M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalité, IEHEI, juillet 2006

  • Upload
    elvys7

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    1/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org

    ESSAI SUR LA NOTION DECYBERCRIMINALIT

    Par

    Mohamed CHAWKI

    Membre du Conseil dEtat

    Doctorant en Droit Pnal de lInformatique Lyon III

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    2/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 2

    La cybercriminalit est la troisime grande menace pour les

    grandes puissances, aprs les armes chimiques, bactriologiques,et nuclaires

    Colin ROSE

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    3/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 3

    INTRODUCTION

    1. Les nouvelles technologies, en particulier linformatique et la tlmatique, ont une place

    importante dans la vie conomique, et la quantit de transactions et changes mens par

    lintermdiaire dInternet1 est en spectaculaire progression2. Si ces nouvelles

    technologies3participent de manire positive au dveloppement de la vie conomique,

    elles prsentent aussi de nouveaux moyens de commettre des infractions daffaires, ce

    qui fait apparatre des dangers non ngligeables, vue limportance quelles ont

    dsormais acquise4

    .De mme, les infractions informatiques ont le plus souvent un caractre

    international, alors que les informations en elles-mmes sont des donnes rgies par le

    droit national5. Dans cette optique, les flux dinformations parcourant librement les

    autorits charges de lenqute sont, elles, strictement lies par leur comptence

    1Le mot Internet est compos du prfixe Inter qui indique un lien entre deux lments et le mot Net qui est traduit de langlais par rseau. Internet est alors un lien entre deux ou plusieurs rseaux informatiques,un rseau de rseaux. En fait, il sagit du plus grand rseau informatique de la plante. Il regroupe une

    multitude de rseaux rgionaux, gouvernementaux et commerciaux. Tous ces rseaux discutent entre eux par lebiais du mme protocole de communication, TCP/IP (transmission Control Protocol Over Internet Protocol). Laconnexion est effectue par lutilisation de lignes, des cbles, et des satellites comme joint des lignestlphoniques. Contrairement aux appels tlphoniques traditionnels, qui transmettent linformation par le circuitcommutation. LInternet transmet linformation par la paquet commutation ; dans ce mode, lescommunications sont changes aux petits signaux. Apres ils sont envoys aux paquets de bnficiaire avecarrivant leur destination par les routes diffrentes, la communication est alors reconstruite la fin du rcepteur.Sur ces points voir K. HAFNER : Where Wizards Stay Up Late : The Origins of the INTERNET (N.Y.,TOUCHSTONE) , [1996] p. 12; J. NAUGHTON: A Brief History of the Future: From Radio Days to InternetYears in a Lifetime( N. Y. , WoodStock) , [ 1999] p. 140; A. BRIGGS: A Social History of the Media: FromGutenberg to the Internet( Cambridge, Polity Press) , [ 2002] pp. 311 et s.; Selon une tude ralise par lAftel(Association franaise de tlmatique), la France comptait en 1998 plus dun million dutilisateurs dInternet. Lenombre dordinateurs raccords au rseau mondial est pass de 198 000 ordinateurs en juillet 96 321 000 en

    juillet 97, soit une progression annuelle de 62 %. Au niveau global, lInternet avait plus de 100.000 million desutilisateurs et accessible par plus de 100 Etats. Voir: Austin Free-Net volunteer;An Introduction to the Internet.Disponible sur : (2/3/2001),et (6/11/2004).2P. M. REVERDY: La Matire Pnale LEpreuve Des Nouvelles Technologies (Thse, Universit ToulouseI), [2005], p. 793 On parle souvent de nouvelles technologies de linformation et de la Communication (N.T.I.C.) ;Cependant il semble que ladjectif nouvelle doit tre abandonn. En effet, en raison de la place quoccupelinformatique dans notre vie quotidienne et ce depuis plusieurs annes, il semble peu appropri demployerladjectif nouvelle , mme sil est vrai que lon se surprend encore user de cet adjectif pour dsigner lecontinent amricain (Nouveau Monde) alors que sa dcouverte remonte plusieurs sicles. Voir S. El ZEIN, op.cit.p. 153 ; A. TOFFLER : La Troisime Vague (Londres, Casserole), [1981] pp.13 et s.4Ibid.

    5

    Cit par S. El ZEIN : LIndispensable Amlioration des Procdures Internationales pour Lutter Contre laCriminalit Lie la Nouvelle Technologie in M.-C. PIATTI : Les Liberts Individuelles A lEpreuve desNouvelles Technologies de lInformation (Lyon, Presse Universitaires de Lyon), [2001], p. 153.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    4/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 4

    territoriale nationale et par le principe de souverainet6. Chaque lgislateur essaie soit de

    se protger sur son territoire, soit dabdiquer sa comptence lgislative face ces actes

    illicites, soit dobserver et de lgifrer aussi peu que possible, ce qui constituer une

    solution efficace7. Cependant, cette situation est insatisfaisante, car elle plonge les

    internautes8dans un rseau de normes multiples, source dinscurit juridique9.

    Ainsi, organiser la lutte contre la cybercriminalit, cest tenir compte de lensemble de

    ces paradoxes. Il est ncessaire de considrer les intrts de chacun afin de parvenir un

    quilibre. Les pays qui, pour lutter contre la cybercriminalit, tentent de restreindre

    lusage dInternet comme moyen pour commettre des infractions, sopposent aux

    Internautes qui brandissent ltendard de la libert de circulation de linformation au

    niveau mondial10.

    Afin dapprhender ce phnomne, il est important dlaborer une dfinition

    pratique de ce quest la cybercriminalit. Cependant, cette notion est mconnue, peu ou

    6 Le choix de la loi applicable (la dtermination de la comptence lgifrer) est appel prendre une grandeimportance dans le contexte du cyberespace et de lexpansion du droit priv. Mme si un tribunal est comptentin personam et ratione loci, les rgles sur le choix de la loi applicable peuvent exiger que le litige soit tranch

    par une autre juridiction qui serait comptente ratione materiae. Chaque pays possde son propre droitinternational priv. Les variations qui existent dun pays lautre sont prcisment ce qui distingue chaque

    corpus de rgles de droit international priv du droit international public. Il est noter aussi que Industrie Canadaa commandit en juillet 1996 une tude prliminaire sous le titre lespace cyberntique nest pas une terre sansloi sur la responsabilit lie aux contenus dinformation sur Internet des prestataires de services dInternet(PSI), de babillards lectroniques, de groupes de discussion, et dautres services connexes. Ltude fournit uneanalyse sur la faon dont sapplique la loi canadienne la responsabilit lie au contenu dinformation surInternet dans les domaines suivants : droit dauteur et marques de commerce, vie prive et diffamation,obscnit, pornographie juvnile et littrature haineuse. Elle a conclut que la rvolution technologie quiprsentait divers dfis dapplication, dexcution et de respect des lois, et que sil y aurait des modifications sur

    les lgislations actuelles, elles devraient intervenir le moins possible . Elle a conclu aussi que le lgislateurdevrait mettre en quilibre les intrts des utilisateurs, dune part, et dautre part, ceux des auteurs tout en

    prservant la libert dexpression . S. El ZEIN, op. cit. ; G. SAGHEER : LInternet et le Droit Pnal (Le Caire,Dar El Nahda El Arabia), [2002] p.50 et s. Sur ces points voir : A. SALAMA: The Concise in PrivateInternational Relations Law(Le Caire, Dar Al Nahda Al Arabia), [ 1987] p.230; F. A. RIAD et Al TORJOMAN:

    Conflits des Lois (Le Caire, Dar Al Nahda Al Arabia), [ 1998] p.134; J. J. Abdel RAHMAN:Droit InternationalPriv (Le Caire, Al Alamia Press), [ 1956] p.535-538; G. GRAINGER : Libert dExpression et Rglementationde lInformation dans le Cyberspace : Perspectives et Principes dune Coopration Internationale dans ceDomaine, dans Les Dimensions Internationales du Droit du Cyberespace ( Paris, UNESCO Economica), [2000] ; J. HUET : Le Droit Applicable dans les Rseaux Numriques, dans G. CHATILLON (dir) : Le DroitInternational de lInternet (Bruxelles, Bruylant), [ 2002].7 Cit par S. El ZEIN, op. cit., voir N. GAUTHRAUD: Internet, le Lgislateur et le Juge (Paris, Gaz. Pal.),[1996].8 Conseil dEtat : Internet et les Rseaux Numriques (Paris, La Documentation Franaise), [1998], p. 254.Lutilisateur ou intervenant consulte ou change des informations partir de son ordinateur qui est connectau serveur informatique de son fournisseur daccs Internet ou par une ligne tlphonique classique ou par un

    rseau cbl. VoirIbid, p. 250. Voir galement C. ANDERSON: Toward A Fair Network Access Rate PolicyFor Rural Broadband Service Providers (JCLP), v. 14.1; J. LARRIEU: LInternationalit et Internet (Lamy

    Droit des Affaires), [fvrier 2002].9 Cit par S. El ZEIN, op. cit. voir aussi C. CUTAJAR : La Loi pour la Scurit Intrieure (Paris, D.), [2003].10 Cit par S. El ZEIN, op. cit.p. 154.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    5/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 5

    pas dfinie, son tendue, ses causes ne sont pas clairement tablies11. Les raisons sont

    multiples12, dont la plus prsente est certainement la frilosit vis--vis des N.T.I.C13. Les

    personnes concernes nont pas de relles connaissances de la cybercriminalit, soit

    parce quelles considrent que celle-ci est trop complique et hsitent donner des

    dfinitions, ou des solutions un problme qui change de forme rapidement, soit au

    contraire parce quelles la sous-estiment, phnomne classique dans les politiques de

    scurit des Etats14et des entreprises. Pour ces raisons, notre article sinterroge sur la

    notion de cette criminalit. Il commence par conceptualiser la cybercriminalit (Section

    1), puis faire une distinction entre cette dernire et les criminalits apparentes

    (Section 2).

    11 Selon Messieurs Daniel MARTIN et Frdric-Paul MARTIN le phnomne de la cybercriminalit estactuellement totalement mondial, et la donne est sensiblement diffrente . Et selon M. Colin ROSE, lacybercriminalit est la troisime grande menace pour les grandes puissances, aprs les armes chimiques et

    bactriologiques, et le nuclaire . Voir D. MARTIN et F.-P. MARTIN : Cybercrime (Paris, PressUniversitaires), [2001], avant-propos. Voir galement louverture de la runion du G - 8 sur la cybercriminalit Paris [15 mai 2000], disponible sur : (consult le 03/01/2006) ; L. COSTES : La Confrence du G8 sur la Scurit et laConfiance dans le Cyberespace : Un Premier Dialogur (Lamy Droit de lInformatique et des Rseaux), [Bull. act.C) Juin 2000, n 126, p. 1. ; J. ROWLEY:E-Business: Principles and Practice(Palgrave Macmillan), [2002] pp.234 et s.12 En effet une srie de facteurs criminognes sont caractristiques de la cybercriminalit : (a) Il y a tout dabordle niveau dintelligence, dingniosit des cyber-criminels. Il est clair que sintroduire sur un ordinateur distance nest pas dans les possibilits de nimporte qui, le simple deface de site ncessitant quand mme unminimum de connaissance, contrairement au meurtre ou au vol la tire par exemple ; (b) Linfaillibilit delordinateur, ou plutt le fait que son utilisateur le croit infaillible. Pour lanecdote, il est amusant de constaterque cette infaillibilit devient relative devant un client mcontent ; (c) Le faible risque de voir la fraude

    dcouverte. En effet, les criminels peuvent facilement supprimer la preuve de leurs mfaits en effaantsimplement les donnes.13 Voir Filipino arrested in Love Bug case(ST. PETERSBURG TIMES ONLINE), [May 9, 2000], disponiblesur (consult le 5/9/2003).14Au niveau gographique et politique, le Vice Prsident des Etats-Unis mettait laccent sur la distinction entreles Etats info-riches , et les info-pauvres , soulignant les abmes en matire dquipement informatique etde rseaux au sein de la population mondiale, la fois lchelle des Etats-Unis, et lchelle mondiale souslinfluence de ceux qui dnonaient la croissance des ghettos sociaux, du rappel de ce que lconomie artificielledInternet tait fonde sur le don, ou par les partisans du cybercommunisme. Le Vice Prsident a dclar : lescouches sociales pauvres semblent condamnes rester hors ligne. Lexclusion du cyberespace aggravera leurs

    handicaps. Lillettrisme informatique, si lon peut traduire ainsi computer illiteracy, deviendra un obstacle larecherche demploi. Les crations demplois soprent de plus en plus dans la cyberconomie. En tout tat de

    cause, elles se situent trs majoritairement dans les services o les gains de productivit sont attendus du

    passage au temps rel . Laisser se dvelopper une exclusion du cyberespace tendra de plus en plus cristalliser des ghettos sociaux . Voir J.M SALMON : Un Monde Grande Vitesse. Globalisation, ModedEmploi (Paris, Seuil), [2000], p. 157.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    6/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 6

    SECTION I

    LE CONCEPT ET LOBJET DE LA CYBERCRIMINALIT

    2. Le terme cybercriminalit demeure difficile conceptualiser, car il nest lobjet

    daucune dfinition lgale (A). Ce choix des lgislateurs a conduit la doctrine multiplier les dfinitions de ce terme15, contribuant ainsi rendre plus complexes les

    analyses juridiques. En effet, labsence de dfinition lgale de ce terme est source de

    confusions, tant au niveau du domaine de la rflexion, quau niveau de lanalyse ou du

    vocabulaire choisi. Ces confusions nous ont conduit laborer une dfinition pratique

    (B) de ce quest la cybercriminalit, afin dapprhender son phnomne.

    A) Labsence de dfinition lgale de la cybercriminalit

    3. La cybercriminalit ntant pas dfinie avec rigueur, elle conduit vers des drives

    terminologiques. Ainsi, MM. Alterman et Bloch retiennent comme dfinition du dlit

    informatique, la dfinition de la cybercriminalit propose par des experts de

    lOrganisation pour la Coopration et le Dveloppement Economique (OCDE), savoir

    tout comportement illgal ou contraire lthique ou non autoris, qui concerne un

    traitement automatique de donnes et/ou de transmissions de donnes 16. Ces juristes,

    intgrant dans leur dfinition la notion morale, semblent considrer que le droit pnal nepeut lui seul contenir toute lapproche sanction de lutilisation frauduleuse de

    linformatique. Cependant, cette dmarche ne saurait tre retenue dans la mesure o les

    chartes de rglement des litiges, telle la charte de lInternet par exemple, ont rvl

    leurs limites comme monde alternatif de rglement des conflits. Lapplication de la

    norme pnale se pose ainsi comme solution face lchec de ces initiatives17. La

    15

    Voir infra 5 et suivant.16H. ALTERMAN et A. BLOCH : La Fraude Informatique (Paris, Gaz. Palais), [3 sep. 1988] p. 530.17

    Ibid.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    7/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 7

    confusion opre par ces auteurs, entre la cybercriminalit et le dlit informatique,

    savre symptomatique dune difficult dapprhender cette forme de dlinquance. Ce

    constat lgitime lapproche du Professeur Lucas qui considre que la seule dmarche

    acceptable consiste rserver lacception de fraude informatique aux hypothses dans

    lesquelles la technique informatique est au cur de lagissement incriminable tout en

    sachant fort bien quil est parfois difficile disoler le noyau dur de la

    priphrie 18.

    La ncessaire clarification des actes qui relvent de la cybercriminalit a conduit la

    doctrine multiplier les notions dsignant les actes illgaux en rapport avec

    linformatique. Cette dmarche a engendr une plthore de dfinitions doctrinales de la

    cybercriminalit en Europe (1) et aux Etats-Unis (2).

    1. Une plthore de dfinitions adoptes en Europe

    4. Aucun texte lgislatif ou rglementaire ne dfinit la cybercriminalit. Toutefois,

    certaines notions proches, telles que la criminalit informatique, linfraction

    informatique, le dlit informatique ou lusage abusif de linformatique, ont fait lobjet

    de dfinitions posant la question de lassimilation ou de la distinction du crime et de lacybercriminalit. Selon le ministre de lIntrieur franais, la cybercriminalit recouvre

    lensemble des infractions pnales susceptibles de se commettre sur les rseaux de

    tlcommunications en gnral et plus particulirement sur les rseaux partageant le

    protocole TCP-IP19, appels communment lInternet20. Selon lO.N.U., la

    cybercriminalit doit recouvrir tout comportement illgal faisant intervenir des

    oprations lectroniques qui visent la scurit des systmes informatiques et des

    donnes quils traitent, et dans une acception plus large tout fait illgal commis au

    moyen dun systme ou dun rseau informatique ou en relation avec un systme

    informatique 21.

    Pour lOffice fdral de la police suisse, la cybercriminalit sentend des

    nouvelles formes de criminalit spcifiquement lies aux technologies modernes de

    18A. LUCAS : Le Droit de lInformatique (Paris, PUF), [1987] n 413.19 Dsigne les protocoles communs de communication utiliss par lInternet, permettant linterconnexiongnralise entre rseaux htrognes.20Le Ministre de lIntrieur Franais

    (consult le 24/11/2004).21Dixime Congrs des Nations Unies, Vienne, sous le titre la prvention du crime et le traitement desdlinquants , [10 17 avril 2000], disponible sur ,(consult le 12/11/2004).

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    8/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 8

    linformation, et de dlits connus qui sont commis laide de linformatique plutt

    quavec les moyens conventionnels 22. Enfin, le Collge canadien de police dfinit la

    cybercriminalit comme la criminalit ayant lordinateur 23 pour objet ou pour

    instrument de perptration principale 24.

    Cependant, ces dfinitions ne sont pas compltement dfinitives : la dfinition

    adopte par le ministre de lIntrieur franais vise seulement les infractions diriges

    contre les rseaux de tlcommunications. Elle ne recouvre ni les infractions

    susceptibles dtre commises sur les systmes informatiques, ni les infractions

    directement gnres par le fonctionnement des rseaux informatiques. Il sagit des

    infractions portant sur linformation vhicule par le systme informatique comme

    lescroquerie, labus de confiance, et les atteintes aux liberts individuelles par la

    cration illicite de fichiers nominatifs25. De mme, la dfinition propose par lO.N.U.

    utilise le terme comportement illgalpour se rfrer la cybercriminalit. Cependant, un

    comportement peut tre considr illgal dans un Etat et lgal dans lautre. Enfin, les

    deux dernires dfinitions considres par lOffice fdral de la police suisse, et le

    Collge canadien de police utilisent des termes trs larges qui peuvent recouvrir la

    cybercriminalit, et la criminalit informatique en mme temps. Ces confusions nous ont

    22 Rapport danalyse stratgique, [Octobre 2001].23 En effet, la langue franaise distingue deux mots: l informatique et l ordinateur . En 1965, lAcadmiefranaise dfinissait linformatique comme le support des connaissances conomiques, sociales et scientifiquesen particulier pour les machines automatiques. Ces machines sont les ordinateurs, qui traitent linformation danstous les domaines . Voir N. BLANQUET : La Protection des Programmes dOrdinateurs (Mmoire, Paris II),[1979] p. 6 ; N.KHATER: La Protection Juridique du Logiciel Dans le Cadre de la Proprit Intellectuelle Dansles Pays de Langue Arabe (Thse, Nantes), [1995] p. 2 ; J.-P. GILLI : Le Juriste et lOrdinateur (Paris, Chron.),[1967] p. 47. Dans le domaine informatique, comme dans dautres domaines, on distingue diffrentesgnrations, le passage de lune lautre tant marqu par un saut technologique. La nouvelle gnration estcaractrise par les Robots, disponible sur (04/11/2004). Ce terme a t utilis pour la

    premire fois en 1921 par lauteur Karel Capek (1890 -1938) dans une pice de thtre sappele (RossumsUniversal Robots). Lorigine du terme vient du mot Robota, qui signifie le travail forc. Sur ce point voir C.

    FIEVET : Les Robots (Que sais-je ? Puf) [2001] page 19 et s; V. RICHTER : Les Robots de Karel Capek(Prague, Radio Prague), [Janvier 24, 2004], disponible sur ladresse : (consult le04/11/2004). Il est noter aussi que lintelligence artificielle a donn lieu deux courants de pense.Lhypothse forte affirme quune machine universelle de Turing dote dun programme adquat serait le sigedun esprit conscient, comme vous et moi Lhypothse faible prtend, au contraire que cette voie ne peut menerdans le meilleur des cas qu une simulation raliste. Voir J.C. HEUDIN : La Vie Artificielle (Paris, Hermes),[1994], pp. 177 et s; C.REMY : LIntelligence Artificielle (Paris, Dunod), [1994] pp.20 et s; E. M. PETRIU, etT. E. WHALEN: Computer Controlled Human Operators (IEEE Instrumentation Magazine), [Mai, 2002],disponible sur : ; V aussi : B. MURPHY : The computer in Society( Kent, Anthony Blond),[sans date] pp.53-61 ; C. DEVERGIES : LImpact de lUtilisation des Technologies de linformation et laCommunication, dans lEntreprise, sur la Vie Personnelle du Salari (Universit Lille II, Mmoire DESS),[2004].24

    Centre canadien de la statistique juridique, disponible ladresse : (11/11/2004).25G. ROMAIN : La Dlinquance Informatique : O en Est-on ? (Scurit Informatique), [Juin 1998], n 20, p. 1.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    9/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 9

    conduit nous interroger sur quelques dfinitions adoptes aux Etats-Unis.

    2. Une plthore de dfinitions adoptes aux Etats-Unis

    5. Aux Etats-Unis, la cybercriminalit forme une grande proportion des dlits examins

    par la police 26.Son concept diffre dun Etat lautre, et dun dpartement de police

    lautre. Selon le Dpartement de la justice (United States Department of Justice) la

    cybercriminalit est considre comme une violation du droit pnal impliquant la

    connaissance de la technologie de linformation pour sa perptration, son

    investigation, ou ses procdures pnales 27. De son cot, le Code pnal de Californie

    (section 502), dfinit une liste dactes illicites qui tombent sous le coup de la

    cybercriminalit. Il considre comme cybercriminalit le fait daccder, ou de

    permettre intentionnellement laccs, tout systme ou rseau informatique afin a) de

    concevoir ou raliser tout plan ou artifice pour frauder ou extorquer ; b) dacqurir de

    largent, des biens, ou des services, dans le but de frauder ; c) daltrer, de dtruire, ou

    dendommager tout systme, rseau, programme, ou donnes informatiques 28. En

    revanche, le Code pnal du Texas (section 33.02) va plus loin. Il considre comme

    cybercriminalit, le fait daccder un ordinateur, un rseau, ou un systme

    informatique sans avoir lautorisation de son matre29. La confusion opre par ces

    lgislations, entre la cybercriminalit et la criminalit informatique, savre

    symptomatique dune difficult dapprhender cette forme de dlinquance. Ainsi, M.WALL dclare que le terme cybercriminalit ne signifie plus quun acte illicite qui est

    dune faon ou dune autre relatif lordinateur30.

    B) La proposition dune dfinition

    26E. LAWTA:Law enforcers report spike in cybercrime(USAtoday.com). Disponible sur : (11/11/2004).27

    U.S. Department of Justice .28

    Code pnal de lEtat de Californie (section 502).29 Code pnal de Texas (section 33.02).30 D. WALL: Crime and the Internet(N.Y., Routledge), [2001], p. 3.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    10/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 10

    6. Les exemples prcdents illustrent la difficult et la complexit de ce phnomne.

    Tandis que certains dfinitions proposes sont troites et insistent sur le fait que la

    catgorie de cette criminalit doit impliquer une opration extrmement consomme

    dordinateur dans les circonstances o linfraction ne pourrait pas tre commise, les

    autres exemples sont larges et impliquent beaucoup dinfractions qui sont dj classes

    comme infractions traditionnelles. Or, une dfinition pratique de la cybercriminalit est

    ncessaire afin dapprhender ce phnomne. Cette finalit nous conduit traiter tour

    tour le concept du cyberespace (1) ; sa relation avec la dlinquance (2) ; le domaine de

    la cybercriminalit (3) ; et enfin, nous proposerons une dfinition pratique pour le but

    de notre tude (4).

    1. Le cyberespace : mythe ou ralit ?

    7. Le cyberespace est le terme forg par le romancier William Gibson31 pour dcrire

    un lieu dpourvu de murs au sens concret du terme, voire de dimensions physiques.

    Dans ce dernier, les donnes mondiales sont structures sous la forme dun support

    visuel32et traversable- conomie fluide de linformation centre sur les lectrodes du

    31 Appel aussi infosphre ., il est noter que le prfixe cyber que lon ajoute un mot existant pour entransposer la ralit dans le cyberespace vient du mot grec kubernan signifiant gouverner , mais son sensactuel tire son origine du nom cyberspace, invent en 1984 par lauteur amricain de science-fiction WilliamGIBSON, dans son livre intitul Neuromancer. Dans ses crits, le cyberespace sagissait dun espaceutopique et abstrait o circule linformation. Voir M. DODGE: Mapping Cyberspace(N.Y., Routledge), [2001]

    p. 1. voir aussi P. TRUDEL : Les Responsabilits dans le Cyberespace in T. FUENTES CAMACHO : LesDimensions Internationales du Droit du Cyberespace (Paris, Economica), [2000] ; J.BARLOW, un des paroliersde Grateful deadet auteur de la Dclaration dIndpendance du Cyberespace a repris cette expression pourdesigner lespace cr par les rseaux dordinateurs. Voir (visit le08/12/2003). Voir aussi T. JORDON : Cyberpower. The Culture and Policies of Cyberspace and the Internet(Londres, Routledge), [1999], pp. 20-58; B. BENHAMOU: Homo Numericus. Petit Essai de Prospectives pourle Cyberspace [15 mars 2001],

    disponible sur (consult le 03/03/2006).32Nous faisons rfrence au terme support puisquil renvoie au droit de la communication qui constitue le cadrede notre recherche. La classification dInternet dans la catgorie juridique des supports de communicationsignifie que lquilibre entre la libert dexpression et du droit des personnes sur Internet sert de fil conducteur notre raisonnement. Mais le cyberespace est plus quun support qui serait tout entier rsum par le seul droit dela communication. Il est aussi un espace, ce quaffirme X. LINANT de BELLEFONDS : le rseau des rseauxavec ses bandeaux, ses rfrencements et tout son appareil la fois merveilleux et cauteleux dencerclement desintelligences faibles est proprement ignor, mais il est vrai que le texte (i.e. la loi de scurit financire du 1 aot2003, loi 2003-706, article 87.1.14, JO, 2 aot 2003) vise toute publicit quel quen soit le support. Mais Internetest-il support ou espace ? Beaucoup comme nous pensent quil sagit dun espace et non dun support, ce quinest pas une dispute byzantine mais une vritable faon dinterpeller les multiples prescriptions de dtails ducode de la consommation. Le consommateur internaute pend-il un risque spcifique qui affranchit totalementloffreur du respect des rgles propres la presse et la tlvision ? Voir G. DECOCQ : Commerce

    Electronique, Concurrence et Distribution, Question dActualit (Com. Com. Electr.), [oct. 2003], pp. 14-19 ; S.BRENNER : Toward A Criminal Law For Cyberspace : Distributed Security(B.U.J.SCI. & TECH.L.) ; vol. 10 1; voir S. BERHARD: Comment Scuriser le Rseau : Confiance Mutuelle et Cryptage (RDAI), n 3, [1998].

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    11/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 11

    commerce transnational, qui fournissent une interface neurologique directe33. Ce type

    de cyberespace nexiste pas et ne peut pas exister actuellement. Un tel espace

    lectronique est un monde imaginaire34. Dans le monde rel, le cyberespace est lendroit

    o les conversations tlphoniques ordinaires ont lieu, o les courriers lectroniques35

    vocaux et les messages lectroniques texte sont stocks et changs. Dans cet espace

    des graphiques crs par lordinateur sont transmis et transforms, le tout sous la forme

    dinteractions, dune part entre les innombrables utilisateurs et dautre part, entre les

    utilisateurs et lordinateur lui-mme36.

    Le cyberespace se prsente comme un espace indfini. Un espace virtuel 37

    dordinateurs tous relis entre eux grce des rseaux quexplorent les cybernautes ,

    dont les systmes nerveux sont directement branchs sur les rseaux grce une prise

    fixe sur leur crne38. Le cyberespace comporte beaucoup de caractristiques qui

    prennent de limportance lorsquon envisage la problmatique de sa rgulation. Il peut

    tre considr comme une illusion , cest une hallucination consensuelle 39. Il peut

    tre considr aussi comme une ralit, mais une ralit dans un monde virtuel . Un

    monde dordinateurs en rseaux de tlcommunications, de logiciels et de donnes

    informatiques, avec une prsence sentie dans un monde physique, cest donc une

    ralit virtuelle 40.

    33UNISCO : Les Dimensions Internationales du Droit du Cyberespace (Paris, Economica), [2000] p. 161 ; voirgalement A. Serge KABLAN : La Normalisation Technique et Juridique des Contrats Electronqiues. Disponiblesur : http://www.forac.ulaval.ca/34 UNISCOIbid.35En effet, le-mail prsente des analogies avec le courrier postal traditionnel, dsormais rebaptis snail mail

    par les internautes, du point de vue du secret qui doit entourer les correspondances. Pour envoyer un messagelectronique du destinataire, et, grce lutilisation dun logiciel adquat, ce message sera achemin jusqu la

    boite du correspondant. Ce type de communication est donc, rapide et relativement fiable. Bien sur, le degr deconvivialit est moindre devant un cran dordinateur quavec un combin tlphonique, mais les internautesponctuent leurs messages de ce quon appelle les smiles .36L. TRIBE : The Constitution in Cyberspace : Law and Liberty Beyond the Electronic Frontier , disponible sur: (consult le 15/04/2005).37 Selon le philosophe Pierre LEVY Est virtuelle une entit dterritorialise, capable dengendrer plusieursmanifestations concrtes en diffrents moments et lieux dtermins, sans tre pour autant elle-mme attache un endroit ou un temps particulier. Sur la nature de cyberespace voir (14/11/2004).

    38 P. TRUDEL : Quel Droit pour la Cyber-Presse ? La Rgulation de lInformation sur Internet (Paris,Lgipresse), [mars 1996] ; voir aussi M. FRISON ROCHE : Le Droit de la Rgulation (Paris, Dalloz), [2001],n 7, p. 610 ; voir aussi E. BROUSSEAU : LAutorgulation Ncessite-t-elle un Cadre Institutionnel ? (RevueEconomique), [octobre 2001], vol. 52, hors srie.39

    W. GIBSON :Neuromancien (Paris, Coll. Jai lu), [1992] n 23,25.40UNESCO : Les Dimensions Internationales du Droit du Cyberespace (Paris, Economica), [2000] p. 237.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    12/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 12

    Le cyberespace est un espace complexe comprendre41. Il est la fois naturel et

    artificiel. Naturel car sa source est naturelle : le monde rel. En mme temps il est un

    espace artificiel. Tout dabord, le langage utilis est artificiel - celui des mathmatiques-

    en commenant par le codage fondamental (0,1) et en finissant par des quations

    mathmatiques de plus en plus labores42. Ces quations sont comme le germe dune

    infinit dimages dont la plupart nont pas de correspondance dans le monde naturel. Le

    cyberespace est aussi artificiel parce quil rsulte dune technologie sophistique, mise

    en oeuvre par ltre humain43.

    Le cyberespace agit comme un transformateur du rel en imaginaire44, et du rel

    en imaginaire. Une vritable transformation, relle, imaginaire est possible grce

    linformation quantique, par exemple, la substitution de largent substantiel (papier) par

    la monnaie informatique nest quune illustration lmentaire de cette transformation

    dune grande gnralit45. cet gard, il nest ni dtermin ni indtermin, il permet la

    mise en jeu de la notion de niveau de ralit et de la logique du tiers inclus. Il est

    potentiellement un espace transculturel, et transnational, cest donc lespace du choix

    humain46.

    41

    Voir dans ce sens L. LESSIQ : Code and Other Laws of Cyberspace(N.Y., Lessig), [1999] p. 65.42 Disponible sur:Le concept CET (consult le 05/06/2006); voir galementD. COSTELLO et S. LIN: Error Control Coding: Prentice-Hall Computer Applications in ElectricalEngineering Series(Londres, Prentice Hall), [1982].43

    Ibid.44 B. MURPHY, op.cit. pp.53-82; L. SHYLES: Deciphering Cyberspace: Making the Most of DigitalCommunication Technology(Dover, Sage), [2002] p.179; J.PREECE: Online Communities: Designing Usabilityand Supporting Sociability (N. Y., Wiley), [2000] p.345; D. PARREY: Criminalit Informatique (Mmoire,Universit Paris II), [2004]; M. BRIAT: La Fraude Informatique: Une Approche de Droit Compar ( R.D. P.C.),[ 1985], p. 307.45Le concept CET,prcit.46 Voir Ibid,cela nous conduit sinterroger sur louvrage de M. Benedict ANDRESON consacr

    l imaginaire national . Pour cet auteur, les nations sont des communauts imagines , mais imaginessuivant un style particulier : limaginaire national. En proposant de considrer la nation comme une forme decommunaut imagine, Anderson entend mettre en vidence le fait que lidentification nationale participe ces

    processus didentifications collectives qui se rfrent des groupes abstraits car mme les membres de la pluspetite des nations ne connatront jamais la plupart de leurs concitoyens [...] bien que dans lesprit de chacun

    vive limage de leur communion . Partant du mme constat, on peut tre tent dopposer la fiction de lacommunaut nationale des communauts relles fondes sur linter-connaissance. Benedict Anderson, pour sa

    part, considre qu au-del des villages primordiaux o le face--face est la rgle et encore..., il nest decommunauts quimagines , tout comme il nest de socits quimagines. Sans doute parler de socitsimagines parat moins paradoxal, puisque la notion de socitest lexpression dune conception artificialistedu social. En revanche, la notion de communaut imagine est, en quelque sorte, en porte--faux avec lareprsentation traditionnelle de la communautcomme la forme dorganisation sociale la plus naturelle qui soit.Cette opposition entre deux modles idal-typiques dorganisation sociale, lun enracin dans la nature (la

    communaut), lautre fondamentalement artificiel (la socit), qui nest rien dautre que la rinterprtation de laphilosophie antique, traverse lhistoire de la pense politique occidentale. Voir B. ANDERSON: ImaginedCommunities: Reflections on the Origin and Spread of nationalism(Londres, Verso), [1991] pp. 37 46, et 83

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    13/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 13

    Le cyberespace ne rsulte pas dune conception consciente globale, et nest

    certainement pas guid par une ide simple ou un plan. Cest un rseau o des

    ides disparates sont constamment faonnes en de nouvelles fonctions, de nouvelles

    structures, de nouveaux protocoles qui sont ajouts au systme existant. Cest un

    systme sans principes de base ni formats de conception dfinis et immuables47.

    Ainsi, nous pouvons affirmer que :

    La rvolution des N.T.I.C. a neutralis lespace et le temps, en crant un

    nouvel espace virtuel : le cyberespace48. Ce dernier, son tour, a rendu

    lintraction culturelle et sociale une ralit globale qui constitue une partie

    intgrale de cultures nationales distinctives.

    Le cyberespace a transform le rle Etat-Nation et sa souverainet49. Il a men

    la prolifration des nouveaux acteurs transnationaux et des modles

    institutionnels50 tels que lInternet Society (ISOC)51, Internet Corporation for

    Assigned Names and Numbers (ICANN) 52, et lInternet Engineering Task

    Force(IETF)53.

    112.47 Voir sur ce point C. HEBRARD : Le Village Virtuel 3D (Mmoire, Montpellier 3), [2000] p. 4 et s ; B.DEFFAINS : Economie et Ordre Juridique de lEspace Virtuel, dans E. BROUSSEAU, N. CURIEN (dir),Economie de lInternet (Revue Economique) hors srie, [ 2001] ; voir aussi J. DIONIS Du Sjour, rapport n 612fait au nom de la commission des affaires conomiques, de lenvironnement et du territoire sur le projet de loi (n 528) pour la confiance dans lconomie numrique. Disponible sur (consult le 03/03/2006) ; A. JOYANDET et P. HERISSON, LEntre dans laSocit de lInformation, rapport dinformation n 436, mission commune de linformation sur lentre dans lasocit de linformation, septembre 1997. Disponible sur 48Voir P. GAUTIER : Rvolution Internet : Le Ddoublement de lEcrit Juridique (Paris, Le Dalloz), [2000], n12, p. V ; P. LEVY : Essai Sur la Cyberculture : LUniversel Sans Totalit (Rapport), [sans date] ; Le Temps :Comment lIntelligence Collective Peut Surgir Sur le Net (Entretien avec Pierre Lvy), [22 fvrier 2001.49Sur le rle Etat-Nation et sa souverainet voir J. ABDEL RAHMAN :Les Principes de Droit InternationalPriv (Le Caire, Al Alamia Press), [1956] p.535-538 ; M. FAHMY :Les Principes de Droit International Priv

    (Le Caire, Moassassat Al Thaqafa Al Jameeih), [1978] pp. 512-513 ; E. ABDALLAH : Droit InternationalPriv(Le Caire, Dar Al Nahda Al Arabia), [1980] pp. 539-542.50 Tout dabord, comme la philosophe Hannah Arendt le rappelle dans LImprialisme, pour le moment, unmonde qui serait au dessus des nations nexiste pas. Elle croit cependant la possibilit dun gouvernement

    mondial. Mais cest pour aussitt attirer lattention sur le risque du totalitarisme intgral quil comporterait :

    Il est tout a fait concevable et mme du domaine des possibilits pratiques de la politique, quun beau jour, une

    humanit hautement organise et mcanise arrive conclure le plus dmocratiquement du monde cest--dire la majorit quune humanit en tant que telle aurait avantage liquider certaines de ses parties . P.QUEAU : Pour une Politique du Cyberespace (Paris, Odile-Jacob), [2000], p. 15.51LInternet society a t fonde en 1992. Son objectif est la promotion et la coordination dInternet. Autoritmorale et technique, elle runit les fonds et lgalise les processus de standardisation. Elle comptait en 2000 prsde 8.000 membres dans 125 pays. Des grandes entreprises mondiales y participent. Elle est organise en chapitredans chaque pays. Voir Le Monde Interactif, [28 juin 2000].52

    Organisation but non lucratif cre en 1998. Elle a remplac lInternet Assigned Numbers, fonde parJonathan Postel. Elle gre lunicit et la rpartition des noms de domaine. Elle sapprte grer le curtechnique du rseau depuis son absorption de lAuthority Root Server. Elle est compose de 19 membres.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    14/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 14

    Le procd continu dinteraction culturelle et dchanges dinformations dans

    le cyberespace, facilit et acclr par les tendances contemporaines de la

    mondialisation54, a rendu la culture dans un tat continu du flux. Les modles

    culturels traditionnels sont de plus en plus transforms par le rseau Internet55.

    La navigation dans le cyberespace est devenue un nouveau type de navigation.

    Une navigation dans la profondeur de la nature virtuelle , en interaction

    avec les internautes eux-mmes56. Cette navigation peut tre considre

    comme la source dun nouveau type dimaginaire, qui influence la perception

    et qui par son rle, alimente cet imaginaire.

    La causalit dans le cyberespace est diffrente de celle, locale, rgissant le

    niveau macrophysique et de celle, globale, rgissant le niveau quantique57. La

    Voir (consult le 12/12/2004).53 Il sagit dun groupement libral et informel de bnvoles. Il est supervis par lInternet Engineering SteeringGroup, et par lInternet architecture Board. Il est responsable de lvolution des standards Internet Il est divis ensix domaines dapplication : Applications Area, Operations et Management Area, Routing Area, Security Area,Transports Area,etUsers Services Area.54 P. LEVY, op. cit. ; B. STERN : Vers la Mondialisation Juridique ? Les Lois Helms-Burton et dAmatoKennedy (Paris, RGDIP), [1996], p. 979-1003. En effet, La mondialisation, ce nest pas simplementlamplification des changes, cest la mise en comptition des systmes conomiques et sociaux. Toute la

    question est de savoir si ce phnomne est de nature valoriser le systme non marchand (culturel) des socits

    ou si au contraire de la prise en compte des systmes sociaux dans la comptition conduira considre ceux-cicomme des cots . Z. LAIDI : Malaise dans la Mondialisation (Paris, Textuel), [2001], p. 45-47 ; voirgalement S. BERGER : Notre Premire Mondialisation (Paris, Seuil), [2003] ; L. YAGIL : Internet et les Droitsde la Personne (Paris, les d du Cerf), [2006] ; Le Temps : Comment lIntelligence Collective Peut Surgir Sur le

    Net (Entretien avec Pierre Lvy), [22 fvrier 2001].55Selon M. Gibson, la cyberculture se vit fantastiquement dans le cyberespace comme un dpassement deslimites et tout particulirement des frontires du corps et de la chair qui sont encombrants dans les voyages . Etselon M. LEMOS la cyberculture est la jonction paradoxale entre la technique et la culture. Cette liaison estun des enjeux important de nos socits actuelles. Il ne sagit pas dune culture rationalise mais pluttlappropriation de la technique par la culture. Selon cet auteur la cyberculture est un : Ensemble dattitudesnes partir du mariage entre les technologies informatiques et les mdias de communication. Cet ensemble

    dattitudes est le produit dun mouvement socioculturel pour apprivoiser et humaniser les nouvelles

    technologies . Pour le philosophe Pierre LEVY la cyberculture nest pas la culture des fanatiques dInternet

    cest une transformation profonde de la notion mme de culture. Il dclare : Et cest difficilement sparable desautres transformations sociales que nous connaissons depuis 20 25 ans: lurbanisation galopante; la montedu niveau dducation; la mondialisation conomique; le dveloppement des contacts entre cultures. Lhumanit

    est en train de se rencontrer elle-mme. Internet est pour moi une espce de matrialisation de luniversel sans

    totalit, cest quil ny a pas de centre du rseau, il ny a pas de sens unique. Chaque fois que vous avez unnouveau noeud dans le rseau, un nouveau site, un nouveau groupe de discussion, un nouvel abonn, vous avezune nouvelle source dhtrognit et de diversit. Depuis dix ans, vous avez de plus en plus de langues, dethmes abords, de pays concerns. Cest un processus absolument passionnant observer . Cette culture estdonc lunion de la culture poste moderne et du dveloppement des NTIC. Linstitutionnalisation setransforme en tribalisme, le contrat en objectifs ponctuels, la positivit en non-finalit et lutopie en quotidien le

    plus urgent. Sur ces points voir M. GIBSON, op. cit.p. 57 ; C. HEBRARD,prcit, voir aussi sur ce point J.HUET : Quelle Culture dans le Cyber-Espace et quel Droits Intellectuel pour cette Cyber-Culture (Paris,Chron.), [1998] p. 185 ; Le Temps : Comment lIntelligence Collective Peut Surgir Sur le Net (Entretien avec

    Pierre Lvy), [22 fvrier 2001] ; C. HEBRARD,prcit.5657Voir aussi sur la localisation de linfraction : M. PUECH : Droit Pnal Gnral (Litec, Paris), [1988], p. 148 et

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    15/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 15

    causalit dans le cyberespace est une causalit en boucle ouverte, due

    linterface homme-cyberespace-temps. Ltre humain dcouvre en lui-mme

    un nouveau niveau de perception grce son interaction avec lordinateur, et

    lordinateur affine ses potentialits par linteraction avec ltre humain58.

    Ainsi, le cyberespace peut apparatre comme un nouveau monde, un continent

    inconnu dcouvrir sans limites restrictives apparentes59.

    2. Lvolution de la dlinquance dans le cyberespace

    8. Par rapport au cyberespace, nous tmoignons dune vritable mtamorphose de

    lensemble du systme international. Dune part, la naissance dun nouveau systmejuridique qui implique un changement des relations juridiques transnationales60, et

    dautre part, le dveloppement des N.T.I.C. qui leur tour ont men lapparition de

    nouveau type de dlinquance que lon nomme informatique .

    Le mot dlinquant renvoie tymologiquement au terme latin delinquere

    signifiant commettre une faute61. En droit pnal, le dlinquant est dfini comme

    lauteur dune infraction pnale, qui peut faire lobjet dune poursuite de ce chef62.

    Dans ce sens, le dlinquant informatique serait la personne qui commet un dlit

    149 ; Le Temps : Comment lIntelligence Collective Peut Surgir Sur le Net (Entretien avec Pierre Lvy), [22fvrier 2001].58 Dans cette optique la United States District Court for the Northen District of California a dclare le 7novembre 2001 dans larrt Yahoo que : le rseau Internet permet doffrir toute information, tout produit outout service chaque internaute et de transformer les espaces juridiques nationaux en frontire de papier.59Ce nouvel espace dexpression humaine, en devenir de civilit mondiale, est en perptuel mouvement. Or, cemouvement erratique comporte un danger. Car justement le temps de la rflexion nous est compt, relve leConseil dEtat qui rsume avec une prcision prospective minutieuse, lampleur des dfis politiques, sociaux et

    juridiques lancs par le dveloppement des nouvelle technologies de linformation et de la communication : les

    rseaux numriques transfrontires induisent une modification substantielle des modes de rgulation habituelsdes pouvoirs publics ( notamment en ce que) : la rglementation dorigine tatique doit dsormais se combiner

    avec lautorgulation des acteurs, cest--dire lintervention de ceux-ci pour dlivrer les principes de la rgle de

    droit dans des environnements non prvus par celle-ci et pour agir de faon prventive contre la commission

    dinfractions ( ensuite en ce que) compte tenu des limites inhrentes toute initiative purement nationale, la

    coopration internationale des Etats est ncessaire pour faire respecter lordre public dans un espace largement

    domin par linitiative prive. En dautres termes, Internet et les rseaux introduisent une double indpendanceentre acteurs publics et privs et entre Etats eux-mmes, ce qui rend toute politique en la matire trs complexe

    laborer et mettre en uvre . Voir J.-P. MIGNARD, op. cit. p. 25.60P. ALLOT : The Emerging Universal Legal System(International Law Forum du Droit International), [2001]3(1), p. 14. ; L. MARTINEZ: The Emerging International Legal Regime for Cyberspace: Implications forEastern/ Central Europe (Caroline du nord, Confrence), [5-10 juin 1996], disponible sur (19/11/2004).61

    J.-F. CASILE : Le Code Pnal LEpreuve De La Dlinquance Informatique (Thse, Aix-Marseille), [2002],p. 17.62S. GUINCHARD et alii: Lexique des Termes Juridiques (Paris, Dalloz), [2001].

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    16/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 16

    informatique63. Certains auteurs (ROSE et PARKER)64, cartent la notion de dlinquant

    informatique, au profit de celle de criminel informatique ou de fraudeur informatique.

    De son cot, M. LUCAS prfre le terme dlinquance informatique au terme de

    fraude informatique , du fait de lharmonie qui sopre entre le sens littral du mot

    dlinquant et son sens juridique65. La connaissance de la dlinquance informatique

    demeure trs difficile, cause de son htrognit. Au vu de certaines tudes

    effectues66, la dlinquance informatique se diffre de la dlinquance classique, car

    cette primaire se compose de dlinquants spcialiss jeunes par hypothse, considrs

    comme employs modles occupant un poste de confiance dans la direction dune

    entreprise. Gnralement motivs par le caractre du jeu et du dfi quapporte lide de

    tromper lordinateur67.

    Pour les auteurs, les dlinquants en informatique sont insensibles aux valeurs qui

    nont pas dincidences matrielles. Lclatement de la relation binaire auteur-victime

    engendre labsence de scrupule. Le dlinquant en informatique ne bnficie pas de

    limage strotype du dlinquant classique, qualifi de respecter par son statut social et

    son niveau culturel. La dlinquance informatique tant peu violente, elle npouvante

    pas les victimes. Dans cette optique, M. ROSE distingue : (a) lutilisateur qui recherche

    le profit dun capital financier ; (b) les destructeurs qui composent une frustration

    professionnelle ou personnelle et qui ne commettent que dans le but de nuire aux

    entreprises ou aux organisations ; et (c) lentrepreneur qui vise lactivit ludique et le

    dfi des agressifs qui compensent une frustration personnelle ou professionnelle68. De

    son cot M. BOLONGA isole quatre types de dlinquants : (a) lutilisateur qui recherche

    le gain financier ; (b) lutilisateur qui recherche une reconnaissance sociale ; (c)

    lutilisateur qui recherche la perte du sens des ralits ; et enfin (d) lutilisateur ayant un

    comportement idologique, qui veux se venger de la socit69

    .

    63J.-F. CASILE, op. cit.p. 17.64 P. ROS : La Criminalit Informatique (Paris, Collection Que-sais-Je ? PUF), [1987] ; D.-B. PARKER :Combattre la Criminalit Informatique (Paris, OROS), [1985] p. 18 ; J.-F. CASILE, op. cit.p. 17.65A. LUCAS : Le Droit de lInformatique (PUF), [1987] n 413.66 G. CHAMPY : La Fraude Informatique (Thse, Aix-Marseille), [1990] ; A. FRYDLENDER : La FraudeInformatique, Etude Phnomnologique et Typologique Applique au Contexte Franais (Thse, Paris 9),[1985] ; S. JERRAI : La Fraude Informatique (Thse, Montpellier), [1986].67S. JERRAI. op. cit. p.18.68

    P. ROSE : Menaces Sur les Autoroutes de lInformation (Paris, LHarmattan), [1996] p. 15.69 G.-J. BOLOGNA : An Organizational Perspective on Enhancing Computer Security (Commuincation auCongres Securicom), in D. MARTIN: La Criminalit Informatique (Paris, PUF), [1997] p.68.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    17/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 17

    Associ au dveloppement de lordinateur, le dlit informatique ne voit le jour qu

    la fin des annes cinquantes70. Cependant, le premier dlit li linformatique et

    identifi comme tel puis poursuivi au niveau fdral, aurait t ralis en 196671. En

    France, lune des premires tudes relatives la fraude informatique a t ralise fin

    des annes soixante-dix par un groupe de travail de lAssociation franaise de

    normalisation (AFNOR)72. Ensuite en 1980, lInstitut des Sciences Criminelles de la

    Facult de Droit de Poitiers a publi son tude sous Le Droit Pnal Spcial N de

    lInformatique .Dans cette optique, lon peut considrer la dlinquance informatique

    comme un phnomne rcent li au dveloppement technologique et lutilisation des

    ordinateurs. Lmergence des rseaux informatiques transnationaux a men la

    naissance des pirates informatiques ou des hackers73. Ce dveloppement de technologie

    des tlcommunications a substitu la dlinquance informatique la dlinquance

    informationnelle , ou la criminalit informatique la cybercriminalit . Cela a

    permis aux dlinquants de sortir du champ dincrimination des infractions lies

    70 K. BEAVER:Hacking for Dummies(Canada, Wiley), [2004].71V.GOLUBEV: Computer Crime Fighting Problems. Voir egalement M. CLEMENTS: Virtually Free fromPunishement until Proven Guilty: The Internet, Web-Cameras and the Compelling Necessity Standard

    (RICHMOND JOLT), vol. XII, Issue 1, [ 2005].Disponible sur (consult le 19/11/2004).72AFNOR : Scurit Informatique, protection de donnes (Paris, Eyrolles), [1983].73Les hackerssont des passionns dinformatique qui inventent et innovent pour le plaisir, non au service duneinformation ou dune entreprise. Le sens de pirates informatiques souvent donn au terme est tendancieux etinjustifi. Voir M. CASTELLS: La Galaxie Internet (Paris, Fayard), [2001], p. 10; voir galement le NewHackers Dictionary: Who Enjoys Explorating the Details of Programmatic Systems and How to Stretch their

    Capabilities, disponible sur . Le phnomne est encore perucomme attractif et inoffensif, notamment par les adolescents du monde entier qui voient en lui une formedespiglerie, a form of mischief , voir S. BIEGEL : Beyond our Control ? Confronting the Limits of ourLegal System in the Age of Cyberspace(Londres, MIT Press), [2001], p. 63. Voir galement B. J. FOX: Hackersand the US Secret Secrvice, disponible sur (consult le 12/02/2004).Mais sa perception peut changer en fonction de lapprciation des dangers croissants dans le monde : There are

    growing concerns worldwide regarding the danger of cyberterrorism, cyberattacks and cyberwars (S.BIEGEL, op. cit.p. 62. Voir aussi N. SHER: The Weapons of Infowar (The Jerusalem Report), [8 juin 1998].Cette volution est sensible dans le discours du Prsident Clinton. Des initiatives de piratage peuvent tre prises

    pour saboter le rseau lectronique amricain avec des codes de destruction informatique, afin de paralyserlinfrastructure informatique dont dpendent les rseaux bancaires et financiers : Twarting hackers armed withdestructive computer codes and terrorists intent (...) We will developp better ways of shaing infomation between

    public and private sectors so that we better prepare for possible cyber-attacks I. BRODIE: Clinton AgendaTargets Terrorist Hackers ( Londres, The Times), [20 janvier 1999]; T. HINNEN: The Cyber Front in the Waron Terrorism; Curbing Terrorist Use of the Internet ( 5 COLUM. SCI. & TECH. L. REV.), [ 15 decembre,2003]. [ Le 26 septembre 2002, les rdacteurs du journal Hackers Voice dont le numro doctobre avait poursujet principal une faille de scurit affectant les sites dune dizaine de grandes banques franaises ont tinterpells. Ils ont t gards vue. Selon le directeur de publication de ce journal, Hackers Voice a pourprincipe de contribuer donner aux citoyens les moyens de critiquer eux-mmes, lorsque cest ncessaire, le

    fonctionnement des rseaux dont ils sont clients et utilisateurs (...) mais notre alarmisme dessert peut-trelinformation que nous voulons faire passer, C. SPINELLI : Des Hackers Citoyens Passent une Nuit en Garde Vue (Paris, le Monde), [3 octobre 2002].

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    18/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 18

    linformatique et dentrer dans le champ dincrimination des infractions lies au

    cyberespace. Dans ce dernier, les systmes informatiques correspondent gnralement

    tous les composants fonctionnels dun ordinateur74. Ils voluent entre deux lments : le

    matriel et le logiciel75. Ce dernier traite automatiquement les informations lesquelles

    sont changes par les rseaux76.

    Les systmes informatiques sont tous relis entre eux grce aux rseaux de

    tlcommunication77. Ces rseaux permettent aux systmes informatiques de partager

    les programmes, les donnes et les matriels priphriques78. Dans notre tude, les

    rseaux de tlcommunications seront aussi regroups dans une catgorie avec les

    rseaux informatiques. Aujourdhui, le rseau Internet est un exemple type dun rseau

    informatique o les ordinateurs sont connects et sont capables dchanger les donnes

    entre eux79. La gnralisation de laccs linformatique de rseau, et notamment

    lInternet, a uniformis les diffrentes formes de dlinquance informatique du fait de

    deux critres constants, savoir le caractre transnational de linfraction et latteinte

    linformation. Par consquent, la probable utilisation des systmes informatiques par la

    dlinquance traditionnelle, et la probable mutation de la dlinquance informatique en

    une dlinquance de linformation , laisse supposer que la dlinquance

    traditionnelle deviendra informatique par les moyens quelle utilisera. cet

    gard, on peut identifier une grande varit dagissements dlictueux au sein du

    cyberespace. Il est, dune part, devenu le vecteur dun certain nombre dinfractions

    74M. SMITH et P. KOLLOCK: Communities in Cyberspace(N.Y, Routledge), [1999].75R. WHITE et T. DOWNS:How Computers Work(Corporation), [2002].76

    Ibid.77A. TANEBAUM: Computer Networks(N.Y, PH, PTR), [2003].78

    Dictionnaire Encyclopdique Bilingue de la Micro-informatique (Microsoft), [1998] p.46 ; J. HILDEBERT :Dictionnaire Franais Anglais Anglais Franais de lInformatique (Paris, Pocket), [2004].79 La technologie avait imprim sa marque, son rythme et lampleur de linvention. En huit ans et demidexistence, le backbone tait pass dune capacit de 6 nuds avec 56 kps la connexion 21 nuds avec45 Mbps. LInternet tait dsormais constitu de 50.000 rseaux locaux sur les cinq continents, dont environ29.000 aux seuls Etats-Unis. Il tait devenu un rseau transfrontire. Le nombre dutilisateurs dInternet pouvaittre valu entre 80 et 100 millions dInternautes en 1998 contre un millier seulement en 1990. En 1996, le traficsur Internet sest accru de 30% par mois, 85.000 noms de domaines ayant t mensuellement enregistrs. Grce lefficacit de la recherche et aux moyens mis en uvre (environ 200 millions de dollars entre 1986 et 1995), laqualit des protocoles dveloppes sur Internet ne faisait plus dbat, et lorsquen 1990, le rseau APRANET futdfinitivement dmantel, le protocole TCP/IP avait dfinitivement supplant, ou tout au moins marginalis,toutes les autres initiatives mondiales. La maturit technique dInternet, le succs du Web qui commenait se

    profiler, ainsi que louverture des rseaux aux services commerciaux et la concurrence, constituent les

    ingrdients fondamentaux de la recette dInternet auprs du grand public. Cest cette mutation qui a conduit lesinstances normatives lchelon et international sen saisir. Voir Conseil dEtat : Internet et les RseauxNumriques, op. cit. ; L. COHEN-TANUGI: Le Nouvel Ordre Numrique (Paris, Odile-Jacob), [1999], p. 150.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    19/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 19

    classiques tout en amplifiant leur porte (a), et dautre part, il est lobjet

    dinfractions dites informatiques(b).

    a) Le cyberespace: instrument actif qui favorise la commission de linfraction

    9.Compte tenu de lventail des nouvelles technologies mises la disposition des

    personnes malveillantes et qui font une large place lingniosit dune part et de la

    spcificit des dlits informatiques dautre part, lusage des N.T.I.C pour commettre des

    nouvelles infractions est devenu un phnomne international. Internet a fait fleurir une

    multitude dinfractions lies la circulation de linformation telle que les violations du

    droit dauteur80

    , les violations de vie prive et du secret des correspondances81

    , lesdlits de presse et de diffamation82, etc83.

    La pdophilie est un exemple particulirement saisissant de criminalit ayant pris de

    lampleur grce au cyberespace84. Les pdophiles peuvent reproduire des informations

    ou des photos, lanonymat y est prserv, la distribution de documents est simple et la

    quantit de matriaux que lInternet peut transporter est sans limites. Le cyberespace

    sert aussi pour la diffusion duvres protges par le droit de la proprit intellectuelle,

    et donc la contrefaon et le march de copies illicites dans le domaine de la musique, dela vido et des logiciels85. Lmergence des systmes dchanges de fichiers sur le

    rseau Internet, le dveloppement de sites pirates et la dmocratisation des graveurs

    facilitent ces actes illicites. Dans une affaire, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre

    a condamn pour proxntisme un individu qui diffusait des messages sur le rseau

    Internet afin dattirer des clients potentiels au bnfice dune personne se livrant la

    80 TGI Paris : [14 aot 1996], (D.), [1996], p. 490, note P.-Y. GAUTHIER. La jurisprudence franaise sestrefuse considrer que le homepage dun dlinquant constituait un domicile virtuel protg parlintimit de la vie prive. Dans la mesure o il y a mise disposition du public, par un procd decommunication, de signes, dcrits, dimages, de sons ou de messages de toute nature qui nont pas le caractrede correspondance prive, il sagit dune communication audiovisuelle.81TGI Privas : [3 septembre 1997], (Expertises), n 213, p. 79 note du Professeur J. FRAYSSINET.82S. JASSERME : La Diffamation sur Internet : Aspects Spcifiques au Rseau ( Memoire de DESS, UniversitParis II), [ 2001], voir aussi J.-M. DETAILLEUR, LEvolution de la presse crite dans la perspective desnouvelles technologies multimdias, rapport au ministre de la communication, 15 dcembre 1994, Lgicom, n8,1995.83 Voir dans cette optique Cass. crim. [17 janvier 2006], (http://www.foruminternet.org), (consult le03/03/2006).84

    S. El ZEIN, op. cit.p. 159.85 Ibid et voir aussi C. KUNER: European Data Privacy Law and Online Business (N.Y, Oxford UniversityPress), [2003], p. 39.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    20/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 20

    prostitution86. Aussi, le piratage sur le rseau Internet peut mme impliquer des

    ordinateurs sans que les propritaires de ceux-ci ne sen aperoivent87. Le piratage qui,

    auparavant, ncessitait la comprhension de codes informatiques complexes, est

    dsormais laffaire dun simple clic de souris. Selon de rcentes estimations, prs de 220

    millions deuropens dont 22 millions de franais disposent dun accs Internet,

    ouvrant ainsi aux pirates informatiques un march en pleine expansion88.

    Selon ltude ralise parBusiness Software Alliance (BSA) le 7 juillet 2004 sur les

    taux de piratage de logiciels dans le monde en 2003, cette infraction atteint un taux de

    37% dans lUnion Europenne. Son cot pour les diteurs nationaux et internationaux a

    galement t chiffr puisque la valeur des logiciels pirats dpasse 9,7 milliards de

    dollars. Ltude a montr aussi que 45% des logiciels utiliss par les entreprises taient

    pirats89. Pourtant, les tribunaux nhsitent plus condamner durement les

    contrevenants. Le 13 fvrier 2002, le Tribunal de grande instance de Paris a condamn

    le crateur dun site web payer 15 000 de dommages et intrts lAgence France

    Presse (AFP) et ses journalistes pour la reproduction de leurs photographies. Dans

    lespce, le site francefun.com avait reproduit cinq photographies protges dans une

    base de donnes de lAFP intitule Image Forum , et dont laccs tait rserv aux

    abonns dtenteurs dun code confidentiel. Les clichs illustraient des vnements

    dramatiques de lactualit et taient accompagns, sur le site litigieux, de

    lgendes relevant de lhumour noir. Lagence avait estim que la reproduction des

    images portait atteinte aux droits patrimoniaux et moraux des photographes (articles L.

    122-4 et L. 121-1 du Code de la proprit intellectuelle). De son ct, le crateur du site

    invoquait lexception de parodie et de caricature accorde, lorsque loeuvre a t

    divulgue, par larticle L. 122-5 du Code de la proprit intellectuelle.

    Le Tribunal a dclar dans son jugement que la contrefaon tait bien tablie aumotif principal que :

    Les photographies en cause ont t largement diffuses dans le cadre de reportages relatifs des faitsmarquants de lactualit () ; que leur reproduction pure et simple, que la lgre altration de leurcontour ne vient pas attnuer, ne permet pas dviter le risque de confusion avec luvre premire alors

    86 TGI Nanterre, 12me ch., [18 mai 2000], Ministre public c. Jacques L., Comm. Com. Electr. [Novembre2000], p. 21. Commentaire de Jean Christophe GALLOUX.87

    S. EL ZEIN, op. cit.88Ibid, p. 158.89Voir BSA [7 juillet 2004], disponible ladresse : (19/11/2004).

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    21/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 21

    que celle-ci, intacte, demeure charge de son sens premier nonobstant les lgendes qui peuvent y treassocies 90.

    De mme, le 20 janvier 2004 la Cour dappel de Douai a entirement confirm un

    jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Lille, qui avait dclar la socit

    NDI (RCS de Roubaix Tourcoing) en liquidation, et M. Luc Olivier Lefebvre, grant,

    coupable des dlits de contrefaon de marque, de contrefaon de logiciels, ainsi que du

    dlit de tromperie91. Il sagissait dune affaire dexportation et de reconditionnement de

    produits Microsoft, depuis le march canadien en violation des termes des licences. M.

    Luc Olivier Lefebvre a t condamn une peine de 8 mois demprisonnement avec

    sursis, ainsi qu une amende de 3 000 euros92. La socit NDI a t condamne une

    amende de 5000 euros. Enfin, la Cour a confirm la condamnation payer Microsoft

    Corporation la somme de 100000 euros titre de dommages et intrts93. Enfin, un

    internaute a t condamn au printemps 2005 par le tribunal de grande instance de Paris

    pour avoir mis disposition quelque 2 288 bandes dessines sur Internet94. Il a t

    condamn verser au Syndicat national de ldition un euro symbolique au titre de

    rparation du prjudice subi par lensemble de la profession. Le jugement est dfinitif,

    lhomme ayant renonc faire appel de cette dcision.

    b) Le cyberespace: instrument passif favorisant la perptration de linfraction

    10. Le cyberespace apparat comme un objet de linfraction ou comme un instrument passif

    et linfraction rsulte de ce que le bnficiaire des informations fournies par le

    cyberespace ou de la prsentation qui rsulte de son fonctionnement est sans droit pour

    les obtenir. Ds lors, il est possible de se trouver confront deux hypothses : dans la

    premire, les informations contenues dans les ordinateurs seront utilises de faon

    illicite, alors que la seconde hypothse concernera le cas de lutilisation abusive de cetespace virtuel. Des cas concernant la destruction dordinateurs, ainsi que des donnes

    ou des programmes quils contenaient. Dans cette optique le Tribunal de Grande

    Instance de Paris a considr le fait daccder au rseau cartes France Tlcoms o un

    90 Condamnation dun Site Pour Contrefaon de Photographies de lAFP , [5 mai 2002], disponible sur (19/11/2004).91 Voir : Microsoft France disponible ladresse suivante :. (12/11/2004).92

    Ibid.93Ibid.

    94Disponible sur (consult le 03/03/2006).

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    22/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 22

    individu avait utilis des numros dune carte appartenant autrui afin d obtenir des

    services de tlcommunication, comme un fait qui tombe sous laccs illicite aux

    systmes 95. De mme, se rend coupable daccs frauduleux un S.T.A.D., ainsi que

    dintroduction frauduleuse de donnes dans ce mme systme, celui qui met en uvre

    un programme sniffer 96 lintrieur dun serveur connect au rseau Internet97.

    De mme, il tait reproch quatre tudiants de stre introduits frauduleusement

    sur le serveur de leur universit et davoir cr et diffus des logiciels malveillants98.

    Ds lors que lintrusion sur le serveur na pas t faite sous la surveillance dun

    enseignant mais en violation de la charte informatique signe par les tudiants, laccs

    frauduleux a t caractris. Une amende avec sursis a t prononce. En revanche, pour

    les poursuites contre les logiciels malveillants, le mandement de citation au visa du

    nouvel article 323-3-1 du code pnal a t annul : les faits reprochs ntaient pas

    prciss dans la citation99.

    3. Le domaine de la cybercriminalit

    11. Ladjonction de prfixe cyber qui a tendance apparatre de manire excessive

    chaque utilisation dun concept classique lInternet, la criminalit , permet de

    retenir deux sortes de relations entre la criminalit et les rseaux de

    tlcommunications100. Dans un premier temps, la criminalit peut tre en relation

    directe avec un rseau de tlcommunication, cest--dire que la loi incrimine

    directement un acte qui, si le rseau de tlcommunication nexistait pas, lacte ne

    pourrait pas tre ralis. On pense en lespce au piratage des rseaux tlphoniques

    pour effectuer des appels tlphoniques gratuits 101.

    95TGI Paris - 12 me Chambre [26 juin 1995], (L.P.A), [1 mars 1996] p. 4 n 27 note Alvarez.96Le sniffing consiste introduire, au niveau dun serveur par lequel transitent de nombreuses donnes, un

    programme informatique spcifique, qualifi de renifleur qui a pour fonction de capturer des donnes.Lintroduction dun tel programme suppose donc, pralablement, dacceder frauduleusement un systme detraitement automatis de donnes, ainsi que dy introduire de nouveau lments logiques, ce qui constitue lesdlits rprims par les articles 323-1, al. 1 et 323-3 du Code pnal.97TGI Paris 1ech. 16 dcembre 1997 inA. BENSOUSSAN et Y. BREBAN : Les Arrts Tendances de lInternet(Paris, Herms), [2000], p. 45.98 TGI Vannes, ch. correctionnelle, 13 juillet 2005, Min. public et Universit de Bretagne Sud c. divers tudiants,

    jugement 1148, 2005. Disponible sur (consult le 03/03/2006).99

    Ibid.100

    Voir Office L.F. Quebec, disponible sur : (consultle 12/01/2006).101A. BENSOUSSAN : Les Tlcoms et le Droit (Paris, Hermes), [1996] pp. 447-483.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    23/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 23

    Dans un second temps, la criminalit peut tre en relation indirecte avec un rseau

    de tlcommunication, cest--dire que le rseau de tlcommunication se comprend

    comme un outil ou un moyen pour commettre linfraction102. On pense par exemple

    laccs illicite un systme informatique, ou lenvoi des virus via le rseau Internet.

    La cybercriminalit au sens strict du terme sentend donc de lensemble des infractions

    commises contre ou par un systme informatique effectu travers un rseau de

    tlcommunication.103 Elle requiert obligatoirement lintervention directe ou indirecte

    dun rseau de tlcommunication pour commettre linfraction104. Tous les actes

    perptrs contre lassurance de la confidentialit, de lintgrit, ou de la disponibilit des

    donnes ou des oprations de traitement, sont commis dans un environnement

    lectronique impliquant un rseau de tlcommunication sont considrs comme une

    cybercriminalit105. Maintenant la plupart des ordinateurs - et par la nature mme de la

    cybercriminalit - tous les ordinateurs qui sont impliqus dans ce genre dinfractions

    sont connects un rseau de tlcommunication lequel peut tre un rseau local, global

    ou les deux ensembles.

    4. La dfinition propose

    12. La cybercriminalit peut tre dfinie comme : toute action illicite associe linterconnexion des systmes informatiques et des rseaux de tlcommunication, o

    labsence de cette interconnexion empche la perptration de cette action illicite106.

    Sous cette dfinition, nous pouvons identifier les quatre rles que joue le systme

    informatique dans les actes illicites :

    Objet : Des cas concernant la destruction de systmes informatiques, ainsi que

    des donnes ou des programmes quils contenaient, ou encore la destruction

    dappareils fournissant lair climatis, llectricit, permettant aux ordinateurs

    de fonctionner.

    102Ibidp 484 et s.

    103J.-F. LE COQ : La Cybercriminalit (Mmoire D.E.A., Montesquieu Bordeaux IV), [2002] p. 8.104D.SHINDER: The Scene of the Cybercrime (SYNGRESS), [2002] p. 94.105Voir dans ce sens la dfinition propose par le ministre de lintrieur franais,prcit.106 La notion dinterconnexion est au cur du processus douverture la concurrence des services decommunications lectroniques. Pour tre effective, une telle concurrence doit imprativement passer par unaccs tout rseau ouvert au public. La directive 2002/19/CE du 7 mars 2002 fixe donc deux principesfondamentaux au rgime de laccs et de linterconnexion, qui font la matire des deux premiers paragraphes de

    larticle L. 34-8 du CPCE : linterconnexion ou laccs dune part, les exploitants de rseaux ouverts au publicdautre part. Linterconnexion ou laccs font lobjet dune convention de droit priv entre les partiesconcernes, convention qui est communique lART (CPCE et T. art. L. 34-8-1).

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    24/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 24

    Support : Un systme informatique peut tre le lieu ou le support dune

    infraction, ou un ordinateur peut tre la source ou la raison dtre de certaines

    formes et sortes davoirs qui peuvent tre manipuls sans autorisation. Outil: Certains types et certaines mthodes dinfraction sont complexes pour

    ncessiter lutilisation dun systme informatique comme instrument. Un

    systme informatique peut tre utilis de manire active comme dans le

    balayage automatique de codes tlphonique afin de dterminer les bonnes

    combinaisons qui peuvent tre utilises plus tard pour se servir du systme

    tlphonique sans autorisation.

    Symbole : Un systme informatique peut tre utilis comme symbole pourmenacer ou tromper. Comme, par exemple, une publicit mensongre de

    services non existants, comme cela a t fait par plusieurs clubs de rencontres

    informatiss.

    SECTION II

    LA DISTINCTION DE LA CYBERCRIMINALIT ET LES

    CRIMINALITS APPARTENTES

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    25/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 25

    13. Les tentatives de dfinition de la cybercriminalit, ont montr comment ce phnomne

    est vaste , complexe et touche beaucoup de domaines. Certains auteurs dsignant les

    dlinquants, ou qualifiant les actes quils ralisent, commettent parfois des confusions

    de sens, en dsignant sous la terminologie de pirate tous les dlinquants en

    informatique107. Ainsi, il convient daborder dans cette partie la distinction de la

    cybercriminalit et les criminalits apparentes. Il sagit dune distinction relative aux

    termes juridiques (A), et dune distinction relative aux auteurs de linfraction (B).

    A) La distinction relative aux termes juridiques

    14. Dans la prsente communication, la cybercriminalit est entendue dans un sens largecomme dsignant toute infraction qui, dune manire ou dune autre, implique

    lutilisation des technologies informatiques. De mme, les notions de criminalit

    informatique , dlinquance informatique , criminalit de haute technologie sont

    souvent employes indiffremment. Notre tude tablira une destination entre la

    cybercriminalit et la criminalit informatique (1), la criminalit en col bloc (2), et la

    criminalit de haute technologie (3).

    1. La cybercriminalit et la criminalit informatique

    15. Bien que les notions de criminalit informatique et de cybercriminalit sont

    troitement lies, il existe nanmoins une distinction entre les deux conceptions108.

    Ainsi, la criminalit informatique reprsente linfraction gnrique, dont la

    cybercriminalit est une variante109. Cette dernire est une forme particulire de la

    criminalit informatique, forme qui ne sexprime que sur et travers le rseau de

    tlcommunication, contrairement aux autres dlits informatiques qui ne ncessitent pasdintraction avec le rseau de tlcommunication110.

    La complexit de ce type de criminalit sest alors prsente, les diffrents auteurs

    utilisant chacun sa propre dfinition. Collard fait dailleurs remarquer quaucune

    107P. BLANCHARD: Pirates de lInformatique, Enqute sur les Hackers Franais (Addison Wesley), [1995].108 P. DELEPELEERE: Hackers, lAutre Monde (Mmoire), [2001 2002].109

    Ibid.110 Voir P. DELEPELEERE, op. cit.; E. CESAY: Digital Evidence and Computer Crime (Londres, AcademicPress), [2000] pp.9 et s.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    26/36

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    27/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 27

    systme informatique et/ou de tlcommunication. De mme, la violation du droit exclusif du dtenteur dunprogramme informatique protg, dans lintention de lexploiter commercialement et de le mettre sur lemarch, ou laccs dans un systme informatique et/ou de tlcommunication ou linterception dun telsystme, fait sciemment et sans autorisation du responsable du systme, en violant les rgles de scurit oudans une intention malhonnte ou nuisible

    118

    .Cette dfinition distingue laccs dans un systme informatique de lexercice dune

    influence sur les donnes quil contient. Elle intgre au mme niveau dans la criminalit

    informatique, la contrefaon et son exploitation commerciale dans un logique de march.

    Elle met en vidence les ventuelles atteintes au droit de la concurrence dans ce domaine.

    Dans le mme sens, ROSENBLATT a dfinit la criminalit informatique comme : Une

    activit illicite visant altrer, modifier ou effacer les informations inclus dans

    lordinateur

    119

    . Aussi, M. GRABOSKY considre que la criminalit informatiquerecouvre les illgalits impliquant des systmes informatiques comme instruments ou

    cibles des infractions 120. En Allemagne, la dfinition la plus utilise est celle du groupe

    de travail qui runit les chefs des services denqute criminelle des Etats allemands et

    lOffice fdral des enqutes criminelles. Il sagit de tous les phnomnes dans le cadre

    desquels le traitement lectronique des donnes est le moyen et/ou fait lobjet dun acte

    donnant des raisons de souponner une infraction pnale 121.

    Cependant, nous pensons avec M. DELEPELEERE que voit que ces dfinitions sont

    trop vagues pour constituer des dfinitions officielles de rfrence122. En effet, si on se

    rfre, par exemple, la dfinition adopte en Allemagne, elle dfinit la criminalit

    informatique sur la base de faits qui ne sont pas avrs, sur lesquels porteraient

    simplement des soupons. Dautres auteurs ont adopt des dfinitions exigeant la

    connaissance de la technologie de linformation. Selon M. D. TOMPSON la criminalit

    informatique est la criminalit commise par un auteur ayant une connaissance de la

    technologie de linformation .

    Enfin, des auteurs regroupent sous le vocable de criminalit informatique, plusieurs

    dlits. Cest le cas du Conseil de lEurope qui recense dans son Rapport final dactivit

    sur la criminalit informatique en relation avec lordinateur les dlits que le droit

    europen doit rprimer. Il sagit de : (a) la fraude, (b) le faux en informatique, (c) le

    118O.C.D.E : La Fraude Lie lInformatique : analyse des Politiques Juridiques (Paris), [1986] p. 72.119M. ALEXANDER., inM. D. ROSTOCKER et R. H. RIENS: Computer Jurisprudence Legal Responses tothe Information Revolution(N.Y., Ocena), [sans date] p. 104.120P. GRABOSKY : Computer Crime in a Borderless World (Annales Internationale de Criminologie), [2000]

    Vol. XXXVIII n 1/2 p. 67.121W. SCHREIBER : La Dlinquance Assiste par Ordinateur (R.I.P.C), [1997] 51 me anne, n 464 p.9.122

    Prcit.

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    28/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 28

    sabotage, (d) la reproduction non autorise dun programme informatique protg, (e)

    lespionnage, (f) laltration des donnes et des programmes informatiques , (g) les

    dommages affectant des donnes et des programmes 123. De son cot, M. MANDELL

    distingue (a) lusage dun ordinateur pour commettre des actes illgaux lesquels fourniront

    des avantages financiers, et (b) les menaces visant lordinateur lui-mme, cest le cas du

    vol des matriels ou des logiciels, ou le sabotage et le piratage informatique124.

    Ainsi, il convient de saffirmer que la cybercriminalit et la criminalit informatique

    ont deux domaines diffrents. La criminalit informatique reprsente toute action

    illicite perptre laide dopration lectronique contre la scurit dun systme

    informatique ou de donnes quil contient, quelque soit le but vis125, alors que la

    cybercriminalit au sens strict du terme sentend de lensemble des infractions commises

    laide ou contre un systme informatique connect au rseau de tlcommunication. La

    cybercriminalit quant elle, a un domaine plus tendu puisque outre les atteintes contre

    les biens informatiques ralisables au moyen de lInternent. Elle recouvre galement

    nombre dinfractions contre les personnes et les biens qui peuvent tre commises sur le

    rseau. Dans cette optique, la criminalit informatique et la cybercriminalit ont un

    domaine commun lorsque des infractions informatiques sont commises par lusage du

    rseau de tlcommunication. Mais toute infraction informatique nest pas forcment

    commise au moyen dun rseau de tlcommunication. Et toute infraction commise au

    moyen dun rseau de tlcommunication nest pas systmatiquement une infraction

    informatique.

    2. La cybercriminalit et la criminalit en col blanc

    16. Cest lauteur amricain SUTHERLAND qui a le premier mit en vidence la

    dlinquance en col blanc white collar crime dans son tude (white collar criminality

    123Conseil de lEurope : Rapport Final dActivit Sur la Criminalit Informatique en Relation avec lOrdinateur(Comit europen pour les problmes criminels), [avril 1989] pp. 27-55.124

    S.MANDELL: Computer, Data Processing and Law(St. Paul, Minnesota, West Publishing), [1984] p. 155.125 N. EL CHAER : La Criminalit Informatique devant la Justice Pnale (Thse, Poitiers), [2003] p. 19 ; voiraussi P. AUVRET : La Dtermination des Personnes Responsables (Paris, Gaz. Pal.), [mai 2002].

  • 8/12/2019 M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    29/36

    M. Chawki, Essai sur la notion de cybercriminalit, IEHEI, juillet 2006

    __________________________________________________

    M. Chawki Ce document provient du site iehei.org 29

    1939)cherchant les raisons des diffrences de taux de criminalit suivant les nations.

    Selon lui, il sagissait de criminalit des classes suprieures en lien avec leurs affaires,

    leur culture et leur milieu professionnel126. De son cot, H. EDELHERTZ a propos une

    dfinition, acceptable en 1970, quand il dcrit la criminalit en col blanc comme : Un

    acte illgal perptr sans le recours la contrainte physique usant de la dissimulation

    ou lartifice, afin dobtenir de largent ou des proprits, viter un paiement ou de perte

    de largent ou pour obtenir des affaires ou des avantages personnels 127. Il ressort de

    cette dfinition quun systme informatique est loutil parfait pour une telle criminalit

    qui agit par dissimulation , sans contraintes physiques . Cependant, il y a souvent

    une confusion entre la criminalit en col blanc et la cybercriminalit. Une des raisons

    est fournie par la fraude. Tandis que quelques auteurs classent la cybercriminalit sous

    la catgorie de la criminalit en col blanc (LEVI et COMER), dautres comme

    PARKER, trouve que la cybercriminalit diffre de la criminalit en col blanc, comme

    cette dernire diffre de la criminalit de la rue128.

    MM. CLINARD et QUINNEY129 voient que la criminalit en col blanc peut tre

    considre comme ayant lieu trois niveaux. Le premier concerne la criminalit

    dentreprises,