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MANUEL PRATIQUE À L’USAGE DES AVOCATS ACTUALISATION JUIN 2014 LES MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES DANS LE CADRE D’UNE DEMANDE D’ASILE Avec le souen du Fonds Hope for Girls, géré par la Fondaon Roi Baudouin

MANUEL PRATIQUE À L’USAGE DES AVOCATS · • Résolution du Parlement européen du 14 juin 2012 sur ... , M.B. 27 janvier 2004 et modifiépar l’A.R. du 17 août 2013. 1.5 Autres

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  • MANUEL PRATIQUE À L’USAGE DES AVOCATSACTUALISATION JUIN 2014

    LES MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES DANS LE CADRE D’UNE

    DEMANDE D’ASILE

    Avec le soutien du Fonds Hope for Girls, géré par la Fondation

    Roi Baudouin

  • Introd

    uctio

    n

  • Les mutilations génitales féminines (MGF) constituent des

    violences liées au genre qui s’inscrivent dans un contexte

    discriminatoire à l’égard des femmes (tout comme d’autres

    violences liées au genre tels le mariage précoce, le mariage

    forcé, les violences liées à l’honneur,…). Elles sont considérées

    comme une persécution au sens de la Convention de Genève

    en raison de la gravité intrinsèque de cette pratique.

    Au vu des spécificités de cette thématique, ce manuel a pour

    objectif d’outiller les avocats dans le cadre d’une demande

    d’asile fondée sur la crainte de MGF ou lorsqu’une femme a

    été victime d’une excision. Outre les différents éléments de la

    définition du réfugié, ce manuel contient des aspects liés à la

    procédure (les questions de preuve, les contrôles du CGRA,

    etc.) ainsi que des conseils pratiques et des adresses utiles.

    Suite aux changements des textes juridiques et de l’évolu-

    tion de la pratique des instances d’asile en Belgique, il était

    nécessaire d’actualiser le manuel sur les mutilations génitales

    féminines réalisé en 2012.

    Ce manuel n’est pas exhaustif. Vous pouvez dès lors contac-

    ter l’asbl INTACT (par courriel ou par téléphone) pour vous

    soutenir dans vos analyses et recherches.Introd

    uctio

    nIntroduction

  • SommaireSo

    mm

    aire

    1. Textesutilesencasdedemanded’asilefondéesuruneviolencedegenre ....................................6

    1.1 Textes internationaux ............................................ 61.2 Textes européens ........................................................71.3 Instruments de l’agence des Nations‑Unies pour les réfugiés (UNHCR) ................................................................91.4 Textes belges ............................................................101.5 Autres outils .............................................................10

    2. Laprocédured’asile«enbref» ......................15

    2.1 Définition ..................................................................152.2 Le déroulement de la procédure ..............................16

    3. Lanotiondegenredanslecadredela ConventiondeGenève ........................................20

    3.1 Une violence de genre à prendre en considération dans l’examen de la demande de protection ....................223.2 Les MGF, une pratique discriminatoire .....................24

    4. Élémentsdeladéfinitionderéfugiéauregarddelanotiondegenre .........................................28

    4.1 La crainte avec raison ...............................................284.1.1 L’élément subjectif de la crainte ...............294.1.2 L’élément objectif de la crainte .................30

    4.2 La persécution ..........................................................334.2.1 Spécificités des MGF ................................354.2.2 Les motifs de la persécution .....................39

    4.3 L’absence de protection dans le pays ......................434.3.1 L’agent de persécution ..............................444.3.2 L’agent de protection ................................444.3.3 Une protection effective des autorités ? ..454.3.4 Alternative de fuite interne ......................50

  • 5. Établissementdesfaits....................................................... 52

    5.1 Charge de la preuve de la crainte fondée ..........................................545.2 Eléments utiles pour appuyer la demande .........................................635.3 Évaluation de la crédibilité dans le cadre d’une demande fondée sur le genre .....................................................................................77

    6. Lerisqued’uneré-excision ................................................. 87

    7. LesMGFdanslecadred’unedemandemultiple ................ 91

    7.1 Le concept de réfugié sur place ..........................................................927.2 Une crainte de MGF comme «nouvel élément» dans le cadre d’une seconde demande d’asile ............................................................................937.3 Une prise de conscience tardive .........................................................94

    8. Unedemandeintroduiteaunomdel’enfant .................... 95

    8.1 Protection d’une mineure non accompagnée (MENA) .......................978.2 Protection d’une mineure accompagnée par un parent ....................97

    9. Contrôlesaprèsreconnaissancedustatutderéfugié ....102

    9.1 La déclaration préalable sur l’honneur .............................................1029.2 Le contrôle médical annuel ..............................................................104

    10. Lerôledel’avocat ...........................................................106

    10.1 Veiller au respect des droits de sa cliente .......................................10810.2 Conseiller au mieux sa cliente .........................................................11110.3 Constituer un dossier solide .............................................................11410.4 Créer des ponts entre métiers et orienter sa cliente .......................115

    11. Quelquesadressesutiles ................................................117

    11.1 Associations spécifiques aux MGF en Belgique et à l’étranger ........11711.2 Quelques associations spécifiques au droit des étrangers ...............11811.3 Structures spécifiques aux questions de violences faites aux femmes .............................................................................................120

  • Cha

    pitr

    e 1

    Cha

    pit1

    e 1

    MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    6

    1.1 Textes internationaux (textes disponibles sur le site http://www2.ohchr.org)

    ◊ Convention internationale relative au statut de réfugié

    signéeàGenèvele28juillet1951,entréeenvigueurle22

    avril1954.

    ◊ Convention sur l’élimination de toutes les formes de

    discrimination à l’égard des femmes, (CEDAW), 18

    décembre1979,A/RES/34/180(articles2(f);5(a);12).

    ◊ Conventionrelativeauxdroitsde l’enfant,adoptée le20

    novembre 1989 par l’Assemblée générale des Nations-

    Unies(articles2;19;24;34;37et39).

    ◊ Résolution A/RES/67/146 de l’Assemblée Générale des

    1. Textes utiles en cas de demande d’asile fondée sur une violence de genre

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    7

    Nations-Unies sur l’intensification de l’action mondiale visant à

    éliminer les mutilations génitales féminines, 20 décembre 2012,

    disponibleenlignesurhttp://www.un.org(uniquementenanglais).

    ◊ Déclarationsurl’éliminationdelaviolenceàl’égarddesfemmes,

    Résolution48/104del’Assembléegénéraledu20décembre1993,

    disponible sur http://www.un.org/french/womenwatch/followup/

    beijing5/session/fiche4.html.

    1.2 Textes européens◊ Conseildel’Europe

    • Conventioneuropéennedesauvegardedesdroitsdel’homme

    et des libertés fondamentales adoptée le 4 novembre 1950,

    http://conventions.coe.int.

    • Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la

    lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence

    domestique, Istanbul, le 11 mai 2011 disponible sur

    http://www.conventions.coe.int.

    • Résolution1765(2010)del’AssembléeparlementaireduConseil

    de l’Europe sur les demandes d’asile liées au genre, octobre

    2010disponiblesurhttp://assembly.coe.int.

    ◊ Unioneuropéenne

    (textesdisponiblessurlesitehttp://eur-lex.europa.eu)

    • Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil

    du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux

    conditions que doivent remplir les ressortissants des pays

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    8

    tiersoulesapatridespourpouvoirbénéficierd’uneprotection

    internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les

    personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire,

    et au contenu de cette protection, J.O., 20 décembre 2011 –

    dénomméeci-aprèsla«Directivequalification».

    • Directive2013/32/UEduParlementeuropéenetduConseildu

    26juin2013relativeàdesprocédurescommunespourl’octroiet

    leretraitdelaprotectioninternationale(refontedeladirective

    ‘procédure’ 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005) -

    dénomméeci-aprèsla«Directiveprocédure».

    • Directive2013/33/UEduParlementeuropéenetduConseildu

    26juin2013établissantdesnormespourl’accueildespersonnes

    demandantlaprotectioninternationale(refontedela«directive

    accueil2003/9/CEduConseildu27janvier2003),J.O.,29juin

    2013,L180/96–dénomméeci-aprèsla«Directiveaccueil».

    • Résolution du Parlement européen du 24 mars 2009

    sur la lutte contre les mutilations sexuelles féminines

    pratiquées dans l’Union européenne (2008/2071 (INI))

    http://www.europarl.europa.eu.

    • Résolution du Parlement européen du 14 juin 2012 sur

    l’éliminationdelapratiquedelamutilationgénitaleféminine,

    (2012/2684(RSP)),http://www.europarl.europa.eu.

    • Résolution du Parlement européen du 6 février 2014 sur la

    communicationde laCommission intitulée«Vers l’éradication

    des mutilations génitales féminines» (2014/2511 (RSP))

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    9

    Communication de la Commission du 25 novembre 2013 :

    «Vers l’éradication des mutilations génitales féminines»

    (COM(2013)0833).

    1.3 Instruments de l’agence des Nations‑Unies pour les réfugiés (UNHCR)UNHCR,Principesdirecteurssurlaprotectioninternationalen°1:

    «Lapersécution liéeaugenredans lecadrede l’article1A (2)de la

    Conventionde1951et/ousonProtocolede1967relatifsaustatutdes

    réfugiés», 8 juillet 2008,HCR/GIP/02/01Rev.1, disponible en ligne :

    http://www.unhcr.org/refworld.

    UNHCR,Principesdirecteurssurlaprotectioninternationalen°2:

    «L’appartenanceàuncertaingroupesocialdanslecadredel’article

    1A(2)delaConventionde1951et/ousonProtocolede1967relatifs

    au statut des réfugiés», 7mai 2002, HCR/GIP/02/02, disponible en

    ligne:http://www.unhcr.fr.

    UNHCR,Principesdirecteurssurlaprotectioninternationaln°8:

    «Lesdemandesd’asiled’enfantsdanslecadredel’article1A(2)etde

    l’article1(F)de laConventionde1951et/ousonProtocolede1967

    relatifs au statut des réfugiés», HCR/GIP/09/08, 22 décembre 2009,

    disponibleenligne:http://www.unhcr.org/refworld.

    UNHCR,Noted’orientation sur les demandesd’asile relatives aux

    mutilations génitales féminines, mai 2009, http://www.unhcr.org/

    refworld.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    10

    UNHCR, Note d’orientation sur les demandes de reconnaissance

    dustatutderéfugiérelativesàl’orientationsexuelleetàl’identitéde

    genre,novembre2008,http://www.unhcr.org/refworld.

    UNHCR,NoteonBurdenandStandardofProofinRefugeeClaim,

    16December1998,http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/3ae6b3338.

    pdf.

    1.4 Textes belges◊ Loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour,

    l’établissementetl’éloignementdesétrangers,M.B,le31décembre

    1980,http://www.ejustice.just.fgov.be.

    ◊ ARdu11 juillet2003fixant laprocéduredevant leCommissariat

    généralauxréfugiésetauxapatridesainsiquesonfonctionnement,

    M.B. le 27 janvier 2004, et modifié par l’AR du 17 août 2013,

    http://www.cgra.be.

    ◊ ARdu11 juillet2003fixant certainsélémentsde laprocédureà

    suivreparleservicedel’OfficedesÉtrangerschargédel’examen

    desdemandesd’asile,M.B. 27janvier2004etmodifiéparl’A.R.du

    17août2013.

    1.5 Autres outils◊ Auniveauinternational

    • UNHCR,TooMuchPain:«FemaleGenitalMutilation&Asylum

    in the European Union - A Statistical Overview», février

    2013 (mise à jour en 2014), disponible en ligne sur le site

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    11

    http://www.refworld.org(uniquementenanglais).

    • UNICEF, Female Genital Mutilation/Cutting : «A statistical

    overview and exploration of the dynamics of change»,

    juillet 2013 (accessible uniquement en anglais en ligne)

    http://www.unicef.org/media/files/FGCM_Lo_res.pdf.

    • UNICEF,Résumédesmutilationsgénitalesféminines/excision:

    «aperçustatistiqueetétudedeladynamiquedeschangements»,

    juillet2013.Résuméenfrançaisdisponibleenligne:http://www.

    unicef.org/french/protection/files/FGM_Report_Summary_

    French__16July2013.pdf.

    • UNHCR, «AvisduHaut-CommissariatdesNations-Uniespour

    lesréfugiésrendusurpieddel’article57/23bisdelaloidu15

    décembre1980surl’accèsauterritoire,leséjour,l’établissement

    et l’éloignement des étrangers relatif à l’évaluation des

    demandesd’asiledepersonnesayantdesbesoinsparticulierset

    enparticulierdepersonnesquiontsubidestortures,desviols

    oud’autresformesgravesdeviolencepsychologique,physique

    ousexuelle»,mai2012,http://www.refworld.org.

    • TheSpecialRepresentativeoftheSecretaryonViolenceagainst

    ChildrenandPlanNational,«Protectingchildrenfromharmful

    practices in plural legal systems with a special emphasis on

    Africa»,NewYork,septembre2012.

    • ONU, Département des affaires économiques et sociales

    «SupplémentauManueldelégislationsurlaviolenceàl’égard

    des femmes, pratique préjudiciable à la femme», New York

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    12

    2011, disponible sur : http://www.un.org/womenwatch/daw/

    vaw/handbook/Supplement-to-Handbook-French.pdf.

    • UN, General Assembly Human Rights Council, 7th session,

    Report of the Special Rapporteur on torture andother cruel,

    inhuman or degrading treatment or punishment, Manfred

    Nowak,A/HRC/7/3,15janvier2008.

    • OMS,«Eliminerlesmutilationssexuellesféminines:déclaration

    interinstitutionsHCDH,OMS,ONUSIDA,PNUD,UNCEAUNESCO,

    UNFPA,UNHCR,UNICEF,NIFEM», février2008,disponiblesur

    http://whqlibdoc.who.int/publications/2008/9789242596441_

    fre.pdf.

    ◊ Auniveaudel’Europe

    • Commission Européenne, lignes directrices communes à l’UE

    pourletraitementdel’informationsurlespaysd’origine,avril

    2008(COI,Countryoforigininformation).

    • European Institute for Gender Equality, «Female Genital

    MutilationintheEuropeanUnionandCroatiaReport»,European

    Union2013,disponiblesurhttp://www.eige.europa.eu/content/

    document/female-genital-mutilation-in-the-european-union-

    and-croatia-report.

    • Parlement européen, DG des politiques internes, Égalité

    des genres : «Demandes d’asile liées au genre» en Europe

    - Une étude comparative des législations, politiques et

    pratiques axées sur les femmesdans neuf Étatsmembres de

    l’Union européenne France, Belgique, Hongrie, Italie, Malte,

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    13

    Roumanie,Espagne,SuisseetRoyaume-Uni,novembre2012et

    disponiblesurhttp://www.europarl.europa.eu/studies.

    • CEA(R),«Gender-relatedasylumclaimsinEurope,acomparative

    analysisoflawpoliciesandpracticefocusingonwomeninnine

    EUMemberState»,mai2012,disponiblesurhttp://www.unhcr.

    org/refworld.

    ◊ AuniveaudelaBelgique

    • Asbl INTACT, «La protection internationale et les mutilations

    génitales féminines : Les 11 recommandations d’INTACT»,

    actualisation au 20 juin 2014, Bruxelles 2014 ; est accessible

    en ligne sur le site http://www.intact-association.org >

    professionnel>asile>les11recommandationsd’INTACT.

    • Grinberg M. et Lejeune C., «Étude de jurisprudence sur les

    pratiquestraditionnellesnéfastesliéesaugenre:lecasparticulier

    delaGuinée»,étudecommandéeparINTACT,Bruxelles,2013.

    • Gringerg M. et Lejeune C., «Etude de jurisprudence sur les

    pratiquestraditionnellesnéfastes»,étudecommandéeparl’asbl

    INTACT,Bruxelles,2011.

    • NeraudauE.etVanderPlancke,V.,«PratiqueduCGRAencas

    de reconnaissancedu statutde réfugié sur la basedu risque

    de mutilations génitales féminines : contrôle médical annuel

    et sanctions éventuelles», étude commandée par INTACT,

    Bruxelles,2011.

    • NepperC. ; «Étude sur lesmoyensdonnésdans l’accueil des

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 1

    14

    demandeurs d’asile pour détecter l’existence de mutilations

    génitalesféminineschezunefemmeoulerisqued’ensubirchez

    unefillette»,étudecommandéeparINTACT,Bruxelles,2011.

    • Verbrouck C. et Jaspis P., «Mutilations génitales féminines :

    quelleprotection?»,RDEn°153,2009,p.133etsuivantes.

    • Mahieu R., Timmerman C. et Vanheule D., «La dimension de

    genre dans la politique belge et européenne d’asile et de

    migration»,Institutpourl’égalitédesfemmesetdeshommes,

    Bruxelles,2010.

    • Lesitedesstratégiesconcertéescontientplusieurspublications

    etoutilsréalisésenBelgiquehttp://www.strategiesconcertees-

    mgf.be/tag/asile/.

    • Lesitedel’asblINTACTmetàdispositiondesoutilsjuridiques:

    http://www.intact-association.org/fr/nos-activites/soutien-aux-

    professionnels.html.

  • Cha

    pitr

    e 2

    Cha

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    e 2

    MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 2

    15

    2.1 Définition

    Une personne qui risque de subir des mutilations génitales féminines (MGF) dans son pays d’origine peut, si elle répond aux critères de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié se voir reconnaître

    le statut de réfugié, tout comme une personne qui subit encore

    actuellement les conséquences de cette pratique1.

    Pour rappel, le statut de réfugié est reconnu à «toute personne

    qui, […] craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa

    race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un

    certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve

    hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait

    de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays

    […]» (article 1A§2).

    Cette définition établit donc les critères qu’un demandeur d’asile

    doit remplir pour obtenir une protection internationale. De

    nombreux outils ont été développés pour en comprendre les

    contours.

    1. Voir notamment CCE, arrêt n° 71 365 du 1er décembre 2011

    2. La procédure d’asile «en bref»

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 2

    16

    Voir notamment le «Guide des procédures et critères à appliquer

    pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de

    1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés» du Haut-

    Commissariat des Réfugiés des Nations-Unies (UNHCR ou HCR),

    ainsi que les Principes directeurs sur la protection internationale de

    l’UNHCR2.

    Les instances d’asile vont déterminer dans un premier temps si

    le requérant se trouve dans les conditions prévues à l’article 1er de

    la Convention, le cas échéant, c’est sous l’angle de la protection

    subsidiaire que la demande d’asile sera examinée.

    2.2 Le déroulement de la procédureLa loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour,

    l’établissement et l’éloignement des étrangers3 (ci-après «la loi du

    15 décembre 1980») établit la procédure d’asile depuis l’introduction

    de la demande jusqu’à la décision finale. La loi du 8 mai 20134 modifie

    la loi du 15 décembre 1980 conformément aux développements

    européens (directive qualification).

    Lorsqu’une personne qui se trouve en Belgique sollicite une protection

    internationale, la procédure d’asile se déroule comme suit :

    1. L’Office des Étrangers (OE), est responsable pour enregistrer

    2. UNHCR, Principes directeurs n° 1 : «La persécution liée au genre dans le cadre de l’ar-ticle 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés», 8 juillet 2008, HCR/GIP/02/01 Rev.1 ; Principes n° 2 : «L’appartenance à un cer-tain groupe social» dans le cadre de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, 7 mai 2002, HCR/GIP/02/023. Publiée le 31 décembre 1980 au moniteur belge, p.14844. Loi du 8 mai 2013 modifiant la loi du 15 décembre 1980 publiée au MB le 22 août 2013, entrée en vigueur le 1er septembre 2013.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 2

    17

    toutes les demandes d’asile introduites sur le territoire belge ou à

    la frontière. Le demandeur d’asile recevra une annexe 26 (ou 25 si

    elle a été introduite auprès des autorités chargées du contrôle des

    frontières). L’OE examine quel Etat membre est compétent pour traiter

    les demandes d’asile, conformément au Règlement Dublin III.

    2. Si la Belgique est responsable de la demande d’asile, celle-ci sera

    transmise au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides

    (CGRA) pour un examen approfondi. Le CGRA invite le demandeur

    d’asile à une audition, il examine les pièces du dossier et instruit le

    besoin de protection en tenant compte de l’information sur le pays

    d’origine ainsi que l’ensemble des éléments de la cause. Il est l’instance

    d’asile centrale dans l’évaluation de la demande d’asile et dispose du

    pouvoir d’instruction le plus large. Le CGRA décide soit, de reconnaître

    le statut de réfugié, ou d’octroyer la protection subsidiaire, soit, il

    refuse d’accorder une protection internationale. Il décide aussi de la

    prise en considération ou non des demandes d’asile multiples.

    3. En cas de décision négative, le demandeur d’asile a 30 jours à partir

    de la notification de cette décision pour introduire un recours devant

    le Conseil du Contentieux des Étrangers (CCE) ou 15 jours s’il est

    détenu dans un centre fermé. Le CCE a une compétence de «plein

    contentieux» en cas de décision négative du CGRA quant à l’octroi du

    statut de réfugié ou du statut de protection subsidiaire. Cependant,

    il ne dispose pas, contrairement au CGRA, d’un pouvoir d’instruction

    propre. Le CCE peut soit réformer la décision négative et reconnaître

    une protection au demandeur d’asile, soit décider de renvoyer le

    dossier au CGRA pour effectuer une instruction complémentaire. Il

    peut aussi confirmer la décision du CGRA en rejetant le recours. A

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 2

    18

    noter que le CCE a également une compétence d’annulation à l’égard

    des décisions de l’OE et notamment la décision de refus de séjour

    sur base du Règlement Dublin III. Dans le cas où le CGRA refuse de

    prendre en considération une nouvelle demande d’asile, un recours

    en plein contentieux est possible au lieu et en place du recours en

    annulation devant le CCE. Dans le même temps, le délai d’introduction

    de la requête est raccourci à maximum 15 jours5.

    4. Enfin, le Conseil d’État (CE) est l’instance en cassation administrative

    devant laquelle le demandeur d’asile peut introduire un recours pour

    contravention à la loi, ou pour violation des formes soit substantielles,

    soit prescrites à peine de nullité contre un arrêt du CCE, dans les 30

    jours à partir de la notification de la décision. De nombreuses formalités

    doivent être respectées et un examen préalable d’admissibilité a été

    mis en place pour éviter les recours sans objet ou manifestement

    irrecevables.

    Afin de veiller au bon déroulement de la procédure d’asile en Belgique,

    les instances d’asile et les avocats garderont à l’esprit le Guide des

    procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de

    réfugié6 de l’UNHCR, ainsi que l’arrêté royal (AR) du 11 juillet 2003

    fixant la procédure devant le Commissariat général aux réfugiés et aux

    apatrides ainsi que son fonctionnement et l’AR du 11 juillet 2003 fixant

    certains éléments de la procédure à suivre par le service de l’Office des

    Étrangers chargé de l’examen des demandes d’asile.

    5. Cfr Loi du 10 avril 2014 portant des dispositions diverses concernant la procédure de-vant le Conseil du Contentieux des Étrangers et devant le Conseil d’État, M.B. 20 mai 20146. HCR/1P/4/FRE/REV.1, Genève 12 janvier 1992 et disponible en ligne sur http://www.unhcr.org/refworld/docid/3ae6b32b0.html

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 2

    19

    Pour plus de détails sur la procédure d’asile, vous pouvez consulter les sites suivants : ͳ Le site de l’Office des Étrangers

    https://dofi.ibz.be/sites/dvzoe/FR/Guidedesprocedures/Pages/

    Procéduredasile.aspx

    ͳ Le site du Commissariat général aux réfugiés et aux apratrides

    http://www.cgra.be/fr/Procedure_d_asile_en_pratique/

    ͳ Le site du Conseil du Contentieux des Étrangers

    http://www.cce-rvv.be/rvv/index.php/fr/home

    ͳ le site de l’ADDE

    http://www.adde.be/J_15/index.php?option=com_content&view=ar

    ticle&id=165&Itemid=215

    ͳ le site du CIRE qui contient différents guides de la procédure pour

    demandeurs d’asile en Belgique

    http://www.cire.be/thematiques/accueil-demandeurs-dasile/629-

    guide-de-procedure-pour-demandeurs-dasile-en-Belgique

    ͳ le site de l’Agence Fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile

    http://www.fedasil.be

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    20

    La Convention de Genève relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 ne font pas spécifiquement référence au genre dans le cadre de la définition du réfugié.

    Ce sont les principes directeurs du HCR du 8 juillet 2008 qui

    consacrent la notion de violence liée au genre selon une

    interprétation évolutive de la définition du statut de réfugié.

    Ils distinguent les termes genre et sexe pour permettre de

    comprendre la nature de la persécution liée au genre : le

    genre fait référence aux relations entre les femmes et les

    hommes basées sur des identités, des statuts, des rôles et

    des responsabilités qui sont définis ou construits socialement

    ou culturellement, et qui sont attribués aux hommes et aux

    femmes, tandis que le «sexe» est déterminé biologiquement.

    Ainsi, le genre n’est ni statique ni inné mais acquiert une

    signification construite socialement et culturellement au fil

    du temps7. Les mutilations génitales/sexuelles féminines (ci-

    7. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : La persécu-tion liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, para. 3

    3. La notion de genre dans le cadre de la Convention de Genève

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  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    21

    NB : Les mutilations génitales/sexuelles féminines sont

    définies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme

    toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale

    des organes génitaux externes de la femme ou toute autre

    lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour

    des raisons non médicales. L’OMS classifie les MGF en 4 types

    selon l’intervention pratiquée : type 1 la clitoridectomie ; type

    2 l’excision, type 3 l’infibulation et types 4 qui regroupe d’autres

    interventions néfastes au niveau des organes génitaux et à des

    fins non thérapeutiques. A l’origine, la pratique des MGF était le

    plus souvent liée à un rite de passage de la fille à l’âge adulte à

    la fin duquel la jeune fille était excisée.

    après «MGF») sont infligées aux femmes et aux filles en raison de leur

    genre, pour les assujettir et contrôler leur sexualité. Cette pratique

    entre souvent dans le cadre plus général des discriminations envers

    les femmes, tolérées ou encouragées par la politique d’État.

    Les MGF sont une forme de violence liée au genre. Il ressort d’ailleurs de

    ces principes «qu’il ne fait aucun doute que le viol et d’autres formes

    de violences liées au genre, comme (…), les mutilations génitales

    féminines […] sont des actes infligeant de graves souffrances, tant

    mentales que physiques, et qui sont utilisés comme des formes de

    persécution, qu’ils soient perpétrés par des États ou par des personnes

    privées8».

    8. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou de son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés HCR/GIP/02/01 Rev.18 juillet 2008, site www.refworld.org

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    22

    3.1 Une violence de genre à prendre en considération dans l’examen de la demande de protectionLa Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes,

    adoptée en 1993 par l’Assemblée générale des Nations-Unies9 atteste

    d’une reconnaissance internationale du fait que la violence à l’égard

    des femmes constitue une violation des droits de l’homme et une

    forme de discrimination à l’égard des femmes.

    Sur les questions d’asile, l’Assemblée parlementaire du Conseil de

    l’Europe10 a considéré que la procédure d’asile doit prendre dûment

    en compte la dimension de genre dans toutes les étapes de la

    procédure et regrettait que «bien que de nombreux États membres

    intensifient leurs travaux en vue d’intégrer la dimension de genre dans

    9. Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Résolution 48/104 de l’Assemblée générale, 20 décembre 1993.10. Résolution 1765 (2010) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les demandes d’asile liées au genre, octobre 2010. Elle rappelle que «les femmes et les filles qui demandent l’asile dans les États membres du Conseil de l’Europe ont droit à ce que leurs demandes de protection soient examinées par un système d’asile qui tienne dûment compte, dans tous les aspects de son organisation et de son fonctionnement, des formes particulières de persécution et de violation des droits fondamentaux auxquelles les femmes sont confrontées en raison de leur genre» (point 8). Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2008 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (Refonte) [COM(2008) 815 final – Non publiée au Journal officiel].

    Pour plus d’information générale sur les MGF visitez le site de

    l’OMS, http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs241/fr/

    et le site du GAMS-Belgique : www.gams.be

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    23

    les prises de décision, les politiques et les actions publiques, cet effort

    ne se répercute pas toujours dans les procédures d’asile».11

    Au 1er août 2014 entrera en vigueur la Convention d’Istanbul12

    pour les pays qui l’ont déjà ratifiée. Celle-ci a été adoptée en 2011

    au Conseil de l’Europe et est la première Convention européenne

    à viser explicitement les violences liées au genre, à les énumérer

    et à reconnaître qu’elles sont en lien avec la Convention de

    Genève. Outre l’affirmation que la violence liée au genre peut être

    considérée comme une persécution ou une atteinte grave au sens de

    la Convention de Genève, cette Convention exige une interprétation

    des causes de persécutions sensible au genre, l’obligation de prévoir

    des procédures d’accueil adaptées et de développer des services

    pour un accompagnement social psychologique, médical ou juridique

    adéquat. Elle réaffirme aussi le principe du non-refoulement pour les

    personnes victimes de violences liées au genre. Par ailleurs, elle prévoit

    l’obligation pour les États de prévenir ces violences et de mettre en

    œuvre des mesures efficaces pour y remédier. La Belgique a signé la

    Convention d’Istanbul en septembre 2011 mais doit encore la ratifier

    pour qu’elle entre en vigueur sur le territoire belge.

    En décembre 2012, l’Assemblée générale des Nations-Unies

    adoptait une Résolution interdisant les MGF au niveau mondial13,

    laquelle exhorte les États à condamner toutes les pratiques nocives

    pour les femmes et les filles, en particulier les mutilations génitales

    11. Voir point 5 de la Résolution 1765 (2010) sur les demandes d’asile liées au genre.12. Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, Istanbul, le 11 mai 2011.13. Résolution A/RES/67/146 de l’Assemblée générale des Nations-Unies sur l’intensifi-cation de l’action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines, 20 dé-cembre 2012.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    24

    féminines, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger

    les femmes et les filles contre cette forme de violence (article 4).

    L’Assemblée des Nations-Unies appelle aussi les États à accorder une

    attention particulière à la protection et à l’appui des femmes et des

    filles qui ont été victimes de mutilations génitales féminines, et de

    celles qui sont exposées à des risques, y compris les femmes réfugiées

    et les femmes migrantes.

    Enfin, la Commission européenne a développé une communication14

    entérinée par une Résolution du Parlement européen et un

    engagement du Conseil européen le 6 juin dernier. Un des objectifs de

    cette communication est que les États garantissent la protection des

    femmes à risque de MGF dans le cadre européen de l’asile.

    3.2 Les MGF, une pratique discrimi-natoireLa pratique des MGF s’inscrit dans un contexte discriminatoire plus

    large qu’il convient de prendre en considération dans l’examen

    d’une demande d’asile liée au genre. Les MGF manifestent une

    position inégalitaire entre hommes et femmes dans la société. Elles

    sont pratiquées sur les jeunes filles pour contrôler leur sexualité et

    sont généralement une condition préalable au mariage d’une fille en

    vue d’assurer sa «pureté» et sa «fidélité».

    Nombreuses femmes ou filles qui ont subi des MGF peuvent également

    subir d’autres formes de violence (telles que des mariages précoces,

    14. Communication de la Commission du 25 novembre 2013 : «Vers l’éradication des mutilations génitales féminines» (COM(2013)0833), disponible en ligne sur http://eur-lex.europa.eu

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    25

    des mariages forcés ou encore des violences domestiques). Le HCR

    souligne d’ailleurs dans la note d’orientation relative aux mutilations

    génitales féminines que «(...) les femmes excisées ont parfois été

    victimes de plusieurs traumatismes». Parmi ceux-ci, citons le mariage

    forcé, les violences familiales et conjugales, les grossesses non désirées

    et/ ou précoces, les accouchements difficiles15.

    Pour plus d’information sur les pratiques, les aspects socio-

    culturels et médicaux des MGF, vous pouvez contacter le GAMS

    Belgique ou vous rendre sur le site : www.gams.be

    La Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination

    à l’égard des femmes (CEDAW)16 prévoit que les États s’engagent à

    modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou

    pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes (article

    2 f de la CEDAW).

    Cette Convention vise à élargir la conception que l’on a des droits de

    l’homme : elle reconnaît que la culture et la tradition peuvent contribuer

    à restreindre l’exercice, par les femmes, de leurs droits fondamentaux.

    Ces influences se manifestent sous forme de stéréotypes, d’habitudes

    et de normes qui donnent naissance à des contraintes juridiques,

    politiques et économiques qui freinent le progrès des femmes17.

    15. Voir UNHCR, Note d’orientation, op.cit.16. Cfr introduction de la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), adoptée le 18 décembre 1979 à l’Assemblée générale des Nations-Unies.17. Article 5 a) de la CEDAW prévoit que les «Etats prennent toutes les mesures appro-priées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturels de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutu-mières, (…) qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes».

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    26

    Les demandes d’asile fondées sur la notion de genre visent d’ailleurs

    de nombreuses formes de violences liées au refus de se conformer aux

    critères sociaux spécifiques imposés à la femme ou à l’homme.

    Dans le manuel pour la protection des femmes et des filles, l’UNHCR

    relève que, «les femmes et les filles ont moins de chances que les

    hommes et les garçons d’avoir accès à leurs droits, même les plus

    fondamentaux. Ceux-ci comprennent le droit à l’alimentation, aux

    soins de santé, à l’abri, à la nationalité et aux documents officiels.

    Il précise que le non-respect de ces droits fondamentaux est

    directement lié aux discriminations et aux violences endurées par

    les femmes et les filles en temps de paix».18

    En outre, l’UNHCR estime que «la crainte des persécutions peut aussi

    être justifiée si une personne a déjà été victime d’un certain nombre

    de mesures discriminatoires (..), et que par conséquent, un effet

    cumulable intervient19». Ainsi, un mode de discrimination ou de

    traitement moins favorable pourrait, sur la base de motifs cumulés,

    constituer une persécution et justifier une protection internationale20.

    Puisque la persécution ou les mauvais traitements dont les filles et les

    femmes sont victimes dans leur pays sont souvent liés à un contexte

    discriminatoire, une femme dont les droits fondamentaux ont été 18. UNHCR, Manuel du HCR pour la protection des femmes et des filles, janvier 2008, p.6, accessible en ligne sur http://www.unhcr.org/refworld19. UNHCR, Guide des procédures et critères, op.cit., para.55 ; voir également le para-graphe 53 selon lequel, «Divers éléments de la situation, pris conjointement, peuvent pro-voquer chez le demandeur un état d’esprit qui permet raisonnablement de dire qu’il craint d’être persécuté pour des « motifs cumulés ». Toutes les circonstances du cas considéré doivent nécessairement entrer en ligne de compte, y compris son contexte géographique, historique, et ethnologique.»20. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés le genre, para.14

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 3

    27

    violés dans son pays d’origine peut craindre d’autres violations de ces

    mêmes droits dans le futur.

    C’est à la lumière de toutes les circonstances de la situation que

    les instances examinent si les mesures discriminatoires à l’égard de

    l’intéressée équivalent à une persécution21.

    21. UNHCR, Guide des procédures et critères, op.cit., para.55.

    Relever les différentes violations/restrictions de ces droits permet

    aux instances d’asile de considérer dans son ensemble le besoin

    de protection pour cette femme, notamment au regard de la

    protection effective dans son pays d’origine.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    28

    4.1 La crainte avec raison

    Il ressort de la Convention de Genève relative au statut de réfugié que l’élément de crainte - qui est un état d’esprit et une condition subjective - est précisé par les mots «avec raison». Ces mots impliquent que ce n’est pas seulement l’état

    d’esprit de l’intéressé qui détermine sa qualité de réfugié

    mais que cet état d’esprit doit être fondé sur une situation

    concrète. Les mots «craignant avec raison» recouvrent donc à

    la fois un élément subjectif et un élément objectif et, pour

    déterminer l’existence d’une crainte raisonnable, les deux

    éléments doivent être pris en considération.

    En principe, la crainte exprimée doit être considérée comme

    fondée si le demandeur peut établir, dans une mesure

    raisonnable, que la vie est devenue intolérable pour lui

    dans son pays d’origine pour les raisons indiquées dans la

    définition22.

    22. UNHCR, Guide des procédures et critères (…), op.cit. , para.42.

    4. Éléments de la définition de réfugié au regard de la notion de genre

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  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    29

    4.1.1 L’élément subjectif de la crainte

    Les éléments subjectifs de la crainte sont analysés par les instances

    d’asile au regard de la personnalité de la requérante et des

    circonstances individuelles (élément subjectif).

    Le Guide des procédures et des critères à appliquer pour déterminer

    le statut de réfugié de l’UNHCR apporte quelques précisions

    supplémentaires sur l’élément subjectif de la crainte. Il est précisé

    que23 : «[...] La prise en considération de l’élément subjectif implique

    nécessairement une appréciation de la personnalité du demandeur,

    étant donné que les réactions psychologiques des individus ne

    sont pas forcément identiques dans les mêmes circonstances.

    Une personne peut avoir des convictions politiques ou religieuses

    suffisamment fortes pour que le mépris de ces convictions lui soit

    intolérable ; chez une autre, les convictions seront beaucoup moins

    fortes. Une personne peut partir sur un coup de tête, tandis qu’une

    autre préparera minutieusement son départ.

    Étant donné l’importance que l’élément subjectif revêt dans la

    définition, il est indispensable, lorsque les circonstances de fait

    n’éclairent pas suffisamment la situation, d’établir la crédibilité

    des déclarations faites. Il faut alors tenir compte des antécédents

    personnels et familiaux du demandeur, de son appartenance à tel ou

    tel groupe racial, religieux, national, social ou politique, de sa propre

    interprétation de sa situation et de son expérience personnelle – en

    d’autres termes, de tout ce qui peut indiquer que le motif essentiel de

    sa demande est la crainte».

    23. Idem, para.40 et 41.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    30

    4.1.2 L’élément objectif de la crainte

    La crainte de MGF doit être appréciée en fonction des éléments

    objectifs, et notamment du contexte général du pays d’origine, dont :

    • Le taux de prévalence des MGF ;

    • Les lois et les règlements dans le pays d’origine et la manière

    dont ils sont appliqués ;

    • Le statut / la situation des femmes face à la loi ou dans la société ;

    • La capacité/volonté de cet État à protéger les femmes contre les

    MGF mutilations et autres violences liées au genre ;

    • etc…

    L’information sur le pays d’origine (ci-après « COI » - Country of Origin

    Information) a un rôle important dans l’examen de la demande pour

    démontrer l’élément objectif de la crainte de persécution.

    Pour en savoir plus sur l’information sur le pays d’origine, voyez

    infra, chapitre 5.2, pages 67-68 du manuel et retrouvez les liens

    vers des sites donnant de l’information sur les pays d’origine.

    Les instances d’asile évaluent la crainte de la requérante en tenant

    compte de son profil in concreto, et du contexte objectif de la situation

    décrite.

    Lorsque la crainte invoquée est fondée sur un risque de MGF,

    l’élément objectif de la crainte peut s’avérer si élevé qu’il justifie

    qu’une protection internationale soit octroyée à la requérante.

    A cet égard, le CCE avait jugé dans l’arrêt n° 61 832 du 19 mai 2011

    concernant une femme qui craignait une nouvelle MGF en cas de

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    31

    retour à Djibouti ou en Somalie, qu’au vu :

    • du taux de prévalence des MGF de 98 % dans ces deux pays, et

    • de la pratique répandue d’infibulation après une première

    naissance,

    • de la circonstance que la requérante a conçu un enfant hors

    mariage, la partie requérante a un motif objectif de craindre

    d’être persécutée.

    Le CCE estime dès lors que les déclarations imprécises ou inexactes

    qu’aurait faites la requérante sur d’autres aspects de sa déposition, et

    sur base desquelles le CGRA a rendu une décision de refus, ne privent

    pas de fondement cette raison objective de craindre24.

    Certaines situations peuvent justifier d’analyser la crainte au regard

    d’un risque objectif de MGF :

    a) Un taux élevé de prévalence des MGF dans le pays d’origine : Après

    avoir annulé plusieurs décisions du CGRA relatives à une crainte de MGF

    d’une fille ou d’une femme intacte - sans se prononcer explicitement

    sur le risque objectif de MGF - le CCE a pris position sur le risque

    d’excision d’une fillette intacte originaire de Guinée (où 97% de filles

    et de femmes âgées de 15 à 49 ans sont excisées)25. Dans cet arrêt

    de principe du 17 avril 2014, le Conseil a jugé qu’au vu des données

    24. CCE, arrêt n° 61 832 du 19 mai 201125. CCE, arrêt n° 122 668 du 17 avril 2014 ; Quelques mois plus tôt, le RvV (arrêt n° 117 008 du 16 janvier 2014) avait annulé une décision du CGRA concernant une crainte de MGF d’une enfant en cas de retour en Guinée. Il avait jugé que les sources auxquelles le SRB se réfère ne sont pas claires quant à une diminution de la prévalence des MGF en Guinée – en rappelant que les récentes données démographiques officielles de l’UNFPA ne sont pas encore disponibles – et qu’il n’est pas possible de déduire du SRB dans quelle mesure une protection de l’enfant d’une MGF par les parents est réaliste et courante ou exceptionnelle dans le contexte de la Guinée. Entre-temps, le nouveau rapport sur les données démogra-phiques et de santé ont été publiées en janvier 2014. Il indique qu’il n’y a pas de diminution de la pratique de l’excision en Guinée (97% des femmes sont excisées).

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    32

    actuellement disponibles, les taux de prévalence des MGF observés

    en Guinée traduisent un risque objectif et significativement

    élevé de MGF, à tout le moins pour les jeunes filles mineures de ce

    pays qui n’y ont pas encore été soumises. Le Conseil ajoute que «ce

    risque, ainsi qualifié, suffit en lui-même à fonder, dans le chef des

    intéressées, une crainte de persécution en cas de retour en Guinée,

    sauf à établir qu’à raison de circonstances exceptionnelles qui leur

    sont propres, celles-ci ne seraient pas exposées ou seraient en mesure

    de s’y opposer mais que de telles circonstances exceptionnelles sont

    absentes en l’espèce».

    b) Un enfant (MENA ou mineur accompagné) qui ne manifeste pas

    une crainte de MGF : Les principes directeurs de l’UNHCR précisent

    que sa ‘crainte’ pourra néanmoins être considérée comme fondée s’il

    ressort de l’analyse objective de la crainte (taux de prévalence dans

    le pays d’origine, situation des filles dans le pays, etc…) que les MGF

    sont manifestement une forme de persécution à laquelle l’enfant

    est susceptible d’être exposé. Le HCR considère qu’une crainte de

    MGF qui existerait dans le chef d’un enfant qui ne s’exprime pas sur

    cette crainte peut être considérée comme fondée dans la mesure

    où objectivement les mutilations génitales sont clairement et

    manifestement une forme de persécution. Il ajoute que «dans ces

    circonstances, il appartient aux personnes statuant sur ces demandes

    d’asile de faire une analyse objective du risque auquel l’enfant est

    exposé, même si l’enfant n’exprime aucune crainte26». Compte

    tenu des informations objectives que les instances d’asile possèdent

    ou dont elles doivent avoir connaissance, elles doivent relever s’il

    26. UNHCR, Note d’orientation, op.cit., mai 2009, para.10

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    33

    existe un risque de persécution pour l’enfant qui ne peut ou ne veut

    exprimer une crainte de MGF.

    On peut établir un parallèle avec l’arrêt de la CEDH MSS c. Grèce et

    Belgique du 21 janvier 201127 qui prévoit que lorsqu’il est question

    d’apprécier un risque en cas de retour, il existe des informations dont

    les instances d’asile doivent tenir compte.

    Pour l’information relative aux demandes fondées sur une crainte

    de MGF introduites par des mineurs, voyez infra chapitre 8, pages

    95 et suivantes du manuel.

    4.2 La persécutionLe Guide des procédures et critères du HCR stipule qu’il n’y a pas de

    définition universellement acceptée de la notion de persécution. Elle

    s’entend de violations graves des droits de l’homme ou d’autres

    actions ou menaces préjudiciables selon les circonstances de

    chaque cas. Il peut s’agir d’une atteinte à la vie privée, à l’intégrité

    physique ou à la liberté d’expression, ou de discriminations dans

    l’accès à ces droits. En ce qui concerne les MGF, le HCR a considéré

    qu’elles sont une forme de violence fondée sur le genre qui entraîne

    des dommages importants, à la fois mentaux et physiques, équivalant

    à une persécution28.

    En Belgique, la loi du 15 septembre 2006 a modifié la loi du 15

    27. CEDH, M.S.S c. Belgique et Grèce, requête n°3069/09, Strasbourg, 21 janvier 2011 dis-ponible sur http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-103293#{%22itemid%22:[%22001-103293%22]}28. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale n°1 : La persécution liée au genre, op.cit. para. 9 ; voir également le para.7 de la note d’orientation du HCR sur les MGF

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    34

    décembre 1980 de manière à préciser ce qu’il faut entendre par actes

    considérés comme une persécution au sens de la Convention de

    Genève (article 48/3 §2) :

    • être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur

    caractère perpétré pour constituer une violation grave des droits

    fondamentaux de l’homme,(…) ; ou

    • être une accumulation de diverses mesures, y compris des

    droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un

    individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué sous le

    premier point.

    Les actes de persécution précités peuvent entre autres prendre les

    formes suivantes :

    a) Les violences physiques ou mentales, y compris les violences

    sexuelles ; […]

    f) les actes dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ou

    contre des enfants

    En conséquence, le Conseil du Contentieux des Étrangers et avant cela,

    la Commission permanente de recours des réfugiés ont considéré que

    «les MGF sont une forme de violence physique suffisamment grave

    pour être considérée comme une persécution29».

    Dans un arrêt récent le Conseil (chambre à 3 juges) a rappelé que

    l’excision, quel qu’en soit le type constitue une atteinte grave et

    irréversible à l’intégrité physique des femmes qui la subissent30.

    29. Notamment : CPRR, 1-0089 du 22 mars 2002 ; CPRR, 02-0579 du 9 février 2007 ; CCE, arrêt n° 14 401 du 25 juillet 2008; CCE, arrêt n° 16 064 du 18 septembre 2008 ; CCE, arrêt n° 21 341 du 12 janvier 2009 ; CCE, arrêt n° 25 095 du 26 mars 200930. CCE, arrêt n° 122 668 du 17 avril 2014 (3 juges)

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    35

    4.2.1 Spécificités des MGF

    ◊ Les MGF : une forme de persécution spécifique aux femmes et aux enfants

    Le fait qu’un enfant ou une femme introduise une demande d’asile

    peut être un facteur crucial dans l’évaluation du besoin de protection.

    En effet, il existe une sorte de présomption de persécutions pour

    les femmes et les enfants lorsque certaines formes de violences sont

    en particulier exercées sur eux ou qu’elles les affectent de manière

    disproportionnée, ou parce que les droits spécifiques des femmes et

    des enfants sont enfreints dans leur pays d’origine.

    Par exemple, toutes les formes de MGF violent les droits des filles

    et des femmes31, y compris le droit à la non-discrimination32, le droit

    à la protection contre les violences physiques et mentales33, le droit au

    meilleur niveau de santé possible34, et, dans les cas les plus extrêmes,

    le droit à la vie35. La Cour européenne des droits de l’Homme affirme

    dans l’arrêt Izevbekhai and Others v. Ireland que soumettre une femme

    ou un enfant à une MGF est constitutif d’un mauvais traitement

    contraire à l’article 3 de la CEDH36. 31. Comité CEDAW, Recommandation générale n°14, 9ème session : L’excision, 1990. Op.cit , paras. 6-9, 11 ; Déclaration interinstitutions MGF, op. cit ., pp. 8-10 ; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Comité CEDAW), 1979, art. 5; Convention relative aux droits de l’enfant (CRC),1989, art. 19, 24(3) et 32–36 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, 11 juillet 2003,, art. 5.11,12 CRC, art. 19 ; Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, 1993, art. 2 (a) PIDCP, art. 6, CRC, art. 632. Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), 1966, art. 3; CEDAW, art. 2 et 5.33. CRC, art. 19 ; Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, 1993, art. 2 (a)34. Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, (PIDESC) 1966 ; CRC, art. 12.35. PIDCP, art. 6, CRC, art. 6.36. CEDH, Izevbekhai et autres c. Irlande, requête n°43408/08, 17 mai 2011 (version an-

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    36

    Pour des informations sur la spécificité des violences liées au genre

    en matière d’asile, voyez supra chapitre 3, pages 20 et suivantes

    du manuel.

    Ensuite, le HCR souligne que «les enfants peuvent subir des formes

    spécifiques de persécution qui sont influencées par leur âge,

    leur manque de maturité ou leur vulnérabilité». D’ailleurs, le HCR

    rappelle37 qu’elles peuvent être également considérées comme une

    forme spécifique de persécution de l’enfant, étant donné que «ces

    pratiques affectent de manière disproportionnée les jeunes filles»38.

    Le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies recommande aux

    États de prêter la plus grande attention aux formes et manifestations

    spécifiques de persécution aux enfants dans leur procédure nationale

    de détermination du statut de réfugié. Comme pour le genre, l’âge est

    pertinent pour la totalité de la définition du réfugié39.

    Pour des informations relatives à l’introduction par un mineur

    d’une demande de protection relative à une crainte de MGF, voyez

    infra chapitre 8, pages 95 et suivantes du manuel.

    glaise) disponible sur : http://www. unhcr.org/refworld/docid/4e2967082.html37. UNHCR, Note d’orientation sur les demandes d’asile relatives aux mutilations génitales féminines, mai 2009, p.838. UNHCR, Comité Exécutif, Conclusion sur les enfants dans les situations à risque, Nº 107 (LVIII) – 2007, disponible sur : http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/refworld/rwmain?docid=47189732539. Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, (art.3, para.1), 29 mai 2013 : http://www2.ohchr.org/english/bodies/crc/docs/CRC.C.GC.14_fr.pdf

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    37

    ◊ Les MGF : une forme de persécution continue et permanente

    Dans certains cas, l’excision passée peut être considérée comme une

    forme de persécution et justifier l’octroi d’une protection internationale,

    même en l’absence de crainte de ré-excision.

    Dans sa note d’orientation sur les demandes d’asile relatives aux MGF

    de mai 2009, le HCR insiste explicitement sur la nature permanente et

    continue d’une mutilation en raison des conséquences à long terme

    de la pratique sur la santé physique ou mentale des femmes et de

    la menace permanente qui pèse sur elles40.

    «Le dommage résultant de la pratique d’une MGF ne se limite pas à

    l’intervention initiale. La femme ou la fille demeure mutilée à vie, et

    peut souffrir de graves séquelles physiques et mentales à long terme.

    Une femme peut également être contrainte de subir une infibulation,

    une désinfibulation et une réinfifulation au cours de sa vie, par

    exemple, au moment du mariage ou de la naissance d’un enfant. Une

    fille ou une femme soumise dans un premier temps à une forme de

    MGF relativement mineure, peut, plus tard, subir une forme plus grave

    de mutilation. Les femmes ayant survécu à des MGF, encourent des

    risques aggravés lors de la naissance d’un enfant, y compris le risque

    de perdre l’enfant pendant ou immédiatement après la naissance(...).»41

    Le HCR relève en plus que «même si les MGF sont considérées comme

    une expérience unique, survenue dans le passé, cela devrait néanmoins

    permettre d’attribuer le statut de réfugié à une femme, notamment

    40. UNHCR, Note d’orientation sur les demandes d’asile relatives aux mutilations génitales féminines, mai 2009, p.10 para.14, disponible en ligne : http://www.unhcr.org/refworld41. Idem, p.5 para.6

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    38

    lorsque la persécution subie est considérée comme particulièrement

    atroce et que la femme souffre de traumatismes psychologiques

    permanents qui font qu’un retour dans le pays d’origine ne peut être

    envisagé». Il ajoute que «la nature permanente et continue des MGF

    conforte l’idée qu’une femme ou une fille ayant subi une mutilation

    par le passé peut toujours craindre avec raison des persécutions

    futures. Il précise aussi qu’il n’est pas nécessaire que les persécutions

    futures qui sont craintes, revêtent une forme identique à celles

    préalablement subies, dans la mesure où elles peuvent être rattachées

    à un motif prévu par la Convention»42.

    Le CCE s’est effectivement exprimé dans plusieurs arrêts sur le caractère

    permanent et continu de la persécution au regard de l’article 57/7bis

    de la loi du 15 décembre 1980 (nouvel article 48/7), ce qui constitue

    une évolution importante. Dans un arrêt, le Conseil a considéré que

    la requérante craignait avec raison d’être persécutée en raison de son

    appartenance à un certain groupe social au vu des traumatismes et

    souffrances physiques et morales engendrées par la pratique des MGF43.

    Dans d’autres arrêts, le CCE a ordonné des mesures complémentaires

    après avoir relevé que le CGRA n’avait pas examiné l’aspect relatif à

    l’excision dans le passé invoqué comme motif à part entière de la

    reconnaissance de la qualité de réfugié, par la requérante44. Le Conseil

    42. … en fonction du cas d’espèce, des traitements infligés et des pratiques spécifiques à sa communauté, une femme ou une fille peut craindre de subir un autre type de mutilation et/ou de souffrir à terme des conséquences de la pratique subie; UNHCR, Note d’orienta-tion sur les demandes d’asile relatives aux mutilations génitales féminines, p.10 para.14 et 15.43. CCE, arrêt n° 71 365 du 1er décembre 2011, point 4.8. Une analyse de cet arrêt est accessible sur le site web de l’asbl INTACT (http://www.intact-association.org).44. CCE, arrêt n° 100 490 du 4 avril 2013 ; La partie requérante soutient que l‘excision qu’elle a subie, même si elle a déjà eu lieu, n’est pas une persécution instantanée mais doit être considérée comme continue. Le CCE a ordonné des mesures d’instruction complémen-taires afin que le CGRA procède a une évaluation spécifique de la crainte et de fournir des

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    39

    a également critiqué le CGRA de n’avoir examiné la crainte d’une jeune

    fille qui prétendait avoir été excisée à 17 ans – avant son mariage-

    uniquement sous l’angle de la ré-excision45.

    Enfin, il ressort d’un récent arrêt pris par une chambre à 3 juges46 que le

    CCE remet en cause ce caractère continu de la persécution. Il considère

    que l’asile a pour objectif de fournir à un demandeur une protection

    contre de possibles persécutions et non de permettre la réparation

    des dommages inhérents à une persécution antérieurement subie.

    Le CCE reconnaît toutefois que dans certains cas, il reste cohérent

    de reconnaître la qualité de réfugié, en dépit du fait même que la

    crainte pour le futur est objectivement inexistante. Le CCE vise les

    cas où en raison du caractère atroce de la persécution subie, la

    crainte est exacerbée à un point tel, qu’un retour dans le pays où cette

    persécution s’est produite est inenvisageable. C’est alors l’état de la

    crainte persistante faisant obstacle à un retour dans le pays d’origine

    qui doit être appréciée par les instances d’asile.

    4.2.2 Les motifs de la persécution

    Dans le cadre de la Convention de Genève, la cause de persécution

    doit reposer sur au moins un des critères suivants : la race, la religion,

    la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou les opinions

    infos actualisées de manière à savoir si l’excision doit être considérée en l’espèce comme une persécution continue. Voir également CCE, arrêt n° 94 469 du 28 décembre 2012 ; arrêt n° 100 489 du 4 avril 2013 ; arrêt n° 102 270 du 2 mai 2013.45. CCE, arrêt n° 97 264 du 15 février 2013 : Dans cet arrêt le CCE reproche au CGRA de n’avoir posé aucune question à la requérante à propos des séquelles de cette opération bien qu’un certificat ait été déposé et que la requérante dit avoir subi une MGF à l’âge de 17 ans dans un cadre particulièrement violent et traumatisant. Le Conseil regrette que le CGRA n’ait pas répondu aux questions posées par la partie requérante sur le caractère per-manent et continu de l’excision et l’invocation de l’article 57/7 bis de la loi du 15 décembre 1980 ; voir également en ce sens CCE, arrêt n° 96 952 du 13 février 201346. CCE, arrêt n° 125 702 du 17 juin 2014

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    40

    politiques du candidat réfugié.

    Dans le cadre d’une demande liée au genre, la persécution peut être

    fondée sur un ou plusieurs des motifs prévus par la Convention47. Le

    genre peut effectivement influencer, ou dicter le type de persécution

    ainsi que les raisons du traitement subi. Les MGF peuvent s’inscrire

    dans plusieurs des motifs visés par la Convention de Genève pouvant

    justifier l’octroi du statut de réfugié (religion, nationalité, appartenance

    à un certain groupe social ou opinions politiques).

    ◊ Critère de l’appartenance au groupe social

    Les lignes directrices48 élaborées par l’UNHCR affirment que les

    formes de persécutions spécifiques à l’âge et au sexe, telles que les

    MGF, entrent dans le champ d’application de la Convention.

    La refonte de la directive qualification (2011/95/EU) a complété

    l’article 10d) de sorte que désormais «[…] Il convient de prendre dûment

    en considération les aspects liés au genre, y compris l’identité de genre,

    aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe

    social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe». Le

    considérant 30 de la directive vise d’ailleurs spécifiquement les MGF en

    l’incluant dans la définition d’un certain groupe social en considérant

    notamment que l’identité de genre peut être liée à certaines traditions

    juridiques et coutumes.

    Suite à la transposition de la directive qualification, l’article 48/3, §4

    47. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale n° 1 : La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, 8 juillet 2008, HCR/GIP/02/01 Rev.1, p.6 para.23.48. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale relatifs à la question des persécutions fondées sur l’appartenance sexuelle, HCR, Genève, 7 mai 2002 ; UNHCR, Note d’orientation, op.cit., mai 2009

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    41

    de la loi du 15 décembre 1980, prévoit ce qu’il y a lieu d’entendre par

    groupe social :

    • «Un groupe dont les membres partagent une caractéristique

    innée ou des racines communes qui ne peuvent être modifiées,

    ou encore une caractéristique ou croyance à ce point essentielle

    pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé

    d’une personne qu’elle y renonce, et

    • ce groupe a une identité propre dans le pays en question parce

    qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante».

    L’UNHCR considère que le sexe peut, de façon appropriée, figurer dans

    la catégorie du groupe social : les femmes constituant un exemple

    manifeste d’ensemble social défini par des caractéristiques innées

    et immuables, et étant fréquemment traitées différemment des

    hommes. Leurs caractéristiques les identifient également en tant que

    groupe dans la société, les exposant à des formes de traitement et des

    normes différentes selon certains pays49.

    Sur base de ce critère ont notamment été reconnus comme groupe

    social la famille, les homosexuels et les femmes.

    En ce qui concerne la crainte de MGF, la jurisprudence belge effectue

    généralement un lien avec le critère de l’appartenance à un groupe

    social. Le CCE a estimé que «dans certaines sociétés, les personnes

    d’un même sexe, ou de certaines catégories de personnes d’un même

    49. UNHCR, Note d’orientation, mai 2009, op.cit., para 22 et suivants ; voir également la Conclusion du Comité exécutif n° 9, Les femmes réfugiées et la protection internationale, 1985: «Les États (...) sont libres d’adopter l’interprétation selon laquelle les femmes en quête d’asile soumises à des traitements cruels ou inhumains pour avoir transgressé les coutumes de la communauté où elles vivent peuvent être considérées comme appartenant à «un certain groupe social»

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    42

    sexe, peuvent être considérées comme formant un groupe social»50.

    Il a ainsi reconnu le statut de réfugié à des femmes guinéennes «en

    raison de leur condition de femme et en raison de sérieuses craintes

    d’être soumises à d’autres formes renouvelées de persécution liées à

    cette même condition de femme, en cas de retour»51.

    ◊ L’opinion politique

    La crainte de persécution relative aux MGF peut dans certains cas,

    être rattachée à d’autres motifs prévus de la Convention de Genève, et

    notamment à celui des opinions politiques.

    Il est précisé à l’article 48/3 §4 e) que la notion « d’opinions politiques »

    recouvre aussi les idées ou les croyances dans un domaine lié aux

    acteurs de persécution visés à l’article 48/5 (..) et que ces opinions,

    idées ou croyances se soient ou non traduites par des actes de la part

    du demandeur.

    Ainsi, le CCE a jugé que «vu l’ampleur de la pratique de l’excision,

    les parents qui s’opposent à cette tradition pour leur fille en ne se

    conformant pas à un code social strict, peuvent subir des pressions

    qui prennent la forme de représailles». Les parents s’exposent dès

    lors personnellement à des persécutions au sens de la Convention de

    Genève (CCE, arrêt n° 29 110 du 25 juin 2009). Le CCE a reconnu qu’en

    exprimant son opposition à la tradition séculaire de l’excision pour sa

    fille, le requérant (le père), se mettait au ban de la société52.

    50. CCE, arrêt n° 73 564 du 19 janvier 201251. Voir notamment CCE, arrêt n° 51 234 du 17 novembre 2010, et arrêt n° 97 222 du 14 février 201352. Voir CCE, arrêt n° 29 110 du 25 juin 2009 ; RvV n° 45 395 du 24 juin 2010 ; CCE, arrêt n° 59 081 du 31 mars 2011. Ces trois arrêts concernent néanmoins des ressortissants des pays où le taux de prévalence des MGF est extrêmement élevé (Somalie, Guinée).

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    43

    L’UNHCR estime qu’en ce qui concerne ce motif, «une requérante

    ou un requérant doit démontrer qu’elle ou il craint avec raison

    d’être persécuté(e) du fait de ses opinions politiques (généralement

    différentes de celles du gouvernement ou de certains secteurs de

    la société) ou parce que de telles opinions politiques lui ont été

    attribuées. L’opinion politique devrait être entendue au sens large,

    et comprend toute opinion ou toute question impliquant l’appareil

    étatique, le gouvernement, la société ou une politique. (…)»53.

    ◊ La religion

    Enfin, la crainte de persécution peut reposer sur un motif religieux

    dans les cas où les MGF sont infligées dans le but de se conformer à

    des normes religieuses. Chaque situation devra donc être examinée

    individuellement pour déterminer les motifs de la crainte à prendre

    en compte.

    4.3 L’absence de protection dans le pays L’absence de protection dans son pays d’origine ou de résidence

    habituelle est une condition supplémentaire à l’octroi de la protection

    internationale.

    La loi du 15 décembre 1980 (article 48/5) apporte des précisions sur

    l’agent de persécution, et sur les acteurs de protection potentiels.

    53. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale n° 1: La persécution liée au genre, op.cit., 8 p.8 para.32.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    44

    4.3.1 L’agent de persécution

    L’article 48/5 de la loi précise que la persécution ou l’atteinte grave

    peut émaner de personnes privées ou d’agents relevant de l’État

    (article 48/5 § 1er).

    Dans le cas de la crainte de MGF, l’agent de la persécution est en

    principe ‘non étatique’ puisqu’il s’agit des membres de la famille ou de

    la communauté. Il convient alors d’examiner si la requérante peut être

    protégée par les autorités (la police, la justice) de son pays pour éviter

    d’être exposée à des MGF ou d’autres persécutions qui seraient liées à

    son refus de se conformer à cette pratique.

    4.3.2 L’agent de protection

    L’article 48/5 §2 de la loi belge qui définit les acteurs de protection

    a été modifié conformément à la refonte directive qualification54 et

    prévoit qu’il y a lieu d’entendre par agent de protection :

    a) «l’État, ou

    b) des partis ou organisations, y compris des organisations

    internationales, qui contrôlent l’État ou une partie importante de son

    territoire pour autant qu’ils soient disposés et en mesure d’offrir

    une protection, conformément à l’alinéa 2. (...)»

    Encore faut-il s’assurer que les agents de protection soient en mesure

    d’offrir une protection effective et non temporaire (alinéa 2). – voir

    supra, chapitre 4.3.3 du manuel.

    Par conséquent, l’agent de protection ne peut être que l’État, des

    54. Directive 2011/95/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011, op.cit.p.7.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    45

    partis ou des organisations qui contrôlent l’État. Les associations

    de terrains ne peuvent être considérées comme des agents de

    protection. Le CCE a ainsi rappelé que les ONG locales qui œuvrent

    dans la reconnaissance et la défense des droits de la femme en Guinée

    ne sont pas des agents de protection au sens de la loi55. Un membre

    de la famille ne représente pas non plus un agent de protection. Le

    CGRA a déjà considéré – en se basant sur le «SRB mariage56» qu’une

    femme guinéenne pouvait trouver une protection auprès de sa famille

    maternelle lorsqu’elle rencontrait des problèmes avec sa famille

    paternelle. Le CCE a jugé que l’oncle maternel ne pouvait être considéré

    comme un agent de protection au sens de la loi et en a conclu que le

    motif de l’acte attaqué était erroné57.

    Enfin, pour déterminer si un parti ou une organisation internationale

    contrôle un État ou une partie importante de son territoire et y fournit

    une protection, au sens des articles 48/3 et 48/4 de la loi du 15

    décembre 1980, il est tenu compte, entre autres, de la réglementation

    européenne prise en la matière.

    4.3.3 Une protection effective des autorités ?

    La directive qualification a indiqué ce qu’il fallait entendre par

    protection effective et non temporaire. Conformément à la directive,

    l’alinéa 2 de l’article 48/5 §2 de la loi belge précise que la protection

    est généralement accordée lorsque ces acteurs de protection prennent 55. CCE, arrêt n° 98 969 du 15 mars 2013 ; a contrario les arrêts RvV n° 94 542 du 3 jan-vier 2013 et RvV, arrêt n° 97 424 du 19 février 2013 lesquels reprochent à la requérante de ne pas avoir demandé de l’aide à des associations qui militent en faveur des droits des femmes, étant donné qu’il ressort du SRB «mariage» que celles-ci existent et qu’elles sont actives non seulement à Conakry mais aussi à l’intérieur du pays.56. CGRA, service CEDOCA, «Subject Relating Briefing - Guinée – les mariages forcés», mai 2013, accessible sur demande auprès d’INTACT.57. CCE, arrêt n° 92 459 du 20 novembre 2012.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    46

    des mesures raisonnables pour empêcher les persécutions ou

    les atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système

    judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de

    sanctionner les actes constitutifs de persécution ou d’atteinte grave et

    lorsque le demandeur a accès à cette protection.

    Bien que nombreux pays où sont pratiquées les MGF prennent des

    mesures pour les interdire et prévoient des peines en cas de non-respect

    de la loi, la tradition continue. Cette coutume étant extrêmement bien

    ancrée au sein de certaines communautés, les autorités sont parfois

    réticentes à intervenir ou incapables de faire cesser ces violences58.

    Ces lois restent parfois difficiles à mettre en œuvre.

    A cet égard, la note du HCR sur les demandes d’asile relatives aux

    MGF de mai 2009 précise que, pour qu’une protection étatique soit

    considérée comme existante,

    «les États doivent faire preuve de diligence pour éliminer les MGF,

    en incluant une politique de prévention appropriée, ainsi que des

    poursuites et des sanctions systématiques et directes (et pas seulement

    des menaces) contre les crimes liés à ces mutilations (…).»59

    Notons à cet égard que l’examen du CGRA d’une crainte d’excision

    en Guinée, est généralement basée sur les informations du rapport

    CEDOCA relatif aux MGF60. Ce rapport - qui a fait l’objet de nombreuses 58. Suite à une rumeur selon laquelle les petites filles non excisées tombaient malades, de nombreuses filles ont été excisées au cours de l’été 2011, à Conakry et ailleurs en Guinée. Vu l’ampleur du phénomène, les forces de l’ordre sont intervenues à Conakry mais ont été chassées par la population. (cfr «Subject Related Briefing» - Guinée, CEDOCA les mutila-tions génitales féminines (MGF), mai 2012, p.9)59. Voir para. 21 de la Note d’orientation du HCR, mai 2009, disponible: http://www.unh-cr.org/refworld/docid/4d70cff82.html60. «Subject Related Briefing» - Guinée, les mutilations génitales féminines, CEDOCA, réa-lisé en 2012, mise à jour en 2013 et en 2014.

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    47

    critiques - relève notamment que «les autorités guinéennes luttent

    contre l’excision par des campagnes de sensibilisation et de

    prévention qui sont menées en concertation avec des organisations

    internationales et nationales (…) ainsi qu’avec les ministères de la Santé,

    des Affaires Sociales et de l’Enseignement […]». Le CGRA estime dès

    lors que l’Etat guinéen met en œuvre, activement de nombreuses

    actions de lutte contre l’excision […], et qu’au vu des informations

    objectives dont il dispose, rien ne permet de penser qu’une personne

    ne peut protéger sa fille de l’excision, en Guinée. En instance d’appel

    de ces décisions, le CCE a souvent annulé ou réformé les décisions

    du CGRA au motif que les pièces du dossier dont il disposait ne

    contenaient aucune information sur l’effectivité des dispositions

    pénales en vigueur, ni sur la protection des autorités en Guinée

    contre l’excision, ni sur les diverses formes de MGF que l’on connaît

    en Guinée61. Dans un autre arrêt du RvV, le juge a considéré, sur base

    d’informations alternatives au rapport CEDOCA que la police et les

    tribunaux en Guinée ne sont pas considérés comme un système

    judiciaire efficace pour la détection, la poursuite et la condamnation

    des infractions, dans le sens de l’article 48/5, §2, al.2 de la loi sur les

    étrangers qui détermine la protection62.

    Le CCE va plus loin dans son analyse63 dès lors qu’il juge que lorsque

    la crainte de la requérante consiste en l’exclusion sociale, en l’espèce

    une femme craignait d’être rejetée par son mari, les autorités ne

    pourront pas jouer un rôle quelconque afin de la protéger.

    61. Voir notamment RvV, arrêt n° 91 796 du 20 novembre 201262. RvV, arrêt n° 117 008 du 16 janvier 201463. CCE, arrêt n° 10 1278 du 19 avril 2013

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    48

    Enfin, dans un arrêt de principe64, le CCE estimait qu’au vu «des

    constats qu’il a pu dresser sur base des divers rapports et documents

    d’information communiqués par les parties que ni l’État guinéen, ni

    les partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie de l’État,

    y compris les organisations internationales, ne sont actuellement

    en mesure d’accorder une protection contre les risques d’excision».

    Cet arrêt va dans le sens d’une jurisprudence constante du CCE qui

    souligne au sujet de la Guinée que «la société guinéenne est une

    société inégalitaire dans laquelle une femme seule disposant

    d’un niveau d’instruction modeste risque d’être placée dans une

    situation de grande précarité et ne peut espérer trouver une

    protection adéquate auprès de ses autorités nationales»65. Le Conseil

    avait également considéré que «ce risque de persécution existe aussi

    pour les femmes qui disposent d’un niveau d’instruction élevé mais

    souffrent d’un manque d’informations relativement aux droits dont

    elles disposent, ou sont ancrées dans les traditions culturelles et

    familiales qui veulent que ce type de problème se règle en famille»66.

    Il est toutefois difficile pour le demandeur d’asile qui invoque un(e)

    (risque de) persécution lié(e) au genre, d’établir l’incapacité de l’agent

    étatique à le protéger. Ceci est souvent lié à l’absence ou au manque

    d’informations pertinentes en matière de genre sur le pays

    d’origine.67

    64. CCE, arrêt n° 122 668 du 17 avril 201465. CCE, arrêt n° 95 794 du 24 janvier 2013. En ce sens également : CCE, arrêt n° 96 487 du 31 janvier 2013 ; CCE, arrêt n° 94 072 du 20 décembre 2012 ; CCE, arrêt n° 93 832 du 18 décembre 2012 ; CCE, arrêt n° 92 770 du 30 novembre 2012 ; CCE, arrêt n° 92 336 du 28 novembre 2012 ; CCE, arrêt n° 96 947 du 13 février 2013 ; CCE, arrêt n° 97 222 du 14 février 2013, CCE, arrêt n° 102 199 du 30 avril 2013 ; CCE, arrêt n° 102 875 du 14 mai 2013 ; CCE, arrêt n° 102 812 du 14 mai 201366. CCE, arrêt n° 81 409 du 21 mai 201267. Voir Parlement européen, DG des politiques internes, Egalité des genres : Demandes

  • MGF - Manuel pratique à l’usage des avocats - Chapitre 4

    49

    Malgré cette difficulté, le CCE a parfois considéré que l’absence de

    protection des autorités nationales n’avait pas été démontrée par le

    requérant : soit qu’il n’a effectué aucune démarche pour chercher une

    protection, soit qu’il (le CCE) les a jugées insuffisantes68. Il arrive aussi

    que l’examen de la protection effective de la requérante ne soit même

    pas réalisé dès lors que presque tous les arrêts néerlandophones

    examinés dans le cadre de l’étude de jurisprudence69, concluaient à

    une absence de crédibilité des faits allégués par la requérante.

    Avant de conclure à l’absence de besoin de protection, et en vertu

    du principe de la charge de la preuve conjointe, les instances d’asile

    devraient examiner si une loi ou des mesures ont été adoptées par

    l’État, si celles-ci sont effectivement appliquées dans le pays d’origine

    et mesurer l’effet des campagnes de prévention des MGF sur le terrain,

    avant de conclure à une absence de protection internationale.

    Un tel examen a finalement été réalisé par le CCE dans un arrêt n°

    122 669 du 17 avril 2014 par une chambre à 3 juges, lequel statuait

    en l’espèce sur l’effectivité des autorités guinéennes à protéger les

    filles d’une MGF. Le CCE conclut que «les instruments et mécanismes

    mis en place en faveur des personnes exposées à un risque de MGF,

    offrent actuellement à celles-ci une protection insuffisante et non

    d’asile liées au genre en Europe - Une étude comparative des législations, politiques et pratiques axées sur les femmes dans neuf États membres de l’Union européenne France, Belgique, Hongrie, Italie, Malte, Roumanie, Espagne, Suisse et Royaume-Uni, novembre 2012, p.5068. CCE, arrêt n° 45 337 du 26 juin 2010 ; CCE, n° arrêt 52 693 du 8 décembre 2010 ; RvV arrêt n° 46 302 du 13 juillet 2010 ; CCE, arrêt n° 17 310 du 17 octobre 2008 ; RvV arrêt n° 13 157 du 26 juin 2008 ; arrêt n° 25 092 du 26 mars 200 ; CCE, arrêt n° 50 889 du 8 novembre 2010 ; CCE, arrêt n° 61 832 du 19 mai 2011 ; CCE, arrêt n° 59 081 du 31 mars 2011 ; CCE, arrêt n° 88 089 du 25 septembre 2012 ; CCE, arrêt n° 94 315 du 21 décembre 2012 et CCE, arrêt n° 97 222 du 14 février 201369. Grinberg M., Lejeune C., Etude de jurisprudence sur les pratiques traditionnelles né-fastes liées au genre : le cas particulier de la Guinée, INTACT asbl, 2013, page 60