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RJS, 2020, 5 (1), 71-98 71 Dubreuil et al. - Évolution des espaces d’activité et transition vers l’âge adulte L'évolution des espaces d’activité lors de la transition vers l’âge adulte (Montréal, Canada) Anaïs Dubreuil Université Paris-Diderot, UMR Géographie-cités, Paris (France) [email protected] Julie Vallée Centre national de la recherche scientifique (CNRS), UMR Géographie-cités, Paris (France) [email protected] Martine Shareck Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto, Toronto (Canada) [email protected] Katherine L. Frohlich École de Santé Publique et Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM) (Canada) [email protected] Résumé Lors de la transition vers l’âge adulte, les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux se conforment de moins en moins à un modèle commun. Cette non-linéarité des parcours de vie est largement étudiée dans les travaux récents mobilisant le concept de life course, mais elle n’est guère mise en relation avec les pratiques spatiales et l’évolution des espaces d’activité. À partir d’un corpus de données mixtes issues de la cohorte ISIS (Interdisciplinary Study of Inequalities in Smoking), cet article examine les évolutions des pratiques spatiales quotidiennes de 1359 jeunes adultes montréalais en relation avec leurs parcours scolaire, professionnel, familial et conjugal. En 2011, les lieux d’activités des participants (alors âgés de 18 à 25 ans) étaient en moyenne éloignés de 5,6 km de leur domicile. Quatre ans plus tard, cette distance a sensiblement diminué (-1,1 km). Ce resserrement autour du domicile ne varie guère selon l’âge des personnes interrogées. En revanche, il est bien plus marqué pour les jeunes adultes qui ont connu des changements typiques comme l’arrêt des études, l’entrée dans la vie professionnelle, le départ du foyer parental ou l’installation en couple. À l’heure où le passage à l’âge adulte est de moins en moins « chrono-logique », les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux se révèlent être des clefs d’explication pour comprendre les évolutions des pratiques spatiales lors de la transition vers l’âge adulte. Mots-clés : approche longitudinale, espace d’activité, parcours de vie, transition vers l'âge adulte, trajectoires Volume 5, numéro 1, 2020

L'évolution des espaces d’activité lors de la transition

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Dubreuil et al. - Évolution des espaces d’activité et transition vers l’âge adulte

L'évolution des espaces d’activité lors de la transition vers l’âge adulte (Montréal, Canada)

Anaïs Dubreuil Université Paris-Diderot, UMR Géographie-cités, Paris (France) [email protected]

Julie Vallée Centre national de la recherche scientifique (CNRS), UMR Géographie-cités, Paris (France) [email protected]

Martine Shareck Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto, Toronto (Canada) [email protected]

Katherine L. Frohlich École de Santé Publique et Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM) (Canada) [email protected]

Résumé

Lors de la transition vers l’âge adulte, les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux se conforment de moins en moins à un modèle commun. Cette non-linéarité des parcours de vie est largement étudiée dans les travaux récents mobilisant le concept de life course, mais elle n’est guère mise en relation avec les pratiques spatiales et l’évolution des espaces d’activité. À partir d’un corpus de données mixtes issues de la cohorte ISIS (Interdisciplinary Study of Inequalities in Smoking), cet article examine les évolutions des pratiques spatiales quotidiennes de 1359 jeunes adultes montréalais en relation avec leurs parcours scolaire, professionnel, familial et conjugal. En 2011, les lieux d’activités des participants (alors âgés de 18 à 25 ans) étaient en moyenne éloignés de 5,6 km de leur domicile. Quatre ans plus tard, cette distance a sensiblement diminué (-1,1 km). Ce resserrement autour du domicile ne varie guère selon l’âge des personnes interrogées. En revanche, il est bien plus marqué pour les jeunes adultes qui ont connu des changements typiques comme l’arrêt des études, l’entrée dans la vie professionnelle, le départ du foyer parental ou l’installation en couple. À l’heure où le passage à l’âge adulte est de moins en moins « chrono-logique », les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux se révèlent être des clefs d’explication pour comprendre les évolutions des pratiques spatiales lors de la transition vers l’âge adulte.

Mots-clés : approche longitudinale, espace d’activité, parcours de vie, transition vers l'âge adulte, trajectoires

Volume 5, numéro 1, 2020

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Changes in Activity Spaces During the Transition to Adulthood (Montreal, Canada)

Abstract

School, work, family, and relationship trajectories increasingly deviate from a standard model during the transition to adulthood. In recent years, this complexity has been widely studied by scholars who adopt a life course approach. However, in the context of these studies, little attention has been paid to the influence of spatial practices and changes in activity spaces. Based on a collection of mixed data from the ISIS (Interdisciplinary Study of Inequalities in Smoking) cohort, this article analyzes changes in everyday spatial practices among 1359 young adults from Montreal, in relation to their school, work, family, and relationship trajectories. In 2011, when the participants were between the ages of 18 and 25, their activity locations were, on average, 5.6 km from home. Over the next four years, this distance decreased significantly (-1.1 km), as participants of all ages tended to engage in activities closer to home. However, the trend was much more pronounced among young adults who had experienced typical life course changes such as graduating from school, starting their first job, leaving home, or settling down with a partner. At a time when the transition to adulthood is becoming less and less “chronological,” school, work, family, and relationship trajectories provide keys to understanding changes in everyday spatial practices during this phase of life.

Keywords : activity space, life course, longitudinal approach, trajectories, transition to adulthood

Pour citer cet article : Dubreuil, A., J. Vallée, M. Shareck et K. Frohlich. (2020). L'évolution des espaces d’activité lors de la transition vers l’âge adulte (Montréal, Canada), Revue Jeunes et Société, 5 (1), 71-98. http://rjs.inrs.ca/index.php/rjs/article/view/191/128

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1. Introduction

1.1 La transition vers l’âge adulte

La période située entre l’adolescence et l’âge adulte s’étire et se complexifie depuis ces dernières décennies sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie et des transformations sociales et économiques : les changements scolaires, professionnels ou familiaux qui marquent le passage à l’âge adulte deviennent réversibles et se conforment de moins en moins à un modèle commun (Bidart, 2006 ; Galland, 1985). Après avoir été envisagée comme un prolongement de l’adolescence, la « jeunesse » ou « transition vers l’âge adulte » est maintenant considérée comme une période à part entière, comme un « âge en soi » (Galland, 1990) même si sa caractérisation et sa délimitation font encore l’objet de débats (Cicchelli, 2001 ; Gauthier, 2000 ; Longo, 2016 ; Mauger, 1995). La transition vers l'âge adulte a d’abord été caractérisée par le franchissement de divers seuils, qui rappellent les rites de passages étudiés par les anthropologues, survenant de manière groupée et dans un ordre bien établi. Cinq changements ont d’abord été identifiés dans les recherches comme des révélateurs typiques du passage de l’âge de l’enfance à l’âge adulte : la sortie du système scolaire, l’entrée dans le marché du travail, le départ de chez les parents, l’installation en couple et la naissance du premier enfant (Galland, 2009). Depuis une trentaine d’années, ce modèle de référence se trouve remis en question (Van de Velde, 2015b). En effet, les parcours de vie des jeunes adultes deviennent multiples, complexes et réversibles. On parle d’une individualisation des parcours. Ainsi, aux cinq changements typiques s’ajoutent des changements atypiques comme les reprises d’études, les séparations conjugales, les concubinages hors mariage, les recompositions familiales ou encore les retours dans le foyer parental.

Cette individualisation des parcours de vie se conjugue avec un changement d’attitude de la société face aux jeunes adultes : ceux-ci sont de plus en plus considérés comme les « acteurs » de leur parcours, capables de décider de leur avenir. Pourtant, ils demeurent contraints par des réglementations institutionnelles qui régulent la transition vers l'âge adulte (Bidart, 2008 ; Dubar et Nicourd, 2017) en imposant des limites d'âge à partir desquelles certains droits et devoirs sont acquis, certaines ressources peuvent être allouées, certains comportements sont interdits ou au contraire autorisés. Au Québec, l’âge de la majorité, fixé à 18 ans, s’accompagne de nouvelles responsabilités et de possibilités amenant le jeune à s’émanciper en lui permettant de voter par exemple, mais aussi d’acheter des cigarettes et de l’alcool. À ce titre, la société le considère comme un adulte, responsable et capable de subvenir à ses besoins. Certaines aides lui sont d’ailleurs retirées comme l’accès gratuit à certains soins de santé notamment le dentiste, mais d’autres aides sociales ou de logement deviennent accessibles. Ces réglementations (qui peuvent varier d’un pays à l’autre) sont autant le reflet que le produit des représentations collectives sur ce que l’on peut faire ou ne pas faire, ce que l’on doit être ou ne pas être selon son âge biologique. La seule prise en compte de l’âge pour définir la transition vers l'âge adulte pose cependant question. Si l’âge biologique permet de différentier facilement des sous-groupes de populations

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(mineurs/majeurs, jeunes adultes, etc.), il passe néanmoins sous silence les temporalités propres à chaque individu ainsi que les interdépendances qui existent entre les trajectoires scolaires, professionnelles, résidentielles, sociales, familiales, etc. Visant à renouveler la définition traditionnelle du cycle de vie divisé en étapes prédéfinies, le courant de recherche qui se développe en sociologie et en démographie autour de la notion de life course interroge la discontinuité des parcours au cours de la transition vers l’âge adulte en questionnant les cheminements scolaires, professionnels, familiaux « non linéaires, ponctués d’étapes, de virages, et de transitions signifiantes pour l’individu » (Van de Velde, 2015b, p.18). Pour les jeunes adultes, alors même qu’on peut supposer, par exemple, que le départ du foyer familial ou le premier travail constituent deux événements ayant des répercussions sur la forme et la taille de leur espace de vie du quotidien, les travaux n’étudient guère comment les parcours de vie des jeunes adultes s’inscrivent dans l’espace, ni comment ils interagissent avec l’évolution de leurs pratiques spatiales quotidiennes. Les espaces fréquentés ont pourtant une influence sur les possibilités d’accéder à la ville et à ses ressources (Vallée, Commenges, Perchoux, Kestens et Chaix, 2015) et méritent, à ce titre, d’être examinés.

1.2 La dimension spatiale de la transition vers l’âge adulte

Les parcours de vie des jeunes adultes s’inscrivent dans l’espace, ne serait-ce que par la fréquentation quotidienne de lieux comme le domicile, le ou les lieux d’étude et de travail, les lieux de loisirs, etc. Dans la littérature en sciences sociales, l’analyse au cours de la vie de ces lieux du quotidien ne prête cependant pas d’attention particulière à des périodes charnières comme la transition vers l’âge adulte et demeure majoritairement centrée sur le seul lieu de résidence. Cette focalisation sur le domicile se retrouve également dans les études portant sur les effets de lieu. Pouvant être lié à un fort sentiment d’attachement et d’identité (Guérin-Pace, 2007) ou vecteur d’expositions à des contextes favorables ou défavorables à la santé (Diez Roux, 2001 ; Kawachi et Berkman, 2003 ; Kimbro, Brooks-Gunn et McLanahan, 2011 ; Larson, Story et Nelson, 2009), le quartier de résidence ne constitue cependant qu’un des lieux d’ancrage du quotidien des individus. Ce n’est d’ailleurs que très récemment que les lieux du quotidien ont été considérés dans le champ de recherche sur les effets de lieu, notamment dans le champ de la santé (Shareck, 2014 ; Vallée, Cadot, Grillo, Parizot et Chauvin, 2010 ; Vallée, Frohlich, Kestens et Shareck, 2014). Parallèlement à ces travaux essentiellement quantitatifs sur l’espace d’activité, la notion d’espace vécu a été introduite en France dans les années 1970 par Armand Frémont pour rendre compte des relations de l’homme à l’espace qui « se combinent en une expérience vécue qui, selon les âges de la vie [jeunesse, âge adulte, vieillesse], se forme, se structure et se défait » (Frémont, 1999, p. 65). L’espace vécu varie alors au cours des différents stades de la vie : plutôt restreint pour les enfants, il s’étendrait avec l’adolescence du fait d’un gain d’autonomie et de l’extension du réseau amical (Shaw, 2013), puis il se réduirait avec la vieillesse en lien avec la perte d’autonomie. L’approche de Frémont a l’originalité d’explorer l’espace du quotidien tout au long de l’existence, mais s’appuie sur la vision rigide et ternaire de la vie (jeunesse, âge adulte, vieillesse) qui est largement remise en question aujourd’hui au profit de celle, plus fluide, du parcours de vie (Cavalli, 2007 ;

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Gaudet, 2013 ; Sapin, Spini et Widmer, 2014). Par ailleurs, sa démarche examine les caractéristiques des différentes périodes de la vie sans pour autant suivre dans le temps l’évolution de l’espace vécu d’un individu.

Toujours en lien avec le courant du parcours de vie, des approches originales comme celle des mobility biographies ont émergé récemment. Cette dernière s’intéresse ainsi aux changements dans les comportements de mobilité en lien avec les diverses trajectoires personnelle, professionnelle et résidentielle (Müggenburg, Busch-Geertsema et Lanzendorf, 2015 ; Rau et Manton, 2016). D’abord utilisées pour expliquer les trajectoires résidentielles, les mobility biographies ont ensuite investi les mobilités à court terme comme les décisions relatives au mode de déplacements quotidiens, en lien avec différents événements de vie (Müggenburg et al., 2015). Une distinction est faite entre les événements classiques de la transition (installation en couple, naissance d’un enfant, etc.) et des événements clés directement liés à la mobilité (nouvelles infrastructures urbaines, mise en place de politiques favorables au vélo, etc.). Cette approche fait cependant l’impasse sur les changements dans la fréquentation quotidienne des lieux de travail, d'études, d'activités domestiques ou d’achats et de loisirs, et plus largement sur l’évolution de l’espace de vie, car elle se focalise sur la seule évolution des modes de déplacements. Rares sont les études qui explorent l’espace de vie du quotidien avec une approche biographique. C’est en démographie que l’on trouve quelques travaux. Nommé espace de vie, il correspond alors à l’espace « plus large dans lequel [les individus] évoluent au cours de leur existence » (Imbert, 2005, p.5) (Courgeau et Lelièvre, 1990). Notons qu’aucun consensus ne semble exister sur la définition du terme « d’espace de vie » qui est mobilisé différemment selon les auteurs et les disciplines pour étudier l’espace pratiqué par un individu à un moment donné de sa vie ou au cours de sa vie. Pour éviter cette confusion, le terme d’espace d’activité est employé dans cet article. S’inspirant des travaux de la time-geography, l’espace d’activité est défini comme « l’ensemble des lieux avec lesquels l’individu est directement en rapport par le biais de ses activités quotidiennes » (Golledge, 1997, p. 279).

1.3 Objectifs de la recherche

La question principale est la suivante : à l’heure où la transition vers l’âge adulte est de moins en moins « chronologique », n’est-ce pas dans les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux qu’il convient de rechercher des clés d’explications aux évolutions des pratiques spatiales quotidiennes des jeunes adultes ?

Avant de discuter des relations entre les situations de vie et les espaces d’activité des jeunes adultes montréalais, une étape liminaire consiste à étudier séparément chacune des deux dimensions en décrivant d’abord comment se combinent les diverses situations scolaires, professionnelles, familiales et conjugales au cours de la transition vers l’âge adulte (section 3.1.), et ensuite comment se caractérisent les espaces d’activité au cours de cette transition (section 3.2.). Après cet état des lieux, l’objectif est de mettre en relation les évolutions des situations de vie et des espaces d’activité (section 3.3.). Dans quelle mesure les changements dans les situations de vie impliquent-ils des transformations dans les espaces d’activité ? Certains changements de situation ont-ils

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davantage d’influence que d’autres ? Ou bien, est-ce la prise en compte simultanée des changements de situation qui permet de mieux comprendre l’évolution des espaces d’activité ? La dernière étape consiste à montrer en quoi les évolutions des espaces d’activité des jeunes adultes sont plus étroitement associées aux évolutions des situations de vie qu’à l’âge stricto sensu (section 3.4.).

L’originalité de cette recherche est double. D’une part, il s’agit de documenter l’évolution de l’espace d’activité des individus lors de leur transition vers l’âge adulte. Cette période est aujourd’hui largement étudiée en sociologie mais elle l’est beaucoup moins en géographie, si bien qu’il existe encore assez peu de connaissances sur la dimension spatiale de la transition vers l’âge adulte. D’autre part, cet article aborde l’espace d’activité dans une perspective biographique. Ainsi, plutôt que d’observer les évolutions des espaces d’activité à partir du seul prisme de l’âge, ce qui est fait le plus couramment, l’objectif a été de les mettre en relation avec les évolutions des situations de vie. Les analyses sont menées à partir de l’exemple d’une population de jeunes adultes vivant à Montréal (Québec, Canada).

2. Méthodologie

Pour répondre à ces questionnements, les données de l’enquête longitudinale Interdisciplinary Study of Inequalities in Smoking (ISIS) sont mobilisées. Elles ont été recueillies auprès des mêmes jeunes adultes montréalais lors de trois vagues d’enquête (en 2011 et en 2014 par le biais de questionnaires comportant des réponses prédéfinies, et en 2017 via une grille de questions ouvertes posées lors d’un entretien en face à face). L’ensemble des données sont analysées avec une méthode mixte alliant approche quantitative et qualitative.

2.1 Des sources de données complémentaires

En 2011, la première vague de l’enquête ISIS a permis d’interroger 2 093 jeunes adultes montréalais. Pour être éligibles, les participantes et participants (francophones ou anglophones) devaient être âgés de 18 à 25 ans en 2011 et résider depuis au moins un an sur l’île de Montréal. Parmi ces 2 093 jeunes adultes, 1 457 (70 %) ont à nouveau participé à la deuxième vague de l’enquête ISIS en 2014. L’attrition de la cohorte ISIS entre la première et la deuxième vague d’enquête s’explique par 106 déménagements en dehors de la région métropolitaine de Montréal, par 82 refus de participer à une deuxième enquête et par 448 non-réponses (Frohlich et al., 2015). Notons qu’aucune différence quant à l’âge ou au niveau socio-économique du quartier n’a été observée parmi les répondantes et répondants et les non-répondantes et non-répondants de l’enquête de 2014, mais que les non-répondants étaient davantage susceptibles d'être des hommes et d’avoir un niveau d’études moins élevé (Frohlich et al., 2015). Parmi les 1 457 répondantes et répondants, près d’une centaine ont été exclus des analyses, soit parce que leur lieu d’étude ou de travail principal était situé hors de la région de Montréal, soit pour cause de données manquantes sur leur situation de vie. Finalement, les analyses portant sur la période 2011-2014 concernent 1 359 jeunes adultes, qui ont répondu à la fois en 2011 et en 2014 à un questionnaire autoadministré.

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Pour explorer les manières dont sont vécus les changements dans les situations de vie et dans les espaces d’activité, un sous-échantillon de 20 jeunes adultes a été réinterrogé une troisième fois en 2017 lors d’un entretien semi-directif en face à face. Afin de maximiser l’homogénéité du contexte résidentiel, seuls les membres de la cohorte ISIS ayant résidé en 2014 dans les arrondissements de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension ou de Rosemont–Petite-Patrie ont été contactés. Des relances téléphoniques ciblées ont été effectuées afin de diversifier l’échantillon en privilégiant autant que possible la pluralité des parcours de vie entre 2011 et 2014. Parmi les 156 personnes contactées (par courriel et/ou par téléphone), 113 n’ont pas donné suite, 16 n’étaient finalement plus éligibles et 3 ont refusé de participer. Finalement, parmi les 24 personnes qui avaient accepté de participer, ce sont 20 personnes (francophones et âgés de 23 à 30 ans) qui ont été rencontrées. Les entretiens ont permis non seulement de compléter leurs parcours jusqu’en 2017 en renseignant leur situation actuelle et en localisant sur une carte interactive les lieux qu’ils fréquentent actuellement de façon régulière, mais aussi de repréciser le parcours de vie de manière rétrospective. Leurs prénoms ont été changés pour préserver leur anonymat.

Tous les jeunes adultes rencontrés en entretien résidaient en 2014 dans les arrondissements de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension ou de Rosemont–Petite-Patrie. Ces deux arrondissements occupent une position centrale sur l’île de Montréal et sont situés au nord du centre-ville. Ils sont traversés par le réseau de métro, par des lignes d’autobus pour les zones plus excentrées, et sont relativement bien équipés en service de vélo-partage (Bixi). Ils sont habités par des populations variées en termes de situations sociales et économiques. Dans chacun des deux arrondissements, la population des 20-29 ans représentait 16 % de la population en 2016, ce qui est comparable à la part des 20-29 ans pour l’agglomération de Montréal (15 %) (Montréal en statistiques, 2019). Les petits commerces sont les principaux établissements d’affaires dans les deux territoires en 2013 et représentaient respectivement 18 % à Rosemont–Petite-Patrie et 15 % à Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension de l’ensemble des établissements (Montréal en statistiques, 2014a, 2014b).

2.2 Caractériser la situation de vie, l’espace d’activité et leurs évolutions

Pour favoriser la compréhension des notions détaillées dans les quatre sous-sections, le schéma ci-dessous (Figure 1) illustre un exemple fictif qui présente la situation de vie d’une jeune adulte, son espace d’activité, ainsi que leurs évolutions respectives.

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Figure 1. Caractérisation de la situation de vie et de l’espace d’activité d’un individu, et de leurs évolutions (le cas de Vanessa, un personnage fictif)

Les quatre situations considérées (scolaire, professionnelle, familiale, conjugale) sont représentées par les cercles grisés. L’exemple présente la situation de vie en 2011 de Vanessa, une étudiante non salariée qui vit chez ses parents et qui n’habite pas avec un ou une partenaire. En 2014, ses situations familiale et conjugale sont restées les mêmes (toujours chez ses parents et jamais installée en couple), mais ses situations scolaire et professionnelle ont changé : elle n’est plus étudiante et elle travaille. Son espace d’activité est constitué de trois lieux en 2011 et en 2014. La même résidence et le même lieu de loisirs sont fréquentés, mais l’établissement scolaire fréquenté en 2011 ne l’est plus en 2014 et un lieu de travail est apparu en 2014.

 

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2.2.1 La situation de vie

Les situations scolaire (étudiant ou non), professionnelle (salarié temps plein ou non), familiale (vit chez ses parents ou non) et conjugale (vit en couple ou non) de chaque participant sont connues en 2011, 2014 et 2017. Ces quatre situations permettent de caractériser plus globalement ce qu’on appelle la « situation de vie » des jeunes adultes. Par ailleurs, chacune de ces quatre situations permet d’appréhender des changements révélateurs du passage à l’âge adulte, qu’ils soient caractérisés de typique dans la littérature (comme la fin des études, le début d’un travail à temps plein, le départ du foyer parental, l’installation en couple) ou révélateurs de changements sociétaux plus récents (comme la reprise d’études ou le retour dans le foyer parental).

2.2.2 Les évolutions de la situation de vie

L’évolution entre 2011 et 2014 de chacune des situations scolaire, professionnelle, familiale et conjugale est caractérisée selon quatre modalités. Pour la situation scolaire, par exemple, les individus peuvent être caractérisés comme étant entre 2011 et 2014 (i) toujours étudiant, (ii) jamais étudiant, (iii) ayant repris ses études ou (iv) les ayant arrêtées. Une typologie permet quant à elle, d’explorer l’évolution de la situation de vie (également appelé parcours de vie) de chaque jeune adulte en combinant les évolutions des situations scolaire, professionnelle, familiale et conjugale. Parmi les 256 combinaisons théoriquement possibles1, 98 types de parcours sont effectivement observés.

Les 98 types de parcours ont été regroupés manuellement en cinq grandes catégories (Figure 2) en mettant l’accent sur plusieurs critères. Un premier découpage distingue les parcours stables de ceux connaissant au moins un changement entre 2011 et 2014. Dans le sous-ensemble « stable », deux groupes sont identifiés en fonction de la situation scolaire : toujours étudiant (T1) ou jamais étudiant (T2). Ce choix est motivé par les discours des jeunes adultes interrogés dans l’enquête ISIS qui ont souligné l’importance de la graduation dans leur parcours quelle que soit leur situation familiale ou conjugale par ailleurs. Dans le sous-ensemble « changement(s) », trois groupes sont identifiés par une succession de découpages. Un premier découpage s’opère en fonction du type de changement (typique comme l’arrêt des études ou l’installation en couple ou atypique comme la reprise d’études ou le retour chez les parents) et donne lieu à l’identification du groupe des jeunes adultes ayant connu au moins un changement atypique (T3). Les deux derniers groupes sont identifiés en fonction du nombre de changements typiques : un changement typique (T4) ou plusieurs changements typiques (T5) afin de questionner l’intensité des changements.

 

                                                            1 Combinaison des quatre modalités (début, fin, toujours, jamais) des quatre variables (en lien avec les

études, le travail, la cohabitation avec les parents, la cohabitation avec la conjointe ou le conjoint).

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Figure 2. La typologie des parcours de vie des jeunes adultes entre 2011 et 2014

 

2.2.3 L’espace d’activité

Dans les questionnaires de 2011 et de 2014, il était demandé aux personnes « d’indiquer le plus précisément possible sur la carte les endroits où [elles font] habituellement des activités ». En plus de leur lieu de résidence, elles avaient la possibilité de localiser leur lieu principal d’études, leurs lieux de travail (deux au maximum), leurs lieux d’achats alimentaires (deux au maximum), leur lieu principal de loisirs, le lieu principal où elles réalisaient des activités physiques ou sportives, et enfin d’autres endroits où elles passaient du temps (deux au maximum). Pour chaque participante et participant, dix lieux d’activités pouvaient ainsi être localisés au maximum. Aucune définition spécifique des activités liées aux loisirs et aux activités sportives n’était précisée : leur définition était laissée à l’appréciation des répondantes et répondants. En 2011, l’adresse des lieux a été demandée et a ensuite été nettoyée et géolocalisée (Shareck, Kestens et Frohlich, 2014 ; Shareck, Kestens et Gauvin, 2013). En 2014, la localisation géographique des lieux a été directement recueillie à l’aide de l’application VERITAS qui s’appuie sur une application cartographique interactive (Chaix, Kestens, Perchoux, Karusisi, Merlo et Labadi, 2012). En 2017, les participants ont localisé les lieux fréquentés sur une carte interactive au moment de l’entretien avec l’aide de l’enquêtrice. L’ensemble des lieux fréquentés dans la ville de Montréal par un participant à un moment donné de son existence forme son espace d’activité. Dans cet article, le

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territoire des jeunes adultes se rapporte donc aux lieux d’activité, régulièrement fréquentés, regroupant son lieu de résidence mais aussi les lieux associés à diverses activités scolaires, professionnelles, domestiques ou récréatives.

2.2.4 Les évolutions de l’espace d’activité

À partir des lieux renseignés et géolocalisés par les participants, un indicateur qui mesure la distance moyenne entre le domicile et l’ensemble des lieux fréquentés pour chaque participant est créé. Les changements dans la taille et dans la forme des espaces d’activité sont caractérisés en calculant la différence entre la distance moyenne depuis le domicile jusqu’à l’ensemble des lieux fréquentés en 2014 et celle en 2011. La Figure 3 illustre les lieux d’activité de Simon. En 2011 et en 2014, son espace d'activité est composé de cinq lieux mais la configuration, les types de lieux fréquentés et la distance moyenne entre le domicile et l’ensemble des lieux fréquentés varie (-1,4 km). Simon est toujours étudiant et travailleur mais la localisation de ses lieux a changé. Il a diversifié ses lieux d’achat alimentaire (+1 lieu) et a perdu un lieu de travail. Son lieu de loisir reste le même parc.

Figure 3. Les espaces d’activité de Simon en 2011 et en 2014, participant ISIS rencontré en mai 2017

2.3 Les méthodes et les analyses

Un ensemble de méthodes sont utilisées pour analyser les données mixtes issues des questionnaires et des entretiens : analyse de contenu, statistiques bivariées et analyse spatiale. Concernant l’évolution entre 2011 et 2014 de la distance des lieux d’activité au domicile, trois régressions linéaires sont réalisées pour mesurer la force des associations avec l’évolution de leur situation de vie selon les cinq groupes issus de la typologie (modèle 1), avec l’âge des participants répartis en cinq groupes d’effectifs égaux (modèle 2), et avec ces deux variables intégrées simultanément (modèle 3). En regroupant les participants en cinq groupes d’âge, l’idée est d’assurer une cohérence dans le nombre de groupes issus de la typologie et de vérifier ainsi laquelle de ces deux variables explicatives (l’âge ou l’évolution des situations de vie) est plus significativement associée à l’évolution entre 2011 et 2014 de la distance des lieux d’activité au domicile.

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3. Résultats

En 2011, les 1 359 participants étaient alors âgés de 18 à 25 ans. Parmi eux, 72 % faisaient leurs études au moment de l’enquête et 21 % occupaient un poste à temps plein. Ils étaient 78 % à habiter chez leurs parents et 11 % avec une conjointe ou un conjoint. Ces mêmes jeunes adultes ont déclaré fréquenter en moyenne deux lieux (hors de leur domicile) dans le cadre de leurs activités habituelles. Cette moyenne masque une diversité de pratiques car 5 % des jeunes adultes ne déclaraient fréquenter aucun autre lieu que leur résidence et 19 % cinq lieux ou plus. Toujours en 2011, les lieux d’activités des jeunes adultes étaient en moyenne éloignés de 5,6 km de leur domicile. Selon le type de lieu, des variations sont notables : l’épicerie est en moyenne éloignée de 1,3 km du domicile, les activités de loisirs ou sportives de 3,7 km et le travail/études de 7,0 km.

3.1 Les évolutions des situations de vie des jeunes adultes montréalais

Sur une période de quatre ans (2011-2014), les changements de situation les plus fréquents sont typiques de la transition vers l’âge adulte (Tableau 1) : 23 % des jeunes adultes ont arrêté leurs études, 14 % ont débuté un travail à temps plein, 13 % ont quitté le foyer familial et 9 % se sont installés en couple. Les autres changements, que l’on peut qualifier d’atypiques comme la reprise d’étude ou le retour dans le foyer parental, sont quant à eux, très minoritaires : le plus fréquent est la reprise d’études qui concerne 7 % des jeunes adultes. Les changements typiques concernent toujours davantage de jeunes adultes que les changements atypiques. Toutefois, les changements, quels qu’ils soient, restent moins fréquents que les « non-changements » : près de 50 % des jeunes adultes sont toujours étudiants, 67 % ne travaillent jamais à temps plein, 65 % vivent toujours chez leurs parents et 80 % n’ont jamais vécu en couple. En outre, la majorité des participants demeure dans une situation caractéristique du début de la transition vers l’âge adulte.

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Tableau 1. Description des évolutions des situations scolaire, professionnelle, familiales, et conjugales des jeunes adultes entre 2011 et 2014, ISIS, n = 1359

Évolutions de la situation en lien avec…

Jeunes adultes concernés entre 2011 et 2014, % (n)

… les études Arrêt des études 23 % (310) Reprise des études 7 % (88) Toujours étudiant 49 % (673) Jamais étudiant 21 % (288) Total 100 % (1 359) … le travail à temps plein Début du travail 14% (186) Arrêt du travail 3 % (46) Jamais de travail 67 % (909) Toujours un travail 16 % (218) Total 100 % (1 359) … la cohabitation avec les parents Quitte ses parents 13 % (178) Retour chez ses parents 1 % (19) Toujours chez ses parents 65 % (882) Jamais chez ses parents 21 % (280) Total 100 % (1 359) … la cohabitation en couple Installation en couple 9 % (116) Fin de vie commune 2 % (24) Jamais de vie commune 80 % (1 098) Toujours vie commune 9 % (121) Total 100 % (1 359)

Exemple de lecture : sur l’échantillon global des 1 359 participants à l’enquête ISIS, 23 % ont arrêté leurs études entre 2011 et 2014. Dans le tableau, les changements typiques sont indiqués en gras, les changements atypiques en italique, les situations stables caractéristiques du début de la transition sont en souligné simple, les situations stables caractéristiques de la fin de la transition en souligné double.

Considérer les évolutions des situations scolaire, professionnelle, familiale et conjugale des jeunes adultes comme si elles étaient indépendantes les unes des autres éclipse les interactions possibles qui peuvent exister entre ces situations. Les expériences d’Élise et de Mélanie permettent d’illustrer la complexité qui peut se dégager des parcours de vie. Bien que la transition vers l’âge adulte soit marquée par des changements communs quasi inévitables (comme l’arrêt des études), elle est loin d’être linéaire : les changements ne s’agencent ni ne se vivent de manière uniforme. D’une part, bien qu’elles n’aient que deux ans d’écart, les deux jeunes femmes n’étaient pourtant pas

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dans la même situation familiale en 2011 : Élise, la plus âgée, vivait encore dans le foyer familial alors que Mélanie avait déjà quitté ses parents depuis des années. D’autre part, malgré la situation familiale initiale différente des jeunes femmes, le même changement « arrêt des études » a été marquant et a enclenché, pour l’une comme pour l’autre, une nouvelle dynamique. Par ailleurs, elles ont abordé, sans que la question le leur soit posée, les liens entre ces différentes situations.

Moi, dès que j’ai gradué [à 21 ans], je me suis trouvé un emploi. À c’t’époque-là j’avais un chum [copain], pis on avait décidé d’emménager ensemble. Fait que finir mes études pour moi c’était comme une transition à aller chercher un appartement, ça allait avec un boulot, commencer ma carrière, déménager d’chez les parents, ça c’était un événement important. (Élise, 29 ans en 2017)

J’ai comme eu un moment avec la fin d’ma maitrise où je sais pas, ya eu un espèce de : ok les études c’est terminé, études égale colocation, travail égale son chez soi. Ya comme eu quelque chose… J’crois que c’est la fin des études en fait. (Mélanie, 27 ans en 2017)

La survenue des changements et leur agencement au cours de la vie est variable selon les jeunes adultes. La majorité des enquêtés ont un parcours de vie stable entre 2011 et 2014 (54 %), c’est-à-dire qu’ils ne connaissent pas de changement ni scolaire, ni professionnel, ni familial, ni conjugal (Tableau 2). Ils sont classés comme étant soit en début de transition (T1 – toujours aux études) soit en fin de transition (T2 – jamais aux études). Ce sont ces deux groupes qui rassemblent par ailleurs les participants les plus jeunes (20,3 ans en moyenne pour T1) et les plus âgées de l’échantillon (23,2 ans pour T2). Les autres enquêtés, qui représentent 46 % de l’échantillon, connaissent au moins un changement dans leur parcours (typique ou atypique). Toujours en raisonnant sur l’échantillon global, 36 % connaissent au moins un changement typique (fin des études, début du travail à temps plein, départ du foyer familial, installation en couple – T4 et T5) et 12 % un changement atypique (reprise d’études, fin travail à temps plein, retour dans le foyer familial, fin de la vie en couple – T3). Les quelques rares jeunes adultes qui connaissent à la fois un changement typique et atypique sont classés dans les atypiques.

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Tableau 2. Description des groupes de la typologie selon l’âge en 2011, ISIS, n = 1359

Groupes de la typologie Jeunes adultes, % (n)

Âge en 2011 (en années), moyenne (écart-type)

Test Anova

parcours de vie stable 54 % (732) ** T1 - toujours aux études 38 % (540) 20,3 (2,00) T2 - jamais aux études 14 % (192) 23,2 (1,93) parcours de vie avec changement(s) 46 % (627)

T3 - atypique(s) 12 % (154) 22,0 (2,24) T4 - un changement typique 20 % (268) 21,7 (2,21) T5 - plusieurs changements typiques 16 % (205) 22,2 (1,92)

Total 100 % (1359) 21,5 Exemple de lecture : L’âge moyen des 540 jeunes adultes qui étaient toujours étudiantes et étudiants entre 2011 et 2014 est de 20,3 ans. L’âge moyen des jeunes adultes est statistiquement différent selon les cinq groupes de la typologie (test de significativité Anova : ** = p < 0,001).

3.2 Les évolutions des espaces d’activité des jeunes adultes montréalais

Sur l’ensemble de l’échantillon, 26 % des jeunes adultes conservent exactement le même nombre de lieux dans un intervalle de quatre ans de 2011 à 2014. Par ailleurs, les jeunes adultes ont déclaré fréquenter légèrement moins de lieux d’activités (-0,2 lieu) et se déplacer moins loin de leur domicile pour réaliser leurs activités quotidiennes (-1,1 km) en 2014 qu’en 2011 (Tableau 3). La distance des lieux d’activités au domicile des participants les plus jeunes et les plus âgés de l’échantillon diminue légèrement moins que la moyenne globale (respectivement -0,7 km et -0,9 km contre -1,1 km) (Tableau 3). Ce sont les jeunes adultes âgés de 22 à 24 ans qui connaissent une baisse de leurs distances la plus importante (-1,6 km), sans que toutefois ces différences entre les groupes d’âge ne soient statiquement significatives.

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Tableau 3. Description de l’évolution des distances moyennes entre le domicile et les lieux d’activité entre 2011 et 2014, ISIS, n = 1359

Jeunes adultes répartis par groupes d’âge (effectifs égaux)

Évolution de la distance des lieux d’activité au

domicile (km)1, moyenne (écart-type)

Test Anova

Q1 - les 20% les plus jeunes (18-19 ans en 2011)

-0,7 (5,20) NS

Q2 -1,0 (5,19) Q3 -1,2 (5,88) Q4 -1,6 (5,52) Q5 - les 20% les plus âgés (24-25 ans en 2011)

-0,9 (4,71)

Total -1,1 1 Évolution de la distance moyenne entre les lieux d’activité et le domicile entre 2011 et 2014 (en km). Test de significativité Anova : NS = non significatif (p > 0,05) Exemple de lecture : les 20 % les plus jeunes (âgés de 18 à 19 ans en 2011) ont connu en moyenne une baisse de leur distance entre leur domicile et l’ensemble de leurs lieux fréquentés de 0,7 km. L’évolution de la distance des lieux d’activité au domicile ne varie pas de façon statiquement significative selon les cinq groupes d’âge.

Une partie des jeunes adultes évoquent des changements dans leurs manières de sortir pour rencontrer des amies et amis et d’utiliser la ville. Dans leurs discours, une moindre distance à parcourir s’accompagne souvent d’un gain de qualité de vie. Diverses raisons sont avancées, et parmi elles, des changements de modes de vie liés à des intérêts qui évoluent, voire des raisons logistiques.

Après, ça a shifté [changé] vers rester plus dans mon quartier ou le quartier voisin, être plus tranquille peut-être... (Nathalie, 30 ans en 2017)

Ya comme 4 ans, j’allais plus vers… en dehors de mon quartier. J’pense c’est la vieillesse […] dans l’sens que tu deviens plus casanier, tranquille. Plus sortir proche, j’vais l’faire. (Stéphanie, 29 ans en 2017)

Je vais moins au centre-ville parce que ya beaucoup de bruits, ya beaucoup de choses, je vais plus près de chez moi, pis je vois plus les gens autour de chez moi, je suis un peu plus confortable comme personne. […] ça m’arrive de vouloir essayer un resto précis, pis là je vais sortir, mais sinon j’essaie de rester dans le secteur par gain de temps pis par paresse ! [rire]. (Pierre-Olivier, 25 ans en 2017)

3.3 Des changements dans les espaces d’activité associés à des changements dans les situations de vie

Les changements dans les situations de vie, étudiés un à un, sont-ils associés à des changements dans les espaces d’activité des jeunes adultes ? Les plus importantes diminutions de la distance moyenne des lieux d’activités au domicile sont liées aux

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quatre changements typiques. Les distances diminuent fortement pour ceux ayant mis fin à leurs études (-3,1 km en moyenne), un peu moins pour ceux qui ont commencé à travailler ou qui ont quitté le foyer familial (-2,1 km en moyenne), et moins encore pour ceux qui se sont installés en couple (-1,7 km en moyenne) (Tableau 4, en gras). La baisse est donc plus importante pour les changements associés au début de transition (fin des études) que pour ceux de la fin de la transition (installation en couple).

La baisse conséquente de l’étendue de l’espace d’activité lors de l’arrêt des études peut s’expliquer par l’arrêt de la fréquentation d’un certain nombre de lieux : le lieu d’étude, bien sûr, mais aussi le lieu du travail étudiant (pour 44 % de l’échantillon), ainsi que l’arrêt d’activités récréatives (pour 31 % des jeunes adultes).

Avec le début d’une activité professionnelle à temps plein, les sorties se font moins fréquentes. Par ailleurs, l’avancée en âge se double de la constitution d’un réseau amical solide qui explique les sorties moins fréquentes comme le racontent Louis (24 ans en 2017) et Alex (27 ans en 2017). Il est intéressant de noter que, malgré l’impression exprimée par ces deux jeunes hommes d’une activité sociale moins intense, leurs espaces d’activités ne sont pas pour autant rétrécis dans les chiffres : -4,9 km en moyenne pour Alex et +2,0 km en moyenne pour Louis. Le non-recueil des lieux de sorties festives comme les restaurants ou les bars pouvant être fréquentés de manière régulière à cette période de la vie peut expliquer ce décalage entre les discours et les chiffres.

Quand j’étudiais, je sortais beaucoup avec mes amis parce qu'on dirait que c’est comme : t’es avec du monde, tu crées des liens. Pis maintenant que je travaille, je fais partie des gens qui ont pas besoin d’avoir beaucoup d’amis. […] j’aime mes 10 amis que je peux compter sur mes doigts. (Louis, 24 ans en 2017)

Je sors moins, tout simplement parce qu'on est tous plus âgés, y en a qui ont des boulots la semaine, tout ça, on peut plus juste faire la fête n’importe quand et la fin d’semaine c’est fatigué ! (Alex, 27 ans en 2017)

Quant à l’installation en couple, elle s’accompagne souvent d’une volonté de vie plus tranquille.

Je suis définitivement plus casanier quand je suis en couple […] parce que je passe forcément plus de temps avec mes partenaires et effectivement l’année que j’ai passée sur Montréal où j’ai dit que je faisais tout le temps la fête [2011 quand il avait 21 ans], c’était l’année ou j’étais célibataire. (Alex, 27 ans en 2017)

Le départ du foyer familial est associé à une plus grande indépendance, et il conduit à un espace d’activité plus resserré autour du nouveau domicile. Plusieurs explications peuvent être avancées. En quittant le foyer familial, les jeunes adultes peuvent avoir la possibilité de choisir leur quartier et d’emménager plus proche des lieux qu’ils fréquentent habituellement, que ce soit pour le travail ou pour les sorties (notamment pour les jeunes adultes dont les parents habitent dans les arrondissements

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périphériques). Cette baisse peut également partiellement s’expliquer par un effet de cumul avec un autre changement : parmi les jeunes adultes ayant quitté leurs parents entre 2011 et 2014, 41 % ont perdu au moins un lieu d’étude ou de travail (temps plein ou partiel) vs 21 % ont gagné au moins un lieu.

Au cours de la période étudiée, alors que l’étendue de l’espace d’activité des jeunes adultes ayant connu un changement typique (Tableau 4, en gras) a diminué par rapport à la moyenne globale, elle a augmenté pour ceux ayant connu des changements atypiques (Tableau 4, en italique).

Sur l’ensemble de l’échantillon, les évolutions des espaces d'activité des jeunes adultes avec des situations de vie stables sont toutes proches de la moyenne globale (-1,1 km), qu’ils soient toujours étudiants (-0,7 km), toujours salariés à temps plein (-1,2 km), qu’ils vivent toujours chez leurs parents (-1,3 km) ou qu’ils n’aient jamais vécu en couple (-1,2 km) (Tableau 4, souligné). D’ailleurs, lorsque Emmanuella visionne les trois cartes représentant ses espaces d’activité en 2011, en 2014 et en 2017, elle affirme que la stabilité de son espace d’activité est associée à la stabilité de son parcours de vie. Célibataire, elle habite sous le toit familial depuis 2011 et exerce en tant infirmière depuis plus de 10 ans. La distance moyenne entre son domicile et l’ensemble des lieux habituels qu’elle fréquente n’a pas changée entre 2011 et 2014.

Je trouve pas que j’ai un grand changement quand je regarde les dix dernières années. Je trouve c’est pas mal vraiment statu quo : je vis à la même place, je travaille pour le même travail, alors j’ai pas changé vraiment mon environnement, je me suis pas initiée dans une grosse nouvelle activité, oui de temps en temps j’ai des activités sportives mais ya pas une place que je suis restée longtemps. C’est toujours pas mal dans les mêmes environnements, avec le même type de monde. (Emmanuella, 29 ans en 2017)

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Tableau 4. Description des espaces d’activité entre 2011 et 2014 en fonction de l’évolution des situations de vie des jeunes adultes, ISIS, n = 1359

Évolutions des situations de vie en lien avec…

Jeunes adultes

(%)

Évolution de la distance des lieux d’activité au domicile (km)1, moyenne (écart-type)

Test Anova

… les études ** Arrêt des études 23 % -3,1 (6,57) Reprise des études 7 % 0,3 (5,74) Toujours étudiant 49 % -0,7 (4,63) Jamais étudiant 21 % -0,4 (4,58) total 100 % -1,1 … le travail à temps plein * Début du travail 14% -2,1 (5,66) Arrêt du travail 3 % 0,1 (5,31) Jamais de travail 67 % -0,9 (5,23) Toujours un travail 16 % -1,2 (5,29) total 100 % -1,1 … la cohabitation avec les parents

**

Quitte ses parents 13 % -2,1 (5,91) Retour chez ses parents 1 % 0,7 (5,55) Toujours chez ses parents 65 % -1,3 (5,59) Jamais chez ses parents 21 % 0 (3,57) total 100 % -1,1 … la cohabitation en couple * Installation en couple 9 % -1,7 (5,52) Fin de vie commune 2 % -0,3 (4,03) Jamais de vie commune 80 % -1,2 (5,41) Toujours vie commune 9 % 0,1 (4,23) total 100 % -1,1

1 Évolution de la distance moyenne entre les lieux d’activité et le domicile entre 2011 et 2014 (en km) Test de significativité Anova : ** = p < 0,001 ; * = p < 0,05 ; NS = non significatif (p > 0,05) Dans le tableau, les changements typiques sont indiqués en gras, les changements atypiques en italique, les situations stables caractéristiques du début de la transition sont en souligné simple, les situations stables caractéristiques de la fin de la transition en souligné double. Exemple de lecture : La distance moyenne entre le domicile et l’ensemble des lieux fréquentés des jeunes adultes qui ont arrêté leurs études (23 %) a diminué en moyenne de 3,1 km entre 2011 et 2014. Cette diminution est statistiquement plus forte que celle observée pour les autres individus.

Comme cela a déjà été souligné, l’intérêt de cet article n’est pas uniquement de questionner les situations scolaire, professionnelle, familiale et conjugale une à une, mais bien d’interroger les situations de vie des jeunes adultes qui regroupe ces quatre

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situations. Cette prise en compte globale permet-elle de mieux comprendre l’évolution des espaces d’activité que les changements pris un à un ? La distance des lieux d’activités au domicile des jeunes adultes dont le parcours de vie est stable diminue moins que la moyenne globale (-0,5 km contre -1,1 km) (Tableau 5). Ainsi, la stabilité dans le parcours de vie est associée à une stabilité dans les espaces d’activité. Par ailleurs, l’évolution des distances est très différente selon le type et le nombre de changements. Les jeunes adultes dont le parcours de vie est marqué par un changement atypique enregistrent une faible baisse de leurs distances moyennes (-0,5 km). Quant aux jeunes adultes qui connaissent un seul changement typique, la baisse de leur distance est égale à la baisse moyenne de l’échantillon (-1,1 km). La perte de distance est sensiblement plus importante pour les jeunes adultes connaissant deux changements ou plus. L’accumulation des changements typiques dans la situation de vie est donc plus fortement associée à des changements dans les espaces d’activité qu’un changement isolé.

Tableau 5. Description des espaces d’activité entre 2011 et 2014 en fonction des groupes de la typologie, ISIS, n = 1359

Groupes de la typologie Jeunes adultes, % (n)

Évolution de la distance des lieux

d’activité au domicile (km)1, moyenne

(écart-type)

Test Anova

parcours de vie stable 54 % (732) - 0,5 ** T1 - toujours aux études 38 % (540) - 0,7 (4,80) T2 - jamais aux études 15 % (192) - 0,1 (4,10) parcours de vie avec changement(s) 46 % (627) - 1,7

T3 - atypique(s) 12 % (154) - 0,5 (5,40) T4 - un changement typique 20 % (268) - 1,1 (6,11) T5 - plusieurs changements typiques

16 % (205) - 1,8 (5,84)

Total 100 % (1359) - 1,1 1 Évolution de la distance moyenne entre les lieux d’activité et le domicile entre 2011 et 2014 (en km) Exemple de lecture : Les jeunes adultes qui étaient étudiants en 2011 et en 2014 connaissent en moyenne une baisse de 0,7 km des distances entre leur domicile et l’ensemble des lieux qu’ils fréquentent. L’évolution de la distance des lieux d’activité au domicile est statistiquement différente selon les cinq groupes de la typologie (test Anova : ** = p < 0,001).

3.4 Questionner l’âge…

Dans cette dernière partie, la pertinence de l’âge pour étudier la transition vers l'âge adulte est questionnée. Est-ce l’âge stricto sensu ou le parcours de vie qui est plus étroitement associé aux évolutions des pratiques spatiales du quotidien ? On observe des associations statistiquement significatives entre l'évolution de la distance des lieux

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d’activités au domicile et la typologie du parcours de vie (modèles 1 et 2 du Tableau 6). Les jeunes adultes ayant connu un ou plusieurs changements typiques dans leurs parcours de vie (groupes T4 et T5) connaissent une baisse notable de la distance entre leurs lieux d’activités et leur domicile, comparé aux jeunes adultes qui sont en début de transition (toujours aux études groupe T1), ou ceux en fin de transition (jamais aux études groupe T2). À l’inverse, pour les cinq groupes d’âge considérés, aucune baisse ou hausse statiquement significative n’est observée dans les distances entre le domicile et les lieux d’activités (modèles 2 et 3 du Tableau 6).

Tableau 6. Changements dans les distances entre le domicile et les lieux d’activités entre 2011 et 2014 selon l’âge des participants et l’évolution de leur situation de vie, ISIS, n = 1359

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Coefficient SE Coefficient SE Coefficient SE Intercept -0,70 0,23 ** -0,76 0,32 * -0,53 0,33 NSGroupes de la typologie T1 - toujours aux études Référence Référence T2 - jamais aux études 0,46 0,44 NS 0,57 0,48 NS T3 - changement(s) atypique(s)

1,07 0,48 * 1,17 0,49 NS

T4 - un changement typique -1,56 0,39 ** -1,47 0,40 ** T5 - plusieurs changements typiques

-1,88 0,43 ** -1,75 0,45 **

Groupes d’âge Q1 - les 20 % les plus jeunes (18-19 ans en 2011) Référence

Référence

Q2 -0,29 0,46 NS -0,22 0,45 NSQ3 -0,41 0,46 NS -0,15 0,46 NSQ4 -0,89 0,46 NS -0,64 0,48 NSQ5 - les 20% les plus âgés (24-25 ans en 2011) -0,14 0,46 NS -0,17 0,49 NS

R2 ajusté 0,033 0,00037 0,032 SE : Standard Error Test de significativité : ** = p < 0,001 ; * = p < 0,05 ; NS = non significatif (p > 0,05) Exemple de lecture : par rapport au groupe de référence des jeunes adultes toujours aux études (groupe T1), ceux qui connaissent la plus forte baisse dans leurs distances entre leur domicile et les différents lieux qu’ils fréquentent sont ceux qui cumulent plusieurs changements typiques (groupe T5).

4. Discussion et conclusion

4.1 Forces et limites méthodologiques

Cet article repose sur un choix méthodologique encore rarement mis en œuvre en sciences sociales qui combine une analyse quantitative et une analyse qualitative

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auprès des mêmes individus. La description objective des espaces d’activités des jeunes adultes par le biais de l’indicateur de distance croise des points de vue subjectifs sur l’évolution de leurs espaces grâce à la mobilisation d’entretiens semi-directifs.

Les données ISIS proposent un suivi partiel dans le temps. La stabilité ou la survenue d’un changement a été déduite des informations disponibles aux deux dates de recueil (2011 et 2014) en comparant la succession de différents états des situations de vie et des espaces d'activité. Cette reconstitution comporte des lacunes possibles : d’une part, aucune indication n’est disponible sur le moment précis de survenue de tel ou tel changement dans la situation de vie ou le moment d’apparition ou de disparition d’un lieu du quotidien; d’autre part, la situation a pu changer de multiples fois entre les deux dates pour finalement revenir à la situation initiale. Ces limites sont en grande partie dépassées pour la vingtaine de participants rencontrés en entretiens en 2017 et dont les parcours de vie ont pu être reconstitués plus précisément (en prenant garde au biais de mémoire). Par ailleurs, trop peu de participants de l’échantillon sont concernés par la parentalité qui n’a pas pu être étudiée.

De plus, chaque participant avait la possibilité de renseigner au maximum 10 lieux fréquentés habituellement. Ce nombre, somme toute restreint, a limité les possibilités de caractérisation des espaces d’activité. Le recueil de lieux festifs comme les restaurants ou les bars mériterait d’être inclus, notamment pour cette période de la vie où la socialisation tient une place importante. Selon les vagues d’enquête, l’impact des différents modes de recueil des lieux habituellement fréquentés sur les réponses des participants est difficile à estimer, chacun des modes de collecte pouvant induire des biais et des difficultés pour les répondants (se repérer sur une carte interactive, manipuler l’outil, faire un effort de mémoire). L’indicateur de distance entre le domicile et l’ensemble des lieux fréquentés par un individu se prêtait bien aux analyses et avait l’avantage de concerner l’ensemble de l’échantillon (contrairement à un indicateur centré sur le lieu de travail ou d’étude par exemple). Par ailleurs, pour s’extraire d’une vision centrée sur le domicile, il aurait été possible de calculer, par exemple, les distances de tous les lieux les uns par rapport aux autres. D’autres indicateurs, comme la superficie ou le centre de gravité des espaces d’activité, auraient également été intéressants (Drevon, Klein, Gwiazdzinski et Gerber, 2015 ; Perchoux et al., 2014), notamment si le nombre de lieux collectés avait été plus important.

4.2 Un effet d’âge ou un effet d’événement ?

Existe-il un « effet d’âge » qui tout au long de la transition fait diminuer graduellement les distances ? Ou bien existe-t-il un « effet d’événement » impliquant que chaque changement est intrinsèquement porteur d’une modification dans les espaces d’activité ? Alors que le resserrement de l’espace d’activité n’est statistiquement pas associé à l’âge des jeunes adultes, il s’avère étroitement associé à leurs parcours de vie. Le resserrement des lieux d’activités autour du domicile est ainsi bien plus marqué pour les jeunes adultes qui ont connu des changements typiques que celui observé pour les jeunes adultes avec des parcours de vie stables ou marqués par des changements atypiques. Malgré la complexification des parcours de vie des jeunes adultes (Bidart,

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2006 ; Van de Velde, 2015b), les changements dans les espaces d’activité en lien avec les changements typiques témoignent donc de l’impact encore fort de ces changements typiques.

4.3 Réflexion sur la caractérisation d’un changement typique ou atypique

La caractérisation d’un changement comme typique ou atypique pose problème, comme l’illustrent les expériences de Simon et de Maryse. Ils ont tous les deux connu un changement atypique : l’arrêt du travail à temps plein. Simon (27 ans en 2017) reprend ses études avec l’objectif de réorienter sa carrière professionnelle. Plus jeune, lorsqu’il était étudiant, il décrit une vie sociale et festive intense qui se « stabilise » au fur et à mesure, et des amitiés qui se « cristallisent » en même temps que son arrivée sur le marché du travail et l’installation avec son conjoint. Lorsqu’il reprend ses études, fin 2014, cela ne va pas de pair avec un retour « dans la vie étudiante ». Il explique : « ça m’intéressait plus, fait que j’allais moins dans les cafés, les bars, j’continuais ma vie… ma petite vie tranquille, loin de l’école, ça m’faisait du bien de retourner chez nous ». Alors que la fin des études est associée à un changement de mode de vie important, la reprise d’étude semble moins l’être. Comme Simon, Maryse (30 ans en 2017) a elle aussi quitté son travail à temps plein. Lorsqu’elle ouvre la porte de son appartement pour l’entretien, elle tient sa fille d’à peine un an dans les bras. Dans son cas, elle a cessé son activité d’orthophoniste en milieu scolaire pour prendre un congé de maternité. Ainsi, les histoires de Maryse et de Simon réaffirment la nécessité de s’ouvrir à la prise en compte de la diversité des situations de vie, sans se focaliser sur des classements a priori. À l’exemple des questionnements sur les catégories d’âges (Longo, 2016), la caractérisation des changements typiques peut elle aussi être interrogée : l’arrêt du travail consécutif à la naissance d’un premier enfant peut trop hâtivement être caractérisé de changement atypique, alors qu’il pourrait plutôt s’interpréter comme un changement typique de la transition vers l’âge adulte. Au lieu de s’intéresser à la distinction entre changement typique et atypique, une autre approche pourrait, par exemple, décomposer les analyses en fonction des situations professionnelle, familiale et conjugale pour explorer leurs influences respectives sur l’évolution des espaces d’activité.

4.4 Variabilité des espaces d’activité au cours de la transition vers l'âge adulte

Le cas montréalais révèle que des variations surviennent dans les espaces d’activité au cours de la transition vers l’âge adulte. En effet, dans un intervalle de quatre ans entre 2011 et 2014, une diminution de la distance entre le domicile et les lieux d’activités s’observe chez les jeunes adultes enquêtés. Cela prend le contre-pied de l’idée classique qui a profondément marqué la perspective occidentale de l’avancée en âge, selon laquelle les changements surviennent entre les trois âges traditionnels de la vie (enfance, âge adulte, vieillesse) (Frémont, 1999), et non pas à l’intérieur même d’une période de la vie. Alors même que les jeunes adultes ont souvent été considérés comme un groupe homogène dans les études relatives aux pratiques spatiales, cet article met en évidence que des variations de pratiques de la ville existent au sein de ce groupe d’âge, et que ces variations sont bien plus en lien avec le parcours de vie des jeunes adultes qu’avec leur âge stricto sensu. La prise en compte des variations dans les

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espaces d’activité est d’autant plus importante lorsqu’on sait que la transition vers l’âge adulte est une période au cours de laquelle peuvent se cristalliser, se renforcer ou s’atténuer des inégalités selon le profil social et économique, le genre ou l’origine des individus (Furstenberg, 2008 ; Schneider, Klager, Chen et Burns, 2016 ; Shanahan, 2000), notamment pour tout ce qui concerne l’accès au monde du travail (Van de Velde, 2015a) ou les comportements de santé (Gagné et Veenstra, 2017 ; Schulenberg, Maggs et O’Malley, 2003). Au sein des nombreuses recherches qui questionnent la transition vers l’âge adulte, l’entrée par l’espace est encore peu présente (Hopkins et Pain, 2007) et gagnerait à se développer pour mieux comprendre la construction des pratiques spatiales urbaines au cours de cette période charnière de la vie.

Remerciements

Les auteurs remercient Josée Lapalme et Sophie Bontemps pour leur aide sur les données ISIS, ainsi que Lena Sanders pour ses relectures et ses suggestions.

Soutiens

Anaïs Dubreuil dispose d’une bourse de doctorat dans le cadre du projet RelatHealth (http://relathealth.parisgeo.cnrs.fr) financé par l’Université Sorbonne Paris Cité (USPC) et par le CNRS dans le cadre d’un PICS (Projet international de coopération scientifique; 2017-2019); la réalisation du travail à Montréal a reçu l'agrément du comité d'éthique de l’Université de Montréal (projet 15-156-CERES-D); le projet ISIS (Interdisciplinary Study of Inequalities in Smoking - http://isis-montreal.ca) était financé par une subvention du Canadian Institutes for Health Research (MOP-110977) à Katherine Leigh Frohlich.

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