rien ne pourradésormais nous abattre de chagrin ni nous enflerd'orgueil ; tout ce qui est temporel ne nousparaîtra que comme un fantôme, une vaine image,un rêve. Alors nous répéterons avec saint Paul(Rom. VIII, 35) : Qui pourra nous enlever l'amour deJésus-Christ ? Sera-ce la tribulation ou l'angoisse ? Il nedit pas : Sera-ce l'argent, la richesse ou la beauté,qui sont des choses viles et méprisables ? mais ildit : Sera-ce la faim, la persécution et la mort, quisemblent des choses redoutables et effrayantes ?Sans craindre tous ces maux temporels, préféronssur la terre les joies de l'âme aux voluptés ducorps, afin de posséder au ciel les biens éternels.

Prière.Source inépuisable de tous les dons,

miséricordieux Jésus, qui avez fait descendrel'Esprit-Saint sous forme de feu sur vos disciplesréunis, je vous en supplie et vous en conjure,

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malgré mon indignité, faites-moi participer pourmon salut aux largesses dont vous les avezcomblés si libéralement. Daignez répandre surnous tous vos serviteurs cet Esprit de charité, depaix et de dilection, afin qu'il vienne en nos âmesles purifier de tout vice et les orner desdifférentes vertus, les unir ensemble par le liend'une affection fraternelle, les éclairer par lalumière de votre connaissance et les enflammerpar l'ardeur de votre amour ; enfin après nousavoir délivrés de tout péché, accordez-nous la vieéternelle. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXV. DES LOUANGES DIVINES.

Puisque l'occasion s'est présentée au chapitreprécédent de parler des louanges dues à la majestédivine, étendons-nous un peu sur ce sujetimportant. O mon âme, les immenses bienfaitsque tu as reçus de ton Créateur lorsqu'il t'a tiréedu néant et façonnée de sa main, t'obligent à luitémoigner continuellement de la gratitude et del'affection ; car c'est pour l'aimer et le louertoujours que, par une faveur toute gratuite, il t'afaite à son image et à sa ressemblance.

De là vient que saint Anselme s'écrie (inMéditat.) : « Réveille-toi, ô mon âme ; dédaignantet oubliant toutes les choses temporelles, nepense plus et ne t'attache plus qu'aux chosesdivines et éternelles. Considère à quelle grandeuret à quelle dignité le Seigneur a voulu t'élever dès

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le commencement, et par conséquent avec quellevénération et avec quel dévouement tu dois leservir. Certes, lorsque Dieu, créant etcoordonnant tous les êtres visibles et invisibles,eut résolu de former la nature humaine, il nemanqua pas de pourvoir avec un soin particulier àl'honneur de ta condition, qu'il voulait établir au-dessus des autres créatures de cet univers. Pourconcevoir la noblesse de ton origine, rappelle-toiqu'au moment de te donner l'existence Dieu dit :Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance. Situ médites attentivement ces profondes paroles,tu comprendras quelle dette de reconnaissance tuas contractée envers ton suprême Auteur. [238]Remarque d'abord qu'autre chose est l'image etautre chose la ressemblance. Par exemple, ontrouve quelque ressemblance avec l'homme dansle cheval, le bœuf et les autres animaux dedifférentes natures qui mangent comme lui ; maison ne trouve l'image de l'homme que dans lesêtres identiques à sa propre nature. L'image estdonc plus parfaite que la ressemblance. Ainsi,nous pourrons avoir quelque ressemblance avecDieu, si, en considérant sa bonté, sa miséricordeet sa justice, nous tâchons d'imiter ses excellentesqualités ; mais pour reproduire en nous son imagevoici comment nous le pouvons. Dieu ne s'oubliejamais, il se contemple, il s'aime perpétuellement ;donc, ô mon âme, si tu ne l'oublies point, si tu lecontemples, si tu l'aimes continuellement, selon ta

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faible capacité, tu reproduiras en toi-même sapropre image, parce que tu t'efforceras de fairetoujours ce qu'il ne cesse de faire lui-même. De lasorte, l'homme doit appliquer sa vie tout entière àla pensée, à la connaissance et à l'amour de Dieu ;tel est le but vers lequel doivent être dirigées samémoire, son intelligence et sa volonté, pourcorrespondre d'une manière salutaire à sa destinéesublime ; car pour quelle autre fin Dieu l'aurait-ilcréé à son image par un privilège spécial, sinonparce qu'il le destinait à le louer sans cesse ? »

« Ô mon âme, continue saint Anselme, tu asdonc été formée pour louer ton Créateur, de tellefaçon que sur la terre tu tendes incessammentvers lui par la justification, et qu'au ciel tu jouisseséternellement de lui par la béatitude ; car c'est enle louant que tu mériteras la justification et que tut'assureras la béatitude. Mais si tu veux le louerdignement, que ce soit de tout ton cœur et avecun amour sincère ; car voilà la règle que doiventsuivre les Saints. [239] L'Écriture en effet dit dujuste : il a loué le Seigneur de tout son cœur, et il a aiméCelui qui l'a fait (Eccli. XLVII, 10). Il loue Dieu àla vérité, mais non point de tout son cœur,l'homme que la prospérité porte à le bénir, maisqui s'en laisse détourner par l'adversité ; et iln'aime pas Dieu celui qui, en le louant, chercheautre chose que Dieu même. Pour louer leSeigneur d'une manière digne de lui, rapporte à sagloire toutes tes pensées, tes intentions, tes

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affections et tes œuvres, autant que le comporteta faiblesse. Qu'aucun succès ni qu'aucun reversici-bas ne t'empêchent de lui rendre ce devoir ;n'attends de lui d'autre récompense que lui-même,afin qu'il soit l'objet de tes désirs, le salaire de testravaux, ta consolation en cette vie passagère etton héritage en la vie éternelle. Tu as donc ététirée du néant pour le louer sans cesse. Voilà ceque tu comprendras parfaitement le jour où,admise à le voir face à face, tu reconnaîtras que tudois à sa pure bonté d'avoir été créée, choisie,sanctifiée et glorifiée pour posséder cette félicitésans égale. Cette contemplation béatifiquet'inspirera un amour infatigable pour louer sansfin le Dieu de qui, par lequel, et en qui tutrouveras la jouissance complète des biensimmuables. » Ainsi parle saint Anselme.

Non-seulement les bienfaits que ton Créateuret Seigneur t'a conférés, mais encore et surtout lesgrâces que t'a prodiguées ton Rédempteur etSauveur t'invitent et t'obligent, ô mon âme, àlouer Dieu de mille manières ; car lorsque tu étaisperdue, il t'a rachetée et sauvée, souvent même ilt'a visitée et sanctifiée. Applique-toi donc aieglorifier par tous les moyens qui sont en tonpouvoir ; car c'est pour célébrer ses louanges etpour lui rendre grâces que tu as reçu des facultésspirituelles et corporelles. En effet, selon saintChrysostôme (in Psal. 143), Dieu nous a donnédes membres, [240] des yeux, des oreilles et une

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bouche, afin que nous employions à son serviceces différents organes ; car tout ce que nousentendons et ce que nous voyons, comme aussitoutes nos paroles et nos actions doiventcontribuer à le bénir et à le remercier, de manièreà purifier notre conscience de toutes souillures.

Âme chrétienne, pour être mieux disposée àlouer Dieu, commence par t'humilier beaucoupdevant sa majesté suprême, en lui disant du fonddu cœur avec dévotion et humilité : Père desmiséricordes, au lieu de vous louer avec des lèvresimpures, misérable pécheur que je suis je devraisplutôt rester prosterné à terre en votre sainteprésence pour implorer avec larmes etgémissements le pardon de mes péchés. Maisplein de confiance en votre infinie bonté et envotre douce charité, je vous supplie comme monSeigneur et mon Dieu de ne pas me rejeter,quoique je ne sois devant vous qu'un chétifvermisseau, un chien mort, un cadavre infect. Lespuissances du ciel ne peuvent vous louerdignement, combien plus n'en sera-t-il pasincapable l'homme fragile, ce ver de terre, amasde pourriture ? Sans doute vous n'avez pas besoin demes biens, mais vous nous faites connaître d'autantmieux votre miséricorde et votre clémence quevous daignez condescendre à nos infirmités etnous combler de vos grâces, par un pur effet devotre indulgente libéralité. Ce serait vouloir saisirl'ombre et poursuivre le vent que de prétendre

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vous louer dignement ; essayer de le fairepleinement ce serait tenter l'impossible. Il ne fautpas néanmoins s'abstenir de louer le Créateur, carc'est un devoir pour moi comme pour toutes lesautres créatures ; aussi il n'en est aucune qui nes'empresse de remplir ou qui du moins ne porte àremplir cette obligation naturelle envers sonsouverain Auteur. Je n'ignore pas que, [241] selonla parole du Prophète (Ps. XXXII, 1), il appartientaux justes de louer le Seigneur convenablement, et que,d'après la maxime du Sage (Eccli. X V, 9), lalouange n'a point de valeur dans la bouche du pécheur.Ainsi, malheur à moi ! dois-je m'écrier, parce queje n'ai rien à répliquer ; et coupable comme jesuis, que pourrais-je alléguer ? Si en effetj'entreprenais de me justifier, je serais condamné par mespropres lèvres. Mais, Seigneur, est-ce que je ne doispoint vous louer, parce que je me reconnaiscoupable ? Est-ce que les grenouilles immondes,en coassant dans les marais où elles sontengendrées, ne souhaitent pas de vous louercomme leur Créateur, autant qu'elles le savent etqu'elles le peuvent ? Si elles ne savent pas chanteraussi agréablement que l'alouette et le rossignol, sielles ne peuvent pas non plus vous connaîtrecomme l'homme doué de raison, elles font aumoins ce qui fournit aux êtres intelligents un justesujet de vous louer.

Pour exprimer les sentiments des cœursenvers vous Seigneur, puissent tous les suaves

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instruments de musique, d'accord avec lesharmonies du ciel et avec les mélodies del'univers, former un si doux concert de louangesqu'elles plaisent à votre souveraine majesté etqu'elles remplissent d'une joie ineffable votre courcéleste ! Mais que dirai-je moi-même ?Reconnaissant que je suis indigne de vous louer,je supplie les autres créatures qui l'emportent endignité de suppléer à mon impuissance. Jesouhaite donc sincèrement que les planètes quiroulent dans l'espace, que les étoiles qui scintillentau firmament, que les plantes ombragées de leurverdoyant feuillage, que les fleurs ornées de leursvives couleurs, que les affections de la plusardente charité, et que les désirs des âmes les plusdévouées ne cessent de vous bénir et de vousglorifier dans les siècles [242] des siècles. Jesouhaiterais même de tout mon cœur que, si majeunesse trop promptement écoulée eût duréaussi longtemps que la vie entière du patriarcheMathusalem, chaque année, chaque mois, chaquesemaine, chaque heure, chaque minute de cettelongue existence eussent concouru à vous louerde ma part avec autant d'ardeur et de dévotionque jamais aucun des esprits bienheureux auraitpu vous louer pendant toute cette même durée,au milieu des splendeurs des saints. Enfin jesouhaiterais avoir réuni en ma propre personnetous ces actes excellents de louange divine, à tel

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point que leur multitude incalculable surpassâttoutes les espèces de nombres possibles.

Que pourrai-je ajouter encore ? Faites de moice qu'il vous plaira ; quoiqu'il m'arrive, je necesserai de vous louer tant que je continuerai devivre. À l'heure même de la mort, quand jen'aurais plus la force de parler et quand uneextrême faiblesse ne me permettra plus deprononcer le doux nom de mon Jésus, jedemande qu'au moins le mouvement de mes yeuxou de mes doigts soit comme le renouvellementet la confirmation de toutes les pieuses affections,paroles et actions passées et futures que jevoudrais vous offrir avec le plus parfaitdévouement jusqu'au jour du jugement, si jepouvais vivre aussi longtemps. En outre, ô monBien-aimé, j'ose vous demander avec un amoursincère que, quand mon corps enfermé dans lesépulcre sera réduit en poussière, de chaque grainle plus petit de cette poussière très-fine s'élèveune voix agréable qui, pénétrant la pierre dutombeau, monte dans les hauteurs des cieux pourproclamer votre gloire jusqu'au moment de larésurrection, enfin que depuis ce temps moncorps et mon âme réunis de nouveau vous louentde concert pendant toute l'éternité. En attendantce bonheur suprême, je ne me lasserai point [243]de vous bénir tant que je serai prisonnier en cettechair mortelle. De même que dans les bois assezsouvent, parmi le doux ramage des petits oiseaux,

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nous entendons se mêler au chant du rossignol lecroassement du corbeau qui veut également servirle Créateur à sa manière, comme il l'a appris ; demême aussi, quoique pécheur, je veux louer Dieu,autant que j'en suis capable, selon mes faiblesmoyens. Or rien ne me semble plus consolant àredire en son honneur sinon que le Seigneur est bonenvers tous, et que ses miséricordes s'étendent à toutes sesœuvres (Ps. CXLIV, 9). Deus meus, misericordia mea(Ps. CXLIII, 2) ! Ces suaves paroles réjouissentmon cœur, relèvent ma conscience et fonttressaillir tous mes os d'une vive allégresse ; aussimon âme trouvera son plaisir aies répéter jusqu'àla fin des siècles comme l'harmonieux refrain desesprits célestes.

Ô mon Dieu, quand je songe à ce que j'étaisautrefois, à combien de dangers vous m'avezarraché, à combien de maux vous m'avezsoustrait, je reconnais que vous avez brisé mesliens funestes et que vous avez guéri mes plaiescorrompues ; quand je me rappelle ainsi lessecours que vous m'avez accordés et les biensdont vous m'avez comblé si généreusement, jesens mon cœur pénétré d'une profonde gratitudeet enflammé d'un ardent amour. En effet,combien de temps vous m'avez attendu avecpatience, moi pécheur si souvent rebelle ?Combien de fois vous m'avez reprischaritablement, tantôt avec douceur et tantôt avecsévérité, en me prévenant de vos célestes

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bénédictions, sans même que je le remarquasse ?Comme un tendre père, vous êtes accouru au-devant d'un enfant prodigue, chargé de crimes etdépourvu de vertus ; malgré ses égarementscontinuels, vous n'avez point refusé de le voir etde l'accueillir, toujours et partout vous avez parucompatissant et libéral. Mais, [244] hélas ! ce quide ma part est souverainement déplorable, c'estqu'à tant d'affectueuses sollicitations je n'airépondu que par de nouvelles infidélités ;néanmoins, ô démence inépuisable, vous nem'avez point délaissé, jusqu'à ce qu'enfin vousm'ayez attiré suavement à vous. Au souvenir detant de grâces pourrai-je m'empêcher de vouslouer, Bonté suprême ? Non certes jamais, ô Dieurempli pour moi de miséricorde ! Deus meus,misericordia mea ! En retour de vos immenses etinnombrables bienfaits, je souhaite et je désirevous louer avec ferveur et allégresse, soit commeles esprits bienheureux, quand au premier aspectde votre infinie majesté ils s'applaudirent de vousêtre inséparablement unis tandis que les démonsétaient repoussés éternellement, soit comme lesâmes saintes, quand au sortir du purgatoire ellesparaissent tout d'abord devant votre faceglorieuse pour en contempler l'admirable beauté,soit enfin comme tous les élus assemblés dans laJérusalem céleste après la résurrection générale,quand les bons séparés des méchants

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s'accorderont à remercier Dieu sans fin de leurbéatitude à jamais consommée.

Ô très-aimable Sagesse, infinie Bonté, chaquematin à l'aurore, dès que mes yeux s'ouvrent à lalumière, faites que mon âme s'ouvre aussi afin devous bénir, en laissant jaillir vers le ciel uneflamme d'amour qui croisse comme la splendeurdu jour et comme l'ardeur du feu. Que la viveexpression de ma reconnaissance charme votrecœur paternel, comme un harmonieux concert demusique dilate le cœur épanoui du jeune homme ;qu'elle monte jusqu'à votre trône céleste, commeune vapeur odoriférante de parfums composés demyrrhe, d'encens et de tous les plus précieuxaromates ; qu'elle vous soit agréable, comme lesont au printemps les fleurs brillantes quiémaillent la prairie de [245] couleurs variées, etcomme les arbres touffus qui embaument lacampagne de suaves odeurs. Que l'incendie de lacharité allume en moi un foyer continuel delouanges divines qui s'exhalent de mon cœur parde ferventes méditations, de ma bouche par depieuses paroles, et de ma vie entière par toutessortes de bonnes actions. Qu'en vous offrant sanscesse ce tribut d'hommages affectueux, je puisseplaire à votre suprême majesté et réjouir la courcéleste, repousser tous mes ennemis et acquérirdes grâces nombreuses, obtenir une sainte mortet mériter une vie bienheureuse, afin qu'après

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avoir fini de vous bénir sur la terre je commenceà vous glorifier éternellement dans la patrie.

Pour louer plus parfaitement le Seigneur, âmechrétienne, détachez vos pensées de ce monde etdirigez vos affections uniquement vers le ciel.Considérez donc combien les Saints goûtent enDieu de paix, de joie et de bonheur, efforcez-vous alors d'entrer dans leurs sentiments, et criezde tout votre cœur avec saint Anselme (inMéditât.) : « Ô mon Dieu, qu'ai-je trouvé de plusexcellent, de plus aimable que vous en ce mondepour me séparer et m'éloigner de vous ? Pourquoiai-je chéri et convoité dans toute ma vie autrechose que vous, ô Seigneur Jésus ? Pourquoi ai-jedifféré, cessé un seul moment d'appliquer à vousmon esprit, mon cœur et ma volonté ? Pourquoin'ai-je pas tourné vers vous toutes mes pensées,mes affections et mes résolutions ? Où étais-jequand je n'étais pas uni à vous ? Où s'en étaientallés mes désirs quand vous n'en étiez pasexclusivement le terme ? Maintenant, ô mesdésirs, revenez tous avec empressement versCelui qui doit être votre objet ; ne manquez pasau rendez-vous, et accourez pour réparer le tempsperdu. Vous cherchez, Jésus le Nazaréen crucifié.Depuis qu'il est ressuscité, il n'est point resté ici-bas ; et [246] désormais il vit en sécurité commeBien-aimé du Très-Haut, sans craindre qu'aucunmal vienne fondre sur sa demeure. Par sa proprevertu, il est monté plus haut que les cieux et s'est

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élevé au-dessus des Anges ; il est allé s'asseoir surun trône de gloire incomparable, à la droite duPère auquel il est coéternel et consubstantiel.C'est là qu'en sa qualité de Fils unique il règneenvironné d'une lumière divine, couronné d'unhonneur suprême, rayonnant d'une joieinaltérable, armé de la toute-puissance, et Maîtrede l'univers entier. Aussi tous les espritsangéliques, tous les innombrables citoyens de lasublime Jérusalem l'adorent humblement ; tousles cœurs des justes se réjouissent de sa radieuseprésence, tous les yeux des élus se repaissent deson aspect admirable, tous les désirs des Saints seconcentrent sur lui ; à lui se rapportent toutes lesjubilations, les louanges et les félicitations de lacité céleste que ses splendeurs illuminent etenrichissent. Ô Sion, tressaille et applaudis, parce quele Dieu d'Israël habite magnifiquement au milieu de toi ! »

« Grâce à ce même Seigneur, continue saintAnselme, des millions de purs esprits le serventdans le sanctuaire des cieux, où, sans se fatiguerjamais, ils contemplent face à face l'essence de laMajesté infinie, et chantent un hymneharmonieux à l'honneur de l'ineffable Trinité.Grâce à lui également, des myriades d'Angesparcourent sans cesse les routes de la terre et duciel pour accomplir avec un joyeux empressementles ordres secrets de Dieu le Père ; messagersfidèles, ils sont toujours prêts à exécuter sans lemoindre retard les volontés supérieures, comme

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des abeilles diligentes qui volent de leurs ruchesaux fleurs, en disposant toute chose avec suavité.Ce sont eux qui négocient les affaires importantesde notre salut et qui nous transmettent [247] lessouverains décrets d'en haut ; ils veillent aussi à lasanté des hommes, à la prospérité des royaumes,à la tranquillité des empires. Nous connaissonsentre tous les autres l'illustre prince de la milicecéleste, Michel, qui porte l'étendard devantl'armée du Très-Haut, et qui brandit le glaive ducombat en faisant tonner contre les espritsrévoltés ce cri formidable de guerre : Qui estsemblable à Dieu ? »

« Illustres patriarches, ajoute le même saintDocteur, réjouissez-vous dans votre nobledescendant, parce qu'en sa personne toute votreattente est réalisée ; car, ainsi que l'avait promis laparole divine, toutes les nations seront bénies enlui, c'est-à-dire en ce rejeton de votre race qui estgrand par-dessus tout. – Réjouissez-vous en Jésuscomme dans le Prophète par excellence, vousProphètes de la vérité ; car vous voyez lemerveilleux accomplissement de tout ce que vousaviez annoncé de lui d'après l'inspiration divine, etil a prouvé par les événements que vous étiezfidèles dans vos prédictions. – Réjouissez-vousdans le Seigneur votre bon maître, bienheureuxApôtres, illustres princes de son Église ; oui, je lerépète, réjouissez-vous avec le Christ, commemembres principaux de sa famille. En effet, Celui

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que vous avez vu au milieu de vous supportant lafaim, la soif, les fatigues et les infirmités de lachair, réprouvé de ses compatriotes et rangéparmi les scélérats, voyez de quelle manière il atriomphé, comment il règne sur l'univers entier ;maintenant il vous associe à sa joie et à sa gloire,vous qui avez partagé ses souffrances et seshumiliations. Adorez aujourd'hui ces genouxsacrés qui s'abaissèrent devant vous jusqu'à terre,pendant que vous demeuriez assis à la dernièreCène ; adorez ces mains bénies avec lesquelles leRoi des rois daigna laver et essuyer la poussièrede vos pieds – Réjouissez-vous en Jésus le chefde [248] vos vaillantes légions, ô Martyrsvictorieux, qui possédez comme récompenseéternelle ce même Fils de Dieu pour lequel vousavez sacrifié votre vie temporelle. – Réjouissez-vous en Jésus la Vérité par essence, vous sesdignes Confesseurs et Docteurs ; car Celui-làmême que vous avez reconnu devant les hommespar vos pieux enseignements et vos bonnesœuvres, vous reconnaît à son tour devant sonPère, en présence de ses saints Anges. –Réjouissez-vous en Jésus le modèle et l'auteur detoute chasteté parfaite, ô vous Vierges noblesémules des purs esprits ; car Celui que vous avezuniquement affectionné et choisi, Celui que vousavez recherché et désiré si ardemment, Celui pourl'amour duquel vous avez dédaigné tous les épouxmortels et tous les charmes mondains, à présent

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vous le contemplez et vous le possédez ce Fils dugrand Roi ; vous jouissez de ses caresses et de sesfaveurs, sans craindre qu'il puisse vous être ravipar la violence ou la trahison. »

« Mais plus que tous les autres habitants duparadis, vous devez tressaillir d'allégresse, ôMarie, Vierge admirable entre les vierges, rosemystique d'une beauté incomparable, étoilebrillant d'un éclat supérieur à tous les astres dufirmament ! Réjouissez-vous avec unecomplaisance sans pareille en votre très-doux FilsJésus ; car Celui que vous avez conçu dans votrechaste sein et nourri de votre lait virginal, vousl'adorez de concert avec tous les Anges et lesSaints comme le Dieu vivant et véritable.Réjouissez-vous, ô Mère la plus fortunée ! Celuique vous avez vu tristement attaché à l'arbre de lacroix, vous le voyez régner glorieusement ausommet de l'empyrée ; tous ses superbes ennemistombent à ses pieds, et devant sa majesté s'abaissetoute hauteur soit au ciel, soit en la terre, soit auxenfers. O Marie, réunissez en vous seule toute lajoie des bienheureux, de [249] même que vousrenfermez en votre personne toute la sainteté desélus ! – Céleste Jérusalem, notre mère, qui êtes lacité d'en haut, célébrez sans fin une fêtesolennelle dans la pacifique vision de votre Jésus,auteur de votre délivrance. Enfin, ô mon âme,élève-toi avec toute l'énergie possible pourt'associer à ces millions d'âmes qui se réjouissent

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dans le Seigneur Jésus ; sur les ailes de la foi et del'espérance monte jusqu'à l'éternelle séjour ; parl'ardeur de la charité fixe ta demeure là où leChrist siège à la droite de Dieu ; considère avecles yeux de l'esprit les splendeurs de son visage ;contemple et baise avec allégresse et dévotionchaque marque de ses plaies glorieuses, d'où acoulé la liqueur salutaire du sang précieux parlequel le Fils unique de Dieu t'a rachetée et t'asanctifiée pour la vie éternelle. » Ainsi parle saintAnselme.

Prière.Grâces et louanges à vous, Seigneur mon

Dieu qui, dans votre infinie miséricorde, avezdaigné me créer et me racheter, me conduire à laconnaissance de vos sublimes enseignements etm'admettre au nombre de vos enfants adoptifs,en me purifiant par le bain de la régénération. Jevous bénis et je vous glorifie de m'avoir délivré denombreuses tribulations et de fréquents périls,comme aussi d'avoir souvent attendu maconversion lorsque j'étais tombé en des fautesgraves. Je vous remercie de tous les biensspirituels que vous m'avez prodigués jusqu'àprésent ; veuillez les perfectionner de plus enplus, et ne cessez de me diriger dans la voie dusalut éternel jusqu'à ce que je sois parvenu aubonheur de vous contempler face à face. Ainsisoit-il. [250]

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CHAPITRE LXXXVI. ASSOMPTION ET GLORIFICATION DE LA VIERGE MARIE.5

Depuis que Jésus-Christ fut monté au ciel, lasainte Vierge demeura constamment sur le montSion, dans une petite chambre, où elle se retiraitpour vaquer à la prière et à la méditation desgrands mystères dont elle avait été témoinprincipal. En ce même lieu, une autre chambredestinée à saint Jean l'Évangéliste fut la premièreéglise du monde chrétien ; car c'est là que ledisciple bien-aimé célébra la première messe enprésence de la divine Mère, et qu'il y offritl'auguste sacrifice tant qu'elle vécut ensuite.« Considérez, nous dit saint Jérôme (Serm. deAssumpt.), quels sentiments de douleur et quelstransports d'amour pénétrèrent le cœur de Marie,restée sur la terre après le départ de Jésus. Sanscesse, elle se représentait comment s'étaientaccomplis en lui les oracles des Anges et lesprédictions des Prophètes ; elle se rappelait lesmiracles qu'il avait opérés et les peines qu'il avaitsouffertes en son humanité ; elle pensaitcontinuellement à ce qu'elle-même avait vu etconnu touchant son divin Fils. Personne aumonde ne peut comprendre combien elleregrettait d'être séparée de lui, et combien elledésirait ardemment d'être réunie à lui dans leroyaume céleste. Aussi, le reste du temps qu'elle

5 Voir la note V à la fin du volume.

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passa sur la terre, elle voulut habiter près dessaints lieux où il avait été enseveli et d'où il s'étaitélevé jusqu'au trône de Dieu ; elle ne se lassaitpoint de les fréquenter et de les vénérer ; car leurvue calmait sa tristesse et consolait sa piété, [251]en attendant qu'elle pût contempler éternellementle digne objet de ses tendresses et de sesadorations. Cependant cette femme bénie, quiavait été visitée autrefois par l'ambassadeurcéleste et confiée naguère au disciple vierge, nefut point abandonnée des illustres Apôtres, aprèsla Résurrection de leur bon Maître ; car jusqu'à cequ'ils fussent dispersés parmi les nations, elledemeura habituellement avec eux pour leurdonner un parfait exemple de vie chrétienne ; etce fut alors que, dans des entretiens familiers, elleleur communiqua des détails intimes sur lemystère de l'Incarnation, auquel elle avait pris unesi grande part. »

Dans les siècles postérieurs, on édifia sur lemont Sion une magnifique basilique, qui futdesservie par des chanoines réguliers de l'ordre desaint Augustin. On y voit encore une premièrecellule que la Sainte-Vierge avait habitée aprèsl'Ascension de Notre-Seigneur ; puis non loin delà, une autre cellule d'où elle avait été transportéeau ciel par les chœurs des Anges. On dit que tousles Apôtres assistèrent au trépas bienheureux decette divine Mère, et qu'ils l'ensevelirent elle-même dans la vallée de Josaphat. Là se trouve, en

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effet, un tombeau que les Sarrasins eux-mêmesentourent d'une grande vénération. Quoique cettevallée soit encore très-profonde, elle a cependantété beaucoup exhaussée depuis longtemps ; car letombeau, qui était situé d'abord à la surface dusol, est aujourd'hui complètement enfoui avec labasilique qu'on avait bâtie à l'entour. Au-dessusde cet emplacement s'élève maintenant une petitechapelle, où l'on descend par cinquante degrésdans l'église souterraine. Celle-ci, construite enrotonde et voûtée en pierres, est dédiée à la Mèrede Dieu ; dans sa partie supérieure on voit quatreautels, et dans une crypte inférieure, vers l'orient,un très-bel autel en marbre, à la droite [252]duquel est un tombeau vide ; c'est là, dit-on, quereposa quelque temps le corps très pur de laSainte-Vierge. Lorsqu'on entre dans cette église,on peut remarquer, au côté droit, une pierreincrustée, sur laquelle Notre-Seigneur s'agenouillapour prier la nuit même où il fut livré entre lesmains de ses ennemis ; et on y aperçoit encore lestraces de ses genoux qui y furent impriméscomme sur la cire molle. Cette basilique célèbreétait jadis occupée par des moines noirs de l'ordrede saint Benoît, sous la conduite d'un abbé.

Aucun livre canonique ne nous raconte dequelle manière la bienheureuse Vierge fut enlevéeau ciel ; et parmi les Latins, aucun ancien auteurne donne d'histoire certaine sur ce sujetintéressant. Saint Jean lui-même, qui aurait pu

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nous en instruire mieux que tout autre, ne nous alaissé aucune relation écrite sur la précieuse mortde Celle qui lui avait été recommandée comme sapropre mère ; c'est sans doute parce que la divineProvidence ne jugeait pas cette manifestationopportune. Saint Jérôme ajoute à ce propos (loc.cit.) « Dans la vallée de Josaphat, qui est situéeentre la montagne de Sion et celle des Oliviers,s'élève une admirable église consacrée à Marie ;on y montre encore un tombeau vide, où, suivantla tradition commune, cette bienheureuse Viergeavait été ensevelie. Je dis cela, parce que plusieursChrétiens de nos jours doutent si elle a ététransportée dans le ciel avec son corps ou si cecorps est resté en terre ; car on ne sait ni quand nicomment il a disparu de ce lieu, s'il a été déposéailleurs ou s'il a été réuni à son âme triomphante.Beaucoup d'autres soutiennent néanmoins que laSainte-Vierge est déjà ressuscitée, et qu'elle estdésormais revêtue d'une glorieuse immortalitédans la possession éternelle de son Fils bien-aimé.De ces deux sentiments, quel est [253] le pluscertain ? Nous n'osons le décider ; nous préféronscependant croire celui qui est le plus honorable àla toute puissance divine, sans toutefois que nousprétendions définir par notre seule autorité ce quinous paraît être plus probable. » Ainsi parle saintJérôme.

Sur ce même sujet écoutons saint Augustinexprimer son sentiment en ces termes (Tract. de

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Assumpt.) « Je fais remarquer d'abord quel'Évangile ne parle plus de la sainte Vierge depuisle moment où le Sauveur expirant sur la croix laconfia à saint Jean ; et saint Luc se contente dedire dans les Actes des Apôtres (I, 14) : Tousensemble persévéraient dans la prière avec Marie, mère deJésus. Puisque l'Écriture ne fait mention ni de sontrépas ni de son Assomption, nous devonschercher dans la raison ce qui, à cet égard, noussemblera plus conforme à la vérité ; car l'autoritén'a point de valeur sans la vérité. Quand donc jeconsidère la condition humaine, je ne crains pasd'affirmer que la bienheureuse Vierge a subi lamort temporelle ; mais la parfaite sainteté quiconvient à sa dignité sublime permet-elle desupposer que cette noble Mère du Très-Haut esttombée en pourriture, a été livrée aux vers etréduite en poudre comme la masse commune ? Ilest vrai que le Seigneur a dit à notre premierpère : Tu viens de la poussière, et tu retourneras dans lapoussière (Gen. III, 19). Cependant la chair queJésus-Christ avait prise de la sainte Vierge aéchappé à cette sentence générale, de manière àne point éprouver la dissolution ordinaire. Il estégalement vrai que le Seigneur a dit à la premièrefemme : Je t'accablerai d'afflictions, et tu enfanteras dansla douleur (Ibid. 16). La sainte Vierge a biensouffert d'immenses afflictions, lorsque son âmefut transpercée dans la Passion du Sauveurcomme par un glaive acéré ; néanmoins, elle n'a

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point [254] enfanté dans la douleur. C'est ainsiqu'elle a été dispensée de plusieurs loisuniverselles à cause de son incomparable dignité.Serait-ce donc une impiété de penser que, si lamort l'a frappée, elle ne l'a point pourtant retenuecaptive ? Si Jésus-Christ a voulu maintenir Marietoujours vierge sans tache ni souillure, pourquoin'aurait-il pas voulu la préserver de touteinfection et putréfaction ? Puisqu'il est venu dansle monde pour accomplir et non pour abolir laloi, ne devait-il pas comme un bon fils pourvoir àl'honneur de sa tendre Mère ? Et, puisqu'ennaissant de son chaste sein, il l'a exaltée par-dessus toutes les créatures durant sa vie, ne peut-on pas pieusement croire qu'il l'a favorisée d'unjuste privilège, en la gardant d'une corruptionhumiliante ? C'est un opprobre pour notrehumanité d'être sujette à devenir un amas depourriture et la proie des vers. Or comme notreRédempteur en fut exempt, la Vierge dont il estné en fut pareillement affranchie ; car la chair deJésus est la chair de Marie, de telle sorte qu'enélevant sa propre nature par-dessus les astres, leSauveur a honoré celle de tout homme etprincipalement celle de son auguste Mère. Autantdonc que je le conçois et que je le crois, Marie areçu de son divin Fils une prérogativeincomparable ; car non-seulement elle voitglorifié en Jésus-Christ le corps qu'elle a enfanté,mais de plus elle voit même glorifié en sa propre

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personne le corps où elle l'a conçu, telle est monintime conviction jusqu'à ce qu'elle soit renverséepar une autorité constante ; car un sanctuaireaussi vénérable, un trésor aussi précieux que lecorps de Marie est plus convenablement placé etconservé au ciel que sur la terre ; et parce qu'ilresta pur sans être jamais souillé, il mérita bien dedemeurer incorruptible sans être jamais dissous.Voilà pourquoi je n'ose ni dire ni penser qu'un[255] dépôt aussi sacré soit devenu la pâture desvers ; une pareille supposition sembleinconciliable avec l'excellence de la divinematernité. D'après plusieurs raisons tirées desÉcritures, je dois confesser que le Seigneur, aprèsavoir rempli la sainte Vierge d'une grâcesupérieure, l'a comblée d'une gloire suréminente,en l'associant aux joies de l'éternité plusparfaitement que tous les autres ; que parconséquent, après avoir donné le jour à sonSauveur et au Sauveur du monde, elle n'a pointété abandonnée dans le tombeau à l'humiliationcommune de la pourriture. En effet, si, par savolonté miséricordieuse, le Seigneur a garanti desflammes dévorantes non-seulement lespersonnes, mais même les vêtements des troisjeunes Hébreux dans la fournaise de Babylone, s'ila délivré de tout mal le prophète Jonas dans leventre de la baleine, s'il a protégé Daniel contreles dents meurtrières des lions affamés, est-ce quepar une juste bienveillance, il n'aurait pas soustrait

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à la corruption, aux vers et à la poussière sapropre Mère ornée de tant de vertus, de mériteset de prérogatives ? Puisque, pour arracher àdifférents périls ses simples serviteurs, il ne s'estpoint astreint à suivre l'ordre de la nature, nousne doutons point que, pour conserver Marie danstoute son intégrité, il n'ait préféré suivre l'ordre dela grâce. Donc, Marie règne en corps et en âmeavec son divin Fils ; elle, qui l'a jadis enfanté sanséprouver d'atteinte à sa virginité, le possèdemaintenant sans subir d'altération en sa chair ; etCelle qui a produit l'Auteur de la vie pour tousjouit de la vie complète en tout son être. Si dansce discours j'ai parlé comme je devais, veuillezl'agréer, Seigneur, vous et les vôtres ; sinondaignez me le pardonner. » Telles sont les parolesde saint Augustin.

Nous devons croire par conséquent que, si la[256] sainte Vierge a été soumise à la mort, dumoins elle ne l'a point été à la corruption. Aprèsson paisible trépas, son âme bienheureuse netarda point à se réunir à son corps glorifié ; ellefut alors portée en triomphe dans le ciel, commel'a décrit saint Jérôme dans son sermon pour lasolennité de l'Assomption : « C'est en ce jourillustre, dit-il, que la Vierge immaculée fut raviedans les hauteurs des cieux, où elle est assise surun trône de gloire, à côté de son divin Fils. Aussila sainte Église ne craint pas de proclamer qu'ellea été exaltée par-dessus tous les chœurs

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angéliques ; cet éloge lui convient d'une manièretellement exclusive qu'on n'en peut dire autantd'aucun autre Saint ; car bien que les Saints soientsemblables aux Anges, comme Jésus-Christ ledéclare, ils ne leur sont cependant pointsupérieurs. Représentons-nous donc toute la courcéleste qui s'empresse d'aller à la rencontre decette reine environnée d'une lumière étincelante ;au milieu des hymnes et des cantiques, elle estconduite jusqu'à la place sublime qui lui futpréparée avant la création du monde. Nul douteque toute la Jérusalem céleste n'ait alors tressaillid'une allégresse ineffable, retenti d'immensesacclamations et ressenti un accroissement dedilection et de félicité. Ce n'est pas sans raison :car le Seigneur des armées, escorté de sesphalanges victorieuses, s'avança lui-même au-devant de sa digne Mère pour lui faire honneur ;et après l'avoir introduite dans son royaume, enlui témoignant une tendre affection, il la fit siégermajestueusement à sa droite. Or, si les habitantsdes cieux se réjouissent en apprenant laconversion d'un pécheur sur la terre, quels nedurent pas être leurs transports en voyantl'exaltation de leur Souveraine dans l'empyrée.Son triomphe et sa glorification excitèrent leurjubilation et leurs applaudissements, parce que les[257] honneurs rendus à Marie se rapportent àJésus, le Sauveur de tous. Cette intronisationsolennelle dont nous célébrons la mémoire

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chaque année, ils en célèbrent la fête durant toutel'éternité avec des sentiments continuelsd'allégresse et d'admiration, d'amour et devénération ; car ils ne se lassent point de bénir etde féliciter la Vierge immaculée dont ils necessent point de servir et d'adorer le Fils commeleur Roi, devant lequel toutes les puissancess'abaissent et tous les genoux s'inclinentrespectueusement. Aussi, n'y a-t-il point deperfection et de beauté, de splendeur et de gloirequi ne brillent avec un éclat incomparable en cettedivine Mère. Toutefois, si vous aimez àcontempler les prérogatives dont elle est décorée,n'oubliez pas de considérer les vertus qu'elle apratiquées ; car sa vie est un modèle pour tous lesChrétiens, et sa conduite a servi de règle pourl'Église entière. Assurément, il n'est point aumonde de créature plus excellente et pluspuissante ; afin de mériter sa protection etd'obtenir son assistance, efforçons-nous demarcher sur ses traces et d'imiter ses exemples. »

Après avoir entendu saint Jérôme, écoutonssaint Bernard (Serm. I de Assumpt.)« Aujourd'hui notre terre envoie au ciel unprésent très-précieux pour établir entre Dieu etl'homme un commerce d'amitié par un heureuxéchange de dons réciproques. Voilà qu'en effet unfruit merveilleux de la terre s'élève jusqu'au ciel,d'où descendent les grâces excellentes. La ViergeMarie monte au-dessus des astres afin de

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répandre ses bienfaits sur les hommes. Et que nedonnera-t-elle pas ? Elle en a la faculté et lavolonté, parce qu'elle est toute-puissante et très-miséricordieuse, comme Reine de l'univers etMère du Fils de Dieu. Ces titres sont les pluspropres à relever la grandeur de son pouvoir et desa bonté ; car pourrait-on [258] supposer que leFils de Dieu n'honore point sa Mère ? oupourrait-on douter de l'affectueuse charité deCelle qui durant neuf mois a porté dans seschastes entrailles la Charité incarnée ? Sans parlerdavantage des bienfaits que nous procure sonexaltation, si nous aimons Marie, nous nousréjouirons certainement, parce qu'elle varetrouver son Fils ; et nous l'en féliciterons, àmoins que nous ne soyons monstrueusementingrats envers notre généreuse bienfaitrice.Aujourd'hui, dès son entrée dans la sainte Sion,elle est reçue par Celui qu'elle-même avait déjàreçu, quand il était entré dans ce monde inférieur.Avec quel honneur, quelle joie et quelle gloire ils'empresse de l'accueillir ? Sur la terre, il n'y eutjamais de temple plus auguste que le sein virginaloù Marie admit le Fils de Dieu ; au cielpareillement, il n'y a point de degré plus sublimeque le trône royal où le Fils de Dieu placeaujourd'hui Marie. Des deux côtés, on ne peutvoir de plus dignes réceptions ; elles sont l'une etl'autre ineffables, parce qu'elles sontincompréhensibles. Pourquoi donc, en cette fête

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de l'Assomption, l'Église fait-elle lire l'Évangilequi raconte comment une femme privilégiée eutle bonheur de loger le Sauveur ? A mon avis, c'estpour que cette réception nous fasse estimer dequelque manière celle dont nous célébronsaujourd'hui la mémoire ; ou plutôt c'est pour quela gloire inestimable de la première nous donnequelque idée de la seconde pareillementinestimable. En effet, lors même que quelqu'unparlerait le langage des hommes et des Anges,pourrait-il jamais expliquer comment parl'opération mystérieuse du Saint-Esprit s'est faitchair le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait ; etcomment le Seigneur d'une majesté infinie, quin'est point circonscrit dans les limites de l'univers,s'est néanmoins renfermé dans les entrailles d'uneVierge, en [259] s'incarnant ? Qui pourrait aussiconcevoir avec quelle splendeur la Reine dumonde s'élève de la terre en ce jour ; avec quelledévotion les légions célestes s'avancent en foule àsa rencontre ; avec quels cantiques harmonieuxelle est introduite dans les tabernacles éternels ;avec quel gracieux visage, avec quel aimablesourire et quels joyeux embrassements Jésus-Christ l'aborde et la salue, l'exalte au-dessus detoute créature et la comble de toutes les faveurs,comme il convient à une telle Mère et à un telFils ? Assurément, elle fut heureuse autrefois derecueillir les baisers du divin Enfant, lorsqu'elle lepressait avec une pieuse tendresse sur son sein

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virginal, en le nourrissant d'un lait très-pur ; maisn'est-elle pas plus heureuse encore de recueillir lesbaisers de l'Homme-Dieu assis à la droite du Pèreéternel, aujourd'hui qu'elle monte triomphantevers le trône de gloire, en chantant les suavesparoles de l'épithalame sacré : Qu'il me donne unbaiser de sa bouche (Cant. I, 1) ? Oh ! qui raconterala génération du Christ et l'Assomption deMarie ? Car autant cette divine Mère surpassait engrâce toutes les créatures, tandis qu'elle demeuraitsur terre ; autant elle les surpasse en gloire,maintenant qu'elle réside au ciel. Si commel'assure saint Paul (I Cor. II, 9) l'œil n'a point vu,l'oreille n'a point entendu, le cœur de l'homme n'a pointressenti ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment, quipeut dire, savoir ou comprendre ce qu'il a réservépour sa propre Mère qui l'aime plus que tous lesautres ? Heureuse donc Marie et mille foisheureuse, d'abord quand elle reçoit le Sauveur,puis quand le Sauveur la reçoit elle-même à sontour ! »

Avant que saint Bernard s'exprimât de lasorte, saint Anselme avait dit sur le même sujet(de Excellent. B. V. M. c. 8) : « Quand Notre-Seigneur eut résolu d'appeler sa [260] propreMère dans son royaume éternel pour luimanifester la magnificence de sa gloire, quelappareil d'honneur et de dignité ne déploya pointtoute la cour des Anges ? quels cantiques delouange et d'allégresse ne firent point retentir les

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anciens justes, associés depuis quelque temps auxpurs esprits ? Tous les citoyens de l'heureusepatrie se disposèrent à recevoir leur Souveraineavec une pompe extraordinaire, en se livrant àune jubilation ineffable. Faut-il s'en étonner ?Jésus lui-même, leur divin Maître, Fils de cettetrès-chaste Vierge, voulut aller avecempressement à la rencontre de sa Mère bien-aimée ; est-ce qu'alors quelqu'un de ses familiersaurait négligé de participer à la joie de cettegrande fête ? N'est-il pas d'usage parmi leshommes que tous les fidèles serviteurstémoignent une vive satisfaction en voyant venirun ami particulièrement cher à leur puissantseigneur ? et que ne font-ils pas surtout pouraccueillir convenablement ses plus prochesparents ? S'il en est ainsi dans ce monde même,où ceux qui sont bons le sont beaucoup moinsque dans la sainte Jérusalem, quels ne durent pasêtre les délicieux transports et les mélodieuxconcerts des célestes habitants, quand ilsapprirent que la Mère de Dieu allait arriver en leurcompagnie et que le Fils de Dieu allait l'admettreen son règne. Lui-même, en effet, accompagné deplusieurs myriades ou plutôt d'innombrableschœurs d'Anges, s'élance au-devant de cetteVierge auguste qui s'élève de la terre ; il la faitmonter au plus haut des cieux, et la fait asseoirsur un trône d'honneur, d'où elle doit domineréternellement avec lui sur toutes les créatures.

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Depuis ce moment fut-il jamais réception plussolennelle, exaltation plus sublime ? Ce jour detriomphe et de bonheur suprême pour vous,notre douce Reine, est un sujet de réjouissance etd'admiration continuelle pour [261] tous lessiècles ; car aujourd'hui, non-seulement vous êtescomblée d'une gloire incomparable, mais encorele ciel même avec tout ce qu'il contient est ornéd'une gloire nouvelle par votre présence, qui enaccroît la splendeur au-delà de toute pensée et detoute expression. Lorsque vous avez pénétré dansce bienheureux séjour, ô illustre Souveraine, vousl'avez ennobli par l'excellence de vos vertus et devos mérites, en même temps que vous l'avezenrichi par la surabondance de vos grâces et devos miséricordes. Alors, les purs esprits qui,depuis le commencement du monde, jouissaientde l'éternelle béatitude, tressaillirent d'uneallégresse extraordinaire ; car en voyant que lefruit béni de votre féconde virginité avait réparéles nombreuses pertes de leur sainte cité, ilsdurent ressentir une joie plus grande à l'arrivée deCelle qui leur avait procuré des biens siconsidérables. »

« Femme bénie entre toutes les autres,continue le même saint Docteur, au jour de votreAssomption, la terre aussi fut arrosée d'une grâcemerveilleuse ; car en apprenant que vous-même,formée d'elle et sortie d'elle comme tous lesenfants de la race humaine, vous étiez exaltée

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jusqu'au trône du Créateur, elle crut fermementque, à la faveur des bénédictions dont vous étiezremplie, elle était soustraite désormais à la peinede l'antique malédiction, justement encourue parla faute de nos premiers parents. Que puis-jeajouter ? car celui qui désire célébrer la grâce et lagloire dont vous avez été comblée sent défaillirson intelligence et sa langue devant ce sujetimmense. Votre triomphe, en effet, a nonseulement embelli d'une façon inappréciable toutce qui est au ciel ; mais de plus il a relevé d'unemanière ineffable tout ce qui est sur la terre. Tousles hommes ont acquis un très-haut degréd'honneur [262] quand, à cause de votre heureuseVirginité sans tache, ils sont devenus capables deconnaître, d'aimer et de servir leur Dieusurnaturellement. En voyant que vous, leur sœur,après avoir vécu parmi eux ici-bas, vous étieztransportée par-dessus tous les cieux et placéeprès de votre divin Fils, ils ont reconnu qu'ils nedevaient rien aux vaines idoles, mais qu'ilsdevaient tout à leur Dieu, incarné dans votre seintrès-chaste pour rétablir son œuvre détériorée.Quelles louanges et quelles félicitations l'universentier doit aussi conséquemment. à cette Viergetrès-sainte qui, par son incomparable puretédevenant mère de Dieu, a mérité de devenir laréparatrice du monde perdu. Aucun simplemortel ne peut suffisamment estimer combien dereconnaissance elle mérite pour avoir procuré un

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si grand bien à toute la création ; car tout ce queDieu avait fait bon originairement était dégradé,lorsqu'il fut ramené à son ancien état au moyende cette Vierge immaculée. Ainsi donc, commeDieu est le père et le maître de tous ceux qu'il acréés par sa puissance et constitués par sa sagesse,Marie pareillement est la mère et la maîtresse detous ceux qu'elle a réhabilités par ses mérites etreconstitués par la grâce dont elle s'est renduedigne. Et comme Dieu a engendré de sa propresubstance Celui qui a donné la première existenceà toutes choses, Marie aussi a produit de sapropre chair Celui qui leur a rendu l'intégritéprimitive. En outre, comme rien ne se maintient àmoins que le Fils de Dieu ne le soutienne, demême nul ne se sauve à moins que le Fils deMarie ne le rachète. Quiconque voudra considérerl'influence prodigieuse que cette femmeprivilégiée a exercée pour la restauration dumonde, sera frappé de stupeur et réduit au silencedans l'impuissance de concevoir l'éminence de sadignité. C'est pourquoi, sans sonder des secretspour nous [263] impénétrables, ne nous lassonspoint de la prier, afin de ressentir heureusementl'effet des mystères que nous ne pouvonscomprendre. D'après les raisons que nous venonsd'exposer, nous devons conclure qu'aucunhomme ne peut être réprouvé de Dieu s'ilimplore et s'il obtient la protection de Marie ; carelle-même a conçu et enfanté Celui qui délivre les

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hommes de la mort et du péché, Celui-là seul quipeut les sauver ou les damner, Celui-là seul parconséquent qu'ils doivent craindre et en qui ilsdoivent espérer. Or si Marie est la Mère de Dieu,elle est en même temps la Mère des hommes ; sison Fils est leur Juge et leur Sauveur, il estégalement leur Frère. Comment-donc pourrions-nous n'avoir pas confiance, puisque notre salut ounotre damnation dépendent d'un Frère aussi bonet d'une Mère aussi tendre ? Ce bon Frère nouslaissera-t-il punir après avoir expié nos fautes ? etcette tendre Mère nous laissera-t-elle perdre aprèsnous avoir donné un Rédempteur ? Assurémentcette douce Mère suppliera son doux Fils etCelui-ci l'exaucera certainement en faveur desenfants qu'elle a adoptés et des frères qu'il aaffranchis. »

Misérables exilés que nous sommes,réjouissons-nous néanmoins, autant qu'il est ennous, d'accord avec les célestes habitants et toutesles créatures ; appliquons-nous de tout notrecœur à célébrer cette illustre Vierge, comme saintJérôme nous y invite par ces pressantes paroles(serm. de Assumpt.) : « Si le Seigneur, par labouche de son Prophète (Ps. CLIX, 1), nousordonne de le louer en ses Saints, à plus forteraison devons-nous le glorifier en la fêtesolennelle de sa propre Mère ; car tous les chantsque nous consacrerons et tous les hommages quenous rendrons à cette heureuse Vierge

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reviendront à son divin Fils. Certes, elle ne pourrajamais être exaltée par les hommes mortels [264]autant qu'elle l'a été par les esprits immortels etpar le Très-Haut lui-même. Aussi les Prophètesl'ont annoncée, et les Patriarches l'ont figuréed'avance ; les Évangélistes l'ont proclamée etl'ange Gabriel l'a saluée avec une profondevénération. Malgré notre incapacité de la louerautant qu'elle le mérite, ne cessons jamais de lefaire de toutes nos forces, bien que nous soyonsde pauvres pécheurs ; car dans le Psaume (XLIX,23) le Seigneur lui-même dit. en parlant dupécheur : il m'honorera par un sacrifice de louange etc'est par cette voie que je lui montrerai le salut venant deDieu. Comme s'il disait ouvertement : C'est encommençant à me louer sur la terre, qu'ilparviendra à me louer éternellement au ciel ; maispersonne n'atteint ce but à moins que je ne lui enapprenne le chemin. Donc, mes frères, puisque lemoyen d'arriver au salut, c'est d'offrir au Sauveurun sacrifice de louange, je vous exhorteinstamment à le lui présenter surtout en cette fêtede la bienheureuse Vierge, sa Mère. Quoique lalouange ne soit point parfaite dans la bouche dupécheur, ne vous en abstenez point ; car c'estainsi que vous obtiendrez la grâce nécessaire,comme il a été promis. Si nous ne tâchions pas,suivant nos facultés, de louer Dieu dans sesSaints, comment pourrions-nous le louer autantque l'exigent ses grandeurs infinies. Essayons de

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faire aujourd'hui en quelque manière ce que nousdevons accomplir parfaitement un jour, seloncette parole du Psalmiste : Heureux, Seigneur, ceuxqui habitent en votre maison ; ils vous loueront pendant lessiècles des siècles (Ps. LXXXIII, 5), En attendant cebonheur inestimable, si notre voix et notreintelligence ne peuvent suffire àl'accomplissement d'un devoir sans fin, efforçons-nous d'y suppléer par l'ardeur de nos désirs et denos affections. Ainsi s'exprime saint Jérôme. [265]

L'Assomption de la bienheureuse Marie futautrefois figurée par la translation de l'archesainte. Ce coffre précieux, qui renfermait lamanne du ciel, représentait la Vierge bénie quiporta dans son chaste sein le pain des Anges,devenu la nourriture des hommes. Cette Mère deDieu, dont le corps très-pur n'a point été sujet àla putréfaction commune, avait été justementsignifiée par l'arche d'alliance, faite d'un boisincorruptible. Comme le roi David, jouant de laharpe et sautant de joie, vint chercher l'arche qu'ilconduisit en son propre palais, au milieu deshymnes et des cantiques ; ainsi Jésus-Christ, lesouverain Monarque, transporté d'allégresse etd'amour, voulut aller au-devant de sa Mère qu'ilintroduisit dans sa propre cour, parmi lesconcerts des Anges et des Saints. – L'Assomptionde Marie fut également figurée par une vision del'Apocalypse. Saint Jean, exilé dans l'île dePathmos, aperçut au ciel une femme mystérieuse

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qui était environnée du soleil comme d'unmanteau ; elle avait la lune sous ses pieds, etportait sur sa tête une couronne formée de douzeétoiles ; deux ailes lui furent données pour qu'elles'envolât au lieu de sa retraite. Cette femmemerveilleuse, c'est Marie que son divin Fils, Soleilde justice, a revêtu d'une splendeur éblouissante.Tandis qu'elle aspirait de tous ses vœux après lesbiens supérieurs et permanents, elle foulait auxpieds les biens inférieurs et périssables de cemonde, représenté par la lune qui est sujette à decontinuelles vicissitudes. La couronne que cetteglorieuse Vierge porte sur sa tête indiquel'autorité suprême qu'elle possède sur la création.Les douze étoiles qui entourent son front radieuxdésignent les douze Apôtres qui, comme on lerapporte, assistèrent à son bienheureux trépas.Enfin les deux ailes qui lui furent données dans safuite marquent qu'elle [266] fut enlevée de la terreen corps et en âme. – Nous trouvons une autrefigure de cette triomphante Assomption dans lamère de Salomon ; car, comme le fît Jésus-Christà l'égard de Marie, ce puissant roi fit asseoir à sadroite, sur un trône d'honneur, Bethsabée qui luiavait donné naissance ; et il ne lui refusa jamaisaucune faveur qu'elle sollicita de sa bonté.

Ô glorieuse Mère de Dieu, vous êtes digne detous nos respects et de tous nos hommages !Bienheureuse Vierge, qui avez conçu et enfanté leFils unique du Père Éternel, le Créateur du Ciel et

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de la terre, Celui que le monde entier ne peutcontenir ! « Hélas ! s'écrie saint Augustin (Serm.de Assumpt.), faibles et misérables que noussommes, comment pouvons-nousconvenablement célébrer vos grandeurs, puisquetous ensemble nous ne pourrions y suffire, quandmême nos membres seraient changés en langues ?Avec mon esprit borné que dirai-je donc en votrehonneur ? car toute louange de ma part est très-inférieure à ce que mérite votre excellence. » ÔMarie ! le souvenir de votre nom est plus douxque le miel et plus suave que le nectar ; il est notresoulagement dans la fatigue, notre joie dans latristesse, notre soutien dans les épreuves et lestribulations ; il ramène dans le chemin du salutceux qui sont égarés, et rétablit l'espérance dans lecœur des pécheurs les plus découragés. De mêmequ'au printemps, lorsque le soleil remontant versles hauteurs des cieux commence à féconder laterre par sa douce chaleur, les plantes et les arbresqui étaient engourdis par le froid se couvrent deverdure et de fleurs, les animaux et les oiseaux quiétaient cachés dans leurs retraites font retentir deschants ou des cris joyeux, les hommes aussijeunes et vieux paraissent se ranimer et s'épanouiren voyant toute la nature renaître [267] et revivre ;ainsi, lorsque notre illustre Reine fait briller sonsouvenir et pénétrer son amour dans nos âmesattendries, elle en fond la glace et en éloigne lasécheresse ; elle en chasse les ténèbres et y répand

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la lumière ; nos cœurs sont bientôt remplis degrâce et d'allégresse.

Marie ! Nom admirable et délicieux quirappelle de grands mystères et procure de grandsbiens ! Nom glorieux et sublime qui avant lacréation avait été l'objet spécial de laprédestination divine, et qui fut donné dans letemps à la personne la plus digne ! Nom que lasociété des justes répète avec amour, et que labouche des pécheurs ne prononce point en vain !Qui jamais en effet obtint le pardon de ses fautessans l'entremise de Marie ? Que tous doncl'invoquent avec confiance et l'aiment avecprédilection ; que tous les âges, que toutes lesconditions réclament son secours et sonassistance. Lorsque, par nos crimes, nous avonsirrité le souverain Juge, que nous avons offenséles Anges et les Saints ; lorsque nous ne pouvonsplus nous supporter, et que nous ne savons plus àqui nous adresser dans notre détresse, tournonsnos regards et nos cœurs vers Marie ; demandonsconseil et protection à cette Mère de miséricordequi ne nous rebutera point. Saint Anselme dit à cepropos (de Excellent. B. V. cap. 6) : « Nous avonsvu et connu beaucoup d'hommes qui dans lespérils ont été délivrés de leurs maux dès qu'ils onteu invoqué le nom de Marie. Souvent même onest sauvé plus promptement en s'adressant à cettebonne Mère qu'en s'adressant à son divin Fils. Cen'est pas qu'elle soit plus grande ou plus puissante

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que lui ; car c'est de lui et non point d'elle queviennent toute grandeur et toute puissance.Pourquoi donc le salut vient-il plus vite par elleque par lui directement ? À mon avis, en voici laraison. Jésus-Christ, comme souverain Seigneur,[268] étant le Juge de tous, discerne les mérites dechacun ; et s'il n'exauce pas sur le champ ceux quil'implorent par son nom, c'est qu'il agit selon lajustice. Au contraire, lorsque nous invoquonsMarie ; malgré notre indignité, nous recevons ceque nous demandons, parce qu'elle supplée à nosmérites par les siens propres. Ne voyons-nous paschose pareille chaque jour dans le monde, où l'onobtient facilement par le nom d'un ami desfaveurs qu'on aurait vainement sollicitées en sonpropre nom ? » Ainsi parle saint Anselme.

Ô Mère de grâce et de miséricorde, qui êtestoute notre espérance et notre joie, je désireraisconsacrer toutes mes facultés corporelles etspirituelles à célébrer vos bontés et vosgrandeurs ; mais quand je considère tout ce quetant de saints et illustres personnages ont fait etpublié dans tous les siècles pour votre honneur etvotre amour, je suis saisi de stupeur etd'admiration. Convaincu que je suis incapable devous louer comme vous le méritez, il ne me restequ'à répéter : Salut, Vierge immaculée, Mèrepuissante du Très-Haut, vous que vénèrent et quebénissent les habitants de la terre et les citoyensdu ciel, je voudrais pouvoir réunir tout ce qui a

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été dit, tout ce qui a été écrit ou entrepris pourvotre gloire, en former un faisceau, le centupler etmultiplier à l'infini, afin de l'offrir comme unparfum délicieux et comme une couronnemagnifique à vous, Marie, qui êtes la plusheureuse et la plus excellente de toutes lesCréatures.

Saint Augustin s'écrie en s'adressant à Marie(Serm. de Assumpt.) « Daignez agréer noslouanges, quoiqu'elles ne puissent égaler vosmérites ; et en recevant le tribut de noshommages, obtenez-nous le pardon de nosfautes. Procurez-nous les biens que nousdemandons, et délivrez-nous des [269] maux quenous craignons ; car nous ne trouvons personneplus digne et plus capable d'apaiser la colère dusouverain Juge que vous-même qui avez méritéde devenir la Mère du divin Rédempteur.Secourez donc les malheureux, rassurez lespusillanimes et consolez les affligés ; priez pour lepeuple ainsi que pour le clergé, intercédez pourles religieux comme aussi pour les personnespieuses ; faites ressentir votre protection à tousceux qui célèbrent dévotement vôtre Assomption.Ayez pitié des misérables, ayez compassion desexilés qui gémissent loin de la patrie céleste.Tandis que vous goûtez en Dieu des joiesperpétuelles, représentez-lui nos peinescontinuelles ; et puisqu'il est votre propre Fils,nous vous supplions de nous le rendre favorable.

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Car pendant que nous languissons dans cettevallée de larmes, nous sommes en proie auxchagrins et aux tribulations, accablés d'opprobreset d'injures, assujettis à la faim et à la soif,appesantis par le sommeil et réduits en servitude.Vous, au contraire, dans le royaume éternel, vouscommandez à toute l'armée céleste. Vous suivezpartout l'Agneau sans tache ; au milieu de liséblouissants et de roses vermeilles, vousconduisez à la source de l'immortalité les âmespures qui ont fui les charmes trompeurs de laconcupiscence charnelle. Dans ce paradis dedélices, vous marchez la première en dignitéparmi de verdoyantes plantations ; vos piedsparcourent tranquillement les campagnesémaillées de fleurs éclatantes, et vos mains seplaisent à cueillir des violettes qui ne se fanentjamais. De concert avec les chœurs angéliques,vous ne vous lassez point de proclamer lesperfections infinies du Dieu trois fois saint, enredisant sans cesse l'harmonieux Trisagion. Ornéede diamants et de pierreries, vous êtes admisedans la chambre nuptiale du Monarque, qui estépris de votre [270] merveilleuse beauté, LesAnges vous ont dressé un trône magnifique dansla cour du Roi des rois, qui vous chérit et vousembrasse comme sa véritable Mère et son Épouseprivilégiée. Mais quoi d'étonnant, si le Seigneurqui règne dans les cieux daigne vous associer àson souverain bonheur, puisque sur la terre, après

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s'être fait votre petit enfant, il vous a prodigué sestendres baisers ! Vous donc qui êtes comblée desplus insignes faveurs, ne soyez pas insensible auxnombreuses misères dont nous sommes assiégés.Et nous, mes très-chers frères, confions-nousentièrement à l'intercession bienveillante de cettebienheureuse Vierge. Implorons tous avec ferveurson puissant patronage ; car si nous nousappliquons à l'honorer humblement sur la terre,elle daignera plaider continuellement notre causedans les cieux. Puisqu'elle a mérité de produire larançon surabondante du genre humain, sonsuffrage a certainement une valeur plusconsidérable que celui de tous les Saints sauvéspar cette même rançon. Mais que nous serviraitde lui adresser nos cris de détresse, si nous netâchions d'imiter ses exemples d'humilité ? Et afinde participer à cette grande solennité, nemanquons pas d'y assister avec les dispositionsconvenables. Que l'envie ne nous tourmentepoint à cause de la félicité d'autrui ; que la colèrene nous sépare point de notre prochain ; que lacupidité ne nous éloigne point de Jésus-Christ.Ne nous laissons point abattre par une vainetristesse, ni séduire par une dangereuseprospérité, ni souiller par l'impureté, nicorrompre par l'ambition, ni enfler par l'orgueil.Nous voyant ainsi ornés de vertus, unis par lacharité, affermis dans l'humilité, lorsque nouscélébrons sa propre fête, Marie s'empressera de

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nous assister auprès de son divin Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, étant loué et désiré partous les élus, [271] les glorifie et les couronnedans son royaume éternel. »

Après avoir entendu S. Augustin, concluonsce chapitre par cette belle prière de S. Anselme(de Excell. B. V. cap. 12) « Ô notre Souveraine,en considération de cette grâce par laquelle leDieu très-bon et très-puissant vous a élevée aucomble de la gloire, nous vous supplionsd'obtenir de lui qu'il nous rende participants devos vertus et de vos récompenses ; car par vous ilest devenu notre frère, afin que comme il daignas'unir à notre humanité, nous puissions êtreassociés à sa divinité. Ô très-douce Reine, faites-nous donc parvenir au but pour lequel notre Dieuest venu parmi les hommes, en s'incarnant dansvotre sein très-chaste. Ne faites point difficulté denous écouter, puisque votre Fils très-débonnaireest tout disposé à vous accorder promptementtout ce que vous voulez. Veuillez simplement quenous soyons sauvés, et nous le seronsinfailliblement. Quoi donc ! Ô Notre-Dame, vosentrailles pleines de miséricorde se resserreraient-elles à notre égard de telle sorte que vous nevoudriez point nous sauver ? Cependant commel'atteste le Prophète (Ps. LVIII, 18) notre Dieu estnotre miséricorde ; et vous êtes assurément savéritable Mère. Si vous qui êtes la Mère de Dieuet par conséquent de la miséricorde, vous nous

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refusez l'effet de la miséricorde dont vous êtesmerveilleusement devenue la Mère, que ferons-nous quand votre même Fils viendra juger tousles hommes selon la stricte équité ? A cause del'affection qu'il vous porte comme à sa Mère, dèsqu'il reconnaîtra votre volonté, il y conformera sasentence, soit pour pardonner, soit pour punir,suivant les règles de la justice dont il verra quevous souhaitez l'application. Ô Reine, secourez-nous donc ; et sans considérer la multitude de nospéchés, ayez compassion de nos misères. Pensez,je vous [272] prie, et rappelez-vous que notreCréateur s'est incarné en vous, non point pourdamner, mais pour sauver les pécheurs. Pourquoidonc n'aideriez-vous point des pécheurs commenous, en faveur desquels vous avez été élevée àune dignité si éminente que toutes les créaturesvous regardent et vous vénèrent comme leurMaîtresse ? Est-ce que désormais vous seriezindifférente à notre perte, parce que, quoi qu'ilarrive dorénavant à nous misérables, votre gloirene peut en souffrir aucun détriment ? BonneMaîtresse, une telle supposition sembleraitpossible de quelque manière, si vous étiezdevenue Mère de Dieu pour votre seule gloire ouutilité ; mais le Seigneur a pris de votre chair très-pure notre nature humaine pour le salut communde vous et de nous. Si donc, vous qui possédez lesalut parfait, vous ne travaillez pas à ce que cemême salut arrive jusqu'à nous selon notre

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mesure, vous paraîtrez négliger nos intérêts, envous contentant de vos propres avantages. Maisvous qui êtes devenue la Mère du Très-Haut pourla Rédemption du genre humain, si vous ne nousaidez pas à éviter la damnation éternelle, que nousservira votre glorieuse exaltation, et quelleaffectueuse satisfaction en éprouverons-nous ?Afin de nous montrer qu'en vérité votre Fils est leSauveur et que vous êtes la Réconciliatrice dumonde, nous vous en conjurons, assistez etdéfendez spécialement ceux qui ont un plus grandbesoin d'être soutenus pour sortir de lacorruption originelle où ils sont plongés. Depuisque la régénération humaine a commencé, vousavez secouru jusqu'à présent tous ceux qui se sontréfugiés sous votre protection ; aussi vous avezété justement proclamée très-digne de toutessortes de louanges plus que toutes les autrescréatures de l'univers. Nous souhaitons quetoutes ces louanges qui vous ont été décernées[273] durant tant de siècles vous soientcontinuées jusqu'à la fin des temps, à cause decette grâce par laquelle vous avez secouru lemonde. Secourez-nous donc aussi, nous quirecourons à vous ; ne souffrez pas que nouspérissions ; mais faites que notre salut soit de jouren jour plus assuré, et que notre vie soit employéecontinuellement à servir votre divin Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Prière.

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Ô Dieu, qui délivrez de toute tristesse etaffliction vos fidèles serviteurs, en les comblantde consolations et de délices, soyez à jamais bénide ce que sur la terre et dans le ciel, vous avezrempli d une immense jubilation la Vierge Marie,votre bienheureuse Mère, le miroir sans tache dela divine majesté, la restauratrice des chœursangéliques, l'image de votre bonté et l'origine denotre salut. Je vous en supplie, faites que dansmes peines, en l'invoquant avec confiance commela source inépuisable de la vraie joie, je puisse enressentir l'heureux effet pour le temps et pourl'éternité. Enfin, par ses mérites et sonintercession accordez-moi de parvenir sûrement àcette ineffable béatitude, dont elle jouit avec vousdans le royaume glorieux où vous l'aveztransportée. Ainsi soit-il. [274]

CHAPITRE LXXXVII. JUGEMENT DERNIER.

Ce que nous avons rapporté jusqu'ici estaccompli déjà ; il nous reste maintenant à parlerde plusieurs choses qui doivent encore arriver, etsurtout du jugement dernier. Il sera précédé despeines du purgatoire, des suffrages de l'Église etdes persécutions de L'Antéchrist ; il seraaccompagné de la conflagration du monde et dela résurrection des corps ; enfin il sera suivi deschâtiments de l'enfer et des récompenses duparadis.

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D'abord, quant au purgatoire, il fautremarquer qu'on y subit deux sortes de peines :celle du dam, ou privation de la vue divine ; et celledu sens, qui consiste dans les souffrancesoccasionnées par l'excès du froid, de la chaleur oude toute autre douleur corporelle. Or, lesmoindres peines qu'on éprouve dans le purgatoiresurpassent les plus cruelles qu'on endure sur laterre. C'est ce qui fait dire à st Bernard : Un seuljour dans le purgatoire est plus terrible que tousles supplices des saints Martyrs. Si cette rigueurparaît étonnante, en voici la raison : Comme Dieurecherche l'amendement plutôt que le châtimentdu coupable dans la pénitence, il estime moinsl'intensité de l'affliction ressentie que la vertu dela bonne volonté. Voilà pourquoi, dans lesbalances de sa justice, une peine légère maisvolontaire en cette vie a plus de poids qu'unepeine considérable mais involontaire en l'autrevie, de même qu'aux yeux des hommes une pièced'or vaut mieux qu'une masse de plomb. De làcette parole remarquable de st Augustin [275](Serm. de Purg.) une seule larme de repentir ici-bas efface plus de péchés que dix années depurgatoire, car il faut qu'en ce dernier lieul'intensité de l'affliction supplée au défaut de lavolonté. Puis il ajoute : Comme la douleur doitêtre d'autant plus cuisante que la concupiscenceétait plus vive, on y est tourmenté d'autant pluslongtemps qu'on était attaché plus fortement à

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des fautes vénielles ; et on y reste privé de lagloire éternelle jusqu'à ce qu'on soit lavé de toutetache, comme on l'était au baptême. Ne méprisezdonc pas les petites infidélités qu'il faudra expierpar de si grandes douleurs. Le même saintDocteur dit en outre : Les âmes fascinées en cemonde par les images corporelles des chosesvisibles sont après leur mort affligées par cesmêmes images ; elles sont ainsi soumises à dessouffrances sensibles, parce qu'elles ne sont pointencore purifiées des affections sensibles qui lesavaient souillées ; car en aimant la chair, elles ontcontracté une certaine grossièreté. Appliquons-nous donc à nous dégager de toutes lesinclinations terrestres, parce qu'en sortant de cemonde nous n'emporterons rien de matériel, etque la chair ne nous causera plus aucunedélectation. »

Les suffrages de l'Église peuvent se réduire àquatre principaux auxquels se rattachent tous lesautres ; ils sont plus ou moins utiles aux âmes dupurgatoire, selon la diversité de leurs méritesprécédents et aussi selon la charité de leurs amisvivants qui prient pour elles sur la terre. Lessuffrages spécialement offerts pour certainesâmes sont sans doute plus profitables à celles-ciqu'aux autres ; toutes néanmoins y participent dequelque façon. Les suffrages présentés pourtoutes les âmes souffrantes en général leurprofitent suivant leur capacité particulière ; ils

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sont pourtant plus avantageux à celles qui s'enétaient [276] rendues plus dignes durant leur viemortelle. Saint Grégoire dit à ce propos (Dialog.lib. 4, cap. 58 et 59) : « Les saints sacrificesprofitent aux défunts qui en ce monde avaientmérité d'être secourus après la mort par lesbonnes œuvres de leurs amis vivants ; mais la voiela plus sûre est d'accomplir par nous-mêmes cesbonnes œuvres pendant notre vie au lieud'espérer que d'autres les feront pour nous aprèsnotre trépas. Ne vaut-il pas mieux éviter lepurgatoire que d'en attendre la délivrance, lorsquenous y serons tombés ? Le sacrifice alors ne seraoffert efficacement à Dieu pour nous que siprécédemment nous nous sommes offerts à lui ensacrifice. J'ose même dire que si, avant d'expirer,mous avons été victimes pour sa gloire, nousn'aurons point ensuite besoin de victimes pournotre salut. » Ainsi parle saint Grégoire. Ajoutonsque les bonnes œuvres produites par un Chrétienen état de péché mortel ne sont point cependantperdues ; car si elles ne peuvent contribuera sonpropre salut, Dieu les fait servira celui des autres ;de même les biens d'un homme mort sonttransférés à ses proches et à ses frères quideviennent ses héritiers et successeurs.

Lorsque l'Antéchrist sera venu dans lemonde, il emploiera quatre moyens principauxpour séduire les hommes ; il s'efforcera de lespervertir par ses insinuations perfides et ses

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œuvres prodigieuses, par les promesses de bienstemporels ou les menaces de tourments horribles.C'est ainsi qu'il en fera tomber un grand nombredans ses filets ; il entraînera les méchants parl'appât des récompenses, les bons par la terreurdes supplices, les simples et les ignorants par sesbeaux discours et ses prestiges étonnants ; il aurapour lui les rois et les princes, comme aussi lesdevins et les magiciens. C'est de l'Antéchrist quesaint Jean veut parler quand il dit dansl'Apocalypse (XIII, 1) : Je vis [277] s'élever de la merune bête qui avait sept têtes et dix cornes. Les sept têtesdésignent tous les puissants de ce monde quiseront ses principaux auxiliaires, et les dix cornesmarquent les ennemis acharnés du Sauveur quiattaqueront les dix commandements de la loidivine. L'Antéchrist naîtra de parents avancés enâge, dans la ville de Babylone et de la tribu deDan. De même qu'en Jésus-Christ réside laplénitude de la divinité, ainsi sera dansl'Antéchrist la plénitude de l'iniquité ; il senommera fils de perdition, parce qu'en lui habiteral'esprit malin, chef de tous les impies. Entre lesdeux époques de sa naissance cachée et de samanifestation publique, avant qu'il commence sesprédications et ses persécutions, Élie et Énochapparaîtront sur la terre pour combattre seserreurs et détromper ses adeptes. A cause del'onction divine qu'ils posséderont et de la lumièrecéleste qu'ils répandront, ils sont figurés par les

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deux oliviers que signale le prophète Zacharie(IV) et par les deux candélabres qu'aperçutl'apôtre saint Jean (Apoc. I). Ils prêcherontpendant douze cent soixante jours, c'est-à-diredurant trois ans et demi, comme l'a fait Jésus-Christ ; et revêtus du cilice, ils annonceront lapénitence dont ils donneront l'exemple. Tousceux qui voudront connaître et confesser le vraiDieu, renonceront aux fausses doctrines pours'attacher à ces deux témoins fidèles ; car ilsparcourront tous les pays où le fils de perditionaura propagé ses enseignements impies ; et par lavertu du Saint-Esprit ils opéreront de grandsmiracles qui, en excitant l'admiration et la joie desbons Chrétiens, détruiront les funestes effets desfaux prodiges. Néanmoins, l'Antéchrist les feramourir dans la ville même de Jérusalem ; et leurscorps y resteront sans sépulture durant plus detrois jours et trois nuits ; parce que nul n'osera lesensevelir par crainte de leur [278] persécuteur.Mais ensuite, ils ressusciteront et, portés sur lesnuages, ils monteront dans les cieux. Après leurmort, l'Antéchrist dominera encore pendantquinze jours, de sorte que son règne aura durétrois ans et demi. Alors Notre-Seigneur le ferapérir sur la montagne des Oliviers, à l'endroitmême d'où le Sauveur s'est élevé dans le ciel. LeJuge suprême ne viendra pas encoreimmédiatement après ; il laissera un délai dequarante-cinq jours, afin que les justes se reposent

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un peu de la persécution précédente et que lespécheurs se convertissent par une sincèrepénitence. Mais combien de temps s'écouleradepuis ces quarante-cinq jours jusqu'à la fin dumonde ? nul ne le sait. Après la prédicationd'Énoch et d'Élie, les Juifs embrasseront la foichrétienne ; et dans les derniers jours la sainteÉglise jouira d'une paix complète, parce que lapuissance de Satan contre elle sera anéantie.

Quant à la conflagration du monde, voici cequi aura lieu (I Pet. III, 10-12). Le dernieravènement du souverain Juge sera précédé par unembrasement général, que la toute-puissancedivine formera, en réunissant les feux répandusdans l'univers entier. C'est pourquoi ce feunouveau possédera les différentes propriétés quiappartiennent à quatre autres : il servira, commecelui de l'enfer, à châtier les méchants de leurscrimes ; comme celui du purgatoire, à purifier lesbons de leurs taches ; comme celui de la terre, àconsumer les corps qu'elle produit ; comme celuidu ciel, à dissoudre les éléments pour préparerleur restauration. Un immense incendie ravagerala surface du globe, de sorte que la figure de cemonde disparaîtra, comme il arriva jadis au tempsdu déluge universel. Ainsi, dans un premierjugement, Dieu fit périr le monde par l'eau, en lesubmergeant pour y éteindre l'ardeur de laconcupiscence ; dans [279] le jugement dernier,au contraire, il fera périr le monde par le feu, en

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l'embrasant pour punir le refroidissement de lacharité.

Lorsque les corps auront été réduits encendres, les morts ressusciteront afin que le Jugesuprême rende à chacun ses œuvres. Puisquechacun mérite ou démérite à l'aide de son âme etde son corps, il est juste qu'il soit récompensé oupuni en ces deux parties de lui-même. Aussi tousles hommes, bons ou méchants, ressusciteront enmême temps, mais non point de la mêmemanière. Plus les justes auront acquis de méritesconsidérables ou nombreux, plus aussi leurs corpsseront beaux et brillants. Les petits enfants eux-mêmes auront des corps sept fois plus éclatantsque le soleil l'est maintenant ; les autres personnesdix, cent ou mille fois plus saintes qu'eux auronten conséquence des corps dix, cent ou mille foisplus lumineux ; et comme Notre-Seigneur estinfiniment plus saint que tous les autres, soncorps aussi sera infiniment plus lumineux. Lesréprouvés, au contraire, ressusciteront avec uncorps difforme et passible, si affreux et sirepoussant que leur âme contrainte de lereprendre frémira d'horreur en le voyant ; ellepréférerait même le retrouver dans l'état où il étaitquand les vers avaient déjà commencé à le ronger.Tous cependant, tant les bons que les méchants,ressusciteront avec des corps incorruptibles etcomplets, dans leur intégrité naturelle, sansretranchement d'aucun membre, et dans leur

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stature convenable, selon la mesure de l'âgeparfait de Jésus-Christ ; mais les bons seulsposséderont une impassibilité absolue et uneimmortalité glorieuse. Saint Augustin dit à cepropos (De Civit. Dei, lib. 22, c. 15) « Si Jésus-Christ est ressuscité en la même stature qu'il estmort, on ne peut supposer qu'au jour de larésurrection [280] générale sa taille sera plus hautede manière à égaler celle des plus grands. On nepeut supposer non plus que tous les corps, ceuxdes plus grands comme ceux des plus petits,doivent être réduits à la taille du Sauveur ; caralors beaucoup de corps perdraient de leur statureantérieure, et pourtant le Seigneur lui-même adéclaré que nous ne perdrions pas même uncheveu de notre tète. Reste donc à penser quechacun reprendra la taille qu'il avait en sajeunesse, s'il est mort vieux, ou qu'il aurait eue àcet âge, s'il n'était pas mort auparavant. Aussisaint Paul (Ephes. IV, 13), dit que nous parviendronstous à la mesure, non point de la taille même, maisde l'âge parfait de Jésus-Christ ; par conséquent lesmorts ressusciteront dans la vigueur de lajeunesse à laquelle Jésus-Christ est arrivé, commenous le savons. » Ainsi s'exprime saint Augustin.

La résurrection, en laissant aux corps leurnature, corrigera dans elle trois sortes de vices,elle en fera disparaître les défauts, tels que ceuxdes membres tronqués ou mutilés, puis lessuperfluités comme celles des ongles ou des

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cheveux, et les altérations ou anomalies dans laconstitution et la forme des différents organes.Après la résurrection, les corps seront les mêmesqu'avant leur mort, c'est-à dire qu'ils serontformés de la même matière ; ainsi, en quelque lieuque leur poussière ait été dispersée par les vents,elle sera réunie par la volonté divine à la mêmeâme qui leur communiquera la vie commeprécédemment. Les corps qui avaient été réduitsen cendres ressusciteront de la sorte non-seulement avec leurs principaux membres, maisencore avec les parties accessoires qui, comme lescheveux, leur servaient d'ornements ; c'est-à-direqu'ils ressusciteront avec leur nature propre dansson intégrité et sa beauté spéciales. Cetterésurrection générale se fera, comme [281] ledéclare saint Paul (1 Cor. XV, 52) en un seulinstant, en un clin d'œil, au son de la dernière trompette,c'est-à-dire au bruit de la grande voix qui retentiradans l'univers entier à ce moment suprême. Eneffet, selon la parole même du Seigneur (Matth.XXV, 6) un grand cri s'est fait entendre au milieu de lanuit, lorsque tous les hommes étaient ensevelisdans le sommeil de la mort : Voici l'Époux quivient ; sortez à sa rencontre. Cette voix puissante seracelle de l'Archange dont parle l'Apôtre (I Thes. XV, 15), ou bien celle de Jésus-Christ lui même quiapparaîtra soudain d'une manière imprévue, enordonnant aux morts de quitter leurs sépulcres.Ce signal éclatant de la volonté suprême est

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justement appelé la trompette de Dieu (Ibid.) ; car leFils de Dieu viendra sonner la victoire définitivequ'il remportera sur ses ennemis, en appelant tousles hommes devant son tribunal redoutable.

Aussitôt après la résurrection, le jugementaura lieu dans cette vallée de Josaphat, dont lenom signifie jugement de Dieu. Elle est située versl'orient, entre la ville de Jérusalem et le mont desOliviers, dans le pays très-célèbre que Dieu arendu pour ainsi dire commun à toutes lesnations, en y accomplissant l'œuvre de notrerédemption au milieu de la terre. C'est aussi là quetous les impies seront rassemblés pour y êtrecondamnés. Les justes ne descendront point encette vallée ; mais, comme l'assure saint Paul (IThes. IV, 16), ils seront emportés sur les nues pour allerau-devant du Seigneur dans les airs. Car Jésus-Christne descendra point jusqu'à terre ; mais environnéde toutes les armées célestes, il placera son trônedans l'air par dessus cette montagne des Oliviers,d'où il s'est élevé à la droite de son Père au jourde son Ascension. Les impies alors glacés d'effroine verront partout que des sujets de [282]terreur : sur leurs têtes, un juge irrité, prêt à leschâtier ; à leurs pieds, un gouffre béant prêt à lesengloutir. Intérieurement, ils seront déchirés parles remords de leurs consciences coupables ;extérieurement, ils seront entourés par les ruinesdu monde embrasé. D'un côté, leurs péchés lesaccuseront ; et de l'autre, les démons les

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réclameront comme leur proie. De toutes part, lesbons Anges les précipiteront dans les abîmes del'enfer où les attireront les esprits mauvais. Tousles Saints qui seront présents approuveront lasentence du Juge ; et tous les méchants en mêmetemps que les bons connaîtront les crimes desdamnés. Jésus-Christ, aimable pour les justes,paraîtra si terrible pour les pécheurs que, dansleur effroi et leur désespoir ils diront aux montagneset aux rochers : Tombez sur nous, et dérobez-nous auxregards de Celui qui est assis sur le trône et à la colère del'Agneau (Apoc. VI, 16). Afin de convaincre lescoupables de leur ingratitude, il leur montrera lesmarques des blessures qu'il a reçues pour eux ;puis il fera briller à leurs yeux les instruments desa douloureuse Passion, la croix, les clous, la lanceet la couronne d'épines.

Sans doute la sainte Trinité tout entièrejugera le monde avec une autorité absolue ;néanmoins Jésus-Christ seul, investi d'unejuridiction déléguée en tant qu'homme,prononcera la sentence. Ne faut-il pas, en effet,qu'un juge soit vu de tous ceux qu'il doit juger ?Or, au jour du jugement, le Seigneur, en tant queDieu, ne se rendra point visible à tous leshommes assemblés, parce que tous alors seraientbienheureux ; car la béatitude parfaite consistedans cette vue de la divinité, qui est promiseexclusivement aux cœurs purs. Voilà pourquoiDieu le Père a remis tout pouvoir judiciaire à

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Jésus-Christ, en tant qu'homme, afin que tous,[283] bons et méchants, puissent l'apercevoir deleurs yeux corporels (Joan. V, 22 et 27). SaintAugustin dit à ce propos (Serm. 64 de VerbisDomini) « Jésus-Christ jugera le monde en cettemême nature que le monde l'a jugé lui-même ; etc'est ainsi qu'il condamnera justement ceux quil'auront injustement condamné. Si le jugementdernier n'avait lieu que pour les justes, Jésus-Christ s'y montrerait avec sa divinité pour leurplus grande consolation ; mais comme cejugement aura lieu également pour les impies,auxquels ce bonheur doit être refusé, le Seigneurs'y manifestera seulement dans son humanité,pour être vu tout à la fois de ceux qu'ilrécompensera et de ceux qu'il réprouvera. »

Alors les élus seront rangés à la droite et lesréprouvés à la gauche du souverain Juge. Parmiles élus, les uns seront sauvés sans être jugés ; lesautres seront jugés et néanmoins sauvés. Lespremiers sont les Chrétiens parfaits qui, sejugeant eux-mêmes avec rigueur, ne se serontpoint contentés d'observer les préceptesnécessaires, mais se seront en outre appliqués àpratiquer les conseils évangéliques etspécialement la pauvreté volontaire. C'est à euxque Jésus-Christ dit autrefois en s'adressant à sesApôtres (Matth. XIX, 28) Quant à vous qui, ayanttout quitté, m'avez suivi, lorsqu'au jour de larégénération le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa

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majesté, vous serez pareillement assis sur douze trônespour juger les douze tribus d'Israël. Ces ferventsdisciples jugeront les autres hommes enapprouvant et confirmant la sentence que lesouverain Juge a seul le droit de porter ou deprononcer. Ils seront placés dans un lieu éminentavec Jésus-Christ, dont ils seront les glorieuxassesseurs ; les méchants au contraire resterontabaissés sur la terre qu'ils ont tant [284] aimée. –Les autres élus seront les Chrétiens moins parfaitsqui néanmoins se seront efforcés de laver lessouillures de leur vie dans les larmes de lapénitence, et de réparer les désordres de leurconduite par les œuvres de miséricorde, pourcouvrir ainsi le mal par le bien aux yeux du Jugesuprême. Aussi il leur dira (Matth. XXV, 34, 36) :Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; possédez leroyaume qui vous a été préparé dès le commencement dumonde. Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ;j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'ai eu besoin delogement, et vous m'avez accueilli ; j'ai été nu, et vousm'avez revêtu ; j'ai été malade, et vous m'avez visité ; j'aiété en prison, et vous êtes venus me voir.

Parmi les réprouvés, les uns seront jugés etcondamnés ; les autres ne seront point jugés etnéanmoins seront condamnés. Les premiers sontles Chrétiens lâches qui, négligeant de conformerleur conduite à leur foi, auront cru les mystères dela religion sans pratiquer les œuvres demiséricorde. C'est contre eux que le souverain

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Juge portera cette terrible sentence (Matth. XXV,41-44) Retirez-vous de moi, vous qui êtes maudits ; etallez au feu éternel, qui a été préparé pour le diable etpour ses anges. Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pasdonné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donnéà boire ; j'ai eu besoin de logement, et vous ne m'avezpoint accueilli ; j'ai été nu, et vous ne m'avez point revêtu ;j'ai été malade et prisonnier, vous ne m'avez pointcependant visité. – Les autres réprouvés sont lesincrédules qui auront refusé d'embrasser la foichrétienne, ou qui après l'avoir reçue, l'aurontabandonnée en se rendant coupables d'apostasie.C'est en parlant d'eux que Notre-Seigneur a ditQuiconque ne croit pas est déjà jugé (Joan. III, 18) ;saint Paul ajoute : Ceux qui ont [285] péché sansavoir reçu la loi périront sans être jugés par la loi ; etle Psalmiste déclare que les impies ne ressusciterontpoint pour le jugement, mais pour le châtiment (Ps. I,5). « Ainsi, comme le fait remarquer Pierre-le-Chantre, il n'y aura point de discussion etd'examen pour celui qui, manquant de foi, n'aurapoint reconnu Jésus-Christ comme son propreRoi ; ne voulant point être serviteur de Dieu, ilsera nécessairement l'esclave du démon ; et, sansqu'il faille une sentence préalable, il sera précipitédans les flammes éternelles. Celui qui reconnaîtau contraire Jésus-Christ pour son Roi, sera citécomme son sujet ; et sa cause sera débattue avantque sa condamnation soit prononcée. » « Eneffet, dit saint Grégoire (Moral. lib. 26, cap. 25) le

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prince qui gouverne un état ne punit pas de lamême manière le citoyen du dedans qui commetquelque délit et l'ennemi du dehors qui attaqueson pouvoir ; il consulte les lois qu'il a portéesavant de châtier le premier, mais non point avantde combattre le second. »

Le jugement dernier ne durera paslongtemps, parce que les mérites ou démérites desuns et des autres seront en même temps discutéset discernés ; car le livre de vie sera ouvert, c'est-à-dire que toutes les consciences seront dévoiléespubliquement. Les dispositions de tous, quiétaient auparavant secrètes, seront manifestéesaux yeux de tous avec une certitude si évidentequ'il ne restera plus aucun moyen de s'excuser nide se défendre ; nul ne pourra éluder ou récuser lasentence de la vérité que Jésus-Christ prononcerasuivant l'aveu même de la conscience coupable.Par un effet de la toute-puissance divine, dit saintAugustin (de Civit. lib. 22), chacun rappelleradans sa mémoire et verra dans un instant tout lebien ou le mal qu'il aura fait, et il se- rendratémoignage à lui-même sans pouvoir [286] userde dissimulation. Alors se fera la séparation desbons et des méchants, en sorte que tousrecevront selon leurs œuvres la gloire oul'ignominie, les récompenses ou les peineséternelles. D'après saint Augustin (loc. cit.), lenombre des hommes sauvés égalera celui desanges déchus ; mais, d'après saint Grégoire, il y

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aura autant d'hommes élus qu'il y a d'angesfidèles. Suivant quelques interprètes, la Jérusalemcéleste comprendra comme une double enceintede personnes, l'une formée par les anges et l'autrepar les hommes ; les vierges répareront lesbrèches que les démons ont faites à la première,et la seconde contiendra autant d'hommes sauvésque l'autre renfermera d'anges et de vierges réunisensemble.

Réfléchissons souvent au dernier avènementdu souverain Juge. Cette pensée fréquente, nouspénétrant d'une crainte salutaire, nous pressera depleurer les fautes passées et nous empêchera decommettre de nouveaux péchés. Imitonsl'exemple de saint Jérôme qui disait : Il me sembletoujours entendre retentir à mes oreilles le sonéclatant de la terrible trompette qui crie : Morts,sortez du tombeau et venez au jugement. Quandnous éprouvons quelque sentiment de joietemporelle, dit saint Grégoire (Hom. 11 inEvang.) ne perdons pas le souvenir dû jugementsuprême qui sera si rigoureux. Par laconsidération de ses conséquences éternellesexcitons-nous à la pratique des bonnes œuvres,afin que nous puissions paraître avec confiancedevant le tribunal de Jésus-Christ. C'est à quoinous exhorte saint Augustin (Serm. 67 detempore) en ces termes : « Ne vaut-il pas mieuxsouffrir maintenant de légères amertumes etsavourer un jour des douceurs inaltérables, que de

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goûter sur la terre quelques trompeusesconsolations, puis de subir dans l'enfer dessupplices sans fin ? Ô mes [287] très-chers frères,si nous nous rappelions continuellement lesimmenses bienfaits dont Dieu nous a combléssans aucun mérite de notre part, nous netomberions pas dans le péché, ou si par malheurnous y succombions, nous en sortirionspromptement par la pénitence. Qui pourrait eneffet, je ne dis pas raconter, mais simplementconcevoir toutes les attentions de Dieu à notreégard ? Quand nous n'existions point encore, ilnous a créés ; et lorsque ensuite nous périssions, ilnous a sauvés. Pour nous racheter, il a subi unemort douloureuse et il a versé son sang précieuxjusqu'à la dernière goutte. Afin de nous arracher àla mort éternelle, il n'a pas craint de descendrejusque dans les enfers ; il a même promis de nousrécompenser dans les cieux. Qui pourrait penser àtant de faveurs et à tant de grâces sans êtrepénétré d'amour et de reconnaissance pour un sibon Maître ? Ne rendons pas le mal pour le bien ;efforçons-nous, autant que nous le pouvons,d'accomplir ses volontés et de garder sescommandements, afin qu'ils soient pour nous unecause de justification et non point decondamnation. Car hélas ! mes frères, quedeviendrons-nous au jour formidable dujugement dernier, lorsque les Anges, sonnant dela trompette fatale, convoqueront le monde

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effrayé devant le tribunal suprême ? Tous leshommes, sortant de leur commune poussière,viendront rendre compte de leur vie passée,d'après le témoignage sincère de leur propreconscience, pour recevoir la rétribution du bienqu'ils auront produit ou la punition du mal qu'ilsauront commis. Assis alors sur un trône de gloire,le souverain Juge, environné des célestesphalanges, oubliera sa miséricorde pour neconsulter que sa justice ; et il reprochera auxpécheurs l'ingratitude avec laquelle ils ontméconnu sa bonté. » [288]

« Ô homme, dira le Seigneur à chaquecoupable, de mes propres mains j'ai formé dulimon ton corps que j'ai uni à une âmeraisonnable ; puis, après t'avoir créé à mon imageet à ma ressemblance, je t'ai placé dans un jardindélicieux. Mais bientôt méprisant mes ordressalutaires, tu as préféré à la voix de ton Dieu celled'un perfide séducteur. Chassé du paradisterrestre, tu languissais sous l'esclavage inévitablede l'ennemi infernal, lorsque, pour t'en délivrer, jesuis descendu dans le sein d'une Vierge, où, sansvioler son intégrité, je me suis revêtu de ta nature.Né dans une étable, j'ai été déposé dans unecrèche et enveloppé de langes comme le pluspauvre et le plus chétif des enfants ; je me suisassujetti à toutes les infirmités et misères del'humanité, afin que, me rendant semblable à toi,tu te rendisses semblable à moi. J'ai enduré

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volontairement les calomnies et les affronts, lessoufflets et les crachats ; j'ai été déchiré par lesfouets et couronné d'épines ; j'ai été abreuvé defiel et de vinaigre, accablé de coups et criblé deblessures ; enfin suspendu à un gibet infâme, j'aiexpiré dans les plus affreux supplices pour tesoustraire à des châtiments éternels. Regarde toi-même les marques des clous dont mes pieds etmes mains ont été percés ; considère mon côtéqui a été ouvert pour ton amour. J'ai ainsi voulusouffrir et mourir comme toi, afin que tu pussesparticiper à ma gloire et à ma félicité. J'ai aussi étécouché dans le sépulcre, afin que tu fusses exaltédans le ciel. Ingrat, pourquoi as-tu perdu les fruitsde ma Passion ? et pourquoi as-tu dédaigné cesgages de ta rédemption ? Je ne me plains pointprécisément de ce que tu as causé ma mort ; maisrends-moi ta vie pour laquelle j'ai sacrifié lamienne ; rends-moi ta vie que tu as détruite sanscesse par de nouveaux péchés. Pourquoi as-tusouillé par des vices honteux, par d'impuresvoluptés cette âme [289] que j'avais choisie pourma demeure, ce corps que j'avais consacrécomme mon temple ? Par tes crimes réitérés,chaque jour tu m'as crucifié plus indignement queje ne l'avais été autrefois par les mains desbourreaux ; car les nombreux outrages que tum'as fait subir sans profit pour toi m'étaient plusinsupportables que tous les tourments que j'avaisconsenti à souffrir sur la croix pour toi.

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Quoiqu'impassible et immortel par nature, jem'étais rendu passible et mortel par miséricorde.Mais tu n'as point reconnu Dieu dans l'homme,tu as préféré ta perte à ton salut, tu as négligé taconversion durant ton pèlerinage, tu n'as pointdemandé pardon à ton Juge, tu n'as pointrecherché la grâce et la vie que je t'avais méritéespar ma Passion et par ma mort. Eh bien ! puisquetu n'as pas voulu recourir à la pénitence commeau remède efficace contre tous tes péchés, tu t'esrendu indigne d'échapper à la terrible sentenceque je vais prononcer contre les réprouvés. »Telles sont les paroles que saint Augustin metdans la bouche de Jésus-Christ.

Aussitôt le jugement terminé, le même feuqui avait embrasé le monde entier exécutera lafatale sentence ; car il enveloppera tous lespécheurs à la fois en les précipitant dans lesprofonds abîmes. Ainsi le feu le plus ardent non-seulement précédera mais encore accompagneraet suivra l'avènement du souverain Juge, qui enfera l'instrument de ses vengeances implacables.« En ce jour suprême, dit saint Grégoire (Hom. 2in Ezech.) lorsque notre divin Rédempteur,entouré des légions angéliques et assisté desvertus célestes, se montrera dans un formidableappareil, l'antique serpent, ce perfide ennemi dugenre humain qu'il a séduit, sera traîné captif enprésence de tous les élus, et il sera condamnédans la compagnie de tous les réprouvés qui [290]

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doivent partager dans l'enfer le supplice de leurchef ; car c'est contre lui et contre eux égalementque le Seigneur fulminera cet arrêt irrévocable :Retirez-vous loin de moi, maudits ! allez dans les flammeséternelles qui ont été préparées pour le diable et pour sessuppôts (Matth. XXV, 41). Oh ! de quel spectacleles élus seront témoins, quand, de leurs propresyeux, ils considéreront cette bête très-cruelle quileur eût inspiré une trop grande frayeur, s'ilsl'avaient vue au temps de la lutte. Par une secrètedisposition de la Providence divine, ceux quimaintenant, avec le secours de la grâce, ont lecourage de combattre ce monstre horriblepeuvent le vaincre sans l'apercevoir ; mais un jourceux qui auront eu le bonheur d'en triompherpourront l'apercevoir sans le redouteraucunement. Alors aussi les justes reconnaîtrontavec évidence qu'ils sont redevables de leurdélivrance à la protection que le Seigneur a daignéleur accorder ; car en remarquant la force de cedragon furieux qu'ils ont terrassé malgré lafaiblesse de leur propre nature, ils comprendrontque, sans le secours d'un puissant défenseur, ilsn'auraient pu échapper à la férocité d'unadversaire aussi supérieur. » Ainsi parle saintGrégoire.

« Après le jugement, dit saint Augustin (Serm.67 de tempore) Jésus-Christ triomphantemmènera tous les justes pour qu'ils demeurentperpétuellement avec lui comme les membres

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avec leur chef ; et à leur tête, il ira présenter auPère céleste, comme une conquête illustre, lesélus qu'il a rachetés par son sang précieux.Jusque-là il n'avait montré à tous les hommes quesa forme humaine, visible pour les damnés eux-mêmes ; mais alors il manifestera son essencedivine aux seuls élus. « Quand tous les impiesauront disparu comme indignes de contempler lagloire infinie du [291] Très-Haut, alors, dit saintAnselme (in Matth.), se formera cette admirableprocession, dans laquelle tous les Saints serontrangés selon leurs mérites particuliers parmi lesdifférents ordres des esprits bienheureux. Tous,composant un même corps avec Jésus-Christ,s'élèveront joyeux à sa suite vers le trône del'Éternel pour prendre possession du royaume quileur a été destiné dès le commencement dumonde ; à partir de ce moment Dieu régnera eneux et ils régneront en Dieu pendant tous lessiècles des siècles. »

Lorsque tous les pécheurs auront été bannis àjamais de la terre et relégués dans l'enfer, lemonde visible sera parfaitement purifié etrenouvelé ; car le feu très-intense qui l'embraseratout entier produira ce double effet sur les diverséléments. D'abord il les épurera, en lesdébarrassant de combinaisons grossières et depropriétés malfaisantes ; puis il les restaurera, enleur procurant plus d'éclat et de subtilité. Leséléments, fondus et dissous par l'extrême chaleur,

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seront raffinés et éclaircis comme l'or et l'argentqui ont passé par le creuset dans une fournaiseardente. C'est ce que l'on doit conclure desparoles remarquables de saint Pierre (II Ep. III,10-13). – Toutefois les corps célestes, n'ayant pasbesoin d'être purifiés comme les corps terrestres,seront simplement renouvelés par le feu général,de telle sorte qu'ils perdront leur mobilitécontinuelle et qu'ils acquerront une clarté plusparfaite. La raison de cette double modification,c'est que les corps célestes ont été disposésoriginairement de deux manières pour l'usage del'homme, et d'abord pour la nécessité de l'état oùil est soumis aux lois de la génération et de lamortalité. Par conséquent, lorsque cet état del'homme cessera, le mouvement du ciel cesseraaussi ; car le déplacement et le changementsuccessif des corps et des éléments n'ont été [292]ordonnés que pour rendre complet le nombre desélus. Donc après le jugement général, quand cenombre sera complet, il n'y aura plus nichangement ni déplacement, parce que toutmoyen devient inutile quand la fin est pleinementatteinte. Le mouvement du ciel ayant cessé, letemps qui en est la suite cessera pareillement,selon cette parole de l'Apocalypse : Tempus non eritamplius (X, 6). Delà vient que le dernier jour seracelui de la résurrection commune, comme Job l'areconnu en disant : Et in novissimo die de terrasurrecturus sum (XIX, 25). En outre, les corps

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célestes ont été faits pour l'ornement de lacréation, afin que le spectacle de leur beautéélevât l'homme à la connaissance de Dieu. C'estpourquoi leur lumière, au lieu de cesser, ne devraqu'augmenter après le jugement ; car tous lesastres, qui précipitent maintenant leur course sanss'arrêter un instant, finiront par trouver un repospermanent, quand ils seront revêtus d'unesplendeur ineffable. C'est alors, dit Haymon (inMatth.), que s'accomplira cet oracle d'Isaïe (XXX,26) : La lumière de la lune égalera celle du soleil, et lalumière du soleil sera septuplée comme celle de sept joursensemble.

Ainsi, comme Jésus-Christ le déclare (Matth.XXIV, 35) le ciel et la terre passeront, non pointtoutefois quant à leur substance, mais quant à leurforme. Nous ne croyons pas, dit saint Augustin(de Civit. lib. 20, c. 15), que le ciel et la terreseront détruits absolument, mais plutôt qu'ilsseront parfaitement rétablis ; car c'est la figure dumonde, et non point sa substance, qui doit périr.Suivant l'explication que donne saint Grégoire(Moral. lib. 17, c. 5), le ciel et la terre perdrontl'image ou l'apparence extérieure qu'ils ontmaintenant, mais ils conserveront éternellementleur essence ou nature intrinsèque. Voilàpourquoi le [293] Psalmiste disait au Seigneur (Ps.CI, 28) : Vous les changerez comme un vêtement, et ilsseront changés. Par conséquent, ils ne seront pointanéantis, mais bien transformés. Aussi, comme

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l'atteste le Prince des Apôtres (II Pet. III, 13) nousattendons de nouveaux cieux et une nouvelle terre, selonque le Seigneur l'a promis, en disant par la bouched'Isaïe (LXV, 17) : Voilà que je crée des cieuxnouveaux et une terre nouvelle. – Trois raisons nousfont comprendre pourquoi le monde matérieldoit être renouvelé et amélioré. 1° « Comme ilfaut que les éléments soient purifiés après avoirété infectés par le péché de l'homme coupable, ilfaut aussi qu'ils soient renouvelés pour laglorification de l'homme justifié, afin de participerà sa réhabilitation définitive. 2° Il faut aussi quetoutes les créatures physiques soientrécompensées des services nombreux qu'elles ontrendus à l'homme, en l'aidant à opérer son salut età honorer leur Auteur. 3° Comme l'univers entierest destiné à nous représenter la majesté divine, ilfaut que ce grand miroir aujourd'hui détérioré soitenfin réparé pour mieux refléter les perfectionsdu Créateur. Toutefois cette restauration dumonde ne sera point une nécessité, afin que nousacquérions la connaissance de Dieu par le moyendes créatures, comme maintenant ; mais elle seraun agrément, afin que la délectation causée par lavision sensible vienne se joindre à la béatitudeproduite par la vision intellectuelle de la divinité.

Prière.O Jésus, Sauveur débonnaire, qui avec une

patience miséricordieuse attendez monamendement, faites qu'en ce monde je m'examine

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et me condamne moi-même comme [294] unmisérable pécheur ; puis accordez-moi la grâced'éviter tout ce qui vous déplaît et d'accomplirtout ce qui vous plaît. Qu'ainsi vous devenantagréable, je mérite d'être rangé à votre droiteparmi les bienheureux élus au jugement dernier ;et qu'alors vous trouvant favorable, je puisseobtenir le royaume réservé à vos fidèlesserviteurs, afin de jouir éternellement de votreaimable présence, ô Jésus très-clément, l'uniqueobjet de mes affections et de mes désirs, vous quidevez être ma récompense et ma vie. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXVIII. DU CIEL ET DE L'ENFER.

Le jugement dernier sera suivi des joies duciel et des peines de l'enfer, qui les unes et lesautres dureront toute l'éternité.

Quant aux réprouvés d'abord, comme leurscrimes ont été différents, leurs supplices le serontaussi. Sur la terre, le pécheur se détourne duCréateur pour s'attacher à la créature, il néglige lebien suprême pour rechercher quelque futileplaisir, et il abandonne la droite raison poursuivre sa volonté déréglée ; pour ces divers motifsil sera châtié de diverses manières. Ainsi, parcequ'il s'éloigne du Créateur, il sera privé de lavision béatifique ; parce qu'il se prostitue à lacréature, il sera tourmenté par un feu matériel ;parce qu'il se passionne pour de faux biens et qu'il

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s'abandonne [295] à des inclinations vicieuses, ilsera livré à de nombreuses afflictions et accabléde maux très-cruels. Les damnés en effetressentiront tous les excès du froid et de lachaleur ; ils seront environnés de ténèbres et defumée ; au milieu des serpents et des dragons, ilsentendront les insultes et les menaces de leursaffreux bourreaux, les plaintes et lesgémissements de leurs criminels associés ; sanscesse, ils seront infectés par l'odeur du soufre,rongés par le ver de leurs consciences, déchirés deremords et couverts de confusion à cause de leursinfâmes désordres dévoilés à tous les yeux ;prisonniers et enchaînés, ils seront en proie à lafaim et à la soif, à toutes les privations et anxiétés,à l'envie et à la rancune, à la fureur contre eux-mêmes et contre les autres, et tout cela sansaucun espoir de salut ni de consolation. Ils severront les uns les autres, non point pour sesoutenir mutuellement, mais pour se tourmenterréciproquement. Selon saint Grégoire (Moral. lib.IX, c. 48), les flammes qui les brûleront leséclaireront en même temps de manière àaugmenter leur supplice, au lieu de l'adoucir ; cardans ceux qui sont maintenant les objets de leurscoupables affections, ils reconnaîtront lescompagnons de leurs propres châtiments ; etalors ils sentiront leurs peines aggravées, en lesvoyant imposées pareillement à ceux qu'ils ontpréférés à Dieu. A la lueur sinistre de l'immense

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incendie qui les enveloppera, dit saint Isidore, lesmisérables damnés n'apercevront rien qui puisseles soulager et qui ne doive au contraire lesaffliger davantage. Aussi, d'après saint Jérôme,leurs douleurs seront si violentes qu'ellesabsorberont toutes leurs pensées.

L'existence même, dont toutes les créaturessont si jalouses, paraîtra insupportable auxmalheureux réprouvés, et ils désireront vivementleur destruction qu'ils n'obtiendront [296] jamais ;car ceux qui ont offensé Dieu jusqu'à leur derniersoupir seront punis durant toute l'éternité.« N'est-il pas juste, dit encore saint Grégoire(Moral. lib. IV, c. 44), qu'après avoir voulu péchertoujours, ils soient condamnés à souffrirégalement toujours ? Et puisqu'ils ont refusé demettre un terme à leurs crimes, n'est-il paséquitable qu'ils ne puissent trouver un terme àleurs supplices ? En effet, les impies obstinés necessent de pécher que parce qu'ils cessent devivre ; et ils consentiraient à vivre sans fin, s'ilétait possible, pour pêcher aussi sans fin ; carceux qui ne craignent pas de mourir dansl'impénitence montrent qu'ils souhaitent rester àjamais en cet état. C'est donc avec raison queDieu inflige des châtiments perpétuels auxcoupables endurcis. » Suivant la maxime de saintAugustin (de Civit. l. XXI, c. 12), l'hommedépravé qui fait périr en lui-même le biensouverain qu'il pouvait posséder éternellement est

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digne de subir éternellement le souverain mal.C'est pourquoi si un damné versait seulementchaque jour la moindre larme, dans la suite dessiècles ces larmes quotidiennes finiraient parremplir tous les vases de ce monde ; que dis-je ?elles rempliraient tous les fleuves et toutes lesmers avant que ses peines fussent terminées. Ôépouvantable éternité de cruelles souffrances !Pensons-y sérieusement ; efforçons-nouspromptement de prévenir de si terribles malheurs,tandis que nous en avons le loisir et le pouvoir.Ah ! si un seul de tous ces instants que nousperdons avec tant d'indifférence sur la terre étaitlaissé à la disposition de quelque réprouvé,comme il s'empresserait d'en profiter pour fairepénitence ! Mais hélas ! par un juste jugement, cetespoir même d'obtenir le moindre moment ne luiest pas accordé. Pour nous former quelque idéede cet affreux état, nous sommes forcés derecourir à des [297] hypothèses purementimaginaires. Supposons, par exemple, une meulede moulin assez étendue pour occuper toute lacirconférence des cieux ; si, tous les cent milleans, un petit oiseau venait détacher de cette masseune parcelle égale à la dixième partie d'un grain demillet, en sorte qu'au bout d'un million d'années ilen eût ôté la grosseur d'un grain entier, eh bien !les damnés seraient consolés s'ils pouvaientpenser que leurs maux cesseraient enfin quand

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cette meule serait entièrement détruite ; mais,hélas ! cette espérance même leur est refusée.

La plus grande peine des damnés c'est laséparation éternelle de Dieu ; cet éloignement dubien suprême les afflige plus que la douleur detous les autres maux. « Plusieurs ignorants dit S.Chrysostôme (Hom. XLVII ad pop. Antioch.)s'imaginent qu'il leur suffirait d'éviter les flammesde l'enfer ; pour moi je crois qu'il importe encoredavantage de ne point perdre les joies du ciel. Lasimple pensée d'être exclus à jamais du bonheurinfini préparé pour les Saints cause aux réprouvésun regret si déchirant qu'elle les rendraitsouverainement malheureux, lors même qu'ilsseraient exempts de toutes les souffrancesextérieures ; car cette douleur est la plus cruellequ'on puisse concevoir. Beaucoup d'hommescependant ne considèrent et ne craignent que lapeine sensible du feu, comme si elle était la seuleou la principale ; assurément elle est horrible etintolérable ; néanmoins elle est toujours jointe àune peine spirituelle, beaucoup plus amère et plusintense ; car celui qui est brûlé dans l'enfer est enmême temps chassé du ciel sans retour. Or riende plus navrant et de plus lamentable que d'êtrebanni perpétuellement de la bienheureuse patrieet de la gloire céleste, d'exciter la colère et lavengeance de notre bon Sauveur, de l'entendrefulminer contre [298] nous une funeste sentence,de le voir détourner de nous son adorable visage,

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et de sentir que notre présence lui estinsupportable. Fils unique du Très-Haut, nepermettez pas que nous éprouvions un si affreuxsupplice ! » Selon S. Augustin pareillement (deCivit. XXII), il n'y a point de malheur comparableà celui d'être repoussé par Dieu même de sonroyaume et de sa société, d'être privé de sabéatitude et de sa vie. Mais direz-vous peut-être,si la peine la plus grave est de ne pas jouir deDieu parfaitement, comment le même S.Augustin a-t-il pu dire que les petits enfants mortssans avoir été baptisés sont soumis à une peinetrès-douce ? On répond que cette soustraction dusouverain bien peut être considérée en deuxconditions différentes, selon qu'on a ou qu'on n'apas la conscience de l'avoir méritée par sa proprefaute : dans le premier cas cette peine est la plusaccablante, et dans le second elle est très-mitigée,comme il arrive pour les petits enfants qui n'ontpas été baptisés avant de mourir. Malheur donc ànous si nous oublions les châtimentsépouvantables réservés aux pécheurs dans lesenfers et si indifférents à notre salut nous nousexposons de gaieté de cœur à la damnation !

Parlons maintenant des joies du ciel ; ellessont si nombreuses, si étendues, si excellentes quepersonne en ce monde ne saurait ni les compter,ni les expliquer, ni les concevoir ; car, suivant letémoignage de l'Apôtre (I Epist. ad Cor. II, 9)l'œil n'a jamais vu, l'oreille n'a jamais entendu, le cœur de

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l'homme n'a jamais compris ce que Dieu a préparé pourceux qui l'aiment. Les Saints trouveront de touscôtés des sujets continuels de jubilation : au-dessus d'eux, dans la vision intuitive du Seigneur ;au-dessous d'eux, dans la beauté physique descréatures matérielles ; [299] au-dedans d'eux-mêmes, dans la glorification complète de leur âmeet de leur corps ; autour de leur personne, dansl'harmonieuse réunion des Anges et des hommes.Chacun se réjouira du bonheur d'autrui commedu sien propre. Tous se connaîtront intimementles uns les autres, de manière à pénétrermutuellement leurs pensées ; car selon S.Grégoire (Dial. Lib. IV), nul sentiment ne seracaché pour les élus. La considération desrécompenses des justes excitera leur jubilation,tandis que la connaissance des supplices desdamnés augmentera leur reconnaissance enversCelui qui les a préservés d'un semblable malheur.Au ciel, nous verrons Dieu en lui-même, en nouset dans les créatures ; nous verrons aussi lescréatures en Dieu, comme nous nous verrons enlui. Ainsi, suivant l'expression de l'Apôtre (I Cor.XV, 28), Dieu sera tout en tous ; c'est-à-dire, d'aprèsl'explication de S. Augustin (de Civit, l. XXII, c.30), tous trouveront en Dieu tout ce qu'ilsdésirent, la vie, le salut, l'honneur, la paix avectous les autres biens. Selon st Grégoire (Moral. l.XVIII, c. 19) la beauté de Dieu est si merveilleuseque les Anges eux-mêmes, ces esprits d'un éclat si

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ravissant, ne cessent de l'admirer toujoursdavantage, sans se lasser jamais. En outre, selonS. Augustin (loc. cit.), nos sens intérieurs serontrassasiés par la contemplation de la divinité, etnos sens extérieurs par la présence de l'humanitéde Jésus-Christ ; car il s'est incarné pour béatifierl'homme tout entier. Dieu donc, devant êtrel'objet de tous nos sens, les remplira d'unedélectation spirituelle ineffable. Il sera pour lesyeux plus transparent qu'un miroir, pour l'ouïeplus mélodieux que la harpe, pour le goût plussuave que le miel, pour l'odorat plus exquis quetout parfum et pour le tact plus charmant quetoute fleur. Au ciel encore seront réunis tout à lafois les [300] splendeurs de l'été, les agréments duprintemps, l'abondance de l'automne et le reposde l'hiver ; on y jouira de la béatitude complètequi, d'après S. Augustin (Lib. de Vita beata),consiste en deux choses indispensables, lapossession de tous les biens et l'absence de tousles maux. Enfin, comme s'accordent à leproclamer ces deux illustres docteurs, S. Augustin(de Civit. I. XXII) et S. Grégoire (Moral. l. XVIII,c. 19), le ciel renferme tant de merveilles et deperfections, procure tant de bonheur et de gloireque, dût-on n'y demeurer qu'un seul Jour, pour yparvenir on devrait sacrifier des joursinnombrables, passés en ce monde parmi tous lesplaisirs et toutes les richesses de la terre. Aussi, cen'est point sans juste raison que le Prophète

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s'écriait tout transporte d'admiration : Ô monDieu, un seul jour dans vos tabernacles vaut mieux quedes milliers d'autres jours partout ailleurs ! (Ps.LXXXIII, 11.)

Cette vie éternellement bienheureuse consistesurtout dans les qualités glorieuses dont serontrevêtus le corps et l'âme. Trois prérogatives del'âme constituent la récompense essentielle desjustes, savoir : la claire connaissance qui succéderaà la foi ; la pleine jouissance qui succédera àl'espérance ; et la dilection consommée ou charitéqui, au lieu d'être détruite comme l'espérance et lafoi, sera élevée à son suprême degré. Quatreprérogatives du corps forment la récompenseaccidentelle des justes, savoir : la clarté,l'impassibilité, la subtilité et l'agilité.

La première prérogative de l'âme glorifiée estla claire connaissance ou vision intuitive, parlaquelle les élus contemplent l'essence divine danstoutes ses perfections, sans pénétrer jusque dansses intimes profondeurs, parce qu'elle est infinie.Les uns et les autres la verront d'une façon plusou moins claire, selon qu'ils auront reçu unelumière [301] de gloire plus ou moins forte ; etcette différence viendra du côté des élus qui neseront pas également doués, mais non point ducôté de Dieu qui, à cause de sa simplicité absolue,n'admet en lui-même aucune diversité. Or,relativement à la connaissance de Dieu, il y en atrois sortes, suivant que l'on croit son existence,

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que l'on voit son essence, et que l'on comprendson infinité. I1 est connu de la première manièreen cet exil par les méchants eux-mêmes ; il seraconnu de la seconde manière dans la patrie par lesbons seuls, comme l'atteste st Jean, quand il dit :Nous serons semblables à lui, parce que nous le verronscomme il est en lui-même (I Ep. III, 2). Il ne peutêtre connu de la troisième manière ni par lesméchants ni par les bons, ni en cette vie ni enl'autre, mais par lui seul ; parce qu'aucun être finine peut comprendre dans ses conceptionsbornées l'Être infini d'une manière adéquate. – Laseconde prérogative de l'âme est la dilectionconsommée. Cette dilection ou charité n'est pas lamême en tant que vertu et en tant queprérogative : comme vertu, elle est cette qualitésurnaturelle qui rend les élus dignes d'être admis àl'état de gloire ; et comme prérogative, elle est undouaire excellent que le divin époux accorde àl'âme privilégiée au delà de ses propres mérites,en l'introduisant dans l'éternel séjour. Là, tandisque la foi et l'espérance cesseront, la charité necessera point ; mais elle changera de mode, en sedégageant de toute imperfection. En effet,comme l'explique saint Augustin (Serm. 53 detempore), la foi sera remplacée par la réalité quenous contemplerons, l'espérance par la béatitudeque nous obtiendrons ; mais la charité, bien loind'être remplacée, sera augmentée. – La troisièmeprérogative de l'âme est la pleine jouissance ou

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possession inamissible de la Vérité [302] qu'ellevoit clairement et de la Bonté qu'elle aimesouverainement ; car les élus qui embrassent ainsila Divinité comme l'unique objet de leurintelligence et de leur affection s'y attachent avecune complète satisfaction et avec une confianceassurée comme au bien suprême et éternel qu'ilsne perdront jamais.

Parmi les quatre prérogatives des corpsglorifiés, la première sera la clarté, qui peuts'entendre de deux manières. Ainsi l'on dit qu'unobjet est clair, soit quand il est transparentcomme le verre à travers lequel on aperçoit lesautres corps, soit quand il est brillant comme lesétoiles qui scintillent au firmament. Tout corpsglorifié réunira ces deux sortes de clarté, demanière qu'il sera diaphane et lumineux en mêmetemps. Chacun resplendira pour le moins septfois autant que notre astre du jour ; et l'âme,revêtue de son corps, étincellera sept fois encoreplus que lui à travers tous les membres, comme lesoleil à travers le cristal. La clarté des corpsglorieux ne sera pas égale pour tous, mais elle seraproportionnée en chacun à la sainteté des âmesbienheureuses auxquelles ils seront joints. – Laseconde prérogative des corps glorifiés seral'impassibilité ; elle procédera de la force mêmede l'âme qui, par sa puissance, dominera tellementle corps que nul objet extérieur ne pourra nil'altérer ni la blesser, en sorte que si un corps

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glorifié était placé en enfer il n'en ressentiraitaucun mal. – La troisième prérogative des corpsglorifié sera la subtilité ; produite par la victoirede l'âme sur la matière, cette qualité enlèvera aucorps la grossièreté provenant de la combinaisondes éléments qui le composent. Néanmoins, deuxcorps glorifiés, pas plus que s'ils n'étaient pointglorifiés, ne peuvent être simultanément en unmême lieu ; parce que si l'un pouvait agir et entrerdans l'autre, [303] celui-ci ne pourrait résister àcelui-là. Mais un corps glorifié peut bien êtresimultanément en un lieu avec un corps qui n'estpas glorifié ; car il peut le pénétrer, de manièreque l'un et l'autre conservent leurs dimensionsrespectives – La quatrième prérogative des corpsglorifiés sera l'agilité qui, comme la clarté, seraproportionnée à la sainteté des âmesbienheureuses. Selon S. Augustin (de Civit. l. 22,c, 30), l'agilité sera si grande que le corps seraaussitôt où l'âme le voudra ; car la nature seratotalement soumise à la volonté, de sorte que lecorps sera mu suivant l'impulsion de l'esprit.Toutefois, dans les Saints, la volonté sera toujoursconforme à la droite raison, de manière qu'ils nedésireront jamais rien d'inconvenant ni pour lecorps ni pour l'âme.

En outre, plusieurs Saints recevront uneauréole distinctive, qui consistera dans une joiespéciale de l'âme et dans une beauté particulièredu corps, à cause de quelque œuvre excellente et

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privilégiée, comme le martyre, la virginité et laprédication. Ainsi l'auréole qui resplendiraprincipalement dans l'âme rejaillira sur la chaircomme un reflet éclatant. Remarquons qu'il existeune différence notable entre la couronne,l'auréole et la palme. La couronne est la gloireessentielle qui répond à la charité comme à laracine du mérite ; cette récompense rendl'homme participant de la nature divine et parconséquent de la dignité royale ; aussi laperfection qu'elle suppose est figurée par la formeronde de la couronne. L'auréole est la gloireaccidentelle qui est décernée pour quelque œuvreexcellente aux martyrs, aux docteurs et auxvierges, comme l'indique ce vers latin :

Aureolam Martyr, Doctor, Virgoque meretur. [304]La palme est aussi une gloire accidentelle qui

est accordée pour quelque acte héroïque de lasimple volonté. Ainsi les serviteurs de Dieu qui,comme l'illustre saint Martin, ont désiré lemartyre, en obtiendront la palme, quoiqu'ils n'enaient pas souffert la peine, parce qu'ils n'ont pasété mis à mort par quelque persécuteur.

Parmi les biens que posséderont les élus S.Anselme en distingue sept pour l'âme et autantpour le corps (in I Ep. ad Cor.). Ceux du corpssont la beauté, la célérité, la force, la liberté, lasanté, la volupté et l'éternité. – « 1° La beauté desélus, dit l'illustre Docteur, égalera celle du soleilqui sera pourtant sept fois plus éclatante que

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maintenant ; aussi Jésus-Christ lui-même a dit(Matth. XIII, 43) Les justes alors brilleront comme lesoleil dans le royaume de leur Père. – 2° Leur céléritésera si grande qu'elle ressemblera à celle desAnges qui vont du ciel sur la terre et de la terre auciel aussi vite que la parole. Nous voyons unexemple de cette rapidité dans les rayons du soleilqui, dès le lever de cet astre à l'orient parviennentjusqu'aux extrémités de l'horizon à l'occident ; etpourtant il y a d'ordinaire moins de promptitudedans le mouvement des corps inanimés que danscelui des êtres animés. – 3° Les Saints serontdoués d'une force supérieure, au point que rien nepourra leur résister ; et tout ce qu'ils voudrontfaire changer d'état en le transportant ourenversant ne tardera pas à céder. Pour obtenir unpareil résultat, il ne leur faudra pas faire un plusgrand effort que nous n'en faisons pour remuernos yeux. Sous ce rapport comme sous les autres,ils seront tellement semblables aux Anges qu'ilsseront capables de produire les mêmes effets. –4° Ils jouiront aussi de la même liberté que lespurs esprits. Comme ceux-ci ne rencontrent rienqui les arrête, les embarrasse et les [305]contraigne, de manière qu'ils pénètrent tout très-librement comme ils le veulent ; ainsi leurscélestes concitoyens ne trouveront pointd'obstacle qui les retarde, point d'enceinte qui lesretienne, point, d'élément qui ne leur obéissefacilement. – 5° Quant à la santé des

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bienheureux, qu'y a-t-il de mieux à dire que cetteparole du Psalmiste : Le salut des justes vient duSeigneur (Ps. XXXVI, 39) ? Or quelle infirmitépourra jamais altérer la santé provenant d'un telprincipe ? On doit croire et affirmer qu'elle seracontinuelle et inviolable, au point de remplirl'homme entier d'une certaine douceur sensible etd'un bien-être ineffable ; car elle repoussera toutce qui présenterait quelque danger de vicissitudeou de lésion. – 6° Les bons seront enivrés d'unevolupté inestimable, et tous leurs sens serontpleinement rassasiés par une suave abondance ;car Dieu les comblera des richesses de sa maisonen les abreuvant au torrent de ses délices. – 7°Quand l'homme possédera ces avantages réunis,que pourra-t-il désirer en outre pour lasatisfaction de son corps, sinon ce que tous necessent de souhaiter, comme nous le savons,c'est-à-dire la perpétuité de la vie ? Or il estcertain que ce dernier avantage ne lui manquerapas ; car comme l'assure la Sagesse (V, 16) : Lesjustes vivront éternellement.

« Outre ces biens précieux pour le corps,continue saint Anselme, il en est d'autres nonmoins inappréciables pour l'âme qui les a goûtés.Ils sont également au nombre de sept : la sagesse,l'amitié, la concorde, la puissance, l'honneur, lasécurité, la joie. 1° Dans la vie éternelle, la sagessedes bons sera si grande qu'ils sauront tout cequ'ils voudront ; car rien ne leur sera caché de

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tout ce qui peut être découvert dans les œuvres deDieu, tant parmi les choses présentes que parmiles choses futures [306] de ce monde. Tous seconnaîtront les uns les autres ; et personnen'ignorera ce que chacun a fait durant la vie,comme aussi quelles furent sa patrie, sa nation, sarace. – 2° Leur amitié mutuelle sera tellementétroite qu'ils seront unis ensemble comme desmembres entre eux ; ils se regarderont touscomme formant un seul corps avec Jésus-Christ,leur chef commun, qui est l'auteur de la paix.Chacun donc aimera tous les autres comme soi-même. Il vous semble peut-être que votredilection sera à l'apogée quand vous serez en cetétat ; cependant regardez plus haut et contemplezCelui qui est pour vous le principe de cet amour.Vous remarquerez alors qu'il aura pour vousincomparablement plus d'affection que vous-même et que tous les autres ; aussi, avec unesuavité ineffable, vous aurez pour lui beaucoupplus d'affection que pour vous-même. – 3° C'estpourquoi entre tous régnera une telle concordeque vous ne trouverez en aucun d'eux unsentiment différent du vôtre sur quoi que ce soit ;car au ciel nous composerons tous l'Églisetriomphante, cette Épouse irréprochable deJésus-Christ. Entre nous donc il n'y aura pas plusd'opposition qu'il n'y en a maintenant entre lesdivers membres d'un même corps. Comme dansle mouvement des yeux, l'un se tourne

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immédiatement du même côté que l'autre, ainsidans la réunion des Saints toutes les volontésinclineront simultanément du même côté que lavôtre. Que dis-je ? La volonté divine elle-mêmene différera pas de la vôtre ; mais comme vousvoudrez les mêmes choses que Dieu, lui aussi nevoudra pas autre chose que vous ; car comment latête pourrait-elle ne pas s'accorder avec le corpsqui lui est complètement soumis ? – 4° Puisquetous les Saints dans le ciel seront en parfaiteharmonie de sentiments avec le souverain Maître,vous ne voudrez [307] assurément rien que vousne puissiez. Votre volonté sera toute-puissante dela sorte, parce qu'en toutes choses le Tout-Puissant lui-même s'y conformera. – 5° À cegrand pouvoir dont les élus seront investis nemanquera pas de correspondre un honneurconvenable. Lors donc que vous posséderezheureusement tous les biens que nous venons designaler, est-ce que vous ne serez pas satisfait ?Oui, sans doute, dites-vous. – 6° Que sera-cedonc quand vous jouirez de ces avantages duranttoute l'éternité, avec une pleine assurance de neles perdre jamais ? Trouvant alors une sécuritéperpétuelle, vous ne craindrez point que quelqueadversaire veuille vous causer quelque dommage.– 7° Mais comment un simple mortel sur la terrepourrait-il concevoir la joie immense quegoûteront les chœurs innombrables des élusréunis dans une commune béatitude, avec l'intime

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persuasion que chacun d'eux s'applaudit dubonheur d'autrui comme du sien propre ? Enoutre, se voyant aimé de Dieu qu'ils aimeront plusqu'eux-mêmes, et comprenant qu'il s'aime lui-même infiniment davantage, ils prendront part àsa gloire suprême dans un ravissement continuelde jubilation inénarrable. »

Saint Anselme ajoute : « Tandis que les élusseront comblés de biens inestimables, les damnésseront accablés de maux affreux. Ainsi la beauté,la célérité, la force, la liberté, la santé, la voluptérempliront les justes d'une vive allégresse, au lieuque la laideur, la pesanteur, l'inertie, la servitude,la langueur et la douleur rempliront les impiesd'une profonde tristesse. Suivant que la perpétuitéde la vie rendra leur bonheur impérissable ou leurmalheur interminable, les uns embrasseront avecune souveraine délectation cette éternité que lesautres subiront avec une rage implacable. Quant àla sagesse ou à la science, les Saints [308]trouveront de la joie et de l'honneur dans tout cequ'ils connaîtront ; les pécheurs au contraire nerencontreront que chagrin et confusion dans toutce qu'ils sauront. L'amitié qui accroîtra la félicitédes bons ne fera qu'augmenter le supplice desméchants ; car ces derniers seront d'autant plusaffligés qu'ils verront leurs amis plus tourmentés.Les réprouvés seront en désaccord avec toutes lescréatures, comme aussi elles seront toutes enopposition avec eux-mêmes. Ils seront réduits à

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une telle impuissance qu'ils ne pourrontabsolument rien de ce qu'ils voudront, et qu'ils nevoudront rien de ce qu'ils auront. Leur extrêmedégradation sera proportionnée à la sublimeexaltation des Saints. Et comme les amis de Dieune craindront point d'être privés jamais de leursbiens, les ennemis de Dieu au contrairedésespéreront entièrement d'être délivrés jamaisde leurs maux. Au lieu de la jubilation éternellequi sera le partage assuré des élus, une désolationirrémédiable sera l'héritage forcé de tous ceux qui,après avoir persévéré dans l'impénitence de leurscrimes, seront fixés dans la compagnie desdémons. » Ainsi parle saint Anselme.

À propos de cette déclaration de Notre-Seigneur, dans la maison de mon Père il y a denombreuses demeures, saint Chrysostôme s'exprimede la sorte : En enfer, comme au ciel, il y a denombreuses demeures ; c'est-à-dire, il y a différentsdegrés de supplice pour les méchants, ainsi qu'il ya différents degrés de récompense pour les bons.Tous les damnés cependant subiront la peineéternelle, comme tous les élus recevront la vieéternelle, figurée par ce même denier que le Pèrede famille donnera à tous ceux qui auront travailléà sa vigne. Cette vie éternelle consiste en lapossession de Dieu, dont tous les Saints jouirontensemble mais inégalement, parce qu'ils ne serontpas glorifiés de [309] la même façon. En effet,suivant la comparaison employée par l'Apôtre (1

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Cor. XV, 41), comme entre les étoiles l'une est pluséclatante que l'autre, ainsi parmi les justes l'un seraplus glorifié que l'autre, soit pour l'âme soit pourle corps. Ils contempleront la Majesté divined'une manière plus immédiate et plus parfaite lesuns que les autres ; et ces différences dans lavision intuitive constituent ce que nous appelonsdes degrés. Au ciel donc il n'y a qu'une seulemaison représentée par le denier commun de laparabole, mais il y a de nombreuses demeures ;c'est-à-dire, il y a différents degrés de gloire dansl'état collectif de la béatitude que procure lesouverain Bien, principe de vie pour tous lesélus. » – Sur ce même sujet que saintChrysostôme vient de traiter, saint Augustin ditaussi (de Civit. l. 22, c. 30) : « Nul doute que,selon la diversité des mérites, il y aura diversitéd'honneur. Alors paraîtra un magnifiquespectacle ; car dans la bienheureuse cité chacunsera content de ce qu'il aura reçu sans être jalouxde celui qui sera plus élevé, de même que dans lecorps humain le doigt n'envie point la placeoccupée par l'œil. Ainsi, quoique tous les élus nedoivent pas posséder les mêmes avantages, ilsn'en souhaiteront pas de plus considérables queceux dont ils jouiront. »

Par les différentes demeures célestes dontparlait Jésus- Christ, on peut aussi entendre lesdifférents chœurs angéliques, pour le recrutementdesquels le genre humain a été créé. De chaque

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chœur effectivement sont déchus des Anges oupurs esprits, assez nombreux pour composer undixième chœur ; et c'est à réparer les perteséprouvées par les neuf autres que sont destinéeles Saints, élus d'entre tous les hommes. [310]

Prière.Seigneur Jésus, à cause de ma fragile nature,

tandis que je vis de corps sur la terre parmi lesdiverses jouissances de cette vie, faites que jedescende par la pensée dans l'enfer pour yconsidérer les peines terribles réservées auxpécheurs impénitents ; et par cette méditationsalutaire détournez-moi efficacement de toutpéché, de peur qu'après ma mort je ne descendeforcément en cet horrible séjour pour y subir deschâtiments sans fin. De plus Seigneur mon Dieu,faites que parmi les nombreuses amertumes decet exil, j'aspire aux douceurs de la patrie, que jesoupire après les joies de l'éternité, que fixant auciel mon esprit et mon cœur je m'attache à voussans partage et sans retour ; accordez-moi den'aimer et de ne désirer que vous ici-bas, enattendant que je ne cesse de vous contempler etde vous posséder là-haut comme mon Bienunique et suprême. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LXXXIX. CONCLUSION DE CE LIVRE.

Nous avons écrit avec le plus de soin qu'ilnous a été possible cette Vie du Sauveur, que

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nous offrons humblement aux pieux lecteurs. Leshommes qui gémissent sous le poids de leursmisères et de leurs fautes découvriront là les [311]plus puissants motifs de consolation etd'espérance ; car ils y verront que notre Sauveurmiséricordieux a voulu naître parmi les pauvres etconverser avec les pécheurs, qu'il a daigné mêmeprier et mourir pour eux sur la croix. Ainsi,Chrétien fidèle, vous trouverez en ce livre unesource féconde d'instructions spirituelles pourproduire et accroître les fruits excellents del'amour divin dans votre cœur, en y excitant desaintes affections et de vertueux désirs qui ferontcouler de vos yeux les larmes de componction etde dévotion. Puissent ces larmes salutairesdevenir votre pain quotidien jusqu'à ce que lesouverain Maître vous introduise dans sestabernacles et vous reçoive dans ses bras avectendresse ! Vous pourrez alors vous écrier avecallégresse comme l'Épouse des Cantiques (II, 16,I, 12), Mon Bien-aimé est à moi et je suis à lui. Ilreposera sur mon sein désormais, ou plutôt ildemeurera dans mon cœur éternellement. Enattendant cet inestimable bonheur, observez larecommandation de saint Bernard : « Aux appasfunestes d'un monde perfide opposez les charmessi suaves du Seigneur Jésus, afin de surmonter ladouceur du premier par celle du second, de mêmequ'on chasse un clou par un autre, suivantl'adage. »

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Accueillez donc avec joie et respect l'histoireévangélique de Celui que vous devez étudier etcopier sans cesse et sans relâche ; car le tableau desa Vie doit être le modèle de la vôtre. C'est sur cefondement que vous pourrez construire l'édificede votre salut, et c'est par ce chemin que vouspourrez atteindre le sommet de la perfection. Eneffet, l'histoire de Jésus-Christ fournit une doucenourriture à l'âme fervente qu'elle dispose à unenourriture encore plus exquise ; car il est très-bonassurément de considérer Notre-Seigneur selon lachair et dans son humanité, mais [312] il estbeaucoup plus excellent de le considérer selonl'esprit et dans sa divinité ; néanmoins laconnaissance de ses actions extérieures conduit àla connaissance de ses dispositions intérieures.Voilà pourquoi il faut s'attacher sur la terre à laméditation de l'Évangile comme à une échellemystique pour s'élever à la vision de Dieu dans leciel. Ceux-là mêmes qui sont parvenus à unsublime degré de contemplation ne doivent pointrenoncer entièrement à la lecture édifiante decette Vie ; ce serait de leur part orgueil etprésomption que de ne pas vouloir s'y appliqueren temps et lieu. Aussi, comme nous l'avons faitremarquer dans le Prologue de cet ouvrage, saintBernard, quoiqu'il fût sans nul doute un Docteurtrès-spirituel, ne cessa jamais de se représenter lesœuvres et les souffrances de l'Homme-Dieu ; carc'est dans ce souvenir fréquent et affectueux que

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l'on puise la plus solide confiance et la plus purejouissance sur la terre.

Saint Anselme, qui avait fait l'heureuseexpérience de cette même vérité, s'exprime de lasorte (in Méditat.) « Bon Jésus, combien vous êtesdoux pour le cœur qui vous recherche et qui vouschérit ! Mais d'où vient que vous lui semblez plusdoux comme incarné que comme Verbe, dansvos humiliations terrestres que dans vos célestesgrandeurs ? Je ne saurais le dire, parce que je nepuis le comprendre parfaitement. Oui, il estbeaucoup plus délicieux pour l'âme dévote devous considérer naissant d'une Mère immaculéedans le temps qu'engendré du Père éternel avantla création, expirant sur le gibet en face des Juifsque dominant au ciel sur l'assemblée des Anges,soumis aux derniers mortels que commandant àl'univers entier, subissant nos pénibles infirmitésqu'exerçant vos forces infinies, rachetant ceux quipérissaient que créant ceux qui [313] n'existaientpoint. Ô Sauveur débonnaire, combien il est douxde se rappeler tout ce que vous avez bien voulufaire et endurer pour notre amour ! D'abord, latrès-pure Marie vous a conçu et enfanté sansperdre sa virginité ni ressentir de douleur ; puisvous avez été enveloppé de pauvres langes etcouché en une crèche grossière ; vous avezsupporté avec résignation tous les outrages et lesaffronts ; vous avez lavé et essuyé de vos propresmains les pieds de vos disciples ; vous avez

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prolongé votre prière dans la nuit suprême, oùvous avez versé une sueur de sang ; vous avez étévendu pour trente deniers par l'infâme apostat,qui vous trahit au moyen d'un baiser hypocrite ;vous avez été saisi et garrotté par une vilesoldatesque, qui vous traîna devant des tribunauxoù vous fûtes accablé de calomnies ; vous avezété déchiré par les verges et couronné d'épines,indignement souffleté et conspué, frappé sur latête à coups de poing et de roseau, revêtu d'unmanteau d'écarlate comme un roi de théâtre etaffublé d'une robe blanche comme un insensé,adoré par dérision et condamné à mort ; au milieud'injustes accusations et parmi les mauvaistraitements, vous êtes resté muet comme uninnocent agneau sans faire entendre ni plainte niexcuse ; conduit au supplice comme un scélérat,vous avez été chargé d'une lourde croix, à laquellevous fûtes suspendu avec des clous aigus ; vousavez demandé grâce pour vos cruels bourreaux,qui cependant vous présentèrent du vinaigre pourbreuvage et du fiel pour nourriture ; vous avezrépandu votre sang précieux par cinq largesplaies ; enfin, après avoir remis votre très-sainteâme entre les mains du Père, vous avez incliné latête et exhalé l'esprit, en vous offrant comme unevictime de propitiation pour notre salut. Toutesces considérations doivent produire et augmenteren nous la confiance, l'allégresse, la [314]consolation, l'amour et le désir ; car comment ne

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pas se réjouir et se féliciter de ce que le Créateur adaigné non-seulement s'incarner mais encoresouffrir et mourir pour sa créature ? Peut-onméditer rien de plus suave, et goûter rien déplusdoux ? Est-il réflexions plus utiles et plusagréables ? Je le demande, qui pourra me ravirune place dans ce royaume où règne avec unesouveraine puissance Celui qui est devenu monfrère et mon semblable ? Quel événement mejetterait dans la désolation, lorsque mesespérances reposent sur des garanties aussicertaines ? Quelle tristesse pourrait jamaisébranler celui que des pensées si salutaires necessent d'occuper ? Ainsi parle saint Anselme.

Cherchez donc à converser intérieurementavec le divin Sauveur, et appliquez-vous à méditerhabituellement sur sa vie évangélique, parce quevous goûterez en lui seul le repos véritable. Lescinq lettres qui composent le nom de Jésusn'indiquent-elles pas qu'il procure tout à la fois lajoie, l'éternité, la suavité, l'union et le salut ?« Parcourez le monde à droite et à gauche, ditsaint Bernard (in Cantic. Serm. 15), tournez etretournez de tout côté, nulle part vous netrouverez de calme et de satisfaction, si ce n'esten Jésus. Voulez-vous donc posséder la paix ?mettez-le comme un cachet sur votre cœur ; car latranquillité règne partout où il règne lui-même. »Aimons par conséquent un Dieu qui nous a tantaimé le premier ; ne cessons de louer avec

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reconnaissance Celui qui a commencé par nousbénir avec tendresse ; c'est là l'unique moyen dejouir d'un bonheur continuel. – « Ô Jésus, s'écrieencore saint Anselme (in Méditat.), anathème àqui ne vous aime pas ! qu'un tel ingrat soitabreuvé de chagrin ! Seigneur, votre amour estpudique et n'admet rien de souillé, il est suave etn'a rien [315] de pénible ; car il convertit endouceurs les amertumes de ce monde dont il rendfades tous les plaisirs. Dans les angoisses il n'estpoint accablé, ni oppressé dans les épreuves ; il nepérit pas sous le poids de l'indigence, et nesuccombe point sous le fardeau de la tristesse ; ilest patient au sein des travaux, et tranquille aumilieu des menaces ; il demeure invincible parmiles tourments, et reste vivant jusque dans les brasde la mort. De même que l'avare se réjouit de sontrésor et que la mère se complaît en son filsunique, ainsi l'âme qui vous chérit, ô Jésusdébonnaire, met dans cette affection soncontentement et sa délectation. La douceur dumiel, la suavité du lait, la saveur enivrante du vin,les plus flatteuses délices sont moins agréables aupalais de ceux qui les goûtent que votre charité aucœur de ceux qui vous aiment. »

Après avoir entendu parler ainsi S. Anselme,nous ne pouvons mieux terminer ce livre, remplitout entier par le nom de Jésus, qu'en écoutant S.Bernard commenter cette parole du Cantique (I,2) : Oleum effusum nomen tuum, votre nom est une huile

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répandue. « Le nom du divin Époux a sans doutequelque analogie avec l'huile ; car le Saint-Espritn'aurait point comparé l'un avec l'autre sansraison. Or, à moins que vous ne découvriezmieux, je la trouve dans les trois propriétés del'huile qui sert pour éclairer, nourrir et oindre ;elle entretient la flamme, alimente la chair, calmela douleur, de sorte qu'elle est tout à la foislumière, nourriture, remède. Voyez s'il n'en estpas ainsi relativement au nom de Jésus ; quand onle publie, il illumine ; quand on le médite, ilsoutient ; quand on l'invoque, il console. D'oùvient, en effet, que la clarté de la foi s'estpropagée si rapidement dans tout l'univers, si cen'est de ce que le nom de Jésus y a été annoncé ?[316] N'est-ce pas par la prédication de ce nombéni que Dieu nous a appelés en son admirablelumière ? Voilà pourquoi saint Paul disaitjustement aux premiers Chrétiens : Vous étiez jadisaveuglés, et vous êtes maintenant illuminés dans leSeigneur (Ephes. V, 8). – Le nom de Jésus n'est passeulement lumière, mais encore nourriture.Toutes les fois qu'il vous revient à la mémoire, nevous remplit-il pas de force ? Quel souvenirsatisfait autant l'esprit ? Qu'est-ce qui pareillementrépare les sens affaiblis, consolide les vertuschrétiennes, maintient les bonnes mœurs, produitles actions honnêtes et excite les chastesaffections ? Tout aliment spirituel est sec, lorsqu'iln'est pas détrempé de cette huile ; il est insipide,

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lorsqu'il n'est point assaisonné de ce sel. Quandvous écrivez, votre récit n'a pour moi nullesaveur, si je n'y lis le nom de Jésus ; quand vousdiscutez ou conférez, votre entretien n'a pour moiaucun intérêt, si je n'y entends le nom de Jésus.Jésus est un miel à ma bouche, une mélodie àmon oreille, une jubilation à mon cœur ; de plus,il est un remède. – En effet, quelqu'un de vousest-il saisi de tristesse ? Que Jésus vienne en soncœur et de là passe en sa bouche ; aussitôt toutnuage s'enfuit et la sérénité reparaît. Quelqu'untombe-t-il dans le crime ? court-il même à la mortoù l'entraîne le désespoir ? S'il appelle Jésus à sonaide, il retournera promptement à la vie. Aprèsavoir prononcé ce nom salutaire, quel est celui quipersévérera, comme font tant d'autres, dans unfuneste endurcissement, dans une lâche torpeur,dans une rancune inflexible et dans une langueurfatale ? Tous ceux qui invoquent ce nom puissantet illustre ne chassent-ils pas la crainte au milieudes périls où ils palpitaient et tremblaient, nerecouvrent-ils pas la certitude parmi les doutes oùils étaient ballottés et flottants, ne reprennent-ilspas [317] enfin patience et courage dans lesadversités qui causaient leur défiance et leurdéfaillance ? Car ce sont là les infirmités etmaladies de l'âme auxquelles remédie le nom deJésus. – Il suffirait d'alléguer en preuve lapromesse que le Seigneur a faite lui-même en cestermes : Invoque-moi au jour de la tribulation ; je t'en

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délivrerai et tu m'honoreras (Ps. XLIX, 15). Il n'estpas de meilleur moyen pour arrêterl'emportement de la colère, dissiper l'enflure del'orgueil, fermer la plaie de l'envie, comprimer lesdébordements de la luxure, éteindre les flammesde la convoitise, étancher la soif de l'avarice etbannir toutes les démangeaisons des passionsdéréglées. Faut-il s'en étonner ? puisqu'onnommant Jésus, je me représente un hommedoux et humble de cœur, bienveillant, sobre,chaste, miséricordieux, rempli de toute pureté etsainteté ; il est de plus lui-même un Dieu tout-puissant qui me guérit par son exemple, et meconforte par son assistance. – Voilà ce querappelle à mon esprit le nom de Jésus. Je trouveen lui un modèle en tant qu'il est homme et unsoutien en tant qu'il est Dieu ; avec son secours,je me sers de ses exemples comme d'herbesmédicinales pour préparer une mixtion telle quenul médecin n'en saurait faire de semblable. Ainsi,Chrétien, tu possèdes un excellent antidote, cachécomme en un vase, dans ce nom de Jésus ; car ilest assurément d'une efficacité souveraine contretout mal. Qu'il soit donc toujours en ton sein ettoujours à ta main, de sorte que tous tessentiments et tous tes actes soient dirigés versJésus. Enfin appuie-toi sur lui sans crainte, selonque lui-même t'y exhorte, en disant : Place-moicomme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur tonbras (Cant. VIII, 6). De cette manière ton bras et

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ton cœur seront garantis de toute blessure ; carpar le nom de Jésus tu pourras [318] corriger ouperfectionner tes actions, comme aussi purifiertes affections ou les préserver de toute souillure. »

Ici notre pieux Auteur nous présente comme bouquetspirituel le gracieux cantique, d'où l'Église romaine a extraittrois hymnes propres à la fête du saint Nom de Jésus. Sur letémoignage d'anciens manuscrits, quelques éruditsmodernes ont prétendu que cette Prose latine avait étécomposée par une religieuse bénédictine du XIVe siècle.Mais si leur sentiment était vrai, notre vénéré PèreLudolphe aurait-il attribué une pièce récente qui venait deparaître, à saint Bernard, qui vivait deux siècles auparavant ?Voici la traduction de ce cantique, tout rempli de lamystique douceur qui convient à l'illustre docteur justementappelé Mellifluus.

« Jésus, votre douce souvenance suffit àréjouir le cœur, et votre suave présence estpréférable à toutes les délices. – Il n'y a point dechant plus harmonieux, de parole plus agréable,de pensée plus consolante que votre nom, ôJésus, Fils de Dieu. – Jésus, espoir des pénitents,que vous êtes compatissant pour ceux qui vousimplorent et bon pour ceux qui vous cherchent !mais que n'êtes-vous pas pour ceux qui vous onttrouvé ? – Jésus, source de vie, onction des cœurset lumière des esprits, il n'est point de joie quevous ne puissiez surpasser, ni de désir que vousne puissiez combler. – La langue ne saurait dire,ni l'écriture exprimer quel bonheur c'est d'aimerJésus ; celui qui l'éprouve peut seul le croire. –Fermant la porte de mes sens, je chercherai Jésus

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sur ma couche ; je le chercherai avec des soinsassidus en particulier et en public. – Dès le matincomme Madeleine, je veut aller à son tombeau ; jene cesserai de le chercher non pointextérieurement, mais [319] spirituellement, par lessoupirs et les cris du cœur. – J'arroserai sonsépulcre de larmes ; et je remplirai son monumentde mes pleurs ; je me prosternerai à ses pieds, etje les tiendrai étroitement embrassés. – Jésus, roimagnifique et triomphateur insigne, votre bontéest sans bornes et votre beauté sans égale ! –Restez avec nous, Seigneur, et répandez sur nousvotre lumière ; chassez les ténèbres de notre âme,et couvrez le monde de vos bienfaits. – Quandvous visitez notre pauvre cœur, il découvre lasplendeur de la vérité ; il méprise la vanité dumonde, et la charité l'enflamme. – Rienassurément de plus doux et de plus suave quel'amour de Jésus ; il procure mille fois plus degrâces qu'on ne saurait le publier. – C'est là ce queprouvent la Passion qu'il a soufferte et le sangqu'il a versé pour fournir le prix de notre rançonet nous mériter la vue même de Dieu. –Reconnaissez tous votre Sauveur ; suppliez-le,conjurez-le d'allumer en votre cœur le feu sacréqui ne cesse de l'embraser toujours davantage. –Aimez Celui qui vous aime tant, et sachez le payerde retour ; courez après ses parfums et répondezà ses vœux. – Ô Jésus, votre clémence souverainenous inspire une joyeuse confiance ; et les dons

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excellents, de votre providence font les pluschères délices de mon âme. – Maître débonnaire,faites-moi ressentir la grandeur de votremiséricorde et contempler la gloire de votreprésence. – Ne pouvant vous bénir comme vousle méritez, je ne me tairai point cependant ;l'amour me rend audacieux, parce qu'en vous seulje trouve mon plaisir. – Votre dilection, ô Jésus,est pour le cœur une exquise réfection ; jamaiselle n'engendre le dégoût, elle entretient toujoursl'appétit. – Ceux qui vous goûtent ont encorefaim ; ceux qui vous boivent ont encore soif ; ilsne savent que soupirer après Jésus, objet de leur[320] affection. – Celui que votre amour enivrepeut seul apprécier votre générosité ; et celui quevous daignez rassasier n'a plus rien à désirer. –Jésus, ornement des cieux, vous êtes pour l'oreilleune ravissante mélodie, pour la bouche un mieldélectable, et pour le cœur un nectar merveilleux.– Je ne me lasse point de vous désirer et de vousappeler, ô mon Jésus ; quand viendrez-vous meréjouir et me contenter en vous donnant à moi ?– L'amour dont je brûle pour vous sans cesse estpour moi un principe continuel de langueursalutaire et un fruit savoureux de vie éternelle. –Jésus, votre extrême bénignité me transported'une prodigieuse allégresse ; votreincompréhensible bonté me presse d'une étroitecharité. – Mon bonheur c'est de chérir Jésus sanschercher autre chose, et de renoncer entièrement

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à moi-même afin de vivre pour lui seul. – Très-doux Jésus, espoir de l'âme haletante, nos pieuseslarmes vous implorent, nos profondsgémissements vous réclament. – A tout instant eten tout lieu, je veux avoir Jésus avec moi ; quellejoie, quand je le trouverai ! quelle satisfactionquand je le posséderai ! – Alors je jouirai de sesembrassements et de ses caresses que je préfère àtoutes les voluptés du monde. Oh ! quelle félicitéde m'unir alors au Christ ! mais ici-bas une tellefaveur n'est que passagère. – Maintenant déjà jevois ce que je cherchais, je tiens ce que jeconvoitais ; au cœur de Jésus mon cœur cède, etse fond en saints désirs. – Lorsque l'amour pourJésus est aussi ardent, il ne s'éteint pas et ne seralentit plus ; mais il s'étend et s'accroît toujoursdavantage. – Sa flamme est incessante et sadouceur admirable ; ses charmes sont irrésistibleset ses jouissances incomparables. – Comme unfeu envoyé du ciel, il pénètre jusqu'à la moelle demes os et brûle jusqu'au fond de mes entrailles ; ilconsume mon cœur [321] entièrement et ravitmerveilleusement mon esprit. – Quel heureuxincendie ! quel zèle dévorant ! il n'est point derafraîchissement plus agréable que d'aimer le Filsde Dieu. – Jésus, fleur de la Vierge-Mère, objet denotre plus tendre affection, à vous louangesuprême, honneur divin et règne à jamaisprospère. – Venez, Monarque suprême ; venez,excellent Père ; faites briller plus vivement votre

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splendeur à l'âme qui souhaite recevoir plussouvent votre visite. – Ô Jésus, plus radieux quele soleil et plus odoriférant que le baume ! Rien aumonde n'est plus que vous plein d'attrait et digned'affection. – Celui dont le goût délecte et dontl'odeur récrée aussi parfaitement, Celui quicaptive aussi fortement tous mes sens suffit seul àl'homme qui le chérit. – Vous êtes la jubilation del'âme et la consommation de l'amour ; vous êtesle sujet de ma gloire, ô Jésus, salut de l'univers. –Je veux vous suivre partout, et je ne pourrai plusvous perdre, quand vous serez maître de moncœur, ô Jésus, l'honneur de notre race ! –Retournez mon Bien-aimé, remontez à la droitedu Père ; maintenant que vous avez terrassél'infernal ennemi, jouissez en paix du royaumeéternel. – Accourez, habitants de la patrie ; ouvrezles portes du ciel, accueillez Jésus triomphant etsaluez le grand Monarque. – Roi tout-puissant,Roi glorieux, vous avez remporté une victoireéclatante ; Jésus, distributeur généreux de la grâcedivine, agréez les hommages empressés de la courcéleste. – Vous êtes l'océan de la miséricorde et lesoleil de la patrie ; dissipez tout nuage de tristesseet communiquez-nous la vraie lumière de gloire. –Les chœurs angéliques proclament vos grandeurset redisent vos louanges, parce que vous avezrempli de joie l'univers en nous réconciliant avecDieu. – Jésus fait régner la paix qui surpasse toutsentiment ; mon âme [322] avide de la goûter est

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impatiente d'en voir l'Auteur. – Jésus donc estrevenu vers son Père, il est rentré dans sonroyaume ; aussi mon cœur a quitté la terre pouraccompagner Jésus. – Désormais ne cessonsd'adresser à Jésus nos hommages, nos hymnes etnos prières ; conjurons-le de nous admettre en sasainte présence dans ses demeures éternelles. »Ainsi soit-il.

Prière.Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, malgré

notre indignité nous vous rendons grâces pourtoutes les vérités que nous croyons, comme nousdevons, relativement à votre personne adorable ;et en cette considération, nous vous supplionshumblement de nous offrir vous-même à Dieu lePère au nom de tous les êtres qui vivent au ciel,sur la terre et dans les enfers, afin de le louerdignement de toutes les œuvres admirablesaccomplies par la suprême Trinité, afin de leremercier pleinement pour tous les bienfaitsoctroyés à chaque créature, afin de réparerparfaitement tous les maux commis depuisl'origine des temps, afin de compensersuffisamment tous les biens omis dans la suite dessiècles, afin d'assurer la béatitude de tous les élus,la grâce de tous les justes, la pénitence de tous lespécheurs, le soulagement de tous les défunts quisouffrent dans le purgatoire, comme aussi afin deprocurer à tous les hommes qui militent en ce

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monde les secours nécessaires pour le corps etpour l'âme. Ainsi soit-il.

FIN DE LA SECONDE ET DERNIÈRE PARTIE DEL’OUVRAGE.

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NOTES

I Fête de Pâques.

Ce n'est point sans raison assurément que, dans sesfastes sacrés, l'Église catholique proclame notre Pâquechrétienne la Solennité des solennités ; car la Résurrection duSauveur, qui constitue l'objet même de cette fête, est leprincipe et le modèle de notre résurrection spirituelle dansle temps comme aussi de notre résurrection glorieuse dansl'éternité. Cet anniversaire de la victoire que Jésus-Christ aremportée sur l'enfer par sa sortie triomphante du tombeauest justement appelé fête de Pâques, c'est-à-dire du passage,puisque, en passant lui-même de la mort à la vie, leRédempteur nous a fait passer de la servitude du démon àla grâce de l'adoption divine et du désert de ce monde à laconquête du royaume céleste. Ainsi la Pâque ancienne, quirappelait aux Juifs leur délivrance de Pharaon et de l'Égypte,était la figure de la Pâque nouvelle, qui assure aux Chrétiensleur délivrance du péché et de la damnation.

Tous les Israélites devaient manger l'agneau immolédans la solennité pascale ; et dans une pareille solennité tousles fidèles doivent se nourrir de la victime offerte sur lacroix afin qu'ils aient part à sa Résurrection. Pendant lespremiers siècles, ils communiaient également chaque foisqu'ils assistaient au saint sacrifice, c'est-à-dire tous les joursou du moins tous les dimanches. Mais ensuite parce que laferveur diminuait beaucoup, le concile d'Agde dans lesGaules, l'an 506, déclara que les laïcs ne seraient plusréputés catholiques, s'ils ne s'approchaient de la sainte tableaux trois [324] principales fêtes de l'année, Noël, Pâques etla Pentecôte ; cette ordonnance fut observée commediscipline générale en Occident jusque vers le XIIIeme siècle.L'an 1215 voulant assigner une dernière limite à la tiédeurqui envahissait de plus en plus la société, le quatrièmeConcile de Latran prescrivit à tous les fidèles de recevoir

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respectueusement l'adorable Eucharistie chaque année aumoins à Pâques ; et il statua que les réfractaires pourraientêtre chassés de l'Église pendant leur vie et privés de lasépulture chrétienne après leur mort. L'an 1440, le papeEugène IV déclara que cette communion annuelle pourraitavoir lieu depuis le dimanche des Rameaux jusqu'à celui deQuasimodo inclusivement. Cependant, par privilège ou parusage, les évêques permettent d'anticiper ou de proroger letemps fixé. Toutefois, à moins de dispense légitime, chacundoit accomplir le devoir pascal en sa propre paroisse,suivant la pratique confirmée plusieurs fols par la SacréeCongrégation Concilii.

La fête de Pâques était sanctifiée autrefois nonseulement, par la réception de la sainte Eucharistie, maisaussi par l'administration du Baptême solennel. A cause dece dernier usage, pendant toute l'octave comme audimanche même de la fête, on célébrait deux messes : l'unepour tous les fidèles, en honneur de la résurrectiondominicale ; et l'autre pour les néophytes, enreconnaissance de leur régénération spirituelle. Ceux-ci,revêtus de la robe blanche qu'on leur avait donnée aubaptême comme symbole d'innocence, venaient chaquejour avec leurs parrains et leurs parents assister aux officeset aux instructions qui leur étaient destinées ; ils nedéposaient leurs vêtements spéciaux que le samedi soir,après avoir été conduits processionnellement aux fontsbaptismaux pour y renouveler les saints engagements qu'ilsavaient contractés. De là vient que dans le sacramentairegrégorien tous les jours de la semaine pascale sont appelésfériés in albis, c'est-à-dire aux habits blancs. Conformémentaux décrets des conciles, les édits dus princes maintinrentlongtemps la coutume de fêter par l'abstention des œuvresserviles toutes ces fériés privilégiées, qui étaient considéréescomme autant de dimanches solennels ; mais depuis leonzième siècle, cette obligation fut restreinte peu à peu aulundi et au mardi, comme elle l'est encore aujourd'hui dans

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la plus grande partie de l'Église catholique. Ce changementdisciplinaire vint surtout de ce qu'à partir de cette époqueou cessa de réserver l'administration du Baptême solennelaux fêtes de Pâques et de la Pentecôte. Depuis ce temps, lesdeux offices de la [325] semaine pascale ont été réduits à unseul, qui rappelle en ses diverses parties les deux mystèresde la Résurrection de Jésus-Christ et de la régénération desfidèles chrétiens.

En mémoire de ce double objet, l'Église ne s'est pascontentée de solenniser le jour de Pâques avec une pompeextraordinaire qui surpasse toutes les autres fêtesreligieuses ; elle ne s'est pas bornée non plus à en continuerla célébration spéciale durant toute la semaine suivante,mais elle a voulu de plus l'étendre aux sept semaines quicomposent le temps pascal ; c'est pourquoi, pendant lescinquante jours qui précèdent la Pentecôte, elle ne cessed'exprimer sa vive allégresse de différentes manières,notamment par la suspension du jeûne et par la répétitionde l'alleluia. Ce n'est pas tout encore ; pour que la fête de laPâque soit comme une représentation perpétuelle de labienheureuse éternité, l'Église renouvelle toutes lessemaines en quelque sorte l'octave de cette solennité, enconsacrant chaque dimanche à glorifier la Résurrection duSauveur. Jésus-Christ en effet est ressuscité un dimanche,afin que ce jour de la semaine qui avait été le premier de lacréation devint aussi le premier de la rénovation. Mais avantd'abroger le sabbat, il voulut le réaliser en sa personne ; et,après avoir subi les labeurs de sa Passion, il passa dans lelugubre repos du sépulcre le septième jour tout entier ; puisle lendemain dès l'aurore, il s'élança triomphant hors dutombeau comme la véritable lumière du monde, etprécisément en ce jour de la semaine où quarante sièclesauparavant il avait tiré du chaos la lumière matérielle. Voilàpourquoi les privilèges réservés jusqu'alors au samedi furenttransférés au dimanche, que les Apôtres recommandèrent

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d'observer religieusement comme le jour du Seigneur parexcellence et une Pâque hebdomadaire.

Pour la même raison, il convenait que la Pâqueannuelle fût aussi célébrée le dimanche. En conséquence,les Apôtres déterminèrent que les Chrétiens ne lacélébreraient point comme les Juifs à la pleine lune dupremier mois, c'est-à-dire le quatorze de la lune de mars,anniversaire de la sortie d'Égypte, mais le dimanche suivant,anniversaire de la Résurrection du Sauveur. Néanmoins,afin de ménager la susceptibilité nationale des Israélitesbaptisés, il fut convenu que cette nouvelle prescription neserait appliquée que peu à peu suivant les règles de laprudence. Ainsi saint Jean l'Évangéliste, qui séjournalongtemps à Éphèse, ne l'imposa point aux Églises del'Asie-Mineure, formées en grande partie de Juifs convertis ;mais elles se passionnèrent bientôt outre mesure pour [326]leur coutume particulière, de sorte qu'à la fin du secondsiècle elles furent les seules qui refusèrent de se soumettre àla loi commune. En effet, hormis le concile d'Éphèse queprésida Polycrate, évêque de cette métropole, tous les autresconciles tenus alors en diverses contrées protestèrent deleur parfait accord avec le Saint-Siège, relativement à lacélébration de la Pâque. Le pape saint Victor, ne voulantplus tolérer une divergence abusive, lança une sentenced'excommunication contre les récalcitrants obstinés ; maissaint Irénée, qui occupait le siège de Lyon, obtint larévocation d'une telle mesure qu'il jugeait trop rigoureuse.Cette indulgence produisit un effet salutaire ; car vers l'an276, saint Anatolius, évêque de Laodicée, attesta que,depuis quelque temps déjà, les florissantes Églises de l'Asie-Mineure s'étaient conformées à la pratique romaine.

Vers la même époque néanmoins, les Églisesorientales de Syrie, de Cilicie et de Mésopotamie causèrentun nouveau scandale, en reprenant le rite mosaïque qu'ellesavaient abandonné par rapport au quatorze de la lune demars. Plusieurs conciles très-nombreux, comme ceux

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d'Arles l'an 311 et d'Alexandrie l'an 324, tentèrent de mettrefin à ce schisme dans la liturgie ; enfin le premier concileœcuménique, celui de Nicée, l'an 325, rétablit sur ce pointl'uniformité par un décret qui fut rendu à l'unanimité. LesPères alors assemblés de tous les pays ordonnèrent à tousles Chrétiens de solenniser simultanément la Résurrectiondu Seigneur le premier dimanche qui suivrait la pleine lunede mars, en considérant comme lune de mars celle dont lequatorze se rencontrerait précisément à l'équinoxe ouimmédiatement après l'équinoxe de printemps ; et onconvint que désormais le 21 mars serait toujours regardécomme l'équinoxe de printemps. D'après cette disposition,comme le premier jour de la lune de mars tombeconstamment entre le 8 de ce mois et le 5 du mois suivant,la Pâque ne peut jamais remonter plus loin que le 22 mars,ni être retardée au delà du 25 avril ; elle roulenécessairement dans cet intervalle. Le petit nombre desQuartodécimans rebelles à l'autorité du Concile ne tarda pasà disparaître ou à céder, grâce au zèle de Constantin.

L'imperfection des calculs astronomiques troublabientôt l'ordre établi par le Concile de Nicée ; comme on nes'accorda point partout dans la manière de supputer le jourprécis de l'équinoxe, il en résulta que le jour propre dePâques varia selon lés lieux en certaines années. L'Occidentse rangea autour de Rome, qui finit par [327] triompher dequelques oppositions soulevées en Écosse et en Irlande, àcause des cycles fautifs. Néanmoins depuis bien des sièclesle calendrier fixé par Jules César réclamait une réforme pourremettre l'équinoxe au 21 mars. Beaucoup de tentativesfurent faites en ce but, mais sans succès, dans le cours desâges, parce que la science n'était point encore assez avancée.Enfin, après avoir consulté les hommes les plus habiles detoute l'Europe, Grégoire XIII effectua cette utile correctionpar la bulle du 24 février 1581, qui enjoignit de retrancherl'année suivante les 10 jours consécutifs du 4 au 15 octobre.Les États hérétiques protestèrent longtemps contre cette

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réforme romaine du calendrier ; elles l'adoptèrent pourtantà la suite de toutes les nations catholiques. La Russieschismatique est aujourd'hui la seule nation européenne quipersiste à rester en retard de dix jours avec le mondecivilisé, par antipathie pour la Chaire apostolique.

On ne doit pas être surpris de l'importance qu'on atoujours attachée à la date pascale. Si la Résurrection duSauveur est le fondement de notre religion, la fête dePâques est comme le centre de la liturgie, vers lequelconvergent les différentes parties de l'année ecclésiastique ;tout ce qui précède cette solennité n'en est que lapréparation, comme aussi tout ce qui la suit en est lecomplément ou la conséquence. Voilà pourquoi l'époque decette grande fête sert à déterminer celles des autres fêtesmobiles, surtout les temps de l'Avent, de la Septuagésime,du Carême, de la Passion, de l'Ascension et de la Pentecôte.La date de Pâques est ainsi comme le pivot du calendrier.

II Fête de l'Ascension.

Selon saint Bernard (Serm. 2 de Ascens.), cette fête estle complément de toutes les solennités que nous célébronsen l'honneur de Jésus-Christ, parce qu'elle est laconsommation de toutes les œuvres qu'il a entreprises pournotre salut ; car aujourd'hui même, après avoir terminé sacharitable mission sur la terre, il fait son entrée glorieuse auciel où il va nous préparer la place.

Quelques auteurs ont présumé que cette fête fut lapremière [328] instituée par les Apôtres réunis pour donnerune forme extérieure à l'Église naissante ; car, si à partir dece jour ils commencèrent à régler les actes liturgiques dansleurs assemblées, ils durent se proposer d'abord commeobjet de commune réjouissance le triomphe du divinMaître, dont ils venaient d'être spectateurs. On ne peutdouter que la solennité de l'Ascension ne soit des plusanciennes avec celles de la Passion, de Pâques et de laPentecôte ; car au temps de saint Augustin, toutes les quatre

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étaient célébrées par l'Église universelle, sans qu'aucunconcile général les eût établies ; d'où le saint Docteurconcluait que les Apôtres eux-mêmes les avaient introduites(Epist. ad Januar.).

Fondée sur le texte de l'Écriture sainte (Act. I, 3), unetradition immémoriale nous apprend qu'étant sorti dutombeau un dimanche, Jésus-Christ est monté au cielquarante jours après, un jeudi, vers midi. C'est pourquoil'antique recueil des Constitutions apostoliques (L. V, c. 15)ordonne de célébrer l'Ascension du Sauveur le jeudi de lacinquième semaine après Pâques. A cet égard, l'accord étaitsi unanime dans l'Église que cette fête a été nommée chezles Latins Quadragesima, comme nous le voyons en saintAugustin (Serm. 267, n. 3), et chez les Grecs Tetracoste, c'est-à-dire quarantième jour après Pâques, de même que laPentecôte est le cinquantième. Ainsi le jeudi, jour de lasemaine sanctifié déjà par l'institution de l'Eucharistie, le futencore par l'Ascension du Seigneur ; et le midi, heure de lajournée témoin d'abord de l'élévation de Jésus-Christ sur lacroix, le devint ensuite de son exaltation dans le ciel.

Pour rappeler le dernier repas que le divin Maître avaitpris dans le cénacle avant son départ suprême, autrefois onbénissait du pain avec des fruits nouveaux en cette fête. Deplus, comme le rapporte saint Grégoire de Tours, écrivaindu sixième siècle (Hist. Franc. l. V, c. 11), avant la messe onfaisait une procession spéciale afin d'honorer la marche desApôtres, allant par Béthanie sur la montagne des Olivierspour assister à l'Ascension de Notre-Seigneur, et revenant àJérusalem pour s'y préparer par la prière à la venue duSaint-Esprit. Selon le rite romain, pour signifier ladisparition de Jésus-Christ, on éteint le cierge pascalaussitôt après l'évangile de cette solennité. La vue de cemystérieux flambeau, qui depuis Pâques était allumé tousles dimanches aux offices principaux, était destinée à figurerla présence du Sauveur ressuscité. C'est dans ce but que leSamedi Saint il avait été solennellement bénit par le diacre,

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représentant Madeleine chargée [329] d'annoncer le mystèrede la Résurrection aux Apôtres eux-mêmes, ainsi quel'explique excellemment le pieux abbé Rupert (de DivinisOfficiis, c. 28). Cette bénédiction du cierge pascal étaitusitée déjà dans les grandes basiliques, lorsque, vers lecommencement du cinquième siècle, elle fut étendue auxsimples paroisses, par le pape saint Zozime, comme lerapporte Anastase le Bibliothécaire.

Notre-Seigneur ne voulut pas quitter la terre sans ylaisser un monument sensible de sa glorieuse Ascension,afin de montrer l'accomplissement de l'oracle qui l'avaitannoncée en disant : Ses pieds poseront en ce jour sur la montagnedes Oliviers qui est en face de Jérusalem, vers l'Orient (Zach. XIV,4). En effet, au moment où il s'éleva dans l'air, il imprima sifortement ses pas sur la roche qu'ils y restèrent gravés.Dans le cinquième siècle, saint Augustin, saint Paulin, saintOptât et Sulpice-Sévère ont attesté que de leur temps ilssubsistaient encore, qu'on allait en Judée pour lescontempler et les vénérer. Dans les siècles suivants,beaucoup d'écrivains et de pèlerins ont constaté et rapportéle même fait. Selon la remarque de critiques judicieux etmême du protestant Casaubon, ce qui relève encore lemiracle, c'est que, l'an 70 de notre ère, l'armée romainecampa longtemps sur la montagne des Oliviers ; et pendantqu'elle assiégeait la ville déicide, ni les mouvements dessoldats, ni les roues des chariots, ni les piétinements deschevaux ne purent effacer les dernières traces que Jésusavait laissées de son passage ici-bas comme un souvenir detendre adieu et un signe de prochain retour.

Trois siècles ne s'étaient pas encore écoulés, lorsquesainte Hélène, mère de Constantin, fit bâtir en rotonde surle mont des Oliviers la célèbre basilique de l'Ascension.Suivant un ancien auteur (de Locis hebr. in Act. Apost.),lorsque les ouvriers voulurent revêtir de marbres précieuxl'endroit où étaient empreints les vestiges sacrés, une forceinvincible les arrêta ; car la terre rejetait le pavé qu'on

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essayait d'y placer. Ainsi le Sauveur maintint ses dernierspas visibles aux yeux des hommes, comme pour leurmontrer qu'il n'est point parti pour longtemps. A ce prodigeil en joignit un autre, pour confirmer l'espérance que nousavons de le suivre dans la gloire. Au lieu ou le corps duSeigneur avait traversé les airs, on ne put fermer la coupoledu monument ; les pierres tombaient à mesure qu'on lesposait, de sorte que la voûte resta toujours découverte,comme pour apprendre aux habitants de la terre que la voiedu ciel leur est constamment accessible, depuis le jour oùleur divin Chef l'a inaugurée. [330]

Nulle part la fête de l'Ascension n'était célébrée avecun plus magnifique appareil que dans cette illustrebasilique ; elle était décorée de si nombreux luminaires que,durant la nuit où ils brûlaient, la montagne des Oliviersparaissait être tout en feu. Cette vénérable église fut ruinéedans les guerres des Sarrasins ; et il n'en resta plus quequelques débris. À la même place, dans le seizième siècle,ou construisit une petite chapelle où les Chrétiens desdifférents rites célèbrent leur office le jour de L'Ascension.C'est là que les pèlerins viennent adorer Jésus-Christ, in locoubi steterunt pedes ejus (Ps. CXXXI, 7) ; et ils ne manquent pasde baiser la trace encore reconnaissable qu'il y a laissée surle rocher, en attendant son retour. Mais aujourd'hui on n'yvoit plus que celle du pied gauche, tournée vers le nord. Lapierre où l'on voyait l'autre empreinte a été, dit-on, enlevéepar les Musulmans, qui la conservent avec respect dans unemosquée. (Les Lieux-Saints, par Mgr Mislin.)

III Symbole des Apôtres.

Si nous en croyons Rufin d'Aquilée, écrivain du Ve

siècle (Tract. de Symbolo), les Apôtres eux-mêmes ontvoulu, pour de très-justes motifs, que le premier formulairede foi chrétienne fût appelé Symbole. Ce mot en effet, quiveut dire recueil, d'après son étymologie grecque, et signe,d'après son acception ordinaire, convient bien pour

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désigner une profession abrégée qui réunit les dogmesessentiels et distingue les vrais fidèles. Saint Cyprien, au IIIesiècle, est le plus ancien Père que l'on sache avoir employéle mot symbole dans notre sens traditionnel.

Au IVe siècle, saint Ambroise (l. I, Epist. 42) appellece formulaire primitif Symbole des Apôtres ; car il contient leurdoctrine et reproduit leur parole ; bien plus, eux-mêmes ensont les auteurs et les propagateurs. En effet, dès le secondsiècle, saint Irénée et Tertullien rapportent directement auxApôtres une règle de foi analogue à celle que les saintsPères des temps postérieurs attribuent unanimement auxpremiers disciples de Jésus-Christ. D'ailleurs, selon l'axiomeénoncé par saint Augustin [331] (de Bapt. adv. Donat. 24),ce que l'on voit admis de temps immémorial dans l'Égliseuniverselle sans y avoir été établi par les Conciles ou lesPapes, doit certainement provenir des Apôtres. Or, dans lesouvrages ecclésiastiques de tous les pays et de toutes lesépoques nous trouvons un formulaire presque identique quirenferme les mêmes articles de croyance, exprimés entermes semblables et disposés dans un ordre pareil. Aussil'origine apostolique de ce premier Symbole est proclaméepar une tradition commune de la plus haute antiquité. Sicependant plusieurs érudits modernes, comme Ellies du Pinet l'abbé Bergier, en ont contesté la certitude, elle n'a pasmanqué d'être soutenue par de savants critiques, tels que lesBollandistes (15 Julii t. 4. de Divisione Apost.), NoëlAlexandre, D. Ceillier, etc.

Les circonstances relatives à la composition duSymbole ne sont pas également certaines. Toutefois, si nousen croyons une tradition respectable, citée par Rufin saintIsidore, saint Venance, Fortunat, Hincmar, les Apôtres,réunis dans le Concile qui précéda leur dispersion définitive,déterminèrent sous l'inspiration divine la règle de foi quidevait être le critérium de leur prédication dans le mondeentier. C'est ce qui arriva douze ans après la descente duSaint-Esprit ; car les Apôtres restèrent à Jérusalem jusqu'à

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cette époque, selon l'ordre qu'ils avaient reçu du Seigneur,comme l'attestent dès le second siècle Clément d'Alexandrieet Apollonius de Rome.

D'après saint Léon (Epist. ad Pulcheriam), ce premierSymbole, destiné, comme une armure céleste, à repoussertoutes les hérésies, fut formé d'autant de sentences qu'il yavait d'Apôtres. De plus, chaque Apôtre émit une sentencespéciale, si nous nous en tenons à une opinion probable querapportent Innocent III (de Missa), saint Bonaventure (deVirtutibus), Baronius (anno 44), et les Bollandistes. Mais lesplus anciens documents ne s'accordent pas entre euxinvariablement pour indiquer l'auteur particulier de chaquearticle. C'est ce qu'on peut voir dans le sacramentairegallican édité par D. Mabillon et dans deux sermonssupposés de saint Augustin (Appendix. Serm. 240 et 241,tom. 5). Ces divergences ont pu accréditer parmi les éruditsmodernes le sentiment qu'avait exprimé déjà saint PaschaseRatbert au IX, siècle ; car cet écrivain a pensé que leSymbole avait été dressé comme les canons des Conciles,d'après une commune délibération.

Sans examiner si les premiers disciples de Jésus-Christfixèrent au moyen des caractères graphiques l'abrégé de leurfoi, nous [332] pouvons affirmer que, pendant plusieurssiècles, il ne fut point communiqué à tout le monde en desécrits publics, mais qu'il fut transmis de vive voix aux seulscroyants. Les plus anciens Pères s'accordent à dire qu'ildevait être tracé non sur le papier avec de l'encre, mais surles tablettes du cœur. Il fallait, selon la remarque de Rufin,que les Païens ne pussent découvrir par la lecture ce que lesChrétiens devaient apprendre par l'enseignement oral.Aussi, comme nous le voyons par les sermons de saintAugustin (serm. 212 de Tradit.) et de saint PierreChrysologue (serm. 58), lorsque, dans les jours du scrutin,les évêques récitaient solennellement le Symbole auxcatéchumènes appelés Compétents, ils leur défendaientexpressément de le transcrire. Pour ne pas oublier la

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formule prononcée dans leur baptême, les fidèles avaientsoin de la répéter chaque jour en se levant et en secouchant, ainsi que l'atteste saint Augustin. Cependant,d'après cet illustre Docteur, si on ne devait pas écrire laprofession de foi pour la communiquer, on pouvait dumoins l'écrire pour se la rappeler, de crainte d'en perdre lesouvenir ; mais autant que possible, la mémoire devait tenirlieu de livre.

Cette ancienne discipline relativement au Symbole étaitfondée sur le précepte du Seigneur, qui avait recommandéde ne pas livrer aux chiens les choses sacrées et de ne pasjeter aux pourceaux les perles précieuses. C'est pourquoil'Église ordonne de ne point divulguer sans discrétion ouprécaution les formules tant dogmatiques que liturgiques,afin de ne pas les exposer à la dérision des incrédules et aumépris des ignorants. Cette loi si sage de l'arcane religieuxfut établie dès le commencement du christianisme etmaintenue longtemps après la destruction du paganisme.Toutefois, pendant les cinq premiers siècles, le secret n'étaitpas tellement absolu qu'il empêchât les auteursecclésiastiques d'insérer le Symbole en des écrits destinésaux croyants ; aussi beaucoup l'ont consigné de cettemanière en totalité ou en partie.

Malgré le respect profond avec lequel fut transmis leSymbole, on reconnaît par les anciens ouvrages que toutesles Églises ne l'ont pas conservé en termes parfaitementidentiques. Parmi ces formules orthodoxes qui ont étéemployées, on en distingue principalement douze : celle deRome, selon saint Léon le Grand surtout ; celled'Alexandrie, selon plusieurs écrivains égyptiens ; celled'Antioche que rapporte Cassien ; celle de Jérusalemqu'indique saint Cyrille ; celle de Césarée que cite l'historienEusèbe ; celle de Ravenne que donne saint PierreChrysologue ; celle [333] d'Aquilée que signale Rufin ; celled'Afrique, suivant Tertullien, saint Optât et saint Augustin ;celle d'Espagne, d'après saint Ildefonse ; celle des Gaules,

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d'après les sacramentaires édités par D. Mabillon et le B.Tomasi ; une formule intermédiaire entre celle des Gauleset celle d'Espagne, d'après un sacramentaire découvert àBobbio ; enfin notre formule accoutumée, parmi lessermons supposés de saint Augustin et dans une lettred'Amalaire sur les cérémonies du Baptême.

Toutes ces formules, réunies par le Dr Denzinger dansson Enchiridion Symbolorum, ne diffèrent entre elles que parl'insertion de quelques mots qui ne changent point, mais quiexpliquent la doctrine du texte primitif. Rufin assure queces additions furent introduites dans des églises particulièrespour réfuter des hérésies locales ; mais qu'aucunemodification ne fut adoptée dans l'Église romaine, oùaucune erreur n'avait pris racine. C'est pourquoi saintAmbroise (l. I, Ep. 42) et Vigile de Tapse (adv. Eutychen, l.4, c. I) n'ont pas craint d'affirmer que cette Mère etMaîtresse de toutes les Églises avait maintenu et gardétoujours intact le Symbole des Apôtres. Au reste, notreformule actuelle est peu différente de l'antique formule deRome ; celle là seulement complète le sens d'omnipotentempar creatorem, l'idée de sepultus par descendit ad inferos, la notiond'Ecclesiam par catholicam et par sanctorum communionem, enfinle dogme de la résurrection par vitam aeternam.

IV Fête de la Pentecôte.

Cette fête est la seule, avec celles de Pâques et de laDédicace, dont nous trouvions la première origine dansl'Ancien Testament. Nous devons par conséquent enattribuer l'institution immédiate à Dieu lui-même, qui avaitordonné à son peuple de célébrer chaque année ces troisfêtes comme les trois principales solennités de la religion.

La Pentecôte judaïque était la figure de la Pentecôtechrétienne qui lui a succédé. En effet, comme les Juifscélébraient la publication de l'ancienne loi que le Seigneurremit à Moïse, en la [334] gravant sur des tables de pierre,parmi les éclairs et les tonnerres, de même aussi les

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Chrétiens célèbrent la promulgation de la nouvelle Loi quele Saint-Esprit confia aux Apôtres, en l'inscrivant sur leurscœurs de chair, au bruit d'un souffle impétueux et à l'éclatd'un merveilleux incendie. L'analogie parfaite qui existeentre l'une et l'autre Pentecôte rend plus admirablel'établissement de l'Église, qui prit dès lors la place de laSynagogue, comme les Prophètes l'avaient annoncé.

En ce jour à jamais mémorable, où l'Église se montrapour la première fois au grand jour, Marie parutvéritablement la mère qui lui donna naissance ; car dans lecénacle, si nous en croyons de vénérables personnages, leSaint-Esprit communiqua d'abord à son Épouse immaculéela plénitude des dons qui furent ensuite distribués à tous lesassistants. Ce religieux sentiment, si propre à exciter notredévotion filiale, est la conséquence naturelle de la doctrinedes Pères et des théologiens, qui regardent la bienheureuseVierge comme le canal de toutes les grâces accordées àl'Église catholique en général et à chaque fidèle enparticulier. C'est pourquoi la flamme mystérieuse, emblèmedu divin Paraclet, se reposa premièrement sur la tète denotre glorieuse Reine, avant de se partager end'innombrables langues, qui s'arrêtèrent sur la tête des centvingt personnes présentes. Pour exprimer d'une manièresensible cette pieuse pensée, M. Olier, fondateur du grandséminaire de Saint-Sulpice à Paris, fit exécuter par le célèbrepeintre Le Brun le tableau remarquable, placé dans lachapelle de cette même communauté.

Saint Cyrille, évêque de Jérusalem au IVe siècle, nousapprend qu'après la descente du Saint-Esprit, le cénacle, oùétait arrivée cette merveille, avait été converti en une églisedite des Apôtres. Ce premier temple des Chrétiens, qui étaitsitué sur la montagne, de Sion, fut miraculeusementconservé dans le sac de la ville sous Titus, comme l'assuresaint Épiphane. L'impératrice sainte Hélène fit bâtir en cemême lieu une magnifique basilique, la plus grande deJérusalem ; plus tard, ayant été détruite par les Sarrasins, elle

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fut réparée au XVe siècle par les libéralités de Philippe leBon, duc de Bourgogne ; mais les mêmes infidèles nelardèrent pas à la renverser de nouveau, de sortequ'aujourd'hui on en voit seulement de tristes ruines.

On ne peut douter que les Apôtres eux-mêmes n'aientétabli une fête solennelle pour perpétuer la mémoire de ceprodigieux événement, qui manifestait la vérité de leurmission divine. Cette [335] Pentecôte nouvelle est fixée audimanche dans toute l'Église, parce que, d'après la traditionconstatée par le pape saint Léon le Grand, le Saint-Espritest descendu sur les Apôtres un dimanche qui était ledixième jour depuis l'Ascension et le cinquantième depuis laRésurrection du Sauveur. – En outre, afin de rappelerl'heureux moment où le prodige s'était opéré, vers neufheures du matin, l'Église fait réciter chaque jour à l'office detierce une hymne de saint Ambroise, qui contient uneinvocation au Saint-Esprit ; puis, pour plus de solennité, enla fête de la Pentecôte, elle l'a fait remplacer par uneattribuée à l'empereur Charlemagne, Veni Creator, que l'onchante avant la messe. Cet usage propre à ce jour futintroduit au XIe siècle par saint Hugues, abbé de Cluny ; etil fut admis plus tard dans la liturgie romaine.

Au moyen âge, où le peuple aimait beaucoup lesreprésentations sensibles de nos mystères chrétiens, onobservait en divers lieux des usages liturgiques que Durand,évêque de Mende au treizième siècle, rapporte en sonRational des divins offices. Ainsi, à la messe de la Pentecôte,pendant qu'on chantait la séquence Veni Sancti Spiritus,attribuée communément au pape Innocent III, on faisaitretentir des trompettes éclatantes pour rappeler le grandbruit, semblable à celui d'un vent impétueux, qui précéda ladescente du Saint-Esprit De la voûte du temple, on lançaitalors des feux d'artifice, pour figurer les langues de feu quiparurent dans le cénacle ; on répandait aussi, dans l'église,des roses et d'autres fleurs, pour signifier les grâces et lesdons du divin Paraclet. Quelquefois même on lâchait des

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colombes qu'on laissait voltiger autour des fidèles. Ce naïfusage subsistait encore au dernier siècle en quelques églisesd'Italie et de Sicile, comme à Messine ; mais il estgénéralement aboli, à cause de la dissipation et du troublequ'il occasionnait quelquefois pendant la célébration dessaints mystères.

La fête de la Pentecôte, comme celle de Pâques, ne seborne point au dimanche seul, mais elle s'étend à toute lasemaine. Les vigiles et les octaves de ces deux solennitésont entre elles beaucoup de rapports, parce qu'elles étaientégalement destinées autrefois à l'administration solennelledes sacrements de baptême et de confirmation. Ainsi, cesdeux octaves commencent le samedi qui précède leursolennité respective et finissent le samedi qui suit, enconsidération des néophytes ; pendant ce temps on lesfaisait venir à l'église tous les jours de la semaine, dont ouabrégeait les offices pour ne pas les fatiguer ; et en leurfaveur, au lieu de terminer [336] le rit pascal au dimanchede la Pentecôte, on le prolongeait jusqu'à la fin de l'octave,comme on le fait encore. Le célèbre abbé Rupert a tâchéd'appliquer aux sept dons du Saint-Esprit les sept offices decette même semaine. Autrefois tous les jours des deuxoctaves de Pâques et de la Pentecôte étaient pareillementfêtes d'obligation, comme il parait par le concile deMayence de l'an 813. Vers le milieu du dixième siècle,comme il conste par le concile d'Ingelheim de l'an 948, lesfêtes de Pâques furent continuées comme d'obligationdurant toute la semaine, tandis que celles de la Pentecôtefurent réduites au lundi, mardi et mercredi ; et ce dernierjour fut encore retranché, lorsque le jeûne des quatre-tempsfut fixé pour l'été à la semaine de la Pentecôte, par undécret de saint Grégoire VII.

V Assomption de Marie.

Avant de rapporter en partie le magnifique sermon desaint Bernard sur l'Assomption de Notre-Dame, Ludolphe

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cite sur ce même sujet deux discours qui ont été longtempsréputés authentiques ; l'un prétendu de saint Jérômeprésente la résurrection de Marie comme une questionindécise, et l'autre supposé de saint Augustin la montrecomme une opinion très-probable. C'est ainsi que, faute decritique en pareille matière, on a souvent allégué et acceptéde bonne foi des ouvrages faussement attribués à saintMéliton, à saint Athanase, à saint Ildefonse et à saint PierreDamien. Mais, sans recourir à des sources apocryphes, onpeut prouver l'ancienneté et la certitude de la traditionrelative à l'Assomption corporelle de la BienheureuseVierge. Dans ce but, nous tâcherons d'exposer l'objet etl'histoire de cette grande fête qui occupe le premier rangparmi toutes celles des Saints canonisés.

D'abord si nous remarquons que, dans les premierssiècles, les Pères semblent très-réservés pour publier leslouanges de Marie et que les fidèles paraissent peuempressés de témoigner leurs sentiments à son égard, n'ensoyons pas surpris ni scandalisés. Dans ces temps d'idolâtrieoù les mères des faux dieux étaient adorées [337] commedes déesses, il était à craindre que les infidèles et même desfidèles encore grossiers ne prissent la Mère du vrai Dieupour une divinité. Afin donc de ne pas donner lieu à descalomnies et à des superstitions, il y avait des ménagementsà observer, en ne parlant qu'avec précaution de Marie ainsique de l'Eucharistie et de la Trinité. Quand les Chrétienscessèrent d'appréhender les influences et les persécutionsdu paganisme, ils commencèrent à manifester pluslibrement la loi et la piété de leur religion. Mais le culte de laVierge prit surtout de nouveaux accroissements depuis quel'hérésiarque Nestorius essaya de contester sa divinematernité ; à partir de cette époque, que de temples furentconsacrés sous son nom ! que de fêtes instituées en sonhonneur ! Dès lors furent proclamées plus ouvertement lesmerveilles de sa glorieuse Assomption, qui font l'objetd'une principale solennité.

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Plusieurs merveilles illustrèrent le triomphe de Marie,quittant ce lieu d'exil : sa mort précieuse, effet de la plusardente charité ; sa résurrection anticipée, apanage de laplus parfaite sainteté ; son exaltation céleste, couronnementde la plus sublime dignité que puisse posséder une simplecréature.

Après l'Ascension du Sauveur, malgré le vif désirqu'elle avait de suivre son cher Fils au ciel, la divine Mèreconsentit à rester encore vingt-quatre ans sur la terre, pourservir de gouvernante à l'Église naissante. Il y avait déjàdouze ans qu'elle résidait à Jérusalem, lorsque les Juifsforcèrent les Apôtres d'en sortir ; on présume qu'alors elleaccompagna à Éphèse saint Jean, son gardien assidu. Maisaussitôt que la persécution fut calmée, elle revint habiter surle mont Sion, où, d'après la tradition, elle termina sonpèlerinage ici-bas, à l'âge de soixante-douze ans.

Saint Épiphane a douté si, à cause de son excellence, laMère de Dieu avait été soumise à la loi de la mort. Mais lesdocteurs catholiques s'accordent à reconnaître qu'elle a payécette dette de la nature comme fille d'Adam. Dans lacollecte et la secrète de la fête, qui se lisent aujourd'hui aumissel romain comme autrefois au sacramentaire grégorien,l'Église déclare que Marie a subi la mort temporelle, selon lacondition de la chair (Sancta Dei Genitrix mortem subiittemporalem... Quam pro conditione carnis cognoscimus). Aussi lesthéologiens enseignent qu'on ne peut plus contester ce faitsans témérité. Sans doute, Jésus-Christ aurait pu exemptersa sainte Mère de cette humiliation ; mais elle-même ne l'apas voulu, afin de mieux ressembler â son divin Fils. SaintBernard assure que ce ne furent point les douleur de [338]la maladie, mais les ardeurs de la charité qui, en Marie,détachèrent son âme bienheureuse de son chaste corpspour la réunir à son Bien-aimé. Elle expira non seulementdans l'exercice de la charité, comme d'autres vertueuxpersonnages, mais par la véhémence même de sa charité ;

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car après avoir vécu d'amour, elle ne devait mourir qued'amour, comme le dit un pieux auteur.

Si nous en croyons saint André de Crète, saintGermain de Constantinople et saint Jean Damascène, lesApôtres se trouvèrent miraculeusement rassemblés dedifférentes contrées sur le mont Sion, pour y rendre lesderniers devoirs à leur commune Maîtresse ; et ilsl'inhumèrent dans le jardin de Gethsémani. D'après unpassage assez obscur du concile d'Éphèse, quelques éruditsmodernes ont conclu que Marie avait été ensevelie, commesaint Jean à Éphèse ; mais cette conjecture est contraire à latradition admise dans les liturgies orientales. Depuis le VIe

siècle jusqu'à notre époque, de pieux pèlerins viennentvénérer au mont des Oliviers le tombeau qu'on leur montrecomme étant celui de la Bienheureuse Vierge. S'il ne paraîtpas mentionné dans les premiers siècles, c'est qu'il n'étaitpas encore découvert ; car il resta longtemps enfoui à 25 ou30 pieds sous les immenses décombres qu'on avait jetésdans la vallée de Josaphat durant le siège de Jérusalem.Quoiqu'il fut primitivement à fleur de terre, on descendaujourd'hui par un bel escalier de 50 marches dans l'égliseantique, où on le voit taillé dans le roc.

Cette demeure de la mort ne garda pas longtemps lecorps de Celle qui avait été la demeure de la vie. Jésus-Christ, en effet, voulant avoir avec sa sainte Mère une plusparfaite ressemblance, ne tarda point de la faire participer àsa glorieuse résurrection. Quelques jours après avoir étéséparé de son âme, le corps immaculé de la Vierge lui futréuni pour être aussitôt transporté dans le céleste royaume,où il jouit du bonheur éternel qui ne sera pas conféré auxcorps des autres Saints avant la résurrection générale. Telest le privilège qu'attribuent à Notre-Dame d'illustres Pères,soit grecs, soit latins ; ainsi saint Grégoire de Tours, saintGrégoire le Grand, saint Bernard en Occident, saint Andréde Crète, saint Modeste de Jérusalem, saint Germain deConstantinople, saint Jean Damascène en Orient. L'Église a

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jugé cette ancienne tradition assez bien fondée pour laproposer à la vénération publique en une fête qui estdevenue depuis longtemps universelle. Dans la collecte dece jour le missel romain, d'accord avec le sacramentairegrégorien, déclare que la Mère de Dieu n'a pu [339] demeurerdans les liens de la mort (nec mortis nexibus deprim-potuit), c'est-à-dire qu'elle a dû sortir promptement des ténèbres dutombeau. Au VIIIe siècle, le sacramentaire des Francs oudes Goths exprimait ce même sentiment que reproduitencore le Ménologe des Grecs. Pour inculquer d'unemanière plus formelle la tradition commune, l'Église latinefait lire dans le bréviaire romain ce que saint JeanDamascène et saint Bernard rapportent de cette glorieuseAssomption. D'où les théologiens, d'accord avec Suarez etBenoît XIV, concluent que cette pieuse croyance appartientà la doctrine de l'Église. Et quoiqu'elle ne soit pas undogme ou un article de foi, l'Église l'autorise et larecommande si ouvertement qu'on ne pourrait en nier oucontester la vérité sans une grande témérité et sans unvéritable scandale.

Depuis la définition dogmatique de l'ImmaculéeConception de Marie, les raisons de convenancequ'apportaient les théologiens pour appuyer la pieusecroyance à sa glorieuse Assomption ont acquis un nouveaudegré de force probante ; car ce sont les mêmes motifsqu'on peut alléguer en faveur des deux privilèges ; bien plus,cette dernière prérogative parait être une conséquencenécessaire de la première. Le corps très-pur de celle qui aété préservée de tonte souillure, non-seulement avant sanaissance mais même pendant sa vie, ne devait-il paségalement être préservé de toute corruption après sa mort ?Et si, pour l'honneur de Dieu qui voulait être un jour sonfils, Marie a été affranchie du péché originel, en devenant samère n'a-t-elle pas encore mieux mérité d'être affranchie dela putréfaction commune ? Jésus-Christ pouvait-il laisser enpâture aux vers la chair qui était en quelque manière la

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sienne propre, puisque la sienne en était provenueimmédiatement ? Caro enim Jesu, caro Mariæ, comme l'a dit unpieux écrivain, souvent cité sous le nom de saint Augustin.Voilà pourquoi les saints Pères et Docteurs, comme saintJean Damascène, saint Thomas, saint Bernardin, appliquentà Marie ainsi qu'à Jésus ces paroles prophétiques duPsalmiste : Non dabis sanctum tuum videre corruptionem (Ps. XV,10). Surge, Domine, in requiem tuam, tu et arca sanctificationis tuæ(Ps. CXXXI, 8). Ajoutons enfin que, si le corps de Marien'eût été réuni à son âme et transporté dans le ciel, il n'estpas croyable qu'il eût été si tôt et si longtemps oublié sur laterre, ni qu'il fût resté entièrement inconnu dans l'Église etprivé de l'honneur qu'elle a coutume de rendre aux reliquesdes autres Saints.

On ne sait pas d'une manière certaine quel jour eut lieu[340] l'Assomption de Marie, parce qu'autrefois la fête de cemystère n'était point célébrée partout à la même époque.Cependant, comme depuis bien des siècles, toutes lesÉglises d'Orient et d'Occident s'accordent avec celle deRome pour placer la solennité au 15 août, on présume quece jour est l'anniversaire même de l'événement. D'aprèsl'opinion la plus commune, on pense que, à l'exemple deson divin Fils, la Bienheureuse Mère ressuscita trois joursaprès sa mort, comme le marquent saint André de Crète etsaint Jean Damascène. Avant d'être réunie à son corps sacrédans le royaume céleste, son âme triomphante y avait étédéjà transportée pour jouir sans délai de la gloireincomparable qui lui était réservée ; car, selon que leConcile de Florence l'a déclaré, depuis l'Ascension duSauveur, les âmes qui sortent de ce monde entièrement purifiées de latache du pèche entrent aussitôt dans pour y contempler Dieu face àface. Or peut-on douter que ce principe n'ait eu sa plusparfaite application dans la personne de Marie, conçue sanspéché et exempte de toute faute ? Dès que la Mère de Dieusortit de ce monde, elle fut exaltée au plus haut des cieuxcomme Reine de l'univers, en sorte que dès ce moment la

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gloire de son âme très-sainte surpassa celle de tous lesSaints.

Bientôt après, de même que Notre-Seigneur étaitmonté avec son corps à la droite de son Père, Notre-Damemonta pareillement avec son corps à la droite de son Fils.Cependant entre l'une et l'autre exaltation il y a desdifférences notables. Jésus-Christ s'est élevé par sa proprevertu et sans aucun secours étranger jusqu'au trône de sonPère, comme lui étant égal dans la possession de la mêmeautorité suprême ; Marie a été enlevée par un privilègespécial et par une faveur incomparable jusqu'au trône deson Fils, comme lui étant associée avec subordination à ladivine majesté. Afin de mieux distinguer ces deux sortesd'exaltation corporelle, depuis longtemps l'usage a prévalude désigner celle de Jésus par le mot Ascension et celle deMarie par le mot Assomption. Néanmoins, la fête consacrée àcélébrer ce triomphe de Marie était autrefois désignée sousdifférents noms, et non-seulement par celui d'Assomption,mais encore par ceux de Sommeil, Passage, Repos, Mort,Inhumation (Dormitio, Transitus, Pausatio, Depositio). BenoitXIV fait justement observer que ces différentes expressionsétaient également autorisées par l'antique coutume del'Église pour indiquer la solennité de la BienheureuseVierge.

L'origine de cette fête se perd dans la nuit des temps,au point que quelques-uns la font remonter jusqu'auxApôtres. Saint [341] Bernard en attribue l'institutionsimplement à l'Église (Epist. 174) D'autres, commeThomassin, la font commencer aussitôt après le Conciled'Éphèse, qui contribua beaucoup par ses décisionsdogmatiques à développer la dévotion des peuples envers laMère de Dieu. Quoi qu'il en soit de son origine, noustrouvons cette fête consignée dans les plus antiquesmanuscrits ou livres qui soient restés des liturgiesoccidentales depuis plus de mille ans. En outre, les plusanciens témoignages et monuments historiques qui

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mentionnent cette solennité la supposent établie déjà. Versla fin du sixième siècle, saint Grégoire de Tours attestequ'on la célébrait (mediante undecimo), c'est-à-dire au milieu dejanvier. Elle est effectivement placée après l'Épiphanie dansun lectionnaire de Paris et dans un sacramentaire duLanguedoc qui sont antérieurs à Charlemagne. Deuxcalendriers d'une époque très-reculée, l'un copte et l'autresyriaque, assignent également au 16 janvier le Repos(Pausatio) de la Mère de Dieu ; cette indication concordeavec beaucoup de documents occidentaux qui marquent au18 janvier l'inhumation (Depositio) de la sainte Vierge.

Cependant saint Grégoire le Grand, qui florissait à lafin du VIe siècle, met l'Assomption au 15 août dans sonsacramentaire. Vers cette époque, l'empereur Maurice latransféra à ce même jour pour tout l'Orient. A la fin dusiècle suivant, le pape saint Sergius I institua pour cettesolennité une procession dont il détermina la station àRome. Il paraît qu'avant le IXe siècle on n'était pas obligé entout l'Occident de célébrer cette fête le 15 août ; car l'an813, le concile de Mayence en fit un précepte, dont lescapitulaires de Louis le Débonnaire assurèrent l'exécutiondans tout l'Empire français. L'an 847, saint Léon IV établità Rome l'octave de l'Assomption, pour remercier la sainteVierge d'avoir délivré cette ville d'un fléau qui la désolait.L'an 866, le pape saint Nicolas I, écrivant aux Bulgaresconvertis, leur recommanda d'observer la vigile del'Assomption avec le jeûne qui était pratiqué déjà depuislongtemps dans l'Église romaine. Cet usage s'étendit bientôtà toutes les Églises particulières qui le gardent encoreaujourd'hui ; plusieurs en Orient jeûnent même durant lesquinze jours qui précèdent la solennité. Elle est devenuecélèbre surtout en France depuis que Louis XIII a consacréson royaume à la Mère de Dieu, en la prenant pourprotectrice spéciale par une déclaration authentique de1638 ; et c'est pour rappeler et renouveler cette offrande

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publique que chaque année depuis lors on fait dans toutesles paroisses une procession solennelle.

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TITRES DE TOUS LES CHAPITRES6

De la grande vie de N. S. J. C. par Ludolphe lechartreux.

PREMIÈRE PARTIE.PREMIER VOLUME.

PRÉFACE DE CETTE ÉDITION..............................................IPROLOGUE DE L'AUTEUR............................................XXIXI. – Génération divine et éternelle du Christ.....................1II. – Rédemption du genre humain et Nativité de la

Bienheureuse Vierge Marie..........................................14III. – Mariage de la sainte Vierge......................................30IV. – Conception de Jean le Précurseur...........................41V. – Conception de notre Sauveur Jésus-Christ............52VI. – Naissance et Circoncision de Jean-Baptiste.........94VII. – Généalogie de Notre-Seigneur............................113VIII. – Doute de Joseph qui veut renvoyer Marie.......125IX. – Naissance de Jésus-Christ......................................139X. – Circoncision du Sauveur..........................................177[344]XI. – Manifestation de Notre-Seigneur aux trois Mages.

..................................................................................... ..191XII. – Présentation de Jésus-Christ au Temple............220XIII. – Fuite du Seigneur en Égypte et Massacre des

Innocents.....................................................................261XIV. – Notre-Seigneur revient d'Égypte et Jean

commence sa vie pénitente........................................281XV. – L'Enfant Jésus resté à Jérusalem est retrouvé

dans le Temple............................................................294XVI. – Ce que fit Jésus depuis l'âge de douze ans

jusqu'à sa trentième année.........................................317XVII. – Fonction et vie de Jean-Baptiste......................336XVIII. – Jean ne vint pas de lui-même, mais fut envoyé

de Dieu pour exercer son ministère public.............365

6 Les numéros de pages sont ceux de l’édition papier. Ces numéros de hautde page sont indiqués entre crochets [ ] dans notre édition.

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XIX. – Jean confesse devant les Juifs qu'il n'est pas leChrist, mais seulement son Précurseur et sonMessager.......................................................................383

XX. – De la Pénitence......................................................403DEUXIÈME VOLUME.

XXI. – Baptême de Jésus-Christ.........................................1XXII. – Jeûne et tentation du Seigneur............................30XXIII. – Témoignage de Jean-Baptiste sur Jésus-Christ,

Agneau de Dieu.............................................................74XXIV. – Nouveau témoignage de Jean-Baptiste sur

Jésus-Christ. – Première vocation des disciples. –Prédication cachée de Jésus-Christ.............................84

[345]XXV. – L'eau changée en vin aux noces de Cana.......100XXVI. – Jésus chasse du Temple les marchands.– Son entretien avec Nicodème......................................123XXVII. – Emprisonnement de Jean-Baptiste..............138XXVIII. – Jésus commence à prêcher publiquement.

.......................................................................................147XXIX. – Seconde et troisième vocation des disciples.

.......................................................................................156XXX. – Considérations générales sur les différentes

vocations des disciples. – Zèle de Jésus pour laprédication...................................................................171

XXXI. – Vocation et festin du -publicain Matthieu.. . .183XXXII. – Élection des douze Apôtres.........................200XXXIII. – Sermon sur la montagne. – Les huit

béatitudes.....................................................................211XXXIV. – Suite du sermon sur la montagne. – Devoirs

des prélats. – Préceptes relatifs à la colère et à laréconciliation, à la concupiscence et au divorce, auparjure et au serment..................................................242

XXXV. – Suite du sermon sur la montagne. – De lapatience et de la charité envers le prochain.............268

XXXVI. – Suite du sermon sur la montagne. – De lavaine gloire. – Ne point rechercher les louanges....293

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XXXVII. – Suite du sermon sur la montagne. – Del'Oraison dominicale...................................................307

XXXVIII. – Suite du sermon sur la montagne. – Nepoint thésauriser sur la terre, mais [346] dans le ciel........................................................................................333

XXXIX. – Suite du sermon sur la montagne. – De lamiséricorde, du jugement téméraire et de laconfiance en la prière.................................................361

XL. – Fin du sermon sur la montagne. – De la voieétroite. – Conclusion..................................................390

XLI. – Guérison d'un lépreux.........................................420XLII. – Guérison du serviteur paralytique du Centurion.

.......................................................................................435XLII1. – Guérison d'un démoniaque et de la belle-

mère de Pierre.............................................................450XLIV. – Résurrection du fils de la veuve de Naïm......466XLV. – Du scribe artificieux et de deux autres Juifs qui

veulent suivre Jésus-Christ........................................478XLVI. – Jésus, réveillé par les Apôtres, apaise une

tempête.........................................................................491TROISIÈME VOLUME.

XLVII. – Guérison de deux démoniaques possédés parune légion de démons.....................................................1

XLVIII. – Guérison d'un paralytique descendu par letoit d'une maison...........................................................13

XLIX. – Guérison de l'hémorroïsse. – Résurrection dela fille de Jaïre.................................................................27

L. – Guérison de deux aveugles et d'un muet.................41LI. – Mission des Apôtres pour prêcher avec pouvoir de

guérir les maladies.........................................................52LII. – De la patience dans l'adversité...............................76[347]LIII. – Du martyre. – Il faut confesser Jésus-Christ sans

redouter la mort..........................................................103LIV. – Obstacles à la perfection et à l'imitation de Jésus-

Christ............................................................................117

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LV. – Consolation des disciples dans la pratique despréceptes......................................................................138

LVI. – Jean-Baptiste députe deux de ses disciples versJésus-Christ qui fait son éloge devant le peuple.....150

LVII. – Jésus-Christ reprend et condamne l'infidélitédes Juifs........................................................................178

LVIII. – Retour des Apôtres et des soixante-douzedisciples après leur première mission.......................194

LIX. – Le bon Samaritain................................................219LX. – Pénitence de Marie-Madeleine.............................239LXI. – Activité de Marthe et repos de Marie................256LXII. – La Samaritaine.....................................................279LXIII. – Guérison du fils d'un officier..........................299LXIV. – Le Seigneur adresse à la foule quatre paraboles

et trois autres à ses disciples......................................312LXV. – Arrivée de Jésus à Nazareth ; attentat sur sa

personne.......................................................................349LXVI. – Décollation de Jean-Baptiste...........................365LXVII. – Jésus nourrit cinq mille hommes dans le

désert.............................................................................385LXVIII. – De l'ambition et des maux qui en sont la

suite parmi les ecclésiastiques et les religieux..........403LXIX. – Jésus Christ marche sur la mer et y fait

marcher Pierre.............................................................437LXX. – Paroles du Sauveur qui éloignent de lui [348]

plusieurs de ses disciples............................................449LXXI. – Passage de Notre-Seigneur et de ses disciples

à travers les moissons.................................................469LXXII. – Guérison de l'homme ayant la main

desséchée......................................................................481LXXIII. – Délivrance du démoniaque aveugle et muet.

.......................................................................................493QUATRIÈME VOLUME.

LXXïV. – Les Juifs demandent à Jésus un signe dans leciel. – Parabole de l'esprit immonde.............................1

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LXXV. – Exclamation d'une femme. – Mère et frèresdu Seigneur.....................................................................15

LXXVI. – Reproches de Jésus-Christ aux Pharisiens etaux docteurs de la Loi..................................................28

LXXVII. – Du frère qui demande le partage de sasuccession, et de l'homme qui veut agrandir sesgreniers...........................................................................43

LXXVIII. – Piscine probatique et paralytique guéri......57LXXIX. – Figuier stérile et femme courbée....................80LXXX. – Guérison d'un hydropique. – Exhortation à

l'humilité et à la miséricorde........................................99LXXXI. – Parabole des personnes invitées à un grand

souper...........................................................................115LXXXII. – Jésus diffère d'aller à Jérusalem pour lafête des Tabernacles..........................................................124LXXXIII. – De la femme adultère.................................142LXXXIV. – Paroles du Seigneur pour lesquelles les Juifs

veulent le lapider.........................................................151[349]LXXXV. – Guérison de l'aveugle-né.............................172LXXXVI. – Le bon Pasteur et ses véritables brebis.. . .186LXXXVII. – Fête de la Dédicace pendant laquelle les

Juifs veulent lapider Jésus..........................................202LXXXVIII. – Fausses traditions des Pharisiens...........215LXXXIX. – Guérison de la fille de la Chananéenne.. .225XC. – Guérison d'un sourd-muet possédé du démon.

.......................................................................................236XCI. – Jésus nourrit miraculeusement quatre mille

hommes........................................................................245XCII. – Levain dont il faut se garder. – Guérison de

l'aveugle de Bethsaïde.................................................263DEUXIÈME PARTIE.

I. – Confession de la vraie foi par saint Pierre..............275II. –Exhortation à suivre Jésus-Christ............................290III. – Transfiguration de Notre-Seigneur......................306IV. – Guérison d'un lunatique possédé du démon.......324

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V. – Tribut payé par Notre-Seigneur et par Saint Pierre.– Question de la préséance parmi les disciples.......335

VI. – Il ne faut ni scandaliser ni mépriser les petits et lesfaibles............................................................................352

VII. – Les trois paraboles de la brebis égarée, de ladrachme perdue et de l'enfant prodigue..................369

[350]VIII. – De la correction fraternelle et du pardon des

injures...........................................................................395IX. – Parabole du Roi qui fait rendre compte à ses

serviteurs......................................................................410X. – Du divorce et de la continence. – Enfants

présentés à Jésus..........................................................432XI. – Perfection de la pauvreté volontaire.....................444XII. – Les douze conseils évangéliques.........................458XIII. – Difficulté du salut pour les riches. –

Récompense de ceux qui abandonnent tout poursuivre Jésus-Christ......................................................472

XIV. – Le denier de la journée........................................490XV. – L'intendant infidèle mais prudent.......................505XVI. – Le riche voluptueux et le pauvre Lazare...........523

CINQUIÈME VOLUME.XVII. – Résurrection de Lazare..........................................1XVIII. – Conspiration des Pontifes et des Pharisiens

contre Jésus....................................................................22XIX. – Guérison de dix lépreux........................................32XX. – Les Samaritains refusent l'hospitalité au Seigneur

Jésus................................................................................45XXI. – Demande faite par les deux fils de Zébédée......52XXII. – Jésus guérit un aveugle avant d'entrerà Jéricho................................................................................75XXIII. – Zachée reçoit le Sauveur en sa maison et à sa

table.................................................................................85XXIV. – En sortant de Jéricho, Jésus guérit [351] deux

aveugles...........................................................................99

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XXV. – Effusion d'un parfum précieux sur la tête deJésus..............................................................................108

XXVI. – Jésus, assis sur l'ânesse et l'ânon, marchevers Jérusalem..............................................................129

XXVII. – Jésus fait son entrée triomphale à Jérusalem........................................................................................146

XXVIII. – Jésus pleure sur Jérusalem à son entréeen cette ville........................................................................162XXIX. – Jésus chasse du Temple pour la seconde fois

les vendeurs et les acheteurs......................................179XXX. – Les deux petites pièces de la veuve. – Prière du

Pharisien et du Publicain............................................196XXXI. – Figuier stérile, grain de froment, prince de ce

monde...........................................................................218XXXII. – Parabole des deux fils que leur père envoya

travailler à sa vigne......................................................238XXXIII. – Parabole de la vigne louée et des vignerons

homicides.....................................................................250XXXIV. – Parabole des noces, et de la robe nuptiale.

.......................................................................................261XXXV. – Du tribut à payer, et de la femme aux sept

maris..............................................................................278XXXVI. – Le plus grand commandement de la Loi, et

le second semblable au premier................................291XXXVII. – Jésus censure la conduite des Scribes et des

Pharisiens.....................................................................305XXVIII. – Jésus prononce huit sentences de

malédiction éternelle...................................................319XXXIX. – Premiers signes du dernier avènement de

Jésus-Christ et de la fin du monde...........................342[352]XL. – Avènement et persécution de l'Antéchrist.........354XLI. – Remèdes contre les tentations spirituelles des

derniers temps. Motifs de ferveur dans le service deDieu..............................................................................371

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XLII. – De la prière, de la vigilance. – Derniers signesdu jugement général et de la fin du monde.............384

XLIII. – Avènement de Jésus-Christ comme souverainJuge...............................................................................400

XLIV. – Consolation des élus à l'approche du jugement.– Comparaison du figuier..........................................411

XLV. – Temps du jugement dernier comparé avec lestemps de Noé et de Loth. – Incertitude par rapportau jour de ce jugement et au salut de chaquehomme..........................................................................427

XLVI. – Vigilance du père de famille. – Différenceentre le bon et le mauvais serviteur..........................439

XLVII. – Reins ceints et lampes ardentes. – Serviteursrécompensés ou punis................................................451

XLVIII. – Parabole des dix vierges................................463XLIX. – Parabole des talents...........................................475L. – Séparation des brebis et des boucs au jugement

dernier...........................................................................493SIXIÈME VOLUME.

LI. – De la Pâque. – Diverses significations de ce mot.. .1LII. – Quand et pourquoi Judas vendit son divin Maître.

.........................................................................................13[353]LIII. – Manducation de l'Agneau pascal dans la dernière

Gène du Sauveur...........................................................24LIV. – Lavement des pieds des Apôtres..........................35LV. – Reproche charitable adressé au traître Judas ; son

départ..............................................................................55LVI. – Institution de l'Eucharistie....................................72LVII. – Discours et prière de Jésus en la dernière Gène.

.........................................................................................96LV1II. – Pourquoi et comment il faut méditer la

Passion du Sauveur.....................................................135LIX. – (Premières complies de la Passion.) – Agonie du

Sauveur et trahison de Judas dans le jardin desOliviers.........................................................................159

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LX. – (Matines de la Passion.) – Jésus chez Anne, puischez Caïphe. – Reniement de Pierre........................217

LXI. – (Prime de la Passion.) – Jésus devant le Conseildes Juifs, dans le prétoire de Pilate et à la courd'Hérode. – Désespoir de Judas...............................257

LXII. – (Tierce de la Passion.) – Préférence donnée àBaratinas. – Jésus est flagellé, couronné d'épines etcondamné à mort ; il porte sa croix.........................292

LXIII. – (Sexte de la Passion.) – Jésus est crucifié sur leCalvaire entre deux voleurs. –Paroles qu'il prononceavant de mourir...........................................................363

LXIV. – (None de la Passion.) – Mort de Jésus. –Blessure de son côté. – Martyre de sa Mère............443

LXV. – (Secondes vêpres de la Passion.) – Le [354]corps du Sauveur est descendu de la croix parJoseph d'Arimathie et Nicodème..............................474

LXVI. – (Secondes complies de la Passion.) – Le corpsdu Sauveur est embaumé et enseveli. – Son tombeauest gardé et scellé par les Juifs...................................487

LXVII. – Épilogue de la Passion. – Éloge de la Croix........................................................................................516

LXVIII. – (Le lendemain de la Passion.) – Espérance deMarie. – Descente du Sauveur dans les limbes. –Délivrance des justes..................................................533

SEPTIÈME VOLUME.LXIX. – Résurrection de Notre-Seigneur..........................1LXX. –Jésus apparaît d'abord à sa divine Mère..............17LXXI. – Les saintes femmes et deux Apôtres courent

au tombeau du Seigneur...............................................29LXXII. – Jésus apparaît à Marie-Madeleine...................49LXXIII. – Jésus apparaît aux trois Marie.........................66LXXIV. – Aveu puis mensonge des gardes au sujet de la

Résurrection...................................................................74LXXV. – Jésus apparaît à Pierre, à Joseph d'Arimathie, à

Jacques le Mineur et aux saints Pères.........................81

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LXXVI. – Jésus apparaît, en l'absence de Thomas, auxApôtres réunis...............................................................98

LXXVII. – Jésus apparaît, en présence de Thomas, auxdisciples assemblés......................................................116

[355]LXXVIII. – Jésus apparaît près de la mer de Tibériade à

sept disciples................................................................127LXXIX. – Jésus apparaît sur une montagne de Galilée

aux onze Apôtres et à plus de cinq cents frères.....151LXXX. – Épilogue des apparitions de Jésus ressuscité.

.......................................................................................161LXXXI. – Ascension de Notre-Seigneur.......................169LXXXII. – De l'Écriture évangélique et de la Foi

chrétienne.....................................................................202LXXXIII. – De la Pentecôte...........................................213LXXXIV. – Des louanges divines..................................237LXXXV. – Assomption et glorification de Marie........250LXXXVI. – Jugement dernier.........................................274LXXXVII. – Du Ciel et de l'Enfer.................................294LXXXVIII. – Conclusion de ce livre.............................310

FIN

443

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TABLE DES NOTES CONTENUES DANSCETTE TRADUCTION

PREMIER VOLUME.I. – Portrait de Notre-Seigneur Jésus-Christ.................431II. – Harmonie ou concorde des Évangiles...................432III. – Diverses ponctuations et interprétations d'un

passage de l'Évangile selon saint Jean, c. 1, v. 3 et 4........................................................................................433

IV. – Serpent tentateur.....................................................434V. – Époque de la naissance de Jésus-Christ.................434VI. – Parents de la Bienheureuse Vierge Marie............435VII. – Doctrine et Fête de l'Immaculée Conception de

la Bienheureuse Vierge Marie....................................437VIII. – Fête de la Nativité de la Très-Sainte Vierge.....439IX. – Exemption du péché actuel et privilège

d'impeccabilité en Marie............................................441X. – Présentation de Marie au Temple...........................443XI. – Vœu de Virginité de Marie.....................................444[357]XII. – Notice sur l'Histoire Scolastique.........................445XIII. – Mariage de la Très-Sainte Vierge Marie............446XIV. – Glose......................................................................447XV. – Tour de Baris..........................................................448XVI. – Rapports mystérieux du nombre six avec les

temps de l'Incarnation et de la Rédemption...........448XVII. – Fête du saint Nom de Marie.............................449XVIII. – Origine de la Salutation angélique, du Rosaire

et de l'Angelus.............................................................450XIX. – Pourquoi Ludolphe n'a pas admis la doctrine de

l'Immaculée Conception............................................452XX. – Translation de la sainte Maison de Nazareth.. . .453XXI. – Fête de l'Annonciation........................................457XXII. – Circonstances de la Visitation de Marie..........468XXIII. – Fête de la Visitation de la Bienheureuse Vierge

Marie.............................................................................459

444

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XXIV. – Fête de la Nativité de saint Jean-Baptiste......460XXV. – Conciliation des deux Généalogies de Jésus-

Christ............................................................................461XXVI. – Notre-Seigneur ne descend point d'Aaron par

sa Mère.........................................................................464XXVII. – Paix générale et recensement universel à la

naissance de Jésus-Christ...........................................465XXVIII. – Le bœuf et l'âne à la crèche du Sauveur.....466XXIX. – Origine et antiquité du Gloria in excelsis..........466XXX. – Coutume de célébrer trois messes, en la fête de

Noël..............................................................................468XXXI. – Notice sur la Grotte, la Crèche et les [358]

langes du divin Enfant...............................................469XXXII. – Traditions judaïques relativement à Hébron.

.......................................................................................470XXXIII. – Apparition de la Vierge Mère de Dieu à

César-Auguste.............................................................471XXXIV. – Fête de Noël...................................................472XXXV. – Circonstances de la Circoncision de Jésus-

Christ............................................................................473XXXVI. – Fête de la Circoncision de Jésus-Christ......474XXXVII. – Dévotion au saint Nom de Jésus...............475XXXVIII. – Fête de l'Épiphanie.....................................476XXXIX. – Circonstances relatives à la venue des Mages.

.......................................................................................478XL. – Détails sur les Mages.............................................480XLL – Fête delà Purification...........................................482XLII. – Le Temple du Seigneur et l'Église de la

Présentation à Jérusalem............................................483XLIII. – Massacre des saints Innocents à Bethléem....484XLIV. – Jésus-Christ a-t-il opéré des miracles avant

son Baptême................................................................485XLV. – Jésus artisan..........................................................485XLVI. – Nourriture de saint Jean-Baptiste....................487XLVII. – Récitation de l'Évangile selon saint Jean à la

fin de la Messe.............................................................488

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XLVIII. – Chaussure de Notre-Seigneur.......................489DEUXIÈME VOLUME.

I. – Fête du Baptême de Jésus-Christ.............................507II. – Baptême administré au nom du Christ..................509[359]III. – Origine, et institution du Carême.........................510IV. – Époque, renouvellement et mémoire du premier

miracle opéré par Jésus-Christ aux noces de Cana........................................................................................514

V. – Particularités relatives aux noces de Cana.............516VI. – Jésus purifie le temple de Jérusalem.....................518VII. – Notice sur Nicodème............................................520VIII. – Fête de la Très-Sainte Trinité.............................521IX. – Époque de la prédication de Jésus-Christ et durée

de sa vie........................................................................522X. – Vocation des Apôtres...............................................524XI. – Correspondance de Jésus et d'Abgare..................525

TROISIÈME VOLUME.I. – Châtiment de la Pentapole........................................525II. – Conversion de Marie-Madeleine............................527

QUATRIÈME VOLUME.I. – Promesse de Jésus-Christ à saint Pierre relativement

à la Primauté et à l'Infaillibilité du Siège apostolique........................................................................................553

I. – Transfiguration du Sauveur sur le mont Thabor. –Fête commémorative de cette divine manifestation........................................................................................559

SEPTIÈME VOLUME.I. – Fête de Pâques............................................................323II. – Fête de l'Ascension...................................................327[360]III. – Symbole des Apôtres..............................................330IV. – Fête de la Pentecôte................................................333V. – Doctrine et fête de l'Assomption de la

Bienheureuse Vierge Marie........................................336FIN

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Iere CONCORDANCE DES CHAPITRES DELUDOLPHE AVEC LES CHAPITRES DES

ÉVANGÉLISTES

Dans cette Table les chapitres des Évangélistes sontindiqués par des chiffres romains, et les chapitres deLudolphe avec les parties de l'ouvrage où ils se trouventsont désignés par des chiffres arabes.

CHAPITRES DE SAINT MATTHIEU.

I. Expliqué dans la première partie, chap. 7, 8 deLudolphe.

II. p. 1, c. 11, 13,14.III. p. 1, c. 17.IV. p. 1, c. 22, 28, 29.V. p. 1, c. 32, 33, 34, 35.VI. p. 1, c. 36,37,38.VII. p. 1 c. 40.VIII. p. 1, c. 41,42,43,45,46,47.IX. p. 1, c. 31,48, 49, 50, 51.X. p. 1, c. 51,52, 53,54,55.XI. p. 1, c. 56, 57, 58.XII. p. 1 c.71,73,74,75.XIII. p. 1, c. 64, 65.XIV. p. 1, c. 32, 66, 67, 69.XV. p. 1 c. 88, 89, 91, 92.[362] XVI. p. 1, c. 92 – p. 2, c. 3.XVII. p. 2, c. 1, 3, 4, 5.XVIII. p. 2, c. 5, 6, 8, 9.XIX. p. 2, c. 10, 11, 13, 14.XX. p. 2, c. 14, 21, 24.XXI. p. 2, c. 26, 27, 29, 31, 32, 33.XXII. p. 2, c. 34, 35, 36.XXIII. p. 1, c. 76 – p. 2, c. 37, 38.

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XXIV. p. 2, c. 39, 40, 42, 43, 44, 45, 46.XXV. p. 2, c. 48, 49, 50.XXVI. p. 2, c. 25, 52, 53, 55, 56, 57, 59, 60.XXVII. p. 2, c. 61, 62, 63, 64, 65, 66.XXVIII. p. 2, c. 69, 71, 72, 73, 74, 80.

CHAPITRES DE SAINT MARC.

I. Expliqué dans la première partie, chap. 21, 43.II. p. 1, c. 31, 43.III. p. 1, c. 72.IV. p. 1, c. 41, 46, 51, 64.V. p. 1, c. 49.VI. p. 1,0.58, 65,66,69.VII. p. 1, c. 69,88,90.VIII. p. 1, c.91,92 – p. 2, c. 1.IX. p. 1, c. 43– p. 2, c. 3, 4, 5,6.X. p. 2, c. 10, 11, 21, 22, 24.XI. p. 2, c. 26, 27, 32.XII. p. 2, c. 30, 33, 37.XIII. p. 2, c. 39, 40, 44.XIV. p. 2, c. 25, 52, 53, 55, 56, 57, 59, 60.XV. p. 2, c. 61, 62, 63, 64, 65, 66.XVI. p. 2, c, 71, 82.[363]

CHAPITRES DE SAINT LUC.

I. Expliqué dans la première partie, chap. 4, 5,6.II. p. 1, c. 9, 10, 12, 15, 16.III. p. 1, c. 7, 17, 18, 21.IV. p. 1, c. 22, 43, 65.V. p. 1, c. 29, 31, 42, 48.VI. p. 1, c. 32, 33, 35, 39, 71, 72.VIL p. 1, c. 42, 44, 60.VIII. p. 1, c. 49, 64.IX. p. 1, c. 45, 51, 58, 67 – p. 2, c. 2, 4, 5, 19, 20.X. p. 1, c. 58, 59, 61.

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XL p. 1, c. 34, 73, 75, 76.XII. p. 1, c. 38, 54, 77 – p. 2, c 46, 47.XIII. p. 1, c. 40, 79.XIV. p. 1, c. 64, 80, 81 – p. 2, 34.XV. p. 2, c. 7.XVI. p. 2, c. 15, 16.XVII. p. 2, c. 4, 19, 39, 45.XVIII. p. 2, c. 11, 21, 22, 30, 42.XIX. p. 2 c. 23, 26, 27, 49.XX. p. 2, c. 33, 37.XXI. p. 2, c. 30, 39, 40, 42, 44.XXII. p. 2, c. 52, 53, 55, 56, 59, 60, 61.XXIII. p. 2, c. 61, 62, 63, 64, 65, 66.IXXIV. p. 2, c. 71, 76, 77.

CHAPITRES DE SAINT JEAN,

I. Expliqué dans la première partie, chap. 18,19,23,24.II. p. 1, c. 25, 26.III. p. 1, c. 27.[364]IV. p. 1, c. 62, 63.V. p. 1, c. 78.VI. p. 1, c. 67, 69, 70 – p. 2, c. 28,VII. p. 1, c. 82.VIII. p. 1, c. 83, 84.IX. p. 1, c.85.X. p. 1, c. 86,87.XI. p. 2, c. 17, 18.XII. p. 2, c. 25, 26, 27, 31.XIII. p. 1, c. 55 – p. 2, c. 54, 55, 57,XIV, XV, XVI, XVII. p. 2, c. 57.XVIII. p. 2, c. 57, 59, 60, 61, 62.XIX. p. 2, c. 62, 63, 64, 65, 66.XX. p. 2,c. 71, 72, 73, 77, 78.XXI. p. 2, c. 79.

FIN.

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IIeme CONCORDANCE DES CHAPITRES DELUDOLPHE AVEC LES ÉVANGILES DES

MESSES.

SELON LE MISSEL ROMAIN.Évangiles des Dimanches et des Féries qui

appartiennent au Propre du temps.I. Dimanche de l'Avent.

Erunt signa in sole, et luna, et stellis. Luc. XXI, partie 2,chap. 42 de Ludolphe.

II. Dimanche.Cum audisset Joannes in vinculis. Matth. XI, p. 1, c. 56.

III. Dimanche.Miserunt Judœi ah Jerosolymis. Joan. I, p. 1, c. 19.

Mercredi des Quatre-Temps de l'Avent.Missus est Angélus Gabriel a Deo. Luc. I, p. 1, c. 5.

Vendredi.Exsurgens Maria, abiit in montana. Luc. I, p. 1, c 6.

Samedi.Anno quintodecimo Tiherii Cæsaris. Luc. III, p. 1, c. 17.

IV. Dimanche.Anno quintodecimo. Luc. III, p. 1, c. 17.

Vigile de Noël.Cum esset desponsata mater Jesu. Matth. I, p. 1, c. 8.[366]

Noël. Messe de minuit.Exiit edictum a Cœsare Augusto. Luc. II, p. 1, c. 9.

Noël. Messe de l'aurore.Pastores loquebantur ad invicem. Luc. II, p. 1, c. 9.

Noël. Messe du jour.In principio erat Verbum. Joan. I, p. 1, c. 1 et c. 18.

Dimanche dans l'Octave de Noël.Erat Joseph et Maria mater Jesu. Luc. II, p. 1, c. 12.

Pendant l'Octave de Noël.Pastores loquebantur. Luc. II, p. 1, c. 9.

Circoncision de Notre-Seigneur.

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Postquam consummati sunt dies octo. Luc. II, p. 1, c. 10.Vigile de l'Épiphanie.

Defuncto Herode, Angelus Domini apparuit. Matth. II, p. 1, c.14.

Épiphanie.Cum natus esset Jesus in Bethleem Judœ. Matth. II, p. 1, c. 11.

Dimanche dans l'Octave de l'Épiphanie.Cum Jésus factus esset annorum duodecim. Luc. II, p. 1, c. 15.

Octave de l'Épiphanie.Vidit Joannes Jesum venientem. Joan. I, p. 1, c. 23.

II. Dimanche après l'Épiphanie.Nuptise factœ sunt in Cana Galilœse. Joan. II, p. 1, c. 29.

III. Dimanche.Cum descendisset Jésus de monte. Matth. VIII, p. 1, c. 41.

IV. Dimanche.Ascendente Jesu innaviculam. Matth. VIII, p. 1, c. 46.

V. Dimanche.Simile factum est regnum cœlorum homini qui seminavit. Matth.

XIII, p. 1, c. 64.[367]

VI. Dimanche.Simile est regnum cœlorum grano sinapis. Matth. XIII, p. 1, c.

64.Dimanche de la Septuagésime.

Simile est regnum cœlorum homini patrifamilias. Matth. XX, p.2, c. 14.

Dimanche de la Sexagésime.Exiit qui séminal seminare semen suum. Luc. VIII, p. 1, c. 64.

Dimanche de la Quinquagésime.Assumpsit Jésus duodecAm discipulos. Luc. XVIII, p. 2, c. 21.

Mercredi des Cendres.Cumjejunatis, nolite fieri sicut. Matth. VI, p. 1, c. 36.

Jeudi.Cum introisset Jésus Caphamaum. Matth. VIII, p. 1, c. 42.

Vendredi.

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Audistis quia dictum est antiquis : Diliges proœimum, Matth.V et VI, p. 1, c. 35 et 36.

Samedi.Cum sero esset, erat navis in medio. Marc, VI, p. 1, c. 69.

I. Dimanche de Carême : lnvocabit.Ductus est Jesus in desertum a Spiritu. Matth. IV, p. 1, c. 22.

Lundi.Cum venerit Filius hominis in majestate sua. Matth. XXV, p. 2,

c. 50.Mardi.

Cum intrasset Jesus Jerosolymam. Matth. XXI, p. 2, c. 26.Mercredi des Quatre-Temps de Carême.

Accesserunt ad Jesum Scribæ dicentes. Matth. XII, p. 1, c. 74.[368]

Jeudi.Egressus Jesus secessit in partes Tyri. Matth. XV, p. 1, c. 89.

Vendredi.Erat dies festus Judæorum, et ascendit. Joan. V, p. 1, c. 73.

Samedi.Assumpsit Jesus Petrum et Jacobum et Joannem. Matth. XVII,

p. 2, c. 3.II. Dimanche : Reminiscere.

Assumpsit Jesus Petrum et Jacobum et Joannem. Matth. XVII,p. 2, c. 3.

Lundi.Dixit Jésus turbis Judæorum. Joan. VIII, p. 1, c. 84.

Mardi.Super cathedram Moysis sederunt Scribœ. Matth. XXIII, p, 2, c.

38.Mercredi.

Ascendens Jesus Jerosolymam, assumpsit. Matth. XX, p. 2, c.21.

Jeudi.Homo quidam erat dives et induebatur. Luc. XVI, p. 2, c. 16.

Vendredi.Homo erat paterfamilias. Matth. XXI, p. 2, c. 33.

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Samedi.Homo quidam habuit duos filios. Luc. XV, p. 2, c. 7.

III. Dimanche : Oculi.Erat Jésus ejiciens dœmonium. Luc. XI, p. 2, c. 73.

Lundi.Quanta audivimus facta in Cavharnaum. Luc. IV, p. t, c.63.[369]

Mardi.Si peccaverit in te frater tuus, corripe eum. Matth. XVIII, p. 2,

c. 8.Mercredi.

Accesserunt ad Jesum ab Jerosolymis Scrïbæ. Matth. XV, p. 1, c88.

Jeudi.Surgens Jesus de synagoga. Luc. IV, p. 1, c. 43.

Vendredi.Venii Jesus in civitatem Samariæ. Joan. IV, p. 1, c. 62.

Samedi.Perrexit Jesus in montem Oliveti. Joan. VIII, p. 1, c. 83.

IV. Dimanche : Lætare.Abiit Jesus trans mare Galilxx. Joan. VI, p. 1, c. 67.

Lundi.Prope erat Pascha Judœorum. Joan. II, p. 1, c. 26.

Mardi.Jam die festo mediante, ascendit Jesus. Joan.VII, p. 1. c. 82.

Mercredi.Prxteriens Jesus, vidit hominem cæcum. Joan. IX, p. 1, c.85.

Jeudi.Ibat Jesus in civitatem aux vocatur Naïm. Luc. VII, p. 1, c. 44.

Vendredi.Erat quidam languens Lazarus. Joan. XI, p. 2, c. 17.

Samedi.Ego sum lux mundi. Joan. VIII, p. 1, c. 84.

Dimanche de la Passion : Judica.Dicebat Jesus turbis Judæorum. Joan. VIII, p. 1, c. 84.[370]

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Lundi.Miserunt principes et Pharisxi ministros. Joan. VII, p. t, c. 82.

Mardi.Ambulabat Jésus in Galilœam. Joan. VII, p. 1, c. 82.

Mercredi.Facta sunt encœnia Jerosolymis. Joan. X, p. 1, c. 87.

Jeudi.Rogabat Jesumquidam de Pharisæis. Luc. VII, p. 1, c. 60.

Vendredi.Collegerunt principes et Pharisœi. Joan. XI, p. 1, c. 18.

Samedi.Cogitaverunt principes sacerdotum. Joan. XII, p. 2, c. 25.

Dimanche des Rameaux, à la procession.Cum appropinquasset Jésus Jerosolymis, Matth. XXI, p. 2, c.

26.Item, à la Messe.

Passion selon saint Matthieu.Lundi-Saint.

Ante sex dies Paschœ, venit Jesus. Joan. XII, p. 2, c. 25.Mardi-Saint.

Passion selon saint Marc.Mercredi-Saint.

Passion selon saint Luc.Jeudi-Saint.

Ante diem festum Paschœ sciens Jésus. Joan. XIII, p. 2, c. 54.Vendredi-Saint.

Passion selon saint Jean.Samedi-Saint.

Vespere autem sabbati. Matth. XXVIII, p. 2, c. 69 et 70.[371]

Saint jour de Pâques.Maria Magdalene, et Maria Jacobi. Marc, XVI, p. 2, c. 71.

Lundi.Duo ex discipulis Jesu ibant ipso die, Luc. XXIV, p. 2, c. 76,

Mardi.Stetit Jesus in medio discipulorum. Luc. XXIV, p. 2, c, 77.

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Mercredi.Manifestavit seiterum Jesus ad mare. Joan. XXI, p. 2, c. 79,

Jeudi.Maria stabat ad monumentum foris. Joan. XX. p. 2, c. 72.

Vendredi.Undecim discipuli abierunt in Galilœam. Matth. xxvm, p. 2, c.

80.Samedi.

Una sabbati. Maria Magdalene venit. Joan. XX, p. 2, c. 71.Dimanche in albis, Octave de Pâques.

Cum esset sero die illa una sabbatorum. Joan. XX, p. 2, c.78.II. Dimanche après Pâques.

Ego sum Pastor bonus. Joan. X, p. 1, c. 86.III. Dimanche.

Modicum etjam non videbitis me. Joan. XVI. p. 2, c. 57.IV. Dimanche.

Vado ad eum qui me misit. Joan. XVI, p. 1, c. 57.V. Dimanche.

Amen, amen dico vobis : Si quid. Joan. XVI, p. 2, c. 57.Rogations.

Quis vestrum habebit amicum. Luc. VI, p. 1, c. 39.Vigile de l'Ascension.

Sublevatis Jesus oculis in cœlum, diœit. Joan. XVII, p. 2, c. 57.[372]

Jour de l'Ascension.Recumbentibus undecim discipulis, apparuit. Marc, XVI, p. 2, c.

82.Dimanche dans l'Octave de l'Ascension.

Cum venerit Paraclitus. Joan. XV, p. 2, c. 57.Vigile de la Pentecôte.

Si diligitis me, mandata mea. Joan. XIV, p. 2, c. 57.Dimanche de la Pentecôte.

Si quis diligit me sermonem meum servabit. Joan. XIV, p. 2, c.57.

Lundi.Dixit Jésus Nicodemo. Joan. III, p. 1, c. 27.

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Mardi.Amen, amen dico vobis, qui non intrat per ostium. Joan. X, p.

1, c. 86.Mercredi des Quatre-Temps de la Pentecôte.

Nemo potest venire ad me, nisi Pater. Joan. VI, p. 1, c. 70.Jeudi.

Convocatis Jésus duodecim apostolis. Luc. IX, p. 1, c. 51.Vendredi.

Factum est in una dierum, et Jésus sedebat docens. Luc. V, p. 1,c. 42.

Samedi.Surgens Jésus de synagoga introivit in domum Simonis. Luc. IV,

p. 1, c. 43.Fête de la Trinité.

Data estmihi omnis potestas. Matth. XXVIII, p. 2, c. 80.Évangile du I. Dimanche après la Pentecôte.

Estote miséricordes sicut et Pater vester. Luc. VI, p. 1, c. 39.Fête-Dieu.

Caro mea vere est cibus. Joan. VI, p. 1, c. 70.[373]

II. Dimanche.Homo quidam fecit cœnam magnam. Luc. XIV, p. 1, c. 81.

III. Dimanche.Erant appropinquantes ad Jesum. Luc. XV, p. 2, c. 7.

IV. Dimanche.Cum turbæ irruerent in Jesum. Luc. III, p. 1, c. 29

V. Dimanche.Nisi abundaverit justitia vestra plusquam Scribarum. Matth.

V, p. 1, c. 34.VI. Dimanche.

Cum turba multa esset cum Jesu. Marc, VIII, p. 1, c. 91.VII. Dimanche.

Attendite afalsisprophetis. Matth. VII, p. 1, c. 40.VIII. Dimanche.

Homo quidam erat dives. Luc. XVI, p. 2, c. 15.IX. Dimanche.

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Cum appropinquaret Jesus Jérusalem. Luc. XIX, p. 2, c. 27.X. Dimanche.

Dixit Jésus adquosdam, qui in se confidebant. Luc. XVIII, p. 2,c. 30.

XI. Dimanche.Exiens Jésus definibus Tyri. Marc, VII, p. 1, c. 90.

XII. Dimanche.Beati oculi qui vident quæ vos videtis. Luc. X, p. 1, c. 59.

XIII. Dimanche.Dum iret Jesus in Jerusalem transibat. Luc. XVII, p. 2, c. 19.

XIV. Dimanche.Nemo potest duobus dominis servire. Matth. VI, p. 1, c. 38.[374]

XV. Dimanche.Ibat Jesus in civitatem quæ vocatur Naïm. Luc. VII, p. 1, c. 44.

XVI. Dimanche.Cum intraret Jesus in domum cujusdam. Luc. XVI, p.1, c. 80.

XVII. Dimanche.Accesserent ad Jesum Pharisœi. Matth. XXII, p. 2, c. 36.

Mercredi des Quatre-Temps de Septembre.Respondens unus de turba dixit ad Jesum. Marc. IX, p. 1, c.43.

Vendredi.Rogabat Jesum quidam de Pharisœis ut manducaret. Luc. VII,

p. 1, c. 69.Samedi.

Dicebat Jesus turbis hanc similitudinem : Arborem fici. Luc.XIII, p. 1, c. 79.

XVIII. Dimanche.Ascendens Jesus in naviculam transfretavit. Matth. IX, p. 1, c.

48.XIX. Dimanche.

Simile factum est regnum cœlorum hominiregi. Matth. XXII, p.2, c. 34.

XX. Dimanche.Erat quidam regulus, cujus filius infirmabatur, Joan. IV, p. 1,

c.63.

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XXI. Dimanche.Assimilatum est regnum cœlorum homini regi, Matth, XVIII, p.

2, c. 9.XXII. Dimanche.

Abeuntes Pharisœi consilium inierunt. Matth. XXII, p. 2, c. 35.XXIII. Dimanche.

Loquente Jesu ad turbas, ecce princeps. Matth. IX, p. 1, c. 49.XXIV. Dimanche.,

Cum videritis abominationem desolationis. Matth. XXIV, p. 2,c. 40.

[375]Évangiles des Fêtes qui n'appartiennent pas

au Propre du Temps.Observation. Les évangiles qui sont ici précédés d'un

astérisque ne peuvent être récités à la Messe sans uninduit apostolique.

FÊTES DE NOTRE-SEIGNEUR.II. Dimanche après l'Épiphanie. SS. Nom de Jésus.

Postquam consummati surit dies octo, Luc. II, p. 1, c. 89.Mardi après le Dimanche de la Septuagésime. Oraison

de Notre-Seigneur Jésus-Christ.* Egressus Jesus ibat secundum consuetudinem, Luc. XXII, p. 2,

c. 59.Mardi après le Dimanche de la Sexagésime.

Commémoration de la Passion de Notre-SeigneurJésus-Christ.

* Sciens Jesus. (Comme à la messe votive de la Passion.)Vendredi après les Cendres. De la sainte couronne

d'épines de Notre-Seigneur Jésus-Christ.* Apprehendit Pilatus Jesum et flagellavit. Et milites plectentes

coronam de spinis. Joan. XIX, p. 2, c. 62.Vendredi après le I. Dimanche de Carême. De la sainte

Lance et des saints Clous de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

* Sciens Jesus. (Comme à la messe votive de la Passion.)

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Vendredi après le IL Dimanche de Carême. Du saintSuaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

* Cum jam sero esset factum. Marc. XV, p. 2, c. 66.Vendredi après le III. Dimanche de Carême. Des cinq

Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ.* Sciens Jesus. (Comme à la messe votive de la Passion.)

Vendredi après le IV. Dimanche de Carême et I.Dimanche de Juillet. Du précieux sang de Notre-

Seigneur Jésus-Christ.* Sciens Jesus. (Comme à la messe votive de la Passion.)[376]Vendredi après l'Octave de la Fête-Dieu. Du SS. Cœur

de Jésus.Sciens Jesus. (Comme à la messe votive de la Passion.)

3 Mai. Invention de la sainte Croix.Erat homo ex Pharisœis Nicodemus nomine. Joan. III, p. 1, c

27.6 Août. Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ.Assumpsit Jesus Petrum et Jacobum et Joannem. Matth. XVII,

p. 2, c. 3.14 Septembre. Exaltation de la Sainte-Croix.

Dixit Jesus turbis Judœorum : Nunc judicium est mundi. Joan.XII, p. 2, c. 31.

23 Octobre. Très-Saint Rédempteur.Dixit Jesus Nicodemo : Nemo ascendït in cœlum. Joan. III, p. 1,

c.27.FÊTES DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE.

Vendredi après le Dimanche de la Passion et III.Dimanche de Septembre. Les sept douleurs de la

Bienheureuse Vierge Marie.Stabant juxta crucem Jesu Mater ejus. Joan. XIX, p. 2, c. 63.III. Dimanche après la Pentecôte ou après l'Octave de

l'Assomption. DU TRÈS-PUR CŒUR DE LABIENHEUREUSE VIERGE MARIE.

* Extollens vocem. (Comme aux messes votives après laPentecôte.)

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Dimanche dans l'Octave de la Nativité Du SS. Nom deMarie.

Missus est Angélus Gabriel a Deo. Luc. I, p. 1, c. 5.III. Dimanche d'Octobre. Du SS. Rosaire.

Extollens vocem. (Comme aux messes votives après laPentecôte.)

[377]II. Dimanche d'Octobre. De la Maternité de la

bienheureuse Vierge Marie.* Cum redirent, remansit puer Jesus in Jérusalem. Luc. II, p. 1,

c. 15.III. Dimanche d'Octobre. De la Pureté de la

Bienheureuse Vierge Marie.* Missus est Angelus Gabriel a Deo. Luc. I, p. 1, c. 5.

IV. Dimanche d'Octobre ou II. de Novembre. DuPatronage de la Bienheureuse Vierge Marie.

* Extollens vocem. (Comme aux messes votives après laPentecôte.)

7 Décembre. Vigile de l'Immaculée Conception de laBienheureuse Vierge Marie.

* Liber generationis Jesu Christi Filii David. Matth. I, p. 1, c.7.

8 Décembre. Immaculée Conception de la BienheureuseVierge Marie.

Missus est Angélus Gabriel a Deo. Luc. I, p. 1, c. 5.10 Décembre. Translation de la sainte maison de la

Bienheureuse Vierge Marie. 17 Décembre : Attentede l'enfantement de la Bienheureuse Vierge Marie.

* Missus est. Luc. I, p. 1, c 5.23 Janvier. Épousailles de la Bienheureuse Vierge Marie.* Cum esset desponsata mater Jesu Maria Joseph. Matth. I, p.

1, c. 8.2 Février. Purification de la Bienheureuse Vierge Marie.Postquam impleii sunt diespurgaiionisMariœ. Luc. II, p. 1, c

12.

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25 Mars. Annonciation de la Bienheureuse ViergeMarie.

Missus est. Luc. I, p, 1, c 5.26 Avril. Apparition de l'Image de la Bienheureuse

Vierge Marie du Bon Conseil.* Liber generationis Jesu Christi. Matth. I, p. 1, c. 7.

24 Mai. Notre-Dame auxiliatrice.* Extollens vocem. (Comme aux messes votives après la

Pentecôte.)[378]2 Juillet. Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie.Exsurgens Maria abiit in montana cum festinatione. Luc, I, p.

1, c. 6.* 9 Juillet. Des Prodiges de la Bienheureuse Vierge

Marie sous le titre de Reine de la Paix.16 Juillet. Notre-Dame du Mont Carmel.

5 Août. Dédicace de sainte Marie des neiges.14 Août. Vigile de l'Assomption de la Bienheureuse

Vierge Marie.Extollens vocem. (Comme aux fêtes votives après la

Pentecôte.)15 Août. Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie.Intravit Jesus in quoddam castellum. Luc. X, p. 1, c. 61 et p.

2, c. 85.8 Septembre. Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.Liber generationis Jesu Christi. Matth. I, p. 1, c. 7.

24 Septembre. Notre-Dame de la Merci.21 Novembre. Présentation de la Bienheureuse Vierge

Marie.Eœtollens vocem. (Comme aux messes votives après la

Pentecôte.)FÊTES DES SAINTS RANGÉS SELON L’ORDRE

ALPHABÉTIQUE DE LEURS NOMS.30 Juillet. SS. Abdon et Sennen, martyrs.

Videns Jesus turbas ascendit in montem. Matth. V, p. 1, c.33.30 Août. SS. Adaucte et Félix, martyrs.

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Qui vos audit me audit. Luc. X, p. 1, c. 58.17 Août. Saint Agapet, martyr.

* Nisi granum frumenti. Joan. XII, p. 2, c. 31.5 Février. Sainte Agathe, vierge et martyre.

Si licethomini dimittere uxorem. Matth, XIX, p. 2, c. 10.17 Juillet. S. Alexis, confesseur.

* Ecce nos reliquimus omnia. Matth. XIX, p. 2, c. 13.[379]

21 Juin. S. Louis de Gonzague, confesseur.Erratis nescientes Scripturas. Matth. XXII, p. 2, c. 35 et 36.

2 Août. S. Alphonse-Marie de Liguori, évêque etconfesseur.

Designavit Jesus et alios septuaginta duos. Luc. x, p. 1, c. 58.20 Novembre. Vigile de S. André, apôtre.

Ambulans Jesus juxta mare Galilœœ vidit duos fratres. Matth.IV, p. 1, c. 29.

2 Octobre. SS. Anges Gardiens.Quis putas major est. Matth. XVIII, p. 2, c. 6.

23 Juillet. S. Apollinaire, évêque et martyr.Facta est contentio inter discipulos quis eorum. Luc. XXII, p. 2,

c. 56.2 Mai. S. Athanase, évêque, conf. et docteur de l'Église.Cum persequentur vos in civitate ista, fugite. Matth. X, p. 1, c.

52.11 Juin. S. Barnabé, apôtre.

Ecce ego mitto vos. Matth. X, p. 1, c. 52.24 Août. S. Barthélemy, apôtre.

Exiit Jésus in montem orare et erat pernoctans. Luc. VI, p. 1, c.52.

3 Février. S. Blaise, évêque et martyr.* Cum persequentur vos in civitate ista, fugite. Matth. X, p. 1,

c. 52.7 Août. S. Caétan, confesseur.

Nemo potest duobus dominis sèrvire. Matth. VI, p. 1, c. 38.18 Juillet. S. Camille de Lellis, confesseur.

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Hoc est prœceptum meum ut diligatis invicem. Joan. XV, p. 2, c.57.

13 Août. S. Cassien, évêque et martyr.* Cum persequentur vos in civitate ista, fugite. Matth. X p.1,

c.52.[380]

25 Octobre. SS. Chrysanthe et Darie, martyrs.Væ vobis qui œdificatis. Luc. XI, p. 1, c. 76.

15 Juin. SS. Crescent, Vit et Modeste, martyrs.Qui vos audit, me audit. Luc. X, p. 1, c. 68.

8 Août. SS. Cyriaque, Large et Smaragde, martyrs.Euntes in mundum universum. Marc, XVI, p. 2, c. 82.

21 Juillet. S. Daniel, prophète et confesseur.* Cum viderïtis abominationem desolationis. Matth. XXIV, p. 2,

c. 40.23 Mai. S. Didier, évêque et martyr.

* Egosum Pastor bonus. Joan. X, p. 1, c. 86.12 Novembre. S. Didace ou Diego, confesseur.

* Quis putas major est in regno cœlorurn. Matth. XVIII, p. 2, c.6.

9 Octobre. SS. Denis, Rustique et Eleuthère, martyrs.Attendite a fermento Pharisxorum quod est hypocrisis. Luc. XII,

p. 1, c. 53 et 92.12 Mai. Ste Domitille, SS. Nérée, Achillée et Pancrace,

mart.Erat quidam Regulus cujus filius infirmabatur Capharnaum.

Joan. IV, p. 1, c. 63.7 Août. S. Donat, évêque et martyr.

* Quis putas major est. Matth. XVIII, p. 2, c. 6.3 Septembre. SStes Dorothée, Euphémie, Thècle et

Érasme, vierges et martyres.* Si licet hornini dimittere uœorem. Matth. XIX, p. 2, c. 10.

20 Juillet. S. Elie, prophète et confesseur.* Assumpsit Jésus Petrum et Jacobum et Joannem. Matth. XVII,

p. 2, c. 3.24 Février. S. Exupérantius, évêque et confesseur.

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* In hoc clarificatus est Pater meus. Joan. XV, p. 2, c. 57.9 Juin. SS. Félicien et Prime, martyrs.

* Conflteor tibi, Pater. Matth. XI, p. 1, c. 58.[381]

21 Mai. S. Félix de Cantalice, confesseur.* Confiteor, tibi Pater. Matth. XI, p. 1, c. 58.

24 Novembre. S. Flavien, évêque et martyr.* Ego sum Pasior bonus. Joan. X, p. 1, c. 86.

4 Octobre. S François d'Assise, confesseur.* Confiteor tibi, Pater. Matth. XI, p. 1, c. 58.3 Décembre. S. François-Xavier, confesseur.Euntes mundum universum prædicate.Marc. XVI, p. 2, c. 82.

1 Septembre. Douze Frères Martyrs.* Attendite a fernaento Pharisœorum. Luc. XII, p. 1, c. 53 et

92.10 Juillet. Sept Frères Martyrs ; Stes Rufine et Seconde,

vierges et martyres.Loquente Jesu ad turbas, ecce Mater ejus. Matth. XII, p. 1, c.

75.18 Mars. S. Gabriel, archange.

Missus est angélus Gabriel. Luc. I, p. 1, c. 5.25 Juin. S. Gallican, martyr.

* Suspiciens Jesus dixit : Homo quidam descendebat abJérusalem. Luc. X, p. 1, c. 59.

17 Novembre. S. Grégoire Thaumaturge, évêque etconf.

Habete fidem Dei. Marc. XI, p. 2, c. 4.20 Juillet. S. Jérôme Émilien, confesseur.

Oblati sunt Jesu parvuli, ut manus eis imponeret. Matth. XIX,p. 2, c. 10.

5 Mars. B. Jérôme de Regineto, de l'ordre des Ermitesde S. Augustin.

* Diligite inimicos vestros. Matth. V, p. 1, c. 35.1 Février. S. Ignace, évêque et martyr.

Nisi granum frumenti. Joan. XII, p. 2, c. 31.31 Juillet. S. Ignace, confesseur.

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Designavit Dominus et alios septuaginta duos. Luc. X, p. 1, c.58.

28 Décembre. SS. Innocents.Angélus Domini apparuit in somnis. Matth. II, p. 1, c. 13.[382]

4 Juillet. S. Irénée, évêque et martyr.Ego sum Pastor bonus. Joan. X, p. 1, c. 86.

15 Mai. SS. Jacques le Mineur et Philippe, apôtres.Non turbeturcor vestrum. Joan. XIV, p. 2, c. 57.

25 Juillet. S. Jacques le Majeur, apôtre.Accessit ad Jesum mater filiorum Zebedœi. Matth. XX, p. 2, c.

21.13 Mai. S. Jérémie, prophète et martyr.

* Ecce mitto ad vos Prophetas. Matth. xxm, p. 2, c. 38.Dimanche dans l'Octave de l'Assomption. S. Joachim,

confesseur et père de la Bienheureuse Vierge Marie.Liber generationis Jesu Christi. Matth. I, p. 1, c. 7.

27 Décembre. S. Jean, apôtre et évangéliste.Dixit Jésus Petro : Sequere me. Joan. XXI, p. 2, c. 79.

6 Mai. S. Jean devant la Porte Latine.Accessit ad Jesum mater filiorum Zebedæi. Matth. XX, p. 2, c.

21.23 Juin. Vigile de S. Jean-Baptiste.

Fuit in diebus Herodis regis sacerdos. Luc. I, p. 1, c. 4.24 Juin. Nativité de S. Jean-Baptiste.

Elisabeth impletum est tempus pariendi. Luc. I, p. 1, c. 6.29 Août. Décollation de S. Jean-Baptiste.

Misit Herodes ac tenuit Joannem. Marc. VI, p. 1, c. 66.8 Mars. S. Jean de Dieu, confesseur.

Magister, quod est mandatum magnum in lege. Matth. V, p. 2,c. 36.

12 Juillet. S. Jean Gualbert, abbé.Audistis quia dictum est : Diliges proximum. Matth. V, p. 1, c.

35.16 Juin. S. Jean-François Régis, confesseur.

* Circuibat Jesus omnes civitates. Matth. IX, p. 1, c. 50.

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16 Mai. S. Jean Népomucène, martyr.* Cum audisset Joannes in vinculis opera Christi. Matth. XI, p.

1, c. 56.[383]27 Juin. SS. Jean et Paul, martyrs.Attendite a fermento Pharisœorum. Luc. XII, p. 1, c. 53 et 92.

19 Mars. S. Joseph, conf. et époux de la BienheureuseVierge Marie.

Cum esset desponsata mater Jesu Maria Joseph. Matth. I, p. 1,c. 8.

III. Dimanche après Pâques. Patronage de S. Joseph.Factum est autem cum baptizaretur omnis populus. Luc. III, p.

1, c. 21.18 Septembre. S. Joseph a Copertino, confesseur.

Simile factum est regnum cœlorum homini régi qui fecit nuptias.Matth. XXII, p. 2, c. 34.

27 Août. S. Joseph de Calasance, confesseur.Quis putas major est. Matth. XVIII, p. 2, c. 6.

27 Octobre. Vigile des SS. Jude et Simon, apôtres.Ego sum vitis vera et Pater meus agricola est. Joan. XV, p. 2, c.

57.28 Octobre. SS. Jude et Simon, apôtres.

Hœc mando vobis ut diligatis invicem. Joan. XVI, p.2, c. 57.28 Février. S. Julien, évêque et confesseur.

* Nolite thesaurizare vobis thesauros. Matth. VI, p. 1, c. 38.10 Août. S. Laurent, martyr.

Nisi granum frumenti. Joan. XII, p. 2, c. 31.11 Avril. S. Léon, pape, conf. et doct. de l'Église.

Venit Jesus in partes Cœsareœ Philippi. Matth. XVI, p.2,c. 1.15 Novembre. S. Léopold, confesseur.* Homo quidam nobilis abiit. Luc. XIX, p. 2, c. 49.

18 Octobre. S. Luc, évangéliste.Designavit Jésus et alios septuaginta duos. Luc. X, p. 1, c. 58.

25 Août. S. Louis, confesseur.Homo quidam nobilis abiit. Luc. XIX, p. 2, c. 49.[384]

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1 Août. SS. Machabées, martyrs.Attendite a fermento Pharisœorum. Luc. XII, p. 1, c. 54 et 92.

18 Juin. SS. Marc et Marcellin, martyrs.Vie vobisqui œdificatis. Luc. XI, p. Le. 76.

25 Avril. S. Marc, évangéliste.Designavit Jésus et alios septuaginta duos. Luc. X, p. 1, c. 58.

26 Février. Ste Marguerite de Cortone.* Murmurabant Pharisœi et Scribse. Luc. XV, p. 2, c 7.

22 Juillet. Ste Marie-Madeleine.Rogabat Jesum quidam de Pharisœis. Luc. VII, p. 1, c. 60.

22 Octobre. Ste Marie Salomé, veuve.* Accessit ad Jesum mater filiorum Zebedœi. Matth. XX, p. 2,

c. 21.29 Juillet. Ste Marthe, vierge.

Intravit Jesus in quoddam castellum. Luc. X, p. 1, c. 61.11 Novembre. S. Martin, évêque et confesseur.

Nemo accendit lucernam. Luc. XI, p. 1, c. 34.20 Septembre. Vigile de S. Matthieu, apôtre.

Vidit Jesus publicanum nomine Levi. Luc. V, p. 1, c. 31.21 Septembre. S. Matthieu, apôtre et évangéliste.

Vidit Jesus hominemsedentem in telonio. Matth. IX, p. 1, c. 31.24 ou 25 Février. S. Mathias, apôtre.

Confiteor, tibi Pater. Matth. XI, p. 1, c. 58.8 Mai. Apparition de S. Michel, archange. 29 Septembre.

Dédicace de l'Église de S. Michel.Quis putas major est. Matth. XVIII, p. 2, c. 6.

5 Juillet. S. Michel de Sanctis.* Erratis nescientes Scripturas. Matth. XXII, p. 2, c. 35 et 36.

5 Mai. S* »Monique, veuve.Ibat Jesus in civitatem quæ vocatur Naïm. Luc.VII, p. 1, c.44.10 Novembre. Ste Nymphe ; SS. Tryphon et Pæspicius,

martyrs.Attendue a fermento Pharisœorum. Luc. XII, p. 1, c. 54.[385]

30 Juin. Commémoration de S. Paul, apôtre.Ecce ego mitto vos. Matth. X, p, 1, c. 52.

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25 Janvier. Conversion de S. Paul.Ecce nos reliquimus omnia. Matth. XIX, p. 2, c. 13.

15 Janvier. S. Paul, premier ermite.Confiteor tibi, Pater. Matth. XI, p. 1, c. 58.

9 Septembre. B. Pierre Claver, confesseur.* Legis peritus quidam volens justiflcare seipsum, Luc. X, p. 1,

c. 59.28 Juin. Vigile des SS. Pierre et Paul, apôtres.

Simon Joannis diligis me plus his. Joan. XXI.29 Juin. SS. Pierre et Paul, apôtres ; de même à toutes

les autres fêtes de S. Pierre, à savoir : 18 Janvier :Chaire de S. Pierre, à Rome ; 22 Février : Chaire de

S. Pierre, à Antioche ; et 1 Août : S. Pierre auxLiens.

Venit Jésus in partes Cœsareæ Philippi. Matth. XVI, p. 2, c. 1.6 Juillet. Octave de SS. Pierre et Paul, apôtres.

Compulit Jesus discipulos ascendere in naviculam. Matth.XIV, p.1, c. 69.I Dimanche après l'octave des SS. Pierre et Paul.

Commémoration de tous les SS. Papes.* Venit Jesus in partes Cæsareæ Philippi. Matth. XVI, p. 2, c.

1.II. Dimanche de Juillet. S. Pulchérie, impératrice, vierge.* Exe est autem vita œterna ut cognoscant. Joan. XVII, p. 2, c.

57.24 Octobre. S. Raphaël, archange.

* Erat dies festus Judœorum. Joan. V, p. 1, c. 78.22 Août. S. Samuel, prêtre et prophète.

* Homo quidam nobilis abiit. Luc. XIX, p. 2, c. 49.1 Novembre. Tous les Saints.

Videns Jesus turbas ascendit in montem. Matth. V, p. 1, c. 33.[386]

11 Février. S. Siméon, prophète.* Homo erat in Jerusalem eux nomen Simeon. Luc. II, p. 1, c.

12.13 Novembre. S. Stanislas Kostka, confesseur.

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* Oblati sunt Jesu parvuli ut manus eis imponeret. Matth. XIX,p. 2, c. 10.26 Décembre. S. Etienne, premier martyr. 3 Août.

Invention de S. Etienne.Ecce mitto ad vos Prophetas. Matth. XXIII, p. 2, c. 38.

1 Septembre. S. Etienne, roi de Hongrie, confesseur.Homo quidam nobilis abiit. Luc. XIX, p. 2, c. 49.

18 Juillet. S. Symphorose et ses sept fils, martyrs.Attendue a fermento Pharisæorum. Luc. XII, p. I, c.54 et 92.

21 Décembre. S. Thomas, apôtre.Thomas unus exduodecim qui dicitur Didymus. Joan. XX, p. 2,

c. 77 et 78.31 Décembre. S. Thomas, évêque et martyr.

Ego sum Pastor bonus. Joan. X, p. 1, c. 86.Premier jour libre après les nones de Janvier. S. Tite,

évêque et confesseur.Designavit Jesus et alios septuaginta duos. Luc. X, p. 1, c. 58.

19 Juillet, S. Vincent de Paul, confesseur.Designavit Jesus, comme ci-dessus ; ou :* Circuibat Jésus omnes civitates. Matth. VII, p. 1, c. 50.5 Novembre. S. Zacharie, confesseur, père de S. Jean-

Baptiste.* Fuit in diebus Herodis regis sacerdos. Luc. I, p. 1, c. 4.

ÉVANGILES DES MESSES DU COMMUN DES SAINTS.Vigiles des Apôtres.

Hoc est præceptum meum ut dïllgatis. Joan. XV, p. 2, c. 57.[387]

1. Un Martyr Pontife.Si quis venit ad me et non odit. Luc. XIV, p. 1, c. 64.

2. Un Martyr Pontife.Si quis vult post me venire, abneget. Matth. XVI, p. 2, c. 2.

1. Un Martyr non Pontife.Nolite arbitrari quia pacem venerim mittere. Matth. X, p. 1, c.

54.2. Un Martyr non Pontife.

Nihil est opertum quod non revelabitur. Matth. X, p. 1, c. 53.

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Un Martyr au temps pascal.Ego sum vitis vera et Pater meus agricola est. Joan. XV, p. 2, c.

57.1. Plusieurs Martyrs.

Cum audieritis prœlia et seditiones. Luc. XXI, p. 2, c. 39.2. Plusieurs martyrs. Descendens Jesus de monte stetit. Luc.

VI, p. 1, c. 33.3. Plusieurs Martyrs.

Sedente Jesu super montem Oliueti. Matth. XXIV, p. 2, c. 39.Plusieurs Martyrs au temps pascal.

Ego sum vitis, vos palmites. Joan. XV, p. 2, c. 57.1. Confesseur Pontife.

Homo peregre proficiscens vocavit. Matth. XXV, p. 2, c. 49.2. Confesseur Pontife.

Vigilate quia nescitis qua hora Dominus vester. Matth. XXIV,p. 2, c. 46.

Docteurs.Vos estis sal terrœ. Matth. V, p. 1, c. 34.

1. Confesseur non Pontife.Sint lumbi vestri prœcincti. Luc. XII, p. 2, c. 47.

2. Confesseur non Pontife.Nolite timere pusillus grex, quia complacuit. Luc. XII, p. 1, c

38.[388]

Abbés.Ecce nos reliquimus omnia. Matth. XIX, p. 2, c. 13.

1. Vierges.Simile erit regnum cœlorum decem virginibus. Matth. XXV, p. 2,

c. 48.2. Vierges, et non Vierges.

Simile est regnum cœlorum ihesauro abscondito. Matth. XIII, p.1, c. 64.

Anniversaire de la Dédicace de l'Église.Ingressus Jesus perambulabat Jericho. Luc. XIX, p. 2, c. 23.

ÉVANGILES DES MESSES DES DÉFUNTS.Commémoration de tous les défunts.

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Quia venit hora et nunc est, quando mortui. Joan. V, p. 1, c.78.

Jour de la Mort ou de la Sépulture.Domine, si fuisses hic, frater meus. Joan. XI, p. 2, c. 17.

Jour de l'Anniversaire.Omne quod dat mihi Pater ad me veniet. Joan. VI, p. 1, c. 70.

Messes quotidiennes.Ego sum panis vivus qui de cœlo descendu Joan. VI, p. 1, c. 70.

ÉVANGILES DES MESSES VOTIVES.De la Sainte Trinité.

Cum venerit Paraclitus quem ego mittam vobis a Pâtre, Joan. V,p. 2, c. 57.

Des SS. Anges.Vidit Jesus Nathanael venientem ad se. Joan. I, p. 1, c. 24.

Des SS. Apôtres Pierre et Paul.Ecce nos reliquimus omnia. Matth. XIX, p. 2, c. 13.[389]

Du Saint-Esprit.Si quis diligit me serrnonem meum servabit. Joan. XIV, p. 2, c.

57.Du S. Sacrement de l'Eucharistie.

Caro mea vereest cibus. Joan. VI, p. 1, c. 70.De la sainte Croix.

Assumpsit Jesus duodecim discipulos secreto. Matth. XX, p 2, c.21.

De la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.Sciens Jesus quia omnia consummata surit. Joan. XIX, p. 2, c.

63 et 64.De la sainte Vierge, depuis l'Avent jusqu'à la Nativité de

Notre-Seigneur.Missus est Angelus Gabriel a Deo. Luc. I, p. 1, c. 5.

Depuis la Nativité jusqu'à la Purification.Transeamus usque Bethleem. Luc. II, p. 1, c. 9.

Depuis la Purification jusqu'à Pâques, et depuis laPentecôte jusqu'à l'Avent.

Extollens voccm quædam mulier de turba. Luc. XI, p. 1, c. 75.

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Depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte.Stabant juxta crucem Jesu Mater ejus. Joan. XIX, p. 2, c. 63.

Pour l'élection d'un souverain Pontife.Si diligitïs me mandata mea servate, Joan. XIV, p. 2, c. 57.

Pour l'anniversaire de l'élection ou de la consécrationd'un évêque.

Videte, vigilate et orate. Marc, XIII, p. 2, c. 44.Pour détruire un Schisme.

Pater sancte, serva eos in nomine tuo. Joan. XVII, p. 2, 57.[390]

Pour toute sorte de nécessité.Habete fidem Dei. Marc. XI, p. 2, c. 4.Pour la. Rémission des péchés.Petite et dabitur vobis, Luc. XI, p. 1, c. 39.

Pour demander la grâce d'une bonne mort.Attendue vobis, ne forte graventur corda vestra. Luc. XXI, p. 2,

c. 44.Contre les païens.

Cuis vestrum habebit amicum. Luc. XI, p. 1, c. 39.Pour le temps de guerre.

Die nobis : Quando hœc erunt. Matth. XXIV, p. 2, c. 39.Pour la paix.

Cum sero esset die illo, una sabbatorum. Joan. XX, p. 2, c. 77.Pour être préservé de la mortalité, ou en temps de peste.Surgens Jesus de synagoga. Luc. IV, p. 1, c. 43.Pour les infirmes. Cum introisset Jésus Capharnaum accessit.

Matth. VIII, p. 1, c. 42.Pour les pèlerins ou les voyageurs.

Euntes prœdicate dicentes, quia appropinquavit. Matth. X, p. 1,51.

Pour un époux et une épouse.Si licet homini dimittere uxorem. Matth. XIX, p. 2, c. 10.

Pour la propagation de la foi.* Circuibat Jésus omnes civitates et castella. Matth. IX, p. 1, c.

50.FIN.

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TABLE DES MATIÈRES

Contenues de le septième volume.CHAPITRE LXIX. Résurrection de Notre Seigneur......4CHAPITRE LXX. Jésus apparaît d'abord à sa mère.....24CHAPITRE LXXI. Les saintes femmes et deux apôtres

courent au tombeau du seigneur.................................39CHAPITRE LXXII. Jésus apparaît à Marie-Madeleine

.........................................................................................64CHAPITRE LXXIII. Jésus apparaît aux trois Marie.....86CHAPITRE LXXIV. Aveu, puis mensonge des gardes

au sujet de la Résurrection...........................................95CHAPITRE LXXV. Jésus apparaît à Pierre, à Joseph

d'Arimathie, à Jacques et aux saints pères...............104CHAPITRE LXXVI. Jésus apparaît à deux disciples

d'Emmaüs....................................................................110CHAPITRE LXXVII. Jésus apparaît en l'absence de

Thomas aux disciples réunis......................................124CHAPITRE LXXVIII. Jésus apparaît en présence de

Thomas aux disciples assemblés...............................147CHAPITRE LXXIX. Jésus apparaît près de la mer de

Tibériade à sept disciples...........................................161CHAPITRE LXXX. Jésus apparaît sur une montagne

de Galilée aux onze apôtres et à plus de cinq cetfrères.............................................................................192

CHAPITRE LXXXI. Épilogue des apparitions de Jésusressuscité......................................................................204

CHAPITRE LXXXII. Ascension de Notre-Seigneur. 214CHAPITRE LXXXIII. De l'écriture angélique et de la

foi chrétienne...............................................................256CHAPITRE LXXXIV. La Pentecôte............................270CHAPITRE LXXXV. Des louanges divines................300CHAPITRE LXXXVII. Jugement dernier...................317CHAPITRE LXXXVIII. Du Ciel et de l'enfer.............347CHAPITRE LXXXIX. Conclusion de ce livre............373NOTES...............................................................................393

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I Fête de Pâques................................................................410II Fête de l'Ascension.......................................................415III Symbole des Apôtres..................................................418IV Fête de la Pentecôte....................................................422V Assomption de Marie...................................................425Table des chapitres des sept volumes.............................434Table des notes des sept volumes...................................444Table des concordances avec les Évangiles...................447Table des concordances avec les Évangiles des messes.

.......................................................................................450FIN DU TOME SEPTIÈME ET DERNIER.

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