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L’usine virtuelle : une nouvelle voie vers le partenariat ... · PDF fileDans sa stratégie marketing, APRILIA ren-contre ses fournisseurs, leur indique ce qu’ils ... voulions

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Sandro CaparelliDirecteur Général, APRILIA

Dès 1982, le fabricant italien de cyclomoteurs Aprilia a mis en place dans son usinele concept de « l’usine virtuelle ». Aprilia confie les modèles de fabrication etl’assemblage modulaire à ses fournisseurs de premier rang. L’entreprise bénéficiede l’exclusivité de certaines technologies et de l’expérience de ses fournisseurs.Aprilia a obtenu des gains constants de parts de marché en mettant sur le marchédes produits complètement nouveaux en un temps record. Présentation du conceptd’usine virtuelle par son Directeur Général M. Sandro Caparelli.Colloque ISLI 1997.

Présentation de l’entrepriseAPRILIA est aujourd’hui le deuxième cons-tructeur européen de deux roues motorisésavec une production de 300 000 unités. En1991, APRILIA ne produisait que 50 000 uni-tés. Ce deuxième rang a été atteint dans lescinq dernières années. Nous sommes égale-ment passés d’un chiffre d’affaires de 500 mil-lions de francs à 3 milliards de francs. Cetteprogression s’est faite avec un nombre d’em-ployés à peu près constant- nous étions 700 en91, nous sommes 1 000 aujourd’hui.

L’organisationd’une société oloniqueLes clés du succès d’APRILIA ne résident passeulement dans l’organisation, mais dansl’imbrication de plusieurs facteurs. Design,technologie, performance, implication dansles Championnats du monde de vitesse sontautant d’éléments qui ont favorisé l’augmen-tation de nos volumes de ventes.

Mais ce qui nous intéresse le plus aujourd’hui,c’est notre organisation, celle qui nous a aidésà multiplier par 6 notre chiffre d’affaires, en 6ans.

APRILIA se définit comme une société olo-nique ou virtuelle : du grec olos (tout). Plusprécisément, la société olonique est celle quiutilise les compétences, le potentiel, la capaci-té de production d’un réseau d’entreprises,afin de devenir une société compétitive, au ni-veau national et international. APRILIA a puutiliser toutes les compétences du marché ita-lien, dans le secteur des composants pour lamoto et le scooter. Elle a « coagulé » tous cestalents et constitue aujourd’hui une société

Logistique & Management

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L’usine virtuelle : une nouvelle voievers le partenariat matière grise/technologie

Aprilia en Chiffres

nombre demodèles par an

2/3 nouveaux modèles par an plus restylinget changement couleur/graphisme sur tous les autres(pratiquement une nouvelle collection)

comparatif avecd’autres fabricants

rythme des autres très variable selon les années.Dernièrement très élevé et similaire à Aprilia

délaide conception

nouveau modèle (avec base moteur existante) : 18 moistime to marketnouveau modèle complet (y compris moteur) : 24 mois

cycle de vied’un modèle

variable en fonction des produitsscooter : 3/5 ansmoto : 3/8 ans

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qui se situe au deuxième rang des construc-teurs européens.

Nous allons analyser les étapes qui nous ontpermis de changer de vitesse et de qualité.

Une vision globaledu marché des deux roues

Aujourd’hui, APRILIA conçoit entièrementtous ses produits, presque tous ses compo-sants, les petites ou grosses parties de la moto(suspensions, carburateurs, etc.). Elle confiela fabrication à des sous-traitants et récupèrele tout pour l’assemblage et la qualité finale.Dans sa stratégie marketing, APRILIA ren-contre ses fournisseurs, leur indique ce qu’ilsdoivent faire, même si ceux-ci sont des spécia-listes. APRILIA leur apporte une vision glo-bale et systémique du métier du deux roues.

Cette vision globale permet d’une part àAPRILIA d’être compétitif et flexible et per-met d’autre part aux sous-traitants d’avoir desproduits toujours au goût du jour et, plus géné-ralement, de démultiplier ensemble l’effort.Aujourd’hui, nous avons 250 sous-traitantsprincipaux qui ne travaillent pas uniquementpour nous. Nous pouvons donc bénéficier duKnow How de ces fournisseurs qui collabo-rent parallèlement avec d’autres partenaires ;le contraire est également valable.

Une stratégie de niches

APRILIA a été créé dans les années 70. Der-nière arrivée sur le marché de la moto,l’entreprise fabriquait auparavant des bicy-clettes. La transformation s’est opérée de ma-nière très douce. Il existait un petit marché àprendre, or la direction d’APRILIA voulait fa-briquer des produits de « niche », délaissés parles constructeurs japonais. Il fallait donc in-venter des produits pour satisfaire ces mi-cro-marchés. Dans cette optique, APRILIA atoujours fait appel à la sous-traitance. Mais àl’époque, cela impliquait que nous devionschercher les constructeurs de composants, lesfabricants ayant les pièces qu’il nous fallait.Nous faisions des produits originaux maisnous partions d’éléments existants.

Dans cet optique de niches, nous cherchions àfabriquer des produits qui sortaient du seg-ment ordinaire du marché. Nous avions be-soin d’une grande flexibilité et nous nevoulions pas investir dans un outil de fabrica-tion très lourd. Cette stratégie a bien évidem-ment des défauts puisqu’en définitive, nous nepouvions pas différencier les produits, nous

nous cantonnions à des micro-marchés. Il fal-lait donc évoluer.

Une approche systémiqueAPRILIA a réellement évolué lorsqu’elle adécidé de rentrer dans le marché des 125 cm3

et celui du scooter. On ne pouvait plus se limi-ter à déléguer certaines fonctions à dessous-traitants et assembler ensuite. Il fallaitque notre système de développement soitcapable de concevoir l’ensemble et d’anti-ciper un marché de plus en plus demandeur denouveautés et d’innovation technologique, àl’image du marché automobile. Nous devionsoffrir ces nouveautés et surtout, renouveler lagamme. Pour cela, APRILIA n’a pas choisi dedévelopper une compétence spécifique dansun domaine, mais bien plus d’avoir une ap-proche systémique dans le métier des deuxroues motorisés. Ceci nous a permis de choisirles segments de marché au fur et à mesure quel’occasion se présentait.

Notre service de Recherche et Développe-ment, intégré à un service Marketing (il n’y apas de séparation des fonctions), a toujoursconçu les produits. Il a utilisé deux types desous-traitants :● les sous-traitants qui nous donnaient une ca-pacité de production (c’est-à-dire des sous-traitants qui bénéficiaient des plans de produ-ction, des moules, des échantillonsd’APRILIA), et● des sous-traitants spécialistes (carburateurs,fourches, etc.) avec lesquels nous définissionsles produits de manière originale et intégréedans l’approche systémique du produit.

Flexibilité et intégrationdes sous-traitantsCes sous-traitants sont pratiquement intégrésdans APRILIA ; leur service Recherche & Dé-veloppement joue un rôle moins importantpuisque c’est celui d’APRILIA qui prime.Mais cela leur permet d’être toujours àl’avant-garde dans le développement de leursproduits.

Nous passons d’une constellation informellede sous-traitants à des relations très étroitesdans lesquelles APRILIA est l’entreprisepivot. La flexibilité d’APRILIA dérive, nonpas de sa capacité à utiliser des sous-traitantsmais de sa capacité à anticiper les tendancesdu marché.

Toute la flexibilité d’APRILIA et sa capacité às’adapter au marché ne viennent pas de la

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sous-traitance elle-même. Cette intégrationest un avantage, en termes de coût. Si l’on uti-lise l’intégration uniquement comme un com-plément de la production, nous n’avons pas unavantage compétitif complet. Le Centre deRecherche & Développement doit travailler àla place du sous-traitant et avec lesous-traitant pour bénéficier de l’effort dé-multiplié et ainsi, être vraiment flexible. Celaveut dire que l’on ne doit pas être compétentdans un seul domaine, mais dans tous les do-maines des deux roues et pouvoir ainsi exploi-ter toutes les opportunités du marché.

Utiliser toute ses compétencespour faire évoluercontinuellement le produit

Prenons un exemple. En 1990, APRILIA dé-cide de rentrer dans le marché du scooter, mar-ché très important en Italie, sur lequel il n’yavait qu’un seul acteur mais plusieurs évolu-tions technologiques possibles. APRILIA apar exemple compris que l’on pouvait utiliserdes plastiques à la place de la tôle, sur la car-rosserie du scooter. Il a également mis des va-riateurs automatiques à la place des boîtesmécaniques. Pénétrer le marché du scooter nenous posait aucun problème puisque nousavions des compétences dans les deux roues.Passer de la moto au scooter ne représentait ni

une diversification ni une réorientation ;c’était le même métier. Nous faisions fabri-quer des pièces différentes aux mêmes four-nisseurs.

Cette opération n’a pas pu être réalisée partous ceux qui ont vu arriver le marché du scoo-ter : APRILIA est passé de 0 % à 26% de partde marché... Parallèlement, notre principalconcurrent est passé de 60 à 27 %. D’autresconcurrents se sont également positionnés surle marché du scooter, avec des spécialisationsproductives. Prenons les Français : Peugeot etMBK ont des spécialisations vélomoteurs.Pour faire des scooters, il leur fallait des al-liances avec les japonais. Aujourd’hui, MBKest produit chez Yamaha. Quand Peugeot fa-brique des scooters, ce sont les mêmes mo-teurs que Honda. En Italie aussi, desspécialistes de la moto ont cherché à produiredes scooters ; résultats, ils les ont fait à Tai-wan.

Cela montre simplement qu’en fabriquant desscooters à Taiwan, on ne conçoit pas les pro-duits de A à Z et l’on ne peut pas modifiercontinuellement le produit.

Pour APRILIA, la sous-traitance n’est passeulement une question d’économie de coûts,c’est aussi une capacité à anticiper le mar-ché et à être le guide du réseau d’entreprisesqui constitue cette société olonique.

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