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78 79 MAGAZINE VÉTÉRINAIRE Par Fabrice Rossignol, DVM, Dipl ECVS Clinique équine de Grosbois Clinique équine de Chantilly Actualités sur le cornage et son traitement chirurgical L e cornage ou hémiplégie laryngée est dû à une paralysie du muscle abducteur du larynx (le muscle crico-aryténoidien dorsal ou CAD), en général du côté gauche. Le muscle CAD per- met normalement au larynx de s’ouvrir complètement lors de l’effort pour permettre un passage optimal de l’air. La parésie puis la paralysie de ce muscle résulte d’une dégénérescence progressive du nerf laryngé ré- current. À de rares exceptions (phlébite lors d’injection péri-veineuse, mycose des poches gutturales, abcès de gourme par exemple), aucune cause spécifique n’a été mise en évidence. Cette maladie est en général d’évo- lution progressive, et les signes cliniques progressent avec la perte de volume et d’efficacité du muscle CAD. Le cornage peut toucher tout type de chevaux et de tous les âges. Les pur-sang et les gros chevaux de sport sont les plus touchés, mais cette maladie n’est pas rare non plus chez les trotteurs. Diagnostic Le diagnostic se base sur les signes cliniques à l’effort et l’examen endoscopique. Les chevaux présentent un bruit inspiratoire caractéristique et une intolérance à l’effort. Au début de la maladie, lorsque le muscle fonc - tionne encore un peu, le cartilage aryténoïde s’abaisse lors de l’effort, mais permet encore le passage de l’air, et le cheval peut parfois encore travailler. Lorsque la maladie évolue, le muscle se paralyse complètement et le cartilage s’affaisse complètement, jusqu’à être complètement aspiré à l’intérieur de la glotte et oc- clure celle-ci (Figure 1) . Les chevaux s’asphyxie alors complètement, certains chevaux de courses peuvent également présenter secondairement des signes de déplacement dorsal du voile du palais entrainant un bruit de ronflement expiratoire. Plus l’effort est impor- tant, moins bonne est la tolérance à cette maladie (les chevaux de course sont plus rapidement intolérants en début de maladie par rapport aux chevaux de sport) L’endoscopie au repos permet de diagnostiquer aisé- ment les stades de cornage avancés. On utilise un sys- tème international à 7 grades (grade I à IV avec sous grades). Le grade IV est le grade maximal, lorsque le cartilage est complètement affaissé et immobile. Le muscle CAD est alors complètement paralysé. Dans les stades précoces, lors de grade III par exemple, il est né- cessaire de pratiquer une endoscopie à l’exercice, soit à l’aide d’un endoscope embarqué, soit par une endos- copie à l’effort sur tapis roulant. Cela permet de mettre en évidence l’effondrement du cartilage aryténoïde lors de l’effort et donc de confirmer le rôle du cornage dans la symptomatologie. L’endoscopie dynamique permet également de décider du traitement le plus adapté. Enfin, l’échographie laryngée est également une tech- nique diagnostique intéressante. En permettant de dé- celer d’éventuelles anomalies congénitales de confor- mation (dysplasie) et en évaluant l’amyotrophie du muscle CAD, elle permet au chirurgien d’effectuer un choix thérapeutique raisonné et de décider du traite- ment le plus adapté au stade de l’affection, au niveau d’activité du cheval, et ainsi qu’à son programme de courses ou de compétitions. Le traitement de l’hémiplégie laryngé est uniquement chirurgical. Il est strictement réservé aux chevaux pré- sentant un bruit et une intolérance à l’effort, éventuel- lement objectivé à l’endoscopie à l’exercice. Le choix du type d’intervention sera décidé en fonction du degré d’évolution de la maladie, de l’âge du cheval, de la dis- cipline sportive dans laquelle il est utilisé, ainsi que du niveau d’activité actuelle et espéré par la suite. Le choix de la technique chirurgical est très important, car les complications en chirurgie laryngée sont en gé- néral graves et très invalidantes. La laryngoplastie ou « Tie Back » C’est l’intervention actuellement la plus fréquemment utilisée. Elle consiste à remplacer le muscle CAD para- lysé par une prothèse (en général des sutures non ré- sorbables). Le cartilage aryténoïde est alors positionné dans une position intermédiaire dite « sub-maximale ». Il doit en effet être positionné suffisamment ouvert pour contrer les forces inspiratoires négatives et per- mettre un passage d’air suffisant lors de l’effort (Figure 2). Mais l’ouverture ne doit pas non plus être excessive car le cheval doit pouvoir avaler correctement. Toute la subtilité, et l ‘art de cette chirurgie, consiste à trou- ver le compromis idéal. Le chirurgien devra également s’adapter à l’activité du cheval et à sa conformation. Un cheval de sport n’a pas besoin d’ouverture importante du côté paralysé, une simple stabilité suffit, contraire- ment à un cheval de courses où le flux d’air inspiratoire est important et où l’ouverture doit donc être un peu plus importante. De très nombreux types de sutures et techniques d’im- plantations sont utilisées, aucune n’est actuellement vrai- ment idéale, mais toutes ont le même but : être le plus stable possible dans le cartilage pour résister aux forces d’adduction (fermeture du larynx), et limiter ainsi une des complications les plus fréquentes, la perte d’abduction (ou perte d’ouverture) et donc l’échec partiel ou complet de la chirurgie. Nous utilisons une technique mise au point en laboratoire par des tests cycliques sur des larynx isolés. Cette technique consiste à combiner en général deux sutures en forme de rubans (Fibertape de la com- pagnie Arthrex) et de renforcer la surface de contact au niveau du cartilage cricoïde par des boutons métalliques (Figure 3). Cette technique permet d’augmenter la stabi - lité du montage et d’être également moins dépendant des variations anatomiques. De nombreuses autres tech- niques existent avec des taux de succès très variables. L’autre complication possible est la toux chronique, sou- vent associée à des phénomènes de fausse déglutition. Cette complication est souvent associée à une ouver- ture excessive ou non adaptée, par exemple en rota- tion. Parfois, la toux peut être également associée à un phénomène purement inflammatoire lié à la prothèse. Enfin, nous pensons qu’elle peut être aussi liée une mo- dification de l’anatomie de l’œsophage, très proche des sites d’encrage de la prothèse. Ce type de complication reste encore très fréquent, et peut devenir aussi néfaste que la maladie elle-même. Non seulement elle peut nuire à une utilisation satisfaisante du cheval, mais elle peut entrainer également des troubles inflammatoires des voies aériennes supérieures et inférieures, et dé- clencher d’autres affections respiratoires comme des maladies inflammatoires pulmonaires ou des déplace- ments dorsaux du voile du palais. Une grande précision lors du placement et du serrage de la prothèse est donc essentielle. Jusqu’en 2014, l’intervention était réalisée sous anes- thésie générale. L’équipe de Grosbois associée à l’équipe de l’université de Cornell (USA) a développé une technique de laryngoplastie sur cheval de- bout sous sédation et anesthé- sie locale (Figure 4). Cette tech- nique permet de prévenir les risques liés à l’anesthésie gé- nérale, mais elle permet égale- ment une meilleure exposition des cartilages laryngés (figure 5), ainsi qu’un contrôle plus fin et plus adapté de l’ouverture laryngé. En effet, le chirur- gien peut suivre la tension de la prothèse par endoscopie sur le cheval vigile et s’adap- ter ainsi immédiatement aux contraintes physiologiques. Nous pensons que les risques liés en particulier à une ouver- ture excessive ou inadaptée sont ainsi limités. Le temps de convalescence après une laryngoplastie est d’environ six semaines. La laryngoplastie est une procédure non physiologique et assez brutale dans son concept, et donc sujette à complications. Elle reste cependant actuellement la seule option chirurgicale permettant à des chevaux présentant un cornage avancé et ancien (avec fibrose musculaire) de retrouver leurs capacités sportives. Le taux de succès pour un cheval de courses varie de 60 % pour un galopeur, 80 % pour un trotteur grâce aux nou- velles adaptations techniques, et plus de 90 % pour un cheval de sport. Quasiment tous les chevaux, sous ré- serve qu’ils soient bien dressés et manipulés, peuvent être opérés debout. Figure 1 : Exemple de 4 grades dynamiques d’hé- miplégie laryngée pouvant être obser- vés lors d’une en- doscopie à l’exercice (endoscope embar- qué ou tapis roulant) (modifié d’après Robinson [1]. Dans le grade D, l’aryténoide gauche paralysé est complètement aspiré vers le côté droit opposé provoquant l’etouffement du cheval. Figure 3A : Posi- tionnement des sutures sur une pièce anatomique Cr : Cricoide ; PM : Processus musculaire de l’arytenoïde. Figure 2 : Endoscopie du larynx d’un cheval de courses 6 semaines après une laryngoplastie. Noter la position du cartilage aryténoïde gauche (ArG) fixé en position intermédiaire. Figure 3B : Positionnement des sutures sur un cheval opéré debout. Figure 4 : Cheval subissant une laryngoplastie debout, dans une barre chirurgicale. Figure 5 : Implanta- tion de la prothèse sur le cartilage cricoïde. Noter l’ex- cellente exposition du cartilage.

MAAINE VTINAIE Actualités sur le cornage et son traitement ... · choix thérapeutique raisonné et de décider du traite-ment le plus adapté au stade de l’affection, ... Le choix

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78 79MAGAZINE VÉTÉRINAIRE

❚ Par Fabrice Rossignol, DVM, Dipl ECVSClinique équine de GrosboisClinique équine de Chantilly

Actualités sur le cornage et son traitement chirurgical

L e cornage ou hémiplégie laryngée est dû à une paralysie du muscle abducteur du larynx (le muscle crico-aryténoidien dorsal ou CAD), en général du côté gauche. Le muscle CAD per-

met normalement au larynx de s’ouvrir complètement lors de l’effort pour permettre un passage optimal de l’air. La parésie puis la paralysie de ce muscle résulte d’une dégénérescence progressive du nerf laryngé ré-current. À de rares exceptions (phlébite lors d’injection péri-veineuse, mycose des poches gutturales, abcès de gourme par exemple), aucune cause spécifique n’a été mise en évidence. Cette maladie est en général d’évo-lution progressive, et les signes cliniques progressent avec la perte de volume et d’efficacité du muscle CAD. Le cornage peut toucher tout type de chevaux et de tous les âges. Les pur-sang et les gros chevaux de sport sont les plus touchés, mais cette maladie n’est pas rare non plus chez les trotteurs.

❚ DiagnosticLe diagnostic se base sur les signes cliniques à l’effort et l’examen endoscopique. Les chevaux présentent un bruit inspiratoire caractéristique et une intolérance à l’effort. Au début de la maladie, lorsque le muscle fonc-tionne encore un peu, le cartilage aryténoïde s’abaisse lors de l’effort, mais permet encore le passage de l’air, et le cheval peut parfois encore travailler. Lorsque la maladie évolue, le muscle se paralyse complètement et le cartilage s’affaisse complètement, jusqu’à être complètement aspiré à l’intérieur de la glotte et oc-clure celle-ci (Figure 1). Les chevaux s’asphyxie alors complètement, certains chevaux de courses peuvent également présenter secondairement des signes de déplacement dorsal du voile du palais entrainant un bruit de ronflement expiratoire. Plus l’effort est impor-tant, moins bonne est la tolérance à cette maladie (les chevaux de course sont plus rapidement intolérants en début de maladie par rapport aux chevaux de sport)L’endoscopie au repos permet de diagnostiquer aisé-ment les stades de cornage avancés. On utilise un sys-tème international à 7 grades (grade I à IV avec sous

grades). Le grade IV est le grade maximal, lorsque le cartilage est complètement affaissé et immobile. Le muscle CAD est alors complètement paralysé. Dans les stades précoces, lors de grade III par exemple, il est né-cessaire de pratiquer une endoscopie à l’exercice, soit à l’aide d’un endoscope embarqué, soit par une endos-copie à l’effort sur tapis roulant. Cela permet de mettre en évidence l’effondrement du cartilage aryténoïde lors de l’effort et donc de confirmer le rôle du cornage dans la symptomatologie. L’endoscopie dynamique permet également de décider du traitement le plus adapté. Enfin, l’échographie laryngée est également une tech-nique diagnostique intéressante. En permettant de dé-celer d’éventuelles anomalies congénitales de confor-mation (dysplasie) et en évaluant l’amyotrophie du muscle CAD, elle permet au chirurgien d’effectuer un choix thérapeutique raisonné et de décider du traite-ment le plus adapté au stade de l’affection, au niveau d’activité du cheval, et ainsi qu’à son programme de courses ou de compétitions.Le traitement de l’hémiplégie laryngé est uniquement chirurgical. Il est strictement réservé aux chevaux pré-sentant un bruit et une intolérance à l’effort, éventuel-lement objectivé à l’endoscopie à l’exercice. Le choix du type d’intervention sera décidé en fonction du degré d’évolution de la maladie, de l’âge du cheval, de la dis-cipline sportive dans laquelle il est utilisé, ainsi que du niveau d’activité actuelle et espéré par la suite. Le choix de la technique chirurgical est très important, car les complications en chirurgie laryngée sont en gé-néral graves et très invalidantes.

❚ La laryngoplastie ou « Tie Back »C’est l’intervention actuellement la plus fréquemment utilisée. Elle consiste à remplacer le muscle CAD para-lysé par une prothèse (en général des sutures non ré-sorbables). Le cartilage aryténoïde est alors positionné dans une position intermédiaire dite « sub-maximale ». Il doit en effet être positionné suffisamment ouvert

pour contrer les forces inspiratoires négatives et per-mettre un passage d’air suffisant lors de l’effort (Figure 2). Mais l’ouverture ne doit pas non plus être excessive car le cheval doit pouvoir avaler correctement. Toute la subtilité, et l ‘art de cette chirurgie, consiste à trou-ver le compromis idéal. Le chirurgien devra également s’adapter à l’activité du cheval et à sa conformation. Un cheval de sport n’a pas besoin d’ouverture importante du côté paralysé, une simple stabilité suffit, contraire-ment à un cheval de courses où le flux d’air inspiratoire est important et où l’ouverture doit donc être un peu plus importante.De très nombreux types de sutures et techniques d’im-plantations sont utilisées, aucune n’est actuellement vrai-ment idéale, mais toutes ont le même but : être le plus stable possible dans le cartilage pour résister aux forces d’adduction (fermeture du larynx), et limiter ainsi une des complications les plus fréquentes, la perte d’abduction (ou perte d’ouverture) et donc l’échec partiel ou complet de la chirurgie. Nous utilisons une technique mise au point en laboratoire par des tests cycliques sur des larynx isolés. Cette technique consiste à combiner en général deux sutures en forme de rubans (Fibertape de la com-pagnie Arthrex) et de renforcer la surface de contact au niveau du cartilage cricoïde par des boutons métalliques (Figure 3). Cette technique permet d’augmenter la stabi-lité du montage et d’être également moins dépendant des variations anatomiques. De nombreuses autres tech-

niques existent avec des taux de succès très variables. L’autre complication possible est la toux chronique, sou-vent associée à des phénomènes de fausse déglutition. Cette complication est souvent associée à une ouver-ture excessive ou non adaptée, par exemple en rota-tion. Parfois, la toux peut être également associée à un

phénomène purement inflammatoire lié à la prothèse. Enfin, nous pensons qu’elle peut être aussi liée une mo-dification de l’anatomie de l’œsophage, très proche des sites d’encrage de la prothèse. Ce type de complication reste encore très fréquent, et peut devenir aussi néfaste que la maladie elle-même. Non seulement elle peut nuire à une utilisation satisfaisante du cheval, mais elle peut entrainer également des troubles inflammatoires des voies aériennes supérieures et inférieures, et dé-clencher d’autres affections respiratoires comme des maladies inflammatoires pulmonaires ou des déplace-ments dorsaux du voile du palais. Une grande précision lors du placement et du serrage de la prothèse est donc essentielle. Jusqu’en 2014, l’intervention était réalisée sous anes-thésie générale. L’équipe de Grosbois associée à l’équipe de l’université de Cornell (USA) a développé une technique de laryngoplastie sur cheval de-bout sous sédation et anesthé-sie locale (Figure 4). Cette tech-nique permet de prévenir les risques liés à l’anesthésie gé-nérale, mais elle permet égale-ment une meilleure exposition des cartilages laryngés (figure 5), ainsi qu’un contrôle plus fin et plus adapté de l’ouverture laryngé. En effet, le chirur-gien peut suivre la tension de la prothèse par endoscopie sur le cheval vigile et s’adap-ter ainsi immédiatement aux contraintes physiologiques. Nous pensons que les risques liés en particulier à une ouver-ture excessive ou inadaptée sont ainsi limités. Le temps de convalescence après une laryngoplastie est d’environ six semaines.La laryngoplastie est une procédure non physiologique et assez brutale dans son concept, et donc sujette à complications. Elle reste cependant actuellement la seule option chirurgicale permettant à des chevaux présentant un cornage avancé et ancien (avec fibrose musculaire) de retrouver leurs capacités sportives. Le taux de succès pour un cheval de courses varie de 60 % pour un galopeur, 80 % pour un trotteur grâce aux nou-velles adaptations techniques, et plus de 90 % pour un cheval de sport. Quasiment tous les chevaux, sous ré-serve qu’ils soient bien dressés et manipulés, peuvent être opérés debout.

Figure 1 :Exemple de 4 grades

dynamiques d’hé-miplégie laryngée

pouvant être obser-vés lors d’une en-

doscopie à l’exercice (endoscope embar-

qué ou tapis roulant) (modifié d’après

Robinson [1]. Dans le grade D, l’aryténoide gauche paralysé est

complètement aspiré vers le côté droit

opposé provoquant l’etouffement du

cheval.

Figure 3A : Posi-tionnement des sutures sur une pièce anatomique Cr : Cricoide ; PM : Processus musculaire de l’arytenoïde.

Figure 2 :Endoscopie du larynx d’un cheval de courses 6 semaines après une laryngoplastie. Noter la position du cartilage aryténoïde gauche (ArG) fixé en position intermédiaire.

Figure 3B : Positionnement des sutures sur un cheval opéré debout.

Figure 4 : Cheval subissant une laryngoplastie debout, dans une barre chirurgicale.

Figure 5 : Implanta-tion de la prothèse sur le cartilage cricoïde. Noter l’ex-cellente exposition du cartilage.

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80 81MAGAZINE VÉTÉRINAIRE

❚ Ventriculectomie et ventriculo-cordectomieLa ventriculectomie consiste à retirer la muqueuse recouvrant les ventricules laryngés situés en arrière

des cordes vocales. La ventricu-lo-cordectomie consiste à combi-ner cette procédure avec la résec-tion de la corde vocale ainsi que d’un croissant de tissu adjacent à cette dernière. Cette procédure permet de réduire, voire d’an-nuler le bruit inspiratoire de cor-nage. Elle augmente également modérément l’espace au niveau de la partie ventrale (basse) de la glotte et apporte une certaine stabilité tissulaire. En revanche, elle n’augmente pas l’abduction, c’est-à-dire l’ouverture du carti-lage aryténoïde. Elle doit donc être associée à la laryngoplastie chez le cheval de courses et de sport. Elle peut parfois être utili-sée seule chez certains chevaux

de loisir et de sport de petits niveaux.La procédure peut être effectuée par une incision sous la gorge (laryngotomie) sous anesthésie générale. Ac-tuellement, elle est en général effectuée à l’aide d’un laser trans-endoscopique en passant par les cavités nasales (Figure 6). Il n’y a donc plus d’incision et l’inter-vention est réalisée sur le cheval debout, tranquillisé. Les complications après cette intervention sont rares. Néanmoins, l’utilisation efficace du laser est délicate et technique et nécessite un chirurgien expérimenté, car des œdèmes sévères des tissus laryngés peuvent survenir en cas d’utilisation non optimale de la fibre laser. Le temps de convalescence après une ventricu-lo-cordectomie au laser est d’environ un mois.

❚ Arytenoidectomie partielleCette technique consiste à retirer partiellement le car-tilage aryténoïde. Elle est en général effectuée par la-ryngotomie sous anesthésie générale, mais elle peut parfois être effectuée sur cheval debout. Dans le traite-ment du cornage, elle est essentiellement utilisée lors d’échec de laryngoplastie. Plusieurs techniques sont décrites avec des résultats équivalents. Nous utilisons une technique dite modifiée consistant à combiner l’ex-cision du cartilage avec une plastie de la membrane péri-épiglottique. Cela permet de redonner du tonus sur le côté amputé, et de limiter les complications les plus fréquentes qui sont la toux et la dysphagie. Cette technique permet à environ 60 % des chevaux de courses atteints de cornage d’améliorer leur capacité respiratoire. Pour caricaturer, cette technique marche moins bien qu’une laryngoplastie optimale, mais peut améliorer efficacement un échec de laryngoplastie.

❚ Reinnervation laryngéeCette technique consiste à restaurer la fonction laryn-gée déficiente de manière plus physiologique que la laryngoplastie. Le principe est de greffer le 1er ou le 2ème nerf cervical, émergeant au niveau de la 1ère et 2ème vertèbre cervicale respectivement, sur le muscle

CAD. Comme ces deux premiers nerfs cervicaux sont des nerfs accessoires de la respiration et actifs lors de l’inspiration à l’effort, ils vont, une fois greffés, compen-ser le déficit du nerf récurent et réhabiliter le muscle paralysé, lui permettant ainsi de se contracter à l’effort et d’ouvrir l’aryténoïde. Cette technique a été mise au point il y a une vingtaine d’années par le Pr Ducharme et le Dr Fulton. La tech-nique originale consistait à prélever plusieurs petits greffons ou pédicules neuro-musculaires de nerfs C1 avec des petits fragments de muscle omohyoidien, et de les greffer en divers endroits des chefs musculaires du muscle CAD paralysé. En collaboration avec le Pr J.-P. Marie du CHU de Rouen, nous avons modifié cette technique en 2013. Nous utilisons un petit neuro-sti-mulateur qui nous permet de détecter le nerf rapide-ment (Figures 7 et 8), puis nous utilisons une technique de tunellisation permettant de placer rapidement le nerf au travers des deux chefs musculaires du CAD. Le nerf est alors scarifié pour permettre la dispersion de petits rameaux au sein du muscle, puis le nerf est fixé au muscle. Cette technique est moins invasive et plus rapide que la technique initiale. Le taux de succès de la technique de réinnervation laryngé est important avec plus de 90% de chevaux réinnervés ayant retrouvé des capacités respiratoires compatibles avec leur activité initiale, sport ou courses. Le taux de complication est beaucoup plus faible que la laryngoplastie, car la technique est moins brutale, plus naturelle, et aucun implant n’est mis en place dans les tissus. Cependant, le taux de convalescence est nettement plus long que pour la laryngoplastie. Si un cheval gref-

fé reprend son activité à six semaines post-opératoire, grâce en particulier à l’effet bénéfique de la ventricu-lo-cordectomie qui est associée à la greffe, l’effet dé-finitif de la réinnervation, et donc la restauration des capacités respiratoires, ne sera visible qu’au bout de six à huit mois. Si cette réinnervation laryngée peut être effectuée sur tout cheval présentant une hémiplégie laryngée, elle est surtout indiquée sur un jeune cheval ayant présen-té des signes récents de cornage. L’intervention sera plus efficace quand la maladie n’est pas à son stade maximum (cornages de grade III) et lorsque le mus-cle n’est pas complètement fibrosé. Pour sélectionner le bon candidat de la manière la plus précise possible, une endoscopie à l’exercice et une échographie laryn-gée sont effectuées.

❚ Pacemaker laryngeLa neurostimulation par l’intermédiaire d’une élec-trode reliée à un pacemaker est bien développée chez l’homme : pacemakers cardiaques lors de trouble du rythme, de bradycardie, pacemakers diaphragmatiques lors de tétraplégie, pacemakers cochléaires dans le traitement de la surdité, et plus récemment les pace-makers laryngés pour le traitement des paralysies la-ryngées.Notre équipe (Clinique Équine de Grosbois, École Vété-rinaire de Maisons-Alfort, Université de Cornell, Royal Veterinary College de Londres) étudie depuis mainte-nant presque dix ans le développement d’un pacema-ker laryngé. Nous avons travaillé sur des modèles expé-rimentaux pour trouver la technique la plus adaptée à une utilisation pratique et efficace en clinique. Dans un premiers temps, le nerf récurrent a été stimulé à l’aide d’une électrode à manchon. Puis les électrodes ont été directement appliquées sur le muscle CAD. Les études ont montré l’excellente capacité de cette technologie à restaurer la fonction native laryngée après des pé-

riodes courtes de stimulation (5 % par jour pendant six semaines). Néanmoins lorsqu’on arrête de stimuler, le muscle se paralyse de nouveau probablement en rai-son de l’absence de stimulation par le nerf récurrentDe ce fait, depuis 2015, nous avons entrepris de combi-ner l’effet de la réinnervation laryngée avec le pacema-ker. Nous utilisons cette technique actuellement sur des chevaux de clients. Dans un premier temps, le 1er nerf cervical est greffé classiquement sur le CAD comme précédemment décrit. Puis, une petite électrode est placée par une technique mini-invasive échoguidée au contact du nerf C1, au niveau de son émergence de la 1ère vertèbre cervicale (Figure 9). Avec cette technique, le muscle CAD n’est pas directement stimulé par le pa-cemaker, mais par l’intermédiaire du nerf greffé. Le pacemaker devrait permettre alors d’optimiser, de booster l’effet de la greffe, en augmentant son efficaci-té et en réduisant la durée de la convalescence.Cette technique très innovante présente plusieurs avantages : le pacemaker est plus petit car moins d’énergie est nécessaire pour stimuler un nerf ; les im-plants électroniques sont éloignées du larynx, donc pas de risque pour le cheval en cas de complications (Figure 10) ; Un processeur externe (aimanté) permet d’activer ou de désactiver le pacemaker comme pour les pace-makers cochléaires utilisés chez l’homme (Figures 11). Enfin, le pacemaker peut être temporairement inactivé, voir facilement désimplanté sur cheval sédaté, en fonc-tion des réglementations sportives, et la greffe de nerf peut prendre le relai. Nous devrions avoir des résultats précis sur les di-vers chevaux implantés fin 2016, mais les premiers éléments sont très encourageants, et cette tech-nique aura probablement dans un futur proche un rôle central dans le traitement du cornage chez le cheval de sport et de courses. Elle devrait permettre de restaurer la fonction, tout en respectant le bien être animal par la prévention de complications par-fois très débilitantes. ❚

Références

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trez&rendertype=abstract).

Figure 9B : Schéma montrant le principe du mon-tage : le pacemaker (Sonata) est relié à une élec-trode, qui stimule le nerf C1 (« first cervicale nerve ») qui est greffé sur le muscle CAD gauche.

Figure 10 : Image radiographique mon-trant le pacemaker et l’électrode.

Figures 11 : Extérieurement le pacemaker est quasi-

ment invisible.Mise en place du proces-

seur externe aimanté pour activer le pacemaker chez un cheval implanté d’un

pacemaker laryngé. Même processeur chez une femme

possédant un pacemaker cochléaire.

Figure 6 : Image endoscopique : Cordectomie au laser diode transendosco-pique.

Figure 7 : Utilisation du neurostimulateur por-table pour détecter le nerf C1.

Figure 8 : Rameaux du nerf C1 isolés. OH : muscle omohyoidien.

Figure 9 : Schéma et image échographique montrant la mise en place de l’électrode au contact du nerf C1 greffé, au niveau du foramen de la 1ère vertèbre cervicale.