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François Ollandini Le touriste Le touriste, , le tourisme, la Corse Le manifeste manifeste touristique

Manifeste Touristique Ollandini

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François Ollandini écrit le manifeste du Tourisme Corse. Le touriste, le Tourisme et la Corse chez Albiana

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François Ollandini

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Le touristeLe touriste,, le tourisme,

la Corse

Trois livres en un ? Trois livres inachevés ? Trouvent-ils, en cet essai, leur dénouement ?

Le premier de ces « livres » est une méditation sur « le touriste », sur l’essence du touriste pourrait-on dire, ce qu’il est profondé-ment, en soi, dans son idée la plus simple, la plus claire, la plus distincte. Le touriste est un rêveur qui veut réaliser son rêve dans un lieu qu’il choisit ; et, parce qu’il le choisit, ce lieu devient pour lui un lieu d’élection, un paradis sur terre.

Le deuxième pose la question : la Corse est-elle ou non « un lieu touristique » qui accepte de prendre en compte le « rêve » du touriste ? De faire comme si elle était un paradis sur terre pour le touriste ? N’a-t-elle pas quelques diffi cultés à le faire ?

Le troisième est un itinéraire personnel. Pourquoi ces deux questions m’ont-elles agité tout au long de mon parcours professionnel ? Aujourd’hui, pour moi, le tourisme est bien fi ni, mais non la question sur le touriste et ce qui s’ensuit : le tourisme.

François Ollandini a codirigé en famille, durant de longues années, l’une des premières entreprises touristiques de Corse. Il se tourne ensuite vers le mécénat et réhabilite le Lazaret d’Ajaccio qu’il dédie aux arts et à la culture. Ce premier ouvrage, entre témoignage et essai, est le fruit de son expérience dans le domaine du tourisme.

12 €ISBN : 978-2-84698-367-9

Le manifestemanifeste touristique

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Sommaire

Introduction ....................................................................... 9

première partieLe touriste et le tourisme

La relation oubliéeLe rêve du touriste ............................................................. 13Le lieu du touriste ............................................................... 14L’utopie du touriste............................................................ 16Le touriste en son île .......................................................... 18Le touriste en son monde .................................................. 20L’individu-touriste .............................................................. 21Le monde réel ..................................................................... 22Le monde de l’artiste et du touriste .................................. 24Le jeu de l’artiste et du touriste......................................... 26Touriste et résidant ............................................................ 28Le professionnel du tourisme ............................................ 29Touriste et voyageur .......................................................... 32Touriste et tourisme ........................................................... 34Économie du tourisme ....................................................... 35Tourisme de masse ............................................................. 38Tourisme de qualité et tourisme de quantité ................... 40 « Racisme » antitouristique ............................................... 41

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Le manifeste touristique

deuxième partieLa Corse touristique

Une utopie à concrétiser ?La Corse .............................................................................. 45Le plan CTC 1993 ................................................................. 49Service dit public du transport .......................................... 58Politique des ports et aéroports de Corse ........................ 73Politique des routes en Corse ............................................ 76Politique de diversifi cation : encore faut-il la vouloir ! ..... 80Politique de qualité : il ne suffi t pas de s’en prévaloir ! .... 85Politique d’intégration : encore faut-il y croire ! ............... 87Politique des quatre « E » : d’autres l’ont fait ! ................. 89La ville des touristes : la plus grande de Corse .................. 96Politique d’étalement dans le temps ................................ 101Politique de concentration dans l’espace ......................... 103En Corse : étalement et concentration inversés ............... 107Une autre politique touristique ? ....................................... 109En Corse : trente ans de stagnation touristique ............... 114

troisième partieTrente ans de professionnalisme

TémoignerL’esprit d’entreprise ........................................................... 123En ces temps malheureux .................................................. 126Autres mésaventures ......................................................... 132Défense et illustration du tourisme ................................... 135Non au corporatisme patronal .......................................... 137L’intersyndicalisme ............................................................. 138La chambre de commerce ................................................. 142Délégué au tourisme pour Ajaccio .................................... 145La question du sens ............................................................ 154

Biographie succincte de François Ollandini ...................... 161

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Introduction

Trois livres en un ? Trois livres inachevés ? Trouvent-ils, en cet essai, leur dénouement ?

Le premier de ces « livres » est une méditation sur « le touriste », sur l’essence du touriste pourrait-on dire, ce qu’il est profon-dément, en soi, dans son idée la plus simple, la plus claire, la plus distincte. Le touriste est un rêveur qui veut réaliser son rêve dans un lieu qu’il choisit ; et, parce qu’il le choisit, ce lieu devient pour lui un lieu d’élection, un paradis sur terre.

Le deuxième pose la question : la Corse est-elle ou non « un lieu touristique » qui accepte de prendre en compte le « rêve » du touriste ? De faire comme si elle était un paradis sur terre pour le touriste ? N’a-t-elle pas quelques diffi cultés à le faire ?

Le troisième est un itinéraire personnel. Pourquoi ces deux questions m’ont-elles agité tout au long de mon parcours professionnel ? Aujourd’hui, pour moi, le tourisme est bien fi ni, mais non la question sur le touriste et ce qui s’ensuit : le tourisme.

Trois livres se sont imposés à moi, l’un après l’autre, en trois styles diff érents.

Le premier fait résonner les mots et leur cherche un sens. Il ne prouve pas, il énonce. Il prononce. Il est plein de

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Le manifeste touristique

correspondances. Le touriste est un artiste de lui-même. Il est en création de soi. Et le style suit pour le dire.

Le deuxième est un eff ort de démonstration. Avons-nous su concilier le vécu du résidant et le rêve du touriste ? Jusqu’à présent, peut-être pas. La longue-vue nécessaire sur le tourisme en Corse le prouve assez bien. Question de mentalité ? Mais la mentalité, ça se crée, ça s’invente, et c’est le travail des élus.

Le troisième « livre » est autobiographique. La question du sens m’a toujours accompagné et m’accompagne encore. Des centaines et des centaines de milliers de touristes me fi rent confi ance en tant que gérant du groupe Ollandini. Quel sens cela avait-il pour moi de recevoir professionnellement pendant plus de trente ans tous ces touristes, alors qu’il dépendait aussi de moi que le rêve passe, pour chacun d’eux ?

Un essai de réponse par ce livre, en ses trois parties.

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première partie

Le touriste et le tourismeLa relation oubliée

« La valeur des vacances, c’est la vacance des valeurs. »(Edgard Morin, L’Esprit du temps, Grasset, 1975)

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Le rêve du touristeFuir

Quitter le quotidien. Ses habitudes, ses usages, ses obligations. Ce nécessaire qui n’a plus rien de nécessaire. Que l’on fait parce qu’on le fait. Parce qu’il faut le faire. Quitter cet ici, ce mainte-nant. Cette ville d’acier et de verre, voulue par l’homme et, par lui, rendue inhumaine. Pesante, oppressante, mourante.

Rompre avec cette vie désarticulée, désaimée. Rompre enfin, rompre. Larguer les amarres ! Lever l’ancre ! Partir. Ailleurs et autrement. N’importe où, n’importe quand, n’im-porte comment. Partir pour un autre monde, dans un monde autre.

Un tout autre monde. Pays de cocagne. Pays de merveilles. Abondance, lait, miel, douceur. Un monde à moi. Où je ne fais qu’un avec lui. Où je suis monde. Où je suis le monde. Un autre espace. Un autre temps. Oui, un autre espace-temps.

Ne plus vivre dans cet espace confi né, renfermé. Monotone, atone. Cet espace répétitif, fastidieux. Il m’enserre et m’empri-sonne, lié, ligoté. Un autre espace qui abolit tout autre espace. Qui est à lui seul tout l’espace. Avec lequel je me confonds. Où mon corps prend la dimension même de l’espace. Où je me fais espace. Où je suis espace. Un espace illimité. Un ici continuel.

Ne plus vivre dans ce temps qui s’accumule, qui s’empile, qui m’étouff e et ne me laisse pas de temps. Qui mange tout

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Le manifeste touristique

mon temps. Il est grand temps de rompre avec le temps. Un autre temps. Un temps oublieux du temps. Un temps fantôme, qui prend tout son temps. Qui arrête le temps. Un temps présent, à jamais présent. À tout jamais. Un temps d’éternité. Un perpétuel aujourd’hui.

Naître à une autre vie. Renaître. Non pas changer la vie, mais changer de vie. Revivre. Non pas changer le monde, mais changer de monde. Non pas le transformer, mais se trans-former. Me transformer, moi et les miens, moi et ceux auxquels je tiens.

Fuir donc, m’enfuir. Nous enfuir. Par le départ. Par la rupture du départ. Donner vacance au quotidien, à l’habituel, à l’ordinaire. Se mettre en partance pour le lointain, l’inhabituel, l’extraordinaire. La vacance par la mouvance.

Le lieu du touristeÉden retrouvé

Le voyage est d’abord l’idée que je m’en fais. Idée absolue, idée d’absolu. C’est un rêve. Celui du touriste. De chacun des touristes. Celui que je fais lorsque je me fais touriste. Celui de l’individu-touriste. Et ce rêve est à réaliser, à concrétiser. Dans un lieu.

À la fois idéel et réel, immatériel et matériel, mental et physique, de rêve et de concrétion. Une idée de pratique en même temps qu’une pratique réelle. Un désir d’être en même temps qu’un désir d’exister.

Le lieu touristique est à la fois non-étant et étant, non-existant et existant. Une destination rêvée avant que d’être atteinte, qui doit être atteinte pour que le rêve se réalise. Un lieu

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d’imagination, de volonté mais aussi de matérialisation. Cherchant et trouvant sa matière dans l’idéel, en même temps que recherchant et retrouvant sa matière dans le réel. C’est une utopie, mais une utopie qui cherche à se concrétiser, qui, par le départ, se concrétise. C’est bien une « utopie concrète ».

Le touriste y est roi. L’individu-touriste y règne. Il est roi en son île, comme Robinson. Comme Phileas, il est maître de ses rencontres. Il est au centre, et centre de tout. Son monde est le monde, il est le centre du monde. Il vit comme il est bon de vivre, ne faisant qu’un avec soi, avec les autres, avec les choses, avec le monde. Dans un « savoir aimant » de tous et de tout.

Son espace est tout l’espace, son temps toujours au présent. Sans rupture, sans distance, sans réfl exibilité. À l’état brut dans un monde brut. À l’état sauvage dans un monde sauvage. Nature dans la nature. Instinctif dans un monde instinctive-ment à son service. Animal, comme l’homme avant la chute, comme l’homme avant la pomme, comme l’homme avant la conscience. Comme l’homme dans l’enfance. Heureux. Idyllique, édénique. Fait pour la joie naturelle de vivre ; et lui, vivant cette joie, simplement, totalement, intensément, naturellement.

Car telle est véritablement sa nature naturante. C’est pour cela qu’il est venu au monde. C’est pour cela qu’il fait partie de ce monde. Plus encore, c’est pour cela qu’il est le monde, insépa-rable de lui. Il est le tout du monde, consubstantiel à lui.

Dans le merveilleux du monde, il jouit de sa vie. Dans le moel-leux du monde, sa vie lui sourit. Dans le duveteux du monde, sa vie et la vie du monde ne font qu’un. Il n’y a pas de meilleur monde possible. Il n’y a pas à le chercher. Il n’y a pas à le trouver. Il n’y a pas à le prouver. Il n’y a même pas à l’espérer. Il est à vivre. Il est. Aucun doute n’est possible. C’est une donnée fondamentale. Un vécu primordial. Une certitude

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hyperbolique. C’est bien dans le meilleur des mondes qu’il lui est donné de vivre. Un monde sans contrainte, sans obligation, sans nécessité autre que celle d’être là, heureux d’être là. Un lieu touristique est un lieu de bonheur où le temps accueille l’éternité et où l’espace s’ouvre à l’illimité.

Le lieu du touriste est bien d’abord une idée de lieu, un esprit du lieu, une atmosphère, un air, une couleur, une odeur, une rencontre, un rendez-vous. Un rendez-vous à ne pas manquer. Il faut que le rêve passe et jamais ne se casse. Au réel donc de se débrouiller. Au réel de devenir idéel. Il doit mériter l’idée que le touriste se fait de lui.

À chacun ses marques ! Prêt pour le rêve de l’autre !

L’utopie du touristeNe plus s’étonner de notre joie de vivre

Entrer en tourisme, c’est donc entrer en utopie. L’utopie est au fond de chacun. Elle y réside. Elle est le fond même de l’imagi-naire de chacun. Tapie, toujours là, inépuisable, en attente de réalisation, et par eff raction, par sublimité, explosive, dévo-rante, toujours épanouissante. Elle est le refus, non raisonné et non motivé, du monde tel qu’il est.

Elle invente le réel. Elle le réinvente. Elle le façonne à sa guise. Elle dessine une nouvelle réalité. Elle récrit la vie. Elle est une alternative à la vie ici et maintenant pour un ailleurs et autrement.

Mais qu’est-ce à dire ? Qu’est-il donc, ce monde que refuse l’utopie ? N’est-ce pas le monde de la fi nitude ? Je ne sais d’où je viens. Je ne sais où je vais. Je ne sais qui je suis. Je meurs je ne sais quand. Ainsi loti, pourquoi donc serais-je heureux ? Or je le

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suis. Et ce bonheur, n’est-ce pas déjà le monde de la plénitude ? Mais pourquoi, alors, avoir à m’étonner de l’être ? Pourquoi ne pas l’être simplement et pleinement et défi nitivement ? Non plus m’étonner d’être heureux, mais l’être naturellement.

C’est à cet étonnement de chacun, toujours présent, toujours questionnant, et pour qu’il cesse de l’être, que répond l’utopie touristique. Pour qu’il m’habite dans la sérénité, sans autre questionnement que d’en jouir, sans attendre d’autre réponse que de l’accueillir, naturellement, comme s’il allait de soi, comme s’il n’allait jamais fi nir d’être là, immobile, lumineux, apaisé, enfi n apaisé. Pour qu’il s’installe ainsi et s’enracine en moi et en chacun de nous, dure et perdure. Pour qu’il cesse de nous étonner, et qu’il devienne un bonheur continué, serein, paisible, sans aucune autre forme d’étonnement, puisqu’il a enfi n trouvé sa réponse, défi nitivement, dans l’utopie elle-même.

L’utopie politique, utopie collective, vise à changer le monde et échoue nécessairement, parce que le monde réel ne change pas et se rappelle toujours à ceux qui le nient. L’utopie touristique, utopie individuelle, ne vise pas à changer le monde, mais, par l’imaginaire de chacun, à changer de monde, à s’installer dans le monde réel comme si ce monde était subitement autre. Le même mais autre. Par la volonté du regard aimant que je lui porte. Par cette manière de regarder, de sentir et de ressentir autrement le monde, comme amoureusement, comme s’il était fait de moi, pour moi, par moi. Par cette autre manière que porte en lui ce touriste que je suis si je le veux, et que chacun de nous peut décider d’être s’il le décide. Mais cette autre manière de vivre, de revivre, a besoin de l’autre, des autres, des choses et du monde, pour que le touriste lui-même devienne autre en réalisant son rêve.

C’est donc une véritable révolution que l’utopie touristique opère dans le monde. Une révolution anticopernicienne puisqu’elle met le touriste au centre du monde, et que le monde

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tourne autour de lui. Puisqu’elle fait du touriste le maître du monde, et le monde lui obéit. Le monde réel perd toute sa dureté, toute son altérité indiff érente, toute sa monstruosité égoïste, pour devenir le seul jouet d’un rêveur amoureux d’un monde qui le lui rend bien.

Et cette révolution pacifi que n’engage que le touriste lui-même. Armé de son seul regard, tous ses sens aux aguets, sans autre troupe que lui-même et les siens, individualiste dans l’âme, sans autre ambition que de rêver qu’il est ami de lui-même et des autres et du monde. C’est ainsi qu’il se présente et demande service. À l’autre de lui donner réponse, et faire que ce monde soit. Le rendre réel pour irréel qu’il soit.

Le touriste en son îleRobinson

Tout touriste est Robinson en son île. Son île est son bien. Son île est l’île au trésor. Et son bien le plus précieux, dans son île, son trésor, c’est lui-même et les siens. À lui d’en jouir, et de s’en réjouir.

Se trouver, se retrouver. Se construire, se reconstruire. Se structurer, se restructurer. Se sculpter, se resculpter. Vivre, revivre. Présentement, sans représentation. Homme mais hors les hommes. Homme avant l’homme, avant la conscience de l’homme. Homme primordial, premier, primitif. Homme-nature. Homme-singe. Homme-dieu. Homme de l’Éden. Nature et culture ne faisant qu’un. Naturalisme et animisme. La nécessité, la contrainte, l’obligation, la violence, peut-être, mais sans la conscience, sans le tragique, sans la mort que chacun pourtant sait.

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En tout, parfait. Non plus la dualité de l’être et de l’existence, mais leur unité. Uni dans la dualité même. Être là, dans sa densité, comme toutes les choses sont, dans l’inconscience d’être. Exister là, dans sa singularité, comme toutes les choses existent, dans l’inconscience d’exister. Être et exister à la fois, consubstantiellement. Être son existence même. Exister de son être même. Être là, exister là, dans le profond de cette île.

Y faire souche. S’enfoncer dans la gaieté d’un instant qui n’en fi nit pas. S’y incruster. S’immobiliser. Crustacé en son île, tout au long d’un jour qui n’en fi nit pas de fi nir, tout au long d’une nuit qui n’en fi nit pas de luire.

Seul avec lui-même, avec lui seul. Lové en lui-même. Recroque-villé. C’est bien cette île qu’il a choisie. C’est bien cette île qui l’a choisi. À nulle autre pareille. Elle seule désirée et désirante. Lui seul désiré et désirant. Elle seule promise et épousée. Lui seul promis et épousé. En cette île, et seul en cette île avec les siens. Ne rien faire. Rien. Ne rien faire, c’est se faire. Se refaire. Le droit à la paresse. L’hymne à la paresse. Heureux dans sa solitude. Semblable à lui-même, exemplaire, non reproductible, unique, c’est-à-dire « idiot » selon l’étymologie grecque.

Bronzer idiot, nager idiot, skier idiot. Vivre idiotement, avec les siens, dans cette île. L’art de l’« idiotie » est bien cet art de faire coïncider son désir avec le réel. De vivre le réel selon son désir. De vivre selon le principe du plaisir. Sans distance avec le réel.

Pour le servir, pour les servir, lui et les siens, Vendredi à ses côtés, mécanicien invisible et effi cace, maniant les fi ls de la toile immense de son bonheur. Pour que tout paraisse naturel, allant de soi. L’autre à son service. Les autres à son service. Les choses à son service. Le monde aussi. Y séjourner. Devenir enfi n ce qu’il est : un séjournant. Un touriste en séjour. Un touriste de la stratifi cation. Un touriste de la sédimentation.

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Le touriste en son mondePhileas

Tout touriste est Phileas en son monde. Le monde est son monde. Ce monde est le sien. Et son bien le plus précieux, dans ce monde, le trésor qu’il y poursuit, c’est lui-même et les siens. À lui d’en jouir, et de s’en réjouir.

Passant d’île en île, de ville en ville, de trésor en trésor, d’aven-ture en aventure. Parcourant le monde, le visitant. Toujours allant, jamais ne s’arrêtant. Épanoui, réjoui, épandu, répandu. Multiple, divers. Heureux dans sa multitude. Se trouvant et se retrouvant, étape après étape. Se construisant et se reconstrui-sant, rencontre après rencontre. Se structurant et se restruc-turant, détour après détour. Se sculptant et se resculptant, jour après jour. Ignorant, jamais savant. Étonné, jamais assuré. Toujours ravi, toujours comblé. Questionnant, observant, faisant. Faire et tout faire. Tout faire, c’est se faire. Se refaire. Le droit à l’exubérance. L’hymne à l’exubérance.

Et pourtant et toujours seul parmi tous, seul avec tous, en chaque lieu, en tous lieux. Lui et les siens. Seul parmi les autres, avec les autres, avec tous les autres. Seul, mais fait de la diversité du monde et riche de cette diversité. Arlequin, bariolé, mélangé, métissé, métèque. Lui aussi semblable à lui-même, exemplaire, non reproductible, unique, c’est-à-dire « idiot ».

Passe-partout à ses côtés, pour le servir, pour les servir, lui et les siens. Lui faciliter, leur faciliter la mécanique du monde. S’occuper de tout, partout. Que le monde soit, pour lui, une immense machine dont tous les moteurs sont à la fois puissants et performants, une immense mécanique dont les mécani-ciens sont à la fois disponibles et invisibles, une immense toile tissée des fi ls du bonheur et qu’il parcourt sans diffi culté. Que le monde et les choses et les autres lui soient transparents.

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Qu’ils se donnent pour essentiels dans le temps et le lieu choisis, effi caces, convaincants, concourant à son bonheur. Et, en ce monde, devenir enfin ce qu’il est : un circulant. Un touriste en circuit. Un touriste en expédition. Un touriste de la circulation.

L’individu-touristeLa sculpture de soi

En son île ou à travers le monde, le touriste est ramené à lui-même, centré sur lui-même. Il s’agit de lui, c’est avec lui qu’il a aff aire. Il est sa propre aff aire et sa seule aff aire. C’est lui qui fait. C’est lui qu’il fait. C’est lui qui se fait. Avec lui seul, et les siens. Qu’il s’intériorise ou qu’il s’extériorise, qu’il entre en lui-même ou qu’il en sorte, c’est un autre lui-même, en lui-même et pour lui-même, qu’il construit et sculpte, quoi qu’il fasse ou qu’il ne fasse rien.

Les autres, les choses et le monde ne sont que des faire-valoir au service de son individualité, à l’entier service de son individualité. Plus encore que des faire-valoir, des appuis précieux, des occasions d’enrichissement, des hasards struc-turants, des miracles de vie, des aides d’amour. Nécessaires, certes. Toujours nécessaires. Mais sans lui, insuffi sants, voire inutiles, insensés. Car c’est lui qui crée le sens. C’est lui qui donne sens. C’est de lui que surgit le sens. C’est lui qui est créateur du monde dont ils font partie, et, sans lui, ils ne seraient pas de ce monde. Ils ne seraient pas de son monde. Ils n’existeraient pas.

À travers le monde qu’il crée, l’individu-touriste est en sculpture seulement de lui-même, pour lui-même, en lui-même ou à travers les autres. « Il » est un moi, « il » est un autre, mais cet

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autre, aussi divers soit-il, c’est encore lui. Se concentrant sur lui-même ou se dispersant, c’est lui-même qu’il concentre ou lui-même qu’il disperse, en un moi trouvé et retrouvé dans cette concentration comme dans cette dispersion.

À chacun de se sculpter, de se donner forme, de se mettre en forme. Réduit à la fi ne fl eur qu’il découvre en lui-même, ou séduit par les mille fl eurs dont il se recouvre, c’est toujours dans l’intimité de lui-même qu’il puise ce sans quoi il ne serait pas, qu’il habite son île ou qu’il parcourt le monde. Il s’agit, pour lui touriste, par ces diff érentes épreuves, de fortifi er ce moi, de le tailler, de le sculpter, de l’ouvrager, d’en faire une œuvre qui l’assemble, le rassemble et lui ressemble. Il jette sur le monde son dévolu, pour en faire son monde. Le posséder et le faire sien. En faire une œuvre d’art, et, en le faisant, se faire œuvre d’art.

Il est ce Robinson. Il est ce Phileas. Tour à tour, quand il le veut, comme il le veut. Cela ne dépend que de lui. Il est un corps besognant d’imagination. Un corps d’imagination. Son imaginaire lui appartient. Il n’est pas en lui comme quelque chose qu’il possède. Comme un autre en lui-même. Il est lui. Il est son imaginaire. Il le constitue. Il l’individualise. Il le diff é-rencie. Il le fait à nul autre pareil, réel, bouleversant, solitaire, semblable à lui-même, exemplaire, non reproductible, unique, c’est-à-dire « idiot ».

Le monde réelÊtre ce qu’il est

Le monde est ce qu’il est, et rien de ce qui est ne peut pas ne pas être. Je suis de ce monde. Ignorant, entouré d’ignorants. Impuissant, entouré d’impuissants. Je suis là, insensé, pour y

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Biographie succincte de François Ollandini

09/09/1939 : Naissance à Ajaccio.

1962/1968 : Études universitaires : philosophie, sociologie, économie.

01/09/1971 : Gérant du groupe de transport et tourisme Ollandini.

31/03/1990 : Célébration du centenaire de l’entreprise.

18/06/1994 : Mariage avec Marie-Jeanne Santoli.

23/12/1996 : Achat du lazaret.

1998 : Don au musée de la Corse (à Corte) de 175 affi ches touristiques.

01/08/1999 : Résidence au lazaret.

2001 : Premières manifestations culturelles ouvertes au public au lazaret Ollandini.

2006 : Don au musée national de la Maison-Bonaparte de meubles, gravures et documents.

2007 : Don au palais Fesch de 50 œuvres de peintres corses.

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Le manifeste touristique

18/10/2008 : Inauguration du musée Marc-Petit au lazaret Ollandini.

2009 : Don au palais Fesch de 50 autres œuvres de peintres corses.

04/01/2010 : Nomination de François Ollandini au grade de commandeur de l’ordre des Arts et Lettres.

11/07/2010 : Monsieur Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, décore, au Lazaret, François Ollandini de l’insigne de commandeur de l’ordre des Arts et Lettres.

2010/2012 : Transformation de l’association actuelle en association reconnue d’utilité publique.

Plus tard : Création de son vivant, et au plus tard au jour de son décès, par décision testamentaire, de la « fondation François-Ollandini-musée Marc-Petit », ou legs avec charges envers une collectivité territoriale à défi nir.

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