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Actualités pharmaceutiques Supplément formation au n° 531 4 e trimestre 2013 3 La polyarthrite rhumatoïde formation Mots clés - atteinte articulaire ; atteinte extra-articulaire ; Disease Activity Score (DAS) 28 ; échelle d’évaluation ; polyarthrite rhumatoïde Keywords - joint damage; assessment scale; Disease Activity Score (DAS) 28; extra-articular damage; rheumatoid arthritis © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.09.019 Manifestations cliniques de la polyarthrite rhumatoïde La polyarthrite rhumatoïde est une maladie systémique qui produit des atteintes articulaires et extra-articulaires. Sur le plan clinique, elle se manifeste par des douleurs qui réveillent le patient la nuit, non soulagées par le repos, et un dérouillage matinal. Les anticorps anti-CCP sont spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde. L’appréciation de l’état du patient et de l’efficacité des traitements fait appel à des échelles d’évaluation. Clinical manifestations of rheumatoid arthritis. Rheumatoid arthritis is a systemic disease which causes joint and extra-articular damage. On a clinical level, it is manifested by pains which keep the patient awake at night and which are not relieved by rest, as well as by morning stiffness. Anti-CCP antibodies are specific to rheumatoid arthritis. The evaluation of the patient’s condition and the effectiveness of treatments is based on assessment scales. L a polyarthrite rhumatoïde (PR) un rhumatisme chronique et évolutif à l'origine de manifestations articulaires et extra-articulaires. Atteintes articulaires F L’atteinte des mains, la plus caractéristique de la PR, est souvent inaugurale. Les déformations les plus spécifiques sont : • la déviation cubitale des doigts en “coup de vent” ( figure 1) ; • la déformation en “col de cygne” ; • la déformation en “boutonnière” ; • la déformation “en maillet” ou “en marteau” ; • l’atteinte du pouce, particulièrement fréquente et inva- lidante, prenant l’aspect classique de pouce en “Z” (atteinte métacarpo-phalangienne). F L’atteinte des poignets, précoce, concerne l’arti- culation radio-cubitale inférieure, avec luxation de la styloïde cubitale (aspect en “touche de piano”). F L’atteinte des pieds est très invalidante et survient dans 90 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’une atteinte métatarso-phalangienne aboutissant à une déformation du pied (figure 2). F L’atteinte des hanches engendre une coxite rhuma- toïde et doit être systématiquement recherchée. Elle est présente chez environ 15 % des patients et grève par- ticulièrement le pronostic fonctionnel. F L’atteinte du rachis cervical , érosive, se manifeste au niveau de la charnière cervico-occipitale, par une © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved François PILLON a, * Docteur en pharmacie et en médecine Yves MICHIELS b Maître de conférences associé en pharmacie clinique *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Pillon). a Service de pharmacologie clinique, Faculté de médecine Laënnec, 8 rue Guillaume- Paradin, 69008 Lyon, France b Faculté de pharmacie, 7 boulevard Jeanne-d’Arc, 21079 Dijon, France Figure 1. Déformation en “coup de vent”. © BSIP Figure 2. Atteinte du pied. © Jose Oto/BSIP

Manifestations cliniques de la polyarthrite rhumatoïde

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Actualités pharmaceutiques

• Supplément formation au n° 531 • 4e trimestre 2013 • 3

La polyarthrite rhumatoïde

formation

Mots clés - atteinte articulaire ; atteinte extra-articulaire ; Disease Activity Score (DAS) 28 ; échelle d’évaluation ;

polyarthrite rhumatoïde

Keywords - joint damage; assessment scale; Disease Activity Score (DAS) 28; extra-articular damage; rheumatoid

arthritis

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.09.019

Manifestations cliniques de la polyarthrite rhumatoïdeLa polyarthrite rhumatoïde est une maladie systémique qui produit des atteintes articulaires

et extra-articulaires. Sur le plan clinique, elle se manifeste par des douleurs qui réveillent

le patient la nuit, non soulagées par le repos, et un dérouillage matinal. Les anticorps

anti-CCP sont spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde. L’appréciation de l’état du patient

et de l’efficacité des traitements fait appel à des échelles d’évaluation.

Clinical manifestations of rheumatoid arthritis. Rheumatoid arthritis is a systemic disease which causes joint and extra-articular damage. On a clinical level, it is manifested by pains which keep the patient awake at night and which are not relieved by rest, as well as by morning stiffness. Anti-CCP antibodies are specific to rheumatoid arthritis. The evaluation of the patient’s condition and the effectiveness of treatments is based on assessment scales.

L a polyarthrite rhumatoïde (PR) un rhumatisme chronique et évolutif à l'origine de manifestations articulaires et extra-articulaires.

Atteintes articulaires F L’atteinte des mains, la plus caractéristique de la

PR, est souvent inaugurale. Les déformations les plus spécifiques sont :• la déviation cubitale des doigts en “coup de vent” (figure 1) ;• la déformation en “col de cygne” ;• la déformation en “boutonnière” ;• la déformation “en maillet” ou “en marteau” ;• l’atteinte du pouce, particulièrement fréquente et inva-

lidante, prenant l’aspect classique de pouce en “Z” (atteinte métacarpo-phalangienne). F L’atteinte des poignets, précoce, concerne l’arti-

culation radio-cubitale inférieure, avec luxation de la styloïde cubitale (aspect en “touche de piano”).

F L’atteinte des pieds est très invalidante et survient dans 90 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’une atteinte métatarso-phalangienne aboutissant à une déformation du pied (figure 2).

F L’atteinte des hanches engendre une coxite rhuma-toïde et doit être systématiquement recherchée. Elle est présente chez environ 15 % des patients et grève par-ticulièrement le pronostic fonctionnel.

F L’atteinte du rachis cervical , érosive, se manifeste au niveau de la charnière cervico-occipitale, par une

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

François PILLONa,*Docteur en pharmacie et en médecine

Yves MICHIELSb

Maître de conférences associé en pharmacie clinique

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Pillon).

a Service de pharmacologie clinique, Faculté de médecine Laënnec, 8 rue Guillaume-Paradin, 69008 Lyon, Franceb Faculté de pharmacie, 7 boulevard Jeanne-d’Arc, 21079 Dijon, France

Figure 1. Déformation en “coup de vent”.

© B

SIP

Figure 2. Atteinte du pied.

© J

ose

Oto

/BSIP

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Actualités pharmaceutiques

• Supplément formation au n° 531 • 4e trimestre 2013 •4

La polyarthrite rhumatoïde

formation

arthrite occipito-atloïdienne et atloïdo-axoïdienne (diastasis C1, C2) et un risque d’impression basilaire. Elle peut engendrer une compression médullaire.

Atteintes extra-articulairesLes manifestations extra-articulaires de la PR traduisent le caractère systémique de la maladie rhumatoïde :• une altération de l’état général ;• des nodosités sous-cutanées ou des nodules rhuma-

toïdes ;• des adénopathies ;• une vascularite rhumatoïde, rare, concernant moins

de 1 % des cas ;• un syndrome sec à type de xérophtalmie et xéro-

stomie (anticorps anti-SSA et anti-SSB ont une fréquence de l’ordre de 5 %) ;

• une atteinte cardiaque (péricardite, endocardite) ;• une atteinte rénale, qui doit faire redouter une amy-

lose de type AA ou, le plus souvent, une atteinte iatro-gène ;

• une atteinte pulmonaire  ( infections pleuro-pulmonaires, pleurésie rhumatoïde, fibrose pulmo-naire interstitielle diffuse, nodule rhumatoïde pulmonaire et bronchectasies semblent beaucoup plus fréquentes au cours de la PR) ;

• une atteinte de l’œil (sclérite, épisclérite, rares mais de mauvais pronostic) ;

• des manifestations hématologiques (anémie inflam-matoire, syndrome de Felty, splénomégalie isolée, leuconeutropénie…) ;

• une amylose de type secondaire AA.

ÉvolutionL’évolution de la maladie se fait, comme pour toutes maladies chroniques, par poussées inflammatoires au niveau articulaire avec, petit à petit, des atteintes d’arti-culations nouvelles en l’absence de traitement, certains facteurs étant de mauvais pronostic (encadré 1).Les atteintes articulaires se manifestent par une des-truction articulaire, mais également une atteinte des structures anatomiques voisines (tendons, ligaments…). Elles se révèlent surtout lors des deux premières années de la maladie. Entre ces périodes de poussées évolutives,

il existe des périodes d’accalmie. Au fil du temps, le patient présente des incapacités à l’origine d’un handicap pouvant retentir sur sa vie personnelle et professionnelle.

Examens complémentairesDevant toute suspicion de PR, il convient de réaliser des examens complémentaires.

ImagerieLes examens d'imagerie ont pour objectif de mettre en évidence des signes de destructions articulaires (pince-ment de l’interligne, présence de géodes…). Des radio-graphies standard des mains et poignets (de face), et des pieds (de trois quarts et de face) peuvent être demandées. D’autres examens peuvent être nécessaires, comme une tomodensitométrie, une imagerie par résonance magné-tique et une échographie, respectivement à la recherche d’atteinte des tendons et d’une synovite.

BiologieUn certain nombre d’examens de biologie sont nécessaires :• numération-formule sanguine ;• vitesse de sédimentation (VS) et protéine C réactive

(CRP), augmentées dans la plupart des cas ;• bilan hépatocellulaire (aspartate aminotransférase

[ASAT], alanine aminotransférase [ALAT], gamma-glutamyl-transférases [γ-GT], phosphatases alca-lines), créatinémie, bandelette urinaire à la recherche d’une protéinurie ou d’une hématurie ;

• examen du liquide synovial (bactériologique, cyto-logique et biochimique) ;

• recherche et dosage des auto-anticorps :– facteur rhumatoïde (retrouvé mais non spécifique) ;– anticorps anti-peptides citrullinés (ou anti-CCP),

dosage intéressant pour le diagnostic précoce des PR qui permet, en cas de positivité, de la prédire avec une spécificité supérieure à 95 % ;

– anticorps anti-nucléaires, positifs dans 15 à 30 % des cas (de type anti-SSA, parfois anti-SSB).

Échelles d’évaluationIl existe différents critères d’évaluation de la PR permet-tant au praticien d’apprécier non seulement l’état de son

Encadré 1. Facteurs de mauvais pronostic de la polyarthrite rhumatoïde

F Un début aigu polyarticulaire. F L’existence d’atteintes extra-articulaires. F L'apparition précoce d’érosions radiologiques. F L’existence d’un syndrome inflammatoire élevé (en particulier

la protéine C réactive). F La précocité de l’apparition du facteur rhumatoïde et surtout son

titre élevé ainsi que la présence d’anticorps anti-peptides citrullinés.

F L’existence d’un terrain génétique particulier caractérisé par la présence de l’antigène HLA-DR 0401-0404-04-05.

F Une mauvaise réponse au traitement de fond (persistance de synovite à 3 mois sous traitement).

F Un statut socio-économique défavorisé.

Source : Collège français des enseignants en rhumatologie.

Rhumatologie. Issy-les-Moulineaux: Elsevier-Masson; 2008.

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Actualités pharmaceutiques

• Supplément formation au n° 531 • 4e trimestre 2013 • 5

La polyarthrite rhumatoïde

formation

Déclaration d’intérêts 

Les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts

en relation avec cet article.

Pour en savoir plus• Belon JP, Faure S, Pillon F. Pathologies et thérapeutiques commentées. Issy-les-Moulineaux: Elsevier-Masson; 2013.

• Collège des enseignants en rhumatologie. Rhumatologie. Issy-les-Moulineaux: Elsevier-Masson; 2008.

patient, mais également l’efficacité des traitements prescrits dont :• les critères de l’American College of Rheumatology (ACR) ;• le Disease Activity Score (DAS) 28.Ces scores sont régulièrement utilisés dans les études cliniques se rapportant à la PR afin de quantifier l’impact des nouvelles thérapies.

Critères de l’ACRLes différents items des critères de classification de la PR, proposés par l’American College of Rheumatology (ACR) en 1993, sont les suivants :• 1. une raideur matinale (articulaire ou péri-articulaire)

d’au moins une heure ;• 2. une arthrite concernant au moins trois articula-

tions (atteinte simultanée constatée par un médecin et due à une tuméfaction des tissus mous ou à un épanchement articulaire, les 14 régions concernées étant les inter-phalangiennes proximales [IPP], les métacarpo-phalangiennes [MCP], les poignets, les coudes, les genoux et les chevilles) ;

• 3. une arthrite des articulations de la main (au moins une région tuméfiée au niveau des IPP, MCP ou poignets) ;

• 4. une arthrite symétrique (atteinte simultanée et bi latérale des articulations ou groupes d’articulations définis en 2 ; l’atteinte simultanée des IPP, MCP et MTP est acceptable même en l’absence de symétrie parfaite) ;

• 5. des nodules rhumatoïdes (nodosités sous-cutanées constatées par un médecin sur des crêtes osseuses ou des surfaces d’extension, ou en situation péri-articulaire) ;

• 6. la présence du facteur rhumatoïde ;• 7. des lésions radiologiques typiques sur les clichés

des mains et des poignets (déminéralisation en bande évidente ou érosions osseuses).

Un patient est considéré comme souffrant de PR s’il répond à 4 des 7 critères et les critères 1, 2, 3 et 4 doivent être présents depuis au moins 6 semaines pour être retenus.L’American College of Rheumatology utilise plusieurs subdivisions de ces critères pour quantifier les réponses aux traitements (tableau 1). Tout d’abord, une amélio-ration d’au moins 20 % sera définie par l’ACR20, une amélioration d’au moins 50 % par l’ACR50 et une

amélioration d’au moins 70 % par l’ACR70 du nombre d’articulations douloureuses et enflées, plus une amé-lioration similaire dans au moins trois des cinq mesures précisées par l’ACR.

Indices DAS28Le Disease Activity Score (DAS) 28 est un indice validé, développé par l’European League Against Rheumatism (EULAR), permettant de mesurer l’activité de la PR à partir d’une analyse statistique multivariée. Il tient compte de l’évaluation de la douleur et du nombre de synovites sur 28 sites articulaires, de la valeur de la vitesse de sédi-mentation et de l’appréciation globale du patient sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 100 millimètres.En tout, 28 sites articulaires sont évalués par mobilisa-tion (M) ou par pression (P). L’indice articulaire est égal à la somme de l’ensemble des scores obtenus pour la totalité de ces sites :• 0 = absence de douleur ;• 1 = douleur à la pression ;• 2 = douleur et grimace ;• 3 = douleur, grimace et retrait du membre.Le calcul s’effectue de la façon suivante : DAS = 0,55 x (indice articulaire : 28) + 0,284 x (synovites : 28) + 0,33 x log VS + 0,0142 x appréciation globale du patient.La lecture des résultats s’effectue ainsi :• DAS ≤ 2,6 = PR en rémission ;• 2,6 < DAS ≤ 3,2 = PR faiblement active ;• 3,2 < DAS ≤ 5,1 = PR modérément active ;• DAS > 5,1 = PR très active.

ConclusionLe diagnostic de la PR est long et difficile. Il fait appel à des critères cliniques, biologiques et radiologiques. Depuis une petite dizaine d’années, les anticorps anti-CCP sont d’une aide importante au diagnostic. Le suivi des patients est pluridisciplinaire intégrant médecins généralistes, rhumatologues, pharmaciens, etc.Prototype des pathologies chroniques et faisant partie des affections longue durée prises en charge par l’Assurance maladie, la PR fait l’objet de programmes d’éducation thérapeutique. w

Tableau 1. Résultats cliniques faisant apparaître le pourcentage de patients répondant aux critères de l'American College of Rheumatology n° 20, 50 et 70.

Réponse 12 mois 6 mois

Placebo Léfl unomide (20 mg/jour)

Méthotrexate (7,5-15 mg/semaine)

Placebo Léfl unomide (20 mg/jour)

Sulfasalazine (2 g/jour)

ACR20 26 % 52 % 46 % 29 % 55 % 56 %

ACR50 8 % 34 % 23 % 14 % 33 % 30 %

ACR70 4 % 20 % 9 % NS NS NS

À 6 mois, il n’apparaît pas de différence d’efficacité entre le léflunomide et la sulfasalazine, avec des valeurs de ACR20 (55 et 56) et ACR50 (33 et 30).