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87 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif Ludovic Martin, Claire Beylot, Didier Bessis Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-2 Syndrome de Williams-Beuren 87-2 Syndrome de Marfan 87-2 Syndromes marfanoïdes 87-7 Cutis laxa 87-8 Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-9 Pseudoxanthome élastique 87-9 Phénocopies du pseudoxanthome élastique 87-11 Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-12 Syndromes d’Ehlers-Danlos 87-12 Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire 87-12 Références 87-16 L e tissu conjonctif estlargement psent dans l’ orga- nisme. Ce tissu de soutien protéiforme possède toute- fois une certaine spécificité dorgane dans son organisation structuraleet sa composition moculaire. Ainsi, dans la peau,le derme comprend une matrice extracellulaire asso- ciant principalement des bres de collagène et des bres élastiques baignant dans la substance fondamentale ¹.Les bres de collagène cutanées sont principalement compo- sées des collagènes I, III et V. Le type Iy estleplus abondant. Le type III est majoritaire dans le derme papillaire ; il est également psent dans les parois vasculaires et dans celles Fibres oxytalanes Fibres élaunines Fibres élastiques Fibres collagènes Coll. D. Bessis Fig. 87.1 Répartition des fibres élastiques au sein du tissu conjonctif dermique des organes digestifs.La composition en acides aminés et lastructure en triplehélice font des collagènes des modèles uniques de protéines fibreuses ¹. Les fibres collagènes der- miques assurentla sistance mécanique de la peau et nont pas dorientation pcise.Les bres élastiques sontrespon- sables de lélasticité cutanée ².Les fibres pré-élastiques du derme papillaire, oxytalanes et élaunines, sont essentielle- ment composées de glycoprotéines microbrillaires, en par- ticulierles brillines 1 et 2. Elles sont orienes perpendi- culairementàla surface épidermique.Les bres élastiques matures des dermes réticulaireet profond sont plus volu- D. Bessis, Manifestations dermatologiques des maladies d'organes © Springer-Verlag France, Paris, 2012

Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

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Page 1: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

87Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Ludovic Martin, Claire Beylot, Didier Bessis

Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-2Syndrome de Williams-Beuren 87-2Syndrome de Marfan 87-2Syndromes marfanoïdes 87-7Cutis laxa 87-8

Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avecatteintes cutanée et cardiovasculaire 87-9

Pseudoxanthome élastique 87-9

Phénocopies du pseudoxanthome élastique 87-11Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-12

Syndromes d’Ehlers-Danlos 87-12Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire 87-12

Références 87-16

L e tissu conjonctif est largement présent dans l’orga-nisme. Ce tissu de soutien protéiforme possède toute-

fois une certaine spécificité d’organe dans son organisationstructurale et sa composition moléculaire. Ainsi, dans lapeau, le derme comprend une matrice extracellulaire asso-ciant principalement des fibres de collagène et des fibresélastiques baignant dans la substance fondamentale ¹. Lesfibres de collagène cutanées sont principalement compo-sées des collagènes I, III et V. Le type I y est le plus abondant.Le type III estmajoritaire dans le derme papillaire ; il estégalement présent dans les parois vasculaires et dans celles

Fibres oxytalanes

Fibres élaunines

Fibres élastiques

Fibres collagènes

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.1 Répartition des fibres élastiques au sein du tissu conjonctif dermique

des organes digestifs. La composition en acides aminés etla structure en triple hélice font des collagènes des modèlesuniques de protéines fibreuses ¹. Les fibres collagènes der-miques assurent la résistance mécanique de la peau et n’ontpas d’orientation précise. Les fibres élastiques sont respon-sables de l’élasticité cutanée ². Les fibres pré-élastiques duderme papillaire, oxytalanes et élaunines, sont essentielle-ment composées de glycoprotéines microfibrillaires, en par-ticulier les fibrillines 1 et 2. Elles sont orientées perpendi-culairement à la surface épidermique. Les fibres élastiquesmatures des dermes réticulaire et profond sont plus volu-

D. Bessis, Manifestations dermatologiques des maladies d'organes

© Springer-Verlag France, Paris, 2012

Page 2: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

87-2 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

� FISH flurorescent in situ hybridization · PXE pseudoxanthome élastique · SM syndrome de Marfan · SWB syndrome de Williams-Beuren

Principaux signes du syndrome deWilliams-Beuren

87.A

Atteinte cardiovasculaire (75 %)

– Sténose aortique supravalvulaire

– Sténose des branches de l’artère pulmonaire

– Hypertension artérielle

Hernie inguinale

Dysmorphie faciale : racine du nezaplatie, grande bouche, lèvre inférieure

éversée, épicanthus ; traits épais en vieillissant

Strabisme

Hyperlordose lombaire, flessum des hanches et des genoux

Retard cognitif modéré avec conservation du langage

Hypersociabilité

mineuses et grossièrement parallèles à la surface de la peau(fig. 87.1). Elles comprennent une partie centrale (le core)faite d’élastine et des microfibrilles périphériques compo-sées de diverses glycoprotéines, les fibrillines mais aussiles fibulines, l’émiline, etc. ². Chacune de ces protéines peuta priori faire l’objet d’un déficit héréditaire qualitatif ouquantitatif. Un tissu conjonctif riche en fibres élastiquesexiste aussi dans la paroi artérielle, dans le myocarde etdiverses tuniques pariétales cardiaques ² et il n’est doncpas surprenant que certaines affections génétiques asso-cient une atteinte cutanée et des lésions cardiaques et/ouartérielles.Une dysplasie définit le caractère anormal du développe-ment d’un tissu. La majorité des affections héréditairesdécrites dans ce chapitre et associant lésions cutanées etcardiovasculaires sont des dysplasies. Le pseudoxanthomeélastique (PXE) et ses phénocopies constituent des excep-tions car les anomalies des fibres élastiques y sont acquiseset d’aggravation progressive. Les PXE ne constituent doncpas des dysplasies primitives, mais plutôt des dystrophiesacquises génétiquement déterminées.Le tableau 87.1 récapitule les principales affections décritesdans ce chapitre en listant brièvement les lésions cutanées,les atteintes cardiaques et vasculaires, les éventuels symp-tômes associés significatifs, le mode de transmission, leou les locus, le ou les gènes et leurs produits responsableslorsqu’ils sont connus.

Dysplasies héréditaires des fibres élastiques

Syndrome de Williams-Beuren

Le syndrome de Williams-Beuren (SWB) est une anomaliedu développement dont la prévalence des formes caracté-ristiques est évaluée à 1/20 000 naissances ³. Le SWB esthabituellement sporadique. Il associe principalement unedysmorphie faciale, un retard psychomoteur de profondeurvariable associé à un comportement qualifié d’« hyperso-ciable » et des sténoses des artères quittant les ventriculescardiaques (encadré 87.A). Curieusement, les lésions cutanéescliniques sont absentes alors que le SWB est associé à unemicrodélétion en 7q11.23 emportant, entre autres, le gènede l’élastine.Les lésions cutanées du SWB sont inapparentes clinique-ment, mais évidentes en histologie avec une désorgani-

sation des réseaux pré-élastique et élastique du derme ⁴.Ces anomalies contribuent peu au diagnostic, qui est enrègle évoqué dès la petite enfance sur la dysmorphie fa-ciale et les diverses complications. Les anomalies cardio-vasculaires sont présentes dans 75% des cas. Les plus clas-siques sont la sténose aortique supravalvulaire et les sté-noses des branches des artères pulmonaires. Les anoma-lies valvulaires et les défauts septaux sont possibles, maisplus rares. Les sténoses des artères à destinée cérébrale,rénale, myocardique peuvent être responsables d’accidentsischémiques précoces ou d’hypertension artérielle réno-vasculaire ou essentielle. Les autres manifestations asso-cient une dysmorphie faciale évocatrice comprenant une ra-cine du nez aplatie, une grande bouche, une lèvre inférieureéversée, un épicanthus, des traits épais en vieillissant etun strabisme ⁵. Diverses anomalies dentaires (anomaliesdu nombre de dents,malocclusion dentaire, plaques gingi-vales) ont été décrites plus récemment. Les acquisitions mo-trices (position assise et marche) sont retardées. Les acquispsychologiques sont incomplets,mais le langage est bienmaîtrisé. La socialisation avec les autres enfants est difficileet contraste avec un comportement amical instantané avecles adultes associant familiarité et logorrhée évocatrices.Le diagnostic évoqué cliniquement doit être confirmé parla recherche de la microdélétion 7q11.3 par hybridationfluorescente in situ (FISH). Une biopsie cutanée n’est pasutile en routine. L’échographie cardiaque dépiste les anoma-lies valvulaires et supravalvulaires qui peuvent nécessiterun traitement chirurgical. Les tests psychométriques ex-plorent le profil cognitif des enfants porteurs d’un SWB.Des anomalies orthopédiques peuvent nécessiter une priseen charge spécifique. Le soutien au patient et à sa familleest important ; la prise en charge repose idéalement surune équipe multidisciplinaire ⁶. Peu de sujets porteurs d’unSWB sont autonomes à l’âge adulte.

Syndrome de Marfan

Le syndrome de Marfan (SM) est l’une des affections hérédi-taires du tissu conjonctif les plus fréquentes. Sa prévalenceest estimée à 2 à 3 pour 10 000 naissances ⁷. Une telle fré-quence impose à chaque praticien de connaître et de savoirévoquer ce diagnostic. Le SM est une fibrillinopathie majo-ritairement en rapport avec des mutations du gène FBN1situé en 15q21.1 et codant la fibrilline 1, plus rarementdu gène TGFBR2 situé en 3p24.1 et codant le récepteurde type II du TGF-β. Sa transmission est autosomique do-minante, sa pénétrance presque complète et son expressi-vité variable au sein d’une même famille ⁸. Près d’un quartdes patients ont une mutation de novo. Le pronostic vitaldu SM est réservé du fait de la gravité potentielle de l’at-teinte cardiovasculaire. Le pronostic fonctionnel peut êtrecompromis par les lésions ophtalmologiques et l’atteinteostéo-articulaire. Les lésions cutanées sont relativementmodestes mais peuvent être des signes d’appel dans l’en-fance ou à l’adolescence. Le tableau 87.2 liste les critères diag-nostiques majeurs du SM (critères de Gand) ⁹.Croissance excessive des os longs Elle confère à ces pa-tients un morphotype très particulier évocateur au premier

Page 3: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-3

� PXE pseudoxanthome élastique · SED syndrome d’Ehlers-Danlos

Tableau 87.1 Principales dysplasies héréditaires du tissu conjonctif avec atteinte dermatologique et cardiovasculaire

Affection Lésions cutanéesAtteintes cardiaques

et vasculaires

Autres atteintes

cliniques significativesGène Locus Transmission Protéine

Dysplasies héréditaires des fibres élastiques et des fibrillines

Syndrome de

Williams-Beuren

Désorganisation

histologique des

réseaux

pré-élastique et

élastique du derme

Sténose aortique supravalvulaire

Sténose des branches de l’artère

pulmonaire

Hypertension artérielle

Dysmorphie faciale

Retard psychomoteur

Microdélétion

7q11.23

Sporadique Élastine

Maladie de Marfan Vergetures

Hernies récidivantes

Dilatation de l’aorte ascendante

Dissection de l’aorte ascendante

Prolapsus valvulaire mitral

Anomalies squelettiques

Anomalies oculaires

Anomalies pulmonaires

FBN1

TGFBR2

15q21.1

3p24.1

AD

AD

Fibrilline-1

Récepteur type II du

TGF-bêta

Syndrome de

Loeys-Dietz type II

Hématomes

spontanés, peau

veloutée, douce et

translucide

Dilatation de l’aorte ascendante

Dissection de l’aorte ascendante

Anomalies squelettiques TGFBR1

TGFBR2

9q22.2-31.2

3p24.1

AD Récepteurs type I

et II du TGF-bêta

Syndrome de

Beals-Hecht

– Prolapsus valvulaire mitral

Dilatation aorte ascendante

Arachnodactylie

Anomalies oreille externe

Contractures congénitales des

coudes, genoux et hanches

FBN2 5q23-q31 AD Fibrilline-2

Syndrome des

tortuosités artérielles

Peau douce et

hyperextensible

Élongation, tortuosités et

d’anévrismes des artères de large

et de moyen calibre

Sténoses focales des artères

pulmonaires et de l’aorte

Dysmorphie faciale

Arachnodactylie

Anomalies squelettiques

SLC2A10 20q13.1 AR Transporteur de

glucose GLUT10

Cutis laxa

Autosomique

dominant

Lié à l’X

Autosomique récessif

type I

Cutis laxa néonatale

ou enfance

Cutis laxa

généralisée néonatal

Cutis laxa néonatale

Anévrisme ou rupture aortique

(rare)

Régurgitation valvulaire mitrale ou

tricuspidienne

Carotides sinueuses, sténoses

artérielles intracrâniennes

Sténoses et ectasies artérielles

Dysplasie fibromusculaire artérielle

Emphysème pulmonaire

Hernies digestives

Prolapsus génitaux

Dysmorphie faciale et thoracique,

exostoses, sténoses et diverticules

du tractus urinaire, hyperlaxité

articulaire

Petite taille, dysmorphie faciale,

déformations thoraciques et

rachidiennes, retard mental.

Atteintes pulmonaires (emphysème

précoce, pneumothorax)

Atteintes digestives et urologiques

(hernies, diverticules)

ELN

FBLN5

ATP7A

FBLN4

FBLN5

7q11.2

14q32.1

Xq13.2-q13.3

11q13

14q32.1

AD

Lié à l’X

AR

Élastine

Fibuline 5

ATP7A, protéine

transporteuse du

cuivre

Fibuline 4

Fibuline 5

Dystrophies héréditaires des fibres élastiques

PXE Élastorrhexie des

faces du cou et des

grands plis

Artériosclérose des membres

inférieurs

Stries angoïdes rétiniennes

Maculopathie

ABCC6 16p13.1 AR Transporteur ABCC6

PXE variant Élastorrhexie

généralisée

Artériosclérose des membres

inférieurs

Stries angoïdes rétiniennes

Maculopathie

Déficit en facteurs de coagulation

dépendant de la vitamine K

GGCX 2p12 A priori AR Gamma-glutamyl-

carboxylase

Dysplasies héréditaires des fibres collagènes

SED vasculaire Peau fine,

translucide (visibilité

du réseau veineux

sous-jacent,

décolleté, abdomen)

Fragilité et rupture artérielle

(digestive, utérine)

Saignements profus

Varices précoces

Fistules artérioveineuses, fistule

carotidocaverneuse

Visage caractéristique (nez pincé,

yeux proéminents, lèvres fines, petit

menton, oreilles sans lobules)

Acrogeria

Hypermobilité des petites

articulations

Luxation congénitale des hanches

Rupture musculaire et tendineuse

Pieds bots

COL3A1 2q24.3-q31 AD Chaîne pro-alpha du

collagène III

AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive ; R : récessive

Page 4: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

87-4 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Tableau 87.2 Critères du diagnostic du syndrome de Marfan (critères de Gand révisés en 1996)

Organe atteint Critères majeurs Critères mineurs

Squelette

(1 critère majeur = au moins 4

des éléments constituant les

critères majeurs)

Atteinte du squelette

Au moins 2 éléments contribuant

aux critères majeurs

ou

1 élément de la liste des critères

majeurs + 2 critères mineurs

Pectus carinatum (thorax en carène) ou excavatum

(thorax en entonnoir) nécessitant la chirurgie

Rapport segment supérieur corps/segment inférieur

bas ou envergure/taille > 1,05

Signe du poignet ou du pouce

Scoliose > 20◦ ou spondylolisthésis

Extension maximale des coudes < 170◦Déplacement malléolaire → pied plat

Protrusion acétabulaire

Pectus excavatum modéré

Hyperlaxité ligamentaire

Palais ogival avec chevauchement dentaire

Aspect facial : dolichocéphalie, hypoplasie malaire,

énophtalmie, rétrognathie, fentes palpébrales obliques

vers le bas

Yeux

Atteinte oculaire

Critère majeur ou au moins

2 critères mineurs

Ectopie du cristallin Cornée anormalement plate

Augmentation de longueur axiale du globe

Iris hypoplasique ou hypoplasie du muscle ciliaire

Système cardiovasculaire

Atteinte cardiovasculaire

1 seul critère mineur suffit

Dilatation de l’aorte ascendante, avec ou sans

régurgitation, atteignant les sinus de Valsalva

Dissection de l’aorte ascendante

Prolapsus de la valve mitrale, avec ou sans

régurgitation

Dilatation de l’artère en l’absence de sténose

valvulaire ou périphérique ou de toute autre cause à

moins de 40 ans

Calcification de l’anneau mitral avant 40 ans

Dilatation ou dissection aorte thoracique descendante

ou abdominale avant 50 ans

Poumons

Atteinte pulmonaire

1 seul critère mineur suffit

Pneumothorax spontané

Bulles apicales

Peau

Atteinte cutanée

1 seul critère mineur suffit

Vergetures sans prise de poids importante, grossesse

ou stress répétés

Hernies récidivantes

Dure-mère Ectasie durale lombosacrée

Contexte familial Un parent, un enfant ou un frère ou sœur présentant

ces critères diagnostiques

Génétique Mutation du gène FBN1 responsable du syndrome de

Marfan

Haplotype FBN1 transmis par un membre de la

famille atteint du syndrome de Marfan

Pour dire qu’il y a atteinte d’un organe, le nombre de critères majeurs ou mineurs exigés est variable en fonction de

l’organe.

Pour poser le diagnostic de syndrome de Marfan, il faut :

− si l’histoire familiale et la génétique ne sont pas contributives, un critère majeur dans 2 ou plus organes

différents et l’atteinte d’un 3e organe ;

− si la mutation responsable du syndrome de Marfan est identifiée dans la famille, un critère majeur au niveau

d’un organe et l’atteinte d’un 2e organe.

coup d’œil. Souvent de haute stature, ils ont cependant unaspect fragile avec des membres grêles et démesurémentlongs (dolichosténomélie), des mains expressives et déchar-nées aux doigts arachnéens (arachnodactylie), des piedstout en longueur, un thorax étroit, déformé en carène (pec-tus carinatum) ou en entonnoir (pectus excavatum) (fig. 87.2),une scoliose souvent sévère, une hypoplasie et une hypo-tonie musculaire. L’atteinte du squelette est un élémentessentiel du diagnostic dont la confirmation repose sur larecherche des critères précis listés dans le tableau 87.2. Les

mensurations montrent que l’envergure est légèrement su-périeure à la taille (rapportde plus de1,05) et que le rapportsegment supérieur/segment inférieur du corps est dimi-nué. L’arachnodactylie est objectivée par le signe du pouce(signe de Steinberg) dont toute la phalange distale dépassele bord cubital de la main quand le poing est fermé (fig. 87.3)et par le signe du poignet (signe de Walker-Murdoch) oùle pouce recouvre d’une phalange le 5e doigt lorsqu’il en-serre le poignet controlatéral. La protrusion acétabulaire,asymptomatique chez le sujet jeune, est recherchée par ra-

Page 5: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-5

� SM syndrome de Marfan

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.2 Thorax étroit déformé en carène au cours d’un syndrome de

Marfan

diographie. Bien qu’une hypermobilité articulaire modéréesoit habituelle, il existe fréquemment une réduction de l’ex-tension des coudes et parfois même une contracture desdoigts (camptodactylie).Atteinte oculaire L’atteinte oculaire est caractérisée parl’ectopie du cristallin.Cette ectopie, liée àune altération desfibres zonulaires se fait habituellement vers le haut, plusrarement vers le bas. Elle se rencontre dans 60 à 87% descas ¹⁰ et peut se compliquer d’une subluxation antérieureou postérieure. D’autres anomalies oculaires (myopie sé-vère, décollement rétinien) sont fréquentes et peuvent éga-lement compromettre la vision.Anévrisme aortique L’anévrisme fait toute la gravité duSM en raison du risque de dissection et de rupture. Il inté-resse la partie ascendante de l’aorte, depuis la racine aor-tique au niveau des sinus de Valsalva, où la dilatation estplus marquée. Il débute le plus souvent à l’adolescence, par-fois dans l’enfance et dans les formes les plus graves, onpeut même déjà constater une dilatation au niveau dessinus de Valsalva in utero alors que, à l’opposé, certainssujets atteints de SM authentique n’auront jamais une di-latation suffisante pour justifier une intervention chirur-gicale. Dans tous les cas, une surveillance échographiqueest indispensable et chez l’adulte, on considère, après la

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.3 Signe de Steinberg au cours du syndrome de Marfan : la

totalité de la phalange distale dépasse le bord cubital de la main lorsque le

ping est fermé

conférence de consensus de la Société canadienne de cardio-logie de 2001 ¹¹ que, pour éviter la dissection et la rupture,la chirurgie s’impose si le plus grand diamètre aortiqueest supérieur à 55mm ou 50mm pour les patients ayantdes antécédents familiaux de dissection aortique. La rapi-dité de progression de la dilatation est aussi un élémentdécisif. Une large étude ¹² a montré sur 113 hommes et108 femmes atteints de SM que l’augmentation était rapidechez 15% des hommes (1,5mm par an) et 11% des femmes(1,8 mm par an). Le risque de dissection est beaucoup plusélevé chez ces sujets que si la dilatation est lente (25%versus 4%). Les auteurs pensent qu’il faut tenir compteaussi des différences du calibre aortique liées au sexe etprendre la décision chirurgicale chez la femme pour unedilatation plus faible de 5 mm que chez l’homme, d’autantque le risque de dissection est plus élevé chez elle (dissec-tion chez 4 hommes et 9 femmes dans leur série). Un âgeplus élevé, une hypertension artérielle, une régurgitationaortique importante sont des éléments favorisant une di-latation aortique rapide au niveau des sinus de Valsalva ¹³.Chez l’enfant avant 12 ans, les critères conduisant à la déci-sion opératoire sont moins bien définis et il faut rapporterla dilatation observée à l’âge, à la taille et au poids du su-jet ⁷. La rupture et la dissection sont rares à cet âge,maispeuvent s’observer en fin d’adolescence, après 18 ans. Ladissection aortique, marquée par des douleurs thoraciquesintenses, peut rester limitée à l’aorte ascendante, mais par-fois se propage vers les carotides ou l’aorte descendante.La rupture se fait le plus souvent dans le sac péricardiqueet la mort survient par tamponnade. Elle est parfois plusprogressive avec formation d’un double ou d’un triple che-nal aortique. La dilatation de la racine aortique peut aussientraîner une incompétence valvulaire en général tardive.Enfin, il n’est pas exceptionnel que l’anévrisme aortique aucours du SM siège bien au-delà de la racine aortique surl’aorte descendante ¹⁴ et un scanner thoracique et abdomi-nal est nécessaire pour rechercher ces localisations. Sur leplan cardiaque, le prolapsus des valves mitrales et/ou tri-cuspides est très fréquent, avec un degré variable de régur-gitation. Chez le jeune enfant, l’insuffisance mitrale peut

Page 6: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

87-6 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

� SM syndrome de Marfan

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.4 Vergetures horizontales du dos au cours du syndrome de

Marfan

aboutir à une insuffisance cardiaque congestive, une hyper-tension pulmonaire qui sont la cause la moins rare de décèslié au SM à cet âge. Enfin, une cardiomyopathie, non liéeà l’incompétence aortique, mais à la texture des parois car-diaques elles-mêmes, peut se rencontrer même chez dessujets jeunes et se manifeste par une dysfonction diasto-lique et systolique du ventricule gauche ¹⁵,¹⁶.Atteinte cutanée Elle est fort discrète et l’hyperélasticitécutanée décrite classiquement n’est même plus mention-née dans les critères de la maladie car elle est souvent ab-sente ou modérée. La peau est parfois un peu fine et il peuty avoir quelques cicatrices atrophiques. Plus particulièreset inconstantes, mais retenues dans les critères mineurs,sont les larges vergetures thoraciques horizontales (fig. 87.4)insolites chez des sujets jeunes, très minces, en dehors dela grossesse ou de stress répétés et parfois même chez desenfants. Des élastomes perforants de Lutz-Miescher ontété signalés, mais ils ne sont pas spécifiques et peuventse rencontrer également au cours d’autres maladies héré-ditaires du tissu conjonctif. Les hernies, fréquentes, sontrépertoriées dans l’atteinte cutanée,mais elles sont duesplutôt à la faiblesse de la paroi abdominale qu’à l’atteintecutanée.Physiopathologie et génétique La fibrilline-1 (FBN1)est une glycoprotéine à large distribution tissulaire ayantun rôle clé dans la composition des microfibrilles du tissuconjonctif, en association avec de nombreuses autres pro-téines comme MAGP-1, MAGP-2, les fibulines 2 et 5, l’élas-tine, le versican ou la LTBP-1 ¹⁷. Le gène codant la fibrilline-1, FBN1, est très long (65 exons codants). Plus de 600 mu-tations sont décrites au cours du SM et la majeure partieest propre à un patient ou à sa famille (mutations privées)avec une expression phénotypique très variable pour les su-jets atteints rendant prohibitive une analyse séquentiellede routine. La ségrégation de l’haplotype est plus facileet peut indiquer ceux qui, dans une famille atteinte, onthérité de la maladie. Il s’agirait d’un effet dominant néga-

tif, dû à l’activité délétère de la protéine mutante sur laprotéine codée par la copie normale du gène FBN1.Maiscertains faits suggèrent que la demi-production de la pro-téine normale (haplo-insuffisance) plus que la productionde la protéine mutante serait l’élément critique pour dé-terminer le seuil de la perte de fonction de la fibrilline 1nécessaire à l’expression du SM. Il a été démontré récem-ment que les mutations de la fibrilline 1 sont associéesà des effets délétères qui vont bien au-delà d’une simplefaiblesse structurelle des tissus et notamment des fibresélastiques comme on le croyait auparavant. La fibrilline 1mutée est en effet capable de déclencher une augmentationde l’expression et de la production des métalloprotéinasesmatricielles, facilitant la fragmentation des tissus. Cetteaugmentation des protéases libère de plus des facteurs decroissance matriciels tels que TGF-β ¹⁸. Le complexe TGF-βlatent est associé à un peptide et à des protéines de liai-sons et est séquestré dans la matrice extracellulaire. Or,la fibrilline 1 a un important degré d’homologie avec lesprotéines de liaison du TGF-β. Ces similitudes suggèrentque les microfibrilles pourraient participer à la régulationde l’activation de cette cytokine. Une dysrégulation dansle sens de l’augmentation de l’activité de TGF-β pourrait ex-pliquer certains symptômes comme la croissance osseuseexcessive, la dysmorphie craniofaciale, les altérations myxo-mateuses de la valve mitrale. Certains patients ayant lescritères phénotypiques du SM, avec atteinte osseuse et car-diaque prédominante, ne sont pas porteurs de mutationssur le gène de la fibrilline 1, mais ont des mutations di-verses au niveau du gène TGFBR2 codant pour le récepteurde type II du TGF-β ¹⁹.Prise en charge des patients Elle est pluridisciplinaire.Pour les manifestations osseuses, le pédiatre, le généra-liste, l’orthopédiste sont concernés. Il faut surveiller lacroissance et essayer de freiner l’allongement excessif desmembres. Un traitement par les hormones sexuelles (tes-tostérone, œstrogènes) ou les analogues de la somatosta-tine, commencé entre 11 et 13 ans et stoppé lors de ladisparition des cartilages de conjugaison peut être indiqué,notamment chez des filles dont la taille prédictive dépasse185 cm et les garçons dépassant 200 cm ²⁰-²². Le traitementde la scoliose, si elle est sévère et rapidement progressive,nécessite une stabilisation chirurgicale. Les déformationsthoraciques sont opérées pour des raisons esthétiques plusque fonctionnelles, car elles n’entraînent habituellementpas de troubles cardiorespiratoires, bien qu’une restrictionrespiratoire soit possible dans les formes sévères de pec-tus excavatum ²³. Sur le plan oculaire, une surveillance an-nuelle est nécessaire afin de prévenir une baisse de l’acuitévisuelle secondaire à une bascule du cristallin ou un décol-lement de rétine. L’ectopie du cristallin n’est pas systémati-quement opérée. Les diverses manifestations ophtalmolo-giques relèvent d’un traitement spécialisé. Le suivi cardio-vasculaire repose surune surveillance échocardiographiqueannuelle pour rechercher et éventuellement traiter chirur-gicalement un anévrisme aortique. Les bêtabloquants oules inhibiteurs de l’enzyme de conversion ne peuvent éviterla dilatation aortique mais sont susceptibles de la ralentir

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Dysplasies héréditaires des fibres élastiques 87-7

� SED syndrome d’Ehlers-Danlos · SM syndrome de Marfan

et leur prescription dès le jeune âge est conseillée. L’inter-vention chirurgicale selon la technique de Bentall et ses va-riantes consiste à remplacer complètement par une greffecomposite l’anévrisme de la racine de l’aorte, les sinus deValsalva, les valvules aortiques avec réimplantation desartères coronaires. La mortalité à 30 jours de telles inter-ventions est devenue faible : sur une série multicentriquede 655 patients ²⁴, elle est de 1,5% chez les 455 patientsqui subissent une intervention programmée, 2,6% chez les117 patients qui sont opérés en semi-urgence 7 jours aprèsconsultation chirurgicale et 11,7% chez les 103 qui doiventsubir l’intervention en urgence dans les 24 heures, d’où l’in-térêt de la surveillance échocardiographique pour ne pas setrouver dans ces situations d’urgence. Des interventionsplus limitées épargnant les valves aortiques semblent en-courageantes, en particulier chez l’enfant ²⁵. La réimplanta-tion donne des résultats plus durables que les procéduresde remodelage. L’intervention sur les valves mitrales parplastie valvulaire en cas de prolapsus mitral est rarementnécessaire. Les sports violents, les traumatismes sont àéviter en raison du risque déclenchant de dissection aiguëde l’aorte ²⁶. La mort subite d’athlètes chez qui un SM étaitméconnu a été rapportée. La grossesse entraîne classique-ment un risque de progression de l’anévrisme aortique etde dissection. Cependant, il semble que ce risque soit trèsdépendant du diamètre de l’aorte avant la grossesse et qu’iln’existerait pas s’il est inférieur à 40mm en début de gros-sesse ²⁷. Les anticoagulants prescrits chez les patientes déjàopérées et ayant une prothèse valvulaire posent problèmeet la solution ne fait pas l’unanimité parmi les cardiologues,l’héparine de bas poids moléculaire proposée par certainsen raison d’un moindre risque fœtal n’étant peut-être passuffisamment préventive des thromboses valvulaires. Chezla femme en âge de procréer, les interventions de rempla-cement aortique épargnant les valves seraient donc plusappropriées. La rupture prématurée des membranes, l’in-compétence cervicale s’accompagnent d’une mortalité fœ-tale et néonatale de 7,1% ²⁸. Dans tous les cas, une sur-veillance conjointe et très stricte de l’obstétricien et du car-diologue, un traitement bêtabloqueur et un contrôle écho-cardiographique initialement trimestriel, puis mensuel ledernier trimestre sont conseillés ²⁹. L’ectasie durale est sou-vent asymptomatique et seul le scanner lombaire, qu’il fautsystématiquement pratiquer, permet de la déceler. Mais sielle s’accompagne de douleurs lombaires ou radiculairessignificatives liées à la compression des racines nerveusesdans le canal lombosacré, une réparation neurochirurgicalepeut améliorer ces manifestations. Le conseil génétiquedoit informer les futurs parents, si l’un d’eux est atteintde SM, du risque de transmission de 50%, de la nature etdes risques de la maladie et de la nécessité éventuelle dela chirurgie aortique. Le diagnostic prénatal est possiblesur les villosités choriales. L’implication de TGF-β apportepour l’avenir l’espoir de pouvoirmoduler l’activité de cettecytokine qui intervient probablement sur la plupart desmanifestations cliniques du SM. Son dosage sérique pour-rait constituer un marqueur diagnostique et pronostiqueaprès traitement bêtabloqueur et/ou par antagonistes des

récepteurs de l’angiotensine II ³⁰. Le traitement par losar-tan qui a une activité anti-TGF-β a déjà été effectué avecsuccès sur les anévrismes aortiques dans des modèles ani-maux laissant entrevoir un intérêt thérapeutique similairechez l’homme ³¹.

Syndromes marfanoïdes

Ils associent le morphotype «marfanoïde » (grande taille etmembres grêles) à d’autres manifestations viscérales qui enfont soit des formes mineures de SM (voire des variantesde la normalité), soit des affections distinctes, en règle plusgraves et plus rares que le SM.Syndrome de Loeys-Dietz Cette affection de descriptionrécente, autosomique dominante, est liée à des mutationsdes gènes TGFBR1 ou TGFBR2 qui codent pour les récep-teurs de type I ou II du TGF-β ³². Deux formes cliniquessont décrites : le type I est proche du SM par l’associationd’une dilatation de l’aorte ascendante, d’une arachnodac-tylie, d’une dolichosténomélie, d’une déformation thora-cique et d’une hyperlaxité articulaire mais s’en différenciepar la présence d’un hypertélorisme, d’une fente palatineet/ou d’une luette bifide, d’une craniosynostose, de tortuo-sités vasculaires généralisées et l’absence d’ectopie du cris-tallin ; le type II est proche du syndrome d’Ehlers-Danlos(SED) de type vasculaire. L’atteinte vasculaire (risque d’ané-vrisme/dissection aortique) est plus sévère qu’au cours duSM et de fréquence estimée supérieure à 75%. L’atteintecutanée s’observe essentiellement au cours du type II, mar-quée par des hématomes spontanés ou après traumatismesminimes, etune peau veloutée, douce et translucide commeau cours du SED vasculaire.Syndrome MASS Le syndrome MASS, acronyme de mi-tral (prolapsus de la valve mitrale), aortic (dilatation mo-dérée et non progressive de la racine aortique), skin (ver-getures), skeletalmanifestations (allongement osseux) estd’individualisation discutable par rapport au SM puisque,dans certaines observations, il a étémontré l’existence demutations du gène FBN1. Il pourrait constituer une formeincomplète ou bénigne de SM ⁷.SyndromedeBeals-Hecht De transmission autosomiquedominante, il associe un morphotype marfanoïde à unearachnodactylie avec camptodactylie, un aspect « ratatiné »de l’oreille externe, des contractures congénitales descoudes, genoux et hanches et une hypoplasie musculairemodérée des mollets ³³. Une atteinte cardiaque avec pro-lapsus valvulaire mitral et plus rarement une dilatation del’aorte ascendante peuvent également s’observer ³⁴. Dansla majeure partie des cas, cette affection est liée à des mu-tations du gène FBN2 codant pour la fibrilline-2.Homocystinurie Les homocystinuries se caractérisentpar une surcharge en homocystéine, acide aminé souffré, àpropriété thrombophile et athérogène. La plus fréquente(80%) est l’homocystinurie classique, liée à un déficit enzy-matique en cystathionine β-synthase, enzyme responsablede la conversion de la méthionine en cystéine (voie de latranssulfuration) dont le gèneCBS est situé en 21q22.3. Lesautres formes sont liées à une anomalie de la conversionde l’homocystéine en méthionine. L’homocystinurie clas-

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87-8 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

� CLa cutis laxa

Tableau 87.3 Classification des cutis laxa avec atteinte cardiovasculaire

Type

de cutis laxa

Atteinte

cardiovasculaire

significative

Gène Locus Protéine

Autosomique

dominante++

ELN

FBLN5

7q11.2

14q32.1

Élastine

Fibuline 5

Liée à l’X ++ ATP7AXq13.2-

q13.3

ATP7A, protéine

transporteuse

du cuivre

Autosomique

récessif type I++

FBLN4

FBLN5

11q13

14q32.1

Fibuline 4

Fibuline 5

Autosomique

récessif type II+ PYCR1 17q25.3

Pyrroline-5-

carboxylate

réductase 1

(enzyme du

métabolisme

de la proline)

sique est plus fréquente en Irlande (1/60 000 naissances)que dans le reste de l’Europe (1/200 000 naissances). Satransmission est autosomique récessive. Elle est à l’origined’une élévation systémique des taux de méthionine et d’ho-mocystéine, accompagnée d’une diminution des taux decystéine et de cystine.Les signes cliniques associent des atteintes oculaires en par-ticulier une ectopie cristallinienne précoce, un syndromemarfanoïde (scoliose, genus valgum, pieds plats), des mani-festations thrombo-emboliques précoces et un retard men-tal inconstant et de sévérité variable ³⁵. Les thrombosesvasculaires artérielles ou veineuses peuvent survenir pré-cocement, dans n’importe quel territoire, notamment cé-rébral. Elles sont souvent déclenchées par des prises médi-camenteuses (contraceptif), le tabac, l’hypertension arté-rielle, une angiographie ou une anesthésie générale. Desphénotypes incomplets et des formes asymptomatiquessont désormais reconnus depuis la mise en place du do-sage plasmatique de l’homocystéine totale pour dépisterles hyperhomocystéinémies modérées en tant que facteurde risque vasculaire ³⁵. Les signes cutanés sontmarqués pardes cheveux fins et blonds et des accès de rougeur vasomo-trice, notamment des pommettes. Un livedo des membresa également été décrit ³⁶.Le diagnostic est suspecté sur le test au nitroprussiate-cyanure qui révèle l’excès de composés sulfhydriles uri-naires et confirmé par l’élévation du taux de la méthionineet de l’homocystéine libre plasmatique. Ce dernier dosageest à interpréter avec prudence en cas d’augmentation mo-dérée ³⁷. Le déficit en cystathionine β-synthase peut êtrerévélé à partir de cultures cellulaires du patient notammenten période prénatale sur des cellules amniotiques ou desvillosités choriales. Les porteurs hétérozygotes sont dépis-tés par un test de charge en méthionine avec dosage del’homocystéine libre plasmatique. Le traitement par la pyri-doxine orale (25 à 500mg/jour) est efficace dans la moitiédes cas. La bétaïne (4 à 6 g/jour) serait également utilechez les patients résistants à la pyridoxine, en permettant

la reméthylation de l’homocystéine en méthionine.Syndrome de tortuosité artérielle Il s’agit d’une affec-tion rare, autosomique récessive, liée à des mutations dugène SLC2A10 qui code pour un transporteur du glucoseGLUT10 ³⁸. La perte de fonction de ce transporteur seraitresponsable d’une diminution de la transcription de la dé-corine, un inhibiteur connu de la voie de signalisation duTGF-β. Cette affection se caractérise par des anomalies desartères de large et de moyen calibre à type d’élongation,de tortuosités et d’anévrismes. Des sténoses focales des ar-tères pulmonaires et de l’aorte peuvent être associées. Desanomalies dysmorphiques faciales sont classiquement pré-sentes : visage allongé, fentes palpébrales rétrécies et incli-nées vers le bas, nez en bec, palais ogival et micrognathie ³⁹.Les autres manifestations associent une peau douce et hy-perextensible, des anomalies squelettiques (arachnodacty-lie, déformation en pectus, hyperlaxité articulaire, contrac-tures). Le risque vasculaire est marqué par un risque deformation d’anévrisme, de dissection et d’accident isché-mique.

Cutis laxaLes cutis laxa (CLa) constituent un groupe d’affections hé-réditaires rares (près de 200 familles atteintes rapportéesen 2009) ⁴⁰ ayant en commun la présence d’une peau lâche,ayant perdu son élasticité et spontanément redondante,ainsi qu’un aspect de vieillissement prématuré. Les CLasont hétérogènes par la gravité de leurs atteintes viscéraleset leur mode de transmission (tableau 87.3). Trois groupesont été individualisés sur la base de la transmission géné-tique : autosomiques dominantes, récessives liées au chro-mosome X et autosomiques récessives. Dans tous les cas,les protéines mutantes ou absentes désorganisent l’archi-tecture des fibres élastiques.Les CLa autosomiques dominantes sont de pronostic rela-tivement bénin et certains cas ont été associés à des muta-tions du gène ELN codant pour l’élastine ou du gène FBLN5codant pour la fibuline 5 ⁴⁰,⁴¹. Les CLa liées à l’X sont asso-ciées à des mutations du gène ATP7A responsables d’ano-malies du transport du cuivre ⁴². Les CLa autosomiquesrécessives sont très hétérogènes avec deux types caracté-risés dits I et II, des formes variantes et syndromiques,c’est-à-dire en association avec d’autres anomalies morpho-logiques ou de développement : syndrome de Costello (cf.chap. 88, « Syndromes neuro-cardio-facio-cutanés »), syndrome deCantu, syndrome de De Barsy ou autres ⁴³,⁴⁴. Le type I estassocié dans certains cas à des mutations des gènes FBLN4et FBLN5 codant respectivement pour la fibuline 4 et lafibuline 5 ⁴⁵-⁴⁷. Le type II est fréquemment associé à des mu-tations du gène ATP6V0A2 qui code pour la sous-unité a2du complexe V-ATPase impliqué dans la régulation du pHdes compartiments intracellulaires et s’associe à des ano-malies de la glycosylation des protéines matricielles ⁴⁸. Cer-taines CLa autosomiques récessives de type II ont été asso-ciées récemment à des mutations du gène PYCR1 codantpour l’enzyme pyrroline-5-carboxylate réductase 1 impli-quée dans le métabolisme de la proline ⁴⁹.Des anomalies de

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Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-9

� CLa cutis laxa · PXE pseudoxanthome élastique

la laminine bêta-1 ⁵⁰, de la lysyl oxydase ⁵¹ ont égalementété décrites.Les CLa ont en commun, et par définition, une peau lâcherelativement superposable d’un type à l’autre. Cet aspectclinique est suffisamment caractéristique pour faire évo-quer le diagnostic. La peau est diffusément flasque et redon-dante, en particulier au niveau du visage qui prend dès lapremière enfance un aspect prématurément « âgé » et tristedu fait de l’affaissement des téguments (fig. 87.5). Toutefois,dans tous les cas, c’est la sévérité des atteintes viscéralesqui conditionne le pronostic des CLa ⁵². L’atteinte cardio-vasculaire est classique ou particulièrement marquée aucours des CLa autosomiques dominantes, de forme liée àl’X ou de forme autosomique récessive de type I.Cutis laxa autosomiques dominantes Leur fréquenceest inconnue. Les manifestations cutanées sont générale-ment présentes dès la naissance ou au cours de la petiteenfance. L’atteinte viscérale est absente ou bénigne, et mar-quée par des lésions pulmonaires (emphysème, bronchecta-sies, sténose de l’artère pulmonaire), cardiaques (régurgita-tions valvulaires mitrale ou tricuspidienne, hypertrophieventriculaire droite, anévrisme aortique), des hernies diges-tives, des prolapsus génitaux ⁵³. L’espérance de vie de cespatients est considérée comme grossièrement identique à

Coll.

PrF.

Bora

levi

,Bor

deau

x

Fig. 87.5 Cutis laxa : peau lâche et spontanément redondante et aspect

de vieillissement prématuré

celle de la population générale, même si des cas de rupturesaortiques précoces à l’âge adulte et d’emphysème pulmo-naire sévère ont été rapportés ⁵⁴.Cutis laxa liées à l’X Cette variété de CLa est identiqueà l’ancien syndrome d’Ehlers-Danlos de type IX et à unevariante de bon pronostic de la maladie de Menkes. Cetexemple illustre les difficultés nosologiques des affectionshéréditaires du tissu conjonctif. La cutis laxa est généra-lisée et présente dès la naissance. Il existe en outre unedysmorphie faciale et thoracique, des exostoses, des caro-tides sinueuses, des sténoses artérielles intracrâniennes,des sténoses et des diverticules du tractus urinaire, unehyperlaxité articulaire. Le quotient intellectuel est bas.Cutis laxa autosomique récessive de type I Il s’agit vrai-semblablement de la forme la plus grave de CLa. L’atteintecutanée est très précoce dans la vie, habituellement asso-ciée à un retard de croissance intra-utérin puis à une pe-tite taille, et éventuellement à une dysmorphie faciale, desdéformations thoraciques et rachidiennes, ainsi qu’un re-tard mental. La gravité est liée aux atteintes pulmonaires(emphysème précoce, pneumothorax), digestives et uro-logiques (hernies, diverticules) ou vasculaires (artères si-nueuses et ectasiques, dysplasie fibromusculaire artérielle).Diagnostic et prise en charge Si le diagnostic est aisé àsuspecter, la confirmation de la CLa, surtout de son typeet donc de son pronostic, est difficile et doit être confiéeà une équipe multidisciplinaire connaissant bien ce typede pathologie. La biopsie cutanée n’est pas indispensableau diagnostic. Si elle est pratiquée, elle montre une élasto-lyse dermique avec absence de fibres élastiques matures.La microscopie électronique confirme au niveau des fibresélastiques la raréfaction de l’élastine et seule la charpentemicrofibrillaire est visible. Le diagnostic moléculaire estdu domaine de la recherche. Il n’est pas toujours réalisable,mais peut, dans certaines familles informatives, permettreun diagnostic anténatal. La recherche des complicationsviscérales est systématique et régulière.Principes du traitement Des corrections chirurgicalesitératives sont volontiers nécessaires pour limiter l’aspectde vieillissement prématuré, en particulier au niveau du vi-sage. Des injections de toxine botulique ont été pratiquéesdans quelques cas, avec des résultats positifs transitoires.Les atteintes viscérales relèvent d’une prise en charge hau-tement spécialisée etmultidisciplinaire. Celle-ci est le plussouvent symptomatique.

Dystrophies héréditaires des fibres élastiques

avec atteintes cutanée et cardiovasculaire

Pseudoxanthome élastique

Le pseudoxanthome élastique (PXE) est une affection au-tosomique récessive du tissu conjonctif caractérisée histo-logiquement par la fragmentation et la minéralisation desfibres élastiques (élastorrhexie) ⁵⁵. Il associe :− des lésions cutanées évocatrices, apparaissant le plus

souvent dès l’enfance, qui peuvent être responsablesd’un préjudice esthétique significatif ;

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87-10 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

� PXE pseudoxanthome élastique

Critères diagnostiques du pseudoxanthome élastique58

87.B

Critères majeurs

1. Atteinte cutanée caractéristique (papules jaunâtres des plis).

2. Atteinte histologique caractéristique en peau cliniquement atteinte

(colorations du tissu élastique et de la minéralisation).

3. Atteinte ophtalmologique caractéristique (stries angioïdes, peau

d’orange ou maculopathie) chez les sujets de plus de 20 ans.

Critères mineurs

1. Atteinte histologique caractéristique en peau cliniquement saine.

2. Histoire familiale de PXE chez les apparentés du premier degré.

Le PXE est considéré indiscutable devant l’association des trois critères

majeurs ; toutes les autres combinaisons font discuter le diagnostic.

− des lésions ophtalmologiques qui peuvent conduire àune cécité centrale bilatérale ;

− et une artériosclérose précoce d’évolution lente et depronostic cardiovasculaire encore incertain. Certainesatteintes cardiaques ou vasculaires peuvent entraînerle décès, parfois dès les premiers mois de vie ⁵⁶, maisle plus souvent les évènements cardiovasculaires sontrares en dépit de calcifications artérielles pariétales pré-coces et étendues.

Le gène responsable du PXE est ABCC6 qui code pour untransporteur membranaire d’expression principalement hé-patocytaire. Le PXE est donc désormais considéré commeune affection métabolique associant un défect primitive-ment hépatique responsable de l’augmentation dans le sé-rum d’une ou plusieurs molécules qui déterminent uneélastorrhexie à distance dans les organes riches en fibresélastiques ⁵⁷. Le substrat du transporteur ABCC6 et l’effec-teur sérique du PXE, molécules vraisemblablement diffé-rentes, ne sont pas connus. La prévalence du PXE est es-timée à 1/25 000 ⁵⁵. L’encadré 87.B liste les critères diagnos-tiques usuels du PXE ⁵⁸. Il est à noter que ceux-ci ont étéélaborés avant la découverte de la responsabilité du gèneABCC6 dans le PXE et qu’ils mériteraient sans doute d’êtreréévalués ou complétés pour rendre compte de certainesobservations clinico-biologiques telles que la présence dephénotypes incomplets chez des porteurs de deux muta-tions de ABCC6, de manifestations sévères chez des hétéro-zygotes ⁵⁹ ou de l’existence de plusieurs phénocopies recon-nues du PXE (cf. infra).Les lésions élémentaires cutanées du PXE sont des papulesjaunâtres ou de couleur peau normale atteignant d’abordles faces latérales du cou (fig. 87.6) puis s’étendant à la nuque,à la face antérieure du cou et à la peau des grands plis (axil-laires, antécubitaux, inguinaux, poplités), à l’ombilic et àla face interne de la lèvre inférieure. Les papules tendent àconfluer et peuvent être, au maximum mais très inconstam-ment, responsables d’une perte d’élasticité cutanée avecune peau apparaissant spontanément redondante (fig. 87.7).Une atteinte cutanée diffuse ou a contrario l’absence de lé-sions cutanées visibles sont possibles mais très rares. L’exa-men cutané retrouve parfois des papules acnéiformes du

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.6 Pseudoxanthome élastique : papules jaunâtres confluentes en

plaques sur la face latérale du cou

cou, des granulomes élastophagiques ou des lésions per-forantes avec expulsion transépidermique de fibres élas-tiques dystrophiques. Des rides obliques des régions man-dibulaires auraient une bonne sensibilité pour le diagnosticclinique de PXE avant l’âge de 35 ans. Les lésions cutanéesdoivent être biopsiées afin d’affirmer le diagnostic histo-logique d’élastorrhexie à l’aide d’une coloration des fibresélastiques (par exemple l’orcéine) et d’une coloration dela minéralisation (par exemple le von Kossa). L’atteintecutanée clinique manque rarement au cours du PXE mais,même en l’absence de lésions visibles, la biopsie cutanée enzone bastion ou au niveau d’une cicatrice peut permettrede retrouver la dystrophie élastique caractéristique.Les lésions cutanées de PXE sont en règle les premières à ap-paraître ⁶⁰. Elles doivent faire rechercher des lésions ophtal-mologiques par un examen des fonds d’yeux à la recherchede stries angioïdes, correspondant anatomiquement à desdéchirures de la membrane de Bruch à la face postérieurede la rétine. Les stries angioïdes sont très souvent orien-tées vers la macula, la région paracentrale de la rétine res-ponsable de la vision fine. Avant l’âge adulte, les stries an-gioïdes peuvent manquer, mais il est possible d’observerd’autres remaniements rétiniens évocateurs de PXE : as-pect «peau d’orange » de la rétine, drusen papillaires, etc. ⁶¹.

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Dystrophies héréditaires des fibres élastiques avec atteintes cutanée et cardiovasculaire 87-11

� AMM autorisation de mise sur le marché · PXE pseudoxanthome élastique · VEGF vascular endothelial growth factor

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.7 Pseudoxanthome élastique et peau redondante du cou (aspect

de cutis laxa)

Les stries angioïdes sont habituellement asymptomatiquesper se mais peuvent être compliquées par la présence denéo-vaisseaux provenant de la choroïde sous-jacente. Cesnéo-vaisseaux, par leur simple présence ou à l’occasion desaignements répétés, peuvent être responsables d’un syn-drome maculaire : vision déformée voire scotome. La cé-cité du PXE n’est pas complète mais « limitée » à la partiecentrale du champ visuel occasionnant un handicap visuelsignificatif (cécité légale).L’atteinte artérielle du PXE n’est pas une athéromatosemais une artériosclérose singulière des artères de moyencalibre avec calcifications des limitantes élastiques, princi-palement la limitante élastique interne. Les remaniementsendothéliaux sont inhabituels en l’absence d’autres fac-teurs de risque cardiovasculaire. Les symptômes d’« arté-rite PXE » sont le plus souvent une claudication intermit-tente de membre. De façon remarquable pour une artério-pathie calcifiante, les index de pression systolique sont bas.Contrairement à une idée reçue ayant la vie dure, il n’existepas de fragilité artérielle au cours du PXE : les gestes ar-tériels diagnostiques ou thérapeutiques sont tout à faitenvisageables.Prise en charge Il n’existe pas à ce jour de traitementétiologique du PXE, mais les progrès physiopathologiquesrécents, implication d’un facteur sérique circulant, ⁵⁷ déficit

en inhibiteurs de la minéralisation et/ou en vitamine K ⁶²,sont porteurs d’espoir pour l’avenir à moyen terme.Les lésions cutanées peuvent bénéficier d’une exérèse chi-rurgicale lorsque la peau est devenue « excédentaire » etgênante. Les résultats esthétiques sont inconstants, en par-ticulier en ce qui concerne la qualité de la cicatrisation. Lescomplications néovasculaires rétiniennes sont traitées de-puis plusieurs années par des injections intravitréennesrépétées d’anti-VEGF ⁶¹. La démonstration de l’efficacitéàmoyen et surtout à long terme de ces traitements horsAMM n’est pas faite et ils doivent être confiés à des équipesentraînées. Mais l’expérience montre que ces traitementsparaissent être à ce jour ceux qui limitent le mieux la perted’acuité visuelle chez des patients pour qui la cécité étaitquasi inéluctable quand les complications néovasculairesavaient commencé. Si une cécité centrale bilatérale se dé-veloppe, il convient de fournir aux patients les moyensd’une rééducation de la vision périphérique. La prise encharge des complications cardiovasculaires ischémiques ai-guës n’est pas différente aujourd’hui chez les patients PXEet dans la population générale. Le rapport bénéfice/risquedes anti-vitamine K au long cours est toutefois très incer-tain.

Phénocopies du pseudoxanthome élastique

PXE acquis Un certain nombre de cas d’élastorrhexie sur-viennent de façon retardée et a priori sans association à desmutations du gène ABCC6.PXE d’origine toxique Très rares et décrits dans la littéra-ture déjà ancienne, ils comprennent des lésions cutanéesobservées chez des patients exposés au salpêtre ou à cer-tains traitements (D-pénicillamine). Leur histoire naturelleest très mal connue.PXE péri-ombilical Il est principalement décrit chez lafemme noire américaine avec des facteurs de risque car-diovasculaires incluant obésité, diabète, hypertension ar-térielle,mais aussimultiparité. Les lésions cutanées sonthabituellement limitées à la région péri-ombilicale et l’at-teinte ophtalmologique absente.PXE après transplantation d’organe Trois cas de PXE carac-téristiques, cutanés et ophtalmologiques, survenus chezdes jeunes femmes ayant subi une transplantation hépa-tique ont récemment été publiés ⁶³. Ces femmes n’avaientni antécédents familiaux de PXE nimutations deABCC6. Laphysiopathologie de ces PXE est en cours d’étude (organestransplantés déficients en ABCC6 ? autre mécanisme ?).PXE et hémoglobinopathies bêta Des auteurs grecs et ita-liens rapportent depuis le début des années 1990 un phéno-type PXE chez plus d’un tiers des patients thalassémiquesbêta (ou plus rarement drépanocytaires). Ces PXE avec at-teintes cutanée, ophtalmologique et cardiovasculaire sontindépendants de mutations de ABCC6 et surviennent dansla seconde moitié de la vie. Le mécanisme physiopatholo-gique n’est pas encore élucidé,mais il a étémontré dans lemodèle murin de la thalassémie bêta une diminution de latranscription de l’orthologue du gène ABCC6. Il pourraitdonc s’agir de PXE par déficit fonctionnel du transporteur.PXE génétique variant Ces formes exceptionnelles ont

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87-12 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

� PXE pseudoxanthome élastique · SED syndrome d’Ehlers-Danlos · TP taux de prothrombine

été à l’origine de progrès physiopathologiques substantielspour la compréhension du PXE « classique ».PXE cutané sévère avec déficit en facteurs de coagulation dé-pendants de la vitamine K Cinq patients ont été décritsqui présentaient l’association d’un PXE cutané très sévère(avec élastorrhexie histologique), stries angioïdes non com-pliquées, TP spontanément bas avec déficit en facteurs decoagulation dépendants de la vitamine K (et parfois dessaignements viscéraux graves) et absence de mutations re-trouvées dans le gène ABCC6. Une étude du type « gènecandidat » a permis d’associer ce phénotype à des muta-tions du gène GGCX qui code une carboxylase ⁶². Cette en-zyme active, en présence de vitamine K, des glycoprotéinestelles que les facteurs de coagulation II, VII, IX et X (dansle foie) et des molécules inhibitrices de la minéralisation(matrix gla protein, ostéocalcine, etc. dans les tissus péri-phériques). Il a été démontré très récemment que c’est ledéficit de carboxylation des inhibiteurs de minéralisation,par défaut enzymatique (dans le PXE variant) ou par dé-faut de vitamine K (dans le PXE classique) qui explique laminéralisation pathologique dans ces deux affections trèsproches ⁶⁴.

Dysplasies héréditaires des fibres collagènes

Syndromes d’Ehlers-Danlos

Ce groupe de maladies héréditaires du tissu conjonctif, hé-térogène sur le plan phénotypique et génétique, est carac-térisé par une hyperélasticité cutanée, une hyperlaxité arti-culaire et une fragilité tissulaire dont le degré et le groupe-ment sont très variables. Les syndromes d’Ehlers-Danlos(SED) sont liés à des mutations géniques entraînant desanomalies du collagène. On individualise six types princi-paux de SED ⁶⁵, les mutations géniques et le défaut molécu-laire qui en résultent étant identifiés pour la plupart d’entreeux (tableau 87.4). Les complications vasculaires graves aucours des SED sont presque exclusivement l’apanage de laforme vasculaire.

Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire

Le SED vasculaire (ancien type IV) se distingue des autresformes cliniques de SED par la sévérité des atteintes vas-culaires, digestives et obstétricales, un morphotype acro-gérique inconstant et une hyperlaxité cutanée et articu-laire modérée. Il représente 4 à 10% des SED et sa préva-lence est estimée à 1/150 000 (prévalence globale des SEDcomprise entre 1/10 000 et 1/25 000). Toutefois, le diag-nostic est particulièrement difficile à établir du fait d’unevariabilité phénotypique importante, y compris entre su-jets atteints d’une même famille et il est fréquent que lesenquêtes familiales et les tests génétiques révèlent la pré-sence de patients paucisymptomatiques avec des manifes-tations subcliniques, porteurs d’une mutation non ambi-guë ⁶⁶. Sa transmission est autosomique dominante et il estlié à des mutations du gène COL3A1 qui code pour la chaînepro-α(1) du collagène de type III. Le collagène de type IIIest un constituant essentiel de la paroi des vaisseaux, dela peau, du tractus gastro-intestinal et de l’utérus, et son

déficit quantitatif ou qualitatif au cours du SED vasculairerend compte des complications secondaires à la fragilitédes vaisseaux et des tissus atteints ⁶⁶.Deux formes cliniques sont individualisées : acrogériqueet ecchymotique (non acrogérique). Au cours de la formeacrogérique, le visage a un aspect caractéristique confé-rant un aspect sérieux et fragile : nez étroit et pincé, lèvresminces, peu ourlées et horizontales, joues creuses et pom-mettes saillantes hautes, lobules des oreilles hypoplasiqueset yeux «proéminents », globuleux et enfoncés par atrophiedu tissu graisseux péri-orbitaire. La peau est fine, laissantapercevoir le réseau veineux, en particulier au décolleté etsur l’abdomen (fig. 87.8). La flexion en avant du tronc laisseapparaître la circulation veineuse du dos ⁶⁷. Les mains et lespieds ont un aspect prématurément vieilli (acrogéria), avecune peau très fine, sèche et flétrie, une disparition du tissuadipeux, laissant les tendons et les veines anormalementvisibles (fig. 87.9). La fragilité cutanée (dermatorrhexie) setraduit par de nombreuses cicatrices dans les zones expo-sées aux traumatismes, genoux, face antérieure des jambes,coudes, front. Ces cicatrices sont de mauvaise qualité, d’as-pect fripé, très atrophiques comme du papier de cigarette(fig. 87.10). La fragilité devient évidente dès l’acquisition dela marche. La peau se déchire largement, même pour unchoc minime, en particulier chez l’enfant au cours des jeuxet du sport.Malgré des sutures soigneuses, les cicatricesont tendance à s’élargir secondairement. Des ecchymosesmultiples et parfois importantes sont fréquentes et sur-viennent dans les suites de traumatismes minimes ou par-fois spontanément, en l’absence d’anomalie de l’hémostase.Elles ne doivent pas faire porter à tort le diagnostic de sé-vices corporels à l’âge pédiatrique (fig. 87.11). Elles peuventêtre à l’origine de macules pigmentées cicatricielles par dé-pôts d’hémosidérine. Les signes d’hyperlaxité cutanée (àrechercher sur la face antérieure de l’avant-bras) et arti-culaires communs aux formes classiques ou hypermobilesdes SED, en particulier, sont généralement minimes ou ab-sents. L’hyperlaxité articulaire est discrète et prédominesur les petites articulations, en particulier en extensionaux articulations métacarpophalangiennes des doigts. Desentorses et/ou luxations à répétition des épaules, rotuleset chevilles peuvent cependant être au premier plan. L’ab-sence de frein labial inférieur ou lingual (fig. 87.12) est fré-quente (65% dans une série de 20 patients), mais est égale-ment notée au cours des formes classique et hypermobilede SED (83-100% suivant les séries) ⁶⁶,⁶⁸.La fragilité et la rupture tissulaire constituent parfois lesigne de découverte de la maladie, dans le cadre de l’urgence.Elles surviennent en moyenne au cours de la troisièmedécennie, la première complication étant artérielle (prèsd’1 cas sur 2), intestinale (perforation dans près de 20%)ou par rupture d’organe plein (rein, foie ou rate) (5%) ⁶⁶.Les complications artérielles chez un sujet jeune peuventse révéler par un tableau d’hémorragie dans les cavités sé-reuses, de fistule artérioveineuse, d’hémorragie rétropérito-néale. Ailleurs, on retrouve dans les antécédents la notionde rupture d’une artère de moyen calibre, dont témoignentdes cicatrices chirurgicales parfois multiples. La rupture

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Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-13

Tableau 87.4 Principales caractéristiques des syndromes d’Ehlers-Danlos

Classification TransmissionMutation

gène/Produitbiochimique

Complicationscardiovasculaires

Critères diagnostiques majeurs Critères diagnostiques mineurs

SED typeclassique(anciens type Igravis et type IImitis)

AD COL5A1(9q34.2-34)COL5A2 (2q31)/Procollagènetype V

Prolapsus valvemitrale et/outricuspide, dilatationde la racine aortiqueRuptures artériellesrares Hématomesfaciles

Hyperextensibilité cutanéeCicatrices atrophiquesHyperlaxité ligamentairePeau douce, velvétique

Hématomes facilesPseudotumeurs molluscoïdesSouris hypodermiquesComplications de l’hyperlaxité articulaireHypotonie musculaireComplications chirurgicalesAntécédent familial

AR TNX-B (6p21.3)/Tenascine-X

Hématomes faciles Hyperextensibilité cutanéeHyperlaxité articulaireAbsence de cicatrice atrophique ou de retard decicatrisation

Peau douce et veloutéeComplications de l’hyperlaxité articulaire

SED typehypermobile(ancien type IIIhypermobile)

AD ?Haplo-insuffisance dela Tenascine-Xdans quelquescas

Hypotension,tachycardie posturaleorthostatique,dilatation de la racineaortique (un quartdes cas)Hématomes faciles

Hypermobilité articulaireScore Beighton > 5Plus marquée chez l’enfant et la femme,diminuant avec l’âgeHaplo-insuffisance de la Tenascine-X :hypermobilité articulaire, peau douce, mais pasd’hyperextensibilité cutanée ni d’hématomesPeau douce et veloutée avec hyperextensibilitémodérée ou absente. Pas de fragilité cutanée,peu ou pas de cicatrices atrophiques

Antécédents familiaux comparables, compatiblesavec transmission ADLuxations et subluxations articulaires à répétitionDouleurs chroniques des articulations et desmembresOstéoarthrite, ostéoporosePapules piézogéniquesTroubles fonctionnels digestifs (gastrite, colite)Palais haut et étroit, chevauchement dentaire,dysfonction temporomandibulaireRupture prématurée des membranes, délivrancerapide, hyperlaxité articulaire et douleursmajorées pendant la grossesse

SED typevasculaire(ancien type IV)

AD COL3A1(2q24.3-q31)/Procollagènetype III

Fistule artérioveineusecarotidocaverneuseFragilité ou ruptureartérielleEcchymoses extensives

Morphotype facial caractéristiquePeau fine, translucideEcchymoses extensivesFragilité ou rupture artérielle, digestive ouutérine

AcrogeriaHyperlaxité des petites articulationsLuxation congénitale de hancheRupture musculaire ou tendineusePied bot en varus équinVarices précocesFistule artérioveineuse carotidocaverneusePneumothorax ou pneumohémothoraxRétraction gingivaleHistoire familiale évocatrice, mort subiteinexpliquée chez des parents proches

SEDcyphoscoliotique(ancien type VI)

AR PLOD1(1p36.3-p36.2)/Lysylhydroxylase

Hématomes facilesRupture artériellemenaçant la vieProlapsus de la valvemitraleDilatation de la racineaortique

Hyperlaxité articulaire généraliséeHypotonie musculaire (retard acquisition marche,perte de la déambulation dans la 2e ou 3e

décade)Cyphoscoliose (présente à la naissance ets’aggravant ensuite)Fragilité de la sclère et rupture du globe oculaire(rare)

Peau hyperélastiqueFragilité tissulaire, cicatrices atrophiquesHabitus marfanoïdeMicrocornée, myopie grave, glaucome etdécollement rétinienOstéoporose diffuse marquéeHistoire familiale avec d’autres cas dans la fratrie

SEDarthrochalasique(ancienstypes VIIa etVIIb)

AD COL1A1 etCOL1A2/Procollagènetype I

Hématomes faciles Hypermobilité articulaire généralisée sévèreSubluxations et luxations récidivantesLuxation congénitale de hancheHyperextensibilité cutanéeFragilité tissulaire, cicatrices atrophiques

Hématomes facilesHypotonie musculaireCyphoscolioseOstéoporose modérée

SED typedermatosparaxis(ancien type VIIC)

AR ADAMTS2/Procollagène-N-protéinase

Hématomes faciles Fragilité cutanée extrêmePeau relâchée et redondante (ressemble à unecutis laxa)Hématomes facilesRetard de croissance, pieds et mains courtsHernies importantes (ombilicale, inguinale)Retard de fermeture des fontanelles

Peau douce, pâteuseRupture précoce des membranesCicatrices en papier à cigaretteHypermobilité articulaire généralisée progressiveAugmentation des plis palmairesRupture vésicaleRupture diaphragmatique

Autres types de SED

Ancien type V R liée à l’X ? Fragilité tissulaireScolioseHistoire familiale

Ancien type VIII(autonomiediscutée)

AD ? Mêmes signes que SED classique + friabilitépériodontaleChute des dents avant 30 ans

Ancien type X AR ? Déficit enfibronectine

Hypermobilité articulaireCicatrisation difficileDéfaut de l’agrégation plaquettaire

AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive ; R : récessive

aortique est mortelle en quelques minutes. Cet accidentdramatique est parfois retrouvé dans les antécédents fa-miliaux chez des adolescents ou des adultes jeunes. Un

accident neurologique brutal peut évoquer aussi la ruptured’un anévrisme cérébral, ou une dissection des artères verté-brales ou carotides. Les fistules carotido-caverneuses sont

Page 14: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

87-14 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

� SED syndrome d’Ehlers-Danlos

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.8 Visualisation des veines sous-cutanées du dos lors de la

flexion en avant du tronc au cours du syndrome d’Ehlers-Danlos

responsables d’une symptomatologie moins aiguë avec cé-phalées, exophtalmie pulsatile, thrill ⁶⁹. Rares chez l’enfantavant 10 ans, ces ruptures artérielles surviennent dans25% des cas avant 20 ans et dans 80% avant 40 ans. Lamédiane de durée de vie est de 48 ans ⁷⁰. Les varices d’appa-rition précoces sont également fréquentes. Il existe aussiune fragilité des parois abdominales avec souvent herniesinguinales ou ombilicales. Les parois du tube digestif sontfragiles, entraînantméga-œsophage,mégaduodénum, di-verticulose étendue.Mais il faut penser à la rupture diges-tive, du côlon et du sigmoïde surtout, devant un tableauabdominal aigu dramatique. Là encore, il peut exister unantécédent similaire auquel le patient a survécu malgré lagravité de cet accident. Chez l’enfant de sexe masculin, il ya parfois une diminution de la force du jet urinaire qui doitfaire rechercher un ou des diverticules géants de la vessiepouvant entraîner par leur volume une compression uré-trale. Au niveau pulmonaire, la fragilité tissulaire peut semanifester par un pneumothorax ou un pneumomédiastinparfois une trachéobronchomalacie responsable d’apnéesdu sommeil ⁶⁶.La biopsie cutanée est souvent peu démonstrative en micro-scopie optique mais permet d’objectiver l’amincissementdu derme, avec hypoplasie du collagène dont les faisceauxhorizontalisés et grêles manquent de cohésion, et unebéance des vaisseaux. La microscopie électronique de labiopsie cutanée apporte de façon inconstante des résultatsplus précis, mais sa réalisation en France n’est pas faiteen routine. L’hypoplasie du collagène est manifeste avecdes fibrilles très raréfiées, de calibre diminué,mal assem-blées au sein des faisceaux collagènes, d’aspect ébouriffé.

Coll.

Pr.A

.Taï

eb,B

orde

aux

Fig. 87.9 Acrogéria avec visualisation anormale des tendons et

de la circulation veineuse du dos de la main au cours d’un syndrome

d’Ehlers-Danlos vasculaire

Par rapport à l’hypoplasie du collagène, il peut exister uneaugmentation relative des fibres élastiques normales ou ef-filochées avec réapparition de la structure microfibrillaire.La substance fondamentale est abondante.Mais surtout,les fibroblastes ont parfois un réticulum endoplasmiquetrès dilaté, témoignant d’un défaut de sécrétion du procolla-gène III, cette rétention fibroblastique étant rencontrée sur-tout dans les SED vasculaires acrogériques. Elle peut aussiêtre mise en évidence en microscopie optique par immu-nofluorescence ⁷¹. Dans les parois vasculaires, on retrouveaussi une raréfaction et une diminution impressionnantedu calibre des fibrilles collagènes, expliquant la fragilité etles ruptures vasculaires ⁷².L’étude du défaut biochimique précis en laboratoire haute-ment spécialisé, compte tenu de la très haute technicitéet des moyens nécessaires, est régulièrement citée en mé-thode de référence pour le diagnostic ⁶⁶. Elle nécessite unprélèvement cutané pour disposer d’une culture de fibro-blastes et rechercher une anomalie quantitative de la sé-crétion du collagène III et, en l’absence de diminution, la

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.10 Cicatrices fripées, atrophiques et larges des genoux au cours

d’un syndrome d’Ehlers-Danlos

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Dysplasies héréditaires des fibres collagènes 87-15

� IRM imagerie par résonance magnétique · SED syndrome d’Ehlers-Danlos

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.11 Multiples plaies, cicactrices et hématomes cutanés au cours

d’un syndrome d’Ehlers-Danlos de type classique pouvant faire porter le

diagnostic de sévices corporels

recherche d’une anomalie qualitative de la migration élec-trophorétique des pro-chaînes. La recherche de mutationsgéniques pathogènes non ambiguë du gène COL3A1 paranalyse de l’ARN permet un diagnostic de certitude maisreste négative chez 40% des patients présentant un profilanormal du collagène de type III sur l’électrophorèse. Undiagnostic prénatal est théoriquement possible pour lesfamilles dont la mutation est caractérisée.Le bilan général comprend l’étude des portions distalesdes artères des membres et des troncs supra-aortiques paréchographie Doppler, des valvules cardiaques par échogra-phie et de l’aorte thoracoabdominale et de ses branches àdestinée viscérale par angiotomodensitométrie ⁶⁶. Il fauts’abstenir de toute exploration invasive qui peut menerà des déchirures artérielles extensives. Les autres inves-tigations, notamment radiologiques, sont demandées enfonction des signes d’appel cliniques.Prise en charge des patients ⁶⁶ Les patients doivent bé-néficier de mesures préventives ou curatives des signes etdes complications de leurmaladie. Pour prévenir les com-plications liées à la fragilité tissulaire, les traumatismessont à éviter (jeux et sports violents) ainsi que la plongéesous-marine en raison du risque de pneumothorax. Lescicatrices inesthétiques peuvent être reprises chirurgicale-ment, avec une amélioration appréciable si les sutures sonttrès soigneuses. Elles doivent l’être aussi pour un trauma-tisme récent où toute plaie doit être suturée. Sur le planarticulaire, les luxations se réduisent en général facilement.

Coll.

D.Be

ssis

Fig. 87.12 Absence de frein lingual au cours d’un syndrome

d’Ehlers-Danlos de type classique

Une kinésithérapie adaptée pourrait, en développant lesmuscles de l’épaule, éviter les récidives. Les interventionsorthopédiques sont possibles,mais la fragilité des tissusfavorise les récidives.Les ruptures artérielles peuvent se produire sur n’importequelle artère, sans que cela soit prévisible car ces déchi-rures artérielles ne sont habituellement pas précédéesd’anévrisme, ni de dilatation de la racine aortique. Unesurveillance vasculaire a donc un intérêt discutable. Si onsouhaite la faire, il faut en tout cas qu’elle soit atrauma-tique, en proscrivant les artériographies par ponction arté-rielle, susceptibles d’occasionner des déchirures artériellesgraves. L’angiographie veineuse par soustraction, le scan-ner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sansinjection, l’échographie doivent être préférées. Les traite-ments préventifs, en dehors de la réduction d’une hyper-tension artérielle qui pourrait favoriser ces ruptures, n’ontpas fait la preuve de leur efficacité. Les bêtabloquants sonten cours d’évaluation sur la morbimortalité (céliprolol dansl’étude BBEST [Beta-blocker Ehlers-Danlos study]). Les rup-tures artérielles et digestives sont des urgences vitales. Ilest souhaitable que le sujet chez qui un SED vasculaire aété diagnostiqué porte une carte le mentionnant car la chi-rurgie est alors délicate et il importe que le chirurgien lesache pour être le plus atraumatique possible. Les rupturesdigestives sont volontiers récidivantes et certains sont al-lés jusqu’à préconiser une colectomie partielle ou mêmetotale prophylactique.Conseil génétique C’est surtout chez l’adulte jeune enâge de procréer qu’il est sollicité et le patient doit être trèsbien informé des risques de sa maladie et du mode de trans-mission de type autosomique dominant. Chez les femmes,toute grossesse est contre-indiquée. Si la grossesse survienttout de même ou si l’anomalie génique a déjà été identi-fiée dans la famille, la sévérité des risques peut justifierun diagnostic prénatal, sur les cellules fœtales obtenuespar amniocentèse (à 15 à 18 semaines de gestation) ou vil-losités choriales (10-12 semaines). L’amniocentèse n’estcependant pas sans risque chez la femme enceinte atteintede SED vasculaire.

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87-16 Dysplasies héréditaires du tissu conjonctif

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Références 87-17

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